Le saint-simonisme à travers la lettre et l’image : le discours positif de la caricature
p. 155-170
Texte intégral
1Un moyen éprouvé de progresser dans un domaine d’études est de se donner un objet à la fois précis et dérangeant, clairement défini et qui, pourtant, ne rentre pas dans les catégories routinières. Tel est bien le cas du saint-simonisme.
2Nous proposons donc d’examiner la réception, mais aussi l’expression iconiques de la première école socialiste française, dont l’activité se développe entre 1825 et 1835, en concomitance, donc, avec le passage de la Restauration à la monarchie de Juillet comme avec la renaissance de l’art français de la caricature.
3Il s’agit, à partir d’un corpus limité, mais relativement structuré, de décrire quelques phénomènes singuliers dans l’espoir que leur analyse donne lieu à des inductions de portée générale.
4Car la radicalité, l’étrangeté, la nature hybride de l’idéologie et des pratiques saint-simoniennes semblent a priori devoir être de bons révélateurs du fonctionnement et du sens de l’idéologie – ce singulier est déjà une hypothèse – de la caricature. Mais, d’un autre côté, ces traits originaux brouillent les repères ordinaires des contemporains, de sorte que la lecture des documents satiriques relatifs au saint-simonisme est un exercice aussi périlleux que productif.
5Ainsi leur classification même constitue-t-elle la première difficulté : qu’est-ce, au juste, qui permet d’identifier une image comme une caricature ? Le critère de la déformation, nécessaire, n’est assurément pas suffisant. La distinction la plus évidente est encore celle qui protège les genres nobles issus de la peinture (tableaux et portraits) en rejetant tout le reste dans une confusion démocratique. Plutôt que d’user de critères définis après coup et d’imposer à la production des années 1830 des cadres génériques qu’elle ne possède pas en elle-même, mieux vaut ne pas dresser une muraille de Chine entre, par exemple, les images caricaturales et les images populaires, puisque les contemporains, eux, semblent ne pas les dissocier. Ce parti pris de respect des mentalités, de refus de tout anachronisme, n’est pas un pis-aller, mais, croyons-nous, la condition nécessaire pour accéder à des messages plus complexes qu’il n’y paraît de prime abord.
1. Le champ et les manœuvres de la polémique
6Mais peut-être n’est-il pas inutile de commencer par décrire le niveau le plus explicite, c’est-à-dire, en principe, le niveau de la polémique langagière.
7Car les positions respectives et les stéréotypes mentaux semblent fixés avant même que n’apparaissent les images. L’étonnant, dans ce processus, est que le mouvement de l’Histoire n’annule pas au fur et à mesure les différentes représentations que le saint-simonisme donne – et reçoit – de lui-même, mais les cumule : l’accusation de néo-catholicisme n’est pas effacée par le scandale de la revendication de l’abolition de l’héritage1, pas plus que le tollé provoqué par les conceptions morales d’Enfantin2 ne fait oublier les griefs d’attentat à la propriété et de cléricalisme. Le front de la polémique se déplace néanmoins en fonction de la conjoncture. La révolution de Juillet, puis le raidissement conservateur du régime issu des barricades3 entraînent des restructurations considérables des argumentations. De ce point de vue dynamique, on peut grosso modo distinguer trois temps :
- 1825. Benjamin Constant, relayé par Le Globe, dénonce le « nouveau christianisme » comme une tentative de ressusciter les corporations, une copie attardée du régime oriental des castes, un retour menaçant de la forme religieuse. Accusés d’intentions mauvaises envers l’égalité, la liberté de conscience et les droits de l’homme, les saint-simoniens en profitent pour approfondir leur analyse des illusions et des dangers contenus selon eux dans le libéralisme. Sur un plan tactique, ils essaient d’utiliser la notoriété de leurs accusateurs pour s’installer sur la scène publique, cependant que les libéraux déjouent la manœuvre (ou attisent involontairement la curiosité) en les combattant sans les nommer4.
- 1830. Les saint-simoniens se sont taillé une place dans les milieux intellectuels et politiques par leurs travaux doctrinaux, de plus en plus religieux, et de plus en plus radicaux sur les questions de la propriété et des droits des femmes. À la Chambre, en septembre, le baron Dupin, un avocat libéral très proche du nouveau roi, et l’un des piliers de Juillet, caricature verbalement ce programme en criant à la « communauté » des biens et des femmes. Le but est de déconsidérer la jeune école par un effet de scandale, étant donné qu’elle ne peut plus être étouffée par le silence. Forts de leur prestige intellectuel et solidement campés à gauche par rapport à leur calomniateur, les saint-simoniens se placent cette fois sur la défensive. Ils profitent de la publicité que leur fait la tribune parlementaire pour diffuser largement une mise au point soigneusement équilibrée5.
- Fin 1831. Suspectés d’avoir inspiré le soulèvement des canuts, divisés sur des points de doctrine capitaux et entraînés par Enfantin dans une sorte de dérive gauchiste, les saint-simoniens s’exposent à la réaction conduite par Casimir Perier. Alors même que toute l’aile républicaine (Bazard, Carnot, Reynaud, Leroux...) se sépare bruyamment d’Enfantin, mesures policières et poursuites judiciaires frappent l’organisation saint-simonienne de plein fouet (première réquisition du procureur le 28 novembre 1831, fermetures de leurs salles le 22 janvier 1832...). Les motifs invoqués sont ceux de l’ordre libéral : provocation au renversement du gouvernement, excitation à la haine et au mépris d’une classe de citoyens, provocation à la désobéissance aux lois qui régissent la propriété, captation d’héritage et outrage à la morale publique. S’ensuivent deux procès (en assises les 27 et 28 août 1832, et en correctionnelle le 19 octobre suivant), puis la dispersion de fait du mouvement6.
8Une première constatation s’impose après cette analyse chronologique : la satire retarde sur l’événement, et même sur la discussion de l’événement. La poésie satirique, la comédie des petits théâtres et le dessin caricatural, n’interviennent guère avant novembre 1831, et dans cet ordre : en commençant par le niveau le plus conceptuel. Les saint-simoniens, satire en vers en forme de réfutation, par L.M.P..., de Lyon, la première œuvre du genre signalée par la Bibliographie de la France, n’apparaît qu’en août 1831, alors que la rumeur annonçait déjà un schisme. Si le vocabulaire en est, comme de juste, violemment péjoratif, il reste académique, et (‘argumentation, menée d’un point de vue catholique, ne simplifie nullement les thèses combattues7. Tout autres sont les procédés de Louis-Bronze et le saint-simonien, parodie de Louis XI [de C. Delavigne], en trois actes et en vers burlesques, par MM. Émile Vander-Burch et Ferdinand Langlé, représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Palais-Royal, le 27 février 18328. Cette comédie, qui inaugure le costume saint-simonien au théâtre, et qui, chronologiquement, escorte la répression policière, déforme grossièrement les idées d’Enfantin. Il existe entre-temps, il est vrai, un dessin de Machereau déposé en janvier 1831, mais son cas, comme on verra, est très particulier. Et si La Caricature, au début de 1831, évoque la nouvelle espèce politique à l’occasion d’un cortège politique carnavalesque, elle s’en tient là pour n’y plus guère revenir9. En fait, la production caricaturale relative au saint-simonisme ne démarre qu’en 1832, et elle n’atteint son plein régime qu’en 1833, une fois le saint-simonisme jugé et condamné. Tous genres confondus, la satire, et singulièrement la satire imagée, ressemble donc fort au coup de pied de l’âne de la fable : elle n’est décochée à l’adversaire qu’une fois celui-ci mis à terre.
9Or, à regarder de plus près ses arguments, il apparaît qu’elle reproduit exactement les lignes de force de la polémique langagière, autrement dit de la polémique politique courante. Elle n’invente aucun de ses griefs et les emprunte à toutes mains.
10Aux libéraux d’abord, y compris les républicains avant que la distinction ne devienne conflit, elle reprend la dénonciation du saint-simonisme comme un avatar du parti-prêtre. Prétextant des formes religieuses adoptées par « l’Église » de Saint-Simon, elle a beau jeu de mettre en évidence des similitudes avec certains essais contemporains de réforme du catholicisme. Une lithographie attribuable à Delaporte associe le saint-simonisme à deux sectes concurrentes. On reconnaît d’abord l’abbé Châtel dans un « catholique français » muni d’une crosse épiscopale et d’un rouleau de papier. À ses côtés se tient un « Templier » brandissant verre et bouteille. Tous deux encadrent un « St-Simonien » – Enfantin lui-même. Le Père est reconnaissable à l’inscription brodée sur sa poitrine et passe un bras autour de la taille d’une « Femme Libre » (ill. 15210). L’intention critique est explicitée par la présence à l’arrière-plan de l’hôpital de Charenton, par la marotte arborée par Enfantin, et par la légende empruntée à La Fontaine (« Le premier qui les vit, de rire s’éclata. Quelle farce, dit-il, vont jouer ces gens-là »). L’idée originale, si, comme il est probable, il y a antériorité de date, semble provenir d’une caricature du Charivari du 22 juillet 1833, où les trois principaux personnages susmentionnés sont figurés sur une estrade de théâtre forain devant une affiche annonçant « Scènes comiques – Parades, tours de gibecière – Animaux vivants », et avec une légende vaguement versifiée (« Bien des personnes disent sans doute : ce sont des charlatans, ils vont vouloir nous arracher les dents. Non ! nous ne voulons rien, absolument rien, que votre argent11 »). Sachant que l’anticléricalisme fonde la légitimité nationale et révolutionnaire du régime de Juillet dans les premiers mois de son existence, il n’est pas surprenant que ce thème soit modulé tantôt par Le Charivari, tantôt par sa rivale louis-philipparde, La Charge, où Delaporte donne à voir Enfantin purgeant sa peine à Sainte-Pélagie (la prison des condamnés politiques) coiffé d’une « couronne papale12 ».
11Sur un second point, un conformisme d’un autre ordre et de plus vaste portée rassemble catholiques, républicains et libéraux. Car c’est en écho aux indignations de la fraction républicaine du mouvement (Hippolyte Carnot, Jean Reynaud, Pierre Leroux, etc.) devant les audaces morales d’Enfantin, que les dévots, les partisans du gouvernement bourgeois et les tenants de la gauche modérée, voltairienne et égrillarde, peuvent, avec des motivations certes variées, enfoncer le coin de l’immoralisme. « Numa », dans Le Charivari, campe « un missionnaire st.-simonien » à l’estomac rebondi et au teint cramoisi, que cernent quatre jeunes personnes bien grasses et fort décolletées. Légende : « Je cherche la femme libre13 ». À quoi un dessinateur de La Charge répond qu’« Elle est trouvée » : « une vraie guenon d’enfer », en costume de dame saint-simonienne, a pénétré dans la cellule d’Enfantin à Sainte-Pélagie et essaie de l’attirer sur son lit14.
12Le troisième argument est le grief d’escroquerie ou de vol. À l’œuvre dans l’image et dans la légende des « Charlatans » du Charivari (voir supra), il était déjà formulé dans l’une des « Capacités saint-simoniennes » de La Charge, où l’on reconnaît un adepte en train de conseiller à un bousingot d’« abandonne[r] la montre et le mouchoir » pour se faire saint-simonien, au motif que ce serait « plus comme il faut et plus lucratif15 ».
13Il se constitue de la sorte, par la répétition à satiété et par l’accord des principaux secteurs d’opinion, un véritable argumentaire universel, omnipartis, de la propagande anti-saint-simonienne. L’initiative en revient, si tant est qu’on puisse déterminer une origine distincte, à la comédie précitée, Louis-Bronze et le saint-simonien... Cette pièce précède en effet toute cette iconographie et, inaugurant avec succès la transposition artistique des réquisitoires gouvernementaux, elle fixe la thématique des représentations critiques du saint-simonisme. Son personnage central, le « Père Bouffantin » est un prédicateur bon vivant, mais aussi un escroc, qui s’introduit auprès du roi Louis-Bronze en s’attribuant des pouvoirs de guérisseur (ill. 153). Un fait est symptomatique de l’impact du rôle. En lieu et place du béret rouge réellement porté par les disciples, et qu’ils promenaient dans tout Paris, le bonnet tronconique vert et rayé de jaune de Bouffantin16 est celui d’Enfantin dans l’image populaire intitulée « Détails sur un double suicide », qui le représente au pied du tombeau symbolique de Claire Démar et de Perret-Desessarts (ill. 16217).
14En somme, la satire théâtrale et la satire imagée rompent pareillement avec les règles d’honnêteté intellectuelle et de courtoisie personnelle qui semblent de mise dans la satire en vers : il est clair que le public visé n’est pas le même, ou, du moins, qu’il n’est pas abordé par le même côté. Caricature et comédie ont ceci de commun qu’elles simplifient, individualisent, matérialisent et correctionnalisent les griefs. Pour elles, le matérialisme n’est que gastrolâtrie et débauche, et l’abolition de la propriété des instruments de travail se réduit à la captation d’héritage. Cependant, la réunion, dans un même acte d’accusation, de l’hypocrisie, de la luxure, de la simonie et du détournement de patrimoine, n’est pas une nouveauté : Bouffantin ressemble comme un frère à Tartuffe. Des procédés érigés en art théâtral par Molière : la dégradation en vices individuels de pratiques sociales de l’Église catholique telles que la sollicitation de dons post mortem, ou encore le ravalement au rang d’une vulgaire séduction de la tutelle religieuse sur les consciences féminines, fournissent à l’évidence le modèle de la caricaturisation du saint-simonisme.
2. La caricature manipulée
15Maladresse masochiste ou art subtil, les saint-simoniens ont sciemment recherché certaines de ces charges par une véritable stratégie de provocation envers les « oisifs », dans le plus pur style romantique de la bataille d’Hernani, pour piéger leurs adversaires à l’aide de leurs propres stéréotypes. Dans la phase collectiviste du mouvement, avant novembre 1831, les prédicateurs jouent amplement de la peur répandue par l’insurrection lyonnaise, agitent le spectre d’une spoliation violente des possédants pour s’ériger en recours unique. Et dans la phase féministe, proprement enfantinienne, les rédacteurs du Globe en rajoutent dans l’immoralisme. À l’outrance polémique des adversaires réplique l’outrance prophétique des apôtres, qui mordent le trait pour se faire mieux connaître et comprendre, jusqu’à incarner le reflet déformé d’eux-mêmes que leur renvoie la société.
16De fait, entre caricatureurs et caricaturés, se constatent une connivence, une collaboration, voire une substitution et une inversion des rôles. Les caricaturés n’hésitent pas à pratiquer l’auto-caricature comme moyen de propagande, et, quand ils le peuvent, à retourner l’arme contre leurs caricatureurs.
17Il est significatif à cet égard que l’entrée en caricature des saint-simoniens soit le fait d’un artiste saint-simonien convaincu et déclaré, aidé d’un lithographe – Delaporte – souvent employé par La Charge. Nous y faisions allusion plus haut, la première caricature des saint-simoniens est en effet due à Machereau (ill. 154). Distribuée par Aubert, datée, nous dit-on, du 12 janvier 1831, elle montre au premier plan un bottier installé avec sa femme sous l’auvent de son échoppe et tenant un tract intitulé « St-Simon ». Il est en conversation avec un homme en haillons, que son crochet et sa hotte surmontée d’un os désignent comme un chiffonnier. Au second plan, une procession de prêtres porte en grande pompe le Saint-Sacrement. La légende, placée dans la bouche du prolétaire si l’on s’en rapporte au geste de son bras qui semble appuyer un discours, est rédigée dans un style qui se veut populaire : « Ces Momeries là, tu sens ben que j’n’y crois pas moi, mais il faut une religion pour le peuple ». On lit également en haut et à gauche, à l’intérieur du dessin, l’inscription : « À la botte St Simonienne. Machereau bottier ». La signature « Machereau » portée au bas, à droite de l’encadrement, reprend hors dessin cette enseigne et fait sens avec elle. Il y a donc tout lieu de croire que le visage du bottier n’est autre que celui de l’artiste18.
18Comment lire cette image ? La légende, prise en elle-même, pourrait fort bien être le propos d’un bourgeois voltairien, incroyant pour son compte, mais persuadé de la nécessité, dans l’intérêt de l’ordre social, d’« une religion pour le peuple ». Cette compréhension superficielle est même sans doute celle qui s’impose d’abord à l’esprit. Mais le cynisme voltairien est difficilement imaginable de la part du misérable porteur de hotte. De plus, il contredirait la foi saint-simonienne affichée par le caricaturiste-bottier. Force est donc de prendre la légende au pied de la lettre, si l’on peut dire en l’occurrence, et d’interpréter le tout comme une prise de position en faveur du saint-simonisme en tant qu’il se propose, dans son essence et dans sa finalité, comme une religion-pour-le-peuple. De fait, Joseph Machereau, fils de portier, et qui se présente lui-même comme un « artiste prolétaire19 », livre le fond de sa pensée dans une « feuille populaire » dénuée de toute équivoque quant à la sincérité de sa foi, Du bon et du mauvais prêtre catholique. Du prêtre saint-simonien. Il y évoque d’abord l’horreur du peuple pour les prêtres austères, habillés tout de noir et tonsurés, véritables figures de carême et vivants symboles de la flagellation de la chair. À ce type caricatural, il oppose le type tout aussi caricatural du prêtre gros et gras, proche de ses origines paysannes, au « teint fleuri et animé »· au « nez vermillonné », qui rouvre son habit noir de quelque vêtement clair aime à se promener en campagne et à étudier les plantes, se comporte en « médecin des cœurs », et incite les jeunes gens à la danse dans toutes les réunions où il promène son ventre rebondi. Celui-ci, selon Machereau, offre le modèle de ce que pourrait être le prêtre saint-simonien. Il lui manquerait seulement la conscience de son opposition aux préceptes catholiques dont il persiste à se réclamer par tradition20. À la lumière d’un tel texte, l’auto-portrait de Machereau en bottier révèle ainsi un sens positif assez contraire à ce qu’on attend d’ordinaire des œuvres étiquetées comme caricatures. C’en est une pourtant, si l’on se reporte à la mention imprimée tout au bas : « chez Aubert, Éditeur du Journal La Caricature, au grand magasin de Caricatures, Gie Véro Dodat ».
19Certains projets de Machereau, esquissés dans son album, sont restés inédits, pratiquement censurés. Il est vrai qu’ils n’ont pas l’alibi de l’anticléricalisme et s’en prennent de front à la société de la monarchie de Juillet. Ainsi Machereau croque-t-il Delapalme, le respectable juge d’Enfantin, tourmenté dans son sommeil par un diablotin assis sur son ventre, en qui l’on reconnaît sans peine Enfantin. Au sévère magistrat, celui-ci désigne, trônant au plafond au-dessus de son lit, des nudités féminines aux poses voluptueuses – celles-là mêmes qui, dans un autre croquis pris sur nature décorent le plafond de la salle du tribunal. Les intentions sont cette fois immédiatement claires. D’une part, le caricaturiste dénonce l’hypocrisie d’une bourgeoisie qui condamne les saint-simoniens pour immoralité lors même qu’elle fait ses délices, jusque dans ses bâtiments publics, d’œuvres d’art licencieuses selon ses propres critères. Et, d’autre part, il récupère au profit de son opinion une scène classique du genre, celle du cauchemar des puissants de ce monde, que leur conscience châtie dans leurs songes. Le titre prévu, du reste, est « le cauchemard [sic] de Delapalme21 ». Une autre scène du même album inédit figure « M. Durand », le prototype du bourgeois, carton à dessins sous le bras, en train de discuter avec trois hommes, dont un autre bourgeois qui le présente à deux artistes saint-simoniens. Il est affublé d’un nez excessivement saillant. Propos attribué en légende à l’intermédiaire : « – Voilà Monsieur Durand, honette marchand d’estampe [plusieurs mots illisibles] bourgeois. Dans ces relations de commerce, c’est un vrai mouton. Parlez-lui des St.-Simoniens, c’est un Rinocéros » (ill. 15522). Inutile, après cela, de s’interroger sur l’absence d’autres œuvres signées « Machereau » dans la production publiée de 1832, ni sur l’exil de l’artiste en Égypte jusqu’à la fin de ses jours23.
20Écartée comme point de vue caricatural, l’idéologie saint-simonienne trouve néanmoins à s’introduire auprès de l’opinion par la voie d’images populaires au statut ambigu, à mi-chemin de la caricature anti-saint-simonienne et des images pieuses que le groupe produit sur lui-même pour les besoins de sa propagande. Un exemple assez connu est celui de la lithographie coloriée « Les moines de Ménilmontant, ou les Capacités saint-simoniennes » (ill. 156). Les apôtres y sont montrés dans leur maison de Ménilmontant, occupés à différentes fonctions domestiques et à des travaux de terrassement. Une équipe lave la vaisselle, d’autres astiquent les bottes et les cuivres, d’autres encore manient le balai... À droite, le Père, nimbé d’or, prêche au-dessus d’un groupe de terrassiers en train d’aménager le jardin pour les cérémonies publiques. Les seuls éléments comiques sont la naïveté du trait et l’étrangeté du spectacle de ces intellectuels barbus affairés à des tâches pour la plupart dévolues, d’ordinaire, aux femmes et aux gens du peuple. Le texte d’accompagnement est neutre, et l’énonciation est assumée par un observateur anonyme extérieur, qui marque ses distances avec le langage de la secte par une intervention entre parenthèses et le jeu des caractères typographiques :
« Les Apôtres (c’est le nom qu’ils se donnent) n’ont pas de domestiques ; ils se servent eux-mêmes, et les travaux sont distribués à chacun selon ses capacités. Ils prennent tous le titre de Fonctionnaires. – Leur vie est très réglée : le son du cor les éveille à cinq heures ; il les appelle aux repas et aux différents services. À des heures fixes, ils chantent en chœur. – Le Père Suprême, Mr. Enfantin, travaille parfois au jardin, et manie vigoureusement la pioche, la bêche et le râteau. C’est lui surtout qui entonne les cantiques, que répètent en travaillant les divers fonctionnaires »
21Suit une légende qui indique notamment les initiales des noms et les professions véritables des personnes représentés24. Il est donc assez clair que ce tableau a d’abord une fonction informative, et qu’il vise à étonner par le contraste entre les travaux manuels des « moines » et leurs titres sociaux éminents (docteurs en médecine, professeurs, polytechniciens, etc.). Il n’y a ni critique ni éloge, mais le symbole de l’abolition de la domesticité et l’exemplarité de la vie des saint-simoniens sont portés à la connaissance du public. La volonté d’Enfantin de populariser sa doctrine se trouve ainsi relayée. Mais rien ne permet de déterminer si les modèles sont ou non à l’origine du document. Par contre, on peut soupçonner « Ad. R. », dépositaire d’un bois très grossier sur le même sujet25, d’être le médecin saint-simonien Adolphe Rigaud. Une autre scène, à l’inverse, est difficilement attribuable à un artiste militant. Elle figure trois apôtres en train, l’un, de tenir une casserole au-dessus d’un brasero, l’autre, d’éplucher des carottes, et le troisième de cirer des bottes, pendant qu’à l’écart, dans la charmille, le Père pelote une adepte aux formes généreuses (ill. 157). Une languette de carton collée au verso permet d’animer les bras qui tiennent la casserole et ceux qui font aller la brosse à reluire26. L’infraction à la règle du célibat prescrite par Enfantin lui-même, l’expression grimaçante du cireur de bottes, l’œil allumé du cuistot, sont autant d’indications d’un point de vue satirique. Le dessin est pourtant à bien des égards très proche de celui des « Moines... » auquel il emprunte manifestement trois de ses personnages.
22Cette intoxication de la caricature par les caricaturés, qu’elle soit directement de leur fait ou qu’ils l’inspirent à un certain degré, est loin d’être le fruit du hasard. C’est justement pour fonder et diffuser la symbolique saint-simonienne qu’Enfantin a eu l’idée de la retraite de Ménilmontant après la cessation du Globe, et qu’il a pris soin d’intégrer parmi les retraitants plusieurs artistes à même d’imaginer le fameux costume et de donner grande allure aux cérémonies ouvertes au public. Cela ne pouvait pas ne pas déclencher une production d’images. Pour qui compulse les registres d’estampes de ces années-là, le fait est patent : à l’exception, bien sûr, de Louis-Philippe et de ses ministres, nulle personnalité politique contemporaine, ni, surtout, aucun groupe partisan, ne bénéficie d’un pareil traitement visuel : les saint-simoniens ont droit, et eux seuls de leur siècle, à un chapitre entier – le chapitre XI – du catalogue de la collection de Vinck.
23Or l’impact de cette production relativement abondante, à la fois informative et caricaturale, propagandiste et critique, est tel, et ses effets sont si peu négatifs qu’elle s’inscrit durablement dans la mémoire collective du mouvement socialiste. Dans son Histoire du Socialisme (1882-1884), le Communard internationaliste Benoît Malon, sans penser à mal, donne ainsi à voir Enfantin sous les traits de... Bouffantin27. À prendre les choses dans le long terme, l’opération de Ménilmontant apparaît comme un coup de propagande, pour ne pas dire de communication caricaturale, parfaitement réussi.
3. La captation des traditions symboliques
24En tant qu’éléments des codes culturels, les images sont enjeux d’authentiques batailles pour l’appropriation de mythes collectifs. Les saint-simoniens tentent sciemment de détourner les signes les plus efficaces, mais il se produit aussi, du seul fait de leur irruption dans l’imaginaire social, une redistribution pour ainsi dire spontanée de ces signes à leur profit. Il importe d’en identifier la provenance et de s’assurer de leur adéquation à la réalité de l’objet autour duquel ils se cristallisent, et qu’ils contribuent à déformer.
25La franc-maçonnerie fournit bon nombre de ses propres symboles dans la mesure même où nombre de saint-simoniens ont été ou demeurent maçons. En commençant par Saint-Simon28, l’appartenance à un ordre maçonnique est prouvée pour Bazard, Buchez, Charton, Carnot, Chevalier, d’Eichthal et Leroux. L’historien Pierre Chevallier fait même état d’une loge du Grand-Orient appelée « Les Saint-Simoniens » et qui aurait fonctionné en 1831 au moins29. Dans ces conditions, l’association avec un Templier et avec l’abbé Châtel dans la série plus haut évoquée n’est nullement arbitraire. Elle pourrait même avoir le sens non pas d’une attaque anticléricale, comme il nous avait semblé en première analyse, mais bien d’une dénonciation de l’usurpation du christianisme par les loges. Car l’abbé Châtel, lui aussi, est un homme du Néo-Temple, et dénoncé comme tel par le journal légitimiste La Quotidienne30. De plus, bien des excentricités apparentes du costume et des rites de Ménilmontant, ainsi que des images qui en résultent et qui sont reçues comme caricaturales, s’expliquent par l’utilisation au grand jour du rituel et de la symbolique maçonniques : la cérémonie de « l’ouverture des travaux du Temple » ; celle de l’adoption du fils naturel d’Enfantin ; la disposition en degrés du monticule où se tenaient les apôtres face au public ; l’ostentation des outils (voir « Les Moines... », sur la droite du dessin) ; les bras pliés en équerre, main sur le cœur, et les pieds également ouverts en équerre ; l’écharpe à l’épaule ; le collier, la barbe et les cheveux longs...
26On creuse en fait la même veine lorsqu’on regarde du côté de la Révolution. L’ouvrage monumental de Michel Vovelle, La Révolution Française, images et récit, 1789-1799, facilite heureusement le recensement des emprunts saint-simoniens à cette tradition, qui ne se prive pas elle-même de puiser à la tradition maçonnique. Quelques points de comparaison avec le Temple, les travaux, le drapeau, les costumes, et le culte de la Femme à Ménilmontant, suffiront à donner une idée de l’ampleur de la dette : Temple de l’Être suprême, Temple fédératif de Lyon (sur une montagne artificielle, surmontée par une statue de la Liberté), kiosque édifié à Dijon en 1790 piqué à son sommet du drapeau tricolore ; travaux d’aménagement (avec déploiement de pelles et de pioches) et cérémonies du Champ-de-Mars ; uniformes tricolores et costumes dessinés par David à partir de modèles antiques, médiévaux et renaissants ; bonnets phrygiens et bonnets de police ; allégories féminines de la Raison, de la Nature ou de la Loi... Tant s’en faut que l’évocation de ce patrimoine symbolique éloigne du champ de la caricature. Elle nous éclaire ses marges, à la frontière où la dérision s’envole vers l’imagination, où les artistes projettent à la société une vision prospective d’elle-même. Le Charivari, qui déclare dès son premier numéro ne pas vouloir se renfermer dans le sarcasme politique, publie le 8 juin 1833 un dessin fantastique signé « Chambellan » et intitulé « La Ville nouvelle de St.-Simon » (ill. 158). Non seulement le sujet en est inspiré par un poème en prose de Charles Duveyrier publié dans Paris ou le Livre des Cent-et-Un31, mais la silhouette anthropomorphe des bâtiments qui s’y profilent, à l’arrière-plan du paysage, est assez conforme aux esquisses de l’album de Machereau (ill. 15932) : un corps de femme transformé en temple, sorte de gigantesque statue d’Athéna, très évasé à la base et qui se termine par un casque-clocher, le tout formant compromis entre les bulbes orientaux et les flèches gothiques. La filiation avec les allégories féminines révolutionnaires saute aux yeux.
27La récupération symbolique ne fonctionne cependant pas dans un seul sens. Si le saint-simonisme a l’habileté de réactiver pour son compte des images endormies dans la mémoire sociale, il arrive aussi qu’il soit lui-même refondu dans des moules idéologiques qui contredisent ses principes. À force de jouer de l’imaginaire républicain remis à l’honneur par le régime de Juillet, il en devient prisonnier. Ainsi le féminisme pacifique d’Enfantin se trouve-t-il utilisé à contresens par un bois daté du 6 octobre 1832, « Nouvelle armée de femmes St.-Simoniennes, organisée en Corps mobile. Proclamation adressée par le Général de ce nouveau Régiment à ses compatriotes. – Marche guerrière sur ce sujet » (ill. 16033). Le « Général » est, en effet, une dame saint-simonienne reconnaissable à son costume. Mais les soldates, revêtues d’un uniforme composite et de pure fantaisie, se rangent sous une oriflamme dont la devise, « vaincre ou mourir », de même que les paroles martiales de leur hymne, contredit diamétralement la non-violence fondamentale du saint-simonisme. Ces guerrières connotent plutôt la marche des femmes sur Versailles pendant la Révolution, ou, plus probablement encore, le comportement des combattantes de Juillet, dont l’héroïsme sur les barricades est un des thèmes de la geste des Trois Glorieuses. L’air proposé pour la chanson qui accompagne l’image, celui de « La Parisienne », milite en faveur de cette seconde hypothèse. Le saint-simonisme se trouve ainsi enrôlé à son corps défendant dans le mouvement d’enthousiasme patriotique soulevé dans l’opposition républicaine par l’agitation internationale contagieuse qui résulte du renversement des Bourbons.
28L’utilisation de traditions symboliques déjà constituées et solidement implantées manifeste ici ses dangers pour l’identité et l’autonomie d’une idéologie nouvelle qui n’a pourtant d’autre voie pour se diffuser que d’en passer par le langage de tous. En s’offrant au regard public, en provoquant les producteurs d’images à le représenter, le saint-simonisme prend le risque de ne plus maîtriser ses effets, de n’être plus un sujet maître de sa parole singulière (malheureusement inintelligible à la masse en raison même de ce caractère), mais l’objet d’un discours social déformant.
4. Satire et culture populaire
29Dès lors que le discours politique de la caricature sur le saint-simonisme semble rationnellement incohérent, puisque constitué de pièces et de morceaux de provenances idéologiques tout à fait diverses, il y a lieu de se demander si ces formes communes que l’on observe chez des caricaturistes d’opinions opposées ne relèveraient pas, à un niveau d’analyse plus profond, d’une même vision du monde qui constituerait la référence commune de leur dessins.
30Bon nombre d’indices mettent sur la piste de la culture populaire, au sens ethnologique du mot. C’est, tout d’abord, l’accumulation des symboles des réjouissances festives : trognes avinées, tonneau et bouteilles, costumes pris pour des déguisements, marottes, diables et filles... C’est, ensuite, le choix comme cible privilégiée des autorités spirituelles (y compris les saint-simoniens en tant qu’ecclésiastiques), et l’inversion systématique des rôles sociaux habituels. La volonté saint-simonienne de supprimer l’exploitation de l’homme (et de la femme) par l’homme ne rend pas compte à elle seule de l’insistance des images sur le thème des « capacités » employées à des tâches domestiques, des hommes occupés à des tâches de femmes, et des femmes assumant des métiers masculins. De même qu’à Rome, pendant les Saturnales, les esclaves prenaient la place des maîtres, et les maîtres celle des esclaves, de même les « moines de Ménilmontant », ingénieurs, médecins ou artistes de profession, s’affairent à cirer les bottes, à récurer les casseroles, à laver le linge, voire à vider les pots de chambre34, etc., cependant qu’une planche consacrée aux « Occupations des dames saint-simoniennes selon leurs Capacités » imagine une saint-simonienne cordonnier, une saint-simonienne revenant de la chasse, une saint-simonienne forgeron, ou encore une saint-simonienne docteur en droit et une autre étudiant la médecine35. Une confirmation de la prise en charge du saint-simonisme par la culture populaire est apportée par la satire théâtrale. Louis-Bronze... abonde en éléments de même origine. Le roi y est cocu, et manque être battu à coups de gourdin par le personnage de « L’amour ». Le Père Bouffantin y remplace l’eau bénite par du punch, dont il vide un bol entier d’un seul trait. Au souverain, qui s’inquiète de savoir si « la femme aura le droit de porter les culottes », il répond : « Même des pantalons, des gilets et des bottes ». Et sa description de l’utopie de Saint-Simon, faite en vers de mirliton, s’inspire beaucoup du pays de Cocagne métonymiquement représenté sur les champs de foire par le fameux mât :
L’âge d’or doit renaître avec tout son éclat,
Les fleuves rouleront du thé et du chocolat ;
Les moutons tout rôtis bondiront dans la plaine,
Et les brochets au bleu nageront dans la Seine. [...]
Il neigera du vin, il pleuvra des poulets,
Et du ciel tomberont des canards aux navets...
31D’une manière générale, Enfantin se voit systématiquement représenté dans le rôle du Fou, du Bouffon. Ce travestissement commence, dans la comédie du Palais-Royal, par la déformation de son nom en « Bouffantin » (reprise dans la comédie burlesque de Cornède-Miramont36) et se prolonge par la marotte qu’il arbore dans les deux versions de la lithographie qui l’associe à l’abbé Châtel et à un Templier devant l’hôpital de Charenton, réputé pour accueillir les esprits dérangés37. Dans une série de La Charge intitulée « Galerie des Fous contemporains », le sceptre de la folie attribué au Père Fanfantin prend l’aspect d’une femme nue foulant aux pieds la morale – allégorie fidèle, mais caricaturale en elle-même, de la prophétie enfantinienne d’un Messie-femme appelé à réformer la loi conjugale chrétienne. Le portrait du fou socialiste qui se prend pour un pape est en outre surmonté d’une inscription parodiant le nom du dieu d’Israël, « Je m’en va ». Un commentaire hors dessin souligne que cela signifie que « sa tête s’en va, qu’elle déménage38 ».
32L’exemple des bois vendus chez le « fabricant d’images » Garson, illustre fort bien le fonctionnement ambivalent de cette représentation caricaturale du Père Enfantin. Ces trois bois non signés, « La mort du diable jésuitique », « La tentation de Saint-Simon », « Détails sur un double suicide » (ill. 161 et 16239), sont suivis de petits textes informatifs et de chansons pareillement anonymes. Au premier coup d’œil, ces images semblent hostiles. On tend spontanément à identifier Enfantin au « diable jésuitique » du titre, à interpréter « la tentation de Saint-Simon » comme une satire de la moralité du chef de la nouvelle religion, et, sauf le nom inscrit sur la poitrine, on reconnaît à l’attitude et au bonnet le décalque du portrait de « Bouffantin ». Mais d’un autre côté, le compte rendu du Procès est remarquablement objectif, et les paroles des chansons, loin d’attaquer les apôtres, les présentent comme « de bons lurons ». Le sujet de l’énonciation, tout en ne se découvrant pas, se donne comme un homme du peuple, un patriote (« notre drapeau d’Arcole »), un anticlérical qui aime la bonne chère et les femmes. Il appelle de ses vœux l’émancipation des femmes et se déclare en faveur du « chemin de fer » et de la paix entre les peuples. Bien mieux : la cible des critiques n’est pas ceux que l’on croit, soit les premiers nommés par le titre des chansons, mais bien les Jésuites, et leur patron saint Ignace. Les « Saint-Simons », eux, sont invités à jeter le masque pour découvrir leur vraie nature de joyeux buveurs. De sorte que le vrai sens, lisible a contrario, est celui d’un encouragement à assumer pleinement les idées émancipatrices condamnées par la justice royale, y compris les plus scandaleuses (par exemple la polyandrie des prêtresses). Le soupçon vient naturellement d’une œuvre de propagande inspirée ou déguisée. On retrouve de fait la chanson « Les Saint-Simons... » dans un recueil unique de « publications saint-simoniennes », dont la reliure porte au dos, en sus de cette indication, la mention « Ménilmontant. Feuilles populaires40 ». Le volume comporte aussi, justement, l’éloge par Machereau des prêtres bons vivants, que nous avons déjà cité. On en conclura, au moins, que les saint-simoniens et leurs caricaturistes entretiennent des liens de sympathie, sinon de complicité, lorsqu’il n’y a pas, comme on peut le croire en plus d’un cas, identité de personnes.
33L’idéologie de ces productions mi-caricaturales mi-populaires n’aurait donc d’autre fonds que cette sagesse populaire illustrée par Rabelais lorsqu’il s’adresse aux « buveurs très illustres » et « aux vérolés très précieux ». Cette sagesse que chante alors, avec un incroyable succès, le poète-chansonnier Béranger. Ce n’est pas un hasard si Béranger, dont la gloire surpassa celle de Hugo, célèbre Saint-Simon et Enfantin comme des « fous41 » en rattachant leur sagesse paradoxale à la folie du Christ, dans la tradition érasmienne de l’Éloge de la folie. À lire ces paroles étroitement associées aux images, on acquiert l’impression que le sens du saint-simonisme échappe au contrôle de ses initiateurs pour s’inscrire dans une vision du monde très ancienne et se confondre avec les valeurs carnavalesques refoulées par la Raison moderne : boire, manger, danser et aimer. La caricature apparaît alors comme un langage codé, comme un moyen de tourner les censures de toutes espèces, étatiques et idéologiques. Il n’empêche que son fonctionnement peut être parfaitement conscient : si l’auteur d’une comédie satirique fort méchante soupçonne Enfantin d’avoir tenté d’échapper à la justice en simulant la folie par d’étranges regards promenés sur ses juges42, tous les documents attestent au contraire que « le Père », dont la santé mentale est hors de doute, pensait exercer sur le tribunal ce magnétisme de la volonté dont discutaient très sérieusement les meilleurs savants contemporains. Sur le plan de la propagande, la meilleure leçon de l’expérience est tirée par le fouriériste Cantagrel, qui rédige un peu plus tard une exposition dialoguée de la doctrine de son maître sous le titre : « Le Fou du Palais-Royal ».
34C’est donc à la polysémie et à l’ambivalence de la caricature que porte à conclure l’examen du corpus considéré. La pauvreté apparente, le conformisme et les contradictions de son contenu idéologique ne doivent pas cacher le fait qu’elle constitue un mode de réflexion spécifique et qu’elle intervient activement dans la vie sociale. Pour le dire d’une manière quelque peu... outrée, l’exemple des représentations iconiques du saint-simonisme, si particulier qu’il soit, invite à situer un sens essentiel du signe caricatural au niveau de sa forme, et à reconnaître cette forme comme pleinement populaire. Mais alors que le mot « charivari » retenu par Philipon pour titre de son journal désigne malencontreusement la pratique villageoise de répression comique par la collectivité des écarts de conduite individuels qui la perturbent, le retournement positif, en fin de compte, de la caricature anti-saint-simonienne vérifie néanmoins son affirmation de la « puissance subversive » du genre43.
Annexe
Annexe : textes complets des légendes des images reproduites ainsi que des chansons évoquées
N. B. : nous respectons l’orthographe populaire des originaux.
La tentation de Saint-Simon. Par le grand Diable noir, peau de chagrin. Cantique à l’usage des Saint-Simoniens, ou seul remède efficace pour chasser l’ennemi et vivre en bon Saint-Simonien, et ne pas se casser la tête des affaires de ce bas monde !!!
Cantique d’exhortation des st.-Simoniens.
Air : Bons habitons du village.
Mangez habitans du village,
Le Père Enfantin vous le dit,
Mangez poularde et gros potage,
Les Vendredis, les samedis.
Laissez le maigre pour les autres,
Saintement vous engraisserez ;
Puisque Jésus dit aux apôtres :
Mangez ce que vous trouverez.
Buvez, bonnes gens du village,
Sauf à vous griser quelquefois ;
Noé, des hommes le plus sage,
S’enivrait chaque jour du mois.
De bon vin, remplissez vos verres,
Car Jésus n’aima l’eau, mes frères,
Que pour la transformer en vin.
Niez tout, femmes du village,
Si l’on trahit votre secret,
Ou si parfois un amant volage
Cesse pour vous d’être discret.
Nier, n’est que pure vétille,
Car on lit dans un saint écrit :
Que Saint-Pierre, dans les cieux brille,
Quoiqu’il ait nié Jésus-Christ.
Venez, fillettes du village,
Venez me conter vos chagrins ;
Si vous sentez votre corsage se rétrécir chaque matin.
Pour sainte Madeleine en larmes,
Jésus fit taire son courroux ;
Et pourtant, grâces à ses charmes,
Madeleine en fit plus que vous.
Dansez, filletes du village,
Ne redoutez pas mon courroux,
Je n’ai pas la goutte à mon âge,
Et je vais danser avec vous.
David a dansé devant l’arche,
Or profitant du chalumeau,
Dansons comme ce patriarche,
Devant l’église du hameau.
L’enfer n’est que sur cette terre,
Les cagots en sont les démons ;
Et si dieu se met en colère,
C’est contre les mauvais sermons.
Ce dieu nous fit, on m’en peut croire
Un ventre, afin de bien manger,
Un large gosier pour bien boire,
Et deux jambes pour mieux danser.
Chanson.
Air : Qui de vous a connu gros Pierre ?
Au miracle que je retrace,
Dans un récit des plus succints,
Rendons grâce au grand St.-Ignace,
Patron de tous nos petits saints.
Par un tour qui serait infâme,
Si les saints pouvaient avoir tort,
Au Diable il a fait rendre l’âme.
Le Diable est mort. (bis)
Satan l’ayant surpris à table,
Lui dit : trinquons ou sois banni ;
L’autre accepte, mais verse au Diable,
Dans son vin un poison béni.
Satan boit et prend la colique ;
Il jure, il grimace, il se tord ;
Il meurt comme un hérétique.
Le Diable est mort. (bis)
Ignace accourt : que l’on me donne,
Leur dit-il, sa place et ses droits ;
Je n’épargnerai plus personne,
Je ferai trembler jusqu’aux rois !
Vol, assassinat, guerre ou peste,
Menrichiront du sud au nord :
Dieu ne vivra que de mon reste.
Le Diable est mort. (bis)
Tous de s’écrier ! Ah ! brave homme,
Nous te bénissons dans ton fiel ;
Soudain son ordre, appui de Rome,
Vois sa robe effrayer le ciel.
Un chœur d’anges, l’âme contrite,
Dit : Des humains plaignons la sort,
De l’enfer, St.-Ignace hérite
Le Diable est mort. (bis)
Détails sur un double suicide. Commis par un Saint-Simonien et une Saint-Simonienne, qui se sont tués tous deux en se tirant un coup de pistolet à bout portant, samedi soir, rue Folie-Méricourt, no 9 à Paris. Autres détails sur leur fatale résolution, sur les pompes et funérailles qui auront lieu demain au cimetière du Père-Lachaise, à l’occasion de leur inhumation. Discours prononcé par le père Enfantin sur la tombe de ces deux malheureuses victimes de l’amour et de la jalousie. Chants funèbres des Saint-Simoniens, etc. Conversation intéressante entre eux. Lettres extraordinaires qui ont été trouvées sur la table à côté de leur lit.
« M. Perret des Issarts, âgé de 22 ans, natif de Saint-Nazaire, près Grenoble, et madame Claire Demart connue par plusieurs publications saint-simoniennes, se sont simultanément suicidés. M. le commissaire de police du quartier, appelé ce matin pour constater les faits, les as trouvés tous deux sur le lit qu’ils partageaient au moment où ils se sont donnés la mort avec un pistolet. Ils avaient pris la précaution d’allumer du charbon au réchaud qui étaient au milieu de l’appartement, afin sans doute que ce moyen ne leur manqua pas, si le premier ne réussissait pas. – Quelques papiers trouvés dans les habits du jeune Perret, peuvent donner une idée de l’exaltation de l’esprit de cet infortuné ; dans une lettre adressée à M. Gérin, curé de Saint-Nazaire, il énumère avec une sorte de colère sardonique les reproches qu’il se croyait en droit de faire à la société. Il se plaint du peu de succès de quelques publications dont il était l’auteur, et finit par déclarer qu’il est sur le point de mettre une fin au drame de sa jeune vie, comme Escousse et son compagnon dont il a exalté le courage et la vertu. Madame Claire Démar était déjà arrivée à cette époque de la vie où les femmes renoncent à plaire et à briller dans le monde ; elle était saint-simonienne, et à soutenue par plusieurs écrits que le mariage était une PROSTITUTION. »
Les saint-simoniens.
Air du vaudeville des deux Edmonds.
CHARLATANS, adroits hypocrites,
Parés du surnom de Jésuites,
Croyez-moi, pour porter vos coups
Déguisez-vous ;
Mais vous, De Simon gais convives,
Qui riez jusqu’aux sombres rives,
Quand vous donnez un grand repas,
Ne vous déguisez pas.
Vous qui paraissez en justice,
Avec des cœurs nés pour le vice,
Et qui redoutez son courroux,
Déguisez-vous ;
Mais vous qu’Enfantin, en bon père,
Guide, défend, protège, éclaire,
Dans vos discours, dans vos débats,
Ne vous déguisez pas.
Coquettes qu’on voit, à la ronde,
Tour-à-tour tromper tout le monde,
Sans en excepter vos époux,
Déguisez-vous ;
Mais vous, Sainte Simoniennes,
Qui savez en femmes humaines,
À chacun livrer vos appas,
Ne vous déguisez pas.
Coupables que l’erreur acquitte,
Et dont on vante le mérite,
Quand d’autres sont sous les verroux,
Déguisez-vous ;
Mais vous, dont Thémis, qu’on encense,
N’a pas reconnu l’innocence,
Pour mieux cacher votre embarras,
Ne vous déguisez pas.
Simonien, si votre affaire
Au public ne parais pas claire,
Que vous soyez sages ou fous,
Déguisez-vous ;
Mais si le mot escroquerie,
Chez vous n’est pas de la partie
Pour amasser force ducats,
Ne vous déguisez pas.
Caractère des saint-simoniens
Air : Les Gueux.
Les Saint-Simons
Sont des bons lurons,
Et c’est avec eux
Qu’on est joyeux.
C’est pour le bonheur du monde
Qu’ils parlent de liberté,
Et qu’ils trinquent à la ronde
Avec nous tous, sans fierté.
Les Saint-Simons, etc.
Dans les cafés, les guinguettes,
Quand ils entrent sans façon
Ils chantent la chansonette,
Et pincent le rigodon.
Lorsque l’on se met en route,
Pour revoir un bon parent,
Le chemin de fer, sans doute,
Vous y conduit promptement.
Si notre mère éloignée
Nous appelle de là-bas,
Prenons la route ferrée,
Nous volerons dans ses bras.
Lorsqu’il était à l’école,
Celui qu’on nomme Enfantin,
Sous notre drapeau d’Arcole
S’est battu comme un lutin
Quand Paris, dans les alarmes,
Vit approcher l’étranger,
Plusieurs d’eux prirent les armes.
Courant au lieu du danger.
On les a vus à l’ouvrage
Travailler soir et matin.
La sueur sur le visage,
Des durillons à la main
Si des doux fruits de la vigne
Vous avalez ; sans façon,
Vous pourrez le faire signe,
Ils en boiront un canon.
Ils ne veulent plus de guerre
Pourquoi tuer nos voisins ?
Cela fait pleurer des ères :
Il vaut mieux être cousins.
P.-J. de Béranger : Les Fous.
Air : Ce magistrat irréprochable.
Vieux soldats de plomb que nous sommes,
Au cordeau nous alignant tous,
Si des rangs sortent quelques hommes,
Tous nous crions : À bas les fous !
On les persécute, on les tue ;
Sauf, après un lent examen,
À leur dresser une statue,
Pour la gloire du genre humain.
Combien de temps une pensée,
Vierge obscure, attend son époux !
Les sots la traitent d’insensée ;
Le sage lui dit : Cachez-vous.
Mais la rencontrant loin du monde,
Un fou qui croit au lendemain,
L’épouse ; elle devient féconde
Pour le bonheur du genre humain.
J’ai vu Saint-Simon le prophète,
Riche d’abord, puis endetté.
Qui des fondements jusqu’au faîte
Refaisait la société.
Plein de son œuvre commencée,
Vieux, pour elle il tendait la main,
Sûr qu’il embrassait la pensée
Qui doit sauver le genre humain.
Fourier nous dit : Sors de la fange,
Peuple en proie aux déceptions.
Travaille, groupé par phalange,
Dans un cercle d’attractions.
La terre, après tant de désastres,
Forme avec le ciel un hymen,
Et la loi qui régit les astres
Donne la paix au genre humain.
Enfantin affranchit la femme ;
L’appelle à partager nos droits.
Fi ! dites-vous ; sous l’épigramme
Ces fous rêveurs tombent tous trois.
Messieurs, lorsqu’en vain notre sphère,
Du bonheur cherche le chemin,
Honneur au fou qui ferait faire
Un rêve heureux au genre humain !
Qui découvrit un nouveau monde ?
Un fou qu’on raillait en tout lieu.
Sur la croix que son sang inonde,
Un fou qui meurt nous lègue un Dieu.
Si demain, oubliant d’éclore,
Le jour manquait, eh bien ! demain
Quelque fou trouverait encore
Un flambeau pour le genre humain.
Notes de bas de page
1 Les saint-simoniens ne visent pas la propriété en général, mais seulement la propriété des « instruments de travail », dont ils souhaitent qu’ils soient enlevés aux « oisifs » et mis à la disposition des industriels et des ingénieurs capables de les utiliser au mieux.
2 Enfantin imagine une régulation des passions amoureuses par l’intervention spirituelle et charnelle des « prêtres » et « prêtresses », soit un compromis au-delà de la simple légalisation du divorce, entre monogamie à vie et amour libre.
3 Cette évolution s’opère par la mise en place du « système du 13 mars » [1831] de Casimir Perier et se traduit notamment par la répression, au mois de novembre suivant, de l’insurrection des canuts lyonnais.
4 Principales références : Le Producteur, premier périodique saint-simonien, à partir de son onzième numéro, en décembre 1825 (Bazard, « D’une lettre de M Benjamin Constant au rédacteur de l’Opinion ») et jusqu’à sa fin (octobre 1826), passim ; Le Globe, qui, après des annonces favorables (nos des 21 mai et 4 juin 1825 par ex), lance les accusations de matérialisme déguisé (no du 26 juillet 1825) et de cléricalisme inégalitaire (no du 9 septembre 1826), et ne cesse plus dès lors de crier haro sur le « catholicisme industriel » (no du 30 janvier 1828).
5 Lettre au Président de la Chambre des Députés (1er octobre 1830), texte tiré à 10 000 exemplaires, reproduit dans le Globe du 13 septembre 1831 et retiré à 20 000 exemplaires la même année (voir Henri Fournel, Bibliographie saint-simonienne. Paris, 1833 p 66) — On sait que Le Globe. déserté par ses rédacteurs libéraux après la révolution de juillet 1830, est progressivement passé aux mains des saint-simoniens à partir du mois d’octobre suivant.
6 Voir l’Histoire du saint-simonisme (1825-1864) de Sébastien Charléty, rééditée chez Gonthier en 1965, ou — beaucoup plus détaillé, mais difficile d’accès — Les Saint-Simoniens (1827-1838), d’Henry-René d’Allemagne, Paris, Gründ, 1930 Ce dernier ouvrage reproduit la plupart des caricatures que nous évoquons.
7 No 3667 de la Bibliographie..., a. 1831, 1ère semaine d’août Cote de l’œuvre à la Bibliothèque nationale (B.N.) : Ye 49180. Autre exemple de satire en vers, menée sur le même ton mais d’un point de vue républicain : Le saint-simonisme déconcerté. Dialogue poétique entre le révérend père supérieur des Saint Simoniens et maître Jean, philosophe montagnard. Par un ami de la patrie. (B N. : Ye 20292).
8 Cote B. N. : Y th 10334.
9 Voir « Le carnaval politique », deux planches qui se font suite, parues dans La Caricature, 17 février 1831, pl. 33 (on y voit, à gauche, « le nouveau Pape et la Papesse saint-simoniaque »), et, ibid., 10 mars 1831, pl. 38 (représentation, à droite du dessin, d’un « St Simoniste en Donquichotte » et de « son compère en Sancho prédicateur »)
10 B. N., Estampes, Coll. De Vinck no 12 211, anonyme, « Lith. Renou », s. l. n. d… Autre version de même facture, avec quelques variantes, signée, cette fois, « M[iche]l. Delaporte » et datée de 1833, ibid., no 12 212. Plusieurs saint-simoniens, avant leur entrée dans la secte, avaient participé à la tentative maçonnique de ressusciter l’ordre du Temple. — Outre la collection de Vinck (t. 95 et 96), le corpus que nous évoquons est à peu près intégralement rassemblé dans un grand carton non catalogué du Fonds Enfantin de la bibliothèque de l’Arsenal.
11 Loc. cit., signé « Fd. C. » La même scène est lithographiée en couleurs par Bénard, chez Aubert (carton du Fonds Enfantin).
12 La Charge, 2ème a., no 8 (24 février 1833).
13 Numéro du 19 janvier 1833.
14 Numéro du 2 juin 1833. Nous n’identifions pas les initiales de la signature (« DMP » selon le catalogue de la coll de Vinck, no 12 248 – ou, peut-être, MD, soit Michel Delaporte).
15 Numéro du 4 novembre 1832.
16 Costume de PHILIPPE rôle de BOUFFANTIN, dans Les Saint-Simoniens, Vaudeville. Théâtre du Palais-Royal. Maleuvre. Chez Hautecœur, Martinet, Md d’estampes (carton du Fonds Enfantin) Ce bonnet, et l’inscription « PAPA » au lieu de « LE PÈRE », sont d’ailleurs les seuls éléments dérisoires Le costume réel, qui est attesté sur d’autres représentations, est reproduit à l’arrière-plan, mais privé du béret et de l’écharpe de rigueur
17 Op. cit., anonyme A Paris, chez Garson, Fabricant d’images carton du Fonds Enfantin. On reconnaît là un canard c’est-à-dire ce type d’images que les colporteurs montraient dans les rues des villes et dans les campagnes en lisant et en chantant les textes pour les mettre à portée des illettrés. – Le suicide commun, au mois d’août 1833, de cette républicaine aux sympathies saint-simoniennes affirmées et de ce jeune auteur dramatique avait beaucoup impressionné l’opinion.
18 Coll. de Vinck, no 12 243 Date de dépôt fournie par le catalogue, p. 328.
19 Voir Religion saint-simonienne. Procès en la cour d’assises de la Seine, les 27 et 28 août 1832.., Paris, 1832, p. 28 et 175 (B. N., 8° Z 8129)
20 Op. cit., recueilli dans Publications saint-simoniennes. Ménilmontant. Feuilles populaires (exemplaire unique, B. N., 8° Z 8129).
21 Album inédit, Arsenal Ms 13 910, fo 15 v° (voir croquis du Procès, ibid., fo 32 v°). On comparera ce « cauchemar » malheureusement non daté au « cauchemar de la poire » dans Le Charivari du 12 mai 1833, où l’on voit Louis-Philippe pareillement tourmenté par une fée républicaine très dévêtue qui se tient à califourchon sur son estomac, coiffée du bonnet phrygien et armée de la balance et du glaive de la Justice
22 Ibid., fo 33 r° (autre esquisse et légende un peu différente fo 28 r° et fo 29 r°). Nous respectons l’orthographe artistique de Machereau.
23 Machereau signe encore (« Machereau, Apôtre ») les vignettes lithographiées par Bénard qui ornent la page de couverture des Chants religieux de Ménilmontant. En 1833, il part pour l’Orient avec d’autres saint-simoniens et se fixe en Égypte.
24 Coll, de Vinck, no 12 215 et carton du Fonds Enfantin.
25 « Les Saint-Simoniens Dans leur maison à Ménilmontant », Coll. De Vinck, no 12 217 et carton du Fonds Enfantin.
26 « Capacités St Simoniennes » No 27, exemplaire unique conservé dans le carton du Fonds Enfantin. L’ensemble est monté sur un carton assez fort, et découpé en suivant les contours dans la partie supérieure et sur les côtés.
27 « Le Père Enfantin », Coll. de Vinck, no 12 234 (voir également le commentaire du catalogue pour ce numéro et pour le numéro 12 236).
28 Voir Daniel Ligou, Dictionnaire de la franc-maçonnerie, P.U.F., 1987, à l’article Saint-Simon.
29 Histoire de la franc-maçonnerie française, p. 264-265 ; Michel Gaudart de Soulages, Dictionnaire des Francs-Maçons français, aux articles Bazard, Charton, Leroux, etc. A. Lebey, selon D. Ligou (op. cit. supra note 28), donne également Enfantin, mais sans preuve. Quant à d’Eichthal, son certificat est conservé à l’Arsenal dans le fonds qui porte son nom (cote Ms. 14 405/13). Nous remercions M. Bruno Étienne de nous avoir mis sur la piste de ces emprunts maçonniques.
30 Voir P. Chevallier, op. cit. supra note 29, p. 267 et suiv.
31 Op cit., recueil constitué par l’éditeur Ladvocat, Paris, 1832 t. VIII, p. 65-93.
32 Arsenal, Ms 13 910, fo 6 v° et 9 v°. Nous ignorons qui est « Chambellan » et a fortiori s’il a été en contact avec Machereau.
33 Coll. de Vinck, A 14 234.
34 « Les moines de Ménilmontant.. » et « À chacun selon ses capacités », lithographie de Bénard, signée « N. », conservée dans le carton du Fonds Enfantin (Légende : « Cré Coquin, je n’sais pas c’que l’père suprême a mangé hier, mais il n’faut pas beaucoup d’capacités pour s’appercevoir que ça n’sent pas la rose. »).
35 Op. cit., carton du Fonds Enfantin. Alors que le tableau des « Moines... » est fidèle à la réalité, si l’on peut dire, de l’utopie mise en pratique à Ménilmontant, la planche des « Occupations des dames... » ne correspond à aucune scène historiquement attestée — les saint-simoniens n’ont jamais songé à astreindre les femmes aux travaux de force et, par ailleurs, la loi s’opposait aux études supérieures des femmes. La déformation caricaturale, quoique non péjorative, n’en est ici que plus évidente. — La caricature ci-dessus évoquée de la Nouvelle Armée de femmes fournit sans doute l’argument d’une pièce de Charles Desnoyers et Cogniard sur ce thème de l’inversion des sexes Le royaume des femmes, ou le monde à l’envers, pièce fantastique en deux actes, mêlée de chants et de danses... mise en scène pour la première fois sur le théâtre de l’Ambigu-Comique le 5 décembre 1833. Les personnages féminins sont jambes nues, coiffées d’une sorte de bonnet phrygien, et revêtues d« une espèce de redingote très courte en drap bleu de ciel » (allusion transparente au costume saint-simonien).
36 Les Saint-Simoniens, comédie burlesque en trois actes et en prose, Cahors, 1835 (B. N. Microfiche m 6859).
37 À noter que dans la version avec tonneau mais sans « femme libre » Enfantin tient aussi un masque carnavalesque.
38 Lithographie de Michel Delaporte, La Charge, 2ème a., no 8 24 février 1833).
39 Carton du Fonds Enfantin.
40 Voir supra n. 20
41 Chanson intitulée « Les Fous » (t. 2 des Œuvres). Texte reproduit en annexe de cet article.
42 Voir supra n. 36.
43 Prospectus du Charivari (B. N., 8° Lc2 1328).
Auteur
CNRS-Lyon II
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Biographie & Politique
Vie publique, vie privée, de l'Ancien Régime à la Restauration
Olivier Ferret et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.)
2014