De l’archipel au continent noir
Les représentations médicales de la femme dans la seconde moitié du xviiie siècle
p. 183-202
Texte intégral
1Rassurons le lecteur – le sujet pourrait à lui seul couvrir plusieurs thèses : il ne s’agira ici ni de traiter de toutes les mutations que connurent les représentations de la femme dans la seconde moitié du xviiie siècle, ni même de rendre compte de l’immense littérature médicale qui lui fut alors consacrée ; on se concentrera ici pour l’essentiel aux Traités des maladies des femmes, « sous-genre » remontant au De mulierum affectibus d’Hippocrate. Que les médecins aient beaucoup écrit sur la femme à l’âge classique témoigne plus d’une curiosité que d’une maîtrise. La métaphore géographique à laquelle Freud recourt en 1926 pour confesser son peu de certitude sur « la vie sexuelle de la femme adulte » – « un Continent noir (dark continent) pour la psychologie », Psychanalyse et médecine – renvoie, pour s’en démarquer, à l’esprit de « pionnier » qui avait animé les anatomistes de la fin du xvie siècle, que la progressive levée des interdits sur la dissection avait enfin autorisés à « arpenter » plus d’une terra incognita, et en particulier ces mystérieuses « parties de la génération du sexe », autrement dit, des femmes. Les « progrès » qui durant deux siècles furent accomplis dans ce domaine relèvent davantage du dépoussiérage que de la découverte : quelques îlots de certitude dans une mer d’ignorance.
2D’où la question des rapports de leurs écrits à la littérature et à la tradition. Parce que la simple connaissance de l’anatomie était encore faillible et pouvait être l’objet de polémiques intestines, les médecins de l’âge classique recouraient par nécessité et compensation à la rhétorique, à ce « style » qu’une célèbre formule de Buffon oppose aux connaissances, toujours promises à l’obsolescence, ainsi qu’à la littérature proprement dite, au travers de références, de citations. Si à l’inverse, les médecins de la seconde moitié du xviiie siècle veillent à ne plus guère mélanger les genres, entendent proposer avec une rigueur nouvelle un savoir positif sur la femme, débarrassé des vieilles « erreurs populaires », l'originalité de leur propos demeure problématique. Les bases de l'embryologie sont posées à la fin du xviie siècle, au moment où s’affrontent ovistes et animalculistes. Rigueur expérimentale et passion du système faisant alors bon ménage, l’assimilation erronée des spermatozoïdes, « découverts » par Leeuwenhoek et Hartsöker en 1678, à des hommes en réduction bloqua pour plus d’un siècle la compréhension du phénomène de la génération. Au temps de l'Encyclopédie, plus enclins à nuancer les anciens systèmes qu’à même d’en forger de nouveaux, les médecins en sont souvent « réduits » au rôle de moralistes, capables, selon certains, d’appréhender l’identité de la femme par la seule observation de ses organes génitaux. Au moment où l’on proclamait non plus tant Légalité des droits entre hommes et femmes – De l'égalité des deux sexes de Poullain de la Barre, 1673 – que les responsabilités nouvelles qui incombaient aux mères, les médecins furent les premiers maîtres d’œuvre de cette nature féminine à l’origine de l’aliénation de la condition de la femme à l’époque moderne.
3À ne considérer que le ton et la posture discursive de leur auteur, les traités médicaux sur la femme après 1750 se démarquent par un surcroît de rigueur et de prudence dans l’affirmation, un renoncement aux accents et à l’enjouement des médecins d’antan. Le respect des bienséances proprement dit s’était imposé dès la Querelle des Anciens et des Modernes, conformément au dogme nouveau et officiel de la chasteté de la langue française. En plein débat concernant la supériorité de celte dernière sur sa trop libre mère latine, le médecin Barlès assure en 1674 avoir fait ce qu’il « a pu » pour parler « honnêtement » des organes féminins servant à la génération : « Et s'il m’est échappé quelque terme qui semble choquer la pudeur, je proteste que je ne m’en suis servi que pour taire comprendre [au lecteur] plus facilement ou la composition, ou l’usage de quelques parties1. » Le scrupule sera poussé jusqu’à l’absurde chez certains médecins chrétiens, tel Philippe Hecquet traitant dans son De l’indécence aux hommes d’accoucher les femmes de ces « parties que la pudeur empêche de nommer », mais que son sujet contraint d’évoquer. Si les médecins des Lumières songent tout autant à ménager la sensibilité de leurs lecteurs, l’idéal scientifique et pédagogique qui les anime les conduit à plus de souplesse. Dans les années 1740, La Mettrie ne ménage pas ses confrères pudibonds qui s’obstinent à recouvrir les corps et leur ignorance des voiles de la langue latine et de la métaphore, à parler non pas de matrice mais d'utérus, non pas de grandes lèvres mais de grandes ailes, « comme si la vulve était un moulin2 ». Les considérations de bienséance freinèrent sans doute moins le progrès des connaissances qu’elles ne manifestaient la fragilité de ces dernières. Le temps de l'Encyclopédie se caractérise néanmoins par une progressive fixation de la nomenclature anatomique et, pour ce qui regarde les parties honteuses, par un renoncement assez généralisé, même si c’est souvent à contre-cœur3, aux inventaires rabelaisiens des noms possibles de la chose.
4De pur objet de curiosité, la femme fut dans le même temps promue au rang de sujet à instruire, de possible destinataire d’une parole médicale désormais respectueuse d’une pudeur qu’elle avait elle-même instituée. En même temps que diminua la part du littéraire (normalisation du vocabulaire, renoncement aux citations grecques et latines4) s’estompa la misogynie consubstantielle au discours médical sur la femme jusqu’au début du xviiie siècle. Insensiblement se raréfièrent puis disparurent l’enjouement d'un père Lazare devant les « merveilles » dont la femme « a été particulièrement embellie : la face, les mamelles et la matrice5 », la méticulosité maniaque et puérile avec laquelle un Tauvry ou un Barlès théâtralisaient leur dissection de l’anatomie féminine, notant chacune de leur découverte (On voit que...), chacun de leur geste, le passage du doigt au couteau, puis du couteau à la bouche, quand, à l’image de l’Orcotome des Bijoux indiscrets et pour déterminer l’origine de ses vaisseaux sanguins, le second s’était fait un devoir de « souffler dans le clitoris6 »... Disparaissent enfin les prolégomènes consacrés à Ève ou à Pandore, et aux « mille misères » dont sont cause le corps féminin et spécifiquement ses parties sexuelles, « souvent infectées d’un sang corrompu, et de quantité d’ordures, [...] souillées et mouillées chaque jour par l’urine, [...] répand[ant] une odeur puante, et comme ensoufrée ». Toute violente et compulsive qu’apparaisse cette longue diatribe « gynophobe », elle fut composée par Palfyn en 17087 en préambule d’une « Description des organes de la femme servant à la génération » beaucoup plus rigoureuse et neutre : comme s’il avait été nécessaire, pour mettre à jour un savoir neuf et scientifique, de procéder à une forme d’exutoire rituel et rhétorique, de purger par avance la parole médicale de ses scories littéraires et ses relents augustiniens.
5Le désir nouveau de rigueur et d’objectivité caractérisant les traités des Lumières ne fut pas pour autant uniforme : les décennies 1750-1760 sont celles où se manifeste le plus nettement ce souci de délivrer, à destination d’un public de spécialistes – masculins (étudiants et médecins) – une parole claire et scientifique sur la femme (ouvrages de Fitzgerald, d’Astruc ou de van Swieten). Les traités du dernier quart du siècle tendent en revanche à proposer pour un lectorat féminin une version simplifiée de ce savoir. Soucieux d’utilité et de progrès hygiénistes, ils joignent à un socle de connaissances de base des conseils (vestimentaires et culinaires) et des remèdes, plus proches de la « recette de bonne femme » que du traitement médical. Hamilton destine son Traité des maladies des femmes et des enfants à ses anciennes patientes, dont il avait si souvent constaté et regretté l’ignorance ; Boyveau affirme la même année qu’« en parlant des femmes, c’est aux femmes que je m’adresse : je n’ambitionne que leur suffrage. Les guérir, ou du moins adoucir leurs souffrances et les consoler est mon unique but8 ». Cette féminisation du lectorat conduisit dans certains cas à une résurgence de la littérature. Retour moins aux anciennes tonalités égrillardes, qu’au dogme classique du Placere et docere. Bien que rigoureux dans son information, le De la femme de Roussel est publié en 1788 dans la très populaire Bibliothèque des dames, dans un format réservé d’ordinaire aux contes (in-16°), sans division par chapitres ou index, pour une lecture cursive (supposée) de pur divertissement. Polyphonique, voire hétéroclite, l'Histoire naturelle de la femme de Moreau fait alterner descriptions anatomiques, considérations morales et citations de grands philosophes ou poètes :
Pour justifier cette espèce de compilation et ce rapprochement d’objets qui paraissent aussi différents, nous pourrions dire que le charme du sujet semblait les rendre nécessaire, et que nous avons désiré comprendre et réunir dans notre travail tout ce que l’on avait écrit de plus remarquable sur la femme envisagée sous les divers rapports qui nous ont occupé ; mais un motif plus puissant encore nous a déterminé.
Nous avons désiré que cet ouvrage pût être lu avec quelque intérêt par les gens du monde et surtout par les femmes qui n’auraient pas été pour nous un sujet particulier d’étude et de méditation, sans l'espoir de les engager à s’instruire de nos recherches, dont les résultats peuvent contribuer, dans plusieurs circonstances, à leur bonheur et à leur conservation9.
6Volonté de « consoler » les femmes chez Boyveau, de contribuer à leur « conservation » chez Moreau : l’idéologie s’infiltra très vite dans les interstices d’un discours savant aspirant en apparence à plus de lisibilité. Le « souci des femmes » qui caractérise les traités médicaux du tournant des Lumières participa de leur métamorphose de créatures ordes et inquiétantes en êtres charmants mais fragiles ; nous y reviendrons.
7Un dernier aspect de la transformation formelle du discours médical sur la femme mérite auparavant d’être évoqué : celui concernant les planches anatomiques. Plus encore que le commentaire qu’elles accompagnaient, les images des organes génitaux féminins évoluèrent au gré des ambitions des médecins et de l’idéologie de la femme qu’ils entendaient éventuellement promouvoir. À défaut d’une histoire un tant soit peu complète de cette branche de la gravure anatomique, on évoquera ici quelques exemples significatifs. Le contraste saisissant entre les représentations des « parties naturelles » des deux sexes, dans le traité de Venette de 1687, De la génération de l'homme ou tableau de l'amour conjugal, illustre l’origine fantasmatique de la curiosité masculine pour la génitalité féminine. Pour les « Parties naturelles de l’homme », une simple verge surmontée, unique touche réaliste, d’une touffe de poils pubiens ; pour les « Parties naturelles de la femme », le sexe exhibé d’un corps féminin allongé, jambes écartées, chemise relevée sur le ventre, un sein en perspective. D'un côté, un organe isolé, séparé de son corps, anatomisé, dès l’abord concevable comme objet d'étude ; de l’autre, un dispositif iconographique d’ordre pornographique, installant le spectateur en position moins de curieux que de voyeur. Si le parti pris de scientificité et le perfectionnement des techniques de dissection poussèrent les médecins du xviiie siècle à privilégier plutôt la représentation des organes internes de la génération, le fantasme n’en continua pas moins pendant tout le siècle à investir l’image anatomique.
8Chez Palfyn, la tension observée plus haut entre une préface rhétorique et exutoire et un texte neutre est redoublée par le dyptique que forment le frontispice de l’ouvrage et les planches anatomiques proprement dites. Allégorique, le premier (ill. 1) place sur un piédestal une femme nue au corps athlétique, observée, nouvelle Suzanne, par de doctes vieillards. Si un voile pudique recouvre les « parties » du corps auxquelles sera consacré l’ouvrage, reptiles et animaux étranges (telle cette sorte de tortue à longue queue écaillée que piétine la femme), monstres en bocaux et en effigie rappellent au lecteur combien ce sujet est digne des meilleurs cabinets de curiosité. Sa charge libidinale est également suggérée par les deux saynètes figurées au second plan, mettant en parallèle viol (à gauche) et accouchement (à droite). En somme, un frontispice entretenant l’intérêt et l'effroi suscités par le noir continent féminin. À l’opposé de cette image surchargée de symboles, les planches anatomiques des organes génitaux semblent allier précision et clarté (ill. 2) : à la différence de Venette, les organes sont ici séparés du corps, sans apparente mise en scène. Les légendes accompagnant ces figures font en revanche resurgir les fantasmes présidant à l’exhibition de l’anatomie féminine. Ainsi est-il précisé, de manière aussi inutile que suspecte, que la ligure II « représente la partie honteuse d’une tille vierge, tout fraîchement détachée de son corps ». La figure centrale, figurant de bas en haut, selon une hiérarchie moins réaliste que morale, vessie (figurée « hors de sa place » est-il précisé), vagin et matrice, paraît, elle, commandée par un souci d’esthétisation : l'étalement de la figure, la répartition des ombres confèrent presque à l’organe un aspect vivant, impression que vient corroborer la légende indiquant que les « ligaments membraneux de la matrice » (DD) « ressemblent à des ailes de souris chauves ». Sous la planche moderne, on retrouve la vieille assimilation aristotélicienne de la matrice à un animal.

III. 1. Jean Palfyn, Description anatomique des parties de la femme, qui servent à la generation ; avec un traité des monstres, frontispice, 1708.

III. 2. Jean Palfyn, Description anatomique..., planche i, 1708.

III. 3. « La matrice ». dessin de Haller, dans Encyclopédie, Planches, vol. I, pl. xii, 1762.

III. 4. Jean Astruc, Traité des maladies des femmes, Tome I, pl. iv, 1761
9C’est sans doute avec la fascinante image de la matrice dessinée par Haller pour l'Encyclopédie (ill. 3) que le parti pris d’esthétisation paraît le plus poussé. La table de dissection cède la place au paysage imaginaire ; dissymétrique, bariolé et moucheté, l’organe s’apparente à une robe sans manches ni cerceaux, conforme à la mode de la seconde moitié du siècle, dans un jeu sans doute conscient avec la nomenclature classique qui parlait de corps ou de tunique de la matrice. Toute en courbures et en volutes, l’image de Haller draine sans doute moins de phobie du féminin ; elle n’en est pas moins une projection très explicite de l’idéologie promue par le discours médical de la fin du xviiie siècle, qui réduisit la femme à sa nature, et son corps à sa seule matrice, à ce drapé d’organes dans lequel il lui suffisait de se glisser.
10Mais était-il possible de représenter les organes génitaux de la femme de manière « neutre » ? L’image de la matrice, contemporaine à la gravure de Haller, reproduite dans le très sérieux Traité des maladies des femmes de Jean Astruc (1761) (ill. 4), est une tentative de représentation purement rationnelle. Tenant à la fois de la figure géométrique, du plan de Paris et du dessin d’enfant, la matrice d’Astruc est conforme à sa volonté proclamée de « se garder » dans ses recherches « de suivre son imagination », pour ne pas « donn[er] à la médecine un air de roman10 » comme ses devanciers. Simplifié à l’extrême, le dessin invite moins à se représenter l’organe qu’à comprendre son mode de fonctionnement. Souci pédagogique conduisant paradoxalement Astruc à proposer de l’organe réel une vision encore plus imaginaire que ses moins scrupuleux confrères... :
Il faut observer que cette figure fait voir la face interne de la tunique de la matrice, du côté de la cavité de la matrice, dans laquelle les appendices débordent comme on l'a dit. On n'a pas laissé d’y représenter les vaisseaux laiteux, qu’on ne peut point voir pourtant que de l’autre côté de cette tunique, comme on l’a dit, mais on n’a qu’à supposer que cette tunique est transparente, et par ce moyen on voit du même coup d’œil, les appendices veineuses, et les vaisseaux laiteux, et l’on est d'autant mieux en état de juger de leur action réciproque11.
11La dimension plus littéraire et idéologique des traités médicaux du tournant des Lumières apparaît enfin dans le caractère régressif qu’y présentent certaines de leurs gravures. Ainsi de cette planche d’un cas d’hermaphrodisme proposée par Moreau dans son Histoire naturelle de la femme (1803) (ill. 5). La position du corps offert est exactement semblable à celle qui permettait à Venette, un siècle plus tôt, de représenter les « Parties naturelles de la femme » ; de la femme exhibée comme monstre, on est passé à l’exhibition de la femme-monstre. La rareté du cas sert ici d'alibi à la satisfaction d’une curiosité qui n'est d’évidence que peu intellectuelle, comme le confirmerait, si besoin était, la comparaison avec une gravure contemporaine, explicitement pornographique (ill. 6).
12À ne considérer donc la littérature médicale consacrée aux femmes que d’un point de vue formel, il semblerait que les parts de fantasme et de phobie ne s’y soient que partiellement résorbées au cours du siècle. En l’absence de véritables avancées dans la compréhension des maladies et mécanismes génitaux, le contenu des traités ne se modifia qu’à la faveur d’une auto-discipline plus ou moins intériorisée, dont les effets varièrent selon les ambitions et le statut professionnel de fauteur (médecin, chirurgien ou simple vulgarisateur) et le lectorat auquel il s’adressait.
13L’examen du contenu des Traités des maladies des femmes tend à confirmer que l’évolution du genre fut plus idéologique que scientifique, jusqu’à la transformation du savoir médical en discours de contrainte sociale, dans la dernière décennie du xviiie siècle. La période 1750-1780 est marquée à l’inverse par un effort de rationalisation, de tri des connaissances, de distinction entre préjugés et faits vérifiables anatomiquement. Fitzgerard comme Astruc font leur la vocation émancipatrice des Lumières : le premier entend « répandre plus de clarté » sur le domaine des maladies des femmes, « évitant cependant avec soin la contagion des systèmes qui paraissent moins propres à nous dévoiler le traitement des maladies, qu’à nous le cacher12 » ; le second veut se séparer d’une tradition ayant rendu cette « matière mal débrouillée et peu éclaircie13 », faute là encore de s’en être tenu aux seules leçons du corps. Le travail de sélection opéré dans leurs traités conduit de fait à un recentrage du discours sur une physiologie et une étiologie spécifiquement féminines. Ève oblige, la maladie féminine englobait auparavant tout trouble génital ou sexuel : les Trois Livres des maladies et infirmités des femmes de Jean Liébaut (1649) traitent par exemple de toutes maladie vénérienne et cause de stérilité (dont les « vices du sperme viril » et du « membre viril »). Soucieux de s’en tenir à une appréhension plus étroite des concepts de maladie et de femme, les médecins des Lumières écartent de leurs traités troubles ou maux masculins, ainsi que les conseils séculaires en matière de procréation (positions, moments de l’année ou du jour à proscrire ou à privilégier), faux savoir que la littérature pornographique s’empressa de récupérer. Exception notable, les développements sur la nymphomanie ne cesseront, eux, de croître, au rythme de l’invention d’une sexualité « normale » à laquelle chaque femme était invitée à se conformer.

III. 5. « Vue extérieure d’une conformation monstrueuse des organes de la génération qui présente les apparences de l’hermaphrodisme », dans Moreau, Histoire naturelle de la femme, tome I, 1803.

III. 6. Gravure de Borel et Elluin, Mémoires de Dont Bougre, portier des Chartreux, 1787.
14Plus rigoureusement délimité, l’espace de la maladie féminine est découpé au cours de l’âge classique selon différents classements. Le plus commun repose sur un critère de gravité et distingue maladies chroniques (règles et divers troubles associés aujourd’hui aux dérèglements hormonaux) et aiguës (avortements, accouchements difficiles, cancers). De manière plus originale, Jean Astruc classe les différentes maladies à partir de l’organe concerné, esquisse des futures spécialisations hospitalières du xixe siècle. Les traités des dernières décennies du xviiie privilégient enfin l’ancien modèle des âges pour présenter les divers épisodes du mal-être féminin. Chambon de Montaux publie un traité des Maladies des femmes en 1784, puis, l’année suivante, des Maladies des filles. Boyveau traite successivement de « Considérations sur le sexe depuis la puberté jusqu’à l’époque du mariage », puis « De la femme dans l’état du mariage », avant de s’occuper « De l’intervalle entre le commencement de la stérilité naturelle, et la fin du temps critique ». L’expression signale l’importance croissante accordée à la ménopause – le terme apparaît dans le premier quart du xixe siècle – considérée selon les cas avec sollicitude (Conseils pour les femmes de quarante-cinq à cinquante ans de Fotherhill, 1788) ou désintérêt, comme chez Moreau qui intitule le sixième chapitre de son « Hygiène » : « Cessation des règles et mort du sexe »...
15Cette évolution des classements nosographiques suggère que la perspective temporelle des âges de la femme prend le pas à la fin du siècle sur la spatialisation anatomique, d’autant qu’impératifs de décence et féminisation du lectorat conduisent à une censure croissante des détails spécifiquement sexuels : en 1798, Hamilton présente à ses lectrices une vision anatomique « castrée » de leur propre corps. « Le ventre contient les organes de la digestion, de l’urine, et partie de ceux employés à la propagation de l’espèce. Les deux premiers appartiennent seuls à cette esquisse » : infantilisation que le titre même de son ouvrage annonçait (Traité des maladies des femmes et des enfants). Ce qui dès lors définit la femme, c’est moins son anatomie que son pouvoir de procréation, triple réduction de sa vie à sa seule période de fertilité, de sa fonction sociale à l’éducation, de son corps à sa seule matrice. Aussi ambiguë et aliénante fut-elle, c’est au travers de la promotion de la maternité que se résorbèrent la plupart des phobies qui traversaient le discours médical classique sur la femme.
16Révélatrice est à cet égard l’évolution des discours sur le sang menstruel. Traditionnellement, il est pour les médecins un objet d’incompréhension et de répulsion, une matière sale et dangereuse14. Varandée le range en 1666 dans la classe des « excréments de la femme » et, un siècle plus tard, Fitzgerald hésite encore à parler de sang pour désigner ces « liquides ordinairement rouges dont l’utérus est l’égout naturel15 ». Seule la procréation permet alors de trouver à ce fluide infectieux une raison d’être : selon une opinion de Galien, que cautionnèrent les symboliques chrétiennes du sang christique et du lait de la vierge, le sang menstruel sert pendant la grossesse à nourrir l’embryon avant d’achever de se purifier dans le sein maternel. La montée du sang au sein et sa transformation en lait est décrite par les médecins du xviie siècle avec lyrisme, comme une assomption miraculeuse :
Vous voyez que nature nourrit dans la matrice l’enfant de sang menstruel : mais c’est une merveille, qu’aussitôt qu’il est sorti en lumière, le sang rebrousse en haut par les mamillaires et se jette dans les cavités de la mamelle, où il se convertit en lait : si le sang est au foie, il devient rouge, mais aussitôt qu’il est ès mamelles, il est blanchi, l’aliment devient chyle blanc : le chyle devient rouge sang, le sang devient lait, le lait bâtit un nouvel homme. [...] Pendant que l’homme est caché ès prisons et ténèbres de la matrice, qui est un symbole de la terre, il ne vit que d’un sang féculant et vénéneux : mais aussitôt qu’il est sorti de la prison, il court à ses deux fontaines célestes, lesquelles le nourrissent d’un plus parfait aliment16.
17Désireux de congédier peurs irraisonnées et émerveillements suspects, les médecins de la seconde moitié du xviiie siècle tentent de laver le sang menstruel de tout opprobre mortifère : « Le sang qui s’évacue dans les règles est de soi un sang louable et sain dans les femmes qui sont elles-mêmes saines et bien constituées. Tout ce qu’on dit de son acrimonie et de sa qualité vénéneuse, ne doit s’entendre que du sang menstruel des femmes qui sont malades et dont le sang est déjà gâté17. » Il ne fut pas pourtant aisé de renoncer à tous les préjugés et témoignages des sens : faute de pouvoir identifier comme sécrétion placentaire le liquide blanchâtre suintant de la matrice d’une femme morte en couche, Astruc lui-même la qualifie de « liqueur laiteuse », parle des « vaisseaux laiteux » et se trouve ainsi contraint d’accréditer l’hypothèse de l’origine sanguine du lait maternel, insistant sur l’« analogie si marquée » de la mamelle avec la matrice et le « rapport sympathique » qui les unit18.
18Dans les traités de la fin du siècle, le motif sanguin cesse d’être purement médical, devient rhétorique, voire idéologique. En 1784, Chambon ouvre son traité sur un éloge contourné et suspect des vertus civilisatrices de la femme grâce à laquelle aurait été domptée l'ardeur guerrière des mâles : sans elle, « la terre toujours couverte de ravisseurs sanguinaires, serait devenue dans toute son étendue un théâtre de sang où l’être faible aurait traîné sa vie incertaine entre l’esclavage et la mort19 ». Non que la femme fût plus morale que l’homme : la moindre vigueur de son corps explique seule pour Chambon cette vocation pacificatrice. Et le médecin de dresser un tableau pathétique et terrifiant du chemin de croix qu’est, à ses yeux de savant compatissant, une vie de femme :
Une femme est un être que la nature fait toujours marcher à côté d'un précipice prêt à l’engloutir : les douleurs auxquelles est asservi tout être sensible dans les premiers moments d’une vie mal assurée, assiègent son enfance. Son organisation plus délicate les lui fait éprouver plus vivement. Le temps des plaisirs de l’amour ne s’annonce chez elle que par des incommodités sans nombre, ou des accidents qui menacent sa vie, et qui l'avertissent d'avance du danger de devenir mère. Cette crainte est rappelée chaque mois à son souvenir par une époque de sang, et chaque retour de ce souvenir terrible peut l’exposer à la mort20.
19Du sang versé par la brutalité guerrière au sang menstruel, non plus vénéneux mais mortifère, tout se passe comme si la femme avait intériorisé, somatisé la violence masculine, victime expiatoire sacrifiée sur l'autel de la civilisation.
20Pour d’autres médecins tout aussi « philosophes », le sang menstruel est paradoxalement moins l’un des mécanismes distinctifs de la physiologie féminine qu’un fait de culture. Faute de pouvoir expliquer dans le détail le mécanisme de la puberté, influencé d’évidence par la critique rousseauiste du progrès, Roussel « conjecture » en 1788 « qu’il a dû exister un temps où les femmes n’étaient point assujetties |au| tribut incommode » des règles, « et que le flux menstruel, bien loin d’être une institution naturelle, est au contraire un besoin factice contracté dans l’effet social21 », effet second d’une alimentation trop riche, dont le corps féminin rejetterait, par cette saignée spontanée, le pernicieux supplément. Plus soucieux de ménager l’évidence, mais tout aussi marqué par le thème de la décadence urbaine, Boyveau distingue dix ans plus tard deux formes de puberté, l’une marquant l’accès naturel des filles au statut de femme, la seconde anormale et provoquée par la corruption moderne :
J’appelle puberté factice, celle qu'on accélère chez les filles par les lectures obscènes, par le tableau des mœurs dépravées des mères, par les efforts du libertinage des jeunes gens des capitales, blasés par les vrais plaisirs de la nature : ces pubertés précoces se manifestent quelquefois à dix ans dans ces foyers de la corruption publique, qu’on appelle les petits théâtres22.
21Par-delà les fantasmes ou obsessions individuels que charrient de tels « systèmes », on perçoit mieux l’importance du thème de la maladie dans le remodelage du statut et de la représentation de la femme après 1750. La phobie archaïque du féminin fut en quelque sorte transférée sur la femme elle-même, invitée à se penser comme faible et victime, non pas des hommes, mais d’une nature sadique, « poursui[vant] incessamment ce sexe malheureux avec des armes meurtrières23 ». De même peut-on penser que l’enchaînement de la femme à sa nature prépara sa réclusion dans l’espace domestique et maternel : le cocon familial ne lui offrait-il pas un refuge contre cet espace social corrupteur, supposé déclencher ou accroître l’écoulement sanguin fondant et régulant sa propre nature ? Confirmant l’intuition nuagée de Haller, l'utérus devint, à l’âge classique, tunique ou camisole. L’organe avait naguère suscité les craintes les plus irrationnelles : en 1649, Lazare décrivait la matrice comme « spongieusement attirante », s’extasiait et s'interrogeait sur la « vigueur et puissance attractive qu’elle a en elle-même, de sucer de tous côtés, comme d’un million de bouches », de « tirer avidement la semence de l’homme » pour « l’enfermer chez soi24 ». Le discours médical retourna en quelque sorte l’organe menaçant contre lui-même : de castratrice pour l’homme, la puissance de l’utérus devint, pour la femme, aliénante, légitimation par l’anatomie de sa double exclusion, de la sphère publique et du monde du savoir.
22La transformation de la nature féminine aboutit en effet à renforcer les différences sexuelles et valider « scientifiquement » le partage des rôles et des privilèges. Les médecins du xviie siècle s’en étaient pris au préjugé aristotélicien sur l’animalité de la femme : il ne faisait pas de doute pour Liébaut « Que la femme n’est animant mutil, ni imparfait, mais faible et maladif25 » Cette apparente sollicitude participa d'une idéologie qui réservait le contrôle de l’espace public26 à des hommes tout acquis à leur rôle de protecteurs de la gent féminine. Pouvoir politique, mais aussi intellectuel : la réfection médicale de la nature des femmes entérina également leur peu de disposition pour les matières intellectuelles. Ici encore, un préjugé en chassa ou en remplaça un autre. Dans l’archaïque parade misogyne, figurait en bonne place l’hystérique, dont la folie (son nom l’indique) était moins mentale que génitale. Selon Ambroise Paré, « l’utérus se gonfle et enfle pource que quelque substance pourrie et corrompue en icelui se résout en vapeurs et ventosités des menstrues ou de la corruption de la semence27 ». Outre qu’elle permettait d’expliquer crises et égarements, l’élévation vaporeuse de la matrice à la tête indiquait une correspondance entre deux parties « tellement liées ensemble par sympathies, consentements et communions occultes, que plusieurs ont cru que la matrice montait violemment jusques en haut28 ».
23Critiques à l’égard de tout raisonnement analogique, les médecins des Lumières remirent en cause une telle parenté. L’explication de la « Passion hystérique ou suffocation utérine » est à chercher pour Astruc « hors du cerveau », précisément dans cet utérus autour duquel se recentre le discours médical sur la femme : « Tout démontre que [« le foyer du mal »], c'est la matrice29. » Se trouvaient simultanément « démontrées » par l’anatomie, la normalité du cerveau féminin, mais aussi la propension de toute femme à être hystérique et par là même impropre aux activités intellectuelles. Chez tous les auteurs de la fin du siècle, insister sur la proximité des femmes à la nature est une manière élégante et habile de leur fermer les portes du savoir. Roussel leur déconseille l'étude des sciences, au nom du déséquilibre physiologique qu’un tel effort entraînerait : « Une forte contention d'esprit, en dirigeant vers la tête la plus grande partie des forces vitales, fait de cet organe un centre d’activité, qui ralentit d’autant l’action de tous les autres organes. » Et le médecin de rappeler hypocritement les souffrances de l'intellectuel, ces « vapeurs ou hypocondriacisme [...] famili[ers] aux gens de lettres », dont les effets risqueraient chez une femme de s’avérer mortels30. Chez Moreau, le même privilège masculin repose sur un déficit de nature : c’est parce que « le mâle n’est mâle qu’en certains instants, mais que la femelle est femelle pendant toute sa vie31 », que le premier a la capacité de produire ces saillies intellectuelles propres au penseur et à l’inventeur, sa compagne ne pouvant quant à elle jamais que plaire ou briller. Bon prince, Moreau reconnaît cependant que la « mort du sexe » – ou ménopause – autorise un « exercice plus suivi [des] facultés intellectuelles » : à bien y regarder, simple pointe anticléricale contre le fanatisme des bigotes se berçant d’« illusions religieuses32 »...
24Ainsi passa-t-on de l’impure à la prisonnière... L’histoire des savoirs ou des sciences peut rarement se décrire en termes de progrès. Le discours médical sur la femme détruisit au xviiie siècle autant de préjugés qu'il n’en entérina, dont la peau se révéla d’autant plus dure qu'elle était supposée scientifique. Le féminisme lui-même ne fit-il pas siennes certaines des inventions médicales telle que la sensibilité de la femme, sa plus grande proximité à la nature ? Il resterait à voir dans quelle mesure la littérature proprement dite fut perméable à ce nouveau discours médical. Il ne saurait y avoir de réponse que nuancée. Certaines œuvres purent servir de terreau imaginaire aux préjugés des médecins (qu’on songe à l’éducation réservée à la Sophie de l'Émile, entièrement tournée vers l’art de plaire) ; le thème de l'enfermement de la femme traverse l’imaginaire des Lumières33. À l’inverse, nombreux sont les romans de la première moitié du siècle qui exhibent tout à la fois un pouvoir masculin hypocrite et une résistance féminine lucide et discrète (Les Illustres Françaises de Robert Challe, l'Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut de Prévost). Précieuse serait aussi l’étude de l'Histoire de Juliette de Sade, dont bien des thèses répondent à l’idéologie prétendument scientifique du tournant des Lumières. Si Juliette est aussi libertine et abjecte que ses comparses masculins, sa sexualité meurtrière n’est commandée par aucune fureur utérine et puise sa force dans son seul intellect34. La prédilection des romanciers des Lumières pour les situations intimistes cl les récits de personnages permit très certainement qu’émergent des voix inconciliables avec les discours savants. Tout particulièrement pour ce siècle, s’opposerait à la masculinité exacerbée du médecin, ce que René Démoris a appelé le « désir-d’être-femme » du romancier.
Notes de bas de page
1 Louys Barlès, Les Nouvelles Découvertes sur les organes des femmes servons à la generation, Lyon, Esprit Vitalis, 1674, Préface, sans pagination (s. p.). Nous avons modernisé l’orthographe de nos citations ; sauf précision contraire, les mots soulignés le sont par nous.
2 La Mettrie, Politique du médecin de Machiavel, ou le Chemin de la fortune ouvert aux médecins, Amsterdam, Fr. Bernard, s. d. [1746], p. 106 ; sous le nom d’Anodin, est ici visé le célèbre Winslow, alors professeur d'anatomie au jardin du roi.
3 Témoin de ce renoncement contrarié au temps des images et de l’approximation littéraires, les notes où le médecin De Lignac consigne ces noms désormais interdits, par exemple de « la partie qui distingue l’homme de la femme » ; « Il serait aussi inutile qu'indécent de rapporter tous les noms qui lui ont été donnés, particulièrement dans notre langue. Les anatomistes la nomment le membre viril, la verge, et je ne sache pas qu'elle puisse être nommée autrement sans blesser la pudeur, [en note] Les Latins lui ont donné une infinité de noms ; ils l’appelaient Penis, Hasta, Muto, Verpa, Mentula, Priapus, Caulis, Virga, Fascinus. Nos anciens romanciers, moins délicats que nous, en parlaient sous des noms qui ne scandalisaient personne ; on savait ce que c'était que la lance virile, le pistolet d'amour, le gaudisseur de la maison, le médiateur de la paix, le cultivateur du champ de nature. On trouve encore à cette partie, des noms beaucoup moins honnêtes, dans les Œuvres de Rabelais, le Moyen de parvenir, le Dictionnaire comique et satyrique, etc. de le Roux », De Lignac, De l'homme et de la femme, considérés physiquement dans l'état du mariage, Lille, J. B. Henry, 1772, p. 148.
4 Chez un Bary ou un Venette, on cite Martial pour illustrer telle curiosité de mœurs ou d’anatomie.
5 Jean Liébaut, Trois livres des maladies et infirmitez des femmes, traduit du latin par le père Lazare, Rouen, Jean Berthelin, 1649, Préface du traducteur, s. p.
6 Barlès, op. cit., p. 22.
7 « Afin que le lecteur pût avoir une idée claire, et distincte de la matrice, aussi bien que des autres parties de la femme, qui servent à la génération, nous ferons précéder ce livre (qui traite des monstres) d’une description des organes de la femme servant à cette action ; c’est à dire, de ces parties qui apportent aux femmes mille misères, qui énervent les hommes en mille manières, qui font que les femmes, qui d’elles-mêmes sont faibles et sans armes, triomphent des hommes les plus forts, qui ont renversé plusieurs rois très puissants, perdu des empereurs augustes, rendu folles des personnes sages, trompé les savants, séduit les riches de leurs richesses, et abattu les héros les plus fameux, qui sont la cause de la plupart de nos chagrins, aussi bien que de nos plaisirs, et j’ose dire, que presque tous les désordres qui ont paru dans le monde, et qui y arrivent encore tous les jours, viennent de ces parties-là. On n’a qu’à lire Pétrone et à entendre bien l'histoire des huit années qu'il décrit de la cour débauchée de Néron, pour être persuadé de ce que [je] dis : ce sont ces parties qui ont perverti le saint prophète David, poussé le sage Salomon dans l’idolâtrie, renversé le fort Samson, et obligé le grand Hercule à prendre la quenouille, et qui ont causé la destruction de la ville de Sichem, le renversement de Troie, et le bouleversement de plusieurs royaumes. Ce sont ces parties, qui, comme par des enchantements secrets, peuvent réduire à une espèce de folie les hommes les plus prudents, et lorsqu'ils croient que dans les femmes, ces parties sont pleines de douceurs et de charmes, et de beautés, quoiqu’il n’y en ait point de plus laides dans tout le corps, qu’elles soient sujettes à plusieurs maux très infâmes, qu’elles soient souvent infectées d’un sang corrompu, et de quantité d’ordures, qu’elles soient souillées et mouillées chaque jour par l’urine, qu’elles répandent une odeur puante, et comme ensoufrée, et qu’elles soient reléguées par l’auteur de la nature, comme indignes d’être vues, dans le lieu le plus caché et le plus méprisable de tout le corps, tout auprès de l’anus et des excréments, et qui sont enfin elles-mêmes comme l’égout général de tout les corps », Jean Palfyn, Description anatomique des parties de la femme, qui servent à la generation ; avec un traité des monstres, Leide. Veuve Bastiaan Schouten, 1708, Préface, s. p.
8 Boyveau Laffecteur. Traité des maladies physiques et morales des femmes [1798], 4e édition, Paris, chez l’auteur, 1812, Introduction, p. 1.
9 Jacques-Louis Moreau de la Sarthe, Histoire naturelle de la femme, Paris, L. Duprat, 1803, t. I, Discours préliminaire, p. 5-6.
10 Jean Astruc, Traité des maladies des femmes, Paris, P. Guillaume Cavelier, 1761, Préface, t. I, p. vii.
11 Ibid., « Explication des figures », t. I, p. xxxii.
12 Gerald Fitzgerald, Traité des maladies des femmes [1754], traduit du latin. Paris, Duchesne, 1758. Avant-propos, p. 5.
13 Astruc, op. cit., « Préface », t. I, p. xix.
14 La longue préface de Palfyn, citée plus haut en note, en est un exemple parlant.
15 Fitzgerald, op. cit., « De la suppression des règles », p. 32.
16 Liébaut, op. cit., « Préface du traducteur », p. vi et vii-viii.
17 Astruc, op. cit., « Du flux menstruel, ou règles des femmes », p. 23.
18 Ibid., p. 15-16.
19 Chambon de Monteaux, Des maladies des femmes, Paris, 1784, Introduction, p. xiii.
20 Ibid., p. xxiv-xxv.
21 Pierre Roussel, Bibliothèque universelle des dames. De la femme, considérée au physique et au moral, Paris, rue et hôtel Serpente, 1788, t. II, p. 26.
22 Boyveau, op. cit., p. 125.
23 Chambon, Des maladies des femmes, 1784, « Introduction », p. xxxii.
24 Liébaut, op. cit., « Préface du traducteur », p. ix.
25 Liébaut, op. cit., premier chapitre.
26 Voir également sur ce sujet les travaux de Geneviève Fraisse, et plus particulièrement Muse de la raison. Démocratie et exclusion des femmes en France [1989], rééd. Paris, Gallimard, coll. « folio/histoire », 1995.
27 Ambroise Paré, De la génération de l'homme, 1573, Œuvres complètes, éd. J.-F. Malgaigne, Paris, J.-B. Baillière, 1840-1841, t. II, p. 751.
28 Liébaut, op. cit., « Préface du traducteur », p. x.
29 Astruc, op. cit., t. IV, p. 64. La parenté entre cervelle et matrice retrouvera du service dans l’analyse de la nymphomanie, causée pour Fitzgerald par une détérioration des fibres du cerveau (op. cit., p. 211).
30 Roussel, op. cit., p. 142-144.
31 Moreau, op. cit., t. I, p. 681.
32 Ibid., t. II, p. 381-382. Nous rejoignons ici les analyses de Geneviève Fraisse sur les œuvres de Cabanis (1802) et Virey (1823) : « L’homme générique et le sexe reproducteur » [1988], repris dans Les Femmes et leur histoire [1975-1997], Paris, Gallimard, coll. « folio/histoire », 1998, p. 200-222.
33 Voir en particulier les belles analyses de Christophe Martin, « Belle captive en enfance : dérives d'un topos littéraire dans les Mémoires de deux amis de Henri-François de La Solle (1754) », dans Folies romanesques au siècle des Lumières, éd. René Démoris, Henri Lafon, Paris, Éditions Desjonquères, 1998, p. 365-379.
34 Voir les conseils délivrés à la comtesse de Donis sur le pouvoir de l’imagination, véritable art poétique sadien.
Auteur
Maître de conférence en littérature française à l'université Nanterre Paris 10. Domaine de recherche : histoire des idées, littérature pornographique et Lumières. A publié Le Livre interdit, Paris, Payot, 1996, et édité Les Infortunes de la vertu (par le marquis de Sade), présentation, transcription et notes, Paris, Zulma-CNRS éditions, 1995.
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Biographie & Politique
Vie publique, vie privée, de l'Ancien Régime à la Restauration
Olivier Ferret et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.)
2014