Chapitre X. L’émancipation ?
p. 455-518
Texte intégral
1Un long silence plane sur le XIIIe siècle où l’on ne voit guère les Clunisois que par intervalles fort éloignés. Ils réapparaissent sur le devant de la scène dans les premières années du XIVe siècle lors d’une révolte violente contre les officiers monastiques chargés du temporel. En braquant le projecteur sur quelques moments privilégiés par la documentation, il est possible de repérer les principales évolutions de la communauté d’habitants à la fin du Moyen Age. La révolte de 1307 marque un seuil de rupture. Cinquante ans plus tard, les hostilités entre la France et l’Angleterre donnent l’occasion aux Clunisois de développer leur propre fiscalité par l’instauration d’un impôt pour l’entretien des murailles. L’organisation communautaire de la ville s’en ressent et les paroisses jouent un rôle structurant déterminant. L’inadaptation des abbés à ces changements suscite des tensions croissantes qui éclatent au cours du XVe siècle et particulièrement entre 1450 et 1475.
I. LA RÉVOLTE DE 1307
2Tout commence avec les malversations d’un clerc de la paroisse Saint-Marcel prénommé Guichard. Sommé de comparaître devant la cour du doyen de Cluny pour quelque méfait, il ne se présente pas. Il espère sans doute ainsi échapper à la condamnation, mais, ajoutant la contumace à la rébellion (contumaciam suam et rebellionem), il encourt les poursuites redoublées de la justice abbatiale. Suivant le conseil d’experts (de consilio peritorum), le doyen fait saisir ses biens et sa maison devant laquelle il place plusieurs sergents. C’est alors que l’affaire s’envenime. Les bourgeois et la communauté de la ville (burgenses et communitas ville) envahissent la maison en molestant au passage les sergents du doyen, quelques moines et d’autres sergents du monastère qui s’étaient interposés. Certains y trouvent la mort.
3Informé de l’affaire, le doyen s’enquiert des conseils du prieur et du convent puis convoque les bourgeois les plus riches et les plus éminents (burgenses meliores et ditiores) pour obtenir réparation d’un crime aussi grave (facinus). Les Clunisois ne s’en laissent pas compter ainsi et déclenchent une sédition (seditio). Le doyen attendait des bourgeois dociles, il voit venir à lui des ennemis armés de glaives et d’arbalètes qui forcent le portail d’honneur du monastère et s’y installent. Refusant de répondre à la citation du doyen, ils ajoutent, comme le clerc Guichard, la contumace à la rébellion. Alors qu’un auxiliaire du chambrier s’apprête à fermer une autre porte du monastère pour éviter l’invasion, ils s’y opposent violemment, en viennent de nouveau aux mains avec quelques moines et les pourchassent jusqu’au cloître. Après quoi, ils installent une garnison armée devant cette porte et sur les murailles du monastère.
4Quelques jours plus tard, les bourgeois se dérobent à leur devoir d’escorter en armes l’abbé, le chambrier et le doyen de Cluny appelés hors de la ville pour quelque affaire, alors même que la région est infestée de voleurs qui perpètrent leurs méfaits jusqu’aux portes du bourg abbatial. Ils en ont pourtant été avertis par la voix du crieur public. Le calme revenu, les bourgeois doivent répondre de leurs délits devant la cour abbatiale. Le déroulement de la procédure et les positions des habitants nous échappent. Seule une requête rédigée par frère Jacques, procureur et syndic de l’abbé et du convent de Cluny, est conservée ; encore ne l’est-elle que par la copie dressée d’après l’original par Lambert de Barive en 17751.
La conjoncture
5Frère Jacques expose l’affaire du point de vue abbatial selon les termes que l’on vient de lire, sans aucune indication chronologique. Si l’on en croit Lambert de Barive, l’original était d’une écriture des environs de 13002. On sait par ailleurs que les habitants ont été excommuniés en 1307 à cause de leur rébellion et qu’en 1309 ils ont dû jurer solennellement au nouvel abbé, Henri Ier, de lui rester fidèle et de ne pas fomenter de nouvelle conspiration. La révolte se situe donc vraisemblablement en 1307, à la fin de l’abbatiat de Bertrand du Colombier3.
6L’intervention du doyen contre le clerc Guichard est présentée comme le déclencheur du conflit, mais la violence avec laquelle les bourgeois envahissent le monastère, s’en prennent aux sergents du doyen et aux moines semble révéler bien des tensions latentes. Mais pourquoi éclatent-t-elles en 1307 ? Jusqu’alors, les bourgeois semblent avoir subi docilement la domination monastique. La commune jurée de 1206 a été rapidement dissoute par la promesse abbatiale de restaurer les coutumes ancestrales. Elle n’a jamais eu de lendemain. Au milieu du XIIIe siècle, les tensions entre les bourgeois et le doyen n’ont pas abouti à la révolte4.
7Les rapports entre Cluny, le roi et le pape dans les premières années du XIVe siècle offrent une piste tentante pour expliquer le déclenchement de la sédition. Bien malgré lui, Bertrand du Colombier prend une part active dans le conflit entre Boniface VIII et Philippe le Bel. Sollicitée financièrement à plusieurs reprises par les deux souverains, l’abbaye de Cluny croule en 1306 sous les dettes que le sous-chambrier estime à cent quatorze mille livres lors de la venue des visiteurs annuels5. Certains riches bourgeois comptent sans doute parmi les créanciers habituels de l’abbé. Ils ont dû profiter de cet endettement et ne s’en plaignent vraisemblablement pas. En revanche, lorsque Philippe le Bel demande à la communauté d’habitants de verser à l’abbé un subside exceptionnel, en cette même année 1306, les réactions sont sûrement moins enthousiastes6. D’autant que, depuis peu, une nouvelle coutume exempte le convent du droit de couponage sur le blé vendu dans les halles de Cluny alors que chaque vendeur ordinaire est tenu de le payer au receveur de la chambre abbatiale7.
8Outre ces questions conjoncturelles, le début du XIVe siècle représente sans doute un seuil de rupture dans la tolérance des Clunisois à l’égard du dominium abbatial. Seuil de rupture qui coïncide avec un moment de faiblesse particulière de l’abbaye et qui se situe à l’époque charnière où le roi comme le pape étendent définitivement leur souveraineté sur Cluny. Des « accidents » comme la répression un peu trop zélée contre un clerc séditieux ou la levée d’un impôt exceptionnel ont pu faire déborder le vase.
Communitas ville
9La révolte de 1307 marque le retour de la communauté d’habitants sur la scène clunisienne, entendons dans la documentation écrite conservée par les moines. Depuis les conflits armés des bourgeois contre les chevaliers du sire de Brancion au début du XIIIe siècle, on avait en effet perdu toute trace d’action collective des Clunisois. Les chartes des années 1230-1300 les montraient uniquement comme auteurs ou témoins individuels de transactions foncières et immobilières avec les moines8. En 1307, ils réapparaissent en groupe et les termes utilisés pour les qualifier ne sont pas les mêmes que ceux du siècle précédent. La maison du clerc Guichard, gardée par les sergents du doyen, est envahie par les « bourgeois et la communauté de la ville » (burgenses et communitas ville). Le doyen convoque devant sa cour les « bourgeois plus éminents et plus riches » (burgenses meliores et ditiores), tandis que le procureur de l’abbé demande que les « bourgeois et la communauté de la ville » (burgenses et ville communitas) soient punis de leur sédition dans la cité (de seditione facta in civitate puniri debeant)9.
10Depuis le milieu du XIIe siècle, le mot communitas est entré dans le vocabulaire des chartes de franchises puis dans le langage courant pour désigner un ensemble d’individus réunis par l’observation des mêmes coutumes, possédant des biens en commun et conscients de leur appartenance à une collectivité mue par le souci de son bien commun10. Malgré sa banalisation, l’expression n’est pas utilisée à Cluny. Du XIe au XIIIe siècle, la collectivité clunisoise est désignée par ses habitants (burgenses et habitantes) ou par le terme villa Cluniacensis. En 1307, il est question de la communitas ville. La nouveauté semble significative. Elle n’a cependant rien de révolutionnaire. D’une part, l’expression ne réapparaît dans aucun texte avant le milieu du XVe siècle11. D’autre part, elle est utilisée ici dans un contexte polémique. En attribuant la paternité de la révolte aux burgenses et communitas ville, le procureur de l’abbé veut avant tout souligner l’action collective et concertée des habitants. Les violences commises à l’encontre des moines et des sergents du doyen ne sont pas l’œuvre d’individus isolés, mais d’un groupe organisé ; à ce titre, elles sont beaucoup plus graves. Communitas ville prend ainsi, sous la plume de frère Jacques, une connotation péjorative pour désigner l’organisation collective subversive des Clunisois. N’oublions pas que frère Jacques, procureur de l’abbé, rédacteur du texte, est un moine. Pour lui, toute association tournée vers un autre but que la défense des intérêts monastiques est potentiellement subversive, a fortiori si elle est organisée par des hommes de l’Église clunisienne.
La rébellion dans la cité
11Frère Jacques, tout moine qu’il est, connaît son droit. En témoignent les termes qu’il emploie pour caractériser la révolte : le crime, la contumace et la rébellion. L’assaut violent de la maison gardée par les sergents du doyen est un crime (facinus) ; refusant de répondre à la convocation du doyen, les coupables sont contumaces (contumaciter recesserunt) ; la prise en armes du monastère et les violences contre les moines caractérisent la sédition (seditio), l’attitude du clerc Guichard constitue une rébellion (contumaciam suam et rebellionem).
12Rebellio, seditio, il ne fait aucun doute pour le procureur que la révolte bourgeoise constitue une menace contre l’ordre social, un germe de discorde dans l’harmonie du corps civil, caractérisé par la révolte des membres contre la tête12.
13Le corps civil en question est la ville de Cluny, ici exceptionnellement qualifiée civitas (de seditione facta in civitate). Le choix est intéressant. Bien plus que le terme villa, beaucoup plus neutre, civitas insiste sur l’idée de paix sociale13. On l’a vu utilisé déjà deux fois dans la documentation clunisienne : en 1153, lorsque les bourgeois de Cluny et les châtelains du Mâconnais juraient de respecter la paix clunisienne au concile de Mâcon ; vers 1170 dans la première charte de coutumes de la villa de Cluny, où la qualité de civis était requise pour intégrer la parrochia clunisienne14. Dans les deux cas, il s’agissait de souligner la nécessaire participation des membres de la communauté (civitas, parrochia) à l’œuvre commune ; l’acceptation des règles, la soumission au dominium seigneurial. En 1307, l’attitude des bourgeois est un manifeste bris de paix, ce fractum pacis dénoncé par les coutumes comme un des délits les plus graves. L’association des termes seditio et civitas ne dit pas autre chose, parée du vernis de la culture juridique.
14En portant atteinte aux moines, à leurs bâtiments et à leurs sergents, les bourgeois ont bafoué l’autorité, clef de voûte du système social clunisien. Ils l’ont prouvé une seconde fois en refusant d’escorter l’abbé, le chambrier et le doyen pour les protéger des voleurs. Ils l’ont prouvé davantage encore en refusant de se soumettre à la convocation du doyen pour répondre de leurs méfaits. Les bourgeois n’ont pas rempli leurs obligations. Ils ont négligé la fidélité, fondement de leur statut social. Le procureur de l’abbé s’en fait un virulent porte-parole, exprimant mieux que toute digression l’opposition structurelle entre le rôle du bourgeois et l’attitude des révoltés de 1307 : convoqués par l’abbé, ils ne se sont pas présentés comme des bourgeois, mais comme des ennemis15. Burgensis – hostis : deux antinomies, structurelles.
15Pour restaurer la paix, plusieurs moyens étaient possibles. Le premier, sollicité par frère Jacques, est l’application de peines judiciaires proportionnelles aux crimes16. On ignore ce qu’il en a été. Puis s’ajoutent des peines ecclésiastiques qui marquent la double nature du pouvoir abbatial. Dans une société ecclésiale, la sédition est tout autant un crime qu’un péché. Le terme facinus caractérisant l’assaut contre la maison du clerc Guichard joue sur cette ambivalence17. Par conséquent, les habitants de Cluny sont excommuniés et placés sous l’interdit jusqu’à ce qu’ils se repentent. L’exclusion est totale. Elle s’étend aux personnes qui accepteraient de partager leur repas avec eux, leurs femmes ou leurs enfants et à tous les prêtres qui braveraient l’interdit en administrant les sacrements aux participants de la rébellion. Chacun doit le savoir ; l’information est publiée dans le convent et à travers la ville, par l’intermédiaire du doyen, des curés et des chapelains18.
La fidélité renouvelée
16L’abbé Bertrand du Colombier meurt en Avignon à la cour de Clément V, le 29 octobre 1308. Il est remplacé quelques jours plus tard par Henri de Fautrières, ancien procureur de l’ordre auprès du Saint-Siège19. Comme de coutume, l’élection est suivie par la prestation du serment de fidélité des habitants de Cluny. Est-ce la volonté de tirer un trait sur la rébellion récente ? Toujours est-il que les termes des serments prêtés en deux fois, le 27 avril et le 4 mai 1309, sont soigneusement consignés par écrit par un notaire royal20. C’est la première fois.
17La cérémonie se déroule en deux étapes pendant le temps pascal de l’année 1309. Le dimanche 27 avril21, un premier groupe de cent-trente-six habitants (habitatores ville Cluniacensis) se rend dans les galeries du monastère situées le long des bâtiments de l’hôtellerie et des palais abbatiaux, autour de la cour intérieure qui précède le cloître22. Une semaine plus tard, le dimanche 4 mai, jour des Rogations, un second groupe composé de quatre-cent-cinq habitants (habitatores ville Cluniacensis) est convié dans le même lieu23. Un par un, chaque habitant se présente devant l’abbé, tête nue et genoux fléchis, et jure sur les Évangiles de lui rester fidèle, de lui procurer le conseil utile, bon et sain, chaque fois qu’il en sera requis, de conserver secrètes les décisions issues du conseil, de s’opposer à tous les malfaiteurs de l’Église clunisienne, de défendre toutes ses juridictions et de n’organiser publiquement ou en cachette aucune conspiration jurée ni aucune assemblée contre l’abbé, l’Église ou le convent de Cluny ; il devra plutôt obéir fidèlement à l’abbé et à tous ses successeurs24.
18Les fondements de l’alliance entre l’abbé et les bourgeois sont définis au début du XIVe siècle comme en 1100. La fidelitas régit les rapports entre le peuple et l’autorité abbatiale. Les bourgeois ne sont pas des sujets, mais des fidèles tenus, envers le dominus, d’un devoir de loyauté et de foi. Membres à part entière de la communauté clunisienne dont l’abbé est la tête, ils doivent participer au gouvernement du corps en apportant leur conseil, en défendant la juridiction de l’abbé, en luttant contre ceux qui s’y opposent. Leur serment est une prestation d’hommage classique. Elle sert à rappeler les fondements de l’ordre social en insistant sur les gestes et les formules de déférence ; en choisissant à dessein les lieux et les dates propices à la réconciliation25.
19Quelques jours plus tard, le samedi 10 mai 130926, onze bourgeois et habitants de Cluny, procureurs de tous les autres Clunisois, se présentent dans le monastère pour mettre une fin définitive à la rébellion. Ils se rendent dans la salle du chapitre lors de l’office de Prime. Devant l’abbé et le convent réuni, genoux fléchis, la tête nue, inclinée et les mains jointes, ils sollicitent humblement le pardon (venia) pour leurs délits (commissi). « Animés par la ferveur de la miséricorde et de la piété », l’abbé et le convent reconnaissent les bourgeois comme leurs hommes (tanquam homines suos) et leur accordent le pardon dans la joie27.
20Procureurs nommés spécialement pour l’occasion, les onze bourgeois ont accompli leur mission pénitentielle au nom des autres habitants. La communauté ecclésiale et seigneuriale de Cluny retrouve ainsi son unité. Les homines de l’abbé sont redevenus ses fidèles et il n’est plus question de la communitas ville. Elle réapparaît un demi-siècle plus tard en pleine guerre franco-anglaise.
II. LES FORTIFICATIONS, UNE AFFAIRE COMMUNE
21La guerre de Cent Ans est l’occasion pour bien des villes de reconstruire, voire d’établir leurs fortifications. Dès les premières batailles vers 1339-1340, le roi de France encourage ou ordonne de tels travaux en concédant aux communautés d’habitants une partie des impôts qu’il lève sur elles ou en les autorisant à développer leur propre fiscalité pour pourvoir aux dépenses nécessaires. Autour de l’entretien des murailles se développe bientôt une administration municipale chargée de veiller à la perception des impôts, à la rédaction des rôles de taille et à leur conservation dans le coffre de ville, à l’exécution des travaux et à l’organisation convenable du guet28.
22Le petit bourg de Cluny n’échappe pas à ce mouvement général. S’il demeure pendant plusieurs années à l’écart des principales zones de conflit, il se trouve au cœur de la guerre pendant la première moitié du XVe siècle. La lutte entre Armagnacs et Bourguignons entre 1409 et 1435, puis les ravages des Écorcheurs pendant la décennie suivante se déroulent en grande partie dans le sud de la Bourgogne29. Le Charolais et le Mâconnais sont Bourguignons et l’abbé de Cluny se rallie à la cause du duc vers 1420. La ville de Cluny manque d’être prise en août 1430 lorsque les Armagnacs lancent une offensive dans la vallée de la Grosne et parviennent à s’emparer de Mazille30. La guerre et la peur qu’elle suscite incitent les Clunisois à mieux défendre leur ville. Les rois et les ducs vont le leur permettre.
les mandements et octrois royaux
23Le 7 juin 1363, Jean II demande au bailli de Mâcon de se rendre à Cluny et dans les forteresses appartenant au monastère afin d’ordonner aux bourgeois et aux justiciables de l’abbé de procéder aux réparations nécessaires dans les fortifications et d’installer un corps de gens d’armes pour les défendre. Le motif invoqué est la protection contre les ennemis du royaume installés près de la ville. En réalité, aucun danger ne menace le Clunisois en 1363, mais pour convaincre le bailli et les clunisiens de se mettre à l’œuvre, le roi brandit la menace du « péril immense » que causerait au royaume et à la région (patria circumvicina) la prise des forteresses clunisiennes31. Dès le départ donc, le ton est donné. L’entretien et la garde de l’enceinte de Cluny regardent les habitants du bourg et le roi, unis par un intérêt commun. L’abbé et les religieux ne sont pas concernés. Le roi ne leur demande pas leur avis et traite directement avec leurs justiciables, par l’intermédiaire du bailli de Mâcon.
24La réparation de l’enceinte et la mise en place d’une garnison nécessitent une organisation et des finances appropriées. On ne voit pas très bien comment elles se mettent en place dans les années immédiatement postérieures à 1363, mais une décennie plus tard les choses s’éclaircissent. Le 6 mai 1377, alors que les conflits entre la France et l’Angleterre reprennent, Charles V répond à une supplication des bourgois et habitans de la ville de Cluny, ville fermee en leur confirmant le droit de se réserver une part de l’impôt royal pesant sur les marchandises vendues dans le bourg. Cet octroi de grace especial est accordé par plusieurs annees passees, ajoute Charles V. Il a sans doute suivi de peu le mandement de Jean II, mais on en trouve la preuve la plus ancienne dans ces lettres. Pour convertir es fortificacion et reparacion de ladicte ville, les bourgeois conserveront désormais le sixième du montant de l’impôt royal, c’est-à-dire deux deniers par sou perçu32. Comme à l’accoutumée, le receveur des aides royales du Mâconnais se chargera de la perception et devra verser aux Clunisois la part qui leur est due avant de prendre lui-même les émoluments qu’il est en droit de recevoir. L’octroi est valable un an, mais il est renouvelable. Le 29 juin 1378, Charles V proroge l’octroi pour une année supplémentaire selon les termes qui s’imposent alors pour la majorité des « villes fermées » du royaume33.
La fiscalité clunisoise
25Le mandement de 1363 et les octrois des années 1370 constituent une première étape marquée par deux éléments qui disparaîtront ensuite : l’argent employé pour les réparations est pris sur les revenus de l’impôt royal ; il est perçu par des agents du souverain. Assez rapidement en effet, la prise en charge de l’entretien des fortifications conduit les habitants à développer leur propre fiscalité pour en assurer les frais. L’intérêt est double. D’une part, Ils peuvent ainsi fixer eux-mêmes le taux de l’imposition et créer, si besoin est, un subside exceptionnel pour honorer des dépenses que les impositions ordinaires ne permettraient pas de couvrir. D’autre part, c’est un moyen évident de se soustraire aux agents de l’abbé, percepteurs traditionnels dans le bourg.
26Les premières années du XVe siècle voient ainsi l’émergence de la fiscalité clunisoise. La fiscalité directe semble la plus ancienne, mais elle demeure marginale, utilisée semble-t-il uniquement pour parer à des dépenses urgentes et impossibles à financer autrement34. C’est précisément le cas en janvier 1411. Après enquête faite sur l’état des murs de la ville, la maior et sanior pars des habitants de Cluny réunie en présence de l’abbé Raymond de Cadoène décide de lever un subside exceptionnel à hauteur de 409 livres, 10 sous et 3 deniers tournois, somme nécessaire pour réparer l’enceinte et reconstruire la portion détruite entre la porte du Merle et la porte dite à la Cordière35. Dix-neuf receveurs sont élus parmi les habitants, à raison de sept pour les deux paroisses les plus peuplées, Saint-Marcel et Notre-Dame, et cinq pour la paroisse Saint-Maïeul. Leur tâche consiste à noter le nom de tous les bourgeois et habitants de Cluny avec l’estimation de leur fortune pour établir l’imposition en fonction des revenus de chacun, conformément à l’expression consacrée, « le riche portant le pauvre » (divite pauperem suportante). Malgré cette décision concertée, les percepteurs rencontrent des difficultés certaines. De nombreux habitants refusent de payer. Il faut dire que l’année précédente, les Clunisois ont déjà subi une taille exceptionnelle de 76 livres, 8 sous et 3 deniers tournois pour la guerre de Charles VI contre le roi d’Angleterre36. Les receveurs sont contraints de se tourner vers l’archidiacre de Cluny pour obtenir satisfaction. Celui-ci charge les trois curés de faire payer les paroissiens sous peine d’excommunication37.
27Cet épisode difficile a dû servir de leçon et les responsables de l’administration clunisoise s’efforcent ensuite de financer les fortifications par d’autres moyens. La fiscalité indirecte leur permet d’arriver à leurs fins. Le 21 février 1424, ils obtiennent du roi de France et d’Angleterre, Henri VI, le droit d’établir un barrage, roage et subside sur certaines marchandises acheminées et vendues dans la ville. Le Clunisois étant un pays de viticulture et d’élevage, le nouvel impôt porte naturellement sur le vin et le bétail. Quatre deniers parisis seront levés sur chaque char et chaque queue de vin entrant ou sortant de la ville, et deux deniers parisis sur chaque beste chargée de pis conduite pour y être vendue ; de même sur chaque animal vendu à Cluny ou dans son district38.
28Par la suite, les Clunisois sollicitent régulièrement la confirmation de l’octroi de 1424 et l’obtiennent sans peine. Les archives de l’échevinage de Cluny ont notamment conservé le souvenir des octrois de Charles VII en 1439 et 1444, de ses successeurs du XVIe siècle et du duc Charles le Téméraire en 1471, lorsque le comté de Mâcon était sous sa domination39. L’impôt indirect procure ainsi un apport d’argent de plus en plus stable et de plus en plus lucratif. En effet, la durée de l’octroi tend à s’accroître régulièrement. D’un an, il passe à quatre ans en 1424 puis à cinq en 143940. D’autre part, l’assiette de l’impôt s’élargit considérablement. Le péage sur le vin entrant dans la ville est doublé en 1439 puis de nouveau en 1444 pour passer à huit puis seize deniers par char ou queue franchissant les portes de Cluny ; de même pour les bovins destinés à la boucherie de la ville désormais taxés de quatre deniers par tête. À ces taxes sur le vin et le bétail, s’ajoutent des prélèvements sur la plupart des produits acheminés dans le bourg abbatial ou en sortant après les marchés, qu’il s’agisse de biens de consommation courante (graisse, pain, huile, fromage, poisson, fil, corde) ou des denrées rares (épices, fer, plomb, draps, sel)41. En 1439, semble-t-il, les Clunisois adoptent une coutume déjà largement répandue dans les autres villes selon laquelle les mesures du vin vendu au détail sont diminuées et le produit résultant de l’opération est versé aux autorités municipales pour financer les fortifications. C’est la taxe du suchet. À Cluny, son taux est du seizième, comme à Mâcon ; taux relativement faible alors que la pratique la plus courante est celle du dixième ou du douzième42.
29La mise en place d’une telle fiscalité présente plusieurs avantages. D’une part, la quasi-totalité de la population du bourg participe aux frais des fortifications par sa consommation de vin. D’autre part, la proportion importante des taxes levées sur les marchandises acheminées de l’extérieur permet d’alléger la part de l’impôt pesant sur les bourgeois pour la répartir sur les marchands étrangers ou les villageois des environs qui viennent vendre leurs produits aux marchés de Cluny. On éloigne ainsi les risques encourus par la fiscalité directe pesant sur les revenus des seuls paroissiens. En outre, le taux des prélèvements étant fixé par les octrois royaux, leur mise en place est plus facile que celle de l’impôt direct impliquant la rédaction de rôles de taille et d’enquêtes sur les revenus de chacun. On comprend aisément que la fiscalité indirecte se soit rapidement imposée.
30Le facteur de trouble le plus important demeure l’inégalité des traitements individuels. Tous les Clunisois ne sont pas des contribuables potentiels. Les moines et leurs officiers, sergents et serviteurs, sont exemptés du suchet et des taxes sur les marchandises. L’abolition de ces privilèges est revendiquée à plusieurs reprises par les bourgeois. Malgré plusieurs procès dans la seconde moitié du XVe siècle, ils demeurent en vigueur jusqu’à la fin de l’Ancien régime. D’autre part, les religieux sont exemptés de certaines impositions que les princes font peser sur la ville pour financer la guerre, comme, en 1455, une taxe prélevée par le duc de Bourgogne sur le vin vendu au détail43.
31La gestion des deniers levés pour les fortifications implique la mise en place d’une administration sinon permanente du moins régulière. Aux receveurs mandatés par le roi à la fin du XIVe siècle font place, dès les premières années du siècle suivant, des receveurs nommés par la maior et sanior pars des habitants lors des assemblées régulières ou exceptionnelles. Ce ne sont pas des professionnels, mais plutôt des hommes choisis pour l’occasion, sans doute parmi les personnes sachant écrire et en qui l’on a le plus confiance. Parmi les dix-neuf receveurs paroissiaux nommés en 1411, on compte notamment deux prêtres44.
32Une fois les deniers perçus, il faut procéder aux travaux. On fait pour cela appel à des maçons professionnels, généralement choisis après des enchères au rabais qui durent le temps de combustion d’une chandelle45. Les prix-faits des travaux et les quittances des factures payées par les bourgeois sont conservés dans le coffre de ville qui commence, dans les premières décennies du XVe siècle, à se remplir sensiblement. Les documents les plus anciens ont aujourd’hui disparu ; la série des comptes et quittances conservés ne commençant que vers 155046. Seul l’inventaire des archives de l’échevinage dressé vers 1630 permet de se faire une idée de leur existence. À cette date, un sac « deans lequel sont deux trousseaux des anciens papiers concernant les priffaicts et quictances des payement faicts pour les reparacions de la ville et aultres effects d’icelle » conservait les actes à partir de l’année 1413. De même, « un trousseau des roolles et impots faicts sur les habitans dudict Cluni » commençait avec les actes de l’année 142847. La naissance de la fiscalité indirecte et l’entretien des fortifications vont donc de pair avec l’organisation progressive des archives communales.
L’organisation du guet
33Comme l’entretien des fortifications, le guet sur les murs et les tours d’enceinte incombe généralement aux communautés d’habitants. Dans bien des cas, il s’agit d’un vestige du service militaire dû au seigneur. Si l’ost proprement dit a été soit racheté, soit abandonné du fait de son inefficacité pour faire place à un recrutement de soldats professionnels, le service du guet s’est maintenu en reposant sur les communautés villageoises ou urbaines48. À Cluny, les fondements du système ont été posés sous l’abbatiat de Pierre le Vénérable par le serment contractuel de 1145. En cas de péril, l’abbé et les meliores burgenses réunis en assemblée désignent quelques personnes pour garder la ville49. Il s’agit donc d’un service temporaire ; en temps de paix, le guet n’est sans doute pas effectué. La vigueur des conflits dans la région pendant la première moitié du XVe siècle a dû inciter les Clunisois à renforcer l’ancien système pour assurer une garde, sinon permanente, du moins régulière. Mais encore devine-t-on tout juste l’organisation du guet à travers quelques mentions éparses.
34Le 20 décembre 1433, l’abbé Eudes de la Perrière et le doyen de Cluny demandent aux habitants de procéder à la visite des gardes de l’enceinte. Pour ce faire, les bourgeois réunis en assemblée devant le juge du doyenné élisent des visiteurs qui se chargeront de l’affaire50. On voit par là que l’abbé, s’il ne prend pas une part active au financement des fortifications, prête une attention particulière à leur défense. Il en va en effet de son propre intérêt, la prise de la ville n’étant généralement qu’une étape avant la prise du monastère. Les gardes dont il est ici question n’étaient sans doute pas des professionnels ni des officiers permanents. Le système du tour de rôle a dû prévaloir pour que la charge repose sur tous les habitants capables. J’en veux pour preuve la demande formulée par Archambaud Béraud, en avril 1473, d’être exempté du guet, de la garde et des frais d’entretien des murailles avec ses deux fils, Robert et Raymond, en échange du plastre du Merle qu’il donne à la ville de Cluny51. En revanche, on ne sait rien de l’organisation pratique du tour de rôle, ni de la participation éventuelle des villageois des environs.
35Un personnage est spécialement chargé de veiller sur le guet et sur le bon entretien des murailles : le capitaine. Comme les gardes et les visiteurs, on ne le voit pas avant le XVe siècle, mais il existe vraisemblablement dès l’instauration des premiers octrois royaux vers 1360. Sa nomination semble avoir été une source de conflit entre l’abbé et les habitants au moins jusqu’en 1433, date à laquelle le droit d’instituer et de destituer le capitaine est définitivement abandonné à la communauté d’habitants52. Deux capitaines sont connus pour la seconde moitié du XVe siècle : Durand de Boisvair (Durandus de Bosco Vario), « capitaine et procureur » de la communauté d’habitants en 145253, Guillaume Chambon (Guillermus Chambon), en mars 1475, également connu dans les mois suivants pour présider une assemblée d’habitants et mener une délégation clunisoise devant le juge du bailli à Mâcon54. Les capitaines sont donc également des personnages clefs de la communauté d’habitants ; d’une communauté d’habitants qui se réunit régulièrement et délègue sa sanior et maior pars pour négocier. On mesure le chemin parcouru depuis le mandement de Jean II en 1363. De la guerre et du devoir d’entretenir les fortifications est née l’administration clunisoise. Il est temps de clarifier la situation.
III. REPRÉSENTATION, CONSEIL ET DÉLÉGATION
36Dès le XIIe siècle, c’est par la délégation d’un groupe de bourgeois, les meliores burgenses, que la communauté d’habitants a commencé d’exister et de prendre une part active dans le gouvernement de l’Église clunisienne. Le fonctionnement des conseils réunis par l’abbé auxquels assistent les meliores ne devient cependant perceptible qu’au début du XVe siècle, date à laquelle sont conservés les premiers comptes-rendus d’assemblées d’habitants. Des questions essentielles peuvent désormais trouver une amorce de réponse : qui sont les délégués, quel est leur nombre et comment sont-ils élus ? Sont-ils des représentants occasionnels ou des mandatés permanents ? Qui représentent-ils ? eux-mêmes ? leur famille ? les hommes de leur quartier ou de leur paroisse ? l’ensemble des habitants de la ville ? Se réunissent-ils de leur propre chef ou sous le contrôle d’un officier du monastère ?
Les délégations de la population : hommes adultes et chefs de feux
37De très nombreux habitants sont parfois réunis pour régler une affaire concernant la population de la ville. C’est le cas lors de la prestation du serment de fidélité à l’abbé. En 1309, cinq-cent-quarante-et-un habitants (habitatores) de Cluny se présentent en deux groupes dans les galeries du monastère. En 1456, deux mois après l’élection de Jean de Bourbon, ils sont deux-cent-quatre-vingt-cinq à suivre le même chemin et à prêter chacun à leur tour le serment selon les mêmes termes55. Dans chaque cas, il ne s’agit pas de toute la population puisqu’on ne compte aucune femme. Mais il ne s’agit pas non plus d’une délégation restreinte recrutée sur des critères qualitatifs comme les meliores burgenses ou la sanior pars. Il s’agit vraisemblablement de toute la population masculine de la ville, âgée de plus de quinze ans et répondant aux critères définis par les coutumes du XIIe siècle pour fonder la citoyenneté de Cluny, c’est-à-dire la résidence d’un an et un jour et la liberté personnelle56. Les clercs comme les laïcs, s’ils répondent à ces critères, sont concernés. En 1309, on compte vingt-trois presbitri parmi les personnes citées, et trente-cinq en 1456. La fidélité à l’abbé s’impose à tous ces hommes, indépendamment de leur appartenance à une paroisse, à un métier, ou à une quelconque confrérie. En effet, les procès-verbaux des cérémonies notifient très rarement la profession des personnes, sauf pour les prêtres57. La paroisse d’appartenance n’est jamais mentionnée, ni la communitas ville. Les hommes sont là en tant que burgenses, manentes, habitantes, et presbitri. La fidélité est un devoir personnel que la prestation individuelle du serment vient manifester. Face à ce devoir, les Clunisois ne sont plus que des individus, tout au plus des chefs de famille, responsables devant l’abbé des personnes qui dépendent d’eux, les femmes et les jeunes garçons.
38Aussi, peut-on comparer ces délégations à celles des chefs de feu parfois sollicités au nom de toute la population. Les chefs de feux représentent leur famille charnelle et/ou les personnes vivant avec eux sous le même toit58. Faire appel aux chefs de feu pour toucher l’ensemble de la population de Cluny revient, par conséquent, à considérer la famille charnelle ou le groupe domestique comme la seule cellule sociale au détriment de toute organisation communautaire fondée sur l’appartenance aux mêmes coutumes, à la même profession, à la même paroisse. Loin de reconnaître la communauté d’habitants, la convocation des chefs de feu tend donc au contraire à la nier. Elle individualise la population en autant de cellules familiales considérées comme n’ayant pas d’autre lien les unes avec les autres que leur dépendance à l’égard de l’autorité qui les convoque.
39La cherche de feux a été beaucoup utilisée à la fin du Moyen Age pour établir les impositions royales ou princières. Le cas se présente à Cluny en 1478, peu après le rattachement du duché de Bourgogne à la Couronne de France. Soucieux d’étendre la fiscalité royale sur les anciens ressortissants du duché, Louis XI fait procéder à une cherche de feux avant d’établir l’imposition dont le produit financera la construction d’une forteresse royale à Dijon59. Les receveurs royaux ordonnent aux commissaires chargés de l’enquête de relever le nom de chaque chef de feu et l’estimation de sa fortune. On notera en face de chaque nom un, deux, trois ou quatre points en fonction de la richesse, afin de mieux répartir l’impôt, le fort portant le faible. Le système est le suivant :
Sur les noms et serviteurs de ceulx que nous avons trouvez estre des plusgrans facultez avons mis quatre pointz, sur les aultres de moindre faculte trois poinctz, sur les autres deux poinctz et sur les plus pauvres ung point60.
40Avec Mâcon, Tournus, Saint-Gengoux et La Clayette, Cluny est désigné par les commissaires du bailli comme un lieu central pour recevoir les cherches de feux. Les délégués de cinquante-trois paroisses situées entre Saint-Pierre-le-Vieux et Germolles, au sud, Laizé à l’est, Ameugny et Saint-Martin-de-Salencey au nord, Buffières et Curtil à l’ouest, se présentent à Cluny les 27, 28 et 29 décembre 147861. À Cluny, les deux délégués de la communauté d’habitants sont Philibert Cajot, procureur syndic, et Regnault Champroy, échevin. Le 27 décembre, ils présentent aux commissaires la liste des chefs de feux en affirmant par leurs seremens sur sains evangilles que de tous les habitans de ladite ville de Clugny, les noms sont ceulx qui sensuivent62. On note que les noms des chefs de feux sont considérés comme représentatifs de tous les habitans de ladite ville de Clugny, ce qui montre que le nombre total d’habitants n’intéresse pas les enquêteurs. Seul importe le nombre de feux, critère de base pour considérer la population.
41On dénombre 228 chefs de feux, répartis à peu près équitablement entre les trois paroisses. Notre-Dame est la plus peuplée, avec quatre-vingt-trois feux. Saint-Marcel et Saint-Maïeul en comptent respectivement soixante-quinze et soixante-dix. Les estimations des fortunes personnelles montrent que la très grande majorité de la population clunisoise était fort modeste voire pauvre. On ne compte aucun feu à quatre points alors qu’il en existe quelques-uns dans les villes environnantes : deux à Tournus qui compte cent feux de plus que Cluny, cinq à Mâcon qui compte 485 feux et surtout quatre à Saint-Gengoux auxquels il faut ajouter les cinq familles à qui les commissaires ont attribué cinq points (sur un total de 173 feux)63. Les habitants les plus riches de la région habitaient dans la ville royale. À côté, Cluny fait figure de bourgade misérable. Seules cinq personnes ont droit aux trois points (2,2 %) alors que trente en ont deux (13,2 %) et centsoixante-six un seul (72,8 %). Il a même fallu créer deux catégories supplémentaires pour les plus pauvres : les feux à zéro point et les feux mendiants. Ils constituent près de 12 % du total (respectivement six et vingt-et-un feux).
42Les cinq personnes les plus riches (3 points) sont bien connues par ailleurs. Jean Rousset, de la paroisse Saint-Maïeul, est prêtre. Dix ans plus tôt, il était vicaire de Saint-Marcel64. La veuve Channet, dans la paroisse Notre-Dame, est sans doute l’ancienne épouse du riche marchand Pierre Channet qui compte parmi les scabini responsables de l’achat de l’hôtel de ville en 145165. Claude Mathieu, de la même paroisse, est notaire juré de la cour du juge-mage, procureur occasionnel de la communauté d’habitants et lui-même fils du notaire royal Jean Mathieu qui, en son temps, était juge du doyenné de Cluny66. Jean Châtelain, résidant de la même paroisse, est échevin en 147467. Claude Caigneaud est l’opulent boucher de la paroisse Saint-Marcel, placé, comme son père Barthélemy, sous la sauvegarde royale, possesseur de rentes sur de nombreuses maisons du quartier et une partie du finage de Mazille.
43Les veuves sont les seules femmes considérées comme chefs de feux. Seize vefves ou relictes sont citées dans l’enquête. Elles résident majoritairement dans les paroisses Notre-Dame et Saint-Marcel ; Saint-Maïeul, quartier privilégié des prêtres, n’en compte que deux. Leur statut est généralement peu enviable. La riche veuve Channet fait exception avec ses trois points car les autres se trouvent toutes parmi les catégories les plus pauvres. On compte dix mendiantes et, parmi elles, la veuve de Denis Burnechoux qui n’est autre qu’Alisia Caigneaud, sœur de Claude, et la veuve d’Antoine Des Bois, ancien échevin68. Ces femmes ne semblent pas avoir bénéficié de la fortune de leur mari défunt, à moins qu’elles aient elles-mêmes fait don de tous leurs biens à leur paroisse ou à un hospice du bourg.
44On voit qu’aucun groupe social n’a été exclu a priori de la cherche. Les plus riches comme les plus pauvres sont cités et les clercs ne sont pas oubliés. Le statut des personnes n’est pas pris en considération pour décider de leur participation à l’impôt royal. Seul le montant des fortunes personnelles doit retenir l’attention des receveurs. Hormis l’hypothèse, toujours possible, d’une fraude dans la déclaration, le nombre des feux cités est donc vraisemblablement très proche du nombre réel des foyers clunisois. Ceci dit, je me garderai d’en déduire une estimation du nombre d’habitants. Le rapport numérique entre le nombre de feux et le nombre d’habitants est le serpent de mer de la démographie médiévale. Si le coefficient de quatre ou cinq est fréquemment adopté, on s’accorde également à souligner sa variabilité en fonction des époques et des lieux, ce qui, au final, ruine toute tentative sérieuse d’estimation fondée sur ce seul critère69. Mieux vaut par conséquent s’en tenir au nombre de feux, critère retenu par les hommes de la fin du Moyen Age, et tenter d’apprécier sa valeur au regard des sources contemporaines.
45À défaut d’autre cherche de feux, on peut comparer les chiffres de 1478 avec ceux de 1456. Deux-cent-vingt-huit feux sont dénombrés en 1478 et vingt ans plus tôt, 285 hommes viennent prêter serment à Jean de Bourbon. Les deux nombres se situent dans le même ordre de grandeur, ce qui renforce leur fiabilité. Mais ils ne sont pas de même nature et la comparaison ne peut s’effectuer terme à terme. D’une part, la liste de 1456 exclut les femmes alors que les veuves sont citées en 1478. D’autre part, elle intègre sans doute les adolescents âgés de plus de quinze ans qui, n’étant pas chefs de feux, sont exclus de la cherche de 1478. L’un compense peut-être l’autre, mais les inconnues sont trop nombreuses pour en déduire une diminution d’environ soixante feux en vingt-deux ans.
46En revanche, les deux listes de 1309 et 1456, établies dans le même but et selon le même principe, permettent une comparaison plus assurée. En cent cinquante ans, le nombre d’habitants venus prêter serment passe de 541 à 285, soit une diminution de près de la moitié, situation classique des villes ayant souffert de la dépopulation des années 1350-145070. On sait que la peste a sévi à Cluny en 1361 et que le Mâconnais en connaît des résurgences presque annuelles au milieu du XVe siècle71. Les pertes éventuelles lors des guerres et la baisse de natalité caractéristique des périodes troublées comme l’ont été les premières décennies du XVe siècle doivent être prises en compte, comme la situation géographique et les conditions sociologiques de Cluny. Situé hors des grandes voies de communication terrestre ou fluviale, contrairement à Mâcon et Tournus, le bourg abbatial n’est plus le point d’attraction qu’il était au temps de la splendeur du monastère. En outre, le poids de la domination abbatiale n’a pas dû inciter les installations nouvelles.
LA SANIOR PARS ET LES ASSEMBLÉES D’HABITANTS
47L’organisation de la fiscalité clunisoise implique la tenue plus régulière d’assemblées d’habitants pour déterminer le montant des impositions, décider des travaux prioritaires sur les fortifications et en organiser l’exécution. Tous les habitants n’assistent pas aux assemblées. Seule la « plus saine partie » d’entre eux (ou la plus sage), la sanior pars, quelquefois qualifiée sanior et maior pars, participe aux débats. L’expression apparaît à Cluny au début du XVe siècle72. Prise au sens strict, elle désigne un principe électif ou décisionnel selon lequel une élection est entérinée ou une décision adoptée si elle émane de la partie la plus sage du corps électif (sanior pars) et si le choix est celui de la majorité (maior pars). D’abord expérimenté dans le monde monastique pour procéder à l’élection abbatiale, ce principe s’est étendu à partir du XIIe siècle au gouvernement de l’Église, à celui des communes et des royaumes pour gagner au siècle suivant à peu près toutes les corporations. De la désignation d’un principe électif, l’expression s’est ainsi étendue à la qualification du groupe représentatif d’une collectivité chargé, en son nom, de prendre des décisions collégiales73. La sanior (et maior) pars des habitants de Cluny est donc le groupe chargé, au nom de tous les Clunisois, de délibérer des affaires communes.
48Ce principe repose sur une conception « populiste » du corps politique selon laquelle le pouvoir émane du peuple et doit s’exercer par l’intermédiaire de ses représentants ; mais il se mêle à une conception radicalement opposée selon laquelle le pouvoir vient de Dieu et s’exerce par l’intermédiaire de personnes investies par Dieu74. L’abbé de Cluny est de celles-ci, comme le sont tous ses officiers, délégués de son autorité et non pas élus par une quelconque assemblée populaire ou conventuelle. Ainsi, les assemblées d’habitants de Cluny sont présidées par l’abbé ou, plus généralement, par un officier monastique comme le doyen, le sous-chambrier, l’archidiacre ou, à partir de la fin du XVe siècle, le juge-mage75. Elles doivent se tenir dans « le doyenné » ou « la cour du doyenné » située dans l’enceinte monastique76. C’est là, au-dessus des prisons, dans la tour qui flanque au sud la façade de l’église abbatiale que se tiennent également les audiences de la justice de l’abbé77.
49Cette situation n’est pas propre à Cluny. L’exemple bien connu de Saint-Amand est semblable et une enquête systématique dans les bourgs monastiques montrerait l’extension du phénomène78. La conception ecclésiologique du monde dont les moines se sont fait les chantres bloque nettement l’émancipation des communautés d’habitants nées aux portes des cloîtres. Dès le XIIe siècle, l’Église intègre le conseil et la représentation dans son mode de gouvernement et l’Église clunisienne fait de même dans sa cellule seigneuriale. Mais cette pratique n’est en rien une voie vers la démocratie ou l’émancipation des groupes sociaux qui se font représenter dans les assemblées gouvernementales. Au contraire, leur présence est le signe de leur intégration concrète dans le corps ecclésial, qu’il soit celui de l’Église universelle, clunisienne ou autre. Et au nom du principe emprunté au code de Justinien puis institué au cœur de la théorie du gouvernement ecclésial, tous les membres du corps doivent participer à son gouvernement : « ce qui concerne tous doit être approuvé par tous » (Quod omnes tangit...)79.
50La sanior pars des habitants de Cluny est donc la partie représentative des Clunisois, eux-mêmes membres du peuple clunisien. Le gouvernement sur la ville s’exerce par une coopération entre l’autorité incarnée par l’abbé et le conseil de ses hommes que l’on choisit parmi les plus « sains ». L’autonomie leur est refusée au nom de cette intégration dans le corps clunisien. L’autocéphalie, c’est-à-dire le droit de nommer eux-mêmes les personnes qui les dirigent, leur est également interdit au nom de la conception du pouvoir descendant qui impose un contrôle ou une direction de fait sur l’administration de la ville par un représentant de l’autorité abbatiale80.
51Le nombre des représentants et les critères d’appartenance à la sanior pars ne sont pas mieux définis au XVe qu’au XIIe siècle, au temps des meliores burgenses. La délégation bourgeoise est fondée sur la saniorité, c’est-à-dire sur des qualités personnelles qui font reconnaître certaines personnes comme les plus sages et/ou les mieux à même de prendre des décisions. On le voit, le critère est fort subjectif. Néanmoins, les listes de représentants désignent clairement le profil type du melior burgensis.
52En 1377, un litige oppose l’abbé et les habitants au sujet de la monnaie utilisée pour les redevances. L’abbé exige de se faire payer en deniers de Cluny comme cela se pratique depuis le XIIe siècle, alors que les Clunisois revendiquent le droit d’utiliser la monnaie royale dont le cours s’est largement répandu. Le denier de Cluny n’est plus guère utilisé que comme monnaie de compte. Il a une valeur supérieure à la monnaie royale et les Clunisois refusent de faire les ajustements nécessaires pour compenser la perte financière de l’abbé. Le différend est porté devant le Parlement de Paris, mais les deux parties tentent de s’accorder à l’amiable avant le jugement. En novembre 1377, dix-huit hommes vénérables (venerabiles et providos viros), agissant en leur nom et au nom des autres habitants et bourgeois de Cluny, s’accordent avec l’abbé Jacques de Damas Cozan, le grand prieur Raymond de Cadoène et les principaux officiers monastiques. Il est désormais convenu que les paiements se feront en monnaie royale, mais en réévaluant le montant des versements proportionnellement à la différence de valeur entre les deux monnaies, soit 4 deniers clunisiens pour 5 deniers royaux et 16 deniers clunisiens pour un sou royal. Le réajustement est donc d’un cinquième81.
53Le 18 novembre, une nouvelle assemblée réunit seize bourgeois et habitants de la ville de Cluny (burgenses et habitantes ville Cluniacensis), parmi lesquels seuls cinq étaient présents lors de la première assemblée. L’accord est confirmé et, pour l’occasion, on rappelle les modalités du paiement des redevances (dates, officiers bénéficiaires, étendue géographique des coutumes). Une seconde confirmation intervient quatre mois plus tard en présence d’un public plus large. Rassemblé dans la salle capitulaire, le convent ratifie ce que les seuls officiers monastiques avaient jusqu’alors approuvé. Une délégation de trente-neuf bourgeois et habitants de la ville de Cluny (burgenses et habitantes ville Cluniacensis) entendent la lecture en langue vernaculaire de l’accord précité. En leur nom et au nom de tous leurs successeurs (pro se et suis in perpetuum), ils en approuvent les termes collectivement puis, par petits groupes de deux à onze personnes, ils reviennent dans le monastère quelques jours plus tard pour confirmer leur promesse en présence de deux notaires publics et de plusieurs témoins. Ces cérémonies s’échelonnent entre le 28 mars et le 1er avril 1378. Parmi les trente-neuf habitants, seuls huit étaient présents à l’une des deux premières assemblées82.
54Si l’on exclut les notaires publics présents lors de chaque consultation, tous résidants de Cluny, on compte cinquante-neuf personnes sollicitées à un moment ou à un autre pour donner leur accord au nom des autres habitants. Parmi les personnes sollicitées lors des deux premières assemblées, on compte le curé de Saint-Maïeul, Pierre Niçon, également chanoine de Saint-Vincent de Mâcon, cité en tête des deux listes ; Jean de Chasantiart, curé de Saint-Marcel, parmi les seize bourgeois présents à la deuxième assemblée (18 novembre 1377)83 ; plusieurs notaires, comme maître Jean Fercod, juriste (jurisperitus), Guillaume de Belle-Eau, André de Scorbe, Denis de Rivo et Michelet Taizé, clercs84. Parmi les trenteneuf habitants convoqués dans la salle du chapitre en mars 1378, on dénombre un couturier, Jean Lagron, un boucher, Jean Charpy, le curé de Cotte, Simon Baldon85. Les autres sont cités par leurs seuls noms et prénoms. Je ne les ai pas rencontrés dans d’autres documents contemporains et ne peux préciser leur fonction.
55Franchissons trois quarts de siècle pour nous retrouver en 1449, date à laquelle une délégation d’habitants de Cluny reçoit la procuration de douze juristes pour les défendre en justice. L’instrument public dressé pour l’occasion nomme les cent quarante-et-un bourgeois et habitants de Cluny rassemblés dans la cour du doyenné ce 6 juillet 1449 pour recevoir, au nom des autres habitants qu’ils représentent (pro quibus se fortes faciunt), le serment des procureurs86. La profession de quatorze personnes est mentionnée87. On compte deux notaires, trois bouchers, deux maréchaux, un huilier (olei torculator), un barbier, un saunier et quatre travailleurs du cuir ou du tissu (émondeur de peaux (pannorum tonsor), tisserand, boursier (borserius), écorcheur (excoserius)). C’est bien peu pour en tirer des conclusions importantes. En revanche, les noms cités en tête de liste révèlent davantage. Les vingt-sept premiers sont les suivants :
Durandus de Bosco Vario,
Archambaud Beraudi, clericus notarius regius,
Petrus Bruerii,
Petrus Channeti88,
Claudius Caigneault,
Anthonius de Vallibus,
Jacobus de Laya,
Jacobus Germaneti,
Johannes Rolandi,
Claudius Mathei,
Jacobus Chambon,
Dyonisius Burnechoux, bocherius,
Thomas Arbillet,
Johannes Chambon,
Colinus Talon, notarius publicus,
Johannes de Porta alias Durandin,
Johannes Lasculier,
Johannes Prevoste alias de Berziaco,
Bartholomeus Godin,
Bartholomeus Bonefidei,
Jean Bonart alias de Sancto Amore,
Girardinus Scavel, pannorum tonsor,
Henricus Bacheler, borserius,
Johannes Bothier,
Claudius de Corcellis,
Guillelmus de Silz,
Stephanum Masconet.
56Plusieurs personnes sont citées dans les actes contemporains. Durand de Boisvair, le premier de la liste, est le capitaine de ville. Archambaud Béraud, Pierre Bruer, Pierre Channet, Claude Caigneaud, Antoine des Bois (no 2 à 6), Jacques Germanet (no 8) sont les principaux responsables de l’acquisition de l’hôtel de ville. Jacques Germanet en est d’ailleurs l’ancien propriétaire. Notaires (A. Béraud, J. Germanet) ou marchands (C. Caigneaud, P. Channet), ce sont eux qui se qualifient échevins, consuls ou juges en 1451 ou 1452, au plus fort du conflit avec l’abbé89. Parmi les personnes citées ensuite, on remarque Jacques de Laye (no 7), sergent royal90 ; Claude Mathieu (no 10) et Colin Talon (no 15), tous deux notaires publics et voisins de Jacques Germanet sur la place Notre-Dame91 ; Denis Burnechoux (no 12), beau-frère de Claude Caigneaud, et Jean Roland (no 9), marchands opulents qui sillonnent les routes bressanes et bourguignonnes pour acheminer à Cluny des denrées rares92 ; des membres des familles Chambon, Bonnefoi, Godin parmi lesquelles on a pu compter plusieurs prêtres, notaires, échevins ou capitaines de Cluny au cours du XVe siècle93.
57Inutile d’allonger la liste. Il s’agit là de la ploutocratie clunisoise formée des hommes du commerce, des clercs cantonnés aux ordres mineurs et spécialistes de l’écrit ou entrés au service de l’Église dans l’une des trois paroisses de la ville. Si la titulature de ces personnes n’est pas encore bien fixée et si le qualificatif d’échevin n’apparaît encore que subrepticement, l’existence d’un groupe restreint prenant en charge l’essentiel des activités administratives de la communauté d’habitants ne fait plus de doute. Et parmi eux, chacun connaît son rôle et sa place. La hiérarchie et la préséance des fonctions, si elle ne sont pas encore exprimées, se décèlent dans ces listes de noms. Trois ans plus tard, le 4 avril 1452, Eudes de la Perrière fait rédiger par ses procureurs les articles qu’il entend défendre devant la cour du bailliage. L’acte s’ouvre par la liste de vingt-huit manants et habitants de la ville de Cluny contre qui l’abbé dirige ses accusations. Le premier cité ne l’était pas en 1449 : il s’agit de Jean de Bodon alias Rampon, lieutenant du juge du doyenné de Cluny, Jean Mathieu. Les vingt-sept suivants sont ceux de 1449, dans le même ordre94. Une telle similitude est troublante. Il est possible que la liste de 1452 ait été copiée sur celle de 1449 bien que certains détails diffèrent : outre des différences orthographiques mineures, on note que les noms de métier ne sont pas notés dans la deuxième liste95. En outre, l’existence d’une préséance parmi les habitants du bourg est confirmée par la liste des habitants venus prêter serment de fidélité à Jean de Bourbon en décembre 1456 et janvier 1457.
58On l’a dit, ce serment s’est déroulé en deux temps, d’abord le 29 décembre 1456 puis le 10 janvier suivant. Les habitants ont été répartis en deux groupes, le premier compte cent-trente-six personnes et le second cent-quarante-neuf96. Les motifs d’un tel partage ne sont pas exposés dans l’instrument public. Dans les deux groupes, les habitants sont qualifiés de la même manière : des prêtres, des bourgeois, des manants et des habitants et rien ne les distingue à première vue. On pense évidemment au nombre important d’individus. Recevoir le serment de près de trois cents personnes, l’une après l’autre, prend du temps, et on a peut-être décidé de les répartir sur deux jours. Mais l’explication n’est pas satisfaisante pour la bonne raison que cent cinquante ans plus tôt, en 1309, lorsque les bourgeois chefs de feu étaient près de cinq-cent-cinquante, on les a divisés pareillement en deux groupes. Le premier comptait cent-trente-six personnes et le second quatre-cent-cinq qui sont toutes venues le même jour dans les galeries du monastère pour prêter serment97.
59Le statut des personnes semble en revanche un critère déterminant pour les répartir dans l’un ou l’autre groupe. En tête du premier se trouvent le curé de Saint-Maïeul, Benoît de Croto, et les vicaires de Notre-Dame et de Saint-Marcel, Michel de Champueneto et Jean de Beyre. Suivent ensuite trente prêtres de Cluny (de Cluniaco presbitri), parmi lesquels trois magistri bacheliers en décrets et vingt-sept domini. Une centaine de laïcs sont alors énumérés et, sans nous perdre dans les détails, un simple regard sur les premiers noms rappellera quelques souvenirs :
Johannes Mathei,
Archambadus Beradi,
Durandus de Bosco Vario,
Johannes Bruerii,
Claudius Mathei,
Petrus Bruerii,
Lambertus Villerii,
Andreas Godin,
Johannes Chambon senior,
Johannes Bonart alias de Sancto Amore,
Claudius Quaigneaud,
Jacobus Germanet,
Benedictus Bruerii,
Johannes Guicheneti,
Johannes de Bodon alias Rampon,
Johannes Chambon junior...
60Mathieu, Béraud, de Boisvair, Bruer, Caigneaud, Chambon, Godin, Germanet... toujours les mêmes dans un ordre assez voisin de celui qui leur avait été donné en 1449 et 1452.
61Deux autres listes méritent d’être signalées du fait de leur proximité chronologique et de la comparaison possible avec la cherche de feux de 1478. Le 2 mai 1474, répondant à l’appel du crieur public, cinquante-huit bourgeois et habitants de Cluny se rassemblent dans le doyenné pour recevoir la donation du plastre du Merle par Archambaud Béraud et accepter ses conditions particulières, c’est-à-dire l’exemption définitive du guet pour le donateur et ses successeurs. Les cinquante-huit personnes sont rassemblées au nom des autres bourgeois, manants et habitants de Cluny pour lesquels elles se portent responsables98. En septembre de l’année suivante, un nouveau procès met en scène les bourgeois de Cluny. Une fois n’est pas coutume, leur adversaire n’est pas l’abbé ou le convent mais le receveur du péage sur la Saône à Mâcon, officier du duc de Bourgogne. Brandissant les exemptions de péage accordées depuis Pascal II, les Clunisois refusent de payer le pontage de Mâcon, mais le receveur, s’appuyant sur des quittances attestant le paiement de plusieurs Clunisois depuis au moins trois générations, revendique le paiement99. Le 3 octobre 1475, les bourgeois de Cluny reçoivent la procuration de seize juristes pour les défendre devant la cour du bailliage qui tranchera le différend. Comme à l’accoutumée, on réunit dans la cour du doyenné la maior et sanior pars des Clunisois, composée cette fois de quarante-huit bourgeois et habitants, se présentant en leur nom, au nom des autres bourgeois et de la communitas ville100. Dans les deux listes, on retrouve les noms des grandes familles clunisoises du XVe siècle : Bruer, Chambon, Godin, Arbillat, mais on constate l’absence des personnes les plus riches citées dans la cherche de feux de 1478, à l’exception de Claude Caigneaud, cité en tête dans les deux listes101. Autre élément plus étonnant, le procureur syndic, le capitaine et les deux échevins de l’année 1475, Philibert Cajot, Guillaume Chambon, Jean Rousset et Jean Châtelain ne sont pas présents lors de l’assemblée du 2 mai 1474. En revanche, un peu moins d’un an plus tard, accompagnés de deux magistri licenciés en décrets, ils reçoivent des mains d’Archambaud Béraud la confirmation de la donation du plastre du Merle et prolongent, au nom de tous les habitants, la durée des privilèges accordés au donateur102.
62Plusieurs enseignements se dégagent de ces listes. Pour délibérer de nouvelles impositions, recevoir la procuration de juristes, s’accorder avec le seigneur-abbé sur un point de litige, la communauté d’habitants peut se faire représenter, soit par une poignée d’hommes, soit par un groupe très large composé de plus d’une centaine d’individus. Pour les représentations les plus larges, on semble s’être accordé sur le nombre de 130 à 140 personnes. En effet, en 1309 comme en 1456, le premier groupe d’habitants venu prêter serment au nouvel abbé est composé de 136 individus. En juillet 1449, ils sont 141 à recevoir le serment des procureurs généraux chargés de les défendre en justice. Parmi les représentations plus restreintes, on peut distinguer deux types. À trois reprises sont mentionnées des assemblées réunissant une cinquantaine de personnes ; c’est le cas en 1378 lors du conflit sur la monnaie, en 1474 pour recevoir la donation du plastre du Merle et en 1475 pour recevoir la procuration de seize nouveaux juristes. Des groupes très restreints ne rassemblant guère plus de cinq ou six personnes suffisent parfois, généralement après la réunion d’assemblées plus larges, pour confirmer les décisions prises en grand groupe. C’est le cas en 1378 et en 1475. Il est difficile de dire si ces quelques personnes sont les seules qui ont daigné se déplacer ou si elles sont déléguées du groupe et constituent un véritable conseil restreint. Quelques signes permettent de le préciser.
Les échevins et le procureur syndic
63On chercherait en vain dans la documentation écrite antérieure au milieu du XVe siècle la moindre mention des échevins de Cluny. Ils n’existent pas ou en tout cas ne se qualifient pas comme tels. Leur apparition se situe dans un contexte polémique, celui du procès pour l’hôtel de ville. Le 20 février 1451, Jacques Germanet, notaire public de Cluny, et son épouse Antonie vendent leur maison située place Notre-Dame en face de l’église paroissiale à Durand de Boisvair, « procureur et échevin », Jean Bruer junior et Claude Caigneaud, « échevins et bourgeois ». Les acquéreurs agissent « au nom et pour le profit de la communauté de la ville présente et future et pour leurs successeurs »103.
64La qualification des acheteurs - scabini, c’est la première fois ! - et la mention de l’opus communitatis ville tiennent de l’auto-promotion. Le rédacteur de l’instrument public validant la vente n’est autre qu’Archambaud Béraud, sobrement qualifié notaire public, mais que l’on rencontre très vite associé au petit groupe de ceux qui se parent du titre d’échevin. L’acquisition de la maison s’inscrit dans la volonté de marquer en termes concrets l’évolution de la communauté d’habitants, amorcée depuis la prise en charge de l’entretien des fortifications. La maison en question est destinée à la conservation des archives, des armes communes et à la réunion des congregationes annuelles. Autrement dit, elle a tous les attributs d’un hôtel de ville. Les bourgeois mettent ainsi les officiers monastiques devant le fait accompli. Ils disposent d’une maison commune et sont dirigés par un groupe de scabini.
65L’abbé ne s’y trompe pas. Très vite il engage avec les bourgeois des pourparlers pour faire rendre la maison ou pour en réglementer l’usage sans porter atteinte à ses privilèges ancestraux104. Ces transactions restent vaines et, à l’approche du terme d’un an et un jour qui entérinerait la possession définitive de la maison, le grand prieur Jacques de Moussy ordonne aux habitants de se dessaisir de la demeure dans les plus brefs délais105. Le différend prend alors une tournure juridique. Les habitants font appel au Parlement de Paris contre l’exécution du mandement du grand-prieur pendant que l’abbé demande à Charles VII l’envoi de lettres patentes lui confirmant l’ensemble de sa juridiction sur le bourg et le droit ancestral de faire convoquer dans le doyenné les assemblées d’habitants106. Les lettres royaux rédigées le 17 février 1452 parviennent à Mâcon le 25 et sont lues publiquement à Cluny le 26 par un sergent royal. Les habitants refusent leur exécution. Par conséquent, le sergent royal fait confisquer la maison, appose les panonceaux à fleur de lis sur la façade et porte le litige devant la cour du bailli de Mâcon qui convoque les procureurs des deux parties pour le 20 mars suivant107. Pendant dix ans, jusqu’en avril 1461, les audiences se succèdent devant le juge du bailli selon un rythme irrégulier faisant alterner des moments d’intense activité et de longues périodes creuses108. Aucune des deux parties ne cède sur un iota et les audiences sont toutes stériles. Pendant ce temps, l’appel des habitants devant le Parlement de Paris suit son cours, mais l’abbé refuse régulièrement de se présenter aux convocations. Après plus de trois ans de dilation, les juges parisiens décident le renvoi de l’appel devant le bailli de Mâcon chargé désormais de juger l’ensemble de l’affaire et de la terminer rapidement109. Après une brève période d’effervescence entre juillet et septembre 1456, les audiences se succèdent de nouveau sans aboutir110.
66Le 28 avril 1461 se tient une audience ordinaire. L’ordre du jour est semblable à tous les autres puis les deux parties sont convoquées deux mois plus tard, le lundi après la Saint-Jean-Baptiste, pour poursuivre le procès. Cette audience n’aura pas lieu. Le registre de la procédure s’arrête là, sans aucune conclusion, avec la signature du greffier111. Huit folios sont restés vierges. Par la suite, on n’entend plus parler de maison commune pendant des décennies. Au début du XVIIe siècle, les archives se trouvent toujours dans l’église Notre-Dame, les assemblées se déroulent toujours dans la cour du doyenné, les comptes annuels des échevins sont rendus dans l’hôtel du juge-mage112. Le long procès du XVe siècle s’est donc terminé par le rétablissement du statu quo, au moyen sans doute d’une composition à l’amiable113.
67Si les habitants ne sont pas parvenus à faire admettre l’acquisition de la maison commune, ils ont réussi à imposer le titre d’échevin. Certes, cela n’a pas été sans réticence. Les premières pièces du procès rédigées dans l’année 1452, comme les lettres de Charles VII, leur exploit d’exécution par le sergent royal ou les articles de l’abbé parlent des bourgeois « qui se disent consuls et syndics » ou « qui se disent consuls et juges »114. Jamais les bourgeois ou leurs procureurs n’utilisent de tels termes, préférant ceux, plus neutres, de « bourgeois et échevins »115. Mais en les qualifiant consuls, syndics ou juges et en insistant sur l’auto-proclamation (se dicentes), les procureurs de l’abbé veulent mettre en valeur la subversion des habitants face au seigneur-abbé, maître de toute la justice et contrôleur légitime de l’administration dans le bourg.
68Ceci dit, la querelle de mot n’a pas un grand avenir. La représentation bourgeoise est admise par l’abbé et intégrée depuis des décennies comme un principe normal de gouvernement. Si le procès tourne pendant un temps autour de la question du lieu de réunion des assemblées, très rapidement les bourgeois abandonnent toute prétention de vouloir les tenir hors du lieu accoutumé qui est la cour du doyenné116. Dès lors, le titre attribué à la poignée de bourgeois qui prend en main les affaires communes n’est plus un enjeu majeur. Qu’ils soient ou non qualifiés d’échevins ne change pas les prérogatives lentement obtenues depuis trois-quarts de siècle. Le titre de scabinus n’est que la cerise sur le gâteau. Il n’implique d’ailleurs aucune prérogative nouvelle et encore moins l’autonomie des hommes qui le portent. C’est, au XVe siècle, un terme générique indiquant la fonction administrative d’un homme au nom d’une communauté d’habitants117 et les Clunisois l’utilisent comme tel.
69Désormais, le principal fondé de pouvoir de la communauté d’habitants est le procureur, nommé « procureur de la ville » et bientôt « procureur syndic ». Il peut seul représenter l’ensemble de la communauté bourgeoise que ce soit devant une cour de justice ou pour régler des affaires courantes. Au milieu du XVe siècle, c’est Durand de Boisvair, également capitaine de la ville, qui occupe cette fonction118. À ses côtés, se trouvent trois échevins et parfois un quatrième personnage, le juge du doyenné en la personne d’Archambaud Béraud. En février et avril 1452, les trois échevins sont Jacques Germanet, l’ancien propriétaire de la maison commune, André Godin et Pierre Channet. En janvier 1453, il s’agit de Pierre Channet, Antoine des Bois et André Godin119. Il semble donc que la répartition et le mode d’élection des échevins de Cluny, tel qu’il est connu par les règlements de police et de justice du XVIIe siècle, se soit fixé au milieu du XVe siècle, c’est-à-dire trois échevins élus pour un an, à raison d’un par paroisse et renouvelables dans leurs fonctions120. Le procès pour l’hôtel de ville aura permis de révéler une institution en gestation et de lui donner la forme définitive qu’elle conserve ensuite jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
70À la fin du Moyen Age, on rencontre donc un groupe constitué d’une poignée d’hommes - une dizaine tout au plus - qui semble tenir les rênes de l’administration clunisoise. Ce sont au premier chef des notaires et des prêtres et, dans une moindre mesure, des marchands qui, grâce à leur fortune familiale ou à leur sens des affaires, de l’investissement foncier et immobilier ont su se faire une place au soleil parmi la bourgeoisie clunisoise. Les Caigneaud, Channet, Burnechoux en sont les meilleurs exemples pour le milieu du XVe siècle. Répétons-le, la situation n’a rien d’original. Aucune étude d’histoire urbaine n’a manqué de remarquer la prise en mains des affaires collectives dans la seconde moitié du Moyen Age par un petit nombre de familles, généralement les plus riches et les plus cultivées121. À Cluny, les notaires, les prêtres et les bouchers se partagent les responsabilités. Les notaires ont le monopole de l’écrit et, grâce à leur formation juridique même modeste, ils jouent un rôle non négligeable de conseiller. Les prêtres détiennent les clefs de l’accession au salut et s’imposent naturellement comme des personnages de premier plan dans une ville ou la paroisse forme le seul cadre d’organisation communautaire totalement intégré et toléré par l’autorité abbatiale. Les bouchers approvisionnent les habitants en viande, aliment consommé en abondance, et diversifient généralement leur commerce en acheminant dans le bourg abbatial les denrées rares qui lui font défaut. Cette structure sociale marque le paysage urbain.
IV. DES COMMUNAUTÉS PAROISSIALES
71Un long silence plane au XIIIe siècle sur les paroisses clunisoises. Tout au plus connaît-on le nom de quelques chapelains, vicaires ou curés mentionnés parmi les témoins d’une transaction foncière ou immobilière dans le bourg, ou recevant eux-mêmes quelques biens122. Comme partout, les archives paroissiales de Cluny deviennent plus riches à partir du XIVe siècle, bien qu’elles soient conservées de manière très aléatoire. Une paroisse reste à peu près complètement dans l’ombre : Sainte-Marie, ou plutôt désormais Notre-Dame, dont toutes les archives ont disparu123. La situation est moins catastrophique pour les deux autres paroisses. Dix-sept actes originaux compris entre 1335 et 1495 sont conservés124, parmi lesquels on compte sept testaments125, cinq reconnaissances de rente ou de dette126, trois ventes de rente127, et deux plaintes des ecclésiastiques contre les mauvais payeurs128. À ces documents originaux, il faut ajouter deux rentiers rédigés en 1333 pour la paroisse Saint-Maïeul, entre 1390 et 1413 pour la paroisse Saint-Marcel. Ils rassemblent des reconnaissances de rentes annuelles perçues par les églises sur des biens fonciers et immobiliers de Cluny ou de sa proche banlieue. Le rentier de Saint-Marcel, plus détaillé que le précédent, précise fréquemment la date d’acquisition des rentes et les motifs de leur fondation129. Les actes des XIVe et XVe siècles copiés dans le registre de l’archidiaconé fournissent des indications sur les droits et devoirs des curés et de l’archidiacre, la fondation de chapellenies dans les églises paroissiales, la nomination des curés et des chapelains, les conflits occasionnels entre ecclésiastiques130. On trouve également quelques notifications de nominations de curés clunisois dans deux registres provenant du monastère, consacrés essentiellement à la procuration des offices clunisiens131.
72Ces documents permettent plusieurs types d’études. Les noms de personnes contenus dans les deux rentiers du XIVe siècle, comparés aux listes de 1309 et à celles du XVe siècle forment une base solide pour l’onomastique clunisoise de la fin du Moyen Age. Comme l’a montré Michael Jones, les rentiers fournissent des indications sur la composition socioprofessionnelle de la population, le nom des rues, la configuration des maisons et leur mode d’occupation. Comparés aux transactions foncières et immobilières du XVe siècle conservées en original, comme celles de la collection Caigneaud, ils laissent le champ libre pour une étude de la propriété bourgeoise à Cluny à la fin du Moyen Age132. Le registre de l’archidiaconé est une mine pour connaître les prêtres clunisois des XIVe -XVIe siècles, dont beaucoup sont par ailleurs cités dans les comptes-rendus d’assemblées d’habitants, les transactions foncières et immobilières du XVe siècle et les rentiers du XIVe, sans compter les renseignements précieux fournis par les statuts de l’archidiaconé de 1504133. Par ailleurs, les testaments et autres reconnaissances de rente au profit des églises paroissiales permettent d’appréhender la « religion » des Clunisois en ces temps de « religion flamboyante »134. On s’intéressera ici au rôle des églises paroissiales dans l’organisation sociale et spatiale de Cluny à la fin du Moyen Age (carte 41).
1. Les églises et le paysage urbain de Cluny à la fin du Moyen Age
73La tenue des assemblées d’habitants dans la cour du doyenné, la prestation du serment de fidélité dans les galeries du monastère ou le cimetière des moines, l’audience de la justice dans une tour de l’abbatiale montrent que le monastère demeure, au XVe siècle, le centre névralgique de Cluny. Cependant, il n’accueille les bourgeois que pour des solennités exceptionnelles. Le commerce, l’artisanat, les rencontres de voisinage, les réjouissances communautaires se déroulent ailleurs. Les réunions qui précèdent les assemblées, les adjudications au rabais pour les travaux d’entretien, la sociabilité quotidienne ou les cris publics du héraut prennent place en des lieux stratégiques du bourg. Revenons donc sur le terrain quelques instants en sillonnant les rues et les places du bourg abbatial135.
L’église Notre-Dame-des-Panaux et son quartier
74L’église Notre-Dame est au cœur géographique de Cluny, tout près de l’artère principale du bourg qui le traverse d’est en ouest. L’église Sainte-Marie construite dans la deuxième moitié du XIe siècle a été remplacée, à une date mal située dans la seconde moitié du XIIIe siècle, par un édifice de style gothique, à trois nefs et deux niveaux. La façade occidentale était précédée d’un porche ouvert sur trois côtés. Il fut détruit à la fin du XVIIIe siècle en même temps que l’on martelait les sculptures qui se développaient sur le tympan, les voussures et les piédroits du portail. Les rares vestiges sont aujourd’hui illisibles136. Des quatre chapelles romanes édifiées au XIe siècle, Notre-Dame est la seule reconstruite en style gothique au XIIIe siècle, et alors vraisemblablement agrandie. C’est également la seule, si l’on en croit les descriptions anciennes, qui a été pourvue d’un programme sculpté sur le portail occidental137. L’élément n’est pas anodin.
75Si les grands chantiers de construction romans procèdent généralement d’une initiative de l’Église, nombre de chantiers gothiques ont été conduits en partenariat avec l’Église et les paroissiens. Les fabriques et les confréries de métiers financent une partie des travaux et contribuent à conserver l’édifice en bon état138. Comme on s’en doute vu l’état des archives paroissiales de Notre-Dame de Cluny, on ne dispose d’aucun compte ni d’aucune description permettant d’attester la mise en œuvre de telles pratiques. Un indice doit tout de même être signalé. Le Chronicon Cluniacense du XVe siècle mentionne la reconstruction de l’église Saint-Odon, devenue Saint-Marcel, vers 1160, à l’initiative du prieur claustral, dom Léger139. Il ne dit rien de la reconstruction de l’église Notre-Dame, signe, peut-être, d’une initiative essentiellement laïque. En outre, plusieurs éléments montrent le rôle privilégié de l’église Notre-Dame pour la communauté d’habitants clunisoise de la fin du Moyen Age.
76Son vocable est un premier indice. Notre-Dame s’affirme au XIIIe siècle, en Bourgogne, comme ailleurs, comme la Mère de miséricorde de tous les hommes ; leur meilleur intercesseur auprès de Dieu140. Dans son église clunisoise, elle protège la communauté d’habitants. Les bourgeois lui donnent un surnom, Notre-Dame-des-Panaux, qui lui est attribué au moins depuis le XVe siècle141. C’est une référence à la mesure du grain utilisée à Cluny, le panal, dont l’étalon était conservé dans l’église. Les autres mesures clunisoises étaient vraisemblablement conservées sous le porche détruit ou à l’intérieur même de l’église, comme l’étalon des tuiles creuses utilisées à Cluny qui se voit encore sur le mur du bas-côté sud142. Les archives de la communauté d’habitants, on l’a vu, étaient également conservées dans l’église Notre-Dame jusqu’au début du XVIIe siècle, date à laquelle les échevins en ont dressé l’inventaire et les ont déposées dans l’hôtel du juge-mage143. L’église Notre-Dame a très probablement accueilli des assemblées d’habitants. Le cas est assez classique pour les villes qui ne disposent pas de maison commune144. On n’en a pas la preuve avant le XVIIIe siècle, mais on sait que l’église a occasionnellement été le cadre de transactions entre bourgeois au XVe siècle. La vente d’un petit curtil, situé pourtant dans la paroisse Saint-Marcel, au profit des célèbres bouchers de cette même paroisse, les Caigneaud, a été conclue le lundi de Pâques, 30 mars 1460, dans l’église Notre-Dame. Deux témoins étaient présents : Barthélemy de Lugny, prêtre de Notre-Dame, et Durand de Boisvair, le procureur syndic qui, dix ans plus tôt, proclamait la cause bourgeoise dans l’affaire de l’hôtel de ville145.
77L’aménagement des abords immédiats de l’église Notre-Dame confirme sa place centrale dans le bourg.
78Des trois églises paroissiales, Notre-Dame est la seule qui s’ouvre sur un parvis, l’actuelle place Notre-Dame. De forme presque carrée, elle forme une enclave inattendue à quelques mètres de l’artère principale du bourg, la rue Mercière. On y accède par deux petites rues. L’une vient de la rue Mercière et se dirige vers le sud en gravissant la colline Saint-Odile : c’est la rue de la Barre.
79L’autre longe le bas-côté sud de l’église et permet de rejoindre la rue principale : c’est la rue Notre-Dame (carte 42). De faible dimension - elle ne fait guère plus de vingt-cinq mètres de côté -, la place Notre-Dame est néanmoins la « grand-place » de Cluny. C’est là, en février 1451, que les échevins ont acheté une maison pour servir d’hôtel de ville, en face de la « place commune » (platea communis), comme le précise avec attention le notaire Archambaud Béraud qui rédige l’acte de vente146. La maison, que l’on peut situer grâce à la description des confins dans l’acte de vente, correspond aux actuels 6, 8 ou 10, rue de la Barre. Ce sont toutes trois d’imposantes demeures dont les structures datent des XIIe et XIIIe siècles. Elles présentent sur la place une claire-voie sculptée et sont ornées à l’intérieur de fresques gothiques. Des portes aménagées dans les murs gouttereaux permettent une circulation horizontale entre les étages. Seuls les rez-de-chaussée, largement ouverts sur la rue et, semble-t-il, destinés à des activités artisanales ou commerciales, sont nettement individualisés147.
80La place Notre-Dame est le quartier privilégié des notaires. Jacques Germanet, l’ancien propriétaire de la maison commune en 1451, comme ses voisins, Claude Mathieu, Jean Mathieu et Colin Talon, sont des clercs de la communauté d’habitants148. Les spécialistes de l’écrit qui tiennent les postes clés de l’administration clunisoise résident près de l’église Notre-Dame, dans les riches maisons qui l’entourent. La « place commune » est l’antichambre de leur office ; l’église, son prolongement ; le cimetière voisin, son aboutissement. Les terriers de la fin de l’Ancien régime le situent sur le flanc sud de l’église, de l’autre côté de la rue Notre-Dame. C’est vraisemblablement là qu’il se situait au Moyen Age compte tenu de l’implantation, tout autour, de maisons des XIIe-XIIIe siècles. Les archives de la paroisse ayant disparu, il est impossible de connaître les échanges entre les prêtres de Notre-Dame et les paroissiens. Les morts du cimetière Notre-Dame ne sont que des corps sans nom, sans pères ni descendants. On ignore tout autant le nom et la qualité de ceux qui se sont fait ensevelir dans l’église.
81Au chevet de l’église paroissiale, entre la rue Mercière et la rue Notre-Dame, se trouvaient les halles de Cluny, communément appelées les panaux149. Les jours de marché, toutes les ventes de céréale devaient se dérouler dans ce lieu, sous le contrôle étroit du receveur de la chambre abbatiale chargé de prélever le droit de couponage, soit le vingt-quatrième de chaque mesure vendue. Le convent était exempté de cette taxe, mais tous les autres vendeurs, quels que soient leur statut et leur origine, devaient s’y soumettre150. L’avoine, le blé et le seigle étaient les marchandises les plus vendues si l’on en croit le montant des recettes du chambrier en 1321 qui, au titre du droit de couponage, déclare avoir perçu cent setiers d’avoine, quatre-vingts de froment, quarante de seigle, quatre de fèves et de pois et cinq de noix151.
82Les notaires d’un côté, les marchands de l’autre, les prêtres au centre. L’église Notre-Dame et son environnement accueille les activités de ceux qui se partagent les responsabilités dans la communauté d’habitants ; ceux que l’on voit tenir les premières places dans les assemblées des XIVe et XVe siècles et qui tentent, en 1450, de secouer la tutelle abbatiale en installant une maison commune sur la place symbolisant le mieux leur conscience communautaire.
La paroisse Saint-Marcel et la boucherie
83L’église Saint-Marcel, construite vers 1160 à la place de l’ancienne chapelle Saint-Odon, a d’abord été le centre d’un faubourg rattaché au bourg abbatial par le détournement de la Grosne au XIIIe siècle. À la fin du Moyen Age, trois rues principales structurent le quartier (carte 43).
84Un axe est-ouest est formé par la rue principale de Cluny qui commence à la porte de la levée, à l’est, et prend le nom de rue de la Levée, rue Filaterie puis rue Mercière. Perpendiculaire à cet axe, le chemin nord-sud provenant de Mâcon, entre par la porte de Mâcon, au sud, pour devenir la rue du Pré Guiton, la rue Saint-Marcel puis la rue Porte de Paris, avant de sortir par cette porte en direction de Massilly, Cormatin puis Chalon. L’église Saint-Marcel est établie le long de cette rue, à mi-chemin entre les deux portes. Le troisième axe du quartier, d’orientation sud-est/nord-ouest, part de la porte de la chaîne et conduit vers la tour du moulin de l’abbaye : c’est la rue de la boucherie. À mi-chemin entre ses deux extrémités, un trivium donne naissance à une place triangulaire au milieu de laquelle se tenait la boucherie de Cluny.
85Si la Grosne a été repoussée vers l’est, l’eau est omniprésente dans le quartier Saint-Marcel, plus encore que dans les autres quartiers où elle coule déjà en abondance152. Un bief conservé en partie à ciel ouvert suit l’ancien cours de la Grosne. On l’appelle la « petite rivière ». Avant de rejoindre le Merdasson qui descend des collines de l’ouest, elle traverse le quartier des tanneurs, aménagé entre la rue Filaterie, la rue Porte de Paris et l’enceinte du monastère. Pour enjamber la « petite rivière », il a fallu construire dans la rue principale un pont, le pont des chevriers (pons caprarii), sur lequel les terriers du XVIIIe siècle attestent la présence d’une chapelle dédiée à saint Philibert153. Un peu plus à l’ouest, un autre bief détourné de la Grosne suit, en souterrain, le tracé de la rue de la boucherie. C’est la rivière de la chaîne ou rivière de la boucherie. Elle permet en effet d’alimenter en eau les abattoirs154 avant de joindre ses eaux à celles, non moins souillées, du Merdasson qui dessert le quartier des tanneurs.
86Le quartier Saint-Marcel est donc celui des métiers salissants et malodorants, ces inhonesta mercimonia généralement relégués sur la partie basse des cours d’eau parce qu’ils polluent les rivières par les teintures ou le sang des bêtes abattues et, dans la mesure du possible, éloignés des centres urbains à cause des odeurs nauséabondes dégagées par les peaux en cours de traitement ou les carcasses d’animaux155. Ces métiers ont sans doute une responsabilité importante dans la création du faubourg Saint-Odon qui devient ensuite la paroisse Saint-Marcel. Installés d’abord sur les bords de Grosne, en dehors du burgus proprement dit, ils se sont ensuite trouvés intégrés dans la ville. Et l’intégration est parfaite. La place de la boucherie est devenue à la fin du Moyen Age un des pôles de la ville. Cela tient d’abord à son unicité. Il existe en effet une seule boucherie-abattoir à Cluny et non plusieurs spécialisées en fonction des types de viandes comme cela se voit dans les villes de taille plus importantes156. Toutes les bêtes conduites à Cluny pour la viande sont tuées dans la boucherie et la viande doit être vendue sur place, moyennant le paiement du cens des langues à la chambre abbatiale157. J’ignore quel était le nombre d’étals dans la boucherie de Cluny ni quelle était la structure de la corporation. Il semble cependant que quelques familles aient exercé un certain monopole sur la location des bancs et l’entrée dans la profession. On n’explique guère autrement la fortune extraordinaire des Caigneaud au XVe siècle, ces bouchers qui ont investi les profits de leur commerce dans le foncier et l’immobilier en acquérant des rentes un peu partout dans la paroisse Saint-Marcel et dans les villages voisins de Cluny. Dès la fin du XIVe siècle, Denis Caigneaud est le boucher attitré du convent qui, depuis bien longtemps, ne respecte plus le précepte bénédictin interdisant la consommation de la chair des quadrupèdes158. Pour sa fourniture en viande de porc, de bœuf et en poissons, il reçoit trente francs d’or par an159. Au milieu du XVe siècle, ses descendants Barthélemy et Claude, sont les maîtres (magistri) de plusieurs bouchers et marchands qui travaillent pour eux. Jean Janin est l’un de ces serviteurs (famulus). Pendant cinq ans, il a travaillé pour les Caigneaud. En compagnie de Gérard Channet, de Jacquet le Rouge, d’Étienne des Bois et de Pierre Poncet, il a acheminé pour eux, à Cluny, des bêtes, du sel ou du tissu en provenance du Mâconnais, de la Bresse ou de Savoie160. Dans les mêmes années, Jean Botier, également boucher, travaille au service d’Étienne à la Martine, riche marchand clunisois161. Et les quelques bouchers et marchands les plus riches s’associent, comme Barthélemy Caigneaud et Jean de Saint-Amour, socii in mercanciis162.
87Malgré la « malhonnêteté » de leur fonction, certains bouchers comptent parmi la partie « la plus saine » de la communauté clunisoise. On les voit aux assemblées d’habitants dans la cour du doyenné. La place de la boucherie devient elle-même un lieu de réunion occasionnel. Le 12 février 1452, au début du procès pour l’hôtel de ville, le notaire Archambaud Béraud et le lieutenant du juge du doyenné notifient publiquement sur la place de la boucherie (prope et ante carnificeriam dicte ville) l’appel porté par les échevins devant le Parlement de Paris pour protester contre le mandement du grand-prieur leur ordonnant de se dessaisir promptement de la maison163. Quelques années plus tôt, le 8 avril 1445, Barthélemy Caigneaud fait l’acquisition d’une maison dans la rue de la boucherie, à côté de celle dans laquelle il réside. La description des confins précise que cette maison à deux étages est située devant le « lieu de réunion » (ante capitolium)164. De quoi s’agit-il ? de la boucherie elle-même ? de la place de la boucherie considérée comme le Capitole de Cluny ? On ne peut trancher, mais le fait est sûr que l’on se réunissait volontiers autour de la boucherie.
88Quelques maisons cossues de la fin du Moyen Age se dressaient près de la place de la boucherie et, parmi celles-ci, la maison du prévôt. Les descriptions ne sont jamais suffisamment précises pour pouvoir identifier avec certitude son emplacement, mais il semble qu’elle se situait dans la rue de la boucherie, dans la portion comprise entre la rue des Tripes et la rue de la Pêcherie (carte 43)165. Une reconnaissance de rente au profit du curé de Saint-Marcel, en 1381, mentionne la « rue du prévôt », signe que la maison a donné son nom à la rue166. Une imposante maison du XVe siècle, la seule du quartier, se dresse dans cette rue, à l’entrée de la place de la boucherie. Il s’agit peut-être de l’ancienne maison du prévôt167.
89Contrairement au quartier Notre-Dame, le centre commercial, actif et bruyant de la paroisse Saint-Marcel ne jouxte pas le centre économique, mémorial et religieux formé par le cimetière et l’église. À Saint-Marcel, les deux lieux sont dissociés. L’église Saint-Marcel s’insère en effet dans un tissu urbain fort différent de celui de l’église Notre-Dame. La petite place qui borde l’église sur son flanc gauche n’a rien d’une platea communis. Les Clunisois du XIVe siècle l’ont baptisée « le plastre du cimetière Saint-Marcel »168, c’est-à-dire une esplanade vierge de toute construction, identifiée avant tout comme l’antichambre du vaste cimetière qui s’étend au chevet de l’église. Autour, les constructions sont peu denses et on ne trouve pas les maisons cossues de la place Notre-Dame ni de la place de la boucherie. Ici, seuls comptent le cimetière et l’église. Point de marchands ni de notaires vivant autour de l’église Saint-Marcel, mais des prêtres et des morts.
L’église et le quartier Saint-Maïeul
90La configuration topographique de la paroisse Saint-Maïeul, intra muros, est très simple. Elle forme un quadrilatère structuré par trois rues. La rue du Merle, au sud, est le prolongement de l’axe principal qui traverse tout le bourg d’est en ouest (rue de la Levée, rue Filaterie, rue Mercière) et conduit, au-delà de la porte du Merle, vers Château puis Bois-Sainte-Marie ou Charolles ; la rue de l’Abbaye puis rue de la Chanaise, d’axe nord-sud, la coupe perpendiculairement et se prolonge, hors les murs, par le grand chemin qui conduit à Lournand ; la rue Saint-Maïeul, au nord-ouest, est le prolongement du grand chemin qui vient du Mont-Saint-Vincent, en passant par Sigy et Salornay et se dirige vers les portes de l’abbaye (carte 44). Les autres rues ou ruelles sont des percées droites permettant de relier les axes principaux et d’aménager, perpendiculairement à chaque rue, un parcellaire en lanières avec une maison sur la rue et un jardin en arrière169.
91À l’opposé de la platitude de Saint-Marcel, la paroisse Saint-Maïeul est tout entière établie sur les pentes de la colline qui descend assez nettement, vers l’est, en direction du monastère et, vers le sud, en direction du vallon central sillonné par le Merdasson. Au sommet, dans l’angle nord-ouest et tout près de l’enceinte, se trouve l’église Saint-Maïeul. Elle semble reléguée aux confins de la ville, comme une « inhonesta ecclesia » délaissée par la population du bourg. C’est là tout le paradoxe de cette église. Première des quatre chapelles édifiées au XIe siècle par les moines, bien mieux située que les églises Sainte-Marie et Saint-Odon qui ne sont jamais à l’abri de l’humidité et des inondations, elle n’a été que maladroitement intégrée dans la ville médiévale. Les activités commerciales de Cluny sont restées à l’écart et se sont installées dans le vallon ou dans la plaine marécageuse de Saint-Marcel. Le maillage des rues du quartier le montre bien. Toutes conduisent vers le monastère ou vers la paroisse Notre-Dame. Il n’existe aucune place dans les abords de Saint-Maïeul. Les seuls espaces plus larges sont les deux carrefours de la rue de l’Abbaye : au sud, le « carruge des forges », où la rue de l’Abbaye et la rue Neuve croisent la rue Mercière/rue du Merle ; il doit vraisemblablement son nom à l’installation, à proximité, des forges de la ville170 : au nord, le trivium du « puits des pénitents »171, au début des rues Saint-Maïeul et de la Chanaise. Entouré de maisons du XIIe siècle parmi les plus riches de Cluny172, c’est le seul endroit du quartier qui ressemble à une place et qui a pu servir de lieu public.
92Reste le cimetière paroissial. Les terriers de la fin de l’Ancien régime le situent à l’ouest et au sud de l’église, en bordure de la rue Saint-Maïeul. Même si l’on ne conserve que deux testaments, les rentiers du XIVe siècle montrent qu’il n’était pas moins prisé que celui de Saint-Marcel. Le quartier n’est pas un centre marchand très actif, mais il n’en demeure pas moins une paroisse avec son église et son cimetière.
93Tout au long de son existence, cette église excentrée, la plus ancienne des quatre, semble toutefois conserver un rôle particulier, comme une annexe hors-les-murs du monastère. En 1399, les statuts de l’abbé Jean de Damas Cozan promettent l’excommunication aux moines qui se rendent à l’extérieur s’ils passent la nuit dans la ville (villa) de Cluny sauf si, après avoir frappé trois fois, ils sont hébergés, comme le veut la coutume, dans la maison du curé de Saint-Maïeul173.
La chapelle Saint-Odilon, hors les murs
94Que dire de la chapelle Saint-Odilon à la fin du Moyen Age ? On ne sait presque rien d’elle. Ce lieu où les moines négociaient la paix au début du XIIe siècle est resté en dehors de l’enceinte du bourg, le long du chemin qui conduit à Jalogny et à Mazille (carte 41). Les bourgeois ne l’ont pas privilégiée et ne se sont pas installés à ses portes. Les pouillés clunisiens du XVe siècle signalent l’existence d’une chapelle dédiée à Marie-Madeleine dans la chapelle Saint-Odilon, mais on n’en sait pas davantage174. L’existence d’un cimetière autour de l’église n’est pas attestée avant le XVIe siècle : c’est alors le cimetière des Protestants de Cluny, relégué hors les murs, dans le désert175.
95Seules de maigres données peuvent être rassemblées sur les chapelains de Saint-Odilon grâce aux notes griffonnées sur un missel du XIVe siècle, composé dans le diocèse d’Autun et donné au chapelain de Saint-Odilon en 1406176. En 1436, le chapelain est le prêtre Jean Béranger (Johannes Berangerii). Il est vraisemblablement toujours en fonction en 1469 si l’on s’en tient à la signature J. B. d’une quittance de servis au profit de la chapelle Saint-Odilon. En 1490, le prêtre Antoine Rousset (Anthonius Rosseti) lui a succédé177. Ce personnage n’est pas un inconnu. Notaire public investi de l’autorité impériale et apostolique, juré des différentes cours de Cluny, il rédige et appose son seing manuel sur plusieurs actes rédigés au profit des moines ou des bourgeois vers 1480178. Sans doute est-il apparenté aux autres Rousset ou Rosseti qui comptent parmi les bourgeois influents de Cluny à la fin du XVe siècle179. On le cite parmi les prêtres de l’église Notre-Dame de Cluny, situation qui n’a rien d’étonnant puisque la chapelle Saint-Odilon est intégrée dans la paroisse Notre-Dame180.
96Comme les autres prêtres du bourg, les chapelains de Saint-Odilon perçoivent des rentes assignées sur des biens fonciers à Cluny ou dans sa banlieue. Le missel en témoigne. Il a servi occasionnellement de rentier en accueillant sur ses premiers folios des copies de quittance ou de reconnaissances de rentes assises sur des vignes. Au lieu-dit le Virot près de Ruffey, les chapelains de Saint-Odilon possédaient une vigne à laquelle ils semblaient tenir beaucoup puisque seules les rentes provenant de ce clos ont été copiées dans le missel181. Cela tient sans doute à la vaste superficie de la vigne nécessitant trois journées de travail pour les vendanges (tres operatas) et à sa bonne exposition sur les versants tournés vers l’est. Les vignes situées là devaient compter parmi les plus prisées des environs de Cluny, et les plus chères. Leurs exploitants ne se recrutaient pas parmi les Clunisois peu fortunés. Jean Godon, notaire public à Cluny à la fin du XIVe siècle, l’un des rares Clunisois dont on ait conservé le testament, possédait deux vignes confinant celle de Saint-Odilon ; Guillaume Saige, exploitant de la vigne du Virot en 1490, était armurier à Cluny182. Hors de ces quelques points, la chapelle Saint-Odilon reste dans l’ombre.
97Le paysage ecclésial clunisois a été organisé au XIe siècle avec les quatre chapelles périphériques établies autour du sanctuaire : Saint-Maïeul, Saint-Odilon, Saint-Odon et Sainte-Marie. Il subit un infléchissement notable dans la deuxième moitié du XIIe siècle lorsque Saint-Odon devient Saint-Marcel et lorsque, des quatre chapelles, on passe aux trois paroisses, laissant Saint-Odilon dans une situation marginale. Le développement de quartiers marchands, la construction d’une vaste église gothique, le rattachement du quartier Saint-Marcel à la fin du XIIIe siècle et la reconstruction de l’enceinte pendant la guerre de Cent Ans ont achevé la transformation. Les lieux publics, les places, les demeures des notables sont essentiellement regroupés dans deux paroisses : Notre-Dame et Saint-Marcel, les deux dont l’église n’est pas dédiée à un saint clunisien ! À l’épreuve du temps, les saints clunisiens ont été effacés de l’espace clunisois. C’est sans doute un des échecs majeurs de la communauté183 monastique. D’autre part, les curés lui font une concurrence sérieuse.
2. La « religion » des Clunisois
98On peut s’en faire une idée grâce aux quelques testaments conservés, même si le corpus est maigre. Pour les deux derniers siècles du Moyen Age, je n’ai en effet dénombré que dix testaments ou extraits de testaments répartis chronologiquement de la façon suivante : 1310, 1358, 1360, 1393, 1409, 1420, 1438, 1450, 1477, 1495. Sept sont conservés en original184, les trois autres sous la forme de copie partielle dressées à partir de l’original185. On en compte six pour l’église Saint-Marcel, trois pour Saint-Maïeul et un pour Notre-Dame. Par conséquent, on ne peut dessiner autre chose que des pointillés que les autres documents envisagés auparavant permettent parfois de relier pour faire apparaître les contours de la sociabilité religieuse des Clunisois au bas Moyen Age.
99Les testateurs, trois femmes et sept hommes, sont issus majoritairement des couches aisées ou privilégiées de la population. On compte un notaire (Jean Godon)186 et une femme de clerc (Simonette, épouse de Guyonnet Matout)187 ; un boucher richissime, Barthélemy Caigneaud188 ; trois ecclésiastiques, dont deux prêtres clunisois, Gaillard Raclet de Saint-Marcel et Guillaume Rollet de Saint-Maïeul, et l’évêque de Chalon, Jean Germain189 ; un gentilhomme (domicellus) dont la fonction n’est pas précisée : Jean Niçon alias Bouille190. On compte par ailleurs la femme d’un maréchal-ferrant, Jeanne Maringue, épouse de Jean à la Bonne191 ; Peronette, fille de Rose Maygredons dont on ne connaît rien192 et, le plus étonnant, un religieux, l’infirmier du monastère193.
100Le testament nuncupatif romain fondé sur la déclaration orale du testateur puis enregistré devant notaire après sa mort en présence de témoins est utilisé à Cluny, avec toutefois une différence par rapport à la règle : les témoins sont généralement neuf et non sept194. Les testaments conservés en intégralité mentionnent le déroulement de la procédure. Dans un premier temps, le testateur déclare oralement à ses parents, amis ou pairs, ses dernières volontés. Elles sont parfois rédigées sur une feuille de papier, mais dans la plupart des cas seul le souvenir des témoins fera foi devant le notaire après la mort du testateur195. Ce n’est en effet qu’à ce moment-là que le testament devient un acte authentique et efficace. En présence d’un ou de deux notaires, les personnes ayant eu connaissance des dernières volontés du testateur se rendent devant un juge. L’archidiacre, juge spirituel de la ville, n’a pas le monopole de l’authentification des testaments. Le doyen ou le juge-mage peuvent tout autant faire l’affaire, voire l’official de l’évêque de Mâcon196. Le juge entend les témoins puis fait rédiger par son notaire l’instrument public. L’acte est ensuite lu, approuvé par les témoins et éventuellement par les exécuteurs testamentaires et les héritiers, puis scellé par le juge.
Les fondations d’anniversaire
101Les testateurs attendent avant tout la célébration de messes pour le salut de leur âme et l’abrogation des souffrances dans le Purgatoire. Le degré de base de la commémoration comprend deux éléments : la célébration d’une missa pro defunctis le jour du décès accompagnée de la demande de suffrages et des collectes habituelles ; la célébration perpétuelle d’une messe le jour anniversaire de la mort. Tous les testateurs font cette double demande. Ils se distinguent ensuite par le nombre de messes supplémentaires. Les dix testaments présentent à cet égard un bon échantillon des pratiques utilisées aux XIVe et XVe siècles, des plus sobres, comme la célébration du trentain, aux plus extravagantes comme la demande de plusieurs centaines de messes197. On le voit notamment dans la paroisse Saint-Marcel. En 1358, Peronette, fille de Rose Maygredons, demande cent douze messes réparties sur une année. Deux ans plus tard, le prêtre Gaillard Raclet en demande six cents pour la même période. En 1409, le notaire Jean Godon demande la célébration d’une messe quotidienne pendant les cinq ans postérieurs à son décès, soit plus de mille huit cents messes198. Et parmi les plus exigeants, on rencontre de nouveau le « prince des bouchers », Barthélemy Caigneaud. En 1450, il fonde deux messes hebdomadaires à Saint-Marcel, l’une le mardi, l’autre le jeudi, auxquelles s’ajoutent une messe le jeudi précédant la Saint Martin d’hiver et une autre le 31 mars pour son anniversaire et celui de son épouse199. Soit cent quatre messes par an, fondées perpétuellement.
102L’augmentation du nombre de messes célébrées quotidiennement dans les églises paroissiales de Cluny a rendu nécessaire l’institution de trois collèges de prêtres. Ils semblent former un groupe d’une douzaine de personnes dans chaque église comprenant le curé, le vicaire et les chapelains, prêtres associés pour desservir le culte200. Sauf exception, c’est le curé qui célèbre la messe le jour de l’enterrement ou, en cas d’impossibilité, le vicaire201. En revanche, les messes anniversaires et les cérémonies liturgiques parfois demandées en supplément, comme la lecture du psautier sur la tombe du défunt ou la distribution d’aumônes, peuvent être célébrées par n’importe quel chapelain202. Les mentions dans les rentiers du XIVe siècle de la « maison des sociétaires de Saint-Maïeul » et de la « maison presbytérale » de Saint-Marcel indiquent que les prêtres sociétaires de Cluny vivaient en commun sur le mode des chanoines réguliers. Ils formaient une confrérie cléricale (societas) chargée d’intercéder pour le salut des paroissiens défunts203.
103Lorsque le lieu de la sépulture est précisé, c’est-à-dire rarement, il s’agit du cimetière paroissial204. L’absence de précision dans les autres cas indique sans doute que l’enterrement dans le cimetière allait de soi. De toutes manières, les Clunisois n’avaient le choix qu’entre les cimetières paroissiaux, les églises paroissiales ou le monastère. Il n’existe bien sûr aucun couvent mendiant à Cluny contrairement à d’autres bourgs clunisiens comme Charlieu ou Souvigny205. Il faut aller à Mâcon pour trouver des Franciscains et des Dominicains. La disparition de leurs archives ne permet pas de savoir si des Clunisois ont élu sépulture dans leur couvent206. Parmi les dix testateurs clunisois, neuf fondent leur anniversaire dans une église paroissiale et un à la fois dans une église paroissiale et dans le monastère. Et, comme on le verra dans un instant, c’est un cas très marginal. Cela étant, il est impossible d’établir des certitudes sur une documentation aussi réduite. On ne connaît par exemple personne ayant demandé la sépulture à l’intérieur de l’édifice ecclésial. De même, les testateurs ne disent généralement pas qui ils veulent rejoindre dans la sépulture. On note un seul cas, celui du prêtre Gaillard Raclet, qui souhaite rejoindre sa mère dans le cimetière Saint-Marcel207.
104Les messes anniversaires sont généralement célébrées sur l’autel majeur de l’église paroissiale, sauf si le testateur désigne un autel ou une chapelle particulière. C’est le cas de Barthélemy Caigneaud qui souhaite que ses messes soient célébrées dans la chapelle Saint-Jacques de l’église Saint-Marcel, à moins que ses deux enfants n’édifient une chapelle à proximité de son tombeau, ce qu’ils ne semblent pas avoir fait208. Une fondation d’anniversaire célèbre s’est accompagnée d’une construction de chapelle dans l’église Saint-Maïeul. Le fondateur est un ancien paroissien de Cluny, Jean Germain, devenu évêque de Nevers puis de Chalon-sur-Saône et serviteur zélé du duc de Bourgogne, Philippe le Bon. En 1438, il fonde son anniversaire dans l’église Saint-Maïeul et fait construire une chapelle en son honneur que l’on aménage dans le bas-côté sud de l’église, près du chœur. L’archidiacre de Cluny visitera chaque année la chapelle et recevra, à cet effet, vingt sous tournois du chapelain desservant. Pour assumer cette dépense, Jean Germain lègue vingt francs aux chapelains de Saint-Maïeul209.
105Une autre fondation de chapellenie est attestée à Cluny par le registre de l’archidiaconé. En 1420, le domicellus Jean Niçon alias Bouille fonde son anniversaire dans deux lieux différents : l’église paroissiale Notre-Dame et la chapelle du cimetière de l’abbaye, petite chapelle triconque édifiée au Xe ou XIe siècle et placée sous le vocable de la Vierge210. Deux chapelains s’emploieront à plein temps à son service funéraire et à celui de sa famille. Du lundi au samedi, toute l’année à l’exception du Vendredi Saint et des six fêtes majeures du calendrier clunisien211, ils devront célébrer six messes, à raison de trois dans la chapelle du cimetière (les lundi, mercredi et vendredi) et trois dans la chapelle Saint-Laurent de l’église Notre-Dame (les mardi, jeudi et samedi)212. J’ignore où Jean Niçon se fait ensevelir. La copie partielle du registre de l’archidiaconé ne le mentionne pas et retient surtout les passages relatifs à la nomination des deux chapelains, relevant à tour de rôle de l’archidiacre et du curé de Notre-Dame. En revanche, elle précise les motifs de la fondation. Jean Niçon fonde son anniversaire dans la chapelle du cimetière abbatial parce que ses parents (predecessores) sont ensevelis à proximité213. Ainsi, par l’institution des deux chapelains spécialement dévoués à la commémoration de la famille, les Niçon privatisent une partie de la chapelle du cimetière abbatial tout en s’assurant une commémoration dans la paroisse. Et les moines sont totalement exclus du système. Ni la présence des moines ou des reliques, ni la sainteté du lieu n’est invoquée par Niçon pour justifier sa fondation. Les chapelains sont des séculiers, nommés partiellement par un séculier. La chapellenie Niçon constitue une intrusion du monde séculier dans celui des moines, même si l’archidiacre conserve la nomination d’un chapelain sur deux et si l’abbé se réserve le droit de nommer les chapelains en cas de défaillance214.
106Cette intrusion fonctionne dans les deux sens. Non seulement une chapelle du monastère est privatisée, mais il arrive qu’un moine fonde son anniversaire dans une église paroissiale du bourg. Le cas est attesté en 1477 avec le testament de Vauthier de Langres, moine et infirmier de l’abbaye de Cluny215. Sa fondation dans l’église Saint-Marcel est double. D’une part, il fonde une messe perpétuelle le lundi pour le salut des paroissiens morts de Saint-Marcel. Elle sera célébrée immédiatement après la messe chantée pour les âmes du Purgatoire, entre six et sept heures du matin, c’est-à-dire, précise le notaire, l’heure où l’on sonne Prime dans le monastère216. On note le souci de marquer les équivalences entre le temps monastique et le temps séculier. Les deux mondes n’ont plus le même système de valeur217. La fondation de Vauthier de Langres se veut une commémoration communautaire pour soulager tous les paroissiens morts de Saint-Marcel, indépendamment de leurs dons personnels. Le moine est vraisemblablement originaire de la paroisse. D’autre part, il demande aux chapelains de Saint-Marcel de célébrer, le jour de sa mort, une messe accompagnée des collectes et des suffrages habituels, suivie du trentain pour le salut de son âme, de ses parents et de ses amis défunts ; puis il fonde une messe annuelle perpétuelle pour le salut de son âme et des siens que l’on célèbrera une semaine avant le Vendredi Saint sur l’autel majeur de l’église Saint-Marcel. De la part d’un moine de Cluny, une telle fondation ne laisse pas de surprendre. Elle prouve à l’évidence que la commémoration des frères n’est plus considérée comme suffisamment efficace pour assurer les suffrages nécessaires à la purgation. On mesure la distance avec le Cluny du XIe siècle où Jotsaud, biographe de saint Odilon, faisait plaider un ermite de la mer Ionienne en faveur des prières clunisiennes pour les âmes des défunts218.
L’économie paroissiale
107Tous les testaments mentionnent des dons aux curés et aux prêtres desservants. Un seul exemple atteste des dons en nature : le prêtre Gaillard Raclet donne à son église Saint-Marcel des pichets d’huile pour alimenter les lampes disposées devant le maître-autel, l’autel de Marie-Madeleine et une image de la Vierge dans la chapelle qui lui est dédiée219. Les autres testaments ne font figurer que des « dons » en argent. Entendons-nous bien. Les verbes dare et legare sont généralement employés, comme dans le testament de Peronette, fille de Rose Maygredons, en mai 1358 :
Tout d’abord, elle recommande son âme à son Très haut créateur, elle élit sa sépulture dans le cimetière de l’église Saint-Marcel de Cluny et elle a donné et légué au curé de ce lieu pour le droit de sa sépulture, trois sols tournois, une fois220.
108Mais chaque « don » est explicitement lié à un service liturgique précis, demandé au curé ou aux prêtres sociétaires :
Elle veut et demande que le psautier soit lu le jour comme la nuit de son enterrement par huit clercs ou prêtres et elle veut que soient donnés à chaque lecteur douze deniers parisis, une fois.
Elle veut faire célébrer dans l’église Saint-Marcel de Cluny soixante messes pour le salut de son âme et de ses parents et, à chaque célébrant, pour chaque messe, elle veut que soient donnés dix deniers tournois, une fois221.
109Il s’agit donc moins de « dons » que de paiements pour services rendus. La sépulture, les messes anniversaires, la lecture du psautier ou l’entretien du luminaire sur la tombe se paient. L’argent perçu par les prêtres ne doit pas être employé à autre chose que ce qui a été explicitement demandé et consigné dans le testament devant témoins. Deux types de versement sont adoptés. Pour les cérémonies célébrées le jour de l’enterrement ou dans les semaines qui suivent, comme le trentain, le paiement est unique et non renouvelable. Pour les célébrations durables, on adopte volontiers le système de la rente assignée sur des biens fonciers ou immobiliers, versée pendant un temps proportionnel à la durée des services demandés (une année, cinq ans, à perpétuité)222. Le terme des rentes est, sauf exception, la Saint-Martin d’hiver, échéance habituelle pour les Clunisois qui versent à cette date une partie des redevances au chambrier et au doyen de Cluny. Lorsque les services demandés sont nombreux et onéreux, on préfèrera donner une très forte somme ou un bien-fonds richement doté dont les revenus pourvoiront aux dépenses annuelles. Tel est le choix de Barthélemy Caigneaud et de Vauthier de Langres, respectivement en 1450 et 1477. Le premier lègue le pré Bénetin, vaste terre située le long de la Grosne au nord de Cluny. Il possédait là une grange, un droit de pêcherie dans la Grosne et la basse justice. L’ensemble revient aux prêtres de Saint-Marcel. Le second lègue aux mêmes prêtres cent-vingt-et-une livres tournois pour tous les services demandés223.
110Les « dons » ponctuels et les rentes sont des échanges monétarisés. Ils assurent aux prêtres des revenus réguliers importants qui s’ajoutent aux revenus du casuel (altare, presbyteratus) comme les oblations, les dons pour les baptêmes ou les mariages ; malheureusement on ne sait rien de ceux-ci pour les paroisses clunisoises. Une part essentielle des revenus des prêtres et, par voie de conséquence, des échanges entre clercs et laïcs, nous échappe ainsi. Il en va de même pour les dîmes. Les rentiers du XIVe siècle des paroisses Saint-Maïeul et Saint-Marcel et quelques actes originaux des années 1340-1500 montrent en revanche que les échanges économiques entre les prêtres clunisois et les habitants du bourg, voire de la proche banlieue, dépassaient largement le cadre de l’intercession pour le salut. Les vestiges des archives paroissiales de Cluny conservent quelques actes attestant des achats de rentes par les prêtres sociétaires224. Les motifs ne sont pas invoqués, mais la solution la plus probable semble le besoin de liquidités des vendeurs. Les rentiers signalent également de nombreuses reconnaissances de dettes aux prêtres sociétaires. Certaines sont liées à des services liturgiques fondés par voie testamentaire, mais d’autres résultent de prêts (ex mutuo, ex causa veri et legitimi mutui)225.
111Les curés et prêtres sociétaires de Cluny apparaissent ainsi au cœur d’un réseau d’échange de biens matériels et spirituels. Ils achètent, louent, vendent des maisons et des terres, des rentes sur ces biens, en même temps qu’ils vendent leurs services liturgiques. Intercesseurs obligés pour abréger le temps purgatoire, ils permettent également aux Clunisois de soulager leur vie terrestre en obtenant les liquidités dont ils ont besoin. La sphère de l’au-delà et celle du monde présent sont étroitement mêlées et soumises au même système d’échange monétarisé226. Les curés et les sociétaires ont majoritairement remplacé les moines, maîtres des échanges jusqu’au XIIe siècle dans un système fondé sur des bases différentes. Les moines ont accumulé les donations de terres, d’hommes et de biens d’exploitation, les ont conservés en les proclamant inviolables et irrévocables, parce que donnés à Dieu et à ses saints. Considérées comme définitives, les donations engageaient tout le lignage du donateur, lui assurant une commémoraison perpétuelle et une association de prières avec les moines. Seuls les propriétaires fonciers suffisamment riches pour supporter de telles aliénations étaient concernés par le système. Les autres étaient tous peu ou prou des serviteurs appelés à participer par leur « travail » à l’approvisionnement des deux catégories dominantes. Les « dons », les ventes et les locations dont bénéficient les prêtres clunisois à la fin du Moyen Age sont comptables et monétarisés. Ils se sont adaptés aux besoins, aux modes de vie et aux finances des bourgeois, permettant à un plus large spectre social de participer activement à l’édification de l’ecclesia.
Les institutions caritatives
112En 1360, Gaillard Raclet cède une partie de ses biens à des associations caritatives. Il lègue quatre toiles de lin à l’hôpital Saint-Marcel et deux à l’hôpital Saint-Lazare. Ce témoignage unique fournit l’occasion de rassembler les quelques données connues sur ces établissements227.
113L’hôpital Saint-Marcel se situait dans la rue Filaterie en face de la rue du Bourg Neuf, aujourd’hui rue des Tanneries (carte 43)228. Le mur nord de son ancienne chapelle, ornée d’une fenêtre gothique à remplage de la fin du Moyen Age, est le seul vestige subsistant, connu dans la mémoire clunisoise sous le nom d’hospice Saint-Blaise. Cette confusion n’est qu’apparente. La chapelle de l’hôpital Saint-Marcel était dédiée à saint Blaise et elle a donné son nom à l’hôpital lui-même229. L’hôpital Saint-Marcel/Saint-Blaise n’est autre que l’hospice pour les pauvres fondé en 1065 par le juvenis Joceran230. Et si la donation initiale prévoyait l’installation d’un serviteur laïque pour administrer le soin des pauvres, les archives de l’hôpital Saint-Blaise, bien conservées à partir du XVIe siècle231, montrent que le véritable administrateur de l’hôpital reste le monastère. Le recteur de Saint-Blaise est un moine, aidé dans sa tâche par un hospitalarius, clerc séculier, et par plusieurs serviteurs laïques. L’archidiacre est chargé des visites de l’hôpital. La communauté d’habitants n’a aucun droit de regard sur l’accueil des pauvres ou l’administration du temporel de l’hôpital. Encore en 1595, les échevins se voient réprimandés par le recteur de Saint-Blaise parce qu’ils se sont opposés à l’exclusion d’un pauvre ayant résidé plus de six semaines dans l’hôpital alors qu’il ne devait pas y séjourner plus de deux ou trois jours. On leur rappelle notamment que l’hôpital n’est pas « subject à la visite par eux faicte, lequel n’est institué ny fondé par la ville ny aucuns des habitans d’icelle »232.
114L’hôpital Saint-Lazare est, comme son nom l’indique, une léproserie installée à moins d’un kilomètre au nord du bourg, près du chemin qui conduit à Massilly233 (carte 45). La fondation des léproseries dans l’Europe chrétienne médiévale a culminé entre 1150 et 1250, à la convergence d’un double mouvement initié, d’une part, par l’Église, soucieuse de purifier et d’encadrer plus étroitement la société, d’autre part, par les communautés d’habitants qui trouvent dans le soin des pauvres, malades et autres marginaux, une occasion de développer leur administration tout en accomplissant une œuvre salutaire234. Cluny n’est pas en reste. C’est en 1180, un an après le troisième concile de Latran qui prescrit d’éloigner les lépreux des églises et des cimetières paroissiaux, que la léproserie Saint-Lazare de Cluny est citée pour la première fois. Le comte de Mâcon, Girard, qui avait l’habitude de donner chaque année un repas au convent de Cluny et aux lépreux de Saint-Lazare, obtient de l’abbé Thibaud de Vermandois, en échange de l’abandon de plusieurs revendications sur les terres de l’abbaye de Cluny, le droit de ne plus donner ce repas. C’est le doyen de Chevignes qui s’en chargera désormais235. Le fait que le don de Girard ait été attribué « au convent et aux lépreux de Saint-Lazare » indique que l’administration de la léproserie appartenait alors au monastère. En revanche, la situation a changé à la fin du Moyen Age. On apprend en effet par un acte de 1479 que l’admission des lépreux dans l’hôpital Saint-Lazare était soumise à l’approbation de l’archidiacre après proposition des bourgeois, via leur procureur syndic236. La communauté d’habitants a donc réussi à prendre en charge une partie des activités caritatives de Cluny. C’est là un des signes supplémentaires de son évolution, que l’on ne perçoit, comme les autres, que par des traces infimes au hasard d’une documentation souvent muette sur ces questions. Il existait sans doute un cimetière autour de la léproserie, mais je n’en connais aucune mention237 et, a fortiori, il est impossible de dire si des bourgeois ont fondé là leur anniversaire.
115On comptait au XIVe siècle au moins deux autres établissements hospitaliers à Cluny : l’hôpital de la Chanaise, dont on ne sait rien sinon qu’il devait se situer dans la rue du même nom238, et l’hôpital Saint-Maïeul établi près de l’église du même vocable. Les recteurs de ces deux hôpitaux viennent prêter serment à Henri de Fautrières le 4 mai 1309 avec les autres bourgeois, mais on n’en sait pas davantage239. Un seul texte de la fin du XVe siècle permet de lever un coin du voile. En mai 1486, le curé et le recteur de l’hôpital Saint-Maïeul sont en proie à un vif différend. Le recteur a récemment décidé l’organisation d’une quête annuelle dans la paroisse au profit de l’hôpital, le jour de la Saint Maïeul. Le curé demande une compensation de sept panaux de seigle, mais le recteur refuse de payer. Le litige est porté devant le Parlement de Paris, puis les deux clercs s’accordent devant l’archidiacre, sollicité en tant que collector et protector de l’hôpital. Le curé accepte finalement le principe de la quête et le recteur se soumet au paiement des sept panaux. Néanmoins, il devra s’abstenir de quêter entre la petite porte de l’église et la porte d’entrée extérieure de la chapelle fondée par Jean Germain, comme dans le lieu où sont baptisés les enfants. En revanche, il est autorisé à quêter dans le cimetière et dans l’église, uniquement derrière le chœur240.
116Ces quelques documents laissent apparaître une situation contrastée. D’une part, l’abbé conserve jusqu’à une période très tardive la mainmise sur un des hôpitaux de Cluny, Saint-Marcel/Saint-Blaise. D’autre part, la communauté d’habitants a pris une part active dans l’administration de la léproserie Saint-Lazare. Dans tous les établissements, y compris à Saint-Lazare, l’archidiacre conserve un droit de regard. Les visites lui appartiennent comme la nomination des recteurs. Il en va du domaine de la charité comme de celui de l’administration du bourg. La communauté d’habitants ne peut prendre en mains les affaires clunisoises que sous le contrôle d’un représentant du convent.
Les institutions confraternelles
117Les societates de prêtres ne sont pas les seules organisations confraternelles du bourg abbatial. Les laïcs sont intégrés dans une ou plusieurs associations grâce auxquelles ils peuvent échapper à l’isolement, participer aux activités collectives, et éventuellement bénéficier de suffrages post mortem grâce à leurs confrères241. La fabrique de la paroisse Saint-Marcel figure parmi les légataires de Gaillard Raclet en 1360 pour la somme modique de trois sous242. En 1477, ses représentants approuvent au nom des autres paroissiens la donation testamentaire de l’infirmier du monastère instituant chaque lundi une messe pour le salut des paroissiens défunts243. Hors de ces deux mentions, la fabrique reste dans l’ombre. Sans doute devait-elle, comme toutes les autres, participer à l’entretien de l’église, réunir annuellement ses membres lors d’un banquet et financer une messe annuelle pour le salut des fabriciens. Des confréries paroissiales existent dans le Clunisois dès la deuxième moitié du XIIIe siècle ; c’est par exemple le cas à Merzé244. À Cluny, il est impossible de dater leur apparition, ni même d’affirmer que chaque paroisse en possédait une.
118Le bourg tout entier est également le cadre d’une confrérie si l’on en croit l’unique mention des confraries que les bourgeois, impliqués dans l’achat de l’hôtel de ville, disent tenir annuellement dans la ville :
... iceulx bourgoys et habitans [...] ayant achater et acquis une mayson en vostre dite ville sise et situee en icelle ville [...] pour garder et respouser lesdites lettres instrumens artilleries et aultres chouses appertenans au commung de vostredite ville et aussi pour faire aulcunes confraries que lon fait tous les ans en icelle vostre ville…245.
119Il s’agissait peut-être d’une confrérie du Saint-Esprit rassemblant, indépendamment de leurs appartenances paroissiales, familiales ou professionnelles, tous les habitants du bourg qui le souhaitaient et qui payaient une petite somme246. Ce genre de confréries s’est développé notamment dans les villages ou dans les villes qui ne disposaient pas d’une organisation municipale forte, comme Cluny. Le lien entre la maison commune et la confrérie est ici très net. Pour les bourgeois, il s’agissait d’un moyen solide pour manifester leur solidarité en dehors de la domination abbatiale. Dommage que les archives n’en parlent pas davantage.
***
120Au milieu du XVe siècle, la paroisse est le cadre essentiel de la sociabilité clunisoise. Le monastère, seul autre choix offert aux bourgeois, n’est plus efficace. On ne se tourne pas vers lui et on ne demande plus aux moines d’intercéder pour le salut de son âme. Les prêtres séculiers, parfois aidés par les fabriques, font bien mieux l’affaire. Ils sont plus proches des laïcs et ont su s’associer à eux pour créer un système d’échanges qui couvre tous les domaines de la vie présente et future. Les curés et les prêtres sociétaires sont les piliers de la communauté clunisoise du bas Moyen Age. On les retrouve aux côtés des notaires et de quelques marchands opulents parmi les représentants « les plus sains » de la population du bourg. Le paysage urbain porte la marque de cette tripartition. Les lieux de sociabilité sont les quartiers des notaires, des bouchers et des prêtres, les églises paroissiales et plus particulièrement l’église Notre-Dame et la place qui lui fait face. Dans ces lieux, les vivants côtoient les morts, physiquement dans le cimetière, spirituellement dans les fraternités de prières et les célébrations quotidiennes de messes pour les défunts. Ce sont leurs morts, et non ceux des moines. Et si, peu après son élection, chaque nouvel abbé prend soin de convier la totalité des hommes pubères du bourg pour lui prêter serment, dans les palais du monastère ou dans le cimetière des moines comme le fait Jean de Bourbon en 1456, ce n’est là qu’une cérémonie exceptionnelle, une sorte de rattrapage de la communauté monastique qui veut rappeler les fondements de la paix, mais dont les habitants ne sont sans doute pas dupes.
121L’écart s’est creusé depuis longtemps entre l’idéal communautaire clunisien et l’organisation de la communauté clunisoise qui s’efforce de passer outre la médiation des moines. Elle n’y parvient pas encore. L’abbé, par l’intermédiaire de l’archidiacre, conserve le contrôle des curés, des chapelains et des recteurs d’hôpitaux. Par l’intermédiaire du doyen ou du juge-mage, il conserve la maîtrise de la justice. Ses officiers monastiques, omniprésents, maintiennent l’inclusion fondamentale de la communauté clunisoise dans la communauté clunisienne. Mais lorsque les combats de la guerre de Cent Ans sont terminés et avant les nouvelles offensives dues aux conflits entre Louis XI et Charles le Téméraire, les Clunisois se sentent pousser des ailes. Ils revendiquent ce qu’ils n’avaient jamais osé demander auparavant et se heurtent, pendant quinze ans, à deux abbés qui brandissent leurs privilèges ancestraux, en des discours résonnant comme l’écho d’un âge révolu.
ÉPILOGUE. LES PROCÈS DES ANNÉES 1450-1465
122Après la tentative ratée des Armagnacs de prendre Cluny, en août 1430, le bourg abbatial ne connaît plus de véritable danger extérieur. Les Écorcheurs qui ravagent la Bourgogne entre 1437 et 1445 entravent sérieusement le commerce, mais ne menacent pas les villes247. À l’intérieur des murs clunisois, les tensions se sont apaisées. Le dernier litige entre la communauté d’habitants et le convent remonte, si l’on suit les sources conservées, à 1392. Il s’agissait alors de faire respecter l’accord conclu en 1378, au terme duquel les Clunisois s’engageaient à payer les redevances au taux fort. Sollicité par l’abbé Jean de Damas Cozan, Charles VI confirme l’accord et ordonne aux habitants de s’y soumettre. Ils acquiescent et le paiement en monnaie forte devient une coutume incontournable248.
123L’agitation revient dans le deuxième tiers du XVe siècle. En 1433, l’abbé s’oppose à la nomination du capitaine de ville par la communauté d’habitants. Il perd le procès. La même année, plusieurs habitants se confrontent au sous-chambrier au sujet des droits de chasse qu’ils revendiquent dans les bois de l’abbé de Cluny. Il va sans dire que leurs requêtes sont vivement repoussées249. Entre 1446 et 1448, les litiges rebondissent au sujet des rentes versées aux églises paroissiales. L’abbé se plaint des aliénations de plus en plus fréquentes de biens relevant de son domaine direct. Des maisons ou des terres lui appartenant et grevées de rentes sont données, vendues ou hypothéquées contre des emprunts aux curés, de telle sorte que le convent perd une part substantielle de ses revenus, notamment les taxes de mutation. Par-dessus tout, les habitants réussissent à obtenir des lettres du roi leur autorisant de telles pratiques. Deux ans de procès sont nécessaires pour faire plier les Clunisois, reconnaître les lettres royaux comme subreptices et rappeler l’interdiction d’aliéner le domaine direct de l’abbé sans sa permission250.
124Puis c’est l’engrenage. En février 1451, le groupe d’échevins autoproclamés achètent la maison de Jacques Germanet, place Notre-Dame, pour en faire une maison commune251. En juillet de la même année, ils refusent de réparer la partie de l’enceinte abbatiale qui en a le plus besoin. Les procureurs de l’abbé interviennent et s’aperçoivent rapidement que l’argent prélevé depuis plusieurs années pour l’entretien des fortifications a été détourné vers un tout autre usage. Le ton monte et les revendications se durcissent. Les habitants refusent de procéder aux réparations et refusent de remettre leurs comptes. Ils revendiquent l’abolition des privilèges exemptant le convent de l’imposition pour les fortifications252. Les voies de la conciliation n’aboutissent à rien. En juin 1452, l’abbé Eudes de la Perrière s’adresse à Charles VII. Par lettres patentes datées du 2 juillet 1452, le roi confirme l’exemption du convent et intime l’ordre aux habitants de procéder aux réparations. Les habitants refusent l’exécution des lettres et sont, par conséquent, ajournés en cas d’opposition devant le bailli de Mâcon qui, depuis mars précédent, entend déjà les procureurs des deux parties au sujet de l’hôtel de ville. Les deux procès sont menés de front pendant dix ans. Les audiences pour l’hôtel de ville s’étalent entre mars 1452 et avril 1461. Celles pour les fortifications commencent en octobre 1452 et s’achèvent en mars 1461253.
125Deux autres conflits surgissent dans le même temps. En septembre 1460, grâce à leur complicité avec un sergent royal de Mâcon, les habitants de Cluny ont obtenu de nouvelles lettres royaux subreptices leur accordant de ne plus payer les coupons sur le blé, ni de payer les lods sur les transactions foncières dans la ville. Le 23 mars 1461, l’abbé Jean de Bourbon fait appel devant le Parlement de Paris contre l’exécution de ces lettres et contre les personnes qui les ont demandées254. Il obtient gain de cause et le droit de couponage est rétabli comme au bon vieux temps. Les officiers abbatiaux se montrent d’ailleurs particulièrement zélés pendant toute la première moitié du XVIe siècle pour le faire respecter255. De nouveau entre 1465 et 1467, on sollicite procureurs et enquêteurs au sujet d’un litige sur le guet256. Il s’agit notamment de savoir qui doit payer les gardes de la tour ronde, à l’angle nord-est du monastère, et ceux du grand portail de l’abbaye. Les habitants refusent de s’en charger sous prétexte qu’il s’agit des tours de l’enceinte abbatiale, qui plus est fort mal placées pour assurer une défense correcte. Ils refusent également d’assurer le guet sur la tour du Fouettin située à l’angle sud-est de la ville. Deux ans de procédure sont nécessaires pour confronter les arguments respectifs et jauger si la tour ronde et le grand portail ne sont pas moins bien placés que la tour du Fouettin ou le clocher de Saint-Maïeul, points culminants de la ville, pour assurer le guet et alerter en cas de danger, aux sons des trompes et des cloches, les habitants des lieux circonvoisins. Deux ans qui s’achèvent par une transaction à l’amiable, sollicitée par les habitants de Cluny257.
126Les revendications des habitants s’attaquent aux fondements de la paix clunisienne établie depuis des générations. Par l’acquisition de la maison commune, ils s’en prennent au contrôle obligé de l’administration du bourg par les officiers abbatiaux. En demandant l’imposition des membres du convent pour financer les fortifications, ils veulent mettre fin au statut spécial des moines, statut sur lequel repose l’organisation sociale depuis le Xe siècle. En refusant de réparer l’enceinte abbatiale et en se soustrayant au devoir de guet sur les tours du monastère, ils brisent le contrat conclu avec Pierre le Vénérable en 1145 au terme duquel ils sont tenus de défendre l’ecclesia, ses hommes et ses biens en cas de menace. Ce n’est donc pas qu’une question de hauteur ou d’emplacement stratégique entre le portail abbatial et le clocher de Saint-Maïeul, mais bien d’une contestation fondamentale sur la part de chacun dans l’œuvre commune. En 1450, les Clunisois ne se sentent plus membres de la communauté clunisienne. Ils se sentent membres de la communauté clunisoise. La guerre leur a permis de s’en rendre compte, et le roi n’y est pas pour rien.
127En face, l’abbé se tient raide sur ses privilèges ancestraux. Les articles produits devant le juge du bailli de Mâcon par le procureur d’Eudes de la Perrière, le 4 avril 1452, en témoignent. Il s’agissait de répondre point par point à l’achat de la maison commune258. Le procureur commence par invoquer la sauvegarde royale et les nombreux privilèges qui la garantissent. Puis, un par un, il énumère les prérogatives de l’abbé seigneur, bafoués par l’achat de la maison.
Le dit Révérend Père, à cause de son Église de Cluny, de tout temps est seigneur de la ville de Cluny et il a l’habitude et la coutume d’avoir dans cette ville, toute la juridiction temporelle haute, moyenne et basse, et l’empire, pur et mixte, dans l’étendue des limites de la ville et sur tous ses habitants259.
128L’abbé de Cluny est un seigneur (dominus). Son statut lui vient de l’Église de Cluny (ad causam sue ecclesie Cluniacensis). Sa domination s’étend sur un territoire précisément délimité et sur tous les hommes qui y résident. Le procureur définit la domination abbatiale à la fois avec le vocabulaire seigneurial des XIe - XIIe siècles et ceux, plus modernes, de la souveraineté. Dominus, ecclesia Cluniacensis, limites ville : voilà pour l’archaïsme, version XIIe siècle. À cela, le procureur prend soin d’ajouter l’expression la plus complète de la souveraineté glosée par les décrétistes et les civilistes depuis le XIIIe siècle, le merum et mixtum imperium260. L’abbé de Cluny est « empereur en sa ville ». Autrement dit c’est un très grand prince dans un tout petit lieu. Un seigneur d’Église qui prétend exercer son Empire, par définition universel, sur une localité qui n’excède pas quelques kilomètres carrés ! Tout cela n’a finalement pas grand sens si ce n’est de faire référence aux concepts qui résonnent comme l’expression moderne du pouvoir aux oreilles des juristes et des moines261. C’est une parure supplémentaire que l’abbé de Cluny porte de manière presque décorative au-dessus de ses vêtements soyeux qui ont remplacé la bure.
129Le procureur continue :
De plus, le seigneur abbé, à cause de ce qui a été dit, a, a eu et a l’habitude d’avoir, lui-même et par ses prédécesseurs, abbés de Cluny, le droit, la prérogative, la faculté, la jouissance, la possession et la saisine de convoquer ou faire convoquer et représenter, lui-même ou par ses officiers, chaque fois que cela est opportun, pour toutes les actions nécessaires concernant ladite Église et aussi la ville et la chose publique, lesdits résidants et habitants de cette ville de Cluny ou leur majeure et plus saine partie, dans la maison ou la cour du susdit doyenné de Cluny ; et de rassembler pour cela lesdits manants et habitants par tous les moyens et modes requis et opportuns262.
130Là encore, rien de nouveau. Les assemblées se tiennent depuis des décennies dans le doyenné sous le contrôle du doyen ou de l’archidiacre et l’abbé n’entend pas céder un pouce sur le sujet. Pour le justifier, son procureur fait appel au droit et à la coutume, énumérant une série de termes qui qualifient les différentes formes de possession, d’usage et de propriété : jus, prerogativa, facultas, usus, possessio, saisina263. Il fait référence aux predecessores de l’abbé et à leur prérogative, en tant que tête de l’ecclesia Cluniacensis, de convoquer les assemblées. Mais que vaut cette rhétorique de la possession imprescriptible face aux habitants qui se réunissent devant la boucherie ou l’église Notre-Dame et achètent, sans même en parler à l’abbé, une maison pour tenir leurs confréries ?
131D’ailleurs, le réquisitoire du procureur abbatial n’aura aucune efficacité. Le juge du bailliage l’enregistre et demande aux habitants de répondre, ce qu’ils ne font pas avant septembre 1456, et leurs arguments se tiennent sur un tout autre terrain, celui de la procédure judiciaire dont ils contestent la validité264. Le juge se contente pendant plus de quatre ans d’enregistrer les positions respectives de chacun, sans pouvoir trancher. Si le procès s’arrête en avril 1461, et avec lui celui qui portait sur les fortifications, c’est sans doute parce que les habitants n’ont plus de quoi payer les fréquentes plaidoiries des avocats et la rédaction des actes demandés par chaque procureur. La conciliation s’impose et, cette fois encore, ils doivent accepter, au moins formellement, la restauration du statu quo. La possession d’un hôtel de ville n’est pas autorisée ; les réparations sur l’enceinte abbatiale doivent être entreprises ; l’exemption fiscale du convent n’est plus remise en cause.
132La façade du pouvoir abbatial est donc maintenue. Tous les conflits prennent fin dans la décennie 1460 et, de nouveau, les tensions s’apaisent pour une très longue période. Il faut attendre le début du XVIIe siècle pour que les habitants obtiennent les droits d’usage dans les bois et les cours d’eau de l’abbé ; la fin du XVIIe siècle pour qu’ils jouissent réellement d’un hôtel de ville, dans une maison achetée en 1619, située certes à côté des écoles de la ville, mais dans une rue étroite, sur les pentes de la colline Saint-Odile, tout près de l’enceinte265. Cette première « maison des échevins » n’est pas contestée, mais elle ne réunit pas les qualités de la maison de la place Notre-Dame. Dans ces mêmes années, les moines devront accepter l’installation dans la ville d’un couvent d’Ursulines, d’une confrérie de Pénitents blancs et d’un couvent de Récollets. Ils devront également abandonner leur mainmise partielle sur la charité clunisoise en voyant disparaître l’hôpital Saint-Blaise au profit d’un hôtel-Dieu séculier. En 1744, au terme d’un long procès qui les oppose à l’évêque de Mâcon, les moines perdent leur dernière grande bataille : celle de l’exemption. Cluny n’est plus un monastère exempt. L’archidiacre disparaît et c’est désormais l’évêque de Mâcon qui récupère la juridiction ecclésiastique sur le territoire de Cluny. Le dernier vestige est celui de la justice séculière que l’abbé n’abandonne qu’au terme de son histoire, en 1790, bien que depuis le milieu du XVIe siècle le juge-mage soit un laïc et que son hôtel, sis dans la rue principale du bourg, concurrence très nettement la cour du doyenné.
133L’histoire est donc loin d’être terminée en 1465, mais les conflits du XVe siècle montrent que la communauté clunisienne et la communauté clunisoise ne marchent plus de concert. Ce sont deux mondes parallèles qui cohabitent plus qu’ils ne se soutiennent. L’inclusion rêvée du burgensis Cluniacensis dans la communauté idéale de l’ecclesia Cluniacensis n’est plus qu’un vieux souvenir.
Notes de bas de page
1 BnF, coll. Moreau 216, fo 126, éd. C 5505. L’original était, selon L. de Barive, un parchemin de 8 x 8,5 pouces, conservé dans un grand coffre gisant sur le pavé, au bas des armoires. 1ère liasse, cote 36.
2 BnF, coll. Moreau 216, fo 126. Après avoir résumé et copié l’acte, L. de Barive note : Et cela sans date ni formalités, mais de l’ecriture d’environ l’an 1300, ou même plustôt. Cette note a été utilisée par les éditeurs de l’acte pour le situer vers « 1300 environ » (C 5505).
3 G. de Valous, « Cluny », col. 94-96, mentionne deux révoltes des habitants sous l’abbatiat de Bertrand du Colombier : l’une vers 1300 (sur la base de la mention des éditeurs de C 5505 qui situent l’acte « vers 1300 ») et l’autre entre 1307 et 1309. Il s’agit en fait de la même.
4 C 4425 et supra, p. 408.
5 Charvin, II, p. 258.
6 Acte connu par sa mention dans l’inventaire des archives abbatiales : AD71, H 22, fo 35v, éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 85, no 628.
7 Cette exemption est instituée par l’abbé Yves II en mars 1287 (n.s.) puis confirmée par Bertrand du Colombier en octobre 1301. Ce dernier fait rédiger un vidimus des lettres d’Yves II : BnF, nouv. acq. fr. 5265, fo 13 (no 8).
8 Par exemple, ventes, échanges, donations ou reconnaissances de rentes sur des biens fonciers ou des maisons sis à Cluny ou dans la proche banlieue, entre 1234 et 1306 : C 4650, 4903, 4970, 5032, 5039, 5040, 5050, 5067, 5138, 5173, 5194, 5222, 5223, 5227, 5228, 5281, 5293, 5294, 5298, 5307, 5322 ; BnF, lat. 9878, fo 19r-21v, 29v, 33v-34r ; coll. Moreau 218, fo 229.
9 C 5505.
10 C. Petit-Dutaillis, Les communes françaises, p. 32, 293 (n. 64) ; P. Michaud-Quantin, Universitas, p. 147-153 ; J. Quillet, « Communauté, conseil et représentation », dans J. H. Burns, dir., Histoire de la pensée politique médiévale, p. 494-497 ; A. Rigaudière, « Universitas, corpus, communitas », p. 25-27.
11 À cette date, elle est fréquemment utilisée par les procureurs et avocats chargés de défendre l’abbé ou les habitants lors des procès relatifs à l’hôtel de ville et au financement des fortifications : AMCl., FF 1.1, FF 1.2.
12 Du Cange, Glossarium, t. VII, p. 35-36, 397 ; Dictionnaire historique de la langue française, p. 3439.
13 Mittellateinisches Wörterbuch, II, col. 661-664 ; P. michaud-Quantin, Universitas, p. 111-117.
14 M, Praevia, p. cclviii (= BC, col. 592) ; C 4205.
15 C 5505 : ad presentiam decani non sicut burgenses, set sicut hostes, armati cum gladiis, arbalistis, januam magnam intraverunt, et eam violenter occupaverunt, quod de jure facere non poterant nec debebant.
16 C 5505.
17 A. Blaise, Dictionnaire latin-français, p. 342 ; J. F. Niermeyer, Mediae latinitatis, p. 403.
18 La notification de l’excommunication n’est connue que par son analyse dans l’inventaire des archives de l’abbaye en 1682 : « Excommunication des habitans de Cluny, leurs femmes et enffans, et de ceux quy mangeroient avec eux, comme aussy des prestres quy les admettroient aux sacrements, par Bertrand, abbé de Cluny, à cause de la rébellion desdits habitans contre ledit s. abbé et son églize, en 1307, cotté 211 », AD71, H 22, fo 35v (éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 85, no 629). Lambert de Barive l’avait repérée lors de son séjour dans le chartrier. Il en donne l’analyse suivante : « no 166 : Excommunication des habitants de Cluny leurs femmes et enfants et de ceus qui mangeroient avec eux, comme aussi des prêtres et religieux qui les admettroient aux sacrements par Bertrand abbé de Cluny a cause de la rébellion desdits habitans contre ledit seigneur abbé et son église en 1307, signifiée aux prieur doyen et religieux du monastère ainsi qu’aux curés et prêtres de la ville », BnF, lat. 9091, fo 114. On note l’usage du mot rébellion qui se trouvait vraisemblablement dans le texte original.
19 Chronicon Cluniacense, éd. BC, col. 1669-1670. G. de Valous, « Cluny », col. 96.
20 BnF, coll. Bourgogne 82, no 380-381.
21 BnF, coll. Bourgogne 82, no 380. La date est présentée ainsi : Anno Domini millesimo tricentesimo nono die dominica post festum beati Georgii. La Saint-Georges est le 23 avril, qui, en 1309, tombe un mercredi. Le dimanche suivant est donc le 27. En 1309, Pâques tombe le 30 mars. Datations à l’aide de A. Giry, Manuel de diplomatique et de A. Capelli, Cronologia.
22 J’interprète ainsi l’expression in logiis ecclesie Cluniacensis. Le terme logia désigne généralement des galeries ou auvents attenants aux édifices princiers ou religieux (J. F. Niermeyer, Mediae latinitatis, p. 584). À Cluny, la « cour intérieure du monastère » située au sud de l’église abbatiale était entourée de galeries donnant accès aux hôtelleries (ouest et sud), aux palais abbatiaux puis au cloître (à l’est) : K. J. Conant, Cluny, notamment pl. VIII, IX, XXX.
23 BnF, coll. Bourgogne 82, no 381. La date est la suivante : Anno Domini millesimo tricentesimo nono die dominica post festum apostolorum Philippi et Jacobi. La Saint-Philippe-et-Jacques[-le-mineur] est le 1er mai qui, en 1309, tombe un mercredi.
24 La teneur du serment est la même le 27 avril et le 4 mai 1309, BnF, coll. Bourgogne 82, no 380-381 : Omnes predicti superius nominati habitatores ville Cluniacensis unanimes et concordes, ex certa scientia sua et spontanea voluntate, venientes in logiis ecclesie Cluniacensis coram reverendo in Christo Patre ac domino Henrico, divina permissione abbate Cluniacensi, eidem domino abbati omnes predicti superius nominati et singuli eorumdem, coram dicto mandato nostro, super sancta dei evangelia tacto libro et extractis caputiis, juraverunt et per iuramenta sua prestita promiserunt predicto domino abbati se esse fideles et etiam custodire vitam et membra ipsius domini abbatis custodire et servare, et pro posse suo tueri et defendire contra omnes a quibuscunque personis et in omnibus et per omnia honorem ipsius procurare et servare utile et bonum ac sanum consilium cum ab ipso super hoc requisiti fuerint sibi dare, contra omnes consilium et secretum ipsius nemini revelare, contra omnes malefactores ipsius et ecclesie Cluniacensis se opponire toto posse suo et jura iurisdictiones omnia dicte ecclesie defensare, secreta ipsius celare sicut secreta domini sui ; decetero nullas conspirationes juramentas vel conventiones clam vel palam facere contra ipsum vel ecclesiam Cluniacensem aut conventum eiusdem loci, immo prefato domino abbati et suis successoribus universis perpetuo et fideliter obedire in omnibus licitis et honestis quando et quociens super hoc sive super hiis fuerint requisiti.
25 Sur ces rituels : J. Le Goff, « Le rituel symbolique de la vassalité ».
26 La date est la suivante : Anno Domini millesimo tricentesimo nono die sabbati post translationem beati Nicholay. La Translation de saint Nicolas est le 9 mai, qui, en 1309, tombe un vendredi.
27 BnF, coll. Bourgogne 82, no 382 : [...] venerunt in capitulo Cluniacensi hora prima consueta domino abbati et conventui Cluniaci ad capitulandum ibidem ubi Reverendus in Christo Pater ac dominus Henricus divina permissione abbas Cluniacensis totusque conventus eiusdem loci erant in capitulo insimul congregati canpana pulsata. Qui procuratores amoventes de capitibus suis caputia sua, flexis genibus iunctisque manibus, humiliter et devote et capitibus inclinatis, coram domino abbate et toto conventu predictis, tam pro se quam nomine procuratorum predictorum in dicto procuratorio contentorum, petierunt veniam sibi dari et benigniter indulgeri a domino abbate et conventu predictis de commissis omnibus per eosdem contra ipso. Qui dominus abbas et conventus predicti, zelo misericordie et pietatis commoti etiam et inducti, dictos burgenses pro se et nomine procuratorum aliorum in dicto procuratorio contentorum tanquam homines suos favore benivolo prosequuntes eisdem omnibus omnia contra ipsos commissa misericorditer indulserunt ; veniamque de omnibus commissis hylariter concesserunt.
28 La bibliographie sur le sujet est abondante. On se repèrera avec les articles de P. Contamine, « Les fortifications urbaines en France » ; A. Rigaudière, « Le financement des fortifications urbaines en France » ; B. Chevalier, « Fiscalité municipale et fiscalité d’État », et les actes du colloque Les constructions civiles d’intérêt public. Pour Cluny, j’ai rassemblé les pièces essentielles du dossier dans D. Méhu, « Notes sur la construction ».
29 Parmi une bibliographie abondante : H. Dubois, Les foires de Chalon, p. 237-253 ; B. Schnerb, Les Armagnacs et les Bourguignons ; beaucoup plus anciens mais utile : E. Petit, Histoire des ducs de Bourgogne. Sur les combats dans la région de Cluny, un bon canevas événementiel dressé à partir des Comptes des ducs de Bourgogne est fourni par J.-L. Bazin, Brancion, p. 102-113.
30 AD21, B 3653, fo 55v-56r ; cité par J.-L. Bazin, Brancion, p. 106, n. 9.
31 BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 12 : [...] mandamus vobis quatenus vos ad dictam villam et castra transferatis ipsisque visitetis et in casu predicto dicto abbati et eius gentibus et officiariis ex parte nostra precipiatis et iniungatis ut dictos burgenses et habitantes justiciabiles suos per viam debitam ad ponendum et tenendum gentes armorum albalestarios et alias provisiones necessarias in dictis castris compellat seu compelli faciat ad resistendum inimicis antedictis pro maiori periculo evitando. [...] pro resistendo in eisdem inimicis dicti regni nostri qui prope dictam villam in pluribus locis et partibus existunt, quae si per dictos inimicos quod absit caperentur et occuparentur inmensum periculum toti patrie circumvicine ac regno et subditis nostris posset generari.
32 AN, K 51, no 22.
33 BnF, fr. 20580, no 42. Les lettres de Charles V du 6 mai 1377 mentionnent le receveur de ladicte imposicion sans plus de précision, indiquant simplement qu’il devra rendre ses comptes au roi. En revanche, la confirmation du 29 juin 1378 indique explicitement qu’il s’agit du receveur des diz aides es cite et diocese de Mascon.
34 Comme l’a bien montré A. Rigaudière, « Le financement des fortifications », p. 456-460, la fiscalité directe pour l’entretien des fortifications n’est qu’un recours exceptionnel utilisé par les villes en appoint de la fiscalité indirecte.
35 BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 36 (= AD71, H suppl. Cluny 8.1 - copie du XIXe s. avec traduction). La porte « dite à la Cordière » n’a pas laissé de trace dans l’historiographie clunisoise. J’ignore où elle se trouvait. La porte du Merle était la porte occidentale de la ville.
36 BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 34 (juillet 1409) : il s’agit d’une aide demandée par Charles VI en 1403 ; elle n’a été payée qu’en 1409 !
37 BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 36.
38 Analyse détaillée des lettres d’Henri VI dans l’inventaire des archives de l’échevinage de Cluny : AMCl., II 5, fo 2r.
39 Octroi de Charles VII en 1444 copié dans le registre d’un procès entre l’abbé et les habitants de Cluny au sujet du détournement des subsides levés pour les fortifications : AMCl., FF 1.2, fo 33v-34v. Les autres octrois royaux et ducaux des XVe-XVIe s. sont perdus, mais leur analyse, parfois détaillée, est contenue dans l’inventaire des archives de l’échevinage : AMCl., II 5, fo 2v-4v.
40 Un an en 1377 et 1378 (AN, K 51, no 2 ; BnF, fr. 20580, no 42) ; quatre ans en 1424 et cinq ans en 1439 (AMCl., II 5, fo 2r-v). L’allongement de la durée des octrois est une constante de l’histoire urbaine du XVe s. : A. Rigaudière, « Le financement des fortifications », p. 446-447.
41 Octrois de Charles VII en 1439 (AMCl., II 5, fo 2v) ; en 1444 (AMCl., FF 1.2, fo 33v-34r).
42 L’octroi de Charles VII, le 1er décembre 1439, est le premier à mentionner cet impôt : AMCl., II 5, fo 2v. Les termes souquet ou souchet se rencontrent en Languedoc et en Auvergne pour qualifier l’impôt sur la diminution des mesures du vin. Appetissement, courte-pinte ou petit godet sont d’autres termes équivalents : A. Rigaudière, « Le financement des fortifications », p. 452.
43 Abolition de l’exemption du suchet revendiquée par les bourgeois entre 1452 et 1461 : AMCl., FF 1.2, fo 2. Demande de l’abolition du privilège sur la vente du grain en 1461 : BnF, coll. Bourgogne 84, no 527. Taxe de 1455 : BnF, nouv. acq. lat. 2267, no 5.
44 BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 36 : dominus Guillelmus Perrete presbiter (paroisse Saint-Maïeul) et dominus Stephanus Pintat presbiter (paroisse Notre-Dame).
45 Les plus anciens comptes-rendus d’adjudication au rabais et à la chandelle conservés datent de 1569 : AMCl., DD 4, no 4, 9, 11. Sur la pratique des adjudications aux rabais et les prix-faits de travaux comme sources historiques, je renvoie à la thèse de P. Bernardi, Métiers du bâtiment et techniques de construction et Id., « Les contrats de construction ou prix-faits », dans Cent maisons médiévales, p. 31-32.
46 AMCl., CC 4.
47 AMCl., II 5, fo 30r-v.
48 Chartes de coutumes en Picardie, p. 82-83 ; P. Contamine, La guerre au Moyen Age, p. 182-183.
49 C 4098 bis : Postea consilio domini abbatis et meliorum burgensium poterunt remanere qui electi fuerint ad custodiendam villam...
50 Acte perdu mentionné dans l’inventaire des archives abbatiales : AD 71, H 22, fo 36r (éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 87, no 638).
51 AMCl., DD 1.1.
52 AD71, H 22, fo 36r. La nomination du capitaine a donné lieu à un procès entre l’abbé et les habitants en 1433 : les actes sont perdus mais cités dans l’inventaire des archives abbatiales : ibid. no 640.
53 AMCl., DD 2.1 ; FF 1.1, fo 48v.
54 AMCl., DD 1.1. ; FF 2, fo 11r-14r, 76r-v.
55 BnF, coll. Bourgogne 82, no 380-381 (1309) ; nouv. acq. lat. 2267, no 7 (1456). D’autres serments du même type ont été prêtés, mais les procès-verbaux sont perdus. L’inventaire des archives abbatiales de 1682 cite en tête de la layette « Droits et hauteurs de l’abbé de Cluny contre les habitans dudit Cluny » une série de onze « actes de serment » : celui de 1145, ceux de 1309 (deux actes), 1375 et 1382 à Jacques de Damas Cozan, 1400 à Raymond de Cadoëne, 1418 et 1422 à Robert de Chaudesolle, 1425 à Eudes de la Perrière et ceux de 1456 (deux actes) : AD71, H 22, fo 35r (éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 84-85, no 610-620). Mis à part les actes de 1382 et 1422, tous suivent de près la nomination de l’abbé.
56 Quinze ans est l’âge minimum à partir duquel la prestation du serment est obligatoire selon le sacramentum vel paccionum de 1145 (Pierre le Vénérable) : C 4098 bis. Conditions du civis de Cluny dans les chartes de coutumes de 1162/1173 : C 4205.
57 Même si les cognomina formés à partir d’un nom de métier sont nombreux (28 % en 1309 selon F. Maillard, « Les noms de personne », p. 205-207), on trouve très peu de personnes pour lesquelles la profession est explicitement mentionnée sous la forme nomen, cognomen, profession (par ex. en 1456, Johannes cordiez apothicarius). On en compte 13 en 1309 (2,2 %) et 3 en 1456 (1,0 %).
58 Un bon aperçu sur les cherches de feux est fourni par M.-A. Arnould, Les relevés de feux, p. 17-19.
59 AD21, B 11592, fo 1 : Cherche des feux des bailliages de Masconnoy, Auceurrois, Charroloys, duchie de Bourgongne, chastellenies de Chasteau Chynon, Bare sur Seyne et terres enclavées.
60 Ibid., fo 2r.
61 Ibid., fo 55r-78v. Les paroisses sont les suivantes : Berzé-le-Châtel, Jalogny, Mazille, Massy, Bergesserin, La Vineuse, Bussy, Curtil, Satonnay, Verchiseuil, Nancelle, Verzé, Vaux-Verzé, Brandon, Saint-Maurice-de-Satonnay, Montagny-sur-Grosne, Azé, Igé et Domange, Saint-André-le-Désert et Sainte-Colombe, La Mosoyerie (?), Masilly, Chigy et Lalheue, Sainte-Catherine-de-l’Abergement, Blanot, Donzy-le-Pertuis, Château, Buffières, Trambly, Commerçon, Vitry, La-Chapelle-du-Mont-de-France, Laizé, Blany, Saint-Vincent-des-Prés, Saint-Martin-de-Salencey, Varanges et Merzé, Pressysous-Dondin, Clermain, Ciergues, Donzy-le-National, Saint-Pierre-le-Vieux, Bourgvillain, Bray, Cortambert, Ameugny, Taizé, Massilly, Flagy, Cotte, Lournand, Saint-Point, Tramayes et Germolles, Sainte-Cécile.
62 Ibid., fo 57r.
63 Ibid., fo 36r-41r (Tournus), 41r-53v (Mâcon), 94r-96r (Saint-Gengoux).
64 Johannes Rousset est cité parmi les presbitri qui prêtent serment à Jean de Bourbon en décembre 1456 (BnF, nouv. acq. lat. 2267, no 7) ; vicaire de Saint-Marcel en juillet 1468 : BnF, coll. Bourgogne 84, no 537.
65 Petrus Channeti cité parmi les échevins de 1451-1452 : AMCl., FF 1.1, fo 2v, 4v, 5r, 7v, 16v, 21r, 24v, 33v. Marchand de Cluny décédé avant 1476 : AMCl., FF 2, fo 106r-108v, 120v-122r.
66 Parmi de nombreuses références à Claude Mathieu : AMCl., FF 1.1, fo 20v, 21r, 37r, 47r ; AD71, 7J39, no 10. Jean Mathieu, juge du doyenné de Cluny en 1449 et 1451 : AMCl., FF 1.1, fo 16r, 37r.
67 AMCl., DD 1.1.
68 La relicte Denis Burnecho, paroisse Saint-Marcel ; Denis Burnechoux, boucher de Cluny associé à Barthélemy Caigneaud et époux d’Alisia Caigneaud, sa fille : BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 11. La relicte Anthoine des Boys, paroisse Notre-Dame ; Anthonius de Vallibus échevin en 1451 : AMCl., FF 1.1, fo 33v.
69 M.-A. arnould, Les relevés de feu, p. 60-61 et sa « Mise à jour », p. 5.
70 Voir le point synthétique sur le sujet d’A. Demurger, Temps de crises, temps d’espoir, p. 16-17.
71 Peste en 1361 : AN, JJ 89, fo 313, no 660 ; en novembre 1452 et en janvier 1457, les comparutions prévues devant le bailli de Mâcon au sujet du procès pour le suchet sont reportées ou transférées à Saint-Gengoux à cause de la peste qui sévit dans la ville épiscopale : AMCl., FF 1.2, fo 6, 44.
72 Je l’ai rencontré pour la première fois en 1409 dans le compte-rendu d’une imposition effectuée sur la ville au nom du roi Charles VI dans la guerre contre Henri V de Lancastre : BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 34 (les bourgois et habitans de ladite ville de Clugny ou la plus saine partie diceulx bourgois et habitans se présentent en assemblée pour l’audience des comptes). Autres mentions en 1411 (BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 36), entre 1451 et 1461 (BnF, coll. Bourgogne 84, no 516 ; AMCl., FF 1.1, fo 1v, 5v, 22v), entre autres.
73 L’article fondamental sur la question reste celui de L. Moulin, « Sanior et maior pars » qui retrace l’apparition du principe de saniorité dans le monde monastique et sa combinaison avec le principe majoritaire à partir du XIIe s. Également Y. Congar, « Quod omnes tangit », p. 221-243 ; K. Pennington, « La loi », dans J. H. Burns, Histoire de la pensée politique, p. 419-422. Voir aussi le bon dossier documentaire réuni par J. Gaudemet, Les élections dans l’Église latine.
74 J’emprunte ici les catégories imposées par W. Ullmann, Principles of Government, p. 20-21, 215-305 : conception descendante du gouvernement et de la loi (« descending conception of government and law ») opposée à la conception ascendante (« ascending conception of government and law »). Voir également B. Tierney, Religion et droit, p. 61-64, 78-82.
75 Assemblée présidée par l’abbé en 1411 : BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 36 ; par le sous-chambrier en 1409 : BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 34 ; par l’archidiacre en 1449 : AMCl., FF 1.1, fo 20r ; par le doyen ou son lieutenant en 1451 : BnF, coll. Bourgogne 84, no 516, fo 2r. Au début du XVIIe s., les assemblées sont présidées par le juge-mage et doivent se dérouler en présence du sous-chambrier : Règlement de la justice mage de 1626, éd. W. Witters, « La justice mage », p. 84-87, 102, 107. Étant donné que le juge-mage apparaît au XVe s., il est possible qu’il ait dès cette date remplacé le doyen pour présider les assemblées. C’est l’hypothèse que je privilégie, sans preuve.
76 En 1378, assemblée des habitants in dicto monasterio : BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 17-18 ; en 1410, in decanatu Cluniacensi : BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 36 ; En 1451 et 1452, obligation de tenir les assemblées infra domum seu ad curiam decanatus [monasterii] Cluniacensis : BnF, coll. Bourgogne 84, no 516, fo 2r ; AMCl., FF 1.1, fo 1v, 5v, 22v et respect par les habitants de cette obligation : AMCl., FF 1.1, fo 48r.
77 Au XVIIe s., les assemblées générales des habitants se tenaient toujours dans ce lieu, appelé « auditoire de la justice de Cluny » : W. Witters, « La justice mage », p. 84. L’auditoire ou cour du doyenné ne doit pas être confondu avec le « logis du doyenné », lieu de résidence du doyen, localisé par K. J. Conant à partir d’une description du XVIIe s. dans l’angle sud-est du monastère, près du moulin et du farinier : K. J. Conant, Cluny, p. 127, pl. VIII-IX.
78 Sur Saint-Amand : H. Platelle, La justice seigneuriale, p. 144-157. Dans le bourg clunisien de Saint-Etienne de Nevers : P. Racinet, « Prieurés clunisiens, bourgs et cités », p. 230. Sur les bourgs clunisiens, G. Süssmann, Konflikt und Konsens.
79 Y. Congar, « Quod omnes tangit », p. 222-224.
80 Sur les concepts d’autonomie et d’autocéphalie dans le gouvernement des villes médiévales et plus largement dans tout corps social, je renvoie aux travaux fondateurs de M. Weber, Économie et société, notamment t. I, p. 90-91.
81 BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 16-17 (les deux actes sont identiques). Sur la disparition rapide du denier clunisien au XIVe s. A. Dieudonné, Manuel de numismatique française, IV, p. 110-111 ; Bourgogne médiévale. La mémoire du sol, p. 240-243.
82 BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 16-17.
83 Ibid. : dominum Petrum Niczonis canonicum Matisconensem et curatum ecclesie parrochialis sancti Maioli Cluniacensis ; dominus Johannes de Chasatiart curatus beati Marcelli.
84 Ibid. : magister Johannes Fercodi, jurisperitus ; Micheletus Tasie ; Guillelmus de Bella Aqua, clericus ; Andreas de Scorbe, clericus ; Dyonisius de Rivo, clericus.
85 Ibid. : Johannes Lagron costurarius, Johannes Charpy macellarius, dominus Symon Baldonis curatus de Cota presbiter.
86 Cet acte est copié dans les deux registres rassemblant les pièces des procès pour l’hôtel de ville et le détournement des revenus du suchet : AMCl., FF 1.1, fo 16r-20v ; FF 1.2, fo 9v-13v.
87 Je ne tiens compte que des noms de métier exprimés au nominatif à la suite du cognomen (ex. Dyonisius Burnechoux bocherius) et non des cognomen qui proviennent d’un nom de métier (ex. Jacobus Masoyer, Stephanetus Peletier).
88 Petrus Hanneti dans AMCl., FF 1.1, fo 16v.
89 Cités comme tels à diverses reprises dans les pièces rédigées lors du procès pour l’hôtel de ville : BnF, coll. Bourgogne 84, no 516 ; AMCl., DD 2.1 ; FF 1.1.
90 Jacobus de Laya, sergent du roi résidant à Cluny, paroisse Saint-Maïeul : AD71, H 2, no 14 ; AD21, B 11592. Il possède un pré sous la chaussée du grand étang qu’il échange avec l’archidiacre en 1458 : A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 42, no 342. Il est présent le 10 janvier 1457 parmi les habitants venus prêter serment à Jean de Bourbon (4e de la liste) : BnF, nouv. acq. lat. 2267, no 7.
91 Colin Talon habite dans la maison qui jouxte, au nord, celle de Jacques Germanet et Claude Mathieu celle qui la jouxte au sud : AMCl., DD 2.1 ; FF 1.1, fo 3r, 37v, 47r. Claude Mathieu et Colin Talon sont jurés de la cour du juge-mage : AD71, 7J39, no 10, 15.
92 D. Burnechoux, beau-frère de C. Caigneaud : BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 11. Activités commerciales de C. Caigneaud et J. Roland : AMCl., FF 2, fo 134r, 140v. Jean Roland possède une terre « en la Charbonnière » contigüe à celle de Barthélemy Caigneaud, père de Claude : AD71, 7J39, no 7.
93 Bonnefoi : Anthonius Bonefidei, recteur de l’église Saint-Maïeul, notaire public et royal de Cluny en activité vers 1430-1470, mort avant 1473 : BnF, lat. 17717, fo 78r, 79r, 80r ; nouv. acq. lat. 2267, no 7 ; coll. Bourgogne 84, no 500, 505 ; coll. Moreau 251, fo 98, 180, 247 ; coll. Moreau 252, fo 105, 141 ; AD71, 7J39, no 14 ; AMCl., DD 1.1 ; rédacteur des statuts de Jean de Bourbon en 1458 : charvin, I, p. 170. J. Bonefidei, notaire en 1431 (BnF, lat. 5458, fo 15v), en 1448 et 1452 (AMCl., FF 1.1, fo 16r, 49v).
Chambon : Stephanus Chambon, curé de Saint-Maïeul vers 1400 : BnF, lat. 9880, fo 50r ; Jacobus Chambon, juriste, défend en justice un habitant de Cluny en 1425 : BnF, lat. 9880, fo 27r ; Guillermus Chambon capitaine de ville en 1473, lieutenant du juge du doyenné en 1474 : AMCl., DD 1.1 ; Johannes Chambon échevin en 1473 : AMCl., DD 1.1.
Godin : Andreas Godin, marchand clunisois, un des échevins de 1451-1452, mort avant 1476 : AMCl., DD 2.1 ; FF 1.1 ; FF 2, fo 108v ; Anthonius Godin, son fils, marchand opulent vers 1470-1475 : AMCl., FF 2, fo 106r-108v ; Un autre ( ?) Anthonius Godin, notaire public juré de la cour du juge-mage, en activité vers 1470-1500 : BnF, coll. Bourgogne 84, no 537, 542, 548 ; lat. 9880, fo 20v, 48r. Benoît Godin, paroissien de Saint-Marcel v. 1450-1480, condamné pour avoir acheté du grain hors des halles de Cluny en 1481 : BnF, coll. Bourgogne 84, no 542 ; AD71, H suppl. Cluny 7bis, no 16.
94 AMCl., FF 1.1, fo 21r-v.
95 Un nom est assez différent dans les deux listes : Johannes Prevoste alias de Berziaco en 1449, Johannes a la Prevoste alias de Bursiaco, en 1452.
96 BnF, nouv. acq. lat. 2267, no 7.
97 BnF, coll. Bourgogne 82, no 380-381.
98 AMCl., DD 1.1 : burgenses habitantes ville Cluniaci in predicto decanatu Cluniaci more solito voce preconia congregati tam suis quam nominibus aliorum burgensium manencium et habitancium Cluniaci pro quibus se fortes faciunt...
99 AMCl., FF 2 : registre rassemblant toutes les pièces de la procédure menée devant la cour du bailli ducal de Mâcon. Les positions des deux parties sont exposées lors des premières audiences échelonnées entre le 22 sept. et le 16 nov. 1475 (fo 2r-5v), dans les articles du procureur fiscal du duc de Bourgogne (fo 26r-34r) et dans l’enquête par témoins effectuée en janvier et février 1476 pour soutenir les positions des habitants (fo 76r-148r).
100 Ibid., fo 11r-14r : omnes burgenses et habitantes ville Cluniacensis maioremque et saniorem partem burgensium et communitatis dicte ville Cluniacensis tam suis nominibus quam nominibus aliorum burgensium et communitatis dicte ville pro quibus se fortes faciunt et etiam manucapiunt in hac parte...
101 Ainsi en est-il de Jean Rousset, Pierre Channet (sa veuve en 1478), Claude Mathieu, et Jean Châtelain, dotés de trois points selon l’estimation des enquêteurs de 1478 (AD21, B 11592, fo 57r-60v) et absents des listes de 1474 et 1475.
102 AMCl., DD 1.1.
103 AMCl., DD 2.1 : Personaliter constitutis vir discretus Jacobus Germaneti, notarius publicus et burgensis Cluniaci, ac honesta mulier Anthonia ipsius Jacobi uxor [...], scientes prudentes et spontanei sine vi dolo vel metu, pro se et suis perpetuo, vendunt tradunt cedunt quictant penitus et remictant burgensibus manentibus et habitantibus huius ville Cluniaci discretis viris Durando de Bosco Vario, procuratore et scabino, Johanne Bruerii juniore et Claudio Caigneandi etiam scabinis et burgensibus dicte ville, presentibus stipulentibus et recipientibus vice nomine et ad opus suis et communitatis ipsius ville presentis et future et suorum successorum, scilicet quandam domum... Sur l’emplacement de la maison, voir infra, carte 42.
104 Une ébauche de traité à l’amiable est conservée : BnF, coll. Bourgogne 84, no 516, à laquelle il faut ajouter des pièces perdues qui témoignent des enquêtes menées à la demande de l’abbé avant de prendre une décision : « Inconvénients qui pourrait arriver sy l’on permettait aux habitants de Cluny d’avoir une maison de ville, sans datte, environ 1450, cottée 234 » ; « Avis pour l’abbé de Cluny contre les habitants dudit Cluny quy vouloient avoir une maison de ville, sans datte, environ 1450, cotté 235 », mentionnées dans l’inventaire des archives abbatiales de 1682 : AD71, H 22, fo 36v, éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 88-89, no 652-653.
105 AMCl., FF 1.1, fo 47v.
106 Ibid., fo 1r-4r (lettres royaux de Charles VII), 37r-41r (appel des habitants devant le Parlement de Paris).
107 Ibid., fo 4v-10r.
108 Les convocations d’audience sont toutes conservées, accompagnées parfois de comptes-rendus détaillés rapportant les arguments prononcés par les avocats et procureurs des deux parties : AMCl., FF 1.1, fo 10r-13v, 30r-36v, 45r-46v, 49v-83r, 87r-95v, 98r-101r, 103r-113v, 116v-128v.
109 Renvoi de l’appel devant le bailli de Mâcon, le 9 juillet 1454 : AN, X1A 83, fo 69v ; AN, X1A 4804, fo 263r ; AMCl., FF 1.1, fo 76v-77v.
110 Le 31 mai 1456, le roi ordonne au bailli de terminer le procès rapidement : AMCl., fo 83v-86v ; s’ensuivent des audiences rapprochées entre juillet et septembre 1456 : Ibid., fo 81r-83r, 87r-95v, 98r-101r.
111 AMCl., FF 1.1, fo 128v.
112 W. Witters, « La justice mage ».
113 C’est l’une des caractéristiques majeures de la justice à la fin du Moyen Age. Les avocats et procureurs mènent le jeu et continuent de plaider tant que les parties ont de quoi payer ou décident d’arrêter le procès pour se concilier à l’amiable. Les juges ne font guère qu’entendre les plaidoiries, ordonner la mise par écrit de certaines pièces et convoquer les prochaines audiences : B. Guenée, Tribunaux et gens de justice, p. 219-309. On n’a malheureusement aucune trace de l’éventuelle conciliation qui a mis fin au procès pour l’hôtel de ville.
114 AMCl., FF 1.1, fo 2v, 4v, 6v, 24v : se dicentes consules et sindicos dicte ville ; se dicentes consules et judicos dicte ville.
115 AMCl., DD 2.1, FF 1.1, fo 33v.
116 Ils en font la promesse solennelle dès février 1452 : AMCl., FF 1.1, fo 48r-v.
117 Sur les différents termes employés pour qualifier les représentants : P. Michaud-Quantin, Universitas, p. 305-309.
118 Durandus de Bosco Vario est qualifié procurator nomine dicte ville en 1449, procurator et scabinus en 1451, capitaneus et procurator et se gerentem procuratorem habitancium en février 1452, assertus procurator habitancium dicte ville Cluniacensis en avril 1452. Il représente parfois seul les habitants devant le juge du bailli de Mâcon et reçoit du grand-prieur l’ordre de rendre la maison commune : AMCl., DD 2.1 ; FF 1.1, fo 4v, 20r, 24v, 48v.
119 AMCl., FF 1.1, fo 2v, 4v, 6v, 24v ; ibid., fo 33v.
120 Sur le fonctionnement au XVIIe s. : W. Witters, « La justice mage ».
121 Cf. par exemple les études générales sur la ville médiévale : Histoire de la France urbaine, II, p. 274-280 ; J. Heers, La ville au Moyen Age, p. 377-383 (sur le rôle des bouchers) ; A. Rigaudière, Gouverner la ville, p. 167-273 (sur le rôle des marchands, des notaires et des conseillers juridiques dans les conseils urbains de la fin du Moyen Age).
122 Un chapelain de Sainte-Marie, magister Symon, et un chapelain de Saint-Marcel, magister Crispinus, sont témoins du testament d’Hugues Deschaux en 1232 : C 4618. En 1248, Johannes, chapelain de Saint-Maïeul, est témoin de la vente d’une maison au profit d’un prêtre : C 4903. Vente d’une maison à Cluny au profit de dominus Guido de Lornant, vicaire de Saint-Maïeul, en 1260 : C 5032. Étienne de Vergisson, recteur de Saint-Marcel, recteur de Saint-Gengoux, devient chanoine de Mâcon en 1264 : Registre d’Urbain IV, no 2455 ; la même année, en compagnie de Petrus, curé de Saint-Maïeul, il scelle l’acte de vente d’une maison de Cluny à l’abbé : C 5067. En 1282, dominus Guido, curé de Saint-Maïeul et les prêtres sociétaires échangent avec un clerc des biens fonciers et immobiliers à Cluny : C 5298. En 1308-1309, le curé de Saint-Marcel est messire Guillaume. Il possède une partie de la forêt de Beaufêtu, près de Jalogny, dont il se dessaisit au profit du monastère : BnF, coll. Moreau 219, fo 117, 150-152.
123 Seul un testament est conservé grâce à sa copie partielle dans le registre de l’archidiaconé de Cluny : BnF, lat. 9880, fo 7v-12r. Si le vocable Notre-Dame était anachronique au XIe s. je l’utilise pour le XVe s., même si les textes latins continuent de citer l’église beatae Mariae de panellis, et non Nostrae Dominae de panellis (terme qui apparaît dans le Pouillé du diocèse de Mâcon de 1513 : M, Praevia, p. cclxvii). En effet, il est à peu près certain que les Clunisois qualifiaient leur église, en français, Notre-Dame et non plus Sainte-Marie, comme l’atteste la cherche de feux de 1478, rédigée en français, où il est question de la paroisse Notre-Dame : AD21, B 11592, fo 58.
124 Ils sont rassemblés dans trois recueils de la BnF : nouv. acq. lat. 2273 (recueil de 16 actes provenant des archives paroissiales de Saint-Marcel et de Saint-Maïeul, compris entre 1248 et 1553 ; 7 pour Saint-Marcel, 9 pour Saint-Maïeul) ; coll. Bourgogne 83 et 84 (quelques actes provenant des archives paroissiales de Saint-Marcel ou de Saint-Maïeul des XIVe et XVe s., regroupés parmi les actes issus des archives du monastère).
125 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 6 (1358), 7 (1393), 11 (1450), 15 (1495) ; coll. Bourgogne 83, no 397 (1360), no 450 (1409) ; coll. Bourgogne 84, no 542 (1477).
126 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 5 (1340), 9 (1416), 10 (1435), 13 (1472) ; BnF, coll. Bourgogne 84, no 548 (1483).
127 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 4 (1335), 12 (1452) ; BnF, coll. Bourgogne 84, no 537 (1468).
128 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 8 (1411), 14 (1477).
129 Saint-Maïeul : BnF, lat. 9881 ; quelques acquisitions nouvelles de la deuxième moitié du XIVe s. sont ajoutées sur les derniers folios du manuscrit. Saint-Marcel : BnF, lat. 9882. Les rentes les plus anciennes datent de 1374. Les plus récentes (début du XVe s.) sont notifiées par le résumé voire la copie intégrale de l’acte notarié qui les a instituées.
130 BnF, lat. 9880.
131 BnF, lat. 17717 (fin XIVe) et lat. 9879 (début XVe).
132 Chapitre rédigé par Michael Jones, dans P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 100-109. Les auteurs de cet ouvrage ignorent les transactions immobilières conservées en original aux AD71, 7J39-40 (« collection Caigneaud », fonds de la Moussaye). En outre, il faudrait prendre en compte les archives de l’hôtel-Dieu de Cluny parmi lesquelles se trouvent des transactions immobilières des XIVe et XVe s. au profit de l’hospice Saint-Blaise. Inconnues de tous les historiens, non inventoriées, elles ont été « redécouvertes » récemment dans un placard de l’hôtel-Dieu. Je remercie M. Bouillot de m’en avoir fait part, mais j’en ai eu connaissance trop tard pour pouvoir en faire une étude attentive.
133 AD71, 8J, Fonds Canat de Chizy, sans cote et BnF, lat. 9880, fo 65r-71v.
134 L’expression est empruntée à J. Chiffoleau, « La religion flamboyante », étude qui prolonge la thèse du même auteur : Id., La comptabilité de l’au-delà.
135 Mis à part les quelques éléments fondés sur les archives des XIVe et XVe s., le tracé des rues, des cours d’eau et l’emplacement des édifices aujourd’hui disparus qui figurent sur les plans suivants sont fondés sur les plans-terriers des XVIIe et XVIIIe s. conservés au MAAC, Fonds des cartes et plans, sans cote et ms. 88. Ces plans ont été dressés avant les grands travaux d’alignement qui ont marqué l’urbanisme clunisois entre 1790 et 1830 (AMCl., C 132-133, G2, II 8, et rouleaux des plans d’alignement projetés entre 1774 et 1782 : Fonds des cartes et plans, sans cote). Je me suis également inspiré du plan dressé par M. Bouillot, « Formes et urbanisme. Morphologie urbaine de Saône-et-Loire », p. 196-197. Les noms des rues sont ceux des plans-terriers des XVIIe et XVIIIe s. Les rentiers du XIVe s. indiquent de nombreux noms de rue, mais sans les situer. Si la plupart sont identiques à ceux du XVIIIe s., il faudrait mener une enquête systématique sur toutes les ruelles qui portent un nom inconnu dans les terriers, ce que je n’ai pas fait.
136 Cette église attend une étude approfondie. Un mémoire de maîtrise en histoire de l’art lui a été consacré, mais n’a donné lieu à aucune publication : G. Delhomme, Notre-Dame de Cluny. On trouvera de brèves desciptions dans A. Penjon, Cluny, p. 21-28 ; F.-L. Bruel, Cluni. Album historique, p. 31-32 ; J. Virey, L’abbaye de Cluny, p. 32-40 ; C. Oursel, L’art de Bourgogne, p. 104 ; M. Bouillot, « Cluny - L’église Notre-Dame », p. 5-10 ; H. Fegers, Burgund, p. 216-219. Des précisions ont été apportées sur l’iconographie du portail à partir de quelques vestiges trouvés lors de sondages archéologiques dans la ville de Cluny : N. Roiné, A. de Thoisy, « Découvertes de fragments provenant du grand portail de Notre-Dame de Cluny ».
137 Rien de tel n’est mentionné pour l’église Saint-Maïeul, aujourd’hui détruite, ni pour l’église Saint-Marcel ou la chapelle Saint-Odilon : B. Dumolin, Description historique et topographique de la ville, abbaye et banlieue de Cluny, MAAC, ms. 71, fo 4-5, 16-17.
138 Sur la part active des fabriques et communautés d’habitants urbaines dans l’essor de l’architecture gothique, on se repèrera avec R. Bechmann, Les racines des cathédrales, p. 58-61 ; S. Reynolds, Kingdoms and Communities, p. 90-97 ; P. Boucheron, « À qui appartient la cathédrale ? ». Également les articles de M. Bourin et de N. Coulet dans La paroisse en Languedoc, p. 199-214, 215-237.
139 BC, col. 1660C.
140 Voir notamment le volume collectif Marie. Le culte de la Vierge.
141 Quelques mentions au XVe s. de l’ecclesia parrochialis Beate Marie de panellis Cluniacensis : BnF, lat. 17717, fo 78r (1448) ; AMCl., DD 2.1 ; BnF, coll. Bourgogne 84, no 516 (1451) ; BnF, lat. 9880, fo 12v-13r (1478).
142 Il n’est pas rare en effet que les mesures soient gravées sur les murs des églises. Voir par exemple l’étude de D. Bichet, « Métrologie et édifices publics ».
143 AMCl., II 5.
144 J. Heers, La ville médiévale, p. 386-388 ; S. Reynolds, Kingdoms and Communities, p. 97-100. A. Penjon, Cluny. La ville et l’abbaye, p. 21, affirme sans preuve que les assemblées générales de la ville se tenaient dans l’église Notre-Dame. Le fait n’est avéré que pendant la période révolutionnaire : L. Daclin, Dans les venelles du vieux Cluny, p. 12.
145 AD71, 7J40, no 33 : datum Cluniaci in ecclesia Beate Marie, die lune sancta, penultima mensis marcii, anno domini millesimo quatorcentesimo sexagesimo, presentibus discretis viris domino Bartholomeo de Lugniaco presbitro et Durando de Boscovario burgensibus Cluniacensibus testibus ad premissa vocatis et rogatis.
146 AMCl., DD 2.1 : quandam [...] domum altam et bassam sitam in dicta villa Cluniacensis ante ecclesiam parrochialem Beate Marie de panellis, juxta domum heredum nuper deffuncte Margarete Mezonis uxoris viri providi Johannis Mathei burgensis Cluniacensis a parte superiori, juxta domum Colini Taloni a parte inferiori, juxta porticum seu aisianciam domorum dictorum heredum a parte posteriori, et affrontat platee communi existente ante dictam parrochialem ecclesiam a parte ante, salvis suis aliis confinibus verioribus si qui sint. On remarque que les actes produits lors du procès par les procureurs de l’abbé ne reprennent jamais le terme de platea communis, qui, comme celui d’échevin, sent le soufre.
147 Sur les maisons médiévales de la place Notre-Dame : P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 35, 202 (fig. 217-218), 204-206 (fig. 223-224), 234-236 (fig. 246). Deux études inédites ont été consacrées aux maisons 6, 8 et 10 rue de la Barre. Il s’agit tout d’abord des monographies élaborées par J.-D. Salvêque et P. Garrigou-Grandchamp : Monographies des maisons médiévales de Cluny, vol. 1, dactyl., Cluny, s.d. (consultables au Centre d’Études Clunisiennes, à Cluny). Les monographies comportent une présentation détaillée de l’iconographie relative à chaque maison (photographies, dessins, gravures) et une étude du bâti subsistant. Pour la maison 8, place Notre-Dame, dite « maison des griffons » du fait des sculptures de sa claire-voie, il faut comparer la monographie à l’étude archéologique effectuée en sous-sol et dans les murs par B. Saint-Jean-Vitus, « Maisons des griffons » - 8, rue de la Barre. Les conclusions de B. Saint-Jean-Vitus diffèrent sur de nombreux points des remarques de J.-D. Salvêque et P. Garrigou-Grandchamp.
148 AMCl., DD 2.1 ; FF 1.1 ; BnF, coll. Bourgogne 84, no 516.
149 Elles ont été détruites au XIXe s. C’est aujourd’hui la « Place du Petit Marché ». Mention de la vente du grain in panellis nostris Cluniacensis en 1287 : BnF, nouv. acq. fr. 5265, fo 13 (vidimus de 1301) ; du « lieu dit des paneaux » en 1481 : AD71, H 22, fo 38v, éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 93, no 682. Quelques rares vestiges des halles ont été repérés lors d’une surveillance archéologique de travaux : N. Roiné, Cluny. Travaux d’assainissement.
150 Exemption du droit de couponage pour le convent en 1287 : BnF, nouv. acq. fr. 5265, fo 13 (vidimus de 1301). Plusieurs condamnations prononcées par le juge du doyenné contre des bourgeois de Cluny n’ayant pas payé le couponage en 1308, 1481, 1516, 1520-1521 sont citées dans l’inventaire des archives abbatiales du XVIIe s. (AD71, H 22, fo 37v-38v, éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 91-93, no 673-677, 682) et dans « l’inventaire des titres du droit sur les grains » dressé en 1776 (AD71, H suppl. Cluny 7bis, no 16, fo 1-2). En 1461, les bourgeois de Cluny ont tenté de se soustraire à la taxe du couponage en obtenant des Lettres de Charles VII, ce qui leur a valu un nouveau procès avec l’abbé : BnF, coll. Bourgogne 84, no 527.
151 État des recettes et dépenses de l’abbaye de Cluny, ms. Académie de Mâcon, sans cote, fo 13v ; fragment de compte copié dans « l’inventaire des titres du droit sur les grains » dressé en 1776 : AD71, H suppl. Cluny 7bis, no 16, fo 2.
152 La nappe phréatique de Cluny est très haute et de nombreux petits ruisseaux dévalent la colline Saint-Maïeul en direction de la Grosne. Les puits et les fontaines sont nombreux et chaque construction nécessite d’importants travaux de terrassement. Ces facteurs expliquent en partie l’absence de cave dans les maisons clunisoises. Dans leurs constructions, les moines se sont efforcés de canaliser les eaux pour éviter les inondations. Sur ces questions, la thèse en cours de Gilles Rollier (Lyon II, sous la direction de J.-F. Reynaud) apportera des renseignements précieux. Pour l’heure on peut consulter : G. Rollier, « Aménagements hydrauliques » ; P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 100-102, et sur les travaux de terrassements de l’abbaye de Cluny, G. Rollier, « Les fouilles archéologiques de l’avant-nef » ; A. Baud, G. Rollier, Passage Galilée et cour de la congrégation, p. 20-27.
153 Le rentier de Saint-Marcel mentionne le pons caprarii en 1378 (BnF, lat. 9882, fo 15v), mais ne dit rien de la chapelle Saint-Philibert. Je n’en connais aucune mention médiévale.
154 Le rentier de Saint-Marcel cite à plusieurs reprises des maisons situées près de la « rivière de la boucherie ». Par exemple, en 1378, une maison iuxta ripperiam que transit per dictum marcellum ; en 1380, une autre iuxta ripperiam dicti marcelli : BnF, lat. 9882, fo 25r, 32r.
155 Sur cette question, voir les articles classiques de J. Lestocquoy, « Inhonesta mercimonia », dans Id., Études d’histoire urbaine, p. 110-113 et J. Le Goff, « Métiers licites et métiers illicites dans l’Occident médiéval », dans Id., Pour un autre Moyen Age, p. 91-107.
156 Sur la place des bouchers dans les villes médiévales et l’implantation des boucheries-abattoirs dans le tissu urbain, J. Heers, La ville médiévale, p. 377-383 : chapitre fondé sur de nombreux exemples italiens, provençaux et parisiens.
157 Le cens des langues est connu parce qu’il a été contesté par les bouchers de Cluny en 1396 : AD71, H 22, fo 38r (éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 92, no 680).
158 Règle de saint Benoît, chap. 39. Sur la consommation de viande par les moines de Cluny : G. de Valous, Le monachisme, t. I, p. 250-287.
159 BnF, lat. 9878, fo 43v-47v (reconnaissance par le grand-prieur de Cluny des sommes qu’il doit verser à Denis Caigneaud pour sa fourniture de viande et de poisson, entre 1385 et 1389).
160 Renseignements contenus dans la déposition de Jean Janin, bocherius, habitator Clugniaci, le 10 février 1476, au cours du procès contre le receveur du péage sur la Saône à Mâcon : AMCl., FF 2, fo 116v-119r.
161 AMCl., FF 2, fo 120v-122r. Stephanus a la Martine mercator et burgensis Cluniaci est sans doute l’ancêtre des Alamartine des XVIe et XVIIe s. qui deviennent ensuite les De Lamartine et parmi lesquels on connaît le célèbre poète romantique. En 1450, on est encore loin du patronyme à particule, mais on se souvient de Martine, sans doute la mère d’Étienne.
162 AMCl., FF 2, fo 134v.
163 AMCl., FF 1.1, fo 37r, 49r.
164 AD71, 7J39, no 19 : quandam domum altam et bassam sitam in villa Cluniacensis, in vico boscherie ante capitolium, juxta domum seu stabulum dicti emptoris huic, et juxta domum heredum Johannis Marenet inde, saluis suis aliis verioribus confinibus si qui sint... Une copie du XIXe siècle avec traduction accompagne cet acte. Le mot capitolium a été traduit par « hôtel de ville » !
165 Reconnaissance du fief de la prévôté pour Jean de Merzé en 1378 : Et primo de quadam domo cum curtili et vinea contiguis situatis in villa Cluniacensi prope macellum Cluniacensis (BnF, coll. Bourgogne 83, no 414). Une reconnaissance de rente au profit du curé de Saint-Marcel, en 1407, situe la maison du prévôt au carrefour des étals (= place de la boucherie ?) : quandam domum sitam in quadrivio scannorum ante domum domini prepositi Cluniacensis (BnF, lat. 9882, fo 50r). En 1460, l’acte de vente d’un curtil à Cluny mentionne la ruelle qui conduit derrière la maison du prévôt, près de la fontaine de Bénetin :... quoddam parvum curtile situm Cluniaci juxta curtile Stephani Charpy et juxta vicum tendentem ad fontem de Benetin et alium vicum tendentem retro domum prepositi Cluniacensis et juxta peyam domus dicti emptoris inde... (AD71, 7J40, no 33).
166 BnF, lat. 9882, fo 41r : quasdam peias domorum sitas inter duas ruetas quarum una vocatur de Benetin alias amazorum et alia vocatur rueta prepositi.
167 Cette maison est aujourd’hui le 19-21, rue de la Liberté. Voir P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 109, fig. 79.
168 Mention en 1378 dans le rentier de Saint-Marcel, d’une maison qui jouxte le plastrum cimiterii Sancti Marcelli : BnF, lat. 9882, fo 19v.
169 Sur le parcellaire en lanière de Cluny, voir supra, chap. 4, p. 207-208.
170 Le terme « carruge » est la forme francisée du latin quadrivium. Il est toujours utilisé pour désigner ce carrefour de Cluny. Le quadrivium des forges est mentionné comme tel en 1385 dans le rentier de Saint-Marcel : BnF, lat. 9882, fo 6r. Je ne connais qu’une seule mention des forges de la ville – sans l’indication de leur emplacement - dans le registre de comptes de l’abbaye de Cluny dressé en 1321 : ms. sans cote, Académie de Mâcon, fo 17, éd. Partielle par J. Virey, « Notes sur un manuscrit du XIVe s. », ici p. 286. En outre, trois marescalli sont cités parmi les habitants venus prêter serment à Henri de Fautrières le 4 mai 1309 : BnF, coll. Bourgogne 82, no 381.
171 Le puits des pénitents a pris ce nom au XVIIe s. lorsque les Pénitents blancs se sont installés à Cluny et ont édifié une chapelle juste en face : A. Penjon, Cluny. La ville et l’abbaye, p. 42. J’ignore le nom qu’on lui donnait au Moyen Age.
172 Maisons 25, rue de la République (ancienne rue de l’abbaye) et 1-3, rue de la Chanaise ; voir les photographies et restitutions de J.-D. Salvêque, dans P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 130, 164 (fig. 100, 153) pour le 1-3, rue de la Chanaise ; p. 111, 126, 127, 156, 157, 194 (fig. 80, 95, 96, 139, 141, 203) pour le 25, rue de la République ; pl. X, p. 34 (restitution de la place du puits des pénitents au XIIe s.), et les p. 31, 39 (pl. VI, XVII). Également, P. Garrrigou-Grandchamp, J.-D. Salvêque, « Le patrimoine architectural civil de Cluny », p. 486-488, 503, 506, 511.
173 Liste des motifs d’excommunication pour les moines : Item, in villa Cluniacensis jacentes, seu pernoctantes, exceptis illis monachis qui, post tres ictus venientes, in domo curati Sancti Maioli ex consuetudine recipiuntur (éd. Charvin, I, p. 151).
174 BnF, nouv. acq. lat. 2483, fo 24r ; lat 13873, fo 159r ; éd. BC, col. 1753.
175 T. Chavot, le Mâconnais, p. 250. Le « cimetière des Huguenots » est représenté sur le flanc nord de l’église sur la « Vüe de la ville et de l’abbaye de Cluny » gravée par Claude Prévôt vers 1670, MAAC, éd. F-L. Bruel, Cluni. Album historique et archéologique, hors pagination, et K. J. Conant, Cluny, pl. XIV-XV.
176 Mâcon, Bibl. mun., ms. 159. J’ai présenté plus en détail ce manuscrit dans D. Méhu, « L’église Saint-Odilon de Cluny ».
177 Mâcon, Bibl. Mun. Ms. 159, fo 1v.
178 Anthonius Rosseti, presbiter ecclesie parrochialis Beate Marie Cluniacensis, apostolica et imperiali auctoritate notarius publicus et curiarum Cluniacensis juratus, rédacteur de l’acte par lequel l’abbé de Tournus est investi gardien des privilèges de l’abbaye de Cluny, le 26 février 1481 : BnF, nouv. acq. lat. 2267, no 28. C’est vraisemblablement lui qui rédige et appose son seing manuel sur le texte d’un accord entre l’abbé et le convent de Cluny précisant les droits et devoirs de chaque officier claustral, le 9 avril 1477 (BnF, nouv. acq. lat. 2483, fo 87v) et sur une quittance des recettes du doyenné de Montagny-sur-Grosne en 1478 au profit de la famille Caigneaud (AD71, 7J40, no 36). Ces deux actes sont signés Rosseti.
179 Johannes Rosset, vicaire de Saint-Marcel en 1468 : BnF, Coll. Bourgogne 84, no 537. Johannes Rousset, représentant de la communauté d’habitants de Cluny en 1473 et 1475 : AMCl., DD 1.1 ; FF 2, fo 4v, 6r. Sans doute est-ce le même Johannes Rousset qui apparaît, en 1478, comme l’habitant le plus riche de la paroisse Saint-Maïeul, le seul de ce quartier à qui les enquêteurs mandatés par le roi de France pour établir la cherche de feux attribuent trois points : AD21, B 11592, fo 57r.
180 Cela est précisé dans le « pouillé clunisien » du XVe s. : BnF, nouv. acq. lat. 2483 (v. 1480), fo 24r ; lat. 13873, fo 159r ; éd BC, col. 1753-1756.
181 Mâcon, Bibl. Mun., ms. 159, fo 1v, 2v.
182 Jean Godon, clerc, notaire juré de la cour de l’archidiacre de Cluny, mort en 1409 : AD71, 7J39, no 3-4 (1390, 1399) ; BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 7 (1393) ; coll. Bourgogne 83, no 450. Guillemus Saige, habitator Cluniacensis, armurerius, témoin de la vente d’une maison rue de la Saunerie à Cluny par Nicolas Tascheret, boulanger de Cluny, à Barthélemy Caigneaud, boucher : AD71, 7J40, no 38 (28 janv. 1482).
183 Cinq proviennent des archives de Saint-Marcel : BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 6 (1378), 11 (1450) ; coll. Bourgogne 83, no 397 (1360), 450 (1409) ; coll. Bourgogne 84, no 542 (1477). Deux proviennent de Saint-Maïeul : BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 7 (1393), 15 (1495).
184 Deux copies dans le registre de l’archidiaconé : BnF, lat. 9880, fo 7v-12r (Notre-Dame, 1420), fo 54 (Saint-Maïeul, 1438). Un dans les copies de Lambert de Barive : BnF, coll. Moreau 219, fo 225 (Saint-Marcel, 1310).
185 Parmi ces dix actes, seuls trois sont des testaments intégraux (BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 11 ; coll. Bourgogne 83, no 397 ; Bourgogne 84, no 542). Les autres sont des extraits de testaments, enregistrés sous le sceau d’un juge clunisien (archidiacre, doyen, juge-mage).
186 BnF, coll. Bourgogne 83, no 387 (1409).
187 BnF, coll. Moreau 219, fo 225 (1310).
188 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 11 (1450).
189 BnF, coll. Bourgogne 83, no 697 (1360) ; nouv. acq. lat. 2273, no 7 (1393) ; lat. 9880, fo 54 (1438).
190 BnF, lat. 9880, fo 7v-12r (1420).
191 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 6 (1358).
192 Ibid., no 15 (1495).
193 BnF, coll. Bourgogne 84, no 542 (1477).
194 Le terme testamentum nuncupativum est mentionné dans quatre des sept testaments originaux. Sur l’utilisation du testament nuncupatif romain au Moyen Age, P. Ourliac, J.-L. Gazzaniga, Histoire du droit privé, p. 342-346. Sur la pratique testamentaire à partir du XIIIe s., J. Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, p. 36-41 (à partir d’exemples provençaux) ; M. Lauwers, La mémoire des ancêtres, p. 355-372. Pour la Bourgogne, on dispose des articles anciens, mais toujours utiles, de G. Chevrier et R. Folz, publiés dans les MSHDB, 1943, 1944-1945, 1948-1949, 1955. Seuls les trois testaments conservés en intégralité indiquent le nombre des témoins. Deux d’entre eux en citent neuf (BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 11 ; coll. Bourgogne 83, no 397) ; le troisième est passé devant deux témoins (un moine et un notaire), mais il est approuvé par neuf paroissiens de Saint-Marcel (BnF, coll. Bourgogne 84, no 542).
195 Avant d’être enregistrées devant la cour de l’archidiacre, les dernières volontés de Gaillard Raclet ont été notées sur une cedula papiri rédigée en français que l’archidiacre a fait lire devant les témoins puis collationner à l’instrument public rédigé ensuite : BnF, coll. Bourgogne 83, no 397.
196 Huit des dix testaments mentionnent le nom de l’autorité sigillante : le doyen (BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 6 ; coll. Bourgogne 83, no 450 - 1358 et 1409), l’archidiacre (BnF, coll. Bourgogne 83, no 397 ; nouv. acq. lat. 2273, no 6, 11 - 1360, 1393, 1450), le juge-mage (BnF, coll. Bourgogne 84, no 542 ; nouv. acq. lat. 2273, no 15 - 1477, 1495) et l’official de Mâcon (BnF, coll. Moreau 219, fo 225 - 1310).
197 Sur l’inflation des demandes de messes à la fin du Moyen Age : J. Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà ; Id., « Sur l’usage obsessionnel de la messe pour les morts à la fin du Moyen Age », dans Faire croire, p. 236-256 ; Id., « La religion flamboyante (v. 1320 - v. 1520) ». Sur les différentes formes de messes pour les défunts, voir le point récent de M. Lauwers, La mémoire des ancêtres, p. 376-381.
198 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 6 ; coll. Bourgogne 83, no 397, 450.
199 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 11.
200 Le curé (curatus) est parfois appelé recteur (rector). Les chapelains sont qualifiés presbitri, socii (ou consocii) et capellani desservientes. Leur nombre n’est pas précisé dans les testaments, mais on peut le déduire : en 1358, Peronette, fille de Rose Maygredons, demande que huit prêtres lisent le psautier sur sa tombe le jour de son enterrement ; en 1360, Gaillard Raclet fait la même demande pour douze prêtres (ces deux actes concernent Saint-Marcel) : BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 6 ; coll. Bourgogne 83, no 397. En 1309, on compte 33 prêtres parmi les habitants venus rendre hommage au nouvel abbé Henri de Fautrières : BnF, coll. Bourgogne 82, no 380-381.
201 C’est le cas à Saint-Maïeul en 1435 : BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 10.
202 Exemples en 1358, 1360, 1450, 1477 : BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 6, 11 ; coll. Bourgogne 83, no 397 ; coll. Bourgogne 84, no 542.
203 La domum sociorum Beati Maioli : BnF, lat. 9881, fo 8r, 9v (1333). La domum presbiteralem dicte ecclesie [Sancti Marcelli] : BnF, lat. 9882, fo 65r (1395). Le pouillé du diocèse de Mâcon de 1513 mentionne l’existence des societates de prêtres dans les trois églises paroissiales de Cluny : Sunt et aliae societates in dicta diocoesi Matisconensi scilicet : [...] Alia, in ecclesia Beatae Mariae Cluniaci vulgo dicta des Pannaux. Alia, in ecclesia Sancti Mayoli Cluniaci. Alia, in ecclesia parrochiali Sancti Marcelli Cluniaci (éd. M, Praevia, p. cclxxix). Sur les confréries cléricales à la fin du Moyen Age : G. G. Meerssemann, Ordo fraternitatis, t. I, p. 150-177 ; C. Vincent, « Quand l’Église fait place à la vie associative... » ; leur rôle dans l’intercession pour les morts : M. Lauwers, La mémoire des ancêtres, p. 468-470.
204 Testaments de Peronette, fille de Rose Maygredons (1358) et de Gaillard Raclet, prêtre (1360). Tous deux vont dans le cimetière Saint-Marcel : BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 6 ; coll. Bourgogne 83, no 397.
205 É. Fournial, Charlieu, p. 225-234 ; G. Süssmann, Konflikt und Konsens, p. 190-196.
206 A. Guerreau, « Rentes des ordres mendiants à Mâcon ».
207 BnF, coll. Bourgogne 83, no 397 : In primis animam suam suo altissimo creatori et sepulturam suam eligit in cimiterio ecclesie Beati Marcelli supra tumulum matris sue.
208 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 11. À ma connaissance une telle chapelle n’a pas été construite.
209 Testament connu par un très bref extrait dans le registre de l’archidiaconé de Cluny au XVIe s. : BnF, lat. 9880, fo 54v. La chapelle Jean Germain est le seul vestige intact de l’église Saint-Maïeul. Elle est ornée de peintures et de sculptures du XVe s. et de plusieurs inscriptions qui attendent leur historien. Quelques notes sur la chapelle et sur Jean Germain, dans A. Penjon, Cluny. La ville et l’abbaye, p. 20.
210 BnF, lat. 9880, fo 7v-12r. Jean Niçon alias Bouille ne doit pas être confondu avec son homonyme, et sans doute parent, qui a vécu une génération avant lui : Jean Niçon, chanoine de Mâcon, archidiacre de Beaune et chapelain du pape ; sur ce personnage voir supra p. 427, n. 137. Sur la chapelle du cimetière, K. J. Conant, Cluny, p. 39, 70 et pl. V à IX ; A. baud, « La place des morts », p. 105-106.
211 Noël, Pâques, Pentecôte, Saint-Pierre-et-Paul, l’Assomption et la Dédicace de l’église (25 octobre).
212 BnF, lat. 9880, fo 11v-12r.
213 Ibid., fo 8r : in capella cimiterii dicti monaterii Cluniacensis juxta quam sunt inhumati et sepulti predecessores ipsius testatoris.
214 C’est la seule concession accordée à l’abbé Robert de Chaudesolles : Ibid., fo 12r. La fondation des Niçon se perpétue au moins jusqu’au début du XVIIe s. Le registre de l’archidiaconé contient deux nominations des chapelains dévoués au service funéraire des Niçon, en 1478 et 1504 : Ibid., fo 12v-18v. Le compte-rendu du synode clunisois réuni en 1614 par l’archidiacre mentionne le nom de tous les chapelains présents. Les capellani cappellaniarum Beati Laurentii et capelle Beatae Mariae in cimiterio monasterii de fondatione de Bouille sont là : Ibid., fo 86r.
215 BnF, coll. Bourgogne 84, no 542.
216 BnF, coll. Bourgogne 84, no 542 :... celebrare et celebrari facere in magno altare dicte ecclesie qualibet die lune perpetualiter sextam et septimam horas de mane qua timpanum prime in monasterio predicto Cluniacensis pulsatur, videlicet immediate post missam vocatur vulgariter Purgatorii in dicta ecclesia et ad predictum altare celebrari consuetam sine interrupcione vel quasi unum anniversarium seu unam missam de deffunctis alta voce.
217 Voir sur ce sujet les travaux de J. Le Goff, « Au Moyen Age : Temps de l’Église et temps du marchand », dans Pour un autre Moyen Age, p. 46-65 ; Id., « L’Occident médiéval et le temps », dans Id., Un autre Moyen Age, p. 401-420.
218 Iotsald von Saint-Claude, Vita des Abtes Odilo von Cluny, II. 15, éd. J. Staub, p. 218-220. Passage traduit et commenté par J. Le Goff, La naissance du Purgatoire, p. 171-173.
219 BnF, coll. Bourgogne 83, no 397 : Item lampadi ardenti ante altare Beate Marie Magdalensis in ecclesia Beati Marcelli duos pichiletos olei semel. Item lampadi ardenti ante mayus altare unum pichiletum olei semel. Item lampadi ardenti ante ymaginem Beate Marie ad interitum capelle duos pichiletos olei semel.
220 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 6 : In primis animam suam suo altissimo creatori recommendat et sepulturam suam eligit in cimiterio ecclesie Beati Marcelli Cluniacensis et curato dicti loci jure sepulture sue tres solidos turonensium semel dedit et legavit.
221 Ibid. : Item vult et precepit legi psalterium die vel nocte obitus sui per octo clericos vel presbitros et cuilibet legenti duodecim denarios Parisienses semel vult dari. Item vult celebrari in ecclesia Beati Marcelli Cluniacensis sexaginta missas pro remedio anime sue et parentumque suorum et salute et cuilibet celebranti pro missa qualibet decem denarios Turonenses semel vult dari.
222 Sur l’évolution des rentes au Moyen Age, voir notamment B. Schnapper, Les rentes au XVIe s., p. 41-46 (schéma de l’évolution des rentes à la fin du Moyen Age) ; plus spécialement sur les rentes assignées sur des immeubles : S. Roux, « Être propriétaire à Paris », p. 74-81 ; Id., La maison dans l’histoire, p. 144-147.
223 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 11 ; coll. Bourgogne 84, no 542.
224 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 4 (1335), 12 (1452) ; coll. Bourgogne 84, no 537 (1468). Le rachat des rentes fut autorisé par les autorités civiles et ecclésiastiques au début du XVe s., mais se pratiquait auparavant : B. Schnapper, La rente au XVIe s., p. 44-45 ; A. Guerreau, « Les rentes des ordres mendiants à Mâcon », p. 957.
225 Le rentier de Saint-Marcel en contient seize, comprise entre 1374 et 1390, dues au curé de Saint-Marcel, Jean de Chasantiart : BnF, lat. 9882, fo 56v-59r. Un acte original de 1340 atteste la reconnaissance d’une dette de 60 sous par Guillaume de Tiloys, bourgeois de Cluny, au curé de Saint-Maïeul : BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 5.
226 De nombreuses études l’ont souligné : par exemple J. Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà ; Id., « Les transformations de l’économie paroissiale en Provence » ; J. Le Goff, La bourse et la vie ; M. Lauwers, La mémoire des ancêtres, p. 474-491.
227 BnF, coll. Bourgogne 83, no 397. On lit dans P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 103, que « l’existence d’hôpitaux et d’hospices est fréquemment mentionnée au fil des siècles » (aucune référence n’est fournie !). Les actes du Moyen Age mentionnant les établissements hospitaliers de Cluny sont rarissimes.
228 C’est ce qui ressort d’une notification de rente au profit des prêtres de Saint-Marcel, BnF, lat. 9882, fo 10r : Laurentia relicta Symonis Taisie, super domo sua sita ante hospitalis Beati Marcelli Cluniacensis iuxta domum Micheleti Taysie et iuxta ruetam burgi novi ex altera quam tenet dictus Micheletus iii. s. Le rentier de Saint-Maïeul mentionne une terre et une vigne appartenant à l’hopitalis Beati Marcelli, en 1333 : BnF, lat. 9881, fo 13v, 18v.
229 En effet, il n’est plus question de l’hôpital Saint-Marcel à partir de la deuxième moitié du XVIe s., mais de l’hôpital Saint-Blaise : AMCl., DD 7, 12-17.
230 Comme l’atteste la copie de la charte de 1065 dans les archives de l’hôpital Saint-Blaise : Archives de l’hôtel-Dieu de Cluny, sans cote.
231 Outre les quelques actes conservés aux AMCl., les liasses les plus importantes se trouvent dans les archives de l’hôtel-Dieu de Cluny.
232 Archives de l’hôtel-Dieu de Cluny, sans cote. Plusieurs de ces éléments ont été signalés par B. Rameau, « Les anciens hospices », p. 250-252. C’est la seule étude consacrée à l’hôpital Saint-Blaise.
233 Le micro-toponyme Saint-Lazare conserve le souvenir de son emplacement. La léproserie Saint-Lazare est une grande oubliée de l’historiographie clunisienne. À ma connaissance, la seule étude qui en fait état est celle de B. Rameau, « Les anciens hospices », p. 264-265.
234 Sur le développement de la ségrégation à l’égard des lépreux, la naissance des léproseries et le rôle des communautés d’habitants dans leur administration, on se repèrera avec F.-O. Touati, Maladie et société au Moyen Âge.
235 C 4279.
236 Acte notarié, copié dans le registre de l’archidiaconé, faisant connaître l’entrée dans la léproserie de Marguerite, fille de Laurent Blandet, paroissienne de Fleurie en Beaujolais, le 6 mai 1479 : BnF, lat. 9880, fo 35r-36r. À ma connaissance, cet acte est, avec celui de 1180, le seul qui permette de se faire une idée de l’administration de la léproserie au Moyen Age. Seules deux chartes de la fin du XIIIe s. fournissent d’autres renseignements ponctuels. En 1271, un dénommé Bonin, prêtre de Saint-Lazare (dominus Boninus de Sancto Lazaro, presbiter), reconnaît devoir trois sous au curé et aux paroissiens de Merzé pour l’exploitation d’un pré situé près de Merzé : C 5167. Dix ans plus tard, Jean Niçon, bourgeois de Cluny, reconnaît percevoir six sous sur un pré de la colline de la Cras, adjacent au « clos de Saint-Lazare » (iuxta clausum Sancti Lazarii) : C 5281.
237 La chapelle Saint-Lazare existait encore à la fin du XVIIIe s. comme l’atteste le terrier de la ville et des environs de Cluny dressé vers 1775, mais aucun cimetière n’est figuré : MAAC, ms. 88, plans 38, 39, 74.
238 Mention d’une maison iuxta hospitale Channoyse, en 1333, dans le rentier de Saint-Maïeul : BnF, lat. 9881, fo 9v.
239 BnF, coll. Bourgogne 82, no 381 : Hugo, hospitalarius de Sancto Maiolo ; Hugo Christophori, hospitalarius de la Chauneyse. Le même document cite un Jacobus, hospitalarius sans préciser son lieu d’affectation.
240 Acte conservé par sa copie dans le registre de l’archidiaconé : BnF, lat. 9880, fo 45r-48r.
241 Le mouvement confraternel médiéval a été très étudié ces dernières d’années. Outre l’ouvrage de G. G. Meerssemann, Ordo fraternitatis, je renvoie aux actes du colloque Le mouvement confraternel au Moyen Age, à la synthèse historiographique d’A. Vauchez, Les laïcs au Moyen Age, p. 113-122 et à celle plus récente et bien documentée de C. Vincent, Les confréries médiévales.
242 BnF, coll. Bourgogne 83, no 397 : Item fabrice ecclesie Beati Marcelli tres solidos bonorum parvorum turonensium semel.
243 BnF, coll. Bourgogne 84, no 542. Le terme fabrica n’est pas mentionné, mais il s’agit bien de cela. Les neuf bourgeois qui approuvent le testament se présentent devant le juge-mage tam suis quam nominibus aliorum parrochianum dicte ecclesie [Sancti Marcelli].
244 C 5167 (1271) : le curé et les paroissiens de Merzé vendent à Cluny plusieurs biens qu’ils possédaient en commun pour pouvoir payer les réparations nécessaires dans l’église.
245 AMCl., FF 1.1, fo 47v.
246 Sur les confréries du Saint-Esprit, voir les deux articles classiques de P. Duparc, « Confréries du Saint-Esprit et communautés d’habitants », et J. Chiffoleau, « Entre le religieux et le politique ». En outre, A. Vauchez, Les laïcs au Moyen Age, p. 120 ; C. Vincent, Les confréries médiévales, p. 34-35.
247 H. Dubois, Les foires de Chalon, p. 250-253.
248 Accord de 1378 : BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 16-17. Lettres de Charles VI d’avril 1392 : BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 19 ; coll. Bourgogne 83, no 419.
249 Les actes de ces procès sont perdus. Ils sont cités dans l’inventaire des archives abbatiales : AD71, H 22, fo 36r (éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 87, no 638-644).
250 Les actes de ces procès sont également perdus : AD71, H 22, fo 36r-v (éd. A. Benet, J. L. Bazin, Inventaire général, p. 87-88, no 646-650).
251 AMCl., DD 2.1.
252 AMCl., FF 1.2, fo 1v-3v, 33r-37r.
253 Les pièces des deux procès et les comptes-rendus d’audience sont conservés dans les deux registres rédigés par un greffier du juge du bailli, G. Bordel : AMCl., FF 1.1, FF 1.2.
254 Lettres de Charles VII, perdues, mais résumées dans l’inventaire des archives de l’échevinage dressé au XVIIe s. : AMCl., II 5, fo 2r. Appel de l’abbé Jean de Bourbon devant le Parlement de Paris, interjeté devant le prévôt de Mâcon, le 23 mars 1461 : BnF, coll. Bourgogne 84, no 527.
255 Comme en témoignent les nombreux conflits qui les opposent à certains bourgeois refusant de s’en acquitter : AD 71, H 22, fo 37v-38r (éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 91-92, no 673-677) ; AD71, H suppl. Cluny 7bis, no 16.
256 Le brouillon d’un interrogatoire mené sur les habitants et les officiers abbatiaux en 1465 rapporte les points principaux du conflit : BnF, coll. Bourgogne 84, no 535.
257 On n’a pas conservé le texte de l’accord, mais une requête des habitants de Cluny soumise à Jean de Bourbon, datée de juillet 1467, manifestant leur désir de mettre fin au conflit en cessant la procédure judiciaire : BnF, coll. Bourgogne 84, no 536. La plupart des pièces de la procédure sont également perdues. Elles sont signalées dans l’inventaire des archives abbatiales : AD71, H 22, fo 37 (éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 90-91, no 661-667).
258 AMCl., FF 1.1, fo 21r-29v.
259 Ibid., fo 22r : Item quod dictus Reverendus Pater ad causam sue ecclesie Cluniacensis ab omni tempore est dominus ville Cluniacensis et in eadem habet habere que solet et consuevit omnimodem juridicionem temporalem altam mediam et bassam, merum que et mixtum imperium inquantum limites eiusdem ville se comportant et extendunt et super omnibus et habitantis eiusdem.
260 L. Holzmann, « Dominium mundi und Imperium merum » ; J. Krynen, L’Empire du roi, p. 383-390.
261 Du Cange, Glossarium, t. IV, col. 306-307, cite plusieurs exemples qui montrent la banalisation de l’expression à la fin du Moyen Age pour qualifier le pouvoir de haute justice d’un seigneur.
262 AMCl., FF 1.1, fo 22v : Item quod super habet ipse dominus abbas ad causam que supra habuit que et habere solitus est, per se et suos predecessores abbati Cluniacenses, jus prerogativam facultatem usum possessionem et saisinam seu quasi convocandi seu convocare faciendi et procurandi per se et suos officiarios, dum et quotienscunque opportunum est et fuit necesse, pro quibuscunque actibus necessariis factum dicte ecclesie ac etiam dicte ville et rei publice tangentibus, dictos incolas et habitantes eiusdem ville Cluniacensis seu maiorem et saniorem partem eorumdem, infra domum seu ad curiam decanatus Cluniacensis predicti, et ad hoc dictos manentes et habitantes compellandi omnibus viis et modis debitis et opportunis.
263 Sur ce point P. Ourliac, J.-L. Gazzaniga, Histoire du droit privé, p. 205-229.
264 AMCl., FF 1.1, fo 101v-102v.
265 AMCl., DD 2.4. Voir carte 42 ; AMCl., terrier Bollo. Quelques notes sur la « maison des échevins » au XVIIe s., avec une photographie de la salle principale, dans P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 207-208 (fig. 226). Sur l’emplacement de l’hôtel de ville au XVIIe et XVIIIe s. et ses déménagements successifs pendant la période révolutionnaire : L. Daclin, Dans les venelles du vieux Cluny, p. 12-13 ; L. Chaumont, « Le couvent des Récollets à Cluny », dans Millénaire de Cluny, t. II, p. 97-100.
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Paix et communautés autour de l'abbaye de Cluny
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- Baud, Anne. (2013) Architecture, décor, organisation de l'espace. DOI: 10.4000/books.alpara.3710
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