La naissance d’un savoir médical sur les bains thermaux : les traités de Gentile da Foligno (m. 1348)
p. 15-30
Texte intégral
1Pour beaucoup d’auteurs de traités sur les bains thermaux rédigés en Italie au XVe siècle, la référence à Gentile da Foligno occupe une place essentielle. Michele Savonarola le qualifie ainsi, dans son ouvrage sur le sujet, de « divin Gentile (…) à qui on doit accorder une grande confiance1 », tandis qu’il est régulièrement mentionné ou utilisé dans les ouvrages de Ugolino da Montecatini et Francesco da Siena2. Cette révérence envers des textes somme toute fort courts a depuis longtemps attiré l’attention des historiens sur les De balneis de Gentile da Foligno ; mais la complexité de la tradition manuscrite et la multiplicité des ouvrages – on n’en compte pas moins de quatre – ont longtemps conduit les chercheurs à se limiter à des remarques générales3. L’intérêt récent porté à la naissance de la science thermale à la fin du Moyen Âge, dont le développement est souvent mis en rapport avec l’intérêt pour les phénomènes naturels remarquables4, nous pousse désormais à étudier plus en détail la production de Gentile da Foligno, afin de mieux comprendre son rôle pionnier.
2De fait, si l’on excepte le poème de Pietro d’Eboli sur les bains de Pouzzoles, datant du XIIIe siècle mais ne relevant pas à proprement parler du genre médical5, aucune œuvre latine ne porte spécifiquement sur les bains avant le milieu du XIVe siècle. Ce n’est certes pas que les thermes aient été auparavant ignorés : bien au contraire, nombreux sont les lieux occupés, ou réoccupés, depuis les XIe et XIIe siècles au moins, et parfois même depuis l’Antiquité6. Il semble en revanche qu’au XIIIe siècle et au début du Trecento, les bains n’aient été que peu médicalisés, le praticien n’étant que ponctuellement appelé pour évaluer la qualité de telle ou telle eau7. Le renforcement de la présence savante auprès des lieux du thermalisme semble donc être pratiquement contemporaine de l’intérêt porté par Gentile da Foligno au phénomène en Italie. La question de la naissance d’un savoir nouveau se pose donc : puisque les bains curatifs étaient pratiqués et connus depuis longtemps dans la péninsule, comment une vraie science thermale s’est-elle développée ? Quels furent les rapports entre cette expérience pratique et les informations issues des autorités grecques et arabes ? Ce sont ces questions que nous voulons aborder dans cette étude.
Les textes
3Quatre éditions parues à la Renaissance présentent des œuvres de Gentile da Foligno sous le titre De balneis. Toutes imprimées à Venise, elles sont datées de 1473 à 15538. Plusieurs méritent que l’on s’y attarde quelque peu. Tout d’abord, celle de 1473 est en réalité la première édition imprimée d’une œuvre de Gentile da Foligno : si cela s’explique sans doute par la brièveté du traité, il faut également y voir un intérêt particulier pour ce texte précis, dont nous verrons qu’il est copié dans de nombreux manuscrits aux XIVe et XVe siècles. Celle de 1553, publiée sous les auspices de la maison Giunta, s’insère quant à elle dans une véritable collection de textes tant antiques que médiévaux sur le thermalisme : on y relève des traités, ou extraits d’œuvres, de plus de 70 autorités antiques, médiévales ou renaissantes9.
4La majeure partie des éditions propose un texte uniformisé, sous la forme de deux ouvrages, intitulés Tractatus primus et secundus De balneis. Le premier a pour incipit « Intendo modernos medicos docere » et le second « Terme secundum medicos ». Seule la publication de 1496 ne fournit que le premier des deux traités, sans notable modification. Toutefois, ce tableau fort simple apparaît bien différent si l’on s’intéresse aux De balneis tels qu’ils sont copiés dans les manuscrits qui nous sont aujourd’hui conservés. De nombreux témoins reprennent en effet les deux textes présents dans les éditions10, mais certains en proposent d’autres, différents mais portant également le titre De balneis. Le premier, dont l’incipit est « Magister Nicolae nomen balnei » (désormais Magister Nicolae) est souvent intitulé Responsio ou Littera de balneis. Assez court, on le trouve copié dans, au moins, quatre manuscrits11 ; il a fait l’objet d’une édition en 1520 à Venise dans une collection d’œuvres de Gentile da Foligno12. Le dernier ouvrage est, en réalité, une autre version du traité Intendo modernos (que nous nommerons désormais Intendo modernos A, celui reproduit dans les éditions étant désigné par Intendo modernos B), qui en reprend les principales articulations et une partie du texte, mais avec de nombreuses modifications de détail. Généralement, cette œuvre, que l’on trouve dans au moins quatre manuscrits, porte le titre de Tractatulus de balneis13. La situation apparaît ainsi bien plus complexe que l’on ne pouvait l’imaginer ; pour mieux en saisir la cause, il convient d’analyser en détail chacun des différents ouvrages, tant du point de vue de leur contenu que de celui des conditions de leur diffusion manuscrite.
Magister Nicolae
5Le Magister Nicolae est, comme nous l’avons dit, un texte court (environ une colonne dans la plupart des manuscrits), et dont la forme est assez différente de celle des autres traités de Gentile da Foligno circulant sous le titre De balneis. Sa diffusion semble du reste avoir été assez réduite : il s’agit du traité le moins copié, et il n’a fait l’objet que d’une unique édition à la Renaissance. Plus intéressant, on remarquera également que le Magister Nicolae ne circule jamais dans des manuscrits contenant d’autres textes sur les bains de Gentile da Foligno : on le trouve plutôt inséré dans des recueils d’autres œuvres du maître de Pérouse (son commentaire au Canon d’Avicenne dans les Vat. lat. 2480 ou 4459, une collection de ses traités et de ses questions dans le Vat. lat. 2470) ou dans des compilations de textes de médecine pratique (par exemple dans le manuscrit de la Bibliothèque universitaire de Graz 594, où il côtoie des ouvrages sur les urines, sur la phlébotomie ou les médicaments14).
6Le texte du Magister Nicolae se présente comme une lettre faisant réponse à une question précise posée à Gentile da Foligno par un certain maître Nicolas, plus précisément Nicolaus de Castello comme le précise l’explicit de l’un des manuscrits15. Bien que l’on ne connaisse pas par ailleurs ce personnage, il est probable qu’il s’agissait d’un médecin s’étant adressé à son prestigieux collègue. En effet, Gentile da Foligno évoque dans sa réponse une certaine dame Agnès (« domine Agneti »), souffrant d’hydropisie, et à laquelle il conseille plusieurs bains du Nord de l’Italie16. Il s’agit donc, très certainement, d’une œuvre de circonstance, appartenant au genre des consilia médicaux, ces prescriptions à distance rédigées par des médecins célèbres et souvent conservées en recueil17. Cela explique pourquoi, dans le traité, Gentile da Foligno se contente d’expliquer l’intérêt des bains contre l’hydropisie et d’en signaler un petit nombre (cinq exactement), sans proposer de véritable description de leurs autres propriétés.
Intendo modernos A
7Le Intendo modernos A est cette fois un texte plus long, précédé d’un rapide prologue où Gentile da Foligno explique vouloir « enseigner aux médecins modernes, le plus brièvement possible, la nature des bains de notre région18 ». Il se divise en deux parties. Dans la première, assez courte, l’auteur présente la définition du bain thermal et précise quels peuvent être ses principaux effets. Y sont énumérées des indications thérapeutiques et des conseils sur la façon de prendre son bain (par exemple à quelle heure du jour, avant ou après le repas, etc.) ; la principale autorité mentionnée est Avicenne et son Canon. La suite du texte consiste en une liste des différents types d’eau minérale (nitreuse, sulfureuse, marine, cendrée, cuivrée, ferrugineuse, salée, alumineuse) pour lesquelles Gentile da Foligno indique à chaque fois les principaux effets attendus et la période de l’année la plus favorable ; enfin, il donne plusieurs exemples de bains situés en Italie du Nord pour chaque type d’eau.
8Il s’agit donc bien cette fois d’un véritable traité sur les sources thermales italiennes. Toutefois, la présentation en reste fort sommaire, puisque les bains sont généralement introduits comme exemple de type d’eau et ne sont pas à proprement parler décrits pour eux-mêmes. De plus, les descriptions restent très succinctes : quelques lignes tout au plus pour chaque eau, avec à chaque fois la mention d’un ou deux bains italiens19.
Intendo modernos B
9Ce texte fait partie de ceux reproduits dans les éditions de la Renaissance que nous avons mentionnées plus haut. Il est très proche du traité que nous venons d’évoquer, dont il partage l’incipit et la structure. Toutefois, les différences entre les deux ouvrages sont trop substantielles pour que l’on puisse les attribuer à de simples variations de copiste. En effet, plusieurs passages entiers sont totalement réécrits, comme le montre par exemple le prologue :
Intendo modernos A (BAV, Vat. lat. 2490) | Intendo modernos B (BAV, Reg. lat. 1894) |
Intendo modernos docere medicos quam brevius potero de naturis balneorum nobis circumstantium, et si in aliquo discreparem a dictis antiquorum doctorum medicorum quoniam vidi aliqua super hiis, forte et quia quodlibet in tempore mutatur, et sine forte prime nature et complexiones ipsorum modernorum sunt mutate ab eo quod per etates antiquas solite erant. Ideo cum correptione omnium, quam michi clarius et perfectius nature et perfectiones ipsorum videbimus pro presenti esse et participare, declarabo incipiendo a balneis aque dulcis quia de termis. | Intendo modernos docere medicos quam brevius potero de naturis balneorum nos circumstantium, et si in aliquo deviarem vel discreparem a dictis antiquorum que vidi, erit quia quemlibet in tempore mutatur. Et puto naturas et complexiones humanas a balneo fore diminuta et in aliquibus mutata ab eo quod per etates antiquas solite erant, nec michi hoc sit dubium, et ideo cum correpcione omnium, quam michi clarius, brevius aut perfectius nature et complexiones ipsorum videbimus pro presenti esse et participare, declarabo incipiendo a balneo aque dulcis quia de termis. |
10De façon générale, les différences entre les deux prologues n’en modifient pas radicalement le sens. Il s’agit plutôt de corrections de style visant à rendre le texte plus intelligible, comme par exemple lorsque le « quoniam vidi aliqua super hiis, forte et quia quodlibet in tempore mutatur » est remplacé par « que vidi erit quia quemlibet in tempore mutatur » ; de même, on a, à deux reprises, la mention d’une lectio différente du texte dans le Intendo modernos B (« deviarem vel discreparem », « brevius aut perfectius »), ce qui suggère que la version B pourrait être une réécriture de la première, peut-être par un auteur postérieur à Gentile da Foligno. Cette interprétation paraît confirmée par l’analyse du reste du traité, où certains passages sont réorganisés et plusieurs ajouts effectués. Dans la version A, les bains étaient, comme nous l’avons vu, généralement présentés selon une structure ternaire faisant se succéder la description de l’action de l’eau minérale, l’exemple d’un site italien et quelques recommandations sur la date ou l’heure à laquelle s’y rendre20. Dans la version B, cette structure subsiste mais se trouve modifiée, puisque la description commence systématiquement par la mention des eaux thermales italiennes, suivie par l’explication de leur action et enfin par la date la plus favorable21. De plus, la majorité des ajouts au texte insistent sur le caractère expérimental de la connaissance thermale, l’auteur signalant avoir « vu ces bains par expérience22 ». Ainsi, pour ceux de Petriolo, il est fait appel à la connaissance concrète du lieu pour distinguer entre deux opinions concurrentes sur leur nature23, tandis que, pour ceux de San Filippo est signalé le danger des pluies et des vents violents en ce lieu24. Pour toutes ces raisons, il est donc probable que la version B du Intendo modernos soit postérieure à la version A.
Terme secundum
11Le traité commençant par les mots « Terme secundum medicos » (désormais Terme secundum) est, dans les éditions, généralement placé après Intendo modernos B. D’une longueur équivalente à ce dernier, il présente plusieurs particularités remarquables. En premier lieu, sa structure est inversée par rapport aux deux traités Intendo modernos. En effet, alors que ceux-ci commençaient par une présentation théorique du thermalisme, Terme secundum débute avec une simple liste des bains, classés cette fois non par type mais par source particulière. On y retrouve les principaux lieux de thermalisme déjà signalés, auxquels sont ajoutés de nombreux autres : alors qu’on pouvait compter 10 bains dans les deux Intendo modernos, on en trouve 17 dans le Terme secundum. La plupart des thermes sont très succinctement décrits, seul le site de Corsena faisant l’objet d’une plus longue présentation.
12Après cette liste, la plus complète de tous les ouvrages de Gentile da Foligno, est alors placée une partie plus théorique où est discuté le sens du terme « bain » chez les Arabes, et où plusieurs références à des autorités sont avancées. Or, cette seconde partie est en réalité, pour l’essentiel, constituée du texte du premier consilium, le Magister Nicolae :
Magister Nicolae (BAV Vat. lat. 4459) | Terme secundum (BAV Reg. lat. 1894) |
Magister Nicolae, nomen balnei apud Arabes cadit super balneo dulcis aque quod nos vocamus stufam, cuius pars est tina, et hoc balneum non competit quia non est potens in exsiccando ; cadit etiam super suatorio, secundum aquam, de quibus est furnus calefactus aut consimile artificium, et hoc balneum potest conferre ubi virtus infirmi non contradicat et reliqua consentiant. Cadit hoc nomen super balneo aquarum per se calidarum, scilicet sulfurearum, aluminosarum, ferrearum, salsarum et consimilium, que balnea proprie vocantur terme apud Arabes, et huiusmodi balnea competunt in duplici intentione, scilicet exsiccationis aquose materie et tunc conveniunt sulfurea vel salsa vel consimilem habentia virtutem, ut sumitur primo Canone fen 2a capitulo Quidam ornate etc., et 3° fen 14 de cura ydropisis, et Continentis 7° cavendo ne sit febris vel calor excedens in epate, ut colligitur ex Aliabbate Pratice 7°. Secunda intentio esset confortationis lapsitatis epatis que consuevit coniungi post solutiva fortia pertranseuntia in virtute, et tunc competunt balnea ferrea vel participantia talis virtutis, sicut balneum aquarum de Pisis et balneum Avinionis, quamvis sit cum istis aliqua virtus aluminosa ut creditur, et aliqua sulfurea : aqua sulfurea forsan nullum balneum per se calidum absolvitur secundum [quod] sermonem Aristotelis in libro De proprietatibus elementorum et Aristotelis Problemata 24 particula 18 et 19 problemate inuit, licet de hoc dubium sit non parvum. | Nomen balnei apud Arabes cadit super balneo aque dulcis quod vocatur stufa, cuius pars est tina. Et hoc balneum non contingit quia non est potens in exsiccando. Cadit autem super sudativo sive aque de quibus est firmus calefaciens aut simile artificium. Et hoc balneum potest conferre, hec virtus egritudini contradicat, et reliqua consenciant. Cadit autem super balneo aquarum calidarum prope hoc nomen balneum sive sulphurearum, aluminosarum, ferrearum, salsarum, et similia, que balnea appelant proprie Arabes termas. Et ista balnea competunt duplici intentione, scilicet exsiccationis materie aquose et tunc competunt vel conferunt sulphurea vel salsa vel consimilem virtutem habentia, ut patet capitulo illo Quidam ornate loquencium etc. et in 14a 3i de cura ydropisis et 7° Continentis, cavendo ne sit febris vel calor existens in epate, ut colligitur ex Aliabate 7° Pratice. Secunda intentio esset confortationis laxitatis epatis que consuevit coniungi post fortia solutiva pertranseuntia in virtute et tunc competunt balnea ferrea vel participantia talem virtutem sicut balneum aquarum de Pisis et balneum de Avinione, licet sit cum istis aliqua virtus aluminosa et aliqua sulphurea. Ab aqua non sulphurea forte balneum nullum calidum absolvitur, ut Aristotelis in libro De proprietatibus elementorum et Problematum 24a particula problemate 18 et 19, licet de illo sit dubium non parvum. |
13La comparaison des deux premiers paragraphes ne fait ainsi apparaître que quelques changements d’ordre stylistique, sans que le sens du texte soit modifié – on note seulement l’omission de la référence au maître Nicolas. Le second paragraphe est plus intéressant : en effet, la mention de la domina Agnes et de son hydropisie est supprimée et remplacée par une référence générale à des patients de complexion froide. Outre que cette reprise confirme que le traité Terme secundum est bien l’œuvre de Gentile da Foligno, on peut en déduire que l’expérience pratique du médecin a eu un rôle très important dans la rédaction des premiers traités de thermalisme en Italie au début du XIVe siècle, le lien apparaissant ici particulièrement fort puisque l’auteur passe d’un cas particulier à une réflexion générale.
14La conclusion qui ressort de la consultation des manuscrits est donc fort différente de celle s’appuyant sur les éditions : existent quatre textes et non deux, et tous sont liés entre eux par des emprunts et des réutilisations. L’analyse d’un nombre important de manuscrits permet d’aller encore plus loin25. En effet, la répartition des textes dans les codices n’est pas aléatoire. On remarque que Intendo modernos B et Terme secundum se trouvent presque toujours copiés ensemble dans les manuscrits, comme dans les éditions26, tandis que les deux autres, Intendo modernos A et Magister Nicolae, sont toujours transcrits seuls. Cette constatation autorise deux conclusions. Tout d’abord, elle confirme le fait que les deux Intendo modernos ne sont pas simplement deux versions d’un même texte, mais bien deux traités différents, l’un étant la réécriture de l’autre ; ensuite, on peut affirmer que, plutôt que quatre textes, ce sont trois ensembles codicologiques qui se présentent : le Magister Nicolae seul, le Intendo modernos A seul, et enfin les Intendo modernos B et Terme secundum réunis. Cette situation originale nous invite donc à analyser plus en détail les œuvres, afin de proposer, si possible, une chronologie des différents textes.
Les étapes de la constitution d’un savoir autonome
15Établir l’ordre de rédaction des différents traités De balneis rédigés par Gentile da Foligno est délicat. En l’absence de preuves externes (dates, manuscrits anciens), il faut s’en remettre aux indices internes aux textes, méthode toujours délicate et sujette à caution. Nous avons vu plus haut qu’il était possible d’établir que le Intendo modernos B était une version revue du texte Intendo modernos A d’après les corrections apportées à l’ouvrage, les mentions d’aliae lectiones et l’ajout de références à l’expérience. Les passages identiques que l’on trouve dans le Magister Nicolae et le Terme secundum nous autorisent également à tenter une datation relative des deux œuvres. Comme nous l’avons vu, sont omis dans le second texte toutes les mentions particulières comme les références au maître Nicolas et à sa patiente Agnès. Deux possibilités sont donc envisageables : le consilium original pourrait soit être un simple extrait d’un traité précédent sur les bains, que Gentile da Foligno aurait adapté à un cas particulier, soit un texte indépendant que l’auteur aurait repris, en en gommant les aspects circonstanciels, pour en intégrer les informations dans un traité plus général.
16Pour plusieurs raisons, il nous semble plus juste d’accepter la seconde solution. Tout d’abord, la forme de consilium individualisé que revêt le Magister Nicolae rend moins probable l’adaptation d’un traité général antérieur : il serait en effet délicat, voire impossible, d’adapter à un cas précis une œuvre conçue au départ pour avoir une portée générale. Ainsi, à la fin de sa lettre comme dans le Terme secundum, Gentile da Foligno ne mentionne que le cas des complexions froides en n’évoquant que quelques bains, ce qui est tout à fait justifié dans le cas d’une recommandation précise mais semble moins logique pour une œuvre dont la portée est plus générale ; d’ailleurs, la mention du cas particulier de la « calefactio epatis » dans les deux ouvrages ne peut se comprendre que pour une prescription précise. Une autre preuve de cette interprétation est fournie par l’analyse du seul Terme secundum. En effet, celui-ci commence par la définition des thermes, que Gentile da Foligno présente ainsi : « Terme secundum medicos sunt balnea naturaliter calida, aut habent aliquid de sulphureo et postea diversificantur secundum diversas mineras ». Or, après la liste des bains qui suit cette phrase, le début du paragraphe identique au texte du Magister Nicolae reprend une nouvelle fois le problème de la définition des thermes, distinguant les différents mots utilisés par les médecins et les Arabes. Cette répétition, qui paraît étrange, indiquerait donc l’antériorité du Magister Nicolae sur le Terme secundum.
17Un dernier élément permet, pensons-nous, de le confirmer. Un manuscrit de la Bibliothèque Vaticane, le Vat. lat. 4425, contient en effet deux petits textes intitulés Balnea et De thermis et balneis diversis. Si le premier n’est qu’une rapide liste de six bains27, le second est plus intéressant. Le manuscrit n’indique aucun nom d’auteur, mais son contenu ne nous est pas totalement étranger : en effet, son incipit est « Terme in medicina sunt balnea naturaliter calida et habent aliquid de sulfureo postea diversificatur secundum mineras diversas », soit pratiquement le même que celui du Terme secundum de Gentile da Foligno. La suite du traité n’est du reste pas très différente de ce dernier texte, puisqu’elle en reprend le contenu avec quelques variantes stylistiques ; toutefois, il est beaucoup plus court puisqu’il s’arrête à la fin de la liste des bains, sans le paragraphe insistant sur les bains de Corsena ni la partie théorique du texte, à savoir celle qui est partiellement identique au Magister Nicolae. Il ne s’agit toutefois pas d’une simple version incomplète du Terme secundum, car les variantes en sont assez marquées, et surtout le texte se termine par un « Deo gratias » de la même main que le texte. Outre quelques modifications de style, on remarque ainsi, dans le Terme secundum, deux types d’ajouts par rapport au texte du Vat. lat. 4425. Le premier concerne les lieux évoqués, qui sont souvent indiqués avec plus de précision dans le texte reproduit dans les éditions : on a, par exemple, « balnea Petrioli de comitatu Senarum » au lieu de « balnea Petrioli », « balneum de Avinione in comitatu Senarum » au lieu de « balneum de Avinione », « balneum Suane vel de Suana » au lieu de « balneum Suane », ou encore « balneum de Esculo idest de Ascoli » pour « balneum de Esculo ». Le second type d’ajout concerne deux bains, ceux de Rapolano et de San Filippo, pour lesquels la description de l’eau est complétée par des indications sur les maladies qu’elle soigne avec, dans le premier cas, l’évocation d’une connaissance expérimentale (« ego plures scabiosos misi qui liberati sunt statim, et valet ad inpregnationem ut patet experientia28 »).
18La comparaison entre les deux textes fait donc apparaître des différences similaires à celles que nous avions observées entre les deux versions du Intendo modernos : le style est rendu plus clair et plusieurs informations sont ajoutées, en particulier en rapport avec l’expérience personnelle du médecin. Il est donc possible d’en déduire que le texte du Vat. lat. 4425 n’est pas qu’un simple extrait du Terme secundum, mais bien une sorte de version antérieure, reprise et intégrée dans un ensemble plus vaste au moment de la rédaction du traité De balneis. Cette conclusion nous permet donc de mieux comprendre comment a été rédigé le Terme secundum : il s’agit probablement de la compilation de divers petits traités ou consilia indépendants, regroupés en un unique ensemble par Gentile da Foligno à une date inconnue – ce qui confirme donc notre hypothèse selon laquelle le Magister Nicolae lui est antérieur.
19À ce point de l’étude, deux groupes se dégagent : les traités Intendo modernos A et B, le second étant une version remaniée du premier, et les ouvrages Magister Nicolae et Terme secundum, dont l’un reprend et intègre l’autre dans un ensemble plus vaste. Il reste bien sûr désormais à établir comment ces deux éléments se situent dans une chronologie relative. Or, l’analyse d’un grand nombre des manuscrits conservés nous démontre que, presque toujours (une seule exception ayant été relevée), le Terme secundum est copié avec le Intendo modernos B, tandis que la version précédente Intendo modernos A se trouve le plus souvent seule. Le Terme secundum étant lui aussi un remaniement de plusieurs traités antérieurs, il est donc probable que cette réécriture globale des traités de Gentile da Foligno sur les bains ait eu lieu après la rédaction des petits Magister Nicolae et Intendo modernos A. Du reste, le colophon du manuscrit de la Bibliothèque Vaticane Reg. lat. 1894 confirme cette interprétation, puisqu’il y est indiqué qu’« ont été rassemblés entre eux deux traités composés par le remarquable Gentile29 ». Il semble donc possible de reconstituer, au moins de manière hypothétique, la chronologie suivante :
En premier lieu, Gentile da Foligno propose une Responsio de balneis à un magister Nicolaus au sujet d’une femme hydropisique, qui l’amène à préciser ses pensées sur les bains et surtout à insister sur la différence entre les bains artificiels et les thermes naturels. Il s’agit d’un texte à orientation pratique mais au caractère encore nettement scolastique, de par son utilisation des autorités.
On a ensuite un premier traité, le Intendo modernos A, qui présente rapidement les bains, selon la classification minérale héritée des auteurs anciens. Comme l’indique Gentile da Foligno dans sa courte introduction, le but est simplement de fournir des précisions aux médecins de son temps sur les bains qui se trouvent dans sa région. Ce texte a donc une orientation essentiellement pratique et ne fait mention que d’une seule autorité ; d’ailleurs, Gentile da Foligno signale dès le début qu’il ne se place pas dans le débat avec les autorités classiques, et évacue les reproches potentiels qui pourraient lui être faits sur ce point30.
Enfin, est procédé à un remaniement général des traités de Gentile da Foligno, qui reprend les deux textes précédents en les augmentant et en les regroupant en deux ouvrages distincts. Il est difficile de savoir si cette réorganisation est le fait de l’auteur lui-même ou le fruit du travail d’un disciple après sa mort – toutefois, le colophon du Reg. lat. 1894 que nous avons cité plus haut semble devoir nous orienter vers la seconde solution.
20La complexité de la gestation de l’œuvre thermale de Gentile da Foligno ne laisse pas d’étonner, surtout de la part d’un auteur connu pour sa rigueur scolastique. Il semble que le médecin ombrien ait procédé lentement, hésitant à présenter la question des bains sous forme de consilium, de liste d’experimenta ou de véritable traité. Pour mieux comprendre ce difficile processus, il convient donc d’analyser rapidement les principales caractéristiques du thermalisme de Gentile da Foligno.
Le thermalisme de Gentile da Foglino
21Nous avons vu que la plupart des traités thermaux de Gentile da Foligno présentent deux parties, l’une plus théorique sur les propriétés des bains et l’autre, plus pratique, sur les eaux particulières conseillées par l’auteur. Il convient donc d’analyser séparément ces deux aspects.
22Les médecins de l’Antiquité avaient, bien sûr, déjà parlé des bains31. Toutefois, Galien s’était montré bref sur le sujet, à la différence d’Oribase et de Celse – aucun de ces deux auteurs n’étant toutefois cité dans les De balneis. Le relatif silence des auteurs grecs et latins sur le thermalisme explique sans doute en grande partie le recours privilégié aux auteurs arabes : en effet, Gentile da Foligno cite le Canon d’Avicenne, le Continens de Rhazès et la Practica de Haly Abbas, le seul auteur non arabe mentionné étant Aristote pour ses Problemata et son De proprietatibus elementorum, ce dernier texte étant du reste une œuvre arabe mise sous le nom du Philosophe.
23L’analyse de la classification minérale des eaux confirme l’impression de domination du savoir arabe32. Galien mentionnait quatre types d’eaux, les alumineuses, bitumeuses, sulfureuses et nitreuses ; Oribase ajoutait à cette liste les eaux salées, alcalines et ferreuses, mais omettait les eaux nitreuses, tandis que Pline était l’un des plus complets, puisqu’il évoquait les eaux alumineuses, bitumeuses, sulfureuses, ferreuses, nitreuses, salines et acides33. Aucune des classifications antiques ne correspond toutefois exactement à celle de Gentile da Foligno, qui énumère des eaux cuivrées, ferreuses, nitreuses, sulfureuses, marines, alumineuses, cendreuses et salées. En revanche, cette liste est exactement celle proposée par Avicenne dans son Canon : le choix de Gentile da Foligno n’est donc pas le produit d’une compilation des types d’eaux énumérés par les auteurs anciens, mais bien de la reprise intégrale de la liste fournie par Avicenne. Du reste, les emprunts de Gentile da Foligno ne se limitent pas à cette réutilisation, puisqu’une analyse comparée du traité Intendo modernos et du texte du Canon démontre que le médecin reprend de manière extensive l’œuvre du philosophe arabe, se contentant d’y ajouter des informations sur quelques bains italiens particuliers. L’exemple des bains cuivrés, ferreux et salés est ainsi révélateur :
Intendo modernos A | Avicenne, Canon, I, 2.2.1.19. |
Enea et ferrea ac salsa balnea iuvant in egritudinibus que sunt ex frigiditate et humiditate, et in doloribus articulorum et podagre, conferunt laxitati et asmati et egritudinibus renum et fracture et restaurationem fortem efficiunt et conferunt carbunculis et ulceribus ; enea vero specialiter os stomaci et os vulve et oculo lapsso, humiditatibus auris ; ferrea vero stomacum iuvant et splenem. Et talia sunt que sunt propre Pellulacanum in Viterbio ; ad que vadant omnes habentes debilitates in membris naturalibus scilicet stomaco, splene, epate, intestinis et renibus et huiusmodi, ac etiam habentes asma et debiles in pulmones. Itur ad illa balnea in qualibet parte anni. | Enee vero aque et ferree et salse etiam iuvant in egritudinibus que sunt ex frigiditate et humiditate et in doloribus articulorum et podagre. Et conferunt laxitati et asmati et egritudinibus renum et fracture restaurationem fortem efficiunt et conferunt carbunculis et ulceribus. Et enee quidem ori conferunt et vulve et oculo laxo et humiditatibus auris. Ferree vero stomachum iuvant et splenem. |
24Si la reprise du texte du Canon n’est pas toujours aussi flagrante que dans ce cas précis, il n’en reste pas moins que Gentile da Foligno se contente, pour décrire les effets théoriques des divers types d’eaux, de citer ses sources en n’y apportant que quelques modifications mineures, avant de s’attarder plus en détail sur les thermes italiens qu’il connaît. Si l’on se rappelle que les principales informations d’ordre théorique contenues dans le Terme secundum étaient tirées de la réutilisation du Consilium Magister Nicolae, on pourra en déduire que les informations théoriques données par Gentile da Foligno sur les bains sont très fortement dépendantes de ses sources arabes, et particulièrement du Canon d’Avicenne.
25Si cette partie des traités De balneis n’est donc guère originale par son contenu, il en va tout autrement de la seconde partie du texte, dans laquelle sont mentionnés les thermes italiens. En effet, Gentile da Foligno n’évoque pas moins de 19 bains différents. Leurs caractéristiques sont particulièrement intéressantes. Il s’agit, le plus souvent, de bains célèbres et depuis longtemps connus et fréquentés : c’est par exemple le cas des bains de Petriolo, San Filippo, Macereto, Pise ou Viterbe, tous célèbres dès le XIIIe siècle34. De plus, le fait que Gentile da Foligno cite toujours les bains par leur nom sans donner plus de précisions démontre qu’il évoque des lieux faciles à identifier pour ses lecteurs potentiels. Le projet de l’auteur des De balneis n’est donc pas de présenter des nouveautés, des experimenta ou des découvertes extraordinaires, comme cela pourra être le cas dans les traités plus tardifs35, mais bien de proposer une liste ordonnée des bains déjà connus.
26Du reste, l’autre caractéristique des thermes évoqués par Gentile da Foligno est leur concentration géographique. Celle-ci apparaît clairement quand on reporte les bains cités sur une carte36 :
27Les seules villes dans lesquelles on sait avec certitude que Gentile da Foligno a résidé sont Pérouse, Sienne et Foligno37 ; or, les bains qu’il cite sont toujours situés à proximité de ces villes, ou d’autres cités du centre de l’Italie comme Florence ou Bologne – la seule exception étant Padoue, ville avec laquelle Gentile da Foligno a du reste eu divers rapports38. Enfin, on remarquera que les traités font souvent référence à une expérience directe, en particulier dans le Intendo modernos B comme nous l’avons vu plus haut. Toutes ces remarques, ajoutées à l’absence de tradition livresque, semblent donc confirmer que Gentile da Foligno présente, dans son œuvre, non des références abstraites, mais bien des bains qu’il a eu l’occasion de connaître au cours de sa pratique médicale, voire d’expérimenter lui-même.
28Toutefois, une dernière question se pose alors. Comment expliquer l’étrange construction des traités De balneis de Gentile da Foligno ? Pourquoi a-t-il reproduit, pour chaque type d’eau, les parties correspondantes du Canon avant de citer les effets des thermes italiens qu’il connaissait ? L’explication de cette particularité semble pouvoir se trouver dans la volonté, pour l’auteur, d’intégrer des remèdes expérimentaux, depuis longtemps utilisés par les médecins italiens, dans un cadre scolastique général, et ce afin de permettre l’autonomisation et la constitution d’une véritable science thermale médicalisée. Il est possible que la motivation principale de l’auteur soit la médicalisation d’une source de revenus, ou bien le souci de mieux encadrer des pratiques potentiellement dangereuses pour les patients. Il est bien sûr difficile de faire la part de ces deux motivations ; on se limitera donc seulement à constater que, vers le milieu du XIVe siècle, le développement concomitant de la médecine scolastique et de la pratique thermale l’a conduit à tenter une synthèse de ces deux traditions jusqu’ici distinctes. Gentile da Foligno a ainsi voulu faire rentrer les bains italiens dans le cadre fixé par les autorités, et particulièrement par Avicenne, parfois au prix de quelques distorsions : là se situe sa vraie originalité.
29Reste que cette synthèse n’était pas sans poser quelques problèmes. L’analyse approfondie des traités Intendo modernos permet de les mettre en évidence. En effet, la lecture de ces œuvres démontre que l’attribution à chaque bain d’une eau particulière est loin d’être évidente. En premier lieu, Gentile da Foligno n’explique jamais de quelle manière il lie telle ou telle composition à chaque eau ; il faut donc se fier à son autorité, parfois renforcée par des « expertus fui » ou des « vidi39 ». Le plus souvent, il explique que les eaux italiennes sont des mélanges des divers types énumérés par Avicenne : les « balnea de Turri de Sancta Maria in Bagno » sont, par exemple, composés d’eau sulfureuse mêlée d’eau alumineuse, de même que ceux de Petriolo40 ; ceux de Pellicanum, près de Viterbe, sont à la fois ferreux, salés et cuivrés41. De même, la comparaison des divers ouvrages montre que Gentile da Foligno n’est pas toujours cohérent dans ses choix : les bains de Petriolo sont par exemple alumineux et légèrement sulfureux dans les Intendo modernos, alors qu’ils sont présentés comme uniquement sulfureux dans le Terme secundum42. Ces hésitations sur la composition des eaux obligent Gentile da Foligno à avouer, à la fin de Intendo modernos, que, « à dire vrai, aucun des bains de nos régions n’apparaît simple, car, comme j’en ai souvent fait l’expérience, tous sont composés. On en déduira donc que, du fait que tous ces bains sont composés et qu’aucun n’apparaît simple, ils ont des effets variables43 ». Par cette concession, Gentile da Foligno pouvait intégrer, de manière fort lâche, les bains connus au cadre avicennien, expliquant pourquoi les maladies soignées par les sources thermales ne correspondaient pas à celles mentionnées dans le Canon44. L’insistance sur l’expérience prend donc tout son sens à la lumière de ces remarques : la description des effets des eaux énumérés par l’auteur provient bien d’une expérience pratique, directe ou indirecte, qu’il se contente d’intégrer dans un cadre théorique préexistant.
30Cette conclusion nous permet donc d’expliquer la raison de la multiplication des ouvrages et des remaniements par Gentile da Foligno et l’importance du modèle du consilium. Gentile da Foligno est ainsi parti de sa pratique médicale concrète, qui faisait certainement appel, comme celle de ses contemporains, aux bains. Puis, dans sa volonté de systématiser et de normaliser cette pratique, il fit appel aux informations contenues dans les autorités, et principalement dans le Canon d’Avicenne ; mais cela ne fut pas sans provoquer de nombreux problèmes, en particulier celui d’établir des correspondances entre la typologie avicennienne et les bains individuels, dont le caractère de mirabilia rendait toute classification fort délicate. Ce sont donc ces tâtonnements qui expliquent la forme complexe des traités de Gentile da Foligno ; ils illustrent la difficulté qu’il y a eu, au début de la constitution d’une véritable science thermale, à faire coïncider la tradition scolastique livresque et l’expérience vécue du médecin. Bien qu’imparfaite, la synthèse de Gentile da Foligno ouvrait ainsi la voie à l’extraordinaire succès du genre des De balneis dans l’Italie des XIVe et XVe siècles45.
Notes de bas de page
1 Savonarola, 1498, fol. 127ra, à propos du bain de Lucques : « Nitrosumque esse Gentilis vir divinus enuntiavit, cui non parva fides danda est ».
2 Nicoud, 2002, particulièrement p. 24.
3 Par exemple L. Thorndike, 1923-1958, où l’ouvrage sur les bains de Michel Savonarole est traité longuement (vol. 4), mais où celui de Gentile da Foligno est pratiquement passé sous silence (vol. 3).
4 Dans la bibliographie récente sur les bains thermaux, on signalera les volumes collectifs sous la dir. de Peréx Agorreta, 1997 et Guérin-Beauvois-Martin, 2007. Le lien entre le développement de l’intérêt pour les bains et les évolutions de la science médiévale est souligné par Datson-Park 1998, 2000 particulièrement p. 121-125. Plusieurs études se sont enfin plus particulièrement intéressées à la naissance du thermalisme médicalisé à la fin du Moyen Âge, comme celles de García Ballester, 1998 et de Boisseuil, 2002.
5 Sur le traité de Pietro d’Eboli, on se reportera en dernier lieu à Maddalo, 2007.
6 Un exemple d’une telle continuité depuis l’époque romaine, celui des champs Phlégréens, est mentionné par Martin, 2007.
7 Nicoud, 2002, p. 15.
8 Il s’agit des éditions de Venise 1473 (Hain 7571), 1495-1497 (Hain 4884*), 1502 (par les héritiers d’O. Scotus) et 1553 (« apud Juntas »).
9 De balneis omnia, 1553.
10 Au moins six manuscrits reproduisent ensemble le Intendo modernos et le Terme secundum ; il s’agit des manuscrits A 38 de la Landesbibliothek de Berne (fol. 69r-v), Harley 3747 de la British Library (fol. 230r-231r), n. a. l. 211 de la Bibliothèque nationale de France (fol. 86r-88r), Pal. lat. 1175 (fol. 247v-249r) et Reg. lat. 1894 (fol. 230v-232r) de la Biblioteca Apostolica Vaticana, et enfin 5269 de la Österreichische Nationalbibliothek de Vienne (fol. 80r-81r).
11 Pour l’instant, nous avons relevé les Vat. lat. 2470 (fol. 251vb), 2480 (fol. 64ra-b) et 4459 (fol. 137r) de la Biblioteca Apostolica Vaticana et le K 594 (fol. 76r-v) de la Universitätsbibliothek de Graz.
12 Questiones et Tractatus Extravagantes, 1520.
13 Le nombre de manuscrits de ce texte doit sans doute être majoré, en raison des codices que nous n’avons pu contrôler. Les quatre témoins certains sont les Vat. lat. 2482 (fol. 70rb-71rb), Vat. lat. 2490 (fol. 232va-b) et Pal. lat. 1295 (fol. 283va) de la Biblioteca Apostolica Vaticana, ainsi que le 4. CA. 1/3 (fol. 7r-v) de la Biblioteca comunale de Fermo.
14 Graz, Universitätsbibliothek 594, fol. 76r-v.
15 BAV, Vat. lat. 4459, fol. 137ra : « Littera responsiva ad magistrum Nicholaum de Castello ». La plus grande précision de ce témoin s’explique sans doute par le fait que le manuscrit Vat. lat. 4459 est, en partie, un autographe de Gentile da Foligno. En revanche, le texte qui nous intéresse étant rédigé d’une main différente de celle du reste du codex, il ne peut en aucun cas avoir été copié par son auteur. Sur ce manuscrit, se reporter à notre travail Chandelier, 2002, p. 179-193.
16 Magister Nicolae (BAV, Vat. lat. 4459, fol. 137ra) : « Convenit ergo balneum Pitrioli vel Sancti Phylippi vel Suane domine Agneti, quia mala complexio frigida fuit causa, si recole, sue ydropisis ».
17 Sur les consilia, voir Agrimi-Crisciani, 1994. Sur le genre du consilium au Moyen Âge, se reporter à Casagrande-Crisciani-Vecchio, 2004 et, en particulier, à l’article de Crisciani, 2004a. La majeure partie des consilia de Gentile da Foligno a été réunie en recueil dès le XIVe siècle ; ils sont étudiés par Thorndike, 1959. Le Magister Nicolae ne se retrouve toutefois jamais dans cette compilation.
18 Intendo modernos B (BAV, Vat. lat. 2490, fol. 232va) : « Intendo modernos docere medicos quam brevius potero de naturis balneorum nobis circumstantium ».
19 Par exemple, pour les bains nitreux de San Filippo : « Nitrosa subtiliant humores et eos resolvunt, tollunt laxitudinem que in membris est, et ista sunt (michi videtur) balnea de Sancto Phylippo que valent scabiosis, debilibus in iuncturis, podagricis et cachocimis et habentibus in corporibus apostemata dura ».
20 Par exemple, pour les eaux cendreuses : « Cineritia, salsa ac nitrosa prebent auxilium capiti ac pectori que solent repleri materia, conferunt stomaco humido et habentibus inflationem, et ista sunt balnea de Sancta Elena Padue ad que vadunt humidi et debiles in membris propter humiditatem et frigiditatem ; et valent a mense madii usque ad septembrem ».
21 Pour le même passage, on a ainsi dans le Intendo modernos B : « Cinericia salsa et nitrosa balnea sunt balnea de Sancta Helena de Padua, prebens quidem auxilium capiti, pectori repletis et confert stomaco humido et habentibus ydropisim et inflacionem. Sed ista balnea per experientiam michi visam particularius conferunt humidis aut debilibus in membris propter frigidos aut humidos humores multiplicatos, aut propter frigiditatem quoque modo in nervis aut membris acquisitam ; ad que balnea eatur de mense maii usque ad mensem septembris ».
22 Ibid., pour les eaux cendreuses : « Sed ista balnea per experientiam michi visam (…) ».
23 Ibid. : « Balneum vero Petrioli est complexionis sulphuree et aluminose et in ipso est plus de alumine quod vidi per experientiam, et aliqui tenent oppositum quod plus sit de sulphure et de hoc non est curandum ».
24 Ibid. : « (…) ad que itur de mense septembris aut octobris aut usque ad medium novembris, salvo semper quod non sint tunc multi venti nec pluvis multe quia magna pluvia aut humiditas remittit virtutem illius balnei ».
25 Cette étude se fonde sur la consultation de treize manuscrits, soit environ la moitié de l’ensemble des copies que nous avons pu relever (23). Bien que non exhaustive, cette recension nous semble autoriser quelques conclusions au moins provisoires.
26 Deux manuscrits seulement semblent faire exception : il s’agit du 27857 (Mun. A. 3. 134) de la Chetham’s Library de Manchester (fol. 303r-305r), qui contient le seul Intendo modernos B, et le manuscrit 532 de la Wellcome Library de Londres (fol. 27r-28v), proposant le Terme secundum sans le Intendo modernos B.
27 Le texte est suffisamment court pour être reproduit intégralement ici : « Hec sunt Balnea Sancti Casciani. Balneum Ficarelle valet epati spleni et scabies. Balneum Sancte Marie valet doloribus frigidis iuncturarum. Balneum Sancti Georgii valet ad plagas consolidandas. Balneum Caldane valet ad scabiem. Balneum terre valet ad purgandum solutionem dum bibitur. Balneum viperarum consolidat ulcera antiqua et extirpat eorum radices » (BAV, Vat. lat. 4425, fol. 128ra).
28 Terme secundum (BAV, Reg. lat. 1894, fol. 231va-vb), avec en gras les passages ajoutés au texte du Vat. lat. 4425 : « Balneum Capolani iuxta Senas habet de sulphureo multum intenso et ideo multum exsiccat materias cutaneas et valet ad scabiem grossam, et ego plures scabiosos misi qui liberati sunt statim, et valet ad inpregnationem ut patet experientia (…). Balneum Sancti Philippi de comitatu Senarum prope Radicofanum est in virtute balnei Petrioli et est subtilioris substantie ipso balneo Petrioli, et ideo valde confert frigiditati nervorum et capitis et podagricis et sciaticis a materia frigida, precedente convenienti regimine ante et post, et bona evacuatione ».
29 BAV, Reg. lat. 1894, fol. 232r : « Et ita sunt copulata adinvicem duo tractatus quod egregius Gentilis composuit ».
30 Intendo modernos A : « Si in aliquo discreparem a dictis antiquorum doctorum medicorum quoniam vidi aliqua super hiis, forte et quia quodlibet in tempore mutatur, et sine forte prime nature et complexiones ipsorum modernorum sunt mutate ab eo quod per etates antiquas solite erant ».
31 On se reportera aux actes du colloque Peréx-Agoretta, 1997, et à l’article de Heinz, 1996.
32 Les typologies antiques des sources thermales sont présentées par Oró Fernández, 1997, avec p. 231 un tableau récapitulatif des différentes eaux mentionnées par une dizaine d’auteurs latins et grecs.
33 Oró Fernández, 1997, p. 230-231.
34 Sur ces bains, se reporter à Boisseuil, 2002, p. 253-319.
35 C’est par exemple le cas chez Michele Savonarola dans sa recension de tous les bains italiens De balneis et thermis naturalibus omnibus Italiae.
36 Deux bains n’ont pas été reportés sur la carte. Il s’agit des bains de « La Caldanella », qui se confondent pratiquement avec ceux de Petriolo distants de moins d’un kilomètre, et du « balneum de Turri de Sancta Maria in bangno » qui fait partie de la station thermale de Bagno di Romagna. Je remercie chaleureusement Didier Boisseuil pour les informations qu’il m’a données sur ces sites.
37 Chandelier, 2002, p. 23-28.
38 Il est en effet l’auteur de plusieurs consilia destinés à Ubertino da Carrara, maître de la ville entre 1338 et 1345. Chandelier, 2002, p. 73.
39 On comparera cette attitude à celle d’un Michele Savonarola, qui mène une véritable enquête sur la composition des bains naturels, recourant aux données sensorielles mais aussi à l’alchimie ou à l’étude de la géologie. Nicoud, 2007b, particulièrement p. 327-328.
40 Intendo modernos B : « Sulfurea vero balnea que iudicio meo aut omnium qui experti sunt ea sunt balnea de Turri de Sancta Maria in bagno, quamquam appareat michi quod sint mixta de alumine ut hoc vidi per experientiam et plures expertus sum et fui ».
41 Intendo modernos B : « Et quia ista balnea prope Pellicanum dicta apparent michi multum ferrea, quamquam sint salsa aut enea ».
42 Intendo modernos B : « Balneum vero Petrioli est complexionis sulphuree et aluminose et in ipso est plus de alumine » et Terme secundum : « Balnea Petrioli de comitatu Senarum habent multum de sulphureo cum grossa substantia ».
43 Intendo modernos B : « Ymmo ut verius loquar nullum balneum in partibus istis reperitur simplex, quia omnia sunt composita et hoc pluries fui expertus. Ex quo infertur quod postquam omnia ista balnea sunt composita nec aliquod reperitur simplex, diversa faciunt iuvamenta ».
44 Le seul exemple des eaux nitreuses le démontre aisément. Selon Avicenne, de tels bains sont utiles pour la tête et le torse, et soignent les estomacs humides et les hydropisiques (« Et nitrose quidem et salse capitibus et pectori auxilium prebent que materias recipere solent et conferunt stomacho humido et habentibus hydropisim et inflationem »). Or, selon la description de Gentile da Foligno, les eaux nitreuses de San Filippo sont à recommander dans le cas de la gale, de problème aux articulations, de la goutte ou des apostumes (« Nitrosa vero balnea que sunt balnea de Sancto Phylippo iudicio meo aut omnium medicorum de quibus experientiam fecerunt talis sunt effectus, quoniam subtiliant humores aut eos resolvunt, laxitatem que in membris est tollunt. Valent autem scabiosis, debilibus iuncturis, podragricis aut habentibus in corporibus apostemata dura »).
45 On se reportera avant tout aux articles de Nicoud, 2002 et 2007b.
Auteur
Université de Paris 8
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