La tradition turpinienne et l’Italie
p. 163-178
Remerciements
Je remercie le Center for the Humanities of Loyola College in Maryland, qui m’a fourni une bourse d’étude pour l’été 2008, permettant la mise au point finale de cet article.
Texte intégral
Sta’cheto, ser Turpin, prete poltrone,
mentre squinterno il Vangelo alla gente ;
taci, di grazia, istorico ciarlone,
ch’ogni cronica tua bugiarda mente.
Mercé vostra, pedante cicalone,
ciascun poeta e ciaratan valente
dice tante menzogne in stil altiero
che di aprir bocca si vergogna il Vero.
Per colpa tua, cronichista ignorante,
nulla tenensis, vescovo Turpino,
drieto carotte ci caccia il Morgante
et il Boiardo e’l Furioso divino ;
per le ciacchere tue e fole tante
fa dir Marfisa al gran Pietro Aretino,
vangelista e profeta, [e] tal bugia
che un monsignor se ne vergognaria.
... Turpin se ne mente per la gola,
e ve lo voglio far veder tantosto2.
1C’est ainsi que, vers 1540, Pietro Aretino – L’Arétin – apostrophe l’archevêque Turpin. Et aujourd’hui encore, on peut lire dans un blog, « Ho tenuto in mano una tarantola – No. Ho accarezzato un coccodrillo (vero, non Turpino), vale3 ? ». Depuis la Renaissance, ou même avant, en Italie, le nom de Turpin est synonyme de source discutable, cité pour susciter immédiatement des doutes sur la véracité d’un fait ou d’une histoire. Et ceci provient de la réception, propre à l’Italie, de l’Historia Karoli magni et Rotholandi, attribuée au pseudo-Turpin, dont la première version constitue, on le sait, le quatrième livre du Codex Calixtinus. Dans son premier livre, le Codex évoque particulièrement les Italiens, parmi les peuples qui viennent en Espagne vénérer saint Jacques de Compostelle :
Illuc populi barbari et domestici cunctorum cosmi climatum adveniunt (…) Itali, Apuli (…), Romani (…), Tuscani, Kalabriani (…), Siciliani (…), Sardani4…
2Les connexions entre la péninsule italienne et Saint-Jacques de Compostelle suivirent la via Francigena avec les pèlerins de toute sorte et de toute époque pendant le Moyen Âge. Le premier pèlerin italien dont nous avons la trace était un voyageur émérite (Stopani le définit comme un « globe-trotter »), un « Popinus », du château casentin de Poppi, qui visita non seulement Compostelle, mais aussi, par deux fois, Rome et Saint-Michel du Monte Gargano, entre les années 1164 et 11945. Les sanctuaires des saints les plus importants se trouvaient sur la voie qui conduisait à Compostelle : par exemple Plaisance, Lucques, Rome. Les itinéraires exacts changeaient en fonction des besoins politiques (et parfois publicitaires), mais le nombre des documents qui les concernent s’accroît avec le temps ; au quatorzième siècle, un Vénitien enregistra sa route assez exactement : Chioggia, Ferrare, Bologne, Florence, Pise, puis des ports maritimes pour passer par la Provence et le Languedoc. Le manuscrit qui contient cette chronique se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque Saint-Marc de Venise. Un autre itinéraire anonyme, de la fin du xve siècle, indique avec grande précision les étapes depuis Florence jusqu’à Compostelle ; il inclut Bologne, Modène, Parme, Plaisance, et d’autres villes encore. La via Emilia et la via Francigena (ou Monte Bardone) sont donc des routes que connaissaient bien les pèlerins italiens qui allaient à Compostelle6.
3Ce sont les mêmes voies que fréquenta la Chronique du pseudo-Turpin ; car les villes principales sur les routes de pèlerinages possèdent souvent, aujourd’hui encore, non seulement des lieux de culte propres mais aussi des bibliothèques où se trouvent des manuscrits de ce texte. À Rome ville de pèlerinage, et à Venise, point de départ pour la Terre Sainte, se trouvent des versions importantes du Pseudo-Turpin. Le Musée du Vatican en conserve onze manuscrits latins ; à Venise il y en a deux, originaires de Padoue, à Florence deux autres et quinze à Turin7.
4Mais dans la tradition littéraire péninsulaire le Pseudo-Turpin servit surtout à inspirer des inventions nouvelles : on n’a pas de traduction véritable du texte en italien. Au xive siècle, L’Entrée d’Espagne franco-italienne ne cesse de se réclamer avant tout de la Chronique de Turpin, et, comme le notait déjà A. Thomas, « son auteur se dit assuré de faire son salut éternel en la versifiant en français pour la mettre à la portée de ceux qui ne savent pas le latin », et « la triple apparition de saint Jacques à Charlemagne ouvre l’Entrée d’Espagne comme la Chronique, et le duel de Roland avec Ferragu (…) est l’objet dans la Chronique d’un chapitre spécial, qui est le plus étendu de tout l’ouvrage et où le Padouan a largement puisé8 ». Au xve siècle le texte de Turpin inspirera Li Fatti di Spagna (un texte lombard dont il reste un unique manuscrit)9 et La Spagna in rima (en ottava rima) toscane dont nous avons plusieurs exemplaires et différentes versions10. Une version en prose, La Spagna in prosa, qui date aussi du xve siècle, reste toujours inédite11. Il semble que ces trois derniers textes dérivent plus ou moins indirectement de l’Entrée ; ils incluent des parties des chapitres 2-3, 17, 21-23 et 25-27 du Pseudo-Turpin, avec des variantes notables, ce qui signifie que ce sont surtout l’apparition de saint Jacques à Charlemagne, les noms des villes espagnoles et le combat de Roland avec Ferragu qui s’y retrouvent. Mais certains érudits ont parfois exagéré en disant, par exemple, « Lo Pseudo-Turpino compare in traduzione italiana, già nel XIIIo secolo, con Li Fatti di Spagna12 … ». Pour A. de Mandach l’Entrée et les Spagna constituent différents rameaux (C20 et T28) de la tradition du Pseudo-Turpin13. M. Infurna considère au contraire que « l’Historia Karoli Magni et Rotholandi… fornisce non più che qualche spunto iniziale alla sua [dell’Entrée] fervida inventiva, al suo gusto per l’amplificazione14 ». C. Dionisotti souligne que la Spagna et sa tradition restent vivantes dans le nord de l’Italie – en Lombardie et Emilie (cf. l’inventaire des Gonzague de 1407) – hors de l’influence humaniste florentine15. Il est donc logique que la présence du Pseudo-Turpin occupe moins de place dans les débats littéraires italiens que dans ceux de France. La situation peu claire de la Spagna, les relations de cette tradition avec les Rinaldo et la datation de ses textes, – pour ne pas mentionner des relations complexes entre ces premières versions et leur rôle auprès des grands poètes Boiardo et l’Arioste – intéressent plus les érudits italiens16. Ainsi, les références à la Chronique de Turpin apparaissent déjà dans des textes des xive et xve siècles, et certains auteurs dénoncent même les déformations qui lui sont apportées par d’autres rédacteurs. Tout cela présage les évolutions distinctes de cette tradition en Toscane et dans le reste de l’Italie.
5La matière du Pseudo-Turpin étant donc connue en Italie, on peut dégager deux fils conducteurs révélateurs d’un intérêt particulier : d’une part Turpin à la fois comme personnage du récit et conteur (combinaison et contraste dûs à la chronique), d’autre part le lien très fort qui est établi entre lui, l’Espagne et les douze pairs de Charlemagne à travers le voyage de l’armée impériale en Espagne (selon des sources différentes). En entendant le nom de Turpin on songe plutôt, en Italie, aux poèmes de Boiardo et de L’Arioste qu’aux précédents franco-italiens ou aux cantari italiens, et l’on se souvient surtout d’un Turpin trompeur. Pour comprendre cette perception moderne de Turpin comme menteur, il convient de suivre le développement en Italie de la tradition qui le concerne, même au-delà de la Renaissance, et jusqu’au xviiie siècle, depuis Ferrare et Florence – en laissant ici de côté la production franco-italienne.
6Un spécialiste de Boiardo, Antonio Franceschetti, nous avertit qu’attribuer la paternité de beaucoup de légendes carolingiennes à Turpin
non è né così generale né così costante come comunemente si crede e si ripete, e si crede e si ripete soprattutto perché questo è stato fatto dal Pulci, dal Boiardo, e dall’Ariosto17 »,
7et il insiste sur le choix conscient que fit Boiardo. En examinant les textes classiques de Ferrare Le Roland Amoureux de Boiardo (1476-1494 ; publ. 1486, 1495) ; Le Roland Furieux de L’Arioste (1516 ; 1521 ; 1532) avec ses Cinq Chants (1545) ; Le Mambriano de Cieco da Ferrara (Francesco Bello, entre 1496-1509 ?)18 – et la Jérusalem Délivrée de Torquato Tasso (1580), on fait plusieurs constatations : La Jérusalem ne mentionne pas du tout Turpin, tandis que le Mambriano l’évoque, mais assez rarement : en fait il célèbre la popularité de Rinaldo (Renaut) et raconte surtout ses aventures. Turpin apparaît seulement comme personnage, au chant 34 – où il abolit des sortilèges – et à la fin, où l’auteur nous dit :
E perché da costui ho cominciato
Se non dispiace a vostra signoria,
Io vo’ che Mambrian sia intitolato
Il libro ove è fondata l’opra mia,
Che simil titol da Turpin è dato,
Scrittor famoso, il qual non scriveria
Per tutto l’or del mondo una menzogna,
E chi il contrario tien veneggia e sogna. (45.121)19
8Il n’est donc pas étonnant que la présence et le rôle de Turpin dans le Mambriano donnent seulement lieu à peu de travaux de la part des critiques littéraires. C. Cimegotto, dans un chapitre sur les personnages, signale seulement que Turpin « rompe ogni incanto20 ». Parce que le livre n’est pas centré sur Charlemagne et Roland, et qu’il ne s’agit pas des batailles livrées en Espagne, Turpin n’y joue pas un grand rôle. Le Tasse qui, au xvie siècle, est très engagé dans les discussions littéraires sur l’épopée et sa nature suscitées par l’étude des épopées antiques, consacre son œuvre à la prise de Jérusalem, à laquelle ne participèrent évidemment ni Turpin ni les douze pairs, évitant ainsi les difficultés que la présence de telles figures aurait causées21.
9C’est peut-être dans Li Fatti de Spagna, texte septentrional en prose qui conte les exploits de Charlemagne et de ses hommes en Espagne, ou dans une œuvre semblable, que l’on doit chercher l’ancêtre des textes de tradition carolingienne à Ferrare. Li Fatti mentionnent très rarement Turpin, mais c’est à lui qu’est attribuée l’origine de l’œuvre22 :
perché l’arcivescho Turpino con sova mane scripse la veraxe storia. Una note el me vene uno angelo in vixione anontiare che io devesse scrivere la dita istoria si voleva essere salvo de l’anima mia23.
10Son nom comme auteur apparaît une autre fois, au commencement du chapitre 47, « Dice la istoria, segondo che scripse lo archivescho Turpino… ». En dehors de ces passages, Turpin(o) est exclusivement un personnage de paladin, et – comme dans la tradition de la Chanson de Roland –, il meurt à Roncevaux, en essayant ici d’apporter de l’eau à Roland agonisant24.
11Chez Boiardo et L’Arioste la situation est bien différente. Boiardo, dans son Roland Amoureux, rend déjà hommage à Turpin dans son sous-titre : « Chronique véridique de Turpin, archevêque de Reims, par le comte magnifique Matteo Maria Boiardo, comte de Scandiano25 ». Dans le texte entier du Roland Amoureux, il y a soixante-cinq occurrences du nom Turpin(o), dont dix-huit sont simplement la mention du nom du personnage ; les quarante-sept autres évoquent l’écrivain. Dans les trois livres du poème26 l’emploi du nom de Turpin se développe et évolue.
12Dans le premier livre, après le prologue, le poète présente l’archevêque comme sa source dans les récits de combats (à propos du type d’armure ou du nombre ou de la force des coups, par exemple). Ce premier livre présente vingt-trois fois le nom Turpin(o), mais quatre mentions seulement concernent le personnage : dans le premier chant, Turpin est cité quatre fois comme source – les deux premières fois il est seulement celui qui ne raconte pas l’histoire : « Turpino istesso la nascose » (1.1.2 : 2), mais dont le propos est ensuite immédiatement repris : « La vera istoria di Turpin ragiona », (1.1.3 : 2) ; les deux dernières mentions ont pour effet de diminuer le crédit accordé à ce qu’il dit : « se non mente il libro di Turpino » (1.1.61 : 7), en parlant d’Astolfo (Estout), un personnage qui prend de plus en plus d’importance en Italie, surtout à partir de Boiardo, ou en mettant en doute le fait que les géants en mouvement font un bruit extraordinaire (1.1.74 : 7). Après le premier chant, Boiardo continue en développant des détails extravagants et en justifiant les transitions grâce au nom de Turpin27. Jusqu’au vingt-quatrième chant du même livre, ce sont des références assez brèves et dont la tonalité n’est pas négative :
Ogni lor colpo ben Turpin raconta. (1.15.13 : 8)
con lui se afrontarno altre persone,
Che Turpin non le seppe nominare. (1.19.49 : 3-4)
13Mais avec le vingt-quatrième chant, le contexte des références turpiniennes change : il est alors question de l’amour – ou plutôt de son absence – : à propos de Leodilla qui se trouve toute seule avec Roland dans la forêt, et fort déçue…
Turpino affirma che il conte de Brava
fo ne la vita sua vergine e casto. (1.24.14 : 5-6)
14et l’octave finit ainsi :
Credete voi quel che vi piace ormai ;
Turpin de l’altre cose dice assai. (1.24.14 : 7-8)
15C’est là la première fois que l’on invoque l’autorité (ou l’absence d’autorité de Turpin à propos de l’amour28. Peu après, Boiardo invoque Turpin comme autorité à propos des dents de dragon semées pour créer des soldats, histoire évidemment basée sur des légendes antiques (celles de Cadmos ou de Jason) :
Turpin, che mai non mente in alcun loco,
Dice che penne [du chapeau] uscirno a poco a poco.
(1.24.53 : 7-8)
16C’est ici la première fois que Turpin est présenté comme la source d’une histoire en réalité d’origine antique. Ce chant 24, est aussi le seul (après la première octave du premier livre) où l’on observe de multiples références à Turpin. Le deuxième livre, un peu plus long que le premier, contient vingt-sept occurrences du nom Turpin(o), dont cinq concernent le personnage. Les autres sont encore des références aux écrits de Turpin, mais ceux-ci ne sont plus censés concerner seulement des faits d’armes. On y inclut des événements amoureux mêlés à des faits d’origine antique. En fait, le nom de Turpin(o) est évoqué deux fois dans une série de chants du deuxième livre29. Dans le troisième livre, beaucoup plus court, on observe seulement quinze occurrences du nom de Turpin(o), mais plusieurs fois dans un même chant, et même jusqu’à huit fois dans le chant IV. Mais il ne s’agit là que du personnage, pas de l’écrivain. Ainsi, du point de vue du développement d’une stratégie narrative, ce qui est particulièrement intéressant c’est l’évolution entre le premier livre et les deux suivants, en ce qui concerne la structure aussi bien que la fréquence de l’utilisation du nom Turpin.
17En fait, le style même du poète évolue : dans le premier livre, Turpin(o) est le plus souvent évoqué à la fin d’une octave, particulièrement au vers 7, et parfois au vers 5 sur lequel se clôt le thème initial. La distribution dans tout ce livre est en fait de six occurrences du nom dans les quatre premiers vers de l’octave contre dix-sept dans la seconde moitié. Mais dans les deuxième et troisième livres, les mentions sont plus également partagées entre les deux parties des octaves : 14 (dans la première) à 13 (dans la deuxième), et 7 et 8 respectivement. Franceschetti nous suggère qu’avec les formules d’authentification empruntées aux cantari,
Boiardo spesso le adotta allo scopo opposto : quello di porre in dubbio, non di autenticare, la veridicità di quanto scrive, di metterne in luce ed in risalto le intime assurdità e gli aspetti incredibili, irreali e fantastici30.
18Il s’intéresse surtout au choix que fait Boiardo dans la présentation de Turpin, et ne suit pas le développement du topos dans la suite. Mais même si l’on s’en tient à ce poète, l’on vient de voir que l’usage de la mention de Turpin(o) évolue. Une telle variation pourrait être révélatrice, en même temps que d’autres indices comme la présence d’un personnage comme Astolfo31, du travail d’adaptation accompli par le poète.
19L’Arioste est l’auteur le plus connu dans la tradition italienne parmi ceux qui ont mentionné le nom de Turpin, et il est réputé donner un éclat particulier aux procédés d’auteur ironiques en évoquant l’archevêque à propos de faits clairement discutables. Zatti observe que la présence de Turpin est plus évidente chez Boiardo, puisque le nom apparaît seulement dix-huit fois dans le Roland Furieux32, mais selon une répartition révélatrice : trois fois seulement pour désigner le personnage, les autres mentions évoquant l’auteur. Au contraire Boiardo l’évoque soixante-cinq fois, dix-huit pour le personnage et quarante-sept pour l’auteur. Les proportions sont donc très proches chez les deux poètes (29 %/71 % chez Boiardo, 20 %/80 % chez l’Arioste), mais le nombre total et la distribution des occurrences sont différents. Comme l’explique Zatti, L’Arioste complique le fonctionnement du texte en liant les deux rôles de personnage et de conteur, pour rendre ses lecteurs conscients du problème narratif à travers un dialogue continu avec eux. L’Arioste joue sur le rapport entre structure et vérité pour mettre en évidence le fait que c’est lui qui, en définitive, choisit33. L’exemple le plus frappant se trouve au chant 28 où le poète invite ses lectrices à ne pas lire un récit scabreux en disant qu’il le rapporte seulement parce que Turpin le fait. À l’évidence, lorsqu’il dit que ce n’est pas nécessaire, on comprend que c’est en réalité plus que nécessaire34.
20En fait, comme Boiardo, L’Arioste se plaît à inventer des sources ou bien à dissimuler celles qu’il utilise véritablement. Après tout, même s’il écrit une continuation de l’Orlando innamorato, il ne mentionne jamais le nom de son prédécesseur ni de son texte-source. Il dit, par exemple, en parlant de certains événements :
Non si legge in Turpin che n’avvenisse,
ma vidi già in un autor che più ne scrisse. (24.44 : 7-8)
21et c’est sans nous donner le nom de cet auteur qu’il développe les détails. Au commencement comme à la fin de l’œuvre, on peut aisément remarquer l’absence de Turpin ; la première apparition du nom se trouve au chant 13, et la dernière au chant 44, dans une œuvre de 46 chants au total. Comme Boiardo, L’Arioste utilise Turpin pour des raisons narratives, comme par exemple pour changer de sujet (e.g, 23.38) ; pour donner un détail exagéré (13.40 ; 23.62 ; 30.49) ou omettre un détail spécifique (18.175 ; 31.79), aussi bien que pour s’excuser d’avoir inclus quelque chose (28.2 ; 29.56). Toutes ces mentions encouragent en fait le public à se méfier de la source citée, Turpin.
22Les Cinque Canti sont une addition qui avait été envisagée mais n’a finalement pas été ajoutée au Roland Furieux35. Dans leurs 4384 vers (trois chants en octaves), Turpin est nommé trois fois comme personnage, une fois seulement en tant qu’auteur, quand Astolfo et Ruggiero se retrouvent dans l’estomac d’une baleine :
S’avessen pane o se ne fosson privi,
non so dir certo : ben scrive Turpino
che sotto il gorgozulle era un molino…
D’una fontana similmente tocca,
ch’a ridirla le guance me fa rosse :
lo scrive pure, et il miracol copre
dicendo ch’eran tutte magich’opre.
Non l’afferm’io per certo né lo niego :
se pane ebbono o no, lo seppon essi36 ».
23Ceci, bien que rare, confirme l’usage habituel de L’Arioste que nous venons d’observer.
24Boiardo, et après lui L’Arioste, fondent donc leur démarche sur la contradiction : Boiardo intitule son œuvre « Chronique véridique de Turpin » mais ensuite, dans la troisième octave, il signale que personne ne connaît l’histoire qu’il raconte, parce qu’elle était omise par Turpin, mais il continue en le citant tout de même, et L’Arioste, en prolongeant le texte de Boiardo, suit donc son exemple : il n’est donc pas étonnant qu’un texte basé sur la contradiction en exploite les possibilités ludiques.
25Les œuvres florentines se fondent sur des données semblables. Le nom Turpin(o) se trouve d’abord dans La Spagna et dans Le Morgante de Pulci (1478, 1482), dont le contenu se trouve aussi dans l’Aspramonte en prose d’Andrea da Barberino (fin du xive -début du xve siècle). En revanche, il n’y en a pas de mentions de Turpin dans la Divine Comédie de Dante, bien que le cor de Roland sonne encore dans l’imagination de Dante en Enfer, quand il entend sonner Nemrod :
Dopo la dolorosa rotta, quando
Carlo Magno perdè la santa gesta,
Non sonò sì terribilmente Orlando37.
26et bien que Roland, Charlemagne, Guillaume et Renouart se retrouvent au Paradis :
Così per Carlo Magno e per Orlando
due ne seguì lo mio attento sguardo,
com’occhio segue suo falcon volando.
Poscia trasse Guiglielmo e Rinoardo
e ‘l duca Gottifredi la mia vista
per quella croce, e Ruberto Guiscardo. (Par. 18 : 43-48)
27Nous ne sommes pas en Espagne, et la prétendue vérité révélée du voyage de Dante contraste avec les fables de ses confrères littérateurs qui jouent avec l’apparence de véracité. Pas d’Espagne, pas de jeu sur le rapport entre auteur, personnage, source ? Pas de Turpin.
28La Spagna présente une histoire complexe, dont on possède plusieurs versions. Selon son éditeur, M. Catalano, le texte daterait du xive siècle, mais tous les manuscrits et incunables remontent seulement au xve ou lui sont même postérieurs, et Dionisotti démontre que c’est plutôt un texte du xve siècle38. Cette version donne seulement un rôle de personnage à Turpin, qui meurt à Roncevaux comme dans la Chanson de Roland et dans d’autres œuvres, et dont l’âme est alors emportée au Paradis :
Tosto scorto e chiaro
gli augioli furon dal cielo smontati :
l’anima di Turpin con canti e festa
ne la portaron nella santa gesta. (36.29 : 4-8)
29Andrea da Barberino écrivit plusieurs grandes œuvres en prose qui forment un cycle narratif39. Celui-ci est organisé de façon chronologique, et le personnage de Turpin apparaît à l’étape qui convient dans le développement diégétique. L’Aspramonte conte les événements qui suivent ceux des Reali di Francia, et précèdent Roncevaux : batailles, mariage de Roland et Aude, formation du groupe des douze pairs… Turpin assiste à plusieurs de ces événements. Or, dans le chapitre 30 du livre I, nous lisons, « … secondo che scrisse Turpino, autore di questa storia » (1.30.26)40. On lui attribue donc un récit des moments qui précédent l’expédition en Espagne. Il faut remarquer que cette unique référence à Turpin comme source se trouve au milieu de l’épisode de Galiziella, qui est évidemment une innovation d’Andrea41. Lui aussi invoque donc l’archevêque comme source prétendue pour sa propre création.
30L’épopée classique florentine Le Morgante42 est une œuvre hétérogène. Pulci utilisa deux textes antérieurs comme modèles structurants pour son poème. La première partie dérive de l’Orlando anonyme (ce sont les chants 1 à 23), et la deuxième de la Spagna (chants 24 à 28). Cette diversité des sources confère donc aux deux parties un caractère différent. Dans les chants 1 à 23, Pulci présente à trois reprises Turpin comme l’auteur du récit : « se Turpin non mente », dit-il pour témoigner de faits incroyables, à propos d’animaux (12.43.3) ou d’un combat contre Ganelon (11.38.4). Dans le chant 8, Turpin intervient à quatre reprises comme personnage. On arrive alors à un total de 7 références en 23 chants. Or, tout change dans les chants 24 à 28, où son nom résonne dans chaque chant. D’abord encore personnage, dans le chant 24, mais seulement 3 fois ; puis personnage et témoin (deux fois) dans le chant 25 ; puis dans le 26, personnage (6 fois) ; enfin, dans le chant 27, il est mentionné 36 fois, comme personnage et comme auteur – ce qui est logique puisqu’il s’agit de la bataille de Roncevaux. Le personnage joue son rôle 28 fois, et il est 8 fois témoin d’une bataille ou d’un fait merveilleux. Dans le dernier chant, le personnage est mort et enseveli, mais l’auteur est encore mentionné trois fois. Donc, Pulci utilise 56 fois le nom Turpin(o) en 30.104 vers, mais avec une prédominance du personnage sur l’auteur. Pourtant c’est l’auteur Turpin qui ouvre et ferme l’œuvre, en compagnie d’un « Ormanno » et d’un « Leonardo » mystérieux :
Diceva Leonardo già Aretino,
Che, s’egli avessi avuto scrittor degno,
Com’egli ebbe un Ormanno e’l suo Turpino,
Ch’avessi diligenzia avuto e ingegno ;
Sarebbe Carlo Magno un uom divino… (1.5, pp. 26-27)
31S. Zatti attire notre attention sur cette multiplication de sources et suggère que cet humour philologique éveille le doute sur le fait que Turpin et d’autres auctoritates soient évoqués seulement comme prétextes pour des clins d’œil au cercle humaniste de la cour laurentienne43. Il faudrait aussi observer que le rôle du personnage de Turpin n’est guère développé chez Boiardo, ce qui contribue à l’effet de jeu narratif et augmente les soupçons des lecteurs44.
32C’est à juste titre que l’on admire l’Arioste pour son imagination, mais il n’est pas le seul à utiliser Turpin, à son époque ni dans la tradition ; comme lui, Pulci et Boiardo jouent avec la forme, les personnages, et la narration. Leurs choix ont été diversement appréciés mais n’ont pas été oubliés. C’est à peu près de la même époque que sont L’Orlandino (1526) de Folengo et les poèmes prétendument chevaleresques de L’Arétin : La Marfisa (1533) et L’Orlandino (1540). Les procédés de Boiardo et de Pulci, ont été repris par leurs héritiers immédiats, et ce sont notamment l’Arétin et Folengo qui en profitent. Chez eux, la mauvaise réputation de Turpin est liée à la dégradation progressive de la réputation de la cour de Charlemagne.
33L’Orlandino de Folengo commence avec un sonnet-acrostiche et une dédicace à Frédéric II Gonzague ; les huit capitoli qui suivent sont d’un nombre variable d’octaves45, et sont accompagnés chacun d’un prologue et d’une conclusion. Le venin anticlérical des commentaires et les exemples de mauvais clercs occupent plus d’espace que l’histoire de Rolandin lui-même (le conte classique de la fuite de Berte enceinte avec Milon, qui se conclut par la naissance de Rolandin en Italie et finalement par la réconciliation de Charlemagne avec sa famille). Les paladins sont buveurs, mangeurs, et couards, et se comportent en enfants gâtés. Tous les écrivains, ou presque, sont présentés comme incompétents :
Di quanti scartafacci e scrittarie
oggidí cantar odo in le boteghe,
credeti a me, son tutte cagarie,
piú false assai de le menzogne greghe ;
fatene, bei signori, forbarie,
ch’ognun il naso no, ma ‘l cul si freghe ;
sol tre n’abbiamo vere in stil toscano :
Boiardo le trascrisse di sua mano.
(Cap. 1, 16.1-3 ; 16.1-8)46
34L’Arétin dont la langue était acérée et la vie licencieuse attribue aux douze pairs et aux personnages de L’Arioste les vices et les problèmes de son temps, aussi bien dans Marfisa (trois chants qui ont été achevés, et dont l’action a lieu après la fin du Furioso) que dans l’Orlandino et l’Astolfeida (qui comporte trois chants mais qui est incomplet). Dans ce dernier poème, il caractérise ainsi Turpin comme chroniqueur et menteur :
Fu Turpin capellano e cancelliero
e confessor di Carlo e cronichista ;
se mai de’ paladini scrisse un vero,
aveva poi cento menzogne in lista. (1.21 : 1-8)47
35Avec le siècle suivant, on commence à voir que des poètes utilisent le nom et l’œuvre de Turpin pour inscrire leurs œuvres dans une certaine tradition épique. Celle d’Alessandro Tassoni, La Secchia Rapita (« Le seau volé »)48, recycle le personnage de Turpin dans des combats héroï-comiques livrés entre Bologne et Mantoue pour un seau dérobé ; il y mentionne deux fois Turpin. Basé sur un vrai incident, le motif ridicule d’affrontements comiques suscite le rire par le recours au langage ampoulé de l’épopée carolingienne. Il dit ainsi de l’un des héros :
Questi in Italia poscia ebbe domíno
e si fe’ in ogni parte memorando ;
solo a la gloria sua mancò Turpino
che scrivesse di lui come d’Orlando :
eroe non l’agguagliò né paladino,
e sol cedé al valor di questo brando ;
e perché cosa occulta non rimagna,
digli ch’io sono il conte di Culagna. (9.73)49
36Au xviiie siècle le renom et la popularité des traditions épiques ne faiblissent pas. Carlo Gozzi (qui, dans son introduction, s’avoue inspiré par le succès de Parini), continue dans la ligne de L’Arétin. Sa Marfisa bizzarra (1761 et 1768), œuvre didactique et parodique en douze chants en octaves, utilise encore Turpin comme personnage et comme source. Dans son introduction il dit aussi :
Se nella vecchiaia del mio Turpino i paladini non avessero cambiati gli antichi costumi, che teneano del mirabile, gli accidenti della Marfisa sarebbero piú maravigliosi.
37Et il présente ainsi Marfisa :
Scrive Turpin di quella tuttavia
ch’ell’era attenta massaia e perfetta,
ma che in secreto questa economia
era di maliziosa formichetta,
e che a se stessa facea cortesia,
nascosta avendo piú d’una cassetta
di be’ zecchini, e di quelli il marito
né avea ragione né sapeva il sito. (2.10 : 1-8)50
38Gozzi continue aussi la tradition des attributions et des apartés plaisants avec les justifications prétendues de Turpin :
Deh, lettor mio, non creder ch’io t’inganni ;
Turpin lo scrisse, io quel ch’ei scrive narro. (8.53 : 5-6)51
39Pour Giuseppe Parini, commentateur de la vie mondaine dans son Giorno (1763, 1765 ; 1801), les combats sont devenus des concours de flirt, avec des rivalités de coquettes jouant de leurs éventails52. S’inscrivant dans la tradition de l’épopée héroï-comique, il ne cite plus Turpin comme l’auteur d’un texte-source, mais le mentionne seulement – sans utiliser l’ottava rima – pour évoquer une tonalité guerrière :
… E quinci ognor più violento e quindi
Il trepido agitar de i duo ventagli.
Così, se mai al secol di Turpino
Di ferrate guerriere un paro illustre
Si scontravan per via, ciascuna ambiva
L’altra provar quel che valesse in arme ;
E dopo le accoglienze oneste e belle
Abbassavan lor lance …
(Vespro 282-289)
*
40Ce survol de cinq siècles de littérature italienne permet donc de dégager quelques constantes et de noter en même temps des évolutions et des différences. Il n’est pas sans importance de noter d’abord que les œuvres qui évoquent Turpin sont toutes d’origine septentrionale. Leurs auteurs proviennent tous de Toscane ou de régions situées plus au nord : Modène, Padoue, et la région de Milan, ce qui est logique si l’on pense aux routes de pèlerinages auxquelles était liée la tradition. L’on constate d’autre part que certains personnages, non seulement Turpin, mais aussi Rolandin et Marfisa, sont fréquemment repris par les auteurs comme sujets et souvent comme sources de comique. Cela s’accorde bien avec les interprétations du comique qui suggèrent que des personnages de combattants insolites, enfants ou autres guerriers inattendus, peuvent être un moyen efficace de susciter le rire53. Il est important, enfin, d’observer l’évolution du personnage et des évocations de Turpin depuis son apparition en Italie ; si « au commencement était Turpin », on redécouvre ensuite à chaque étape de nouvelles facettes d’une figure à la fois fascinante et mouvante. Les auteurs de l’Italie septentrionale se sont emparés de l’archevêque Turpin, auteur et personnage d’origine française, et l’ont transformé selon leurs besoins, en fonction des conceptions de chaque époque.
41Ainsi, Turpin fait désormais partie du paysage littéraire, et constitue une référence obligatoire dans les contextes épiques italiens – qu’ils soient sérieux ou comiques – aussi bien qu’Homère, le poète aveugle, ou que Virgile, pour conduire les lecteurs, ces « pèlerins littéraires », au pays des merveilles. Comme Emilio Praga, au xviiie siècle, nous pouvons nous imaginer au « beau siècle » :
Io vo a spasso col vescovo Turpino :
è un vecchio strano e pazzo
che mi parla in latino. Gli fan codazzo
torri di foco e sibilanti draghi
e fantasimi e maghi,
e paladini e fate
innamorate.
Sulla sua mitra poi, spesso, pian piano,
compare un nano.
E il bel mar degli azzurri e delle calme
si popola di chiostri e di romiti…54
Notes de bas de page
2 P. Aretino, Orlandino, Poemi cavallereschi, éd. D. Romei, Roma, Salerno, 1995, v. 9-24 ; 69-70.
3 « J’ai eu en main une tarentule – Non. J’ai caressé un crocodile (c’est vrai, c’est pas du Turpin), d’accord ? » ( http://www.wanamingo.splinder.com/archive/2006-01)
4 CPT., I, 17, p. 89. R. Stopani remarque : « Come era normale nel Medioevo, l’Italia viene ripartita per etnie e ai soli abitanti della Padania è attribuito l’appellativo di ‘ italiani’ », Vie di pellegrinaggio del Medioevo : gli itinerari per Roma, Gerusalemme, Compostella, Florence, Le Lettere, 1991, p. 32, n. 66. Cf. aussi J. Scudieri Ruggieri, « Il pelegrinaggio compostellano e l’Italia », Cultura neolatina, 20, 1970, p. 185-198, particulièrement les p. 185 sq. et 194-195 ; J. E. Everson « Le Pèlerinage à Compostelle : histoire et littérature à la cour de Ferrare à la fin du quinzième siècle », L’épopée romane. Actes du XVe Congrès international Rencesvals (Poitiers, 21-27 août 200), Poitiers, Centre d’études supérieures de civilisation médiévale, 2002, p. 145-155. Pour les relations spécifiques avec la matière franco-italienne, cf. M. Piccat, « Motivi ed echi della tradizione jacopea nella letteratura franco-veneta », dans Atti del convegno Internazionale di Studi : Santiago e l’Italia (Perugia, 23-26 Maggio 2002), t. V, dir. P. Caucci von Saucken, Pérouse, Università degli Studi di Perugia, Edizioni Compostellane, 2005, p. 501-530.
5 R. Stopani, op. cit., p. 11-12.
6 R. Stopani, op. cit., p. 125-131 ; cf. aussi id., Il « camino » italiano per Santiago de Compostela : Le fonti itinerarie di età medievale, Florence, Le Lettere, 2001, particulièrement ch. 3, « La via francigena », p. 19-26.
7 Pour les inventaires des manuscrits, cf. A. Hämel, Überlieferung und Bedeutung des Liber Sancti Jacobi und des Pseudo-Turpin, Munich, Bayerische Akademie der Wissenschaften, 1950, p. 74-75, et A. de Mandach, I. Naissance et développement de la chanson de geste en Europe, t. I, La Geste de Charlemagne et de Roland, Genève, Droz, 1961, p. 364-414.
8 L’Entrée d’Espagne, éd. A. Thomas, Paris, SATF, 1913, p. XXXVI et XL.
9 . Li Fatti di Spagna : Testo settentrionale già detto « Viaggio di Carlo Magno in Ispagna », éd. R. M. Ruggieri, Modène, STM, 1951 ; Il Viaggio di Carlo Magno in Ispagna per conquistare il cammino di S. Giacomo, éd. A. Ceruti, Bologne, Romagnoli, 1871.
10 La Spagna. Poema cavalleresca del secolo XIV, éd. M. Catalano, Bologne, Carducci, 1939-1940 (3 vol.) ; pour les discussions sur la date et les relations entre les versions, cf. P. Rajna, « La rotta di Roncisvalle nella letteratura cavalleresca italiana », Il Propugnatore, 3.2, 1870, p. 384-409 ; 4.1, 1872, p. 52-78 et 333-390, 4.2, 1872, p. 53-133 ; C. Dionisotti, « Entrée d’Espagne, Spagna, Rotta di Roncisvalle », Studi in onore di Angelo Monteverdi, Modène, STEM, 1959, p. 207-241 ; R. M. Ruggieri, « Dall’Entrée d’Espagne e dai Fatti di Spagna alla “materia di Spagna” dell’inventario gonzaghesco », Atti del 2o Congresso internazionale della Société Rencesvals, Cultura neolatina, 21, 1961, p. 182-190 ; G. B. Rosiello, éd., La Spagna in rima del manoscritto comense, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2001.
11 Mais pour La Spagna in prosa, cf. F. Moretti, « Per un’edizione della Spagna in prosa », Confronto Letterario : Quaderni del Dipartimento di Lingue e Letterature Straniere Moderne dell’Università di Pisa, 42, 2004, p. 331-364. Pour une discussion à jour des relations entre la version en prose et celle en vers, et avec les Grandes Croniques, cf. F. Strologo, « Intorno alle fonti della Spagna in Prosa : l’altro Turpino », Rassegna europea di letteratura italiana, 29-30, 2007, p. 69-91. Sur les relations avec les Croniques, cf. aussi G. Palumbo, « La Chanson de Roland dans les Croniques et conquestes de Charlemaine : le problème des sources », Le Moyen Français, 57-58, 2005-2006, p. 291-314.
12 La Versione occitana dello Pseudo Turpino. Ms. Londra B. M. Additional 17 920, éd. M. Piccat, Tübingen, Niemeyer, 2001, p. 11.
13 A. de Mandach, op. cit., p. 388 et 402-403.
14 M. Infurna, « La letteratura franco-veneta », Lo Spazio letterario del Medioevo, t. II, Il Medioevo volgare, vol. 3 : La Ricezione del testo, Rome, Salerno, 2003, p. 423.
15 C. Dionisotti, op. cit., p. 227.
16 Cf. par exemple, L. Flöss, « Le fonti dei Fatti di Spagna », Medioevo romanzo, 15, 1990, p. 115-137.
17 A. Franceschetti, « Turpino e il suo libro nell’Orlando innamorato », Esperienze letterarie, 21, 1996, p. 5.
18 La première publication du texte est de 1509 ; la mort du poète serait survenue entre 1496 et 1506. Cf. C. Cimegotto, Studi e ricerche sul Mambriano di Francesco Bello, il Cieco di Ferrara, Padoue, Drucker, 1892, p. 20-21. Cf. aussi, dans F. Bello, Il Mambriano, éd. F. Zanotto, Venise, Antonelli, 1811, l’introduction de Tiraboschi, p. xviii.
19 F. Bello, Il Mambriano, éd. cit., p. 699.
20 C. Cimegotto, op. cit., p. 53.
21 Pour une discussion des controverses sur la pluralité des héros, cf. J. E. Everson, The Italian Romance Epic in the Age of Humanism : The Matter of Italy and the World of Rome, Oxford, Oxford University Press, 2001. Sur la controverse Le Tasse-L’Arioste, cf. B. Weinberg, A History of Literary Criticism in the Italian Renaissance, Chicago, Chicago University Press, 1963, (en particulier 2, 19, p. 954-1073.
22 Comme le dit S. Zatti, « In principio era Turpino », Il Furioso tra epos e romanzo, Lucques, Pacini Fazzi, 1990, p. 175).
23 R. M. Ruggieri, Fatti di Spagna. Testo settentrionale già detto « Viaggio di Carlo Magno in Ispagna », Modène, STM, 1951, p. 5.
24 R. M. Ruggieri, op. cit., p. 133.
25 Cf. M. M. Boiardo, Orlando Innamorato, éd. G. Anceschi, Milan, Garzanti, 1978, t. I, p. 1.
26 Livre 1 : 28 chants, 1887 octaves = 15.096 v. ; Livre 2 : 31 chants, 1995 octaves = 15.960 v. ; Livre 3 : 9 chants, 512 octaves, 4096 v. = 31.465 vers en tout. Le nom de Turpin(o) est mentionné 23, 27, et 15 fois.
27 S. Zatti, op. cit., p. 67-68.
28 Cf., pour un commentaire de cette constatation, D. Alexandre-Gras, L’Héroïsme chevaleresque dans le « Roland Amoureux » de Boiardo, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1988, p. 71-72 et 111.
29 Sept chants en tout : 14, 19, 20, 21, 24, 28, 30.
30 A. Franceschetti, op. cit., p. 13.
31 Cf. G. G. Ferrero, « Astolfo (Storia di un personaggio) », Convivium, 24, 1961, p. 513-530.
32 Le Roland Furieux comporte 46 chants en octaves (4842), pour un total de 38.736 vers. Édition citée : L. Ariosto, Orlando Furioso, éd. M. Turchi, Milan, Garzanti, 1974. Cf. R. J. Rodini, Ludovico Ariosto : An Annotated Bibliography of Criticism, 1956-1980, Columbia, University of Missouri Press, 1984, qui continue G. Fatini, Bibliografia della critica ariostea, 1510-1956, Florence, Le Monnier, 1958.
33 S. Zatti, op. cit., p. 182-184.
34 Ibid.
35 Sur l’histoire des Cinque Canti, cf. C. Segre, dans L. Ariosto, Opere minori : I Cinque canti, éd. C. Segre, Naples, Riccardi, 1954, pp. 581-754 et 1182-1184. Les cinq chants comptent 548 octaves en tout, et donc 4384 vers.
36 L. Ariosto, op. cit., p. 722, (4.87 : 7-8 ; 4.88 : 5-8 ; 4. 89 : 1-2).
37 Dante Alighieri, Inferno, 31, v. 16-18, La Commedia secondo l’antica vulgata, éd. G. Petrocchi, Florence, Le Lettere, 1975.
38 La Spagna. Poema cavalleresca del secolo xiv, éd. M. Catalano, Bologne, Carducci, 1939-1940, p. 226-52l. C. Dionisotti : « … la Spagna è un poema che nella forma a noi giunta, della quale sola si può discorrere, nulla autorizza a riportare al Trecento, ed è un poema anonimo nella tradizione, del quale sono probabilmente riconoscibili due distinte redazioni… », op. cit., p. 229.
39 G. Allaire, Andrea da Barberino and the Language of Chivalry, Gainesville, University Press of Florida, 1997, p. 6-7. Je remercie G. Allaire des informations qu’elle a bien voulu me communiquer sur l’utilisation du personnage de Turpin dans les œuvres d’Andrea da Barberino.
40 Andrea da Barberino, L’Aspramonte, romanzo cavalleresco inedito, éd. M. Boni, Bologne, Palmaverde, 1951, p. 30.
41 C’est une observation personnelle de G. Allaire, qui me l’a communiquée et que je remercie de son obligeance. Boiardo, dans le Roland Amoureux, nomme Galaciella la mère de Marfise, qui apparaît dans les deuxième et troisième livres. Mais c’est Andrea dans son Aspramonte qui conte l’histoire de la naissance de Marfise et le siège de Risa. Sur les relations entre Aspramonte, Reali di Francia, et Spagna, cf. F. Strologo, op. cit., p. 81.
42 L. Pulci, Morgante Maggiore, éd. G. Fatini, Turin, UTET, 1948.
43 S. Zatti, op. cit., p. 178-179.
44 Cf. D. Alexandre-Gras, op. cit., p. 231-240, où elle parle de Turpin comme « pseudo-conteur » et « historiographe » et compare la manière dont Boiardo et l’Arioste s’y réfèrent.
45 Il y en a successivement 65 ; 71 ; 83 ; 77 ; 81 ; 58 ; 70 ; 93.
46 T. Folengo, Orlandino, Opere, éd. M. Chiesa, Padoue, Antenore, 1991.
47 P. Aretino, Astolfeida, Poemi cavallereschi, éd. D. Romei, Rome, Salerno, 1995. (en ligne sur http://www.liberliber.it/biblioteca/a/aretino/index.htm)
48 1614 et 1621, douze chants et 6896 vers.
49 A. Tassoni La Secchia rapita, éd. O. Besomi, Padoue, Antenore, 1987-1990.
50 C. Gozzi, La Marfisa bizzarra, éd. C. Ortiz, Bari, Laterza, 1911.
51 G. Parini, Il Giorno, éd. E. Bonora, Milan, Rusconi, 1984.
52 La popularité de l’Arioste était générale au xviiie siècle ; cf. l’exemple de P. J. Martelli, de Modène, Carlo Magno. Cronaca di Monsig. re Turpino arcevescovo di Rense, http://www.libreriagovi.com/Martelli.htm, (8/5/2007). Casanova dit, dans ses mémoires, avoir récité à Voltaire des chants de l’Arioste qu’ils admiraient l’un et l’autre : G. G. Casanova, Mémoires de Casanova de Seingalt, Paris, Garnier, 1880, t. IV, p. 448-451. Je remercie G. Allaire de m’avoir signalé cette référence.
53 Cf. Ph. Ménard, Le Rire et le sourire dans le roman courtois en France au Moyen Âge (1150-1250), Genève, Droz, 1969.
54 E. Praga, « Monaci e Cavalieri. Ad Arrigo Boito, Prologo », Trasparenze, Opere, éd. M. Catalano, Naples, Rossi, 1969.
Auteur
Loyola College in Maryland
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