1Pour être précis, il convient de signaler qu’un autre plan vient s’intercaler avant l’arrivée des cavaliers à proximité de Pedro et ses enfants. Le gros plan de la fille de Pedro qui fixe hors champ ce que l’on suppose être des chevaux est suivi par un plan qui semble ne pas correspondre au champ de vision présumé de celle-ci. Ce plan nous montre en effet la case de Pedro et les trois cavaliers qui s’en approchent, puis s’en éloignent, une fois le constat fait qu’il n’y a personne. Le plan suivant nous montre à nouveau le visage et le regard hors champ de la fille de Pedro. Ensuite seulement, en contrechamp, le plan dont nous parlons est raccordé cette fois au précédent par le regard de la fille de Pedro : les cavaliers s’approchent de Pedro et de ses enfants.
3Antoine Gaudin, L’Espace cinématographique. Esthétique et dramaturgie, Paris, Armand Colin, « Cinéma / Arts visuels », 2015, p. 41.
4Vincent Amiel & José Moure, Histoire vagabonde du cinéma, Paris, Vendémiaire, 2020, p. 245.
6Une telle façon de procéder est déjà présente dans La Lettre inachevée lorsque Sergueï Stepanovitch assène des coups au visage d’Andreï.
7Voir l’analyse de séquence proposée par Eugénie Zvonkine, en bonus dans l’édition du DVD de Soy Cuba, Potemkine Films, 2020 (30 minutes).
8Après d’autres, par exemple : Edward Branigan, Point of View in the Cinema : a Theory of Narration and Subjectivity in Classical Film, Berlin, De Gruyter Mouton, 1984.
9Anna Caterina Dalmasso, Le Corps, c’est l’écran. La philosophie du visuel de Merleau-Ponty, Sesto San Giovanni, Mimésis, 2018, p. 279 et suivantes.
12Nous ne parlons pas d’un plan-séquence, puisqu’il s’agit bien de deux plans. Un cut survient au moment même où Jim interrompt sa marche et considère peut-être pour la première fois réellement la misère qui l’entoure.
13Anna Caterina Dalmasso, Le Corps, c’est l’écran. La philosophie du visuel de Merleau-Ponty, op. cit., p. 289.
17Jean Breschand, « Les Indiens parmi nous. The Grapes of Wrath », dans Jacques Déniel, Jean-François Rauger & Charles Tatum (dir.), John Ford. Penser et rêver l’histoire, Crisnée, Yellow Now, « Côté cinéma », 2014, p. 101-102.
18Ibid., p. 102. L’une des différences essentielles entre les deux séquences, au-delà de l’expérience singulière faite par le spectateur dans les deux cas, réside dans l’incarnation de la prise de vue subjective. Il s’agit d’un intrus dans Soy Cuba (le touriste américain). Dans le cas des Raisins de la colère, la séquence se conclut par le contrechamp du regard de la famille Joad dans son camion. Dans ce contrechamp en miroir, les occupants du camp et les Joad se regardent et se découvrent appartenant au même peuple, là où la relation entre les habitants du bidonville et le touriste américain reste dans une radicale altérité.
20Antoine de Baecque, « Les formes cinématographiques de l’histoire », dans L’histoire-caméra, Paris, Gallimard, « Bibliothèque illustrée des Histoires », 2008, p. 20 : « [L]e regard caméra remis en scène par Rossellini ou Resnais au milieu des années 1950 est né en 1945, quand les caméras et les appareils photo ont saisi l’horreur des “morts-vivants sortant des baraquements, avec un regard exorbité, d’outre-tombe”. [...] Cette forme – le regard caméra – ne devient ainsi historique et cinématographique que par la forclusion qui la refoule et la fait revenir, telle une hallucination de l’histoire et une vibration de la mise en scène. Dès lors, les yeux qui fixent l’objectif et nous regardent sont partie intégrante du siècle et des films, témoignant au plus haut point de la rencontre de l’histoire et du cinéma ».
21Gilles Deleuze, Cinéma 1. L’image-mouvement, Paris, Les Éditions de Minuit, « Critique », 1983, p. 137.
22Ibidem, p. 151 : « Le cadrage affectif procède par gros plans coupants. Tantôt des lèvres hurlantes ou des ricanements édentés sont taillés dans la masse du visage. Tantôt le cadre coupe un visage horizontalement, verticalement ou de biais, obliquement. Et les mouvements sont coupés en cours, les raccords, systématiquement faux, comme s’il fallait casser des connexions trop réelles ou trop logiques ».
23Ibidem, p. 30 pour cette citation et les précédentes.
24Voir les témoignages repris dans le documentaire de Patrick Cazals, L’Ouragan Kalatozov, prod. Les Films du Horla, 2010.
25On rappellera également, en amont de l’épisode lui-même, le prélude constitué par le plan sur la rivière qui révèle la pauvreté des habitants des maisons sur pilotis dans un contraste cruel avec le luxe relatif qui transpire du plan-séquence de la piscine.
26Voir Jacques Aumont, Le Montage. « La seule invention du cinéma », Paris, Vrin, « Philosophie et cinéma », 2015, p. 28 et suivantes.
27Antoine Gaudin, L’Espace cinématographique. Esthétique et dramaturgie, op. cit., p. 139.
29Voir Gilles Deleuze, Cinéma 2. L’image-temps, Paris, Les Éditions de Minuit, « Critique », 1985, p. 32.
32Même si, comme nous l’écrivions, nous disposons d’indications sur la façon dont elles ont créé une forme de malaise dans leur réception du côté soviétique.
33Gilles Deleuze, Cinéma 2. L’image-temps, op. cit., p. 32.
34Dork Zabunyan, « Le cinéma comme “art du contrôle” : stratégies de retournement », dans Anne Querrien, Anne Sauvagnargues, Arnaud Villani (dir.), Agencer les multiplicités avec Deleuze. Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, 1er-11 août 2015, Paris, Hermann, 2019, p. 329.
35Anne Sauvagnargues, Deleuze et l’art, Paris, PUF, « Lignes d’art », 2005, p. 250-252.
36Voir Eugénie Zvonkine, dans les bonus de l’édition du DVD de Soy Cuba, Potemkine Films, 2020.
37Voir Georges Didi-Huberman, Peuples exposés, peuples figurants. L’œil de l’histoire 4, Paris, Les Éditions de Minuit, « Paradoxe », 2012, p. 153.
38Eugénie Zvonkine, « Le peuple, sans coupe », dans Positif, no 717, novembre 2020, p. 106.
39Martin Scorsese dans les bonus de l’édition du DVD de Soy Cuba, Potemkine Films, 2020.
40Voir Georges Didi-Huberman, Désirer désobéir. Ce qui nous soulève 1, op. cit., p. 297.
41On pourrait également faire valoir la très grande proximité avec les soulèvements révolutionnaires et une ère castriste encore trop courte pour la prendre comme objet du film. Cependant, d’autres films décrivaient déjà la nouvelle réalité institutionnelle. Voir par exemple Escuela rural (Néstor Almendros, 1960), Una escuela en el campo (Manuel Octavio Gómez, 1961), Médicos de la sierra (Alberto Roldán, 1961). Des films qui insistent sur les réussites du régime castriste en mettant en scène de nouveaux héros : l’alphabétiseur, le maître d’école, le médecin rural, le paysan, le soldat. À ce sujet, voir Emmanuel Vincenot, « Cinéma et propagande à Cuba : de la ferveur nationaliste à l’engagement révolutionnaire », dans Jean-Pierre Bertin-Maghit (dir.), Une histoire mondiale des cinémas de propagande, [2008], Paris, Nouveau Monde éditions, 2015, p. 681-699, en particulier p. 690.