Balzac et la question de l’origine1
De l’androgynie romantique à la bisexualité freudienne
p. 355-363
Texte intégral
Publication, prostitution et signature
1Comment commencer ? Comment créer ? Hésitant entre la référence divine2 et le modèle humain, Balzac a multiplié les énoncés sur la création artistique et littéraire, tant dans ses articles que dans ses préfaces et ses romans. Abondent également les fictions sur ce thème, mais ce sont les énoncés théoriques, allant des Chouans à La Cousine Bette, intégrés ou non dans des ensembles fictionnels, qui constituent mon corpus. La phrase qui me servira de point de départ date de 1828. Elle est tirée d’un texte demeuré inédit du vivant de Balzac – l'« Avertissement » du Gars, qui deviendra Les Chouans. En voici le noyau : « cette prostitution de la pensée qu’on nomme : la publication3 ». La triade prostitution/pensée/publication représente pour moi une énigme. Qu’est-ce qu’une pensée qui se prostitue ? Suffit-il pour cela de monnayer de la pensée contre de l’argent ? Et à une époque où la réalité sociale de la prostitution ne concerne que les femmes, pourquoi risque-t-on de devenir une femme quand on se fait payer ?
2Sous le cliché, le fantasme. Cet usage décentré du vocabulaire de la prostitution, si banal soit-il, surprend dans cette première moitié du XIXe siècle où le lexique romanesque est extrêmement pudique. Syphilis, par exemple, est un mot obscène4, que l’on ne rencontre pas dans La Comédie humaine, même dans Le Lys dans la vallée5, non plus que l’adjectif vénérien. Balzac évoque à deux reprises Parent-Duchâtelet, mais sans le nommer, dans La Vieille Fille6 et dans Splendeurs et misères des courtisanes7. Il est évidemment impossible de mettre sous les yeux des lecteurs et des lectrices de romans le titre de son livre : De la prostitution dans la ville de Paris, considérée sous le rapport de l’hygiène publique, de la morale et de l’administration. Cet ouvrage nous fait pourtant comprendre à quel point la prostitution des romans et des chansons est édulcorée par rapport à la réalité. Que les femmes se prostituent est dans l’ordre des choses et il y a peu d’hommes pour s’en offusquer. Même dans La Cousine Bette, où l’on pratique la vente des 357 petites filles aux vieillards, la figure emblématique de la prostitution est l’actrice Josépha, pleine de talent et de générosité. Dans La Vieille Fille, qui est un hymne à la gloire des courtisanes de la grande époque, la grisette délurée semble moins à plaindre que la bourgeoise frustrée et convoitée pour son argent. Le scandale commence lorsque des hommes se sentent visés, ne serait-ce que de façon purement métaphorique.
3Le roman balzacien se ressent de ce goût du secret et de l’allusion qui est celui de tout un siècle, lequel parle peu du sexe, et toujours de façon plus ou moins gazée. Mais on sait qu’il en est obsédé, et ce refoulement généralisé provoque des effets compensatoires au niveau de la parole, toujours masculine dans ces cas-là. On se rattrape sur les sens figurés de ce qu’il est interdit de désigner directement. Les usages métaphoriques ou allégoriques du vocabulaire de la prostitution fournissent maintes figures de style recherchées. Ce qu’on prostitue et qu’on viole plus souvent que les femmes dans le vocabulaire balzacien, ce sont les lois, les domiciles ou les Muses. Le seul lupanar de La Comédie humaine est un de ces « lupanars de la pensée8 ». Sur trois « cloaques », il en est un qui est celui « de la poésie9 ». Pas le moindre « eunuque » dans Sarrasine, c’est dans le préambule d’Eugénie Grandet qu’il figure, et le mot s’applique aux critiques littéraires. Quant à l’unique « homme-fille10 », il vise le journaliste Emile Blondet. On est ici ramené à la question initiale : à supposer que les critiques littéraires soient des écrivains ratés, pourquoi deviendraient-ils des eunuques ou des femmes pour autant ?
Écriture et féminisation
4Il existerait donc un type de prostitution par lequel Balzac se sent directement menacé en tant qu’écrivain, ce dont témoignerait la formule surprenante de l’« Avertissement » du Gars : « prostitution de la pensée ». On sait d’autre part que ce roman historique est le premier texte que Balzac ait signé de son patronyme après avoir usé de plusieurs pseudonymes, personnels ou collectifs, comme beaucoup d’écrivains et de journalistes de la Restauration. Dans ce projet d’« Avertissement », l’auteur expose longuement les raisons pour lesquelles le moment est désormais venu pour l’écrivain d’affronter sans voile ni masque les regards du public. C’est effectivement le moment où se fondent les deux grandes revues du XIXe siècle qui, avant même le grand combat pour les droits d’auteur, généralisent la pratique de la signature : la Revue de Paris et la Revue des deux mondes. Mais la signature est dénudation autant qu’affirmation. Balzac se situe ici dans le sillage – inavoué et inavouable – des Confessions de Rousseau et de la thématique de la transparence de La Nouvelle Héloïse. C’est là que réside le premier danger : se mettre nu suffît déjà à féminiser un homme, dans une société encore pétrie des modèles aristocratiques, où le nom ne s’exhibe pas sur du papier et où on déroge en faisant du commerce. Se confiner dans l’écriture, sans même être protégé par le prestige du nom de poète, n’est pas non plus un acte viril. Les artistes romantiques, très incertains de leur statut, sont les premiers à en être effrayés et humiliés, car la Restauration fut pour la plupart des intellectuels une période de latence et de frustration propice à toutes les dérives fantasmatiques. Dans une lettre de 1830, aux derniers jours du règne de Charles X, Balzac fait des projets et des châteaux en Espagne. Malgré ses premiers succès, on le voit toujours hanté par des images de prostitution :
je crois que la littérature est, par le temps qui court, un métier de fille des mes qui se prostitue pour cent sous : cela ne mène à rien, et j’ai des démangeaisons d’aller vaguer, chercher, me faire drame vivant, risquer ma vie (Cor., I, 463)
5Dans la même lettre, l’auteur se rêve corsaire, figure mâle par excellence. L’imaginaire balzacien restera structuré en profondeur, aussi bien dans la vie que dans l’écriture, par cette contradiction majeure entre le désir d’agir, à savoir de devenir très riche très rapidement, et la désespérante lenteur du travail quotidien. Dans ses nombreuses tentatives infructueuses pour gagner de l’argent par d’autres moyens que sa plume, du moins Balzac a-t-il touché du doigt la résistance de la réalité et fait l’apprentissage de la durée. Ses déboires commerciaux lui ont enseigné que la réussite ne peut être que le produit d’un mélange d’audace et de patience, sans néanmoins que cette soumission au temps tourne à l’esclavage, comme pour Sisyphe ou le père Grandet11. Ce couplage, qu’on retrouvera développé dans l’équilibre entre Conception et Exécution de La Cousine Bette, est une constante de la pensée de Balzac sur la création artistique. Mais en 1830, dans l’article Des artistes, la balance penche encore en faveur des trésors de la conception :
Enfin, c’est l’extase de la conception voilant les douleurs de l’enfantement. (OD, II, 711)
6Et il y a dualité parce qu’il y a bivalence sexuelle, et non l’inverse. C’est en tant qu’artiste s’efforçant de penser la notion de création, que Balzac a éprouvé le besoin d’imaginer la maternité pour son propre compte. Dans Mémoires de deux jeunes mariées, Renée de Maucombe accouche par le crâne. Comment un homme de cette époque, même génial, même obèse, aurait-il pu admettre avoir un ventre ? La vision balzacienne de la maternité n’oublie pas la cuisse de Jupiter.
Le deuil du patriarcat
7Mais, ne serait-ce qu’à cause du mythe platonicien du Banquet, l’idée de la différence sexuelle aide à penser le mixte. A partir du moment où Balzac définit le génie comme l’alliance du désir et du travail sans prépondérance de l’un sur l’autre, il est naturel d’avoir recours à la métaphore androgyne12, ce qui n’est pas le cas lorsque le poète est supposé élu, marqué du signe divin de l’Inspiration. Dans La Cousine Bette, Steinbock est trop paresseux pour être un grand artiste, alors qu’au XVIe siècle, nous dit Balzac dans le même roman, le génie de Sébastien del Piombo n’a nullement été entravé par une paresse tout aussi « incurable » (CH, VII, 612) que celle de Steinbock13. Cette conception binaire et androgyne du génie porte la marque du romantisme, accompagnant sur le mode imaginaire des mutations sociales et culturelles profondes. Pour penser la filiation et la création, le modèle théocratique ne fonctionne plus, ni dans les mœurs ni dans les arts. Impossible désormais de se réclamer de l’Imitation14, même s’il est entendu que celle-ci n’a jamais été conçue comme copie ou plagiat. L’artiste romantique, confronté à l’obligation de créer du nouveau, est hors catégorisation et apparemment hors institution. C’est exactement le contraire de l’homme de la féodalité, dont Balzac dit dans Béatrix que « les Institutions, la Religion, pensaient pour lui15 ». Qu’est-ce qu’un artiste ? Quelle est sa place dans la société ? Ce questionnement sur l’identité est triple : social, économique, sexuel.
8De façon plus ou moins consciente, mais non sans une réelle lucidité, Balzac est allé très loin dans ce rapport fantasmatique à la féminité, oscillant entre la peur d’être transformé en femme et l’envie de mettre au monde. On songe aux rites de couvade, quoique le mot n’ait été inventé qu’à la fin du siècle. Il serait anachronique de pousser trop loin l’analogie, mais quelque chose se prépare à cette époque dans l’imaginaire collectif, qui sera théorisé par la psychanalyse. Il n’en est que plus émouvant d’examiner ce mélange de répulsion et d’attirance, dans lequel on reconnaît la vieille alternance entre prostitution et maternité, mais transportée sur le corps propre de l’artiste et vécue avec une grande intensité. A cet égard, c’est la chronologie des textes de Balzac qui est la plus éclairante : au départ, c’est-à-dire en 1828 dans l’« Avertissement » du Gars, entre la peur du vide et le rêve de grandeur, l’angoisse domine. Car l’artiste balzacien est un homme de pouvoir. Spontanément, il se compare aux rois, aux prêtres et aux chefs de guerre :
Un homme qui dispose de la pensée est un souverain. Les rois commandent aux nations pendant un temps donné, l’artiste commande à des siècles entiers ; il change la face des choses, il jette une révolution en moule ; il pèse sur le globe, il le façonne. (Desartistes, OD, II, 708)
9Certes, la couronne de ces princes de la pensée est fragile, parce que leur pouvoir n’est pas reconnu :
D’où vient donc, en un siècle aussi éclairé que le nôtre paraît l’être, le dédain avec lequel on traite les artistes, poètes, peintres, musiciens, sculpteurs, architectes ? (ibid.)
10Cette humiliation sociale met en péril la virilité du poète. Mais ce qui fragilise bien davantage l’écrivain romantique dans son identité sexuelle, et plus spécialement le romancier, spécialiste des passions, c’est la mise à nu des sentiments intimes. L’impudeur est une plus grande transgression que l’exhibition du nom. La gêne que suscite la confession publique s’exprime de façon saisissante dans les deux préfaces du Lys dans la vallée, avec un recours systématique et révélateur à la dénégation. Non, ce n’est pas moi qui dis Je, dit l’auteur d’un roman quasi autobiographique16 Non, je ne suis pas un imposteur lorsque je m’arroge la particule, dit l’auteur de L’Historique du procès auquel a donné lieu Le Lys dans la vallée17, qui est la seconde préface du Lys dans la vallée, véritable traité de poétique qui prolonge et complète la Lettre aux écrivains français de 1834. Je suis plus noble que les vrais nobles18 affirme Balzac dans l’Historique, tout en disant se glorifier, comme son père, d’une ascendance gauloise19 – se mettant ainsi symboliquement du côté des vaincus. Mais ce serait simpliste de parler de mensonge. On retrouve ici, d’un point de vue social, le même désir d’être les deux à la fois, qui est au cœur du narcissisme primaire et du rêve romantique d’androgynie. Fantasme de toute-puissance qui, par ses excès mêmes, est porteur d’angoisse parce qu’il ne va pas sans son revers, à savoir un sentiment d’extrême précarité.
11Dans La Cousine Bette, dix ans après Le Lys dans la vallée, la création artistique est au centre de la fiction et de plusieurs énoncés narratifs importants. Le contenu thématique reste le même : le créateur est celui qui est capable et d’engendrer et d’accoucher. Mais tout en conservant intact le rôle de la Conception, le texte insiste sur celui de « l’Exécution et ses travaux » (CH, VII, 242), qui est décrite comme une « maternité cérébrale si difficile à conquérir » (ibid.) La métaphore sexuelle est relayée par celle de la tête et de la main, et la tempête semble s’être apaisée. Il n’est plus question de prostitution, sauf une allusion ludique à la courtisane, et encore au stade masculin de la Conception. La sérénité a remplacé l’inquiétude, et c’est de cette mutation que j’aimerais essayer de rendre compte pour terminer.
12Cette évolution est aussi une maturation. Par un phénomène de retournement20 qui lui est familier, Balzac est passé du rêve de toute-puissance à son contraire, l’acceptation de la limite, dont la différence sexuelle est le paradigme. D’où la référence dans mon titre à la bisexualité freudienne, qui est la traduction théorique du fantasme d’androgynie, mais avec des implications toutes différentes et même opposées, puisqu’il s’agit d’affirmer la réalité de la sexuation. Cette expression de bisexualité, elle aussi métaphorique, est le contraire du déni du féminin21. Elle renvoie à un stade du développement psychique de l’enfant où il y a encore hésitation sur l’identité sexuelle, mais ce stade n’est que le moment préparatoire à l’œdipe, lequel permet que l’on accepte qu’il y ait des hommes et des femmes et que l’on ne puisse pas être les deux à la fois. La sexuation est, comme le temps, le signe que l’être humain est soumis à l’incomplétude et à la mort. En principe, elle n’implique aucune supériorité des uns sur les autres, non plus qu’une répartition des rôles sociaux en dehors du moment de la procréation. De cet espace d’échange ainsi ouvert qui donne accès au symbolique, mais dans lequel s’engouffrent les luttes de pouvoir et les joutes amoureuses, chacun s’accommode ensuite comme il peut en fonction de la marge de choix que lui laissent les contraintes sociales.
13Le passage de La Cousine Bette sur la Conception et l’Exécution s’inscrit donc dans un parcours de pensée exemplaire, qui souligne l’aptitude de Balzac à accepter la réalité de son expérience dans ses aspects les plus amers : déceptions politiques, revers financiers, échecs amoureux ou maladies. Il geint parfois mais continue toujours. Peut-être par un goût profond des abîmes et des catastrophes, Balzac est l’homme de tous les rebondissements et de tous les réemplois, le phénix toujours renaissant, le plus reparaissant de tous ses personnages.
14La Cousine Bette recense, dans une impitoyable démonstration, les derniers avatars et les ultimes démissions de la Paternité. C’est la façon balzacienne de faire son deuil du patriarcat, c’est-à-dire d’un passé impossible à restaurer et d’un système de pensée fondée sur une conception théocratique du monde, dans lequel il y avait équivalence entre pouvoir et paternité22. Par-delà le XIXe siècle, nous en conservons de multiples séquelles, y compris dans le vocabulaire de la psychanalyse, qui appelle fonction paternelle le pouvoir de dire la loi. On ne cesse de confondre le Père et le papa, la place actantielle et les actants. Le système de remplacement se situe forcément du côté de la dualité, avec une réflexion nécessaire mais encore embryonnaire sur la notion d’égalité. En Balzacie, celle-ci n’existe sans doute pas entre les hommes et les femmes, mais elle existe sur le plan de la théorie de la création entre la « tête » et la « main », le corps et l’esprit. Il n’y a donc plus de haut et de bas, de noble et de vulgaire. Cette logique du retournement, on la retrouve agissante dans toute la pensée du XIXe siècle et dans l’esthétique romantique, qu’il s’agisse du refus de la hiérarchie des genres ou du renversement imaginé par Marx entre super et infrastructure. Dans le domaine de la procréation, la médecine du XIXe siècle a peu à peu cessé de se demander ce qui primait du sperme ou de l’ovule. L’attelage Conception/Exécution de La Cousine Bette est du même ordre : pour penser comme pour faire un enfant, il faut être deux. La Muse est un signifiant, auquel Freud donnera le nom très romantique de « continent noir ». Du moins est-ce la réponse que Balzac a essayé de formuler pour répondre à la question : comment créer lorsqu’on n’est pas Dieu ?
Notes de bas de page
1 Cette étude fait pendant à mon article sur la filiation intellectuelle selon Balzac : « La question de l’origine à l’origine du roman balzacien », Balzac. Une poétique du roman, sous la direction de Stéphane Vachon, Montréal, XYZ, et Presses universitaires de Vincennes, 1996, p. 285294. Les références à La Comédie humaine (désormais abrégée CH, suivie du numéro du volume) renvoient à l’édition en 12 volumes de la Pléiade (1976-1981). Celles aux Œuvres diverses (désormais abrégées OD) aux deux volumes actuellement parus, également dans la Pléiade (1990-1996) et celles de la Correspondance aux 5 volumes de l’édition de Roger Pierrot chez Garnier Frères (1960-1969).
2 Cf. Pierre Boutang, Le Temps. Essai sur l’origine, Optiques Hatier, 1993, p. 25 : « Depuis quand l’idée même de Création ex nihilo a-t-elle perdu de sa force, a-t-elle été offusquée (en son sens primitif d’un obscurcissement) dans l’esprit et le cœur humains ? Simplement depuis que le Dieu, qui en est l’auteur, a été nié ou mis en doute : doute ou négation déjà présents dans la nuque raide d’Israël et la fragilité de la foi chez les Chrétiens, même aux premiers temps. »
3 CH, VIII, 1669-1670. Voici le contexte du passage : « aujourd’hui il y a de la modestie à se nommer, il y a une certaine noblesse à offrir à la Critique et à ses concitoyens une vie réelle [...] S’il a pu exister quelque grâce dans le mystère dont un écrivain s’enveloppe, si le public a respecté son voile comme le linceul d’un mort, tant de barbouilleurs ont usé du rideau qu’à cette heure il est sali, chiffonné, et qu’il n’appartient plus qu’à un homme d’esprit de trouver une ruse nouvelle contre cette prostitution de la pensée qu’on nomme : la publication.
L’auteur de l’ouvrage que nous publions a donc consenti, de bonne grâce, à entrer dans la compagnie des illustres danseurs de corde, qui, dit-il, s’efforcent pour de l’argent d’amuser le public par leurs tours. Les images qui ne devaient pas sortir de son âme, les tableaux au trait, aussitôt effacés que dessinés qui passaient rapidement dans sa pensée secrète empreinte de la grâce des aurores, il les a décrits et en les exposant aux regards de tous il leur verra perdre [leur fleur virginale], »
4 Dans sa réédition du livre de Parent-Duchâtelet sur la prostitution, Alain Corbin signale qu’en 1836, l’année de La Vieille Fille et de la parution (légèrement posthume) du livre de Parent-Duchâtelet, Le Temps et Les Débats ont refusé à des médecins le droit d’écrire le mot syphilis dans leurs colonnes : Alexandre Parent-Duchâtelet, La Prostitution à Paris au XIXe siècle. Texte présenté et annoté par Alain Corbin, Le Seuil, 1981, p. 24.
5 Cf. Moïse Le Yaouanc, Nosographie de l’humanité balzacienne, Maloine, 1959, p. 293, à propos de la syphilis : « Le plus souvent Balzac se montre discret, réticent et il se contente de donner une ou deux indications ; parfois pourtant il multiplie les précisions, par exemple quand il fait parler sœur Ursule dans les Les Bons Propous des relligieuses de Poissy, ou bien lorsqu’il campe le personnage de Mortsauf, surtout ceux de Cataneo, de Bridau, de Cérizet, de Marneffe. En réunissant tous les détails dispersés dans ses écrits et en les groupant méthodiquement, on s’aperçoit qu’il est fort bien renseigné sur l’histoire, les manifestations, l’étiologie et le traitement de la syphilis. »
6 « un savant médecin », La Vieille Fille, IV, 845, et note 2.
7 « un médecin arrêté par la mort », Splendeurs et misères des courtisanes, VI, 468.
8 Illusions perdues, V, 328.
9 Le Colonel Chabert, III, 314 : sont ainsi désignés « les sacristies humides où les prières se pèsent et se paient » et « les magasins des revendeuses où flottent des guenilles qui flétrissent toutes les illusions de la vie en nous montrant où aboutissent nos fêtes ».
10 La Maison Nucingen, VI, 330. Les chiffres qui précèdent sont tirés de la concordance de La Comédie humaine, établie par M. Kazuo Kiriu, avec l’aide d’Etienne Brunet pour la partie informatique (hors commerce).
11 Cf. N. Mozet, « De sel et d’or : Eugénie Grandet, une histoire sans Histoire », dans Catherine Nesci dir., Corps/Décors, Rodopi, Amsterdam/Atlanta, 1999.
12 Cf. Lucienne Frappier-Mazur, « Balzac and the Sex of Genius », Renascence, vol. XXVII, no I, Autumn 1974, p. 23-30, et « Balzac et l'androgyne. Personnages, symboles et métaphores androgynes dans La Comédie humaine », L’Année balzacienne, 1973, p. 253-277.
13 Cf. N. Mozet, Balzac au pluriel, PUF, 1990, p. 46 [p. 34-46 : « 1846 : la fin de l’artiste prométhéen »].
14 Cf. N. Mozet, « Romantisme et originalité », dans Itinéraires du XIXe siècle, études réunies par Paul Perron, Roland Le Huenen, Stéphane Vachon, Toronto, Centre d’études romantiques Joseph Sablé, 1996, p. 1-8.
15 Béatrix, II, 653.
16 CH, IX, 915 : « [L’auteur] croit nécessaire de déclarer ici qu’il ne s’est nulle part mis en scène. Il a sur la promiscuité des sentiments personnels et des sentiments fictifs une opinion sévère et des principes arrêtés. Selon lui le trafic honteux de la prostitution est mille fois moins infâme que ne l’est la vente avec annonces de certaines émotions qui ne nous appartiennent jamais en entier. » Cf. N. Mozet, « A quoi bon les préfaces ? », dans Balzac, Le Lys dans la vallée, « cet orage de choses célestes », textes réunis par José-Luis Diaz, SEDES, 1993.
17 Ibid., 928 : « mon nom de Balzac est mon nom patronymique. »
18 Ibid. : « La noblesse a péri en 1789 en tant que privilèges ; aujourd’hui il n’y a plus dans un vieux nom que l’obligation de se faire un mérite personnel, afin de reconstruire une aristocratie avec les éléments de la noblesse. »
19 Ibid., 929 : « Je ne suis point gentilhomme dans l’acception historique et nobiliaire du mot, si profondément significatif pour les familles de la race conquérante. Je le dis en opposant orgueil contre orgueil ; car mon père se glorifiait d’être de la race conquise, d’une famille qui avait résisté en Auvergne à l’invasion, et d’où sont sortis les d’Entraigues. »
20 L’expression est du vicomte de Lovenjoul, dans sa notice du Prêtre catholique (publiée dans la Revue des deux mondes du 15 août 1952). Voir aussi Aline Mura, Béatrix ou la Logique des contraires, Champion, 1997.
21 Cf. Vladimir Granoff, La Pensée et le Féminin, Minuit, 1976, qui reste un ouvrage de référence.
22 Cf. Gérard Pommier, Freud apolitique ?, Champs Flammarion, 1998, p. 69 : « Avec la Révolution française, c’est moins la décapitation du roi que l’absence de recours à un dieu qui signifie, pour la première fois, la fin de la théocratie. »
Auteur
Professeur émérite à l’université Denis Diderot Paris 7, responsable du Groupe international de recherches balzaciennes et directrice de la collection Balzac, « du Bicentenaire » aux éditions Sedes. Elle est l’auteur de La Ville de province dans l’œuvre de Balzac, L’espace littéraire : fantasmes et idéologie (réédition Slatkine, 1998 [1982]) ; Balzac au pluriel (PUF, 1990). Elle a dirigé : George Sand, une correspondance (Saint-Cyr-sur-Loire, Christian Pirot, 1994) ; Honoré de Balzac, La Grenadière et autres récits tourangeaux de 1832 (ibid., 1999) ; avec Paule Petitier, Balzac dans l’Histoire (Sedes, 2001). En collaboration avec Claude Duchet et Isabelle Tournier, elle a assuré la direction scientifique du cédérom Explorer La Comédie humaine (texte intégral de l’édition originale, dossiers, notices, etc.), Acamédia, 1999.
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Biographie & Politique
Vie publique, vie privée, de l'Ancien Régime à la Restauration
Olivier Ferret et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.)
2014