Les miracles de saint Jacques : essai de définition de la vertu thaumaturgique du saint de Compostelle
p. 35-54
Texte intégral
1Le Liber de miraculis, livre II du Codex Calixtinus, recense les miracles attribués à saint Jacques, avant, pendant ou après des pèlerinages à Compostelle. La structure et les caractéristiques des récits et la nature des faits miraculeux semblent pouvoir éclairer la figure de saint thaumaturge de saint Jacques de Compostelle.
L’ÉCRITURE DES MIRACLES
2Les récits ne manquent pas de précisions, de détails anecdotiques qui ancrent le miracle dans le réel1 et ajoutent à l’intention apologétique le plaisir de conter de belles histoires.
1. Ancrage dans le réel
3Le « Pape Calixte », en tout cas celui qui a noté par écrit les miracles de saint Jacques dans le livre II du Liber Sancti Jacobi, parle de miracula. Mais ces recensions ont un but édificateur, que l’hagiographe souligne en utilisant aussi le mot d’exemplum. Ses récits doivent donner aux lecteurs – ou plutôt aux auditeurs, sanctorum exempla, l’exemple des saints, qui doit élever leurs cœurs vers la douceur et l’amour de la patrie céleste.
4Plusieurs chapitres sont ainsi intitulés exemplum (le deuxième, que le narrateur copie dans les écrits de Bède le Vénérable, le quatrième, recensé par « maître Hubert, chanoine de l’église Sainte Marie-Madeleine à Byzance », le cinquième, le sixième, le quatorzième et le quinzième, signés du Pape Calixte). Le deuxième récit, qui raconte comment les péchés d’un pénitent, inscrits sur une « cédule », furent effacés sur l’autel de l’église de saint Jacques, qualifie le phénomène de mira res. Le chapitre V2, intitulé exemplum, est d’emblée qualifié de miraculum.
5Le « pape Calixte » livre des miracles qu’il a trouvés écrits diversa scilicet in diversis locis scripta repperi3, ou appris de la bouche de témoins : narrantibus illis, qui ea viderunt vel audierunt, didici, ou dont il a été témoin lui-même : quedam propriis occulis vidi. Il refuse de confier à l’écrit tous les miracles qu’on lui a racontés : il se contente de ceux que verissimis assercionibus verissimorum hominum vera approbavi fuisse.
6Ainsi le miracle I est quoddam miraculum quod sub veritatis cognicione ipsi dedicimus. Il y a peut-être là une allusion à ces enquêtes que l’autorité ecclésiastique va peu à peu mettre en place pour authentifier les miracles et garder l’autorité sur les cultes des saints4.
7L’authentification comme miracle du fait extraordinaire raconté au chapitre II est d’abord le fait de l’autorité ecclésiastique, puisque le témoin de la disparition du texte relatant sur la cédule les péchés du pèlerin n’est autre que l’évêque Théodomir…
8Tous les récits sont datés et localisés précisément : les miraculés du premier récit sont prisonniers à Saragosse, le pèlerin de Poitiers du chapitre VI est dépouillé par un hôte de Pampelune, les trente soldats lorrains du chapitre IV parviennent en Gascogne puis au port de Cize ; comme ils transportent l’un d’entre eux, tombé malade, ils mettent quinze jours alors qu’il en faut cinq d’habitude.
9Les actions et les sentiments des protagonistes sont retracés avec précision. Ainsi, dans le premier récit, les descriptions des gestes et attitudes des prisonniers sont pleines de vérité :
… ora, que pre magnitudine doloris in genibus fixa tenebantur, erigentes, ad eius pedes procidentes ceciderunt.
10Les étapes de la libération sont exposées avec minutie : le saint brise leurs chaînes (second miracle après son apparition), prend leurs mains dans sa droite puissante, les conduit de leur prison aux portes de la ville, lesquelles s’ouvrent d’elles-mêmes par respect pour l’apôtre (c’est un troisième miracle), avant de se refermer dès que les fugitifs sont sortis. Sous la conduite de saint Jacques, les prisonniers parviennent devant les portes d’une place forte tenue par les chrétiens. Saint Jacques alors leur recommande de l’invoquer, avant de remonter au ciel sous leurs yeux. Suivant le conseil de saint Jacques, ils se mettent à crier son nom et les portes s’ouvrent (mais il ne s’agit peut-être pas d’un nouveau miracle, puisque alors « ils sont reçus à l’intérieur » : même si les gens de l’intérieur ne sont pas explicitement désignés – comme si l’hagiographe voulait justement laisser planer le doute sur la cause efficiente de cette ouverture des portes – on peut supposer qu’en entendant les cris de personnes dévouées à saint Jacques, les chrétiens de l’intérieur ont ouvert leurs portes).
11Le second chapitre décrit aussi avec précision l’entrée de l’évêque de Compostelle dans l’église pour chanter la messe le jour de la fête du saint, raconte comment il trouve la cédule sur l’autel et demande qui l’a posée là. L’attitude du pénitent, son récit et ses larmes, sont retracés en détail, ainsi que la réaction de l’évêque constatant que la cédule est vierge.
12Dans le récit III, l’enfant ressuscité raconte les modalités du miracle avec force précisions : le saint réchauffa l’âme dans son sein pendant tout le temps de sa « sortie du corps », c’est-à-dire du vendredi à neuf heures du matin jusqu’au samedi à trois heures de l’après-midi. Alors, sur l’ordre de Dieu, il rendit l’âme à son corps. Puis, tirant l’enfant de son tombeau par la main droite, il lui ordonna de reprendre le chemin de Saint-Jacques avec ses parents…
2. La structure des récits
13On retrouve dans nombre de récits le schéma de quête propre au conte merveilleux : le récit démarre en effet sur un manque initial ; le pèlerinage qui s’ensuit répond à l’étape du départ du héros ; l’invocation du saint semble faire figure d’épreuve qualifiante (mais ce n’est pas la seule), puisqu’elle vaut au personnage l’intervention du thaumaturge ; enfin les récits se terminent sur le gain de l’objet de la quête, le rétablissement de l’équilibre perdu, et le retour du voyageur dans sa patrie.
14Il peut s’agir du pardon d’un péché, comme dans le deuxième récit de miracle du Codex, celui de la « cédule » effacée. Plus gravement, certains personnages sont enfermés dans les enfers à la suite d’actes commis sous l’influence du démon.
15Il peut s’agir plus concrètement de situations douloureuses, comme l’emprisonnement (miracles I, XI, XIII…), la solitude et la peur devant les dangers (IV), la difficulté physique d’accomplir une tâche (IV), la condamnation injuste (III), le manque d’enfant, la vie d’un enfant (II) ou d’un être jeune (XVII), ou celle d’un être injustement condamné (V), la menace de blessure physique (XX)…
16Dans le chapitre VI, le départ du protagoniste semble motivé par la peste qui sévit à Poitiers. Mais la fin du récit ne fait plus mention de la maladie : il faut comprendre que le récit ne commence vraiment qu’avec le vol de l’aubergiste de Pampelune. Le manque est donc celui du cheval et de l’argent. Dans le quatrième récit, le pèlerin lorrain qui se retrouve seul la nuit sur une montagne auprès du cadavre de son compagnon, est assailli par la peur et le sentiment de solitude, par la fatigue physique aussi car il a aidé son compagnon à escalader la montagne avant que celui-ci ne rende l’âme.
17Les personnages qui vont mériter l’intervention du saint sont pieux, soit parce qu’ils se sont battus contre les Sarrasins (I), soit parce qu’ils se sont comportés en vrais pèlerins (IV, VI), soit tout simplement parce qu’ils se rendent ou se sont rendus au pèlerinage de saint Jacques. Mais tous ont en commun la prière, l’invocation de l’apôtre.
18Une fois le pèlerinage conseillé ou décidé, le départ se fait souvent « sans délai », sine mora (II, III). Le voyage ad limina, jusqu’au séjour, jusqu’au lieu du tombeau de l’apôtre, a en effet plus de valeur que la simple prière loin du corps saint : le pénitent du chapitre II dépose sur l’autel du saint la cédule qui symbolise ses péchés. Le suppliant du chapitre III s’assied devant le saint, ante eius presenciam sistens et prononce sa prière viva voce. Celui du chapitre VII a embrassé l’autel du saint dans le passé, olim ore meo indigno osculatus sum altare. L’importance de se rendre au tombeau du saint, d’entrer en contact direct avec lui, est soulignée plusieurs fois : on est encore à l’époque où l’on croit que les miracles sont plus fréquents, plus faciles, si l’on est au contact du saint – ou de ses reliques, selon l’idée qu’un saint « est présent par l’intermédiaire de ses reliques5 ». Les miracles loin des reliques nécessitent une plus grande foi de la part du suppliant. Le « territoire » du saint (notre texte dit limina) est son domaine d’action, constitue une sorte de zone sacralisée6.
19Les prisonniers de Saragosse (I) reçoivent une inspiration divine et invoquent saint Jacques, en suivant les conseils d’un prêtre :
secundum divinam inspiracionem beatum Iacobum, ammonente presbitero, sic invocare ceperunt.
20La prière est retranscrite au style direct, il s’agit de la formule rituelle conseillée par le prêtre : elle insiste sur les caractéristiques de saint Jacques et sur les cruelles conditions de détention des prisonniers. La prière de la mère qui, au chapitre III, demande à saint Jacques la résurrection de son enfant, est retranscrite aussi au style direct : elle rappelle le pouvoir thaumaturgique de l’apôtre (cui tanta a Domino data potencia fuit michi filium dare) pour provoquer le nouveau miracle (Redde quia potes). Le pèlerin qui se retrouve seul sur une montagne avec son compagnon mort (IV), demande la protection de l’apôtre : a beato Iacobo suplici corde expeciit presidium.
21Les supplications ou le repentir se caractérisent par la sincérité, soulignée souvent par les larmes : l’expression toto corde est récurrente7, le pécheur du chapitre II non sine lacrimis enarraret, le pèlerin du chapitre III prie en pleurant, flens, lacrimans, et le texte dit bien que c’est la sincérité de cette prière qui lui vaut l’intervention du saint : promereri valuit quo Dei apostolum interpellavit ».
22L’action du saint évoque une présence concrète, avec attouchements et paroles. Saint Jacques illumine de sa présence l’obscure prison de Saragosse, in obscuritate carceris… refulsit ». Le contact est souvent tactile : le saint qui apparaît aux suppliants leur prend la main. Il prend par la main les prisonniers de Saragosse pour les conduire jusqu’au lieu de leur salut. Après avoir réconforté dans son sein l’âme de l’enfant mort, il la rend au corps, puis tire l’enfant de son tombeau par la main droite. Il apparaît à Frison, le héros malheureux du chapitre VII, pour l’arracher aux profondeurs de la mer en le tirant par la main, per manum illum arripiens.
23Le saint parle aussi, aux prisonniers, au pèlerin effrayé, à ceux qui l’ont invoqué – Ecce adsum, quem vocastis (I), Quid hic agis, frater ? » (IV) ; il conseille de l’appeler (I), dicte la procédure (IV), ordonne qu’on transmette ses avertissements (IV). Il s’adresse même directement aux ennemis des pèlerins (le Sarrasin du chapitre VII).
24Par ses actions concrètes, saint Jacques comble donc le manque initial qui a provoqué le départ et la supplication des héros : le pèlerin de Poitiers (VI) dépouillé par l’aubergiste de Pampelune reçoit une monture, pour parvenir au terme de son voyage, et pour revenir chez lui. En outre, l’apôtre lui permet de recouvrer ses biens en lui annonçant la chute et la mort de son hôte malhonnête : le pèlerin repasse donc par Pampelune et retrouve son argent – il n’est guère que sa femme, morte à Pampelune, que le saint ne lui rende pas ! Le pèlerin effrayé qui passe seul la nuit auprès du corps de son compagnon reçoit lui aussi une aide matérielle très concrète (IV) : apparaissant sous l’aspect d’un soldat à cheval, le saint prend le mort dans ses bras et fait monter le vivant sur le cheval derrière lui. Répondant au désir exprimé par le survivant, il le conduit d’abord dans un endroit convenable pour enterrer le mort, puis parcourt en une nuit la distance jusqu’à Compostelle, qui aurait dû nécessiter douze jours de voyage.
25L’étape de la « reconnaissance du héros » dans le conte merveilleux est ici celle de l’identification du miracle, de son authentification par la réaction et le récit des témoins. Dans le premier récit de miracle, l’un des prisonniers libérés vient à Compostelle (le texte dit beati Iacobi limina) le jour anniversaire de la translation de l’apôtre (le troisième jour des calendes de janvier) et hec omnia sic facta fuisse, ut scripsimus, omnibus nunciavit. C’est l’évêque de Compostelle, le bienheureux Théodomir en personne, qui constate la disparition des péchés inscrits sur la cédule du pénitent du chapitre II, et qui en conclut que ces péchés lui sont remis :
Sanctum vero presul […] aliquam penitenciam de remisso crimine dare illi nolens…
26L’enfant ressuscité du chapitre III raconte lui-même l’action du saint : enarrare cepit… Dans d’autres cas, l’intervention de saint Jacques a lieu devant de nombreux témoins, comme dans le cas du sauvetage du marin du chapitre VII : cunctis audientibus apostolus inquit… C’est toute une foule de fidèles qui rend grâce à Dieu après que la protection du soldat du chapitre XV a été authentifiée comme miracle :
Pro cuius miraculi gaudio clerici ac laici ex more ad ecclesiam concurrentes, in impnis et psalmis Deo gratias egerunt.
27Cette structure est celle des grands textes démonstratifs8. Plusieurs chapitres du Liber de miraculis présentent cette construction, les histoires se déroulent en deux temps, et provoquent deux interventions du saint, voire deux miracles.
28Ainsi le chapitre III raconte une première action, qui n’est pas authentifiée comme miracle, bien qu’elle en ait tous les aspects. En réalité, elle a aussi toute l’apparence d’un conte merveilleux : « Un homme, qui se désespérait de n’avoir point de fils, vint trouver saint Jacques sur son « territoire », le supplia puis, après lui avoir demandé congé, rentra chez lui, se reposa pendant trois jours, s’unit à sa femme. De cette union la femme fut enceinte et enfanta un fils »… à qui l’on donna le nom de Jacques, ce qui place l’enfant sous la protection du saint. À ce premier récit, qui forme un tout (on pourrait parler de « mythème »), succède un second épisode : à l’âge de quinze ans, l’enfant fait avec ses parents le pèlerinage de Saint-Jacques, beati apostoli iter aggressus est. Monté en pleine santé sur le mont Occa, l’enfant y est brutalement frappé d’une grave maladie et meurt. La mère alors adresse une prière fervente à saint Jacques, et l’enfant est ressuscité.
29De même le chapitre VI est le récit d’une double apparition et action bénéfique de l’apôtre : la première partie raconte comment un homme, parti de Poitiers avec sa femme et ses petits enfants pour aller demander sur le tombeau de saint Jacques la fin de la peste dans sa ville (on a ici un exemple de pèlerinage individuel à but collectif, qui peut-être évoque le motif mythique du bouc émissaire), est logé à Pampelune chez un hôte malhonnête : sa femme meurt, l’hôte lui vole son argent et sa jument. Désespéré, il reprend son chemin en tirant ses petits enfants par la main. C’est alors que sur la route, lui « apparaît » un homme d’aspect honorable, monté sur un âne robuste. Pris de compassion, miseratus, l’inconnu s’adresse à lui :
Hunc meum asinum obtimum ad subvectandos puerulos tuos usque in Compostellam urbem, unde sum civis, dummodo ibidem mihi restituas, accommodo
30On note la compassion de l’apôtre pour la souffrance des hommes, et cette parole au style direct qui le rend présent sous les yeux du lecteur.
31La seconde étape retrouve le pèlerin qui passe la nuit à prier dévotement dans un recoin de la basilique de saint Jacques. Cette fois l’apôtre lui apparaît en majesté (gloriosissimus, preclara veste indutus) et s’adresse à nouveau directement à lui, pour lui offrir une deuxième fois son soutien (il lui prêtera encore son âne jusqu’à son retour chez lui). En outre il lui annonce le châtiment de l’hôte criminel : nefandum hospitem tuum Pampilonensem […] graviter moriturum tibi pronuntio. Après la disparition surnaturelle du saint, le pèlerin vérifie lui-même la réalisation de cette prophétie (hospitem suum […] mortuum […] repperit). Il rentre chez lui, et l’âne disparaît miraculeusement : asinus ille ab occulis eius evanuit.
32On peut considérer encore que le chapitre IV présente deux actions, deux aspects distincts de l’action du saint : le miracle, qui consiste dans l’apparition de l’apôtre et dans le transport miraculeux du pèlerin et de son compagnon mort, et l’exemplum, car saint Jacques demande au pèlerin de porter un avertissement à ses compagnons parjures : l’hagiographe avait annoncé dès l’introduction au récit que celui-ci servirait à démontrer la sentence scripturaire : Melius est non vovere quam post votum retrorsum abire9.
3. Dramatisation et poésie
33Le narrateur ne livre pas les faits bruts, dans des récits secs et concis : il ne néglige pas, pour plaire et instruire, d’utiliser les recettes rhétoriques classiques, de rendre dramatiques ou pathétiques les événements rapportés.
34La compassion de l’apôtre, qui souffre « jusqu’au plus profond de lui-même », visceretenus condolendo, souligne le pathétique de la situation des prisonniers du premier chapitre, et la dramatisation du récit.
35Les interventions du narrateur contribuent souvent à accroître l’intensité dramatique, comme dans le chapitre V où, s’apprêtant à raconter le méfait d’un hôte malhonnête, il s’exclame : Proh ceca avaricia, proh hominis mens nequam in malum prona ! Dans le même chapitre, il marque encore par des exclamations son émotion devant l’amour mutuel du pèlerin et de son fils injustement accusés de vol par l’aubergiste10, et retranscrit au style direct la souffrance pathétique du père devant le gibet du jeune homme :
exclamans lacrimosis gemitibus et miserandis eiulatibus : « Heu me, fili, ut quid te genui ! Ut quid videns te suspensum vivere sustinui. »
36La plainte lyrique serait digne de figurer dans une tragédie antique.
37Les invocations et dialogues, retranscrits au style direct aussi, animent les récits. L’apôtre s’adresse au pèlerin du chapitre VI : Numquid, mi frater, me nosti ? ou menace le Sarrasin du récit VII :
Nisi hanc Christianorum dimiseris naviculam, eorum potestati te et galeam tuam tradam,
38et le contraste entre naviculam et galeam magnifie le pouvoir du saint, capable de renverser la situation.
39Lorsque, sous la conduite de saint Jacques, les prisonniers du premier chapitre parviennent à une place forte tenue par les chrétiens, post gallicinum, iam fere resultante lucis spiculo », le retour du jour est symbolique sans doute, mais illumine aussi le récit. Comme dans le premier miracle, l’apôtre apparaît au chevalier du chapitre XX au milieu d’une intense lumière (jointe ici à une odeur – de sainteté sans doute), qui révèle bien sûr l’intrusion du surnaturel dans l’histoire : impleta est domus ipsa tanto odore et serenissima luce : « la maison fut emplie d’une telle odeur et d’une lumière si claire (que tous les assistants se crurent transportés dans la douceur du Paradis) ».
40Et le narrateur ne dédaigne pas d’utiliser les figures classiques, comme lorsqu’il désigne la mer par la périphrase Thetidis undas, avant de recourir complètement à la personnification, voire au personnage de la déesse antique, puisque l’apôtre donne des ordres à Thétis, Thetidi […] imperavit » (chapitre VIII).
41Les gestes des saints retrouvent le mythe et le folklore puisqu’elles véhiculent des motifs de l’imaginaire universel. Comme l’écrit André Vauchez, « les légendes elles-mêmes charriaient un ensemble de représentations et de mythes que l’on retrouve aussi bien dans le monde grec ou romain que chez les peuples germaniques11 ». C’est la raison pour laquelle, sans doute, le peuple est tellement attaché au culte des saints thaumaturges : « Deux conditions étaient requises pour que le culte d’un saint puisse se développer : l’adhésion de la vox populi et l’approbation du clergé ». « Une collaboration entre les clercs et les laïcs était inévitable12 ».
42Ce lien avec le folklore est particulièrement sensible dans La Légende dorée de Jacques de Voragine13, mais il peut être souligné par une comparaison ponctuelle des récits du Liber Sancti Jacobi avec l’un des textes du Moyen Âge les plus riches en anecdotes et apologues pittoresques, le De Nugis Curialium de Gautier Map14.
43D’après La Légende dorée, saint Jacques a subi le martyre en étant décapité, comme Jean-Baptiste15. Le chapitre 19 du livre I du De Nugis Curialium raconte l’histoire d’un martyr dont la tête coupée se met à parler. Gautier Map intitule son chapitre Quiddam mirabile, ce qui est l’équivalent de quiddam miraculosum16. Il s’agit bien d’un martyre, subi par un chrétien qui refuse d’abjurer sa foi sous la torture. Mais ce récit évoque le mythe d’Orphée, dont la tête coupée chante encore17. Selon Jacques de Voragine toujours, saint Jacques est appelé par Jésus « fils du tonnerre » (Boanergès), il est fêté le 25 juillet, sous le signe du taureau (« le 8 des calendes d’Août », dit la Légende dorée) et semble avoir eu des charismes spéciaux en lien avec « le feu du ciel » comme en témoigne le passage de l’Évangile de Luc18. Enfin, la Légende dorée rapporte l’histoire de ce jeune Italien, qui « mit le feu aux moissons de son tuteur qui entendait le dépouiller de son héritage ». Condamné à être traîné à la queue d’un cheval, il se voua à saint Jacques qui le protégea pendant son supplice. Lié à un poteau pour être brûlé, il continua à invoquer saint Jacques : « seuls le bois et ses liens brûlèrent19 ». Le peuple alors le délivra20. Cette histoire de « feu juste », de feu qui rend la justice, évoque le récit du De Nugis Curialium (I, 30), dans lequel le peuple joue aussi un rôle actif : un prince de la région de Vienne fit enchaîner et enfermer dans une maison de dangereux hérétiques ; le feu allumé pour les éliminer ne brûla que la maison et les épargna. La foule alors voulut les libérer. Mais l’évêque de Vienne recommença l’opération en aspergeant la maison d’eau bénite. Alors toutes les tentatives pour mettre le feu à la maison furent vaines. Enfonçant les portes pour délivrer les prisonniers, les gens de la cité « trouvent du charbon et des cendres à la place de leurs os et de leur chair » ; même leurs liens sont intacts, le feu n’a châtié que les coupables. Nous avons là sans conteste des données folkloriques communes aux deux légendes.
44Mais, si Jacques de Voragine puise à toutes les sources, le Livre de saint Jacques rend compte aussi de légendes populaires, et deux miracles évoquent des pratiques magiques : il s’agit des miracles IV et VI, dans lesquels a lieu un transport miraculeux. Dans le miracle IV, l’apôtre transporte trente Lorrains et un mort du port de Cize à Compostelle en une nuit. Ce transport miraculeux rappelle les déplacements magiques des sorcières et autres êtres merveilleux. Dans le miracle VI (De viro Pictavensi cui apostolus angelum in specie asinus dedit in auxilium), l’apôtre donne à un pèlerin de Poitiers l’aide d’un ange qui a pris l’aspect d’un âne. Cette histoire fait penser aux pratiques diaboliques des aubergistes italiennes qui faisaient prendre à leurs hôtes l’aspect de bêtes de somme pour leur faire transporter de lourdes charges. D’après saint Augustin, les démons, qui ne peuvent agir que sur le fantasticum hominis, donnent aux hôtes l’aspect de bêtes de somme, mais il ne s’agit que d’une illusion pour les témoins de la scène : les démons, invisibles, portent les charges pour que l’illusion soit complète21. Ici, l’ange prêté par saint Jacques joue un peu le même rôle que les démons des aubergistes italiennes, si ce n’est que sa fonction est positive. Il évoque donc plutôt un « autre fait merveilleux » (Item aliud mirabile), raconté par Gautier Map au chapitre 20 du livre I : c’est l’histoire d’un chevalier remplacé par un double surnaturel pendant les combats d’un tournoi, parce qu’il a quitté ses compagnons pour assister à la messe. Il s’agit du motif folklorique du double surnaturel : A. Aarne et S. Thompson le recensent sous le nom de supernaturals helpers, plus précisément sous le type N 810 ff, supernatural substitute in tournament for pious warrior, K 3, 2, 122.
45Dans le miracle XIX, l’apôtre apparaît en soldat à un évêque grec pour annoncer la prise de Coïmbre23. On peut associer ce récit à une autre donnée folklorique, la légende de saint Jacques matamore (en 844, le saint aurait aidé le roi Ramiro contre les Maures)24 : saint Jacques rejoindrait ainsi la cohorte populaire des milites Christi.
46Par ailleurs, certains aspects des récits évoquent les mentalités médiévales historiques ou littéraires, et des relations qu’on pourrait appeler « féodales ». Les suppliants qui attendent un miracle du saint font preuve d’un esprit « mercantile » qui évoque par exemple l’atmosphère des romans arthuriens et le motif du « don – contre don » : quand la mère du chapitre III supplie le saint martyr de ressusciter son fils, elle s’écrie mihi illum redde. Redde,… quia potes : l’enfant, engendré après un pèlerinage du père auprès de saint Jacques, a reçu le prénom de l’apôtre, ce qui signifie qu’il est consacré à son saint patron, puisque la mère semble comprendre que c’est le saint qui a emporté l’enfant. En outre, elle se livre à un véritable chantage : « Si tu ne le rends pas, je me tuerai aussitôt, ou je vivrai en me faisant enterrer avec lui ».
47La valeur exemplaire des histoires est souvent affirmée dès le début du récit : Memorie tradendum est, c’est un devoir que de les recenser par écrit, pour les confier à la mémoire (chapitre V). L’intention pastorale est confirmée par les exclamations du narrateur, qui relèvent de la fonction expressive : il témoigne de sa vive admiration ou de son indignation.
48L’authentification comme miracle de la mira res, l’événement extraordinaire raconté au chapitre II, est d’abord le fait de l’autorité ecclésiastique, on l’a vu ; mais l’évêque Théodomir est relayé par l’auteur, qui généralise la vertu thaumaturgique de rémission des péchés de saint Jacques :
Hinc datur intelligi, quia quisquis vere penitens fuerit et de longinquis horis veniam a Domino et auxilia beati Iacobi postulanda in Gallecia toto corde pecierit, procul dubio delictorum eius cyrigraphum deletum in evum erit.
49Pour l’hagiographe de saint Jacques, les miracles sont, de façon orthodoxe, l’œuvre de Dieu, qui utilise la main du saint pour les accomplir, comme en témoigne la citation scripturaire qui ponctue tous les récits : A Domino factum est istut et est mirabile in oculis nostris25. L’évêque Théodomir, constatant le miracle de la cédule effacée, l’attribue à Dieu, credens illum apud Deum meritis apostoli veniam impetrasse. La vertu thaumaturgique de saint Jacques est « démonstration de sa valeur », (sue virtutis exibicionem). Elle est le baume des prisonniers, lorsqu’il « répand l’onguent de son pouvoir », (subfuso eius virtutis ungento) (miracle I). Mais la seule cause efficiente du miracle est Dieu. Au chapitre III, c’est Domino praecipiente, que Jacques ressuscite l’enfant. C’est Deo donante, parce que Dieu l’accorde, que l’apôtre donne au chevalier qui a fait le vœu de se rendre à Compostelle « une puissance telle qu’il vainquit tous les Sarrasins qui luttaient contre lui26 ». Au chapitre IV, le saint n’apparaît pour réconforter le chevalier terrorisé que pour représenter « le Seigneur » : Dominus […] per apostolum suum dignatus est desolatum visitare. Dominus désigne d’habitude le Christ. L’hagiographe établit plus bas une distinction intéressante du point de vue de l’orthodoxie : la qualité du Christ est sa clémence, qui lui permet d’intercéder auprès de Dieu, d’être l’intermédiaire des suppliants auprès de son Père. Le saint quant à lui est en quelque sorte l’opérateur, le ministre, le « technicien » du miracle : c’est lui qui entre en contact avec les suppliants et accomplit l’acte concret qu’ils espèrent. C’est ce que révèle une exclamation admirative du narrateur après l’intervention miraculeuse de saint Jacques auprès du pèlerin dont le compagnon vient de mourir : Mira Dei virtus, mira Christi clemencia, mira Iacobi subsidia ! ». L’hagiographe va toujours prendre grand soin de souligner que Jacques n’agit qu’avec la permission de Dieu, ou sur son ordre. Qu’il s’agisse de miracles ou de merveilles, seul Dieu peut créer, seul Dieu peut transformer la nature et donner la vie ou la rendre, protéger des dangers ou des ennemis, faire tomber les chaînes ou ouvrir des portes de fer27.
50Les miracles ont une valeur exemplaire, comme le montrent les généralisations : au chapitre VI, saint Jacques lui-même, annonçant au pèlerin de Poitiers le châtiment de l’hôte qui l’a spolié de ses biens, fait de ce châtiment l’exemple qui doit guider la conduite de tous les hôtes sur le chemin de Compostelle :
omnesque iniquos hospites in itinere meo commorantes, qui injuste retinent hospitum suorum aut vivorum aut mortuorum censum, qui ecclesiis et egenis debet dari pro remediis defunctorum, in evum dampnaturos tibi insinuo.
51L’avertissement est aussi quelque peu intéressé : les biens volés par ces hôtes malhonnêtes, feront défaut aux églises et aux nécessiteux à qui ils auraient été donnés par les pèlerins.
52Le chapitre III contient encore une intéressante réflexion de l’auteur, qui se demande si un mort peut ressusciter un mort, si la vertu thaumaturgique de résurrection peut être posthume : Res est nova et adhuc inaudita28, quod mortuus mortuum suscitaret. À cette question l’hagiographe répond sans hésiter par l’affirmative, parce que saint Jacques est en réalité vivant avec Dieu : le raisonnement est un syllogisme, que l’auteur utilise pour prouver la sainteté de Jacques :
Si mortuus mortuum suscitare nequid sed vivus ; igitur beatus Iacobus cum Deo veraciter vivit, qui mortuum suscitavit.
53Il y a là quelque chose de spécieux, puisque la proposition à démontrer devient la majeure du syllogisme : « Si un mort ne peut ressusciter un mort, mais que seul un vivant le peut, puisque Jacques a ressuscité un enfant mort, alors c’est qu’il est vivant (dans le Seigneur) ».
54Ainsi ces récits sont bien sûr édifiants, mais en même temps aussi agréables à lire que les récits d’« apparitions féériques » de Gautier Map. Par ailleurs on est frappé par la « spécialisation » des actions thaumaturges de l’apôtre.
ESSAI DE DÉFINITION DE LA VERTU THAUMATURGIQUE DE SAINT JACQUES
1. La nature des miracles
55Jacques semble bien avoir les capacités thaumaturgiques d’un saint Léonard, puisque un grand nombre de ses miracles consiste en libérations de prisonniers : les chapitres I, XI, XIV, XX, XXII (dans ce chapitre un prisonnier est libéré 13 fois – parce qu’il n’a pas demandé le salut de son âme !) racontent des libérations miraculeuses29. Dans le premier récit, vingt chevaliers chrétiens, prisonniers des Sarrasins à Saragosse, prient saint Jacques qui brise leurs liens, eorum vincla perfregit30. Dans le miracle XX, l’apôtre aveugle pour ainsi dire les gardes, (factis quasi cecis custodibus,) ouvre les portes, (apertis ianuis) et conduit le suppliant hors des murs de la citadelle où il était enfermé.
56Si l’ennemi n’est plus humain, mais diabolique, c’est l’âme qui est prisonnière. Dans le Codex, ces libérations du démon sont associées à des résurrections. L’apôtre libère ainsi de l’enfer un chevalier qui s’est montré vrai pèlerin (XVI), et un jeune pèlerin qui a commis le péché de la chair et s’est laissé convaincre par le diable de se castrer et de se suicider par amour pour saint Jacques (XVII). Il est ressuscité par l’apôtre (qui, selon Jacques de Voragine, va implorer la Vierge)31.
57Les interventions de saint Jacques sont fréquemment efficaces contre les dangers. L’apôtre protège en particulier ceux qui l’implorent contre les dangers de la mer32. C’est le cas des miracles VIII (le saint, marchant sur l’eau, permet à une quarantaine de naufragés qui l’ont supplié de remonter sur leur bateau) et IX (Jacques apparaît sur le bateau « sous une forme humaine », in humana forma, rassure les pèlerins effrayés pas la tempête qui ont fait appel à lui, et accomplit lui-même les manœuvres salvatrices : Et statim vele cordas idem inclinavit, anchoras remisit, ratem pacificavit, avant de donner des ordres à la tempête : tempestati imperavit).
58Il sauve même des pénitents déjà tombés à la mer : le marin du chapitre VII tombe d’un navire plein de pèlerins qui se rendent à Jérusalem, et le poids de ses armes l’entraîne au fond de l’eau. Mais, raffermi par la clémence de Dieu, Dei clemencia roboratus, il invoque saint Jacques « dans son cœur », in corde suo – et lui rappelle qu’il a jadis embrassé son autel. L’apôtre alors lui apparaît et le soulève hors de l’eau. C’est au retour de Jérusalem que le pèlerin du chapitre X tombe à la mer. Saint Jacques qu’il implore lui permet de flotter trois jours et trois nuits dans son bouclier avant d’atteindre le port sain et sauf.
59Deux recensions font état aussi d’une action protectrice contre les blessures par les armes. Au chapitre XV, le soldat d’une armée en déroute, qui avait fait souvent le voyage de Compostelle (beati Iacobi limina solitus petere), appelle l’apôtre à l’aide en lui promettant son cheval. Saint Jacques alors place son bouclier entre le suppliant et les ennemis qui le poursuivaient. Après sa défaite, le chevalier du chapitre XX est conduit devant son ennemi qui ordonne de le décapiter. Il invoque alors vivement, viva voce, l’apôtre qu’Hérode a décapité, en tendant les mains au ciel : le glaive ne peut trancher sa tête, et l’épée que son ennemi essaie d’enfoncer dans sa poitrine est émoussée par saint Jacques, qui libère ensuite le prisonnier.
60Saint Jacques protège aussi ceux qui le prient contre d’autres dangers. Il semble que les hôtes malhonnêtes ne manquaient pas sur le chemin de Compostelle33. Bien sûr le saint protège et même venge les pèlerins qui en sont victimes. Après l’accusation de leur aubergiste, le fils du chapitre V est pendu, et le père malgré sa douleur termine son pèlerinage. Trente-six jours après, il revient devant le gibet où le corps de son fils est toujours suspendu. Mais son fils lui-même lui raconte comment l’apôtre l’a soutenu de ses mains, et l’a consolé de ses douces paroles. Le père alors court chercher les habitants de la ville, qui sont témoins du miracle. Dépouillé par son hôte à Pampelune, le pèlerin de Poitiers du chapitre VI reprend la route en portant dans ses bras ses deux petits enfants. Non content de lui procurer un âne pour finir son voyage, saint Jacques, on s’en souvient, lui apparaît en majesté dans son église de Compostelle pour lui annoncer la mort de l’aubergiste criminel, et la possibilité de retrouver ses biens en repassant par Pampelune.
61On a rappelé aussi l’histoire, racontée par Jacques de Voragine, du jeune homme condamné à être brûlé mais qui, s’étant dévoué à saint Jacques, et ne cessant de l’invoquer sur le bûcher, est épargné.
62Saint Jacques opère aussi quelques guérisons miraculeuses : le chevalier du chapitre IX, qui avait promis d’accomplir le pèlerinage de Compostelle si Jacques lui donnait la force de vaincre ses ennemis, oublie son vœu et tombe malade : le saint lui apparaît pour lui promettre une prompte guérison s’il tient sa promesse. Aussitôt guéri, il entreprend le voyage. Au chapitre XII, un chevalier d’Apulie dont la gorge avait enflé comme une outre, et qui ne trouvait aucun remède pour le soulager, est persuadé que le contact d’une coquille ramenée de Compostelle par un pèlerin pourrait le guérir. Ayant obtenu la coquille d’un de ses voisins revenu du pèlerinage, le malade guérit et se rend aussitôt ad beati Iacobi limina in Galleciam. Un chevalier bourguignon (miracle XXI), atteint depuis quatorze ans d’une faiblesse des membres, ne peut plus marcher : il se fait déposer sur un brancard porté par deux chevaux et entreprend le pèlerinage de Compostelle, au terme duquel saint Jacques lui-même, le prenant par la main dans son église, le redresse sur ses jambes.
63Nous avons évoqué déjà les transports miraculeux des chapitres IV et VI. Nous ajouterons donc seulement les récits selon lesquels l’apôtre de Compostelle peut être affecté d’une vertu de révélation, de prescience surnaturelle34. Saint Jacques apparaît à l’évêque grec Stéphane pour lui prédire le succès de la bataille de Coïmbre (miracle XIX), et on se souvient qu’il prédit au pèlerin du miracle VI qu’il sera vengé de son hôte malfaisant35.
64Bien sûr, nombre de ces miracles relèvent de topoï hagiographiques, voire de croyances populaires, comme le prouve la comparaison souvent possible avec des récits de Gautier Map. Cependant, il semble bien que se dégagent certaines « spécialités » de saint Jacques, qui peuvent permettre d’avancer quelques conclusions sur les caractéristiques de sa vertu thaumaturgique.
2. Saint Jacques, un saint protecteur
65A. Vauchez rappelle que la conception et la typologie de la sainteté « préexistaient dans les mentalités36 ». Mais A. Boureau remarque, pour la Légende dorée, « l’insuffisance de la typologie classique de l’Église37 ». Il retrouve, certes, chez Jacques de Voragine la quadruplex differentia, fort ancienne, citée […] d’après Raban Maur », qui « répartit les saints entre apôtres, martyrs, vierges et confesseurs38 », mais constate que l’auteur de la Légende dorée utilise aussi d’autres systèmes de classement, « un système qui rend compte de fonctions et de rôles ecclésiastiques : pape, évangéliste, ermite, évêque », système qui « témoigne d’une adaptation de l’Église au monde contemporain », mais aussi, à côté d’appellations qui offrent « un résumé de vie » du saint ainsi désigné, un classement par « types historiques » : les saints originaires (parmi lesquels les apôtres), les saints antiques (essentiellement les martyrs), les saints historiques (docteurs, confesseurs, abbés, évêques) et les saint contemporains, fort peu nombreux39. En définitive, A. Boureau propose donc « une typologie thématique et fonctionnelle des saints de la Légende Dorée », en trois catégories, suivant « les mérites dont ils font preuve et le rôle qu’ils jouent dans l’histoire du salut » : les témoins « assurent leur salut par la perfection personnelle et proposent aux chrétiens leur exemple ». Les défenseurs ont « une activité de lutte pour la foi, contre le diable, les hérétiques, les pouvoirs temporels et par les œuvres ». Les prêcheurs « convertissent activement ». Mais les trois catégories peuvent être disposées selon des cercles concentriques, puisque les prêcheurs sont aussi témoins et défenseurs, et que les défenseurs sont aussi témoins40.
66Saint Jacques est bien sûr apôtre et martyr, selon la typologie classique de l’Église. Il appartient donc à la catégorie des saints originaires, et à celle des témoins. Mais comment définir son activité de thaumaturge, dont la plus grande part a lieu post mortem ? Il semble bien en effet qu’il n’ait pas accompli de nombreux miracles de son vivant, même si Jacques de Voragine écrit que, pour convaincre Philétus, envoyé par le magicien Hermogène pour convaincre Jacques d’erreur, l’apôtre « accomplit de nombreux miracles devant lui41 ».
67Si l’on en croit Jacques de Voragine, en effet, Jacques le majeur n’est pas un saint missionnaire, un saint prêcheur, puisqu’il ne semble pas « convertir activement ». D’après la Légende dorée, il « alla en Espagne, pour y semer la parole de Dieu. Mais il constata qu’il n’avait guère d’efficacité, et il ne s’était attaché que neuf disciples ; il laissa donc deux de ces disciples pour y prêcher et revint en Judée en emmenant avec lui les sept autres. Maître Jean Beleth42 dit qu’il n’y convertit qu’un seul homme43 ». Mais il convertit Philétus, qui, revenu auprès de son maître Hermogène, « déclara qu’il voulait devenir son disciple ». Paralysé par la magie d’Hermogène, Philétus est « libéré de ses liens » au simple contact d’un mouchoir appartenant à Jacques. Hermogène essaie d’utiliser des « démons » pour s’emparer de Jacques, mais ceux-ci brûlent dès qu’ils s’approchent de l’apôtre : ils finissent par se livrer à saint Jacques, et par lui amener Hermogène enchaîné. Converti par la seule bienveillance de Jacques (qui le laisse aller libre, car, dit-il, « notre religion ne nous incite à convertir personne contre son gré »), Hermogène jette dans la mer tous ses livres de magie.
68Mais ce récit de conversion est presque unique – il faut seulement lui ajouter celui de Josias, le scribe qui conduit Jacques au martyre et assiste au miracle de la guérison du paralytique : sa conversion lui vaudra d’être décapité avec Jacques, après avoir été baptisé par le saint. En outre l’histoire d’Hermogène insiste sur une autre vertu thaumaturgique du saint, celle de la libération, physique, mais aussi spirituelle : Jacques cite le Psaume 145 pour délivrer Philétus (« Le Seigneur délie ceux qui sont enchaînés »), et Hermogène converti s’adresse à lui en l’appelant « Libérateur des âmes44 ».
69La Légende dorée raconte la guérison du paralytique couché sur le chemin de Jacques se rendant sur les lieux de son martyre. Sollicité par les cris du paralytique, « Saint Jacques lui dit : ‘ Au nom du Christ, pour la foi duquel je suis emmené à la décapitation, lève-toi en pleine santé et bénis ton créateur’. Et aussitôt l’homme se leva, guéri, et bénit le Seigneur45 ». Mais cette guérison, qui a lieu de son vivant, ne concerne pas les vertus thaumaturgiques invoquées par les pèlerins qui se rendent sur le tombeau du saint à Compostelle.
70Parmi les trois seuls miracles du Liber sancti Iacobi qui racontent des guérisons, l’un est suivi d’une libération, dont on se demande si elle n’est pas le miracle principal. Dans son article sur « Le Chemin de Saint Jacques46 », Ph. Conrad constate l’absence de « vertu thaumaturgique » du pèlerinage de Saint Jacques, puisque sur vint-deux miracles, trois seulement concernent la guérison de maladies.
71La plupart des miracles posthumes et apparitions de saint Jacques permettent de rattacher l’apôtre à la catégorie des saints défenseurs proposée par A. Boureau. Car si ces saints ont « une activité de lutte pour la foi, contre le diable, les hérétiques, les pouvoirs temporels et par les œuvres », le critique ajoute qu’« ils offrent aux chrétiens leur protection ».
72C’est pourquoi la formule rituelle des suppliants qui invoquent saint Jacques semble insister sur ce caractère. Les prisonniers de Saragosse s’adressent à celui qui […] obpressorum angustiis pie subveni(t). Ne trouvant aucun homme à qui il puisse demander de l’aide, le pèlerin solitaire du chapitre IV a beato Iacobo suplici corde expeciit presidium, « demanda le soutien de saint Jacques d’un cœur suppliant ». C’est le mot de subsidium qui est utilisé au chapitre IV :
Gloriosissimus apostolus Iacobus, cuius subsidium invocas, auxilietur tibi, à côté de celui de presidium47.
73Ce soutien prend même un aspect physique quand l’apôtre soulève un pendu (V), un noyé (VII), un infirme (XXI).
74La présence réelle du saint aux côtés de ceux qui le prient semble aller dans ce sens, comme le prouve le verbe adfuit plusieurs fois utilisé : protinus beatus apostolus illis adfuit (VIII), et presque rituel dans les paroles que prononce le saint lorsqu’il apparaît : Nolite timere, filioli mei, quia ecce adsum quem vocastis (IX).
75Saint Jacques, nous l’avons vu, semble avoir la spécialité de libérer des prisonniers. En effet, sur les vingt-deux miracles recensés dans le Liber de miraculis, on a cinq libérations de prisonniers (I, XI, XIV, XX, XXII), quatre sauvetages de noyés ou protections contre les périls de la mer (VII, VIII, IX, X), quatre libérations du démon et/ou résurrections (III, V – la fameuse histoire du « pendu dépendu », XVI et XVII), trois protections contre des blessures par les armes (XIII, XV et XX), trois guérisons (IX, XII et XXI), deux transports miraculeux (IV et VI), une remise des péchés (II), deux apparitions prophétiques (VI, XIX), plusieurs ouvertures de portes (I48, XVIII, XX). Donc les libérations du corps ou de l’âme et les protections contre les périls ou les blessures représentent 16 miracles sur 22. On peut rappeler que, dans le miracle XIX, saint Jacques apparaît en soldat étincelant pour annoncer une victoire : donc 17 miracles sur 22, c’est-à-dire la majorité, concernent cette défense et protection, dans les batailles et les périls divers.
76Nous pouvons conclure avec Ph. Conrad49, qu’on va plutôt à Compostelle par piété envers saint Jacques, pour faire de lui un protecteur, que pour obtenir une guérison.
*
77Ainsi le Liber de miraculis permet de réfléchir au type de saint et à la catégorie de thaumaturge dans lesquels les clercs et les pèlerins de Compostelle ont plus ou moins implicitement rangé l’apôtre Jacques. Mais cette contribution à la littérature hagiographique est loin d’être insipide et banale : la vie, la dramatisation, le pittoresque, le merveilleux, la poésie de ces textes leur confèrent un intérêt littéraire autant qu’historique. Ce ton est caractéristique de l’opuscule, et l’oppose en particulier à la Legenda aurea : si Jacques de Voragine ne craint pas de retracer toutes les histoires légendaires concernant le saint de Compostelle, ses récits n’ont pas la vivacité de ceux du pseudo-Calixte, ils ne mettent pas l’apôtre en scène avec la force et l’émotion du livre II du Codex. Finalement, quand on compare les deux manières, celles de l’auteur du xiie siècle et celle de Jacques de Voragine, on trouve au premier à la fois plus de sobriété et plus de vérité, plus de chaleur, plus de foi en un mot.
Notes de bas de page
1 J. Le Goff souligne l’importance de cet aspect pour donner du crédit à ce type de récit. Voir le Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, sous la direction de P. Sbalchiero, Paris, Fayard, 2002.
2 Les chapitres du Livre des miracles, (dans le LSJ) sont désignés par leur numéro en chiffres romains.
3 A. Boureau, dans son étude sur la Légende Dorée, confirme cette valeur de l’écrit en s’appuyant sur l’histoire que le Liber de miraculis livre au chapitre II : « Même à un haut niveau de cléricature, l’écrit conserve ses pouvoirs magiques : dans le chapitre sur Jacques le Majeur, le récit rapporte, d’après Bède, qu’un évêque, effrayé par l’énormité des péchés qu’un pénitent lui confesse, ne sait s’il doit les absoudre et envoie le pécheur à Saint-Jacques-de-Compostelle avec une cédule où sont inscrits ses péchés, dont la mention s’efface, bien sûr, au terme du voyage » : on a ainsi comme une mise en abyme de cette valeur de l’écrit. Cf. A. Boureau, La Légende Dorée. Le système narratif de Jacques de Voragine, Cerf, 1984, p. 71-72.
4 Cf. P.-A. Sigal, L’Homme et le miracle dans la France médiévale ( xie -xiie siècle), Paris, Cerf, 1985.
5 Cf. P.-A. Sigal, op. cit., p. 35.
6 Ibid., p. 61.
7 Cf. III, IV : suplici corde.
8 Cf. D. Poirion, « Notice » sur le Tristan et Iseut de Béroul, dans Tristan et Yseut. Les premières versions européennes, dir. Ch. Marchello-Nizia, Paris, Gallimard, 1995, p. 1127-1150.
9 Ec., 5, 4. Le chapitre IX comporte même trois miracles successifs de saint Jacques, qui donne la victoire à un chevalier, puis le guérit de sa maladie, et enfin le sauve de la noyade. Quant au chevalier du chapitre XXII, il est libéré treize fois – mais on peut considérer qu’il s’agit toujours du même miracle.
10 O misericordie viscera ! […] O venerabile certamen clemencie !
11 A. Vauchez, op. cit., p. 626.
12 Ibid., p. 166.
13 Jacques de Voragine, La Légende dorée, éd. dir. par A. Boureau, Paris, Gallimard, 2004.
14 Gautier Map, De Nugis Curialium – Courtiers’Trifles, éd. et trad. M. R. James, rev. C. N. L. Brooks et R. A. B. Mynors, Oxford, Clarendon Press, 1983., II, 11 ; Contes de courtisans, trad. M. Pérez, Lille, Atelier National des Thèses, 1983.
15 Jacques de Voragine, La légende dorée, éd. cit., p. 530.
16 Mirabile est l’un des mots qui désignent le miracle dans l’hagiographie : cf. A Dierkens, « Réflexions sur le miracle au haut Moyen Âge », Miracles, prodiges et merveilles au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995, p. 10.
17 Il est vrai qu’Orphée représentera le Christ dans l’Ovide moralisé, poème du début du xive siècle qui traduit et moralise les Métamorphoses d’Ovide.
18 La Légende dorée, éd. cit. p. 527. Cf. Luc, 9, 54 : « les disciples Jacques et Jean lui dirent : ‘Seigneur, veux-tu que nous ordonnions au feu de descendre du ciel et de les consumer ?’. Mais, se retournant, il les réprimanda. » et II Rois, I, 10. On pourrait faire de Jacques un personnage « caniculaire », en relation avec le dieu Thor de la mythologie scandinave.
19 Cf. le prophète Daniel, 3, 27.
20 Éd. cit., p. 537.
21 Saint Augustin, De Civitate Dei, XVIII, 18.
22 A. Aarne et S. Thompson, The Types of the folktale : a classification and bibliography. Helsinki, Academia scientiarum fennica, 1961.
23 Dans le miracle IV, il apparaît en miles insidens equo. Et dans le miracle XV, il protège un combattant de son propre bouclier, ab hostibus illum […] clipei sui liberavit.
24 Jacques de Voragine ne reprend pas cette légende.
25 Ps. 117, 23 ; Mt 21, 42.
26 Cui tantam potestatem, Deo donante, apostolus contulit, quod omnes Sarracenos qui cum illo decertabant, devicit.
27 Cela évoque le chapitre 13 du livre II du De Nugis curalium, dans lequel Gautier Map commente les « apparitions fantastiques » que les démons ne peuvent faire qu’avec la permission de Dieu.
28 Ces adjectifs, nova, inaudita, sont ceux qu’utilisent les auteurs antiques et médiévaux pour qualifier la merveille : cf. Ovide, Métamorphoses, passim.
29 Jacques de Voragine en raconte plus encore : cf. la libération de Philétus (Légende dorée, éd. cit., p. 529), d’Hermogène (Jacques est appelé « libérateur des âmes », p. 530), des disciples de Jacques prisonniers de la reine Louve (p. 531), et du jeune italien qui avait mis le feu aux moissons de son tuteur (p. 537).
30 Il semble cependant que ce soit un aspect topique de la littérature hagiographique… et populaire, puisque Gautier Map (loc. cit, III, 7) rapporte le récit que lui a fait un témoin digne de foi, Hugues, évêque d’Acre, celui de la libération miraculeuse de Luc le Hongrois, archevêque de Gran : « Le Seigneur ouvrit la porte de sa prison le jour de Pâques ».
31 Légende dorée, éd. cit., p. 536. Jacques de Voragine raconte, d’après Hugues de Saint-Victor (cf. De Sacramentis, XVI), une deuxième histoire de pèlerin persuadé par le démon (qui a pris les traits de saint Jacques) de se suicider, puis ressuscité par l’apôtre (p. 533-534).
32 Il est vrai que là aussi, il s’agit peut-être d’un topos hagiographique, puisque Gautier Map lui aussi est sauvé d’un naufrage par les mérites de Grégoire, moine de Gloucester (loc. cit. II, 2). Les dangers de la mer étaient réels, ainsi un évêque d’Acre trouva la mort en mer en 1200. Mais au Moyen Âge la mer est aussi l’image symbolique des dangers du monde, de l’abîme du péché.
33 Cf. la contribution de G. Gros dans le présent recueil.
34 Une nouvelle fois, il s’agit sans doute d’un topos hagiographique, puisque Gautier Map raconte (op. cit. II, 4) comment le bienheureux Pierre de la Tarentaise refusa de guérir un moine atteint d’une malformation au pied. Pierre cite Matthieu, 18, 8, « il vaut mieux pour toi entrer avec un seul pied au royaume des cieux qu’avoir deux pieds et être envoyé en enfer » – le miracle ici n’est pas la guérison, mais la prophétie, la divination. La vérification se fait par l’aveu du moine lui-même. En II, 4, Gautier Map livre un autre récit de divination : Pierre désigne celui qui a volé la bourse d’une femme et le lieu où il l’a cachée. Le terme de miracle est employé dans ce cas aussi : Aliud eciam mihi miraculum ipsum in crastina fecisse idem Serlo narravit. En II, 7, Luc le Hongrois, archevêque de Gran, prédit la mort de trois rois successifs « dans les quarante jours » et « dans un an jour pour jour ».
35 Jacques de Voragine qui cite comme source « le pape Calixte », (mais ce miracle n’est pas dans le Codex) raconte encore qu’un pèlerin affamé qui avait honte de mendier rêva que saint Jacques le nourrissait. Et à son réveil il trouva près de sa tête un pain cuit sous la cendre, avec lequel il vécut quinze jours, tant qu’il arriva chez lui (chaque jour il le retrouvait entier dans son sac). Cf. Légende dorée, éd. cit., p. 536.
36 A. Vauchez, op. cit., p. 169.
37 A. Boureau, op. cit., p. 182.
38 Ibid., p. 33.
39 Ibid., p. 33-35.
40 Ibid., p. 183-188.
41 Jacques de Voragine, op. cit., p. 528.
42 Auteur de la fin du xiie et du début du xiiie : cf. Summa de ecclesiasticis officiis, chap. 140, a/ (Corpus Christianorum, Continuatio Medievalis XLI A, p. 274) : Iste Iacobus missus est, ut predicaret Hyspanis, sed propter malitiam principum non potuit convertere ad fidem Christi nisi unum tantum.
43 Jacques de Voragine, op. cit., p. 528.
44 Jacques de Voragine, op. cit. p. 529-530.
45 Jacques de Voragine, op. cit.,.
46 Ph. Conrad, « Le Chemin de Saint Jacques », http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/le_chemin_de_saint-jacques.asp, février 2001, (15/10/2008).
47 A beato Iacobo suplici corde expeciit presidium. On trouve aussi auxilium ou auxilia et subsidia.
48 Miracle I, ouverture des portes de la ville de Saragosse pour les prisonniers libérés par Saint Jacques : Porte vero, crucis facto signo, apostolice revencie egressionem ultronee… ministrarunt.
49 Art. cit.
Auteur
CIHAM, Université Lumière Lyon 2.
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