La caricature antibonapartiste à Bruxelles durant les années 1860
p. 288-298
Texte intégral
1Les origines de la presse satirique belge sont à rechercher dans les années immédiatement postérieures à la révolution de 1830, autrement dit dans les premières années de l’indépendance de la Belgique1.
2Nostalgiques de l’Ancien Régime, exclus des fonctions et prébendes du nouveau royaume, envieux et fielleux de tous bords forment une cohorte de mécontents dont certains animent ou fournissent des textes à de petits journaux de combat sans grande audience. Le dénominateur commun de cette petite presse est le dénigrement systématique des structures nouvelles avec, en corollaire, des attaques personnelles d’une rare violence.
3Mais durant les années 1860, tout cela relève du passé, d’un passé d’autant plus lointain que les Pays-Bas ne constituent plus le danger majeur pour la Belgique.
4À cette époque, les grands motifs d’inquiétude des Belges sont évidemment la fragilité de la paix en Europe et les visées expansionnistes du régime impérial français qui, si elles étaient soutenues par la Prusse, placeraient le gouvernement belge dans une situation des plus difficiles (car cela signifierait que deux des cinq garants de l’indépendance du jeune État seraient prêts à ne pas respecter leurs engagements). En raison de l’éloignement géographique, une éventuelle intervention russe paraît des plus aléatoires, d’autant que le régime tsariste n’a jamais caché son hostilité au régime libéral que s’est donné la Belgique. L’Autriche est écartée du concert des grandes nations depuis son humiliation par la Prusse. Quant à la Grande-Bretagne, elle ne dispose pas de forces d’intervention immédiate et son aide ne pourrait être que tardive.
5Vue et analysée de Belgique, la situation est donc des plus préoccupantes. Il faut à tout prix éviter de donner un prétexte d’invasion au maître des Tuileries. Les dirigeants du pays sont particulièrement inquiets de voir la grande presse belge, toutes nuances confondues, critiquer souvent très librement la politique extérieure de Napoléon III, dont la ligne de conduite désordonnée peut effectivement mener à un conflit européen. Néanmoins ces critiques, pour sévères qu’elles sont quant au fond, restent en général mesurées quant à la forme.
6Avec la petite presse, en ces années 1860, il en va tout autrement. Une partie de celle-ci prend Napoléon III pour tête de Turc, et son escalade dans la grossièreté ne tarde pas à mettre le gouvernement belge dans un cruel embarras. Comment faire pour donner satisfaction aux récriminations françaises et pour répondre aux attaques à la fois virulentes et grossières de la presse parisienne proche du pouvoir impérial2 ? La situation se complique d’autant plus que les petites feuilles bruxelloises, afin sans doute d’augmenter leur impact sur l’opinion, utilisent des illustrations de type satirique dont Napoléon III et son entourage font les frais. Le gouvernement belge peut certes faire pression sur les procureurs généraux, malgré la séparation des pouvoirs, pour susciter des poursuites ; mais le journaliste traduit devant un jury populaire y trouve souvent une tribune et se voit quelquefois acquitté par des juges acquis à ses idées ou peu inquiets des risques encourus par la Belgique3. Quant à instituer une censure préalable, il n’y faut point songer : la Constitution l’exclut.
7Entre 1867 et 1869, les petits journaux bruxellois qui caricaturent Napoléon III et son régime sont principalement L’Espiègle (rédacteur en chef : Odilon Delimal4), La Cigale (rédacteur en chef : Charles Otterbein5), Le Diable (rédacteur en chef : Louis Claes6) et Le Grelot-Charivari belge (rédacteur en chef : Alphonse Gilliard7).
8Nous négligerons ici, comme un sujet extérieur à notre propos, l’analyse des articles dirigés contre le maître des Tuileries. Ce qui nous intéresse, ce sont évidemment les dessins et leurs thèmes, qui synthétisent, de manière souvent cruelle, les diatribes des rédacteurs.
9Au-delà du circonstanciel : l’affaire du Mexique, les vues de Napoléon III sur la Belgique, sur le Luxembourg et d’autres questions telles que l’Exposition universelle de 1867, l’indépendance de la Grèce et la question d’Orient, les deux thèmes principaux des caricaturistes étaient, d’une part, le déclin de Napoléon III et de son régime et, d’autre part, les rapports ambigus de l’empereur avec Bismarck, un homme et le représentant d’un pays, eux, en pleine ascension.
10Ces deux points sont évidemment liés, et c’est en observateurs avertis que les dessinateurs et les publicistes s’inquiètent tantôt de la collusion, tantôt de l’antagonisme des deux hommes qui tiennent les clés de la paix en Europe.
11Nous commencerons par passer en revue les caricatures de La Cigale. Elles ne sont en général pas signées et, quand elles le sont, il s’agit d’initiales8 ou d’une signature loufoque9. Quand, par contre, on trouve une identité aussi plausible qu’« Octave Boissin », les dictionnaires usuels n’en disent rien. Si « Fourm. » désigne sans doute « Fourmy » – un nom qui figure aussi dans Le Diable –, rien ne permet de déterminer s’il s’agit ou non d’un pseudonyme10.
12Dans le numéro du 19 juillet 1868, Napoléon III contemple une allégorie de la Belgique représentée au pied du lion de Waterloo, et que défendent la Constitution belge et le traité de 1815. Réflexion de Napoléon III : « Qu’est-ce que ça veut dire ? » Les rédacteurs, eux, pensent manifestement que le garde-fou contre les visées françaises réside dans la garantie des grandes puissances et dans la Constitution libérale dont les Belges s’enorgueillissent.
13Le 9 août 1868, un dessin montre la reine Victoria écumant la marmite des révolutions. Parmi les révolutionnaires : Napoléon III. Manière, évidemment, de rappeler que, sous l’empereur se cache l’aventurier, le carbonaro d’antan. Avis aux têtes couronnées et aux conservateurs ! Le 11 octobre suivant, La Cigale montre Napoléon III tirant le cordon de la forteresse Espagne et s’étonnant de n’être accueilli ni par la reine, ni par un de ses favoris. Quelques jours plus tard, le 15 octobre, Napoléon III est représenté poignets liés sur un chassepot. Le Mexique et la situation financière de la France sont deux boulets qu’il traîne, mais sa fin est proche, car la liberté et la vérité le vaincront. Toujours en octobre, mais le 25 cette fois, un dessin représente un mât de cocagne sur lequel est juchée Isabelle II ; elle tombe mais elle entraîne dans sa chute les têtes couronnées de l’Europe et le pape. Napoléon III est du nombre de ceux qui choient. Le 29 novembre, c’est le passé que l’on évoque : Napoléon III, dans un cauchemar, a la vision des victimes de son coup d’État11 (ill. 290).
14Le 24 janvier 1869, « E. M. » figure Napoléon III et Bismarck en train de jouer du trombone en échangeant des notes diplomatiques à seule fin de faire chanter les peuples. Le 7 mars suivant, « Fourm... » évoque la question du Luxembourg : Napoléon III pêche à la ligne – l’allusion est claire. Toujours en mars, le 21, un dessin de fort belle venue nous présente deux lutteurs. Il s’agit, bien sûr, de Bismarck et de Napoléon III. En sous-titre : « Comédie franco-belge ». On devine que pour les spectateurs l’enjeu de la lutte est la Belgique. Quelques jours plus tard, le 28, une pleine page donne une suite de caricatures sur l’affaire du Luxembourg. En avril, le 4, c’est le rédacteur en chef de La Cigale, Charles Otterbein, qui, sous le pseudonyme de « Otto Cordates », campe Napoléon III sur une planche à bascule : l’empereur jongle avec des militaires, avec la guerre et avec le suffrage universel. Le titre est parlant : « L’échéance de 1869 » (ill. 291). Un peu plus tard, le 6 juin, c’est à Cassagnac que La Cigale s’en prend en le qualifiant de « Gadouard des sentines impériales ». C’est là un des derniers dessins car le 11 juillet 1869 le journal disparaît. La Cigale ne chantera plus, elle ne publiera plus les communications de l’Association internationale des travailleurs et, dans ses adieux au public, Otterbein ne cache pas son amertume et son découragement12.
15Avec L’Espiègle, on se trouve en présence d’un journal qui a d’évidentes similitudes avec La Cigale13, mais dont la durée fut plus longue14. Son antériorité pouvait aussi permettre à son rédacteur en chef, Odilon Delimal, de se prévaloir de la succession du célèbre Uylenspiegel qui, par la qualité de ses illustrateurs et de ses auteurs, avait occupé la première place en Belgique sur le plan artistique et littéraire. L’abondance des caricatures antibonapartistes de L’Espiègle ne nous permet pas de les passer toutes en revue. Nous n’en décrirons donc qu’une vingtaine ; tout comme pour La Cigale, les dessins sont très souvent anonymes, sauf exceptions qui seront notées.
16Le 13 janvier 1867, L’Espiègle publie un dessin de circonstance. Napoléon III forme des vœux pour la prospérité des peuples et la stabilité des rois, mais pendant ce temps, « On assassine, on fouette, on prépare des exécutions, les Prussiens bousculent les trônes ». Le 27 janvier, c’est l’Exposition universelle que le dessinateur prend comme thème : les produits français, prussiens, anglais, russes, italiens, autrichiens, turcs, sont... des canons et des fusils – pourvus de baïonnettes. Légende : « Les produits de la civilisation au XIXème siècle ». Le 10 février, Napoléon III, porté sur un pavois, pose une couronne d’épines sur la tête d’une allégorie féminine de la Liberté. Les porteurs sont un jésuite, un juge, un soldat, et un sergent de ville. Dans l’esprit du dessinateur, l’empereur est évidemment le couronnement de l’édifice bourgeois dont il a repris les quatre symboles. Le 21 avril suivant, une suite de caricatures intitulée « Le grand mystificateur mystifié » présente Napoléon III comme la dupe éternelle de Bismarck et du roi de Prusse. L’empereur a laissé l’Autriche se faire battre à Sadowa dans l’espoir de recevoir en échange des compensations territoriales, mais les Allemands se gaussent de sa crédulité tout en piétinant joyeusement des cadavres15 Le 23 juin, les pieds dans un bassin et béquille sous le bras, l’empereur, en piteux état, laisse à Ninie (i. e. l’impératrice Eugénie), le soin d’accueillir le Grand Turc. La caricature du 7 juillet – « L’aventurier – grand opéra en 5 actes – paroles de Badinguet, musique de Juarez » – est particulièrement féroce : l’apothéose du 5e acte, c’est l’explosion de Maximilien. Le 14 du même mois, le Grand Turc traîne derrière lui la casserole de la Grèce indépendante, et Napoléon III celle du Mexique insurgé. Le 17 novembre, « L’humiliation de l’Italie », un dessin de très belle facture signé « A. Corroche16 », met en scène Umberto présentant l’Italie à Napoléon III, alité, qui la regarde de manière équivoque (ill. 292).
17L’année suivante, en 1868, la plupart des caricatures de L’Espiègle concernent la politique intérieure belge. Mais parmi les rares pièces qui traitent de la situation à l’extérieur, certaines prennent encore Napoléon III pour cible. Le 9 février, une vaste composition d’Émile Breyer donne à voir la « Situation politique de l’Europe ». Attendu par le pape et par Isabelle II, Napoléon III, funambule marchant sur la « route de Rome », perd l’équilibre pour la plus grande satisfaction des spectateurs : Garibaldi, Victor-Emmanuel, Bismarck... Le 26 avril, le même Breyer imagine « Bonaparte [décidé à mettre], au besoin, le feu aux cinq parties du monde » pour éviter que la Prusse n’établisse son hégémonie sur la France (ill. 293). Deux musiciens allemands sont présents : l’un, Guillaume, joue manifestement un air pacifique, alors que l’autre, Bismarck, s’apprête à emboucher une trompette de guerre. Le même dessin raille les prétentions contradictoires des Français et des Allemands à posséder le meilleur fusil, soit, respectivement, le chassepot et le fusil à aiguilles. Le 10 mai, un nouveau dessinateur, Van Made, représente « Napoléon de France et Guillaume de Prusse [donnant] à l’Europe le spectacle proverbial de deux chiens de faïence ». Sur la même page, le dessinateur critique la nouvelle loi sur l’organisation de la garde mobile et montre d’autre part Napoléon III donnant des leçons d’histoire à son fils pour lui apprendre l’art de gouverner les peuples à la manière de... Néron, Caligula et Sylla. Le 31 mai, trois beaux dessins : « Les trois faces de l’Empire par l’Espiègle ». Sur le premier – « L’Empire, c’est la liberté » –, Napoléon III en Robert Macaire présente une collection de petits crevés et de cocodettes. Le second – « L’Empire c’est la paix » – figure l’empereur en gardien d’oies dont le troupeau, est-il précisé, n’ira pas se battre à l’étranger. Quant au troisième et dernier dessin – « L’Empire, c’est la prospérité » –, il montre Napoléon III engrossé par la sueur du peuple, alors que les faillites abondent et que l’État fait chaque jour de nouveaux emprunts. Le 6 septembre, on trouve encore un dessin sur la situation européenne sous le titre : « Les travaux de la paix, par l’Espiègle ». On trouve aussi dans le même numéro, avec la signature « Sie », un Napoléon III en forgeron, avec la mention : « Spécialité de cadenas pour Sainte-Pélagie ». Le 1er novembre, « Malgus », soit le dessinateur Malchus, dont la signature est fréquente dans L’Espiègle, nous présente Napoléon III et Guillaume en conversation animée. Napoléon propose un désarmement général, ce à quoi Guillaume répond en traitant « Bonaparte » de farceur. Le 22 novembre, c’est au prince impérial que l’on s’attaque, qualifié de « moutard impérial » et porté sur un pavois par un paysan, un juge, un sergent de ville et un militaire. Le 13 décembre, sujet de politique intérieure française : Rouher interpelle Pinard, le ministre de l’Intérieur, pour lui reprocher sa maladresse dans l’affaire de la souscription Baudin (ill. 294). Napoléon III fait observer que cela a fait entrer « pas mal d’argent dans nos caisses et plusieurs journalistes en prison ». L’évocation de cette affaire montre que L’Espiègle suivait de très près l’actualité, car l’anniversaire de la mort de Baudin, dont les démocrates voulaient honorer la mémoire, datait du 4 décembre seulement. Pinard espérait bien des manifestations, de manière à pouvoir les réprimer, mais la gauche, qui avait compris le traquenard, se tint coite, ce qui fit de Pinard la risée de Paris et le contraignit à la démission. Le 27 décembre, sous la signature de « Marius », on évoque un bal à Compiègne où la cavalière de l’empereur lève très haut la jambe. Légende : « En avant deux ! »
18L’année 1869 voit le régime bonapartiste, en position de plus en plus difficile, se faire brocarder avec de moins en moins de retenue. L’Espiègle n’est pas en reste. Le 14 février, « Najad17 » traite de la Grèce dans « La Diplomatie à la manœuvre ». L’on voit Napoléon III, tricorne de jésuite sur le chef, en train de s’entretenir avec une femme représentant l’Angleterre pendant que Bismarck et un prétendant au trône hellénique courtisent une jeune et jolie Grèce. Le Grand Turc a un aspect peu rassurant : il est en effet armé de deux longs coutelas. Le 21 mars, dans « Balançoire européenne », un dessinateur caché sous le pseudonyme de Carillon campe l’Europe sur une escarpolette tirée d’un côté par Bismarck, de l’autre par Napoléon III. Deux cartouches périphériques figurent en outre l’empereur empêtré dans la situation intérieure française. Le 28 mars, un dessin le montre de retour d’Allemagne à Arlon par train express. On lui demande son titre de transport : le garde du train est allemand. Manifestement, l’empereur ne fait plus peur en Belgique ! Le 30 mai, c’est une allégorie sur le suffrage universel, signée par Edmond Guilliaume18, qui veut montrer au public l’inquiétude du pouvoir impérial face à l’audace croissante des candidats de gauche (ill. 295). Le dessin représente l’urne électorale des « Élections de 1869 ». Le couvercle soulevé laisse apparaître Rochefort et deux autres candidats face à un Napoléon III dubitatif. Dans le numéro du 6 juin, l’empereur, accroché à la branche du « Suffrage universel de 1869 », est physiquement à l’épreuve. Le 20 juin, une Galerie de l’Espiègle nous montre une suite de quatre scènes où Bonaparte, aidé par Hausmann, organise une émeute à Paris afin de rétablir son prestige (ill. 296). Le 27 juin, le dessinateur de service se surpasse en représentant Napoléon en aigle peu conquérant, surmonté d’un parapluie sous le qualificatif de Rifflard III (ill. 297). Il couve un œuf, l’« Incident franco-belge » et désespère de n’en voir rien sortir. Le 25 juillet, vaste composition figurant un champ de foire (ill. 298) : l’empereur, un cerceau à la taille, un pied en équilibre instable sur une bouteille, porte sur son nez une échelle au sommet de laquelle se trouve le prince impérial. Une foule nombreuse admire la scène. Un comparse bat du tambour. L’impératrice, allongée entre deux chaises, le corps en suspens, a sur le ventre une pyramide de poids de vingt kilos. Légende : « Venez voir, Venez voir, Mesdames et Messieurs l’étonnante, mirobolante et esbrouffante famille Boustrapa19 !!! » Le 15 août, L’Espiègle publie un dessin anonyme de très belle facture, dont la composition et la sûreté du trait font songer à André Gill (ill. 299). « Bonaparte » et Rouher y sont en discussion à propos d’événements récents. Henri Rochefort, derrière Rouher, lui décoche un coup de pied. À l’arrière-plan, l’hôpital de Charenton, dont Napoléon III est manifestement un pensionnaire20. Le 3 octobre, l’attaque se fait encore plus personnelle. Sous le titre « Le supplice d’un empereur », L’Espiègle publie trois caricatures qui font allusion à la maladie de vessie du souverain. Le commentaire dit en substance que, la Bourse ayant baissé, l’empereur doit redonner confiance au public en se montrant, aux courses : les bruits colportés sur la précarité de son état de santé cesseront, mais l’empereur, qui est bel et bien malade, sortira épuisé de l’épreuve. Le 10 octobre enfin, Napoléon III supplie le Temps, un noble vieillard flanqué d’un sablier, de prendre encore patience, car son fils est encore très jeune (ill. 300). Le danger allemand se profile à l’horizon, symbolisé par un casque à pointe.
19Le Diable eut une existence plus brève, mais des moyens probablement plus importants à certains moments, si l’on considère qu’il publia certaines caricatures en couleurs. La qualité de ses dessins et l’intérêt de ses thèmes de prédilection lui permettent de soutenir la comparaison avec L’Espiègle.
20Le 23 août 1868, Le Diable livre un très beau dessin signé « H », où Henri Rochefort aveugle Napoléon III par l’éclat de sa lanterne (ill. 301). Une semaine plus tard, le 30 août, « Knock » représente le même Napoléon III sous l’aspect d’un chien traînant à sa queue une autre lanterne, très probablement due, elle aussi, à Rochefort. Le 6 septembre, Knock encore montre La Guéronnière21, ministre de France en Belgique, sous les habits d’un facteur qui présente une lettre à Léopold II. Mais sa sacoche est marquée des inscriptions : « frontières naturelles – délit de presse ». Le 20 septembre, Knock toujours, dans une Galerie des souverains, présente Napoléon III entouré d’une ronde de gibets, d’une roue, de lanternes, de créatures luxurieuses et d’autres symboles non moins accusateurs (ill. 302). Le 27 septembre, une allégorie annonce pour le lendemain le triomphe de l’idée républicaine, bien que le présent soit encore sous la coupe de l’obscurantisme. Sans être en vedette, Napoléon III n’est pas absent de cette image.
21Le 3 janvier 1869, ce sont les vœux du Diable à ses lecteurs, à nouveau par Knock : au diable les rois et les prêtres (ill. 303). Enfin, le 24 janvier, pour son dernier numéro, Le Diable, en l’occurrence l’infatigable Knock hisse Napoléon III sur un tréteau pour lui faire jouer de l’orgue de barbarie : « Amour sacré de la patrie. Elle me doit sa... liberté ».
22Reste à évoquer le non moins féroce Grelot-Charivari belge. Le style en est différent et la présentation vieillotte, mais les thèmes sont quasiment les mêmes.
23Le 13 janvier 1867, Le Grelot publie un dessin montrant Napoléon III se tirant du pied une mauvaise épine : le « projet de recrutement ». Sujet d’un intérêt médiocre, sans doute, pour le public belge. Mais facture et présentation font songer à l’Uylenspiegel. Le 17, une allégorie peu claire, « Verglas », montre un Turc et un Indien à plumes poussant le pape affalé dans un traîneau – Napoléon III étant, lui, couché à l’arrière dans une position aussi peu énergique. Le 20, c’est le « Dégel » : un pâle soleil fait fondre Napoléon III et le pape représentés en bonshommes de neige. En février, le 14, le journal fait un tableau métaphorique des relations européennes de Napoléon III : l’empereur allonge son café- l’Empire français –, et ce qui l’allonge, c’est l’Exposition universelle de 1867, la nouvelle loi sur la presse et l’agitation parlementaire. Le 21 février, on est toujours dans le symbole : la République triomphe face à Badinguet, à terre, qui voudrait « relever de vieux meubles », autrement dit persister dans les traditions napoléoniennes (ill. 304). Le 3 mars, l’empereur est représenté en train d’abandonner le Mexique. Légende : « Je l’ai vu naître et je le plante là ». Le 10 mars, un dessin intitulé « Mardi-gras » évoque d’une curieuse façon la liberté de la presse : c’est une vache, que tire un Indien, et sur laquelle se trouvent de nombreuses inscriptions. Le 4 avril suivant, c’est l’Exposition universelle qui est prise comme sujet : Napoléon III, sur une estrade de saltimbanque, dépèce un poisson d’avril (ill. 305). Quelques jours plus tard, le 7, l’Exposition est à nouveau en cause, cette fois pour son refus d’exposer des produits belges : la liberté de la presse et certaines autres libertés publiques inconnues en France. Le 21, « Les vendredis saints de la vie » évoque comme des ennuis Mexique, Luxembourg et Italie, avec un long commentaire pour dire, en substance, que l’empereur a rongé tous ses os au temps de sa splendeur, et qu’aujourd’hui sa pitance est indigeste et triste. Le 25, la question du Luxembourg est sur le tapis : Bismarck et Napoléon III en viennent aux mains, mais la Belgique est au premier plan et la légende exprime crûment le point de vue des Belges : « Ce qu’on voudrait bien nous fourrer sur le dos ». Le 28 du même mois, c’est encore et toujours la question du Luxembourg qu’on évoque. Le dessin représente Napoléon III déclarant au Luxembourg : « J’te donne mon chapeau, donne-moi ton habit » (ill. 306). Le 8 mai, nouvelle allégorie pour mettre en garde les lecteurs du Grelot contre une idylle de Napoléon III, camouflé en mouton, avec l’opinion publique (ill. 307). Le temple de Janus est à l’arrière-plan. L’allusion est transparente : l’empereur a deux visages. Le 12 mai, début d’une série de dessins où le caricaturiste souligne les rapports étroits existant entre Bismarck et Napoléon III en transposant leur antagonisme en une scène hippique : ils sont, sur un hippodrome, les cavaliers et les champions d’une épreuve dont la récompense est la paix des peuples. Le 16, « Carillon » dessine en trois épisodes l’histoire de deux militaires, un Allemand et un Français : « Hier, certaine ment [les deux hommes se battent] ; Aujourd’hui, bien sûr [ils s’embrassent] ; Demain, peut-être [ils en viennent à nouveau aux mains] ». Le 23, « La Royale entente » dénonce la même hypocrisie des souverains quant à leurs soi-disant intentions pacifiques. Napoléon III, en chef d’orchestre, sur une estrade, dirige trois cent millions d’exécutants qui aspirent à la paix, mais la légende refroidit les éventuels enthousiasmes : « Quel dommage que ce soit si faux ! » Le 9 juin, enfin, c’est encore l’Exposition universelle qui inspire deux très beaux dessins au caricaturiste du Grelot. On y voit les pasteurs des peuples contraints, à l’entrée, de déposer leurs armes au vestiaire, d’endosser des habits civils, de mettre des masques grecs et de jouer du pipeau ; mais dans le même temps, Napoléon III déserte sa baraque et le soleil de l’opinion publique éclaire les figures de cire de l’Exposition. Tout n’est donc qu’apparence. La réalité, c’est l’hydre de la guerre.
24On devait deviner, à Paris, que ces attaques n’étaient pas purement belges. Delimal, par exemple, était lié d’amitié avec Rochefort22. Quant à Otterbein, on sait aujourd’hui grâce à des rapports de police devenus consultables23 que Tridon, lorsqu’il se réfugia en Belgique après la chute de la Commune, lui emprunta son identité lorsqu’il se rendit sur la côte belge, à Heyst, durant l’été de 1871, dans l’espoir de s’y refaire une santé24. Voilà qui suppose de fortes connivences personnelles. L’administration impériale tenta probablement d’acheter le silence des journalistes belges, mais, en ce cas, le succès ne fut pas grand, car les campagnes antibonapartistes ne cessèrent pas. Le pouvoir impérial voulut alors répliquer sur le même terrain en payant des journalistes et des dessinateurs pour créer et illustrer des journaux pro-bonapartistes à Bruxelles. Mais le recrutement ne fut pas très judicieux. La réputation de fieffés coquins dont jouissaient à Paris Charles Marchai, dit de Bussy, et Alexandre de Stamirowski, dit de Stamir, les précéda à Bruxelles où ils vinrent s’installer pour créer une feuille satirique, L’Inflexible. Leur tentative se termina très mal25. Il se trouva cependant pour accomplir la même besogne un autre journal, Le Franc Parleur Beige26, dirigé, lui aussi, par un publiciste de peu de moralité, Justin Caillet27. En dépit de son incontestable talent et de ses opinions de droite qui en font un cas exceptionnel, le dessinateur du journal, un certain Frédéric Poublon28, n’a pas laissé de nom dans l’histoire de l’art en Belgique. Il y eut encore Le Chérubin, dirigé par les frères Loudolphe de Virmond, dont les polémiques avec les milieux démocratiques de Bruxelles défrayèrent la chronique à la fin des années 186029. Enfin, on peut signaler Le Courrier d’État, publié à Bruxelles en 1869, mais qui avait un bureau à Paris, 27, rue de Richelieu. Le ton en était compassé, les articles bonapartistes et peu tournés vers les affaires belges. La manchette indiquait que l’on s’y adonnerait à la haute politique et à la haute finance de Cabinet !
25Sans doute l’existence même, semaine après semaine, de ces caricatures a-t-elle contribué à conforter l’opinion belge, et peut-être aussi l’opinion française, pour peu qu’elles aient pu passer la frontière, dans leur sentiment que le régime impérial n’avait plus la capacité de se faire respecter. Chacun se rendait compte que l’on vivait une fin de règne, beaucoup espéraient un changement, d’autres craignaient les bouleversements qui en découleraient, mais la plupart regardaient la fin de la pièce en spectateurs. Or les spectateurs ont besoin qu’on les amuse, que Guignol rosse le commissaire, et c’est ce à quoi s’employèrent rédacteurs et caricaturistes d’une frange de la petite presse bruxelloise. Ils purent de la sorte se considérer comme de modestes artisans de la chute d’un régime antipathique à leurs sentiments égalitaires et républicains. Il était donc naturel de leur rendre hommage.
Notes de bas de page
1 On sait que la Belgique a eu aussi sa révolution de 1830 immédiatement consécutive aux journées françaises de Juillet et quelque peu encouragée par leur exemple (N.D.L.R.)
2 On doit notamment mentionner, pour la violence de ses attaques, Paul Granier de Cassagnac, le rédacteur en chef du Pays.
3 Voir l’acquittement d’Alphonse Gilliard, directeur du Grelot, en novembre 1866.
4 Odilon Delimal (1835-1888). Voir à son propos J. Bartier, Odilon Delimal, un journaliste franc-tireur au temps de la première Internationale, édité et présenté par Francis Sartorius, Bruxelles, 1983. – L’Espiègle fondé en 1864 disparaît en 1869. Il succède à l’Uylenspiegel dont la création remontait à 1856. Sur l’histoire de ce journal voir J. Bartier, ibid. La Cigale fondée en 1867 disparaît en 1869. Le Diable fondé en 1868 disparaît en 1869. Le Grelot-Charivari belge fondé en 1859 disparaît en 1867. Son titre reflète sa fusion avec Le Charivari belge. Ce journal est bi-hebdomadaire alors que ses confrères sont, eux, des hebdomadaires (paraissant épisodiquement de façon bi-hebdomadaire).
5 Charles Otterbein (1839-1905). Adhéra très jeune au socialisme. On le trouve en effet en 1866 dans le comité organisé par des associations démocratiques en vue de recueillir des fonds en faveur de Pierre Vésinier qui se trouvait alors en prison. Avant de diriger La Cigale Otterbein avait donné des articles à L’Espiègle. On trouve aussi sa signature dans La Liberté (sous les initiales O. C.) et dans La Tribune du Peuple. Ces deux journaux de tendance socialiste étaient publiés à Bruxelles. En 1872, Otterbein quitte la Belgique pour les États-Unis (Weatherford – Texas) mais en 1876 il est à nouveau à Bruxelles où il épouse une Française, Jeanne-Françoise Mongin. En 1883, il repart pour les États-Unis et s’installe définitivement cette fois à Weatherford où il décédera. Pour plus de détails on se reportera à un ouvrage à paraître : F. Sartorius, La Petite Presse bruxelloise des années 1860. Sur ce personnage voir aussi J. Bartier, Odilon Delimal.., op cit. mais en rectifiant une erreur de prénom qui s’est glissée dans cet ouvrage Il s’agit bien de Charles et non de Frédéric (son frère) comme il est indiqué dans le travail de J. Bartier.
6 On ne trouve pas de nom d’éditeur responsable ou de rédacteur en chef dans les numéros du Diable. D’après la loi belge c’est l’imprimeur qui, dès lors, endosse la responsabilité des écrits repris dans le journal Ici il s’agit d’un certain Jean-Louis Cayrou. C’est en cherchant dans les registres de population de la Ville de Bruxelles (conservés aux Archives de la Ville) à l’adresse de la rédaction, que nous avons pu déterminer que Louis Claes était domicilié à cette adresse et qu’il était donc le directeur du Diable. Avocat du barreau de Bruxelles depuis 1858, Louis Claes (1826- ?) devient avoué en 1872. Outre ses activités discrètes de publiciste démocrate, il fut aussi un auteur dramatique. On perd sa trace en 1890, époque à laquelle il quitte Saint-Gilles pour Saint-Josse-ten-Noode. Il est possible qu’il se soit expatrié en France, car une de ses filles, Germaine Claes, se maria à Paris en 1911.
7 Alphonse Gilliard (1821-1871) fréquentait durant les années 1850 le milieu des Joyeux, société d’intellectuels non conformistes de Bruxelles, dont beaucoup étaient des collaborateurs de l’Uylenspiegel. Gilliard leur aurait lu vers 1855 une tragédie bouffonne en vers sur le thème de Samson. Après la disparition du Grelot, il devint rédacteur en chef du Progrès de Charleroi, journal libéral avancé qui fut créé en mars 1869 Gilliard décéda le 2 septembre 1871 à Marcinelle. À cette époque il était toujours rédacteur en chef du Progrès de Charleroi Voir La Chronique (Bruxelles), 18 mars 1869 ; 4 septembre 1871 ; 14 janvier 1877.
8 Nous n’indiquons pas l’absence de signature. En effet la majeure partie de ces dessins ne sont pas signés et, dans le but d’éviter la mention répétitive de « dessin anonyme », nous ne signalerons que les dessins signés soit du nom véritable de l’artiste, soit d’un pseudonyme ou supposé tel, soit d’initiales.
9 Par exemple Mr Gustave.
10 Autre hypothèse : cela n’a-t-il pas un rapport avec La Fourmi qui fut, comme La Cigale, un organe de l’Internationale à la même époque ? Voir Répertoire international des sources pour l’étude des mouvements sociaux aux XIXe et XXe siècles, vol. 1, La première Internationale. Périodiques 1864-1877. Paris, 1958, p. 9.
11 Caricature signée « O. B. », soit, sans doute, Octave Boissin, originaire de Bénévent-l’Abbaye. Il est à remarquer que les caricaturistes se réfèrent peu à des événements anciens concernant Napoléon III, alors même que ces événements sont défavorables à l’empereur. Le coup d’État du 2 décembre, qui pourtant colle à la peau de Napoléon III comme la tunique de Nessus, n’est qu’exceptionnellement évoqué.
12 Voici cet important texte d’adieu : « Dernier chant. Amis et ennemis, J’ai la profonde douleur de vous faire part de la mort de La Cigale. Après une carrière de deux années de fatigues et de luttes ; après une guerre acharnée à toutes les iniquités sociales ; après avoir porté haut et fier, à bannières déployées, le drapeau révolutionnaire ; après avoir fait trembler dans leur peau les exploiteurs du peuple, sous quelque figure qu’ils se présentassent, rois ou prêtres, potentats ou valets ; honnie, huée, bafouée, conspuée attaquée, poursuivie, condamnée, bannie de maison en maison, enviée, mystifiée, calomniée et spoliée, tenant tête à toute une meute de brigands, La Cigale aujourd’hui meurt de misère. C’était son lot. C’est le lot de tout ce qui est honnête et incorruptible. La Cigale meurt et ne se vend point. Réjouissez-vous donc, réactionnaires de tout acabit, Barbanson constitutionnels ou Barbanson républicains, exploiteurs, tripoteurs ou voleurs, La Cigale, votre ennemie acharnée, se meurt, elle exhale son dernier soupir Eh bien, que ce dernier soupir soit encore un coup de fouet pour vous : La Cigale vous lègue son plus profond mépris. Oh ! travailleurs, vous que mon chant a réveillés de la longue apathie où vous croupissiez ; vous pour qui j’ai combattu ; vous qui ne m’avez pas méconnue et qui m’avez aimée, écoutez la voix de la moribonde : En vérité, je vous le dis : vous n’avez de pires ennemis que vous-mêmes : vous êtes le nombre, vous êtes le moyen, vous êtes la force !... Et vous restez accroupis sous vos haillons, sous la botte de vos patrons et de vos maîtres !... Je vous ai montré du doigt les voies de l’avenir, je vous ai donné les liens d’une solide association, je vous ai ralliés à l’Internationale. J’étais votre avant-garde, votre sentinelle, votre phare !... Ma voix rauque tourmentait la conscience de vos exploiteurs ; mon fouet fustigeait leurs faces hideuses ! Et quand tout était fait, quand les patrons ployaient l’échine sous mon chant égalitaire, l’Internationale, me trouvant trop révolutionnaire, par la voix de ses réacteurs, m’a reniée ; du haut de ses tribunes, les spéculateurs en consommation m’ont calomniée ; et vous, vous qui m’aimiez pourtant, vous me laissez mourir de faim ! Ah ! méfiez-vous de ces prétendus progressistes... » (signé : Otter Cordates – pseudonyme d’Otterbein).
13 Tant par le fond que par la forme Outre les caricaturistes cités en cours de texte, il y a lieu de signaler un certain Ph. Lemourq ou Lemoury, auteur d’une lithographie extérieure à notre sujet.
14 L’Espiègle ne survivra guère à La Cigale. Son dernier numéro est du 24 octobre 1869. Il se prolonge quelque temps sous son ancien titre d’Uylenspiegel, du 31 octobre au 19 décembre de cette même année 1869.
15 Il est amusant de constater que les rédacteurs et caricaturistes du journal n’en sont pas à une contradiction près. Ils présentent en effet Napoléon III, tantôt comme un jobard, tantôt comme un être plein de duplicité. Si l’on fait la balance, on se rend néanmoins compte que la plupart des démocrates ont en médiocre estime l’intelligence de Napoléon III. Comme souvent en pareil cas, ce sont les meilleurs esprits du parti démocratique qui reconnaîtront à l’empereur des qualités politiques certaines.
16 Quelquefois orthographié Corroches ou Corrache. Il s’agit sans doute d’un pseudonyme que l’on pourrait peut-être rattacher à une artiste peintre de l’époque, Fanny Corr (1807-1883).
17 À notre sens, Najad est un pseudonyme.
18 Edmond Guilliaume est un ancien de l’Uylenspiegel, où il signait Aidemon.
19 L’épithète de Boustrapa avait été inventée par les ennemis de l’Empire. Elle est formée par l’addition des trois premières syllabes de Boulogne, Strasbourg et Paris, les trois villes essentielles du parcours politique de Napoléon III avant son arrivée au pouvoir. Cette dénomination est signalée dès 1852 par l’avocat général, de Gaujal, dans le procès dit des correspondants de journaux, dont le compte rendu fut publié à Bruxelles la même année. Voir Badinguettes, Paris, Henri Plon, 1870.
20 L’affaire Sandon est aujourd’hui oubliée. Il n’est donc pas inutile d’en rappeler les principaux éléments tels que les livre la presse démocratique. Extrait de La Liberté (Bruxelles), no du 2 juillet 1865 : « Séquestration de M. Sandon. Le plaidoyer de M. Sandon, imprimé récemment est déjà très répandu. Chacun veut lire ce récit émouvant d’une persécution incroyable pour le temps où nous vivons [...]. Sandon, avocat général sous la 2e République avait en sa possession des lettres “très compromettantes” du ministre et “ex-socialiste à tous crins”, Billault. Ce dernier pour les reprendre offre à Sandon des promotions et de l’argent. Refus. Alors, utilisation de la force Chaque fois que Sandon vient à Paris, on l’arrête le fouille... sans effet. Mais La Guéronnière, ami d’enfance de Sandon, se fait prêter la correspondance, en promettant sur l’honneur de la rendre dans les huit jours à Sandon et la livre à Billault. Sandon porte plainte contre La Guéronnière. Est arrêté pour la 17e fois. Tardieu, médecin de Napoléon III et cinq médecins le déclarent fou et le font interner à Charenton, à vie Mais Billault meurt, et Sandon est relâché deux mois après par sentence judiciaire » — Voir aussi La Lanterne (de Rochefort), no du 20 juillet 1868 et L’Intermédiaire des chercheurs et des curieux, t. 93, 1930, col. 99, p. 217-219. — Quant à Charles Lullier, il s’agissait d’un ancien officier de marine qui, plus tard, jouera un rôle sous la Commune. Il avait été condamné en 1869 à six mois de prison pour un soufflet donné à Cassagnac. À l’expiration de sa peine, le 31 juillet 1869, il fut poursuivi à nouveau, mais pour offense au ministre de la Marine cette fois. Voir La Lanterne (de Rochefort), nos des 31 juillet et 14 août 1869.
21 À l’occasion de la nomination de La Guéronnière comme ministre de France à Bruxelles, Ferragus, alias Louis Ulbach, publia dans La Cloche, le 29 août 1869, une biographie féroce du personnage, un rédacteur de La Patrie, en 1858, sous le pseudonyme de Brémond. En 1869, il passait pour continuer sa collaboration à ce journal sous le pseudonyme de Guéron.
22 Delimal remplace Rochefort pour un numéro de La Lanterne publié à Bruxelles. Voir I. Bartier, Odilon Delimal... Sur les activités d’Otterbein dans les milieux de l’Internationale voir un ouvrage récent : D. De Vreese, Documents relatifs aux militants belges de l’Association internationale des travailleurs. Correspondance 1865-1872, Bruxelles-Louvain, 1986. Sur les liens de Delimal avec Blanqui et ses proches, voir M. Paz, Lettres familières d’Auguste Blanqui et du docteur Louis Watteau, s.l.n.d., (1976) et F. Sartorius, « Les amis de Saint-Josse-ten-Noode. À propos de quelques relations qu’Auguste Blanqui entretint avec la Belgique durant les années 1850-1860 », Cahiers bruxellois, t. XXVII, (1985-1986).
23 Voir le dossier relatif à Tridon à Bruxelles, aux Archives générales du Royaume, « police des étrangers » no 217 093.
24 Voir J. Bartier, « Le docteur Watteau, Charles De Coster et quelques autres » dans le Bulletin de l’Académie royale de langue et de littérature françaises, t. 49, no 2, 1971
25 Sur cet épisode, voir J. Bartier, « La police politique de Napoléon III et la Belgique », texte repris in fine dans son ouvrage Odilon Delimal..., p. 195-196.
26 Créé en 1869, Le Franc-Parleur Belge, qui avait succédé au Microscope, semble avoir disparu à la fin de cette même année. Il s’agissait d’un hebdomadaire.
27 Justin Caillet (1836- ?), issu d’une famille qualifiée d’honorable, fut, très jeune, en 1856, placé à Bruxelles sous conseil de famille pour prodigalité. Il se rendit peu après aux États-Unis où il se maria, à Boston, en 1860. Revenu en Europe, il se fixa à Paris où il servit dans la garde impériale. Après un intermède bruxellois où il servit — comme on l’a vu — l’Empire, il voyagea beaucoup et devint ce qu’il est convenu d’appeler un escroc international. Voir aux Archives générales du Royaume, à Bruxelles, le dossier « police des étrangers » no 90 423.
28 Frédéric Poublon, qualifié de professeur dans les actes administratifs le concernant, était né à Barcelone le 15 août 1829 d’un père belge originaire d’Anvers. À la fin des années 1860, il occupe, à Bruxelles, une place en vue dans le monde de la petite presse ; il est directeur de La Semaine illustrée qui se crée en 1868. Il illustre par une grande composition la première page de L’Annonce illustrée, un autre journal bruxellois, dont le premier numéro sort la même année. Il est probable qu’il ait eu une activité en Angleterre avant de se fixer à Bruxelles, car on le qualifiait dans la petite presse de « Frédéric Poublon, de Londres ». Au début des années 1870, il quitte Bruxelles sans laisser d’adresse et l’on perd sa trace.
29 Voir J. Bartier, La police politique de Napoléon III...
Auteur
Bibliothèque de l’Université de Bruxelles
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Biographie & Politique
Vie publique, vie privée, de l'Ancien Régime à la Restauration
Olivier Ferret et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.)
2014