Chapitre VIII. La communauté d’habitants au seuil du XIIIe siècle
p. 365-391
Texte intégral
1Près d’un siècle sépare la promesse des bourgeois de prendre les armes ad defensionem ecclesiae et leurs offensives militaires pour protéger les biens de l’ecclesia et de la villa Cluniacensis. Entre temps, les coutumes de la villa sont mises par écrit. En 1180, une nouvelle enceinte clôt le bourg. En 1206, les bourgeois secouent la tutelle abbatiale en formant une commune jurée. La révolte tourne court, mais l’acte rédigé pour attester la paix nouvelle est authentifié par le sigillum villae Cluniacensis. Le monde change. D’abord imperceptible, la communauté d’habitants devient plus nette derrière la rhétorique des chartes clunisiennes.
1. Les chartes de coutumes
2Deux chartes de coutumes sont octroyées par les abbés aux habitants de Cluny dans la deuxième moitié du XIIe siècle. La première date de l’abbatiat d’Etienne Ier, vers 1163-11731. L’original est perdu, mais on dispose de deux copies collationnées sur l’original par des notaires publics de Cluny, l’une vers 1449-14562, l’autre entre 1473 et 14823. Elle comprend un préambule et dix-huit articles relatifs au statut personnel des habitants (articles I-III), à la justice (articles IV-X et XVIII) et aux coutumes pour les mariages, les héritages, la mouture du grain et la cuisson du pain (articles XI-XVII)4. La seconde charte est octroyée par l’abbé Hugues IV en 11885. Elle est conservée en original, se compose d’un préambule et de cinq nouveaux articles relatifs à la propriété (I), au sort des biens volés (II), au paiement des cens (III), et à la justice (IV-V)6.
Les motifs de la concession
3Les préambules des deux chartes et la clause finale de la seconde présentent, par-delà les topoi, les motifs de rédaction des coutumes7. L’abbé Étienne, initiateur de la première charte, a voulu connaître et conserver les bonnes coutumes, statuts et usages du lieu. Dans ce dessein, il a demandé à un groupe de vieillards (viri antiquiores) de rassembler leurs souvenirs pour mettre par écrit les usages institués jadis par les saints abbés8. Hugues IV justifie la seconde charte par la crainte de l’oubli et la disparition des œuvres humaines si elles ne sont pas fixées dans les lettres. Il cite saint Jean : « le monde change et sa convoitise avec lui »9. La coutume orale est désormais soutenue par les chartes. L’écrit s’impose pour dire le droit.
4Les chartes consignent par écrit des coutumes, et non des franchises. Il ne s’agit en aucun cas de chartes d’affranchissement transformant le statut des habitants de Cluny. Elles fixent pour la postérité les coutumes qui fondent leur appartenance à une même communauté et certains rapports avec le seigneur-abbé10. La paternité des coutumes est attribuée à saint Hugues puis à tous les autres saints abbés (a sancto Hugone aliisque beatis ejusdem ville abbatibus). Rien n’indique qu’il faille prendre l’expression au pied de la lettre. Les saints abbés ne désignent pas uniquement Odon, Maïeul et Odilon. La sainteté est la qualité intrinsèque de tous les abbés depuis le début du XIe siècle au moins. Les chartes sont nombreuses où l’abbé de Cluny est qualifié « saint » bien avant que son culte ne soit effectivement développé, si tant est qu’il l’ait été11. Sous les expressions beati abbates ejusdem ville ou sancti abbates, la charte d’Étienne désigne tous ses prédécesseurs, de Bernon à Hugues III. De même, le rôle particulier de saint Hugues, le seul nommément cité, apparaît comme un topos. S’appuyant sur cette mention, plusieurs historiens ont supposé l’existence d’une charte de coutumes rédigée par Hugues de Semur et aujourd’hui perdue12. Rien ne permet de soutenir cette affirmation. D’une part, la date est beaucoup trop haute pour ce type d’acte (Hugues Ier est mort en 1109). D’autre part, une telle charte n’est jamais mentionnée. En 1188, lorsque Hugues IV confirme les coutumes de « ses prédécesseurs de bonne mémoire, dom Hugues et dom Étienne », il appose son sceau sur la charte concédée aux bourgeois, c’est-à-dire celle d’Étienne13. Il n’en existe pas d’autre. L’attribution des anciennes coutumes de la villa à l’abbé Hugues Ier paraît avant tout symbolique. Saint Hugues est le « bon roi saint Louis » de l’Église clunisienne. Non sans raison d’ailleurs. C’est effectivement sous son abbatiat que les fondements de l’organisation sociale ont été posés entre les moines et les laïcs des environs. L’immunité territoriale, le système des doyennés, la construction des églises du bourg et de la grande abbatiale, la rédaction des coutumes d’Ulrich et de Bernard qui fournissent une base scripturaire à la conduite des officiers monastiques, les chantiers des cartulaires... sont l’œuvre de l’abbé Hugues. Les « bonnes coutumes du lieu » sont le résultat combiné de toute cette organisation sociale.
5Les deux chartes de coutumes sont présentées comme un octroi de l’abbé, une libéralité concédée généreusement (gratuito) et sans contrainte14. L’abbé entend montrer qu’il est un seigneur juste, soucieux de la paix et du bien de ses hommes. La notion du bien commun sous-tend la seconde charte. Hugues IV dit l’avoir octroyée par souci de favoriser par tous les moyens la « paix et l’utilité » (pax et utilitas) des bourgeois et de tous les habitants de Cluny. Il confirme les coutumes d’Étienne « pour la paix et la prospérité de la ville »15. La notion est proche de celle que défendait Pierre le Vénérable quarante ans plus tôt : l’unité, l’utilité et la défense de l’Église. Mais cette fois, il ne s’agit plus de l’Église clunisienne mais de la ville. Le profit des bourgeois est indissociable de celui de l’abbé. S’il leur concède une charte, c’est pour mieux s’assurer leur dévouement. Les bourgeois de Cluny honoreront d’autant mieux leur fidélité envers l’Église clunisienne qu’ils seront libres et forts de coutumes écrites. Telle est la « gratuité » de la concession abbatiale : la paix contre la fidélité.
Le corps « civil » de Cluny
6L’article I des coutumes d’Étienne pose les conditions d’appartenance à la communauté d’habitants et définit le nouveau statut de la personne qui remplit les conditions :
Si quelqu’un a résidé pendant un an et un jour dans la villa de Cluny comme citoyen (ut civis), l’ecclesia le considère alors comme paroissien16.
7Chacun de ces termes mérite une explication.
8Le terme civis indique à la fois la soustraction à toute dépendance personnelle et l’intégration dans une communauté. L’ecclesia de Cluny ne tolère pas qu’une personne soit dépendante personnellement d’une autre. Elle ne peut l’intégrer et doit la laisser partir si son statut de serf a été prouvé17. À l’inverse, elle doit protéger tous ses hommes contre les prétentions indues de servitude18. Les conditions de civis et servus sont antinomiques. Servus compte d’ailleurs parmi les injures qu’il est interdit de proférer contre les habitants de Cluny sous peine de devoir payer une amende de six sous19. Cette antinomie fondamentale est fondée sur une opposition entre l’individu et le corps. Seul compte le statut de l’homme au regard du corps auquel il appartient. Le qualifier de servus indique qu’il est la propriété personnelle de quelqu’un. Il n’est pas maître de son corps, de ses biens, de sa volonté. Il ne peut par conséquent faire partie d’une communauté de « citoyens » qui repose sur la participation volontaire et l’acceptation des règles communes. Il est exclu par nature, comme les voleurs, parjures ou lépreux sont exclus par leurs péchés. Le « citoyen » de Cluny est donc un homme libre. Il n’en demeure pas moins soumis à la domination abbatiale. C’est d’ailleurs la condition de sa liberté. Parce qu’il est fidèle à l’abbé et dévoué à sa personne (le préambule de la charte d’Hugues IV), il devient membre du corps ecclésial qui le considère comme citoyen. Il jouit de règles écrites, contrairement au serf soumis à l’arbitraire. Sa liberté est d’autant plus grande qu’il est davantage respectueux des règles. Comme les serfs de 1100 qui accédaient à la liberté en devenant les serfs de saint Pierre20, l’habitant de Cluny accède à la liberté du « citoyen » en entrant dans l’ecclesia.
9La résidence à Cluny est la seconde condition nécessaire pour intégrer la communauté d’habitants. Il faut résider (habitare) pendant au moins un an et un jour dans la villa Cluniaco. On notera qu’il n’est nullement question du burgus dans les deux chartes. Le terme tend d’ailleurs à disparaître dans cette deuxième moitié du XIIe siècle21. Dès lors, le terme villa le remplace, mais son acception est plus large. La villa s’étend hors de l’agglomération proprement dite, dans les limites de l’immunité définie en 1080 et 1120. Elle comprend la colline de la Cras, au nord, les premiers contreforts de la colline de Ruffey, jusqu’à l’église Saint-Germain, à l’ouest, la zone marécageuse en amont du bourg jusque vers le ruisseau de Saunat, au sud, et le bois de Bourcier, à l’est. Comme on l’a vu, cette zone est également la circonscription de référence pour le doyenné et la parrochia de Cluny22. La nature de la résidence dans la villa n’est pas précisée. Seule la durée est claire. Un an et un jour correspondent au laps de temps généralement considéré pour reconnaître la possession d’un bien. On l’introduit ici, comme dans de nombreuses autres chartes de coutumes, pour établir l’appartenance d’un homme à la communauté d’habitants. Le verbe habitare peut signifier la résidence ou la possession d’une maison. Cependant l’absence de précision semble indiquer que le droit du sol prévaut pour intégrer une personne dans la communauté, qu’elle soit propriétaire ou non de la demeure dans laquelle elle réside. La terre de Cluny fait le citoyen. Par ses coutumes, celui-ci s’oppose à tous les « hommes de l’extérieur » (homines forinseci)23.
10Tous ceux qui répondent aux conditions de liberté et de résidence ne bénéficient peut-être pas des mêmes coutumes. Les chartes attestent pour la première fois d’une distinction appelée à un grand avenir entre les bourgeois (burgenses) et les habitants (habitantes, manentes)24. Il est difficile de dire si cette distinction révèle une réelle différence de statut. Le cas est attesté dans plusieurs villes et cette hypothèse est généralement privilégiée, en tout cas pour la fin du Moyen Age25. À Cluny, il semble en aller de même à partir du XIVe siècle lorsque les habitants sont divisés en deux groupes pour prêter serment à l’abbé26. Mais à la fin du XIIe siècle, la distinction paraît moins tranchée. Le burgensis Cluniacensis est parfois opposé à l’habitans ou au manens mais dans l’article V des coutumes de 1188, les termes « habitant de Cluny » (Cluniaci morans) et « bourgeois de Cluny » (burgensis Cluniacensis) sont synonymes27. Par conséquent, je n’oserais affirmer que les articles mentionnant seulement les burgenses ou les manentes ne s’appliquent qu’à une partie de la population de la villa et non à tous ceux qui résident sur son sol28. De même, les critères de distinction entre bourgeois et habitant restent flous. Est-ce le lieu de résidence (à l’intérieur ou à l’extérieur du bourg) ? la possession d’une maison ou d’une terre sur le sol du bourg ? la richesse ? le métier ? Je n’ai pu recueillir aucun élément susceptible d’appuyer l’une ou l’autre de ces hypothèses pour les XIIe et XIIIe siècles. Outre son acception géographique, le mot villa peut désigner le « corps civil », c’est-à-dire l’ensemble des habitants qui résident dans la villa et bénéficient des coutumes. Tel est son sens dans les expressions de statu ville et usibus, ob pacem et meliorationem ville ou fractum ville, cette dernière étant utilisée pour désigner les délits graves29. Mais plus clairement, la communauté d’appartenance de l’habitant de Cluny est la parrochia ou l’ecclesia. La personne qui réside « en citoyen » (ut civis) dans la villa pendant un an et un jour est considérée comme perrochianus par l’ecclesia (art. I). Si quelqu’un revendique la servitude d’un perrochianus ecclesie, l’ecclesia doit le garder dans son pouvoir (art. II), mais s’il s’avère être serf, l’ecclesia doit lui permettre de quitter la villa (art. III)30. Si un homme meurt intestat, sans héritier ni épouse, ses biens seront dévolus à l’ecclesia (art. XIV)31. Interprétée littéralement, l’expression perrochianus ecclesie indique que la communauté d’appartenance de l’habitant de Cluny est la paroisse. C’est un élément essentiel, mentionné pour la première fois aussi clairement dans les chartes clunisiennes. « L’apparition » des deux paroisses Saint-Odon et Sainte-Marie dans le privilège de Calixte II en 1120 signalait la mise en place des nouvelles cellules. L’évolution est achevée dans le troisième tiers du XIIe siècle. Le Clunisois est avant tout le membre d’une paroisse. Mais on ne doit pas faire abstraction du statut des églises paroissiales de Cluny. Les deux ou trois églises du bourg (Sainte-Marie, Saint-Odon, peut-être Saint-Maïeul) dans lesquelles, vers 1170, les Clunisois peuvent être baptisés, mariés ou ensevelis sont incorporées dans l’Église clunisienne. Par l’intermédiaire de son archidiacre, l’abbé nomme les desservants, perçoit les dîmes et corrige les déviations éventuelles des prêtres. Juridiquement, il n’existe à Cluny qu’une seule paroisse, la parrochia dont l’abbé de Cluny est le curé ou plutôt l’évêque. D’autre part, le cadre territorial de la parrochia de Cluny est le même que celui de la villa, d’où l’association dans les coutumes entre habitator ville et perrochianus ecclesie. En venant s’installer sur le sol de la villa, l’homme libre devient le membre d’un corps civil et ecclésial, les deux aspects étant indissociables. Il est citoyen de la villa, paroissien de l’ecclesia et par là même inclus dans l’Église clunisienne. Le terme ecclesia utilisé dans les coutumes d’Étienne est donc ambigu, mais cette ambiguïté révèle parfaitement l’emboîtement des structures d’encadrement autour de l’abbaye de Cluny.
Les instances dirigeantes dans la villa
11Plusieurs articles des chartes de coutumes font référence à une instance dirigeante dans la villa de Cluny : la potestas loci ou potestas ville, le dominus loci, le magistratus loci. La potestas loci (ou ville) reçoit les plaintes des délits commis dans la villa32. Dès qu’une plainte est déposée, le corps et les biens de la personne mise en accusation ne doivent être inquiétés par personne. La potestas loci doit assurer la sécurité des personnes prêtes à se soumettre au jugement33. La potestas ne s’occupe des délits que lorsqu’une plainte a été déposée auprès d’elle. Les bourgeois peuvent, s’ils le désirent, régler eux-mêmes leurs querelles par l’arbitrage de leurs pairs et de leurs voisins (per se vel per vicinorum) avant de porter plainte, sauf s’il s’agit de coups et blessures, de vol ou d’adultère. Ces délits graves sont considérés comme un bris de la paix civile (fractum ville). Ils doivent être portés devant la potestas loci et sont alors jugés par le magistratus loci34.
12Si elle laisse aux bourgeois la possibilité de régler entre eux les délits légers avant la plainte, la potestas, par le biais de son magistratus, semble donc compétente pour juger tous les délits qui lui sont présentés. Avec une exception cependant. Lorsqu’un homme ou une femme de mauvaise vie (gluto aut meretrix) porte atteinte par sa parole ou ses actes à un homme ou une femme honnête, l’injurié peut se venger sur le champ sans faire appel au magistratus. En aucun cas cette vengeance ne peut faire l’objet d’une plainte auprès du magistrat35. Les personnes de mauvaise réputation, exclues du groupe social par leur conduite, ne peuvent bénéficier de la paix de la communauté. Leurs litiges sont laissés au règlement des vengeances privées et à tous les débordements possibles.
13Le recours à des légistes professionnels (legistas) pour la défense des parties n’est pas autorisé lorsque le conflit met aux prises deux habitants de Cluny (Cluniaci manens). Si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord, le différend doit être tranché selon les usages traditionnels de la villa par les personnes compétentes : l’ordo judicialis. En revanche, les bourgeois de Cluny peuvent faire appel à un avocat (legistam advocatum) lorsqu’ils sont en conflit avec des étrangers et si ces étrangers sont aidés par des légistes (legis peritos)36.
14Les litiges soumis à l’arbitrage de la potestas loci peuvent donner lieu à des compensations financières. Les coups et blessures avec effusion de sang sont taxés de l’amende de soixante sous. Si le sang n’a pas été versé, l’amende sera limitée au dixième et partagée par moitié entre le dominus loci et la victime37. Il en ira de même pour toutes les injures verbales, telles que « voleur », « serf », « puant », « parjure », « lépreux », « traître », et « prostituée » ajoute un manuscrit du XVIe siècle : si une plainte est déposée devant la potestas loci, l’amende sera de six sous, dont la moitié pour le dominus loci, l’autre pour la victime38. Les adultères ne sont pas taxés s’ils accomplissent la peine humiliante et infamante de la course, c’est-à-dire s’ils traversent nus la ville. Et si quelqu’un leur reproche leur délit après l’accomplissement de la peine, il sera puni d’une amende de six sous à verser par moitié au dominus loci et aux accusés39.
15Le dominus s’occupe également de percevoir les cens annuels sur les habitants. Il est aidé dans cette tâche par un serviteur (serviens dominorum). Lorsqu’une personne refuse ou ne peut payer les cens, le dominus a la possibilité de mettre en gage un de ses biens. Au bout de sept jours, si la personne n’a pas racheté son gage, celui-ci peut être vendu. L’acheteur devra payer sept sous à la potestas pour l’obtenir. En outre, si le mauvais payeur ne possède rien qui puisse être mis en gage, le dominus hypothèque ses biens-fonds (possessionem) et les prend dans son domaine (dominium) jusqu’à ce que la dette soit acquittée40.
16L’absence de précision sur le magistratus loci, le dominus loci et les personnes agissant au nom de la potestas loci ne facilite pas l’interprétation, mais plusieurs éléments m’incitent à identifier le dominus loci et la potestas loci à l’abbé et aux officiers chargés du temporel : prieur, chambrier, doyen de Cluny. La lex banni de 1095 leur attribuait la responsabilité de l’arbitrage des crimes de sang et des violences perpétrés dans le ban sacré. Ce sont eux, on l’a vu, qui perçoivent les cens sur les habitants du bourg41. Ils disposent, à cet effet, d’un certain nombre de serviteurs laïques recrutés sans doute parmi les bourgeois. Dans les coutumes d’Hugues IV, celui que l’on charge de prélever les cens est appelé « serviteur des seigneurs » (serviens dominorum), appellation qui signale son activité au service des différents domini de la villa : le prieur, le chambrier et le doyen.
17On ne dispose malheureusement d’aucune notice de plaid permettant de connaître le déroulement de la justice dans le bourg aux XIIe et XIIIe siècles. De tels documents n’existent pas avant la deuxième moitié du XVe siècle, période pendant laquelle les conflits se multiplient entre les habitants et le convent. À cette date, l’officier chargé de faire appliquer la justice sur la villa est le grand-prieur qui délègue à cet effet le doyen de Cluny, lui-même assisté du sous-chambrier42.
18La mention des légistes et de l’ordo judicialis indique que le règlement des conflits pouvait déjà être réglé, à la fin du XIIe siècle, par des juristes ou des magistrats professionnels. C’est là une nouveauté fondamentale par rapport à la situation qui prévalait un siècle plus tôt. La seule autorité de l’abbé et des officiers monastiques, leurs tractations avec les malfaiteurs ne suffisent plus pour faire régner la paix. Mais rien n’indique cependant que ces juristes formaient un corps de magistrats élus par les bourgeois comme le supposent Théodore Chavot et Giles Constable43. Si tel était le cas, les coutumes l’auraient sans doute mentionné. À l’inverse, les légistes et l’ordo judicialis agissent au service de la potestas et du dominus loci, représentée par les officiers monastiques. Les actes judiciaires des XIVe et XVe siècles le montrent bien. Par conséquent, la différence fondamentale entre les coutumes de la fin du XIIe siècle et la lex banni de 1095 est moins la délégation de la justice à la communauté d’habitants que l’apparition des hommes de loi aux côtés des officiers monastiques chargés de faire régner l’ordre.
19De même, l’hypothèse selon laquelle les délits de basse justice étaient réglés par les habitants ne peut guère être soutenue. Théodore Chavot et Georges Duby l’ont avancée sur la base de l’article des coutumes d’Étienne selon lequel les habitants peuvent régler entre eux les litiges avant qu’une plainte ne soit déposée devant la potestas loci44. Mais l’absence de plainte indique précisément qu’il ne s’agit pas de règlements judiciaires, mais de compromis à l’amiable qui ne nécessitent le concours d’aucune autorité. Ils étaient vraisemblablement réglés entre amis et voisins. Là encore, l’analyse régressive apporte des éclairages précieux. À la fin du Moyen Age, l’abbé et ses officiers revendiquent et exercent la « haute, moyenne et basse justice dans toute l’étendue des limites de la ville et sur tous les habitants »45. Les chartes de coutumes ne mentionnent pas de juges laïques ou bourgeois. On ne parle pas d’échevin, de consul, de maire, ni même d’une quelconque personne - ou groupe de personnes - déléguée(s) par la communauté d’habitants et dotée(s) de prérogatives judiciaires. Les chartes contemporaines n’en font pas davantage de cas. Il faut encore attendre le milieu du XVe siècle pour connaître les premiers échevins de Cluny46. Certes, dès 1145 au moins, on reconnaît à Cluny l’existence des meliores burgenses. Ils se réunissent avec l’abbé pour décider qui devra rester dans le bourg pour le défendre en cas d’attaque, qui combattra ou qui ne partira pas47. Le concours des meliores est peut-être parfois sollicité pour régler à l’amiable les litiges mineurs, mais ils ne forment pas un corps de magistrats élus par les habitants dont aucune source n’atteste l’existence avant la fin du Moyen Age.
20Parmi les habitants impliqués peu ou prou dans l’administration de la villa, il faut également compter les serviteurs des officiers monastiques, les sergents préposés au prélèvement des cens ou les auxiliaires de police. Les chartes de coutumes ne disent pas un mot de ces derniers, mais on sait qu’ils existent. Le prévôt de Cluny est de ceux-là. Il est cité dans les chartes dès les dernières années du XIe siècle, mais ses fonctions restent obscures48. Joachim Wollasch le suppose doté de fonctions judiciaires et voit en lui le représentant de la potestas loci dont parlent les coutumes49. Rien n’est moins sûr. Hormis le prévôt Humbert impliqué dans différentes transactions avec le monastère entre 1080 et 1115, cet officier reste complètement dans l’ombre jusqu’au début du XIVe siècle. Il apparaît alors comme le responsable de la police dans la villa et du cri des sentences de justice avec l’aide d’un serviteur choisi par ses soins. Il tient son office en fief de l’abbaye de Cluny et doit par conséquent prêter serment de fidélité à l’abbé. Il est l’officier le plus important du bourg de Cluny, mais il n’est pas nommé par les bourgeois et n’exerce aucune fonction de justice ; il est un « simple » officier de police. Le juge ordinaire des causes de la villa est toujours le doyen de Cluny50.
21Les chartes de coutumes laissent également entrevoir quelques personnages chargés d’offices communautaires dans la villa. Les chapelains desservent les églises du bourg. Les paroissiens leur versent des dons lors des mariages, à la mesure de leurs ressources. Les chapelains doivent refuser les dons en argent au profit du pain, du vin et de la viande, sans doute consommés lors du repas commun (convivium)51.
22Les deux boulangers du bourg, le maître et son associé (fornerius major et socius suus) sont également mentionnés. Ils perçoivent un denier ou le poids d’un denier de pâte pour chaque panal (panellus) de pain cuit pour être vendu. Le pain cuit pour la consommation personnelle est taxé de moitié (une obole par panal). Chacun doit également fournir le bois pour la cuisson de son pain52. L’équivalence des mesures clunisoises n’est pas fournie par les coutumes. De maigres indices peuvent être glanés en amont et en aval. L’enquête d’Henri de Winchester sur les doyennés de Cluny (vers 1155), présente l’équivalence d’un panal pour un quart de setier dans les doyennés de Malay, Berzé et Arpayé53. En 1207, un règlement de l’abbé de Cluny abaisse le taux du droit de mouture des habitants de Cluny fixé par les coutumes d’Étienne. Les coutumes prévoyaient de verser au moulin (c’est-à-dire à l’officier chargé de le faire fonctionner), pour chaque setier moulu, une coupe de blé et une coupe de farine. Des moissons jusqu’à Noël, les deux coupes doivent être pleines. Elles seront rases pendant les six autres mois54. En 1207, les coupes rases sont exigées pendant neuf mois au lieu de six, de Noël à la Saint-Michel (29 septembre). Pendant les trois mois restants, ils doivent verser une coupe pleine et l’autre rase. La coupe vaut le onzième du panal et le panal vaut le quart du setier55. Un témoignage beaucoup plus tardif permet de préciser l’équivalence des mesures clunisoises. Une enquête royale de la fin de 1776 reconnaît la valeur du panal à 96 livres et ses subdivisions : la quarte, valant un demi panal, soit 48 livres, le quarteron, valant un quart de panal, soit 24 livres et le couppon, valant un douzième de quarteron, soit deux livres56.
23Les coutumes sont muettes sur la personnalité des boulangers et leur recrutement. En revanche, un règlement de 1302 modifiant les coutumes sur la cuisson du pain indique que tous les boulangers des fours de Cluny sont alors au service de l’aumônier qui les rémunère sur ses propres revenus57. Les redevances sont alors réévaluées. La cuisson pour la consommation personnelle est taxée de deux deniers et une obole par panal. Pour la cuisson du pain destiné à la vente, on exige désormais vingt deniers par fournée, sachant qu’une fournée équivaut à six panaux (soit trois deniers et un tiers par panal)58. Le bois de cuisson est toujours fourni par les particuliers. Les bourgeois peuvent se plaindre si les boulangers font preuve de négligence. Ceux-ci seront alors corrigés comme il se doit59.
24Les meuniers comme les boulangers étaient vraisemblablement des officiers laïques dirigés par un officier abbatial (l’aumônier, le chambrier ?). Ils travaillaient tout autant au service de la communauté d’habitants que du convent et les bourgeois ne semblent avoir pris aucune part dans leur nomination. Je ne vois aucune raison de suivre Théodore Chavot selon qui le maître des boulangers cité dans les coutumes du XIIe siècle est un officier abbatial et son associé un officier de la ville nommé par les bourgeois60. On ne voit pas davantage de traces de confréries de métiers qui les auraient fédérés. Leur fonction est symptomatique des rapports entre la communauté d’habitants et le convent. Agir pour les bourgeois est d’abord agir pour les moines.
25La rédaction des chartes de coutumes dans la deuxième moitié du XIIe siècle marque une étape fondamentale dans les rapports entre les habitants et les moines parce qu’elle contribue à éviter tout arbitraire dans l’exercice de la domination abbatiale et institue par écrit un certain nombre de droits. Les résidants du bourg apparaissent ainsi privilégiés par rapport aux habitants des environs. D’une part, leurs coutumes sont couchées sur le parchemin. Ils sont les premiers de la région à bénéficier d’un tel statut61. D’autre part, leur liberté personnelle est garantie et constitue une condition indispensable à leur résidence prolongée dans le bourg. Mais la « communauté d’habitants » n’accède pas, par ces coutumes, à un « affranchissement » ou à une « émancipation » quelconque à l’égard de la domination seigneuriale de l’abbé. Elle ne nomme pas elle-même ses dirigeants. Le règlement des délits relève de l’autorité des officiers monastiques qui, par ailleurs, prélèvent les cens. La nature du lien social entre moines et bourgeois ne paraît donc pas avoir fondamentalement évolué depuis le temps de saint Hugues. D’autres signes permettent de s’en rendre compte.
2. Les attributs de la communauté d’habitants vers 1200
26La nature d’une communauté d’habitants se mesure à plusieurs critères. Les organes de représentation, l’élection des représentants, l’existence ou l’absence d’une fiscalité propre, la possession d’un coffre commun, d’un sceau, d’un hôtel de ville et les noms donnés par la communauté d’habitants pour se définir sont autant d’attributs qu’il est nécessaire de prendre en compte et de confronter aux chartes de coutumes62.
La nouvelle enceinte du bourg
27La construction d’une enceinte en pierre autour du bourg est mentionnée uniquement par la chronique du XVe siècle, dans la notice consacrée à l’abbatiat de Thibaud de Vermandois63. Le chroniqueur retient très peu d’événements pour cette période : le bref passage de Thibaud à Cluny, élu en 1179, démissionnaire en 1180 après son élection comme évêque d’Ostie ; la construction des murs de la ville ; les dons en métaux précieux d’Étienne, « le plus fidèle des bourgeois de Cluny ». Pour la construction de l’enceinte, la phrase est la suivante :
Cet abbé Thibaud a acquis les dîmes de cette ville et a commencé ses murs64.
28La mention est laconique, mais elle a le mérite de mettre en parallèle la perception des dîmes et la construction de l’enceinte. Des précisions sont contenues dans la version manuscrite la plus ancienne de la chronique, rédigée sous forme d’annales à la fin du XVe siècle. La notice sur l’abbatiat de Thibaud est placée sous l’année 1178. Elle occulte le souvenir du bourgeois Étienne, mais s’étend davantage sur la construction de l’enceinte :
D’autre part, Thibaud a acquis les dîmes de cette ville et a commencé les murs ; Pour ces choses, l’abbé H[ugues] a ordonné que soit servi au convent, le jour de son anniversaire, le vin le meilleur et le plus pur de tout le cellier. Que celui qui ne fait pas cela et le contredit subisse l’anathème. Amen65.
29L’abbé H. en question est sans aucun doute Hugues IV, successeur immédiat de Thibaud de Vermandois, à la tête de Cluny de 1183 à 1199. Son geste en l’honneur de son prédécesseur n’a pas été retenu dans la version définitive de la chronique, sans doute parce que, depuis longtemps, le convent avait arrêté de servir le meilleur vin le jour anniversaire de Thibaud. Néanmoins, la décision abbatiale a suffisamment marqué en son temps pour que la construction de l’enceinte soit célébrée comme un bienfait important pour la communauté monastique.
30La notice met clairement en valeur l’initiative abbatiale. Les murs n’ont pas été bâtis par la volonté des bourgeois. Ils étaient pourtant les premiers concernés, en donnant vraisemblablement de leur force pour réaliser le travail, et en bénéficiant les premiers de la protection d’un mur. Mais à la fin du XIIe siècle, les bourgeois ne sont pas maîtres de leurs affaires communes. Ils ne forment qu’une seule communauté avec le monastère et seul l’abbé peut prendre la décision d’une affaire aussi importante.
31Sous la plume du chroniqueur, la juxtaposition de deux événements n’est jamais anodine. En faisant coïncider dans la même phrase la construction de l’enceinte et le prélèvement des dîmes, l’annaliste révèle sans doute le financement de l’opération. Le produit des dîmes clunisoises a dû être converti dans la construction des murs. Le symbole est fort. La dîme souligne l’appartenance des habitants à la communauté paroissiale. Ils paient la dîme à leur curé en échange du culte et des sacrements. La construction de l’enceinte maçonnée se place exactement entre les deux chartes de coutumes qui inscrivent précisément les habitants de Cluny dans une cellule paroissiale. Désormais l’encellulement sera visible, en pierre. Par ailleurs, il ne faut pas négliger le caractère conjoncturel de cette construction. En 1166, les Clunisois ont subi une déroute totale contre les Brabançons du comte de Chalon. Ils étaient désarmés et, visiblement, ne savaient pas se battre. L’apprentissage du combat n’a sûrement pas été la préoccupation première des marchands du bourg, même après un échec sanglant. En revanche, on répond par la construction d’un mur, sous la direction de l’abbé, avec l’argent des dîmes, pour le bien commun de tous, conformément au serment de 1145.
La représentation
32Les chartes de coutumes ne mentionnent aucun magistrat ni représentant de la communauté d’habitants élu par les bourgeois, mais les documents contemporains attestent que les Clunisois avaient, de manière exceptionnelle, la possibilité de se faire représenter. Il peut s’agir d’une délégation restreinte comme celle des deux bourgeois chargés de représenter les intérêts de la villa et de l’ecclesia lors du plaid avec les chevaliers de Brancion66. Mais les délégations plus importantes ne sont pas exclues. En 1145, Pierre le Vénérable envisage la tenue d’un conseil exceptionnel avec les meliores burgenses en cas de danger militaire. Vingt ans plus tard, l’abbé Étienne réunit les hommes très âgés de la localité (viri antiquiores) pour mettre par écrit les coutumes du bourg67. La composition des deux groupes est très différente, mais le principe de déléguer une partie de la communauté d’habitants pour statuer sur le sort commun prévaut dans les deux cas. Dès lors que ce principe est établi, il est probable que de telles assemblées se soient réunies à plusieurs reprises. La garantie des vingt-et-un bourgeois au prêt d’Henri de Winchester en 1149, la reconstruction de l’église Saint-Odon et son changement de vocable vers 1160, l’expédition au-devant du comte de Chalon en 1166, la décision de construire les murailles en 1179, la rédaction de nouvelles coutumes en 1188 puis les offensives militaires au début du XIIIe siècle ont sans doute été décidées lors d’une assemblée réunissant aux côtés de l’abbé ou d’un de ses lieutenants, un groupe représentatif des bourgeois de Cluny. Mais ne nous y trompons pas. La réunion des assemblées de bourgeois ne manifeste nullement leur autonomie à l’égard de la domination abbatiale. Les assemblées restent exceptionnelles et ne constituent pas un organe ordinaire de gouvernement, mais un outil occasionnellement utilisé par l’abbé, convoqué par l’abbé. Ni le serment de 1145, ni les coutumes de la fin du XIIe siècle n’autorisent les bourgeois à se réunir librement. Dans la cellule seigneuriale de la ville de Cluny, l’autorité est incarnée par l’abbé. Les habitants du bourg sont ses fidèles et, en tant que tels, ils sont parfois sollicités pour donner leur conseil dans les décisions qui les concernent. La plus ancienne mention du conseil des meliores burgenses se trouve, rappelons-le, dans le mémorandum du serment prêté par les bourgeois à Pierre le Vénérable. La première clause du serment, et la seule dont la vigueur soit perpétuelle, est la fidélité à l’abbé68. D’autre part, le milieu du XIIe siècle voit l’émergence dans le gouvernement de l’Église des théories et des pratiques collégiales bientôt sous-tendues par la maxime extraite du code Justinien selon laquelle « ce qui concerne tous doit être approuvé par tous » (Quod omnes tangit ab omnibus tractari debet). L’ordre cistercien s’organise sur ce modèle puis, bientôt, l’Église romaine tout entière à partir d’Alexandre III et d’Innocent III, et les États dans le cours du XIVe siècle pour ce qui concerne le royaume de France69. Le recours au conseil des bourgeois de Cluny par Pierre le vénérable ou son successeur, Étienne Ier, marquent l’application de ce principe de gouvernement. Les bourgeois, membres du corps ecclésial clunisien, doivent participer aux délibérations des affaires qui les regardent au premier chef. C’est un gage du bon respect ultérieur des décisions prises et c’est une manière de bien rappeler la place de chaque groupe constitutif de la société clunisienne. Le serment de 1145 et les coutumes de 1160/1190 ne bouleversent pas l’ordre dans la villa, mais le fondent en le scellant par écrit.
33Une fois admis le principe de la représentation, reste à définir les critères du choix des représentants. Les allusions aux conseils des bourgeois de Cluny au XIIe siècle sont si lacunaires qu’il est bien difficile de s’étendre sur la question. Seuls les qualificatifs employés pour désigner la partie représentative peuvent donner lieu à interprétation. Meliores burgenses d’une part, viri antiquiores de l’autre, dans les deux cas, le choix est fondé sur des critères qualitatifs. Le sexe est le premier, très clair pour les viri antiquiores, plus implicite pour les meliores burgenses : les délégués bourgeois sont des hommes ; les femmes sont exclues de la représentation communautaire. Les antiquiores sont les hommes les plus âgés. Leur antiquitas est un gage d’authenticité pour dire la coutume car celle-ci est valable et bonne si elle est ancienne70. Les personnes les mieux à même de garantir cette ancienneté sont précisément celles qui les connaissent et les respectent depuis le plus longtemps, c’est-à-dire les vieux.
34Les critères qui distinguent les meliores des autres bourgeois sont en revanche plus flous. L’expression est d’un usage courant dans les villes aux XIe et XIIe siècles71. Sont considérés comme meliores ceux que la communauté en question, à une période donnée et pour une cause donnée, considère comme plus aptes que les autres à remplir la tâche. Bien souvent, meliores rime avec ditiores : les « meilleurs » sont également les plus riches72. C’est le cas explicitement à Cluny au début du XIVe siècle73. Les bourgeois qui possèdent plus de biens fonciers ou immobiliers que les autres et ceux dont l’activité est plus lucrative se distinguent naturellement du commun parce qu’ils peuvent prêter de l’argent, louer un pré ou une maison, percevoir des rentes. C’est donc à eux que l’on fait appel lorsque le besoin s’en fait sentir.
35Par conséquent, le choix des représentants semble s’imposer de lui-même. Les meliores sont connus de tous par leur opulence, leur demeure ostentatoire et leur train de vie. Quant aux antiquiores, point n’est besoin de les élire ; chacun les connaît. Les antiquiores et les meliores ne sont pas des représentants attitrés du corps civil, mais les hommes les plus vénérables auxquels on fait appel en cas de besoin. Le groupe représentatif des bourgeois n’est pas l’émanation de la souveraineté populaire. C’est un conseil de sages requis en fonction des qualités intrinsèques des hommes qui le composent et dont l’abbé, incarnation de l’autorité, requiert l’avis lors de décisions importantes. Son pouvoir est consultatif et non décisionnel74.
36Le nombre des représentants est bien difficile à préciser. Au regard des deux listes de bourgeois qui soutiennent l’abbé dans ses emprunts, on est tenté d’avancer l’hypothèse d’une vingtaine de personne75. Mais on ne peut guère en dire davantage ni même affirmer que le nombre des présents a été fixé au XIIe siècle.
L’impossible commune des bourgeois clunisiens
37Les termes utilisés pour qualifier la communauté clunisoise sont tout aussi révélateurs de son statut. On chercherait en vain dans la documentation des XIIe et XIIIe siècles le moindre terme désignant la communauté d’habitants comme un corps organique. Point de res publica ni de corpus, bien sûr, mais point non plus d’universitas, de communia ou même de communitas. Pourtant, les clunisiens connaissaient très bien ces termes que les juristes commençaient, au seuil du XIIIe siècle, à appliquer à toutes sortes de collectivités76. Bien avant que l’expression universitas vestra ne contamine toutes les notifications des chartes, l’Église de Cluny est qualifiée comme telle par les papes dès les premières décennies du XIIe siècle. En 1146, dans une lettre adressée à ses moines, Pierre le Vénérable glorifie leur universitas77. Il s’est bien gardé d’appliquer un tel terme à la communauté d’habitants. Le serment de 1145 s’adresse aux burgenses et homines de decaniis, c’est-à-dire à des individus dont le seul corps est l’Église clunisienne qu’ils doivent défendre.
38Lorsqu’il est question du groupe social formé par l’ensemble des habitants de Cluny, on parle de la villa. On l’a vu employé comme tel dans les coutumes d’Étienne et d’Hugues IV, et dans les chartes du premier XIIIe siècle rapportant les combats de la milice clunisoise. Ces textes ne manquent pas de rappeler l’inclusion de la villa dans l’ecclesia Cluniacensis. La villa est présentée comme un membre de l’ecclesia Cluniacensis, les bourgeois sont les bourgeois de « sa ville » (celle de l’ecclesia Cluniacensis)78. Le qualificatif Cluniacensis (clunisien) est tout aussi significatif. Dès la fin du XIe siècle, il est employé fréquemment pour désigner l’Église clunisienne (ecclesia Cluniacensis), les moines (monachi Cluniacenses), leurs terres et leurs dépendants (terra Cluniacensis ecclesiae, homines Cluniacenses). Dans les mêmes années, la villa de Cluny (villa Cluniaco) devient la villa clunisienne (villa Cluniacensis)79. Il en va de même pour les bourgeois. Jamais les textes clunisiens ne les nomment burgenses Cluniaci (« bourgeois de Cluny »), mais burgenses Cluniacenses (« bourgeois clunisien »). La distinction entre « clunisien » et « clunisois » n’est pas encore apparue au XIIIe siècle. Les bourgeois et la ville sont, comme les moines et les terres, clunisiens.
39Cette conception interdit aux Clunisois toute organisation communautaire fondée sur des principes autres que ceux dictés par l’intérêt de l’Église. En particulier, elle interdit la création d’une commune jurée. Le cas s’est pourtant produit au tout début du XIIIe siècle. En 1206, les habitants se plaignent des prélèvements trop élevés de l’abbé. La guerre contre Berzé et d’autres motifs qui demeurent obscurs semblent avoir poussé Hugues V à prélever des sommes plus élevées que de coutume. Cette attitude est un bris de la paix et remet en cause les fondements de l’ordre seigneurial clunisien. Les bourgeois répondent en conséquence. Ils se conjurent et forment une commune. On ne connaît pas le déroulement de la révolte, mais tout porte à croire que la riposte des moines fut prompte car l’association horizontale des bourgeois remettait en cause totalement l’ordre social fondé sur le serment des hommes envers leur seigneur80.
40Le 21 octobre 1206, la paix est restaurée et chacun rentre dans son rang. La mémoire des faits est consignée sur le parchemin sous la forme d’une charte-partie construite comme un réquisitoire pour défendre l’ordre clunisien81. C’est l’abbé Hugues V qui s’exprime. Il fait savoir que, « pour le bien de la paix et de l’amour », il a pardonné à ses bourgeois et a abandonné toutes les querelles et les injures qui pesaient sur eux. En contrepartie, les bourgeois ont renoncé complètement à leur serment de commune82. Désormais, la paix est revenue, ferme et intègre (pax firma et integra) ; le pouvoir de l’abbé (jus et dominium) est sauf, sa puissance judiciaire est restaurée, les bons usages et anciennes coutumes du monastère et de la ville, écrits et oraux, peuvent de nouveau être respectés comme ils l’étaient avant le temps de la commune83. Si la paix est enfreinte par l’une ou l’autre des deux parties, les personnes responsables seront jugées par l’abbé et si des compensations financières doivent être versées, les bourgeois comme les moines en percevront chacun la moitié84.
41La paix clunisienne interdit la commune. Elle tolère le groupe des bourgeois, mais ne lui laisse pas les moyens de sa responsabilité ni le nom qui reconnaîtrait son indépendance. Au seuil du XIIIe siècle, il ne peut jouir d’aucune légitimité hors de la sphère clunisienne.
Sigillum villae Cluniacensis
42L’acte de 1206 est un chirographe. Un exemplaire était destiné à la communauté d’habitants, l’autre à la communauté monastique. Celui-ci subsiste. Au bas du parchemin pend un sceau de cire verte. La légende SIGILLUM VILLE CLUNIACENSIS entoure la représentation d’une église comportant cinq nefs, un vaste portail central et trois clochers surmontant le transept et la croisée du choeur. Aucun doute n’est possible : il s’agit de l’église abbatiale85.
43La possession d’un sceau et le choix de son image ne sont pas des éléments anodins86. Il est nécessaire de s’y attarder quelques instants. Le sceau urbain a fait son apparition en Rhénanie dans les premières décennies du XIIe siècle et s’est développé assez rapidement en terre d’Empire à partir des années quarante du même siècle87. En revanche de l’autre côté du Rhin, l’évolution a été beaucoup plus lente. En dressant le corpus des sceaux urbains français au Moyen Age, Brigitte Bedos n’a inventorié qu’une dizaine d’exemplaires antérieurs à 1200. Le plus ancien conservé semble être celui d’Arras en 117588. L’existence d’un sceau pour la ville de Cluny au début du XIIIe siècle est donc tout à fait précoce. On ne sait rien de son existence antérieure. Les chartes de coutumes de 1163/1173 et 1188 ont été scellées par l’abbé et le convent de Cluny89. Les notices des plaids faisant suite aux interventions armées des bourgeois de Cluny entre 1200 et 1230 sont toutes scellées par les autorités devant lesquelles les négociations ont été conclues ou par la personne avec qui Cluny a contracté la paix90. Aucun autre sceau de la ville n’est connu ni même mentionné au bas d’un document des XIIIe, XIVe ou XVe siècles. Certains habitants de Cluny ont leur propre sceau, mais la ville n’en possède pas91. L’exemplaire de 1206 est un unicum.
44Cette unicité ne facilite pas l’interprétation. On sait que les clunisiens n’ont pas été particulièrement favorables à l’usage du sceau par les communautés d’habitants qui dépendaient d’eux. L’épisode de Charlieu est célèbre. En 1259, les habitants du bourg conjurés par un serment de commune ont fabriqué un sceau de ville et l’ont utilisé pour authentifier une procuration présentée devant la cour du prieur. Le prieur de Charlieu et l’abbé de Cluny portent le différend devant la cour royale. Le Parlement de Paris rend un arrêt sanctionnant l’interdiction du sceau. L’année suivante, le bailli de Mâcon confirme la sentence, fait briser le sceau et rétablir la pleine justice du prieur sur le bourg de Charlieu. On précise bien que les Charliotins ne peuvent et ne pourront à l’avenir posséder un sceau92. Je doute que l’abbé de Cluny ait été beaucoup plus magnanime à l’égard de ses propres bourgeois. Le sceau de 1206 marque la reconnaissance de la villa Cluniacensis par les moines comme un membre de la société clunisienne, participant au gouvernement des hommes ; mais en l’attachant au bas d’un document qui signe la renonciation des bourgeois à leur commune et la restauration du dominium abbatial, c’est une manière de bien rappeler les limites dans lesquelles la communauté clunisoise peut agir. La ville existe, certes, mais elle est indissociable de sa matrice, l’Église clunisienne.
45L’image du sceau est à cet égard tout à fait significative. Elle représente l’église abbatiale. Autrement dit, l’image de la ville est l’église. Une telle représentation est lourde de sens au seuil du XIIIe siècle. D’une part, il faut noter l’extrême rareté des sceaux urbains dont l’emblème est un édifice religieux seul. Beaucoup plus fréquemment ils sont associés à une muraille, symbole de la ville close, qui les masque partiellement, à un édifice civil ou à un saint patron dans lequel se reconnaît la communauté d’habitants93. D’autre part, l’image du lieu de culte renvoie à bien autre chose qu’à un simple bâtiment, aussi grandiose et rutilant soit-il94. Depuis les années 1020 environ et les premières controverses avec les hérétiques qui nient l’identification du contenant, l’église, au contenu, l’Église, congrégation des fidèles, une véritable théorie du lieu de culte s’est développée dans l’Occident chrétien pour s’imposer à la fin du XIIe siècle. En combattant les pétrobrusiens, Pierre le Vénérable lui-même a joué un rôle non négligeable dans la genèse de cette théorie. Vers 1200, la formule d’Alain de Lille selon laquelle l’Église « est aussi bien un lieu matériel que le rassemblement des fidèles » devient canonique et définit l’équivalence entre église et Église95. La maior ecclesia stylisée sur le sceau de la ville de Cluny est donc tout autant l’église abbatiale, locus specialis où sont contenues les reliques de saint Pierre, que l’Église clunisienne, communauté ecclésiale englobante.
46Gravée dans la cire verte, l’image de la ville de Cluny a une valeur perpétuelle, comme la pax, le jus, le dominium de l’abbé et les bonas consuetudines qui règlent les rapports entre les membres de l’Église et sont confirmés par le texte96. La confection du sceau et le choix de l’iconographie ont vraisemblablement suscité quelques débats. L’accepter comme tel équivalait pour les habitants à renoncer à toute prétention de se construire une identité hors de la domination monastique. Mais pendant les siècles qui ont suivi, la question du sceau n’a jamais été débattue, comme si les Clunisois se reconnaissaient dans leur Église et l’aimaient suffisamment pour en accepter l’image comme emblème.
Les archives et le coffre commun
47La possession d’archives et leur conservation dans un coffre commun est un autre enjeu important pour manifester l’identité de la communauté d’habitants. Pour connaître la situation clunisoise, il faut procéder de manière régressive. Dans le premier quart du XVIIe siècle, les habitants de Cluny ont obtenu la reconnaissance de nombreux droits qu’ils revendiquaient depuis des décennies. Parmi les principaux, notons des droits d’usage dans les prés et les bois de l’abbaye sis à la porte du bourg et la jouissance d’une maison commune97. Dans le même temps, les archives du coffre commun ont été classées puis inventoriées par les soins de Jacques Tupinier, notaire royal et échevin de Cluny. Le travail fut réalisé en 1627, complété annuellement jusqu’en 1629 par le même notaire, puis poursuivi jusqu’en 1635 par les échevins annuels98. Le coffre de ville, conservé dans l’église Notre-Dame, contenait alors plus de 2600 pièces. Elles ont été regroupées en 182 liasses, cotées de i à clxxxii. Chacune a fait l’objet d’une analyse dont la précision est très variable. Les plus détaillées énumèrent chaque acte et copient une partie de leur contenu, les plus brèves, celles des comptes-rendus annuels des échevins par exemple, se bornent à la mention du nom des trois magistrats et du nombre de pièces justificatives accompagnant les comptes (quittances, prix-faits et rôles d’impôts essentiellement)99. En ne tenant compte que des pièces dont la date et le nombre sont connus, soit 2573, on n’en dénombre que 7 antérieures au XVe siècle, dont 2 pour le XIIe, 2 pour le XIIIe et 3 pour le XIVe siècle. Le XVe siècle est représenté par 55 actes, le XVIe par 567 et le XVIIe (pour la seule période 1600-1635) par 1944 actes.
48Cette répartition se passe de commentaires détaillés. Le « décollage » des archives civiles se produit au XVe siècle avec la prise en charge par les habitants de l’entretien des murailles et la levée d’un impôt communal à cet effet. Certes, il est possible que certaines pièces aient été perdues à la fin du XVe siècle. En février puis en juin 1471, les troupes royales prennent la ville abbatiale d’assaut et causent de nombreux maux aux habitants ralliés à la cause bourguignonne100. Si l’on en croit le témoignage de quelques bouchers clunisois impliqués en 1476 dans un procès contre le receveur du péage ducal à Mâcon, les Français auraient brisé le coffre commun déposé dans l’église paroissiale Notre-Dame et détruit certaines de ses archives. On déplore notamment la perte des privilèges d’exemption de péage dont les Clunisois bénéficiaient depuis le début du XIIe siècle101. Hormis ce détournement sélectif, on ne signale aucune destruction systématique y compris lors des autres épisodes tragiques de l’histoire clunisoise. La ville de Cluny est prise à plusieurs reprises lors des guerres de religion, d’abord en 1562 puis en 1567, 1570 et 1574. Les objets précieux, la bibliothèque et les archives de l’abbaye subissent des dommages certains, mais rien ne prouve qu’il en est de même pour les actes de la communauté civile conservés dans l’église Notre-Dame102.
49Jusqu’à la fin du XIVe siècle, le coffre commun, s’il existait, était donc très peu rempli. Les deux documents du XIIe siècle inventoriés par Jacques Tuppinier sont les chartes de coutumes. La charte d’Étienne n’était pas conservée en original, mais selon la copie dressée par le notaire Claude de Corcelles au milieu du XVe siècle, sans doute à partir d’un exemplaire des archives abbatiales103. En revanche, la charte d’Hugues IV semble avoir été conservée en original, comme aujourd’hui104. Pour le XIIIe, il s’agit d’une demande de subside exceptionnel imposée aux habitants par l’abbé en 1214, et d’un règlement de 1297 entre l’abbé de Cluny et le sire de Berzé, afin de maintenir l’exemption de péage sur la route de Berzé105. Pour le XIVe, il s’agit d’aménagements de coutumes106. On est surpris de constater l’absence de deux pièces fondamentales : le serment de 1145 et la renonciation à la commune en 1206. Ces deux actes sont des chirographes donc théoriquement destinés aux deux parties contractantes. Or, on ne possède aujourd’hui que la partie abbatiale des deux chartes-parties. La teneur des documents est peut-être à l’origine de leur « perte ». Les deux actes sont pour le moins défavorables au cheminement de la communauté d’habitants hors de la domination monastique. Ils ont peut-être été écartés de la mémoire civile lors de l’organisation des archives à la fin du Moyen Age.
Les possessions communes
50Plusieurs bourgeois possèdent à titre individuel des biens-fonds dans la villa, près des rives de la Grosne ou sur la colline de la Cras. Dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, ils sont de plus en plus nombreux à les échanger avec le monastère ou à les donner pour assurer leur salut post mortem107. Rien de comparable n’est décelable pour des possessions communautaires. Les communs de Cluny, s’ils existent, n’entrent pas dans la possession monastique et échappent par conséquent complètement à la documentation jusqu’à la fin du Moyen Age. On note une seule mention du dominium villae Cluniacensis dans une charte de 1234. Élie de Lourdon, en prenant l’habit à Cluny, donne au monastère plusieurs biens fonciers et immobiliers sis à Cluny et à Lourdon et toutes les terres et rentes (quicquid juris, quicquid rationis) qu’il possède « dans le dominium de la ville de Cluny et la châtellenie de Lourdon ou ailleurs, tant dans les alentours qu’à l’intérieur »108. Dominium est ici synonyme de territorium. Il ne désigne pas les possessions communes des habitants de Cluny ni leur souveraineté, mais le territoire de la villa, de Ruffey jusqu’au bois de Bourcier. À ma connaissance, le premier acte qui fait état des communaux clunisois est extrêmement tardif. Il date de 1473 et atteste la donation par un notaire de Cluny, ancien échevin, d’un pré situé près de la porte ouest de la ville - la porte du Merle - dans le but d’accroître la res publica ville109.
51Le seul point certain concerne la maison commune. Les bourgeois de Cluny n’en possèdent pas au XIIIe siècle. Le contraire aurait été étonnant. La possession d’un hôtel de ville vient généralement couronner une organisation communautaire très développée110. En 1200, les habitants de Cluny en sont loin. Au milieu du XVe siècle, ils se heurteront encore sans succès à l’abbé pour obtenir une maison commune111.
52La question des armes communes mérite aussi d’être posée. Rapportant le schisme de Pons, Orderic Vital note la présence de bourgeois parmi les hommes qui prennent d’assaut le monastère. Dans la bulle du 20 octobre 1126, Honorius II rappelle que Pons a détourné des objets sacrés pour s’attirer la fidélité de chevaliers, d’archers et de balistes. Il disposait donc d’hommes armés à ses côtés, mais le pape ne précise pas si les bourgeois comptaient parmi eux112. Le serment de 1145 précise que les bourgeois et les hommes des doyennés doivent prendre les armes pour défendre l’Église clunisienne113. Les récits de l’expédition de 1166 les montrent dénués de toute protection fors les croix et les reliques, mais au début du XIIIe siècle, c’est bien les armes à la main (armata manu et valida) qu’ils s’attaquent aux châteaux de Brancion et de Nanton. De même, la capture de Landric de Brancion en 1227 n’a vraisemblablement pas dû se faire sans quelques armes114. En 1307, révoltés contre le doyen de Cluny, les bourgeois se présentent devant la porte du monastère « armés de glaives et d’arbalètes »115. Ces témoignages indiquent que les bourgeois les plus riches possédaient peut-être des armes personnelles, mais la possession d’armes communes est envisageable. On est sûr que les bourgeois ne disposaient pas d’un lieu approprié pour conserver les armes, puisque au milieu du XVe siècle l’argument est avancé pour justifier la possession d’une maison commune116.
***
53Comme le remarquait Giles Constable, les bourgeois sont devenus, au seuil du XIIIe siècle, un groupe reconnaissable avec lequel tant l’abbaye que l’aristocratie locale doit désormais compter117. Ce groupe peut se montrer dangereux à l’occasion et les abbés, de Pierre le Vénérable à Hugues V, en passant par Étienne Ier, Thibaud de Vermandois et Hugues IV, se sont efforcés de conclure des compromis avec eux en faisant rédiger leurs coutumes, en finançant la construction d’une nouvelle enceinte, en se les associant dans le règlement des conflits avec les seigneurs laïques de la région. Mais peut-on parler d’une « communauté d’habitants » ? Les bourgeois peuvent à l’occasion déléguer certains d’entre eux pour les prises de décisions qui les concernent, mais seulement à la requête de l’abbé et en sa présence. Autrement, ils ne peuvent se réunir librement. Il n’y a pas de communitas, de societas ou d’universitas à Cluny aux XIIe et XIIIe siècles, mais la villa la parrochia et l’ecclesia. La nature du lien social entre les moines et les bourgeois n’a pas changé entre la fin du XIe et la fin du XIIe siècle. La villa de Cluny est l’entité sociale et spatiale composée des bourgeois et des habitants résidant aux portes du monastère dans le cercle le plus restreint de la terre sainte clunisienne. C’est une ecclesia dont le seul pasteur est l’abbé de Cluny. Ce n’est qu’à ce titre qu’il est permis de parler d’une communauté d’habitants. Elle est incluse dans l’Église clunisienne et ne peut obtenir aucune légitimité hors de celle-ci.
54Pendant le XIIe siècle et le premier tiers du XIIIe, les habitants remplissent leur rôle de serviteur fidèle. Ils contribuent ainsi à légitimer le pouvoir abbatial, qu’ils en soient conscients ou non, qu’ils le désirent ou non. La commune de 1206 marque peut-être un seuil de rupture. L’important est de noter que cette commune n’a pas duré, qu’elle ne s’est pas reproduite et qu’elle s’est visiblement déroulée sans violence. Le statu quo est rétabli et, en 1230, les bourgeois combattent encore pour l’Église.
55Certes, les sources sur lesquelles on peut s’appuyer pour observer l’évolution de la communauté d’habitants sont biaisées. Elles proviennent à peu près toutes de la communauté monastique. Ce sont des instruments de reproduction de la structure sociale destinés à légitimer les rapports sociaux - et le dominium abbatial- ou à les ordonner. On ne connaît nominativement qu’une infime partie des habitants de Cluny et on ne retient d’eux que leurs actions favorables au maintien du bien commun villa - ecclesia. Il faut encore attendre plus d’un siècle pour que la perspective change. Aussi, avant de poursuivre cette histoire, il est nécessaire de changer de nouveau de focale pour revenir sur le plan de l’histoire générale. Dans les années où les coutumes sont mises par écrit, une nouveauté considérable marque la région. Le roi, Louis VII, franchit la Loire et se porte au secours des clunisiens taillés en pièces par les mercenaires du comte de Chalon. À peu près simultanément, le schisme divise l’Église romaine et les clunisiens sont contraints de choisir. Ils font le mauvais choix et Hugues III est excommunié. La « lumière du monde » n’est-elle pas, malgré tout, en train de vaciller ?
Notes de bas de page
1 La charte n’est pas datée. Étienne Ier est élu en 1161, mais Hugues III est encore abbé. Il n’exerce pleinement ses fonctions abbatiales qu’à partir de l’été 1163 lorsque Hugues III s’exile en Franche-Comté sous la protection de Frédéric Barberousse. Au dos de l’acte, dans une écriture du XVIIe s., on lit : Confirmation des privilèges par Etienne abbé de Cluny au profit des habitans du 2 juin 1412. Cette date est barrée par une main du XIXe s. qui ajoute : C’est 1172. Etienne a été élu abbé en 1163 et déposé en 1173. La date de 1172 ne repose sur aucune source. Il faut se contenter de la fourchette 1163/1173.
2 BnF, nouv. acq. lat. 2265, no 11. On lit au bas de l’acte : Copia est collatione facta ad originalem per me C. de Corcellis. [et non E. Decorcelles comme indiqué dans C 4205, p. 548, n. 1]. L’activité de Claude de Corcelles à Cluny est connue entre 1449 et 1456 : BnF, nouv. acq. lat. 2267, no 7 ; nouv. acq. lat. 2273, no 11. AMCl., FF 1.1, fo 20v, 21v ; FF 1.2, fo 13v.
3 BnF, nouv. acq. lat. 2265, no 10. On lit au bas de l’acte : Datum per copiam collatione prius facta a proprias originales licteras suprascriptas sigillis predicti domini Stephani abbatis et eius conventus Cluniacensis in cera viridi sigillatas, per nos notarios publicos subscriptos signis nostris manualibus sequentibus testibus. Philibertus Caioti. J. Marini notarius apostolicus imperialis regius et delphinalis. L’activité de Philibert Cajot, notaire, habitant de Cluny, est connue entre 1473 et 1488, par ex. : AMCl., DD 1.1 ; FF 2, fo 11r, 76r ; AD71, H 2.14 ; AD21, B 11592, fo 57r ; BnF, nouv. acq. lat. 2267, no 29. Celle du notaire Jean Marin, également Clunisois, entre 1443 et 1482, par ex. : BnF, coll. Bourgogne 84, no 505 ; lat. 17717, fo 78r ; nouv. acq. lat. 2267, no 7 ; AD71, H suppl. Cluny 7/7, no 3 ; 7J39, no 6 ; 7J40, no 38, no 42 ; AMCl., DD 2.1 ; FF 1.1, fo 34r ; FF 2, fo 79v. C’est lui qui rédige les statuts de Jean de Bourbon en 1458 : Charvin, I, p. 169-170.
4 La charte a été publiée trois fois : T. Chavot, « Des franchises et coutumes », p. 73-75, avec traduction en regard. On note plusieurs erreurs de transcription (corrigées par G. Constable, « The Abbot and Townsmen », p. 165, n. 63) et une traduction souvent discutable ; A. L’Huillier, Vie de saint Hugues, p. 635-637, reprend l’édition de Chavot ; C 4205. Je me fonde sur l’édition de C 4205, en ajoutant au besoin les corrections apportées par G. Constable ou de mon propre chef.
5 BnF, nouv. acq. lat. 2265, no 14. Charte publiée par T. Chavot, « Des franchises et coutumes », p. 82-84 (avec traduction en regard) et C 4329. Je me réfère à l’édition de C 4329.
6 Quelques remarques sur les deux chartes de coutumes dans G. Duby, La société, p. 333-334, 449-457 et plus en détail dans T. Chavot, « Des franchises et coutumes », et G. Constable, « The Abbot and Townsmen », p. 165-169.
7 Bon point de départ pour l’étude des préambules des chartes de coutumes : O. Guyotjeannin, « Vivre libre dans une seigneurie juste ».
8 C 4205, préambule : Stephanus, Cluniacensis abbas, consuetudines dicti loci bonas et a sancto Hugone aliisque beatis ejusdem ville abbatibus recte statutos usus scire et conservare desiderans, jussit ut viri antiquiores prefati loci convenientes insimul, de statu ville et usibus a sanctis retro abbatibus constitutis et conservatis, inter se collocando dissererent, et eos ad memoriam revocarent, redactosque in scriptis ad supradictum venerabilem abbatem Stephanum defferent.
9 C 4329, préambule : Quoniam scriptum est : « Mundus transit et concupiscentia ejus » [1 Jn 2.17], et res geste, nisi litteris adnotentur, oblivione quamcitius depereunt, ea que salubri intentione instituta sunt et multorum habent profectui et indempnitati deservire, litteris ad posteros transmittere opere precium et non inefficax duximus.
10 C 4205 : consuetudines dicti loci bonas ; C 4329 : bonis usibus et consuetudinibus.
11 Voir en dernier lieu D. Iogna-Prat, « Panorama », et Id., Ordonner et exclure, p. 83 (sur la sainteté « es qualité » des abbés de Cluny).
12 T. Chavot, « Des franchises et coutumes », p. 68 ; G. Chachuat, « Des rapports... XIe-XIIIe », p. 20-21 ; P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 72. T. Chavot, repris par G. Chachuat, fait de la prétendue charte de l’abbé Hugues une charte d’affranchissement des habitants de Cluny (avant serfs, ensuite libres).
13 C 4329, art. VI : Quicquid etiam bone memorie antecessores nostri, domnus videlicet Hugo, domnusque Stephanus, abbates, juste et legitime burgensibus concesserunt, sicut in authentico cui sigillum nostrum apponi fecimus, continetur...
14 C 4205, préambule : Stephanus, Cluniacensis abbas, consuetudines dicti loci bonas... scire et conservare desiderans. C 4329, préambule :... ut bonis usibus et consuetudinibus, quas antecessores eorum quoquomodo, justo tamen titulo, a predecessoribus nostris obtinuerant, libere et quiete deinceps utantur. Ut autem eos et successores eorum nobis et ecclesie Cluniacensi ex obnoxiis reddamus obnoxiores quedam que ad pacem sunt, eis gratuito concedimus.
15 C 4329, préambule : Eapropter, ego frater Hugo, humilis Cluniacensis abbas, omnimodis prospicere volens paci et utilitati burgensium Cluniacensium et omnium ibidem manentium... ; art. VI :... ob pacem et meliorationem ville eis concedimus.
16 C 4205, art. I : Si quis in eadem villa Cluniaco per annum et diem ut civis habitaverit, deinceps eum ecclesia pro perrochiano tenet et fert et habet.
17 Ibid., art. III : Si convictus fuerit esse servus, non impetitori eum reddere debet ecclesia, sed jubere et permittere ut cum rebus suis quo voluerit perecturus villam exeat.
18 Ibid., art. II : Si aliquis eum, qui prenominati loci habitator et ecclesie perrochianus habetur, de servitute interpellaverit, ecclesia ipsum pro jure manutenere debet.
19 Ibid., art. VII : Si quis alium furem, servum, putidum, perjurum, leprosum, traditorem vocaverit, contumelie hujus pena, si clamor inde ad potestatem ville fiat, sex solidos est, quorum tres dominus loci, reliquos tres ille cui facta injuria est habebit.
20 C 3307 (v. 1080-1100), des hommes sont libérés de leur servitude de leurs seigneurs pour entrer dans la servitude de saint Pierre et des moines de Cluny :... ut ab hac die a mea et omnium meorum servitute liberi, in servitute sancti Petri et monachorum Cluniacensium de reliquo maneant devoti. C 3306 (v. 1080-1105) : le sire de Berzé libère un serf de sa servitude pour qu’il entre dans le servicium de Cluny ; C 3929 (1117), Bernard Gros abandonne ses droits sur des serfs pour qu’ils soient soumis au jus de l’abbé. Hugues de Poitiers condamne l’« exécrable commune » de Vézelay par laquelle les habitants ont rejeté le « joug de la liberté de l’Église » (jugum libertatis ecclesie) pour se soumettre au comte : MV, p. 435, l. 812-816. Ces exemples et d’autres du même genre, à Cluny ou ailleurs, ont été étudiés par D. Barthélemy, « Qu’est-ce que le servage », p. 257-260.
21 Voir supra chapitre 4.
22 Voir chapitre 3, carte 23 et chapitre 7, p. 333.
23 L’opposition entre les habitants de Cluny et les « hommes de l’extérieur » figure dans l’article V des coutumes de 1188 : Si aliquis de hominibus forinsecis contra aliquem Cluniaci morantem... (C 4329).
24 C 4205, art. IV : Si de aliquo burgensium vel in prefato loco habitantium... ; C 4329, préambule : ... omnimodis propiscere volens paci et utilitati burgensium Cluniacensium et omnium ibidem manentium...
25 D. Barthélemy, La société, p. 968. B. Chevalier, Tours, ville royale, p. 184. Cette distinction est semblable à celle relevée par A. Rigaudière entre les burgenses et populares, majores et minores dans les villes méditerranéennes à la fin du Moyen Age : A. Rigaudière, « Hiérarchie socioprofessionnelle », p. 175-176 (avec de nombreux renvois bibliographiques).
26 En 1309 : BnF, coll. Bourgogne 82, no 380-381. En 1457 : BnF, nouv. acq. lat. 2267, no 7.
27 C 4329, art. V : Si aliquis de hominibus forinsecis contra aliquem Cluniaci morantem placitaturus legis peritos ad cause sue munimen adduxerit, burgensis Cluniacensis legistam advocatum habere poterit.
28 C 4205, art. IV-V (sur la justice) ne mentionnent que les burgenses. C 4329, art. I, IV (sur la propriété et la justice) ne mentionnent que les manentes. L’art. V (cf. note précédente) mentionne les deux.
29 de statu ville et usibus : C 4205, prologue ; fractum ville : C 4205, art. V. ; ob pacem et meliorationem ville : C 4329, art. VI.
30 C 4205, art. I, II, III, cités supra, p. 368, n.16-18.
31 Ibid., art. XIV : Si quis, non facto testamento, sine herede et uxore decesserit, bona ejus ad ecclesiam devolvuntur.
32 C 4205, art. IV-V (potestas loci), VII (potestas ville).
33 C 4205, art. IV : Si de aliquo burgensium vel in prefato loco habitantium clamor et querela ad potestatem loci facta fuerit, is de quo clamor factus est, si jus paratus sit, et pro posse suo ydoneam securitatem mittat, neque res, neque corpus ejus capi aut male tractari debet.
34 Ibid., art. V : Si burgenses inter se controversiam habuerint, antequam clamor ad potestatem loci fiat, per se vel per manum vicinorum ad pacem reduci et concordiam possunt, nisi de hoc sit controversia quod fractum ville vocant : ut si quis verberet, furetur, adulterium faciat ; horum namque animadversio et castigacio ad magistratum loci pertinet.
35 C 4205, art. XVIII : Si gluto aut meretrix viro probate vite aut femine turpis verbi aut facti contumeliam irrogaverit, statim de injuria illata vindictam sumere potest ; de qua vindicta sumpta, magistratus neque clamorem exaudire, neque alio modo se intromittere debet.
36 C 4329, art. IV-V : Item, statuimus ut nemo Cluniaci manens, contra aliquem ibidem manentem controversiam, presumat legistas ad cause sue defensionem inducere ; sed si quid questionis inter partes emerserit, secundum bonos usus ville judiciali ordine terminetur. Si aliquis de hominibus forinsecis contra aliquem Cluniaci morantem placitaturus legis peritos ad cause sue munime adduxerit, burgensis Cluniacensis legistam advocatum habere poterit.
37 C 4205, art. VI : Si verberacio aut ictus cum sanguine fit, sexaginta solidos pena est ; si absque sanguine, sex solidos, de quibus dominus loci tres, is qui percussus aut verberatus fuerit alios tres habebit. C 4205 donne solidorum au lieu de solidos. C’est une erreur, déjà corrigée par G. Constable, « The Abbot and Townsmen », p. 165, n. 63.
38 C 4205, art. VII : Si quis alium furem, servum, putidum, perjurum, leprosum, traditorem vocaverit, contumelie hujus pena, si clamor inde ad potestatem ville fiat, sex solidos est, quorum tres dominus loci, reliquos tres ille cui facta injuria est habebit. Le terme meretricem est ajouté en fin de liste dans le registre de l’archidiaconé de Cluny qui contient une copie des chartes de coutumes : BnF, lat. 9880, fo 52 (= 56). Il s’agit vraisemblablement d’un ajout de la fin du Moyen Age lorsque la prostitution devient une activité infamante. Voir sur le sujet J. Rossiaud, La prostitution médiévale.
39 C 4205, art. IX-X : Adulteri pena est, ut adulter adulteraque a fine usque ad finem ville nudi concurrant ; quod si fecerint, res eorum et corpora pacem habebunt. Si quis postea crimen aut criminis eis improperaverit, si clamor inde fiat, domino loci tres solidos, ei quem vituperaverit alios tres dabit. Il s’agit là d’une peine relativement classique dans les chartes de coutumes méridionales des XIIe et XIIIe s. : J.-M. Carbasse, « Currant nudi ».
40 C 4329, art. III : Item, statuto termino quo census annui debent reddi, si quem convenerit serviens dominorum, ut debitum reddat servicium, nisi statim reddiderit, poterit eum serviens vadiare, et post septem dies vadimonium vendere. Si quis vadimonium excusserit, septem solidos pro excussione potestati persolvet. Si non habuerit unde possit vadiari, dominus ad possessionem se vertet, et in dominium suum illam reducet donec reus ei satisfecerit.
41 Sermon d’Urbain II en oct. 1095 : annexe 3, et supra chap. 7, p. 332-336. On trouverait de nombreux exemples contemporains semblables, notamment à Marcigny : MAR 14, 288 ; à Saint-Amand : H. Platelle, La justice seigneuriale, p. 148.
42 Ces éléments sont détaillés dans les chapitres 9 et 10.
43 T. Chavot, « Des franchises et coutumes », p. 86 ; G. Constable, « The Abbot and Townsmen », p. 169.
44 C 4205, art. V : cité supra p. 371, n. 34. T. Chavot, « De la juridiction », p. 179-180 ; Id., « Des franchises et coutumes », p. 86-87 ; G. Duby, « Recherches », p. 34-35.
45 C’est l’un des arguments sur lesquels les procureurs de l’abbé s’appuient, en 1452, pour refuser aux habitants le droit d’avoir une maison commune : AMCl., FF 1.1, fo 22r. La citation complète est présentée dans l’introduction générale, supra, p. 7.
46 Première mention dans un texte de février 1451 : AMCl., DD 2.1.
47 C 4098 bis.
48 Le premier cité est le prévôt Humbert, voir supra, p. 307-308.
49 J. Wollasch, Cluny. « Licht der Welt », p. 214.
50 BnF, coll. Bourgogne 82, no 377 ; AD71, H. Suppl. Cluny 16.1. Voir chapitre 9, infra p. 447-451.
51 C 4205, art. XI : Qui uxorem duxerit, capellano suo panem, vinum et carnem, pro modo facultatum suarum, honoriffice dabit. Pro debito isto, capellanus invitus nummos non accipit, neque is qui uxorem ducit denarios invictus capellani pro convivio dabit.
52 Ibid., art. XV-XVI : Qui panes ad vendendum faciunt, pro fornagio et debito fornerii majoris et socii sui, de panello nummum vel nummatam paste dare debent. Alii, qui sibi ad comedendum, non ad vendendum panificant, pro fornagio et debito duorum fornariorum, de panello obolum vel obolatam paste donare debent. Ulterius nisi preter ligna ad coquendum panem exigi debent.
53 C 4143. Sur les mesures du grain et du pain en Mâconnais, voir notamment : A. Guerreau, « Mesures du blé et du pain à Mâcon » ; Id., « Douze doyennés », p. 88-92.
54 C 4205, art. XVII : Pro molendo sextario, a messionibus usque ad natale Domini, due cuppe cumulate, una avene, altera farine, dari debent. A nativitate Domini usque ad messiones cuppe
55 Ce règlement n’est connu que par sa mention dans l’inventaire des archives abbatiales au XVIIe s. : AD71, H 22, fo 38r (éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 92, no 679). La notice de l’inventaire comporte une aberration : en 1207, l’abbé de Cluny est Hugues V et non Jacques (le premier abbé de Cluny prénommé Jacques a dirigé l’abbaye entre 1374 et 1383, le second entre 1485 et 1510, le troisième entre 1621 et 1629). Je privilégie cependant la date de 1207 et ce pour deux raisons : 1. L’inventaire des archives abbatiales classe les documents par séries chronologiques. Le règlement sur la mouture des blés est le premier d’une série dont les actes suivants datent de 1396, 1409, 1481... 2. Une copie et une traduction du texte au XIXe s. étaient conservées dans les AMCl. au moins jusque dans les années soixante du XXe s. et portait la date de 1207 (inventaire manuscrit des AMCl. par Mme. Germaine Chachuat, s.d., v. 1960-1970 ; on semble avoir aujourd’hui perdu toute trace de cette précieuse copie).
56 Enquête pour connaître les mesures dans les provinces du royaume, conformément à l’Arrêt du Conseil d’État du 13/08/1775 : AD71, H suppl. Cluny 7bis, no 16.
57 In eadem et in quolibet furno dictus elemosinarius et illi qui pro tempore erunt elemosinarii Clun. tenebunt et habebunt cum propriis suis sumptibus et expensis familiam sufficientem pro pane coquendo, pro nunciando [ ?], pro pastam portando ad furnum et pane reportando. Règlement connu par une copie collationnée sur l’original à la fin du XVe s. dans le registre de l’archidiaconé de Cluny : BnF, lat. 9880, fo 53v-55r (= 58v-59r), ici fo 54 (= 58). Le document original était conservé dans les archives de la communauté d’habitants au XVIIe s. : AMCl., II 5, fo 9r.
58 BnF, lat. 9880, fo 54 (= 58r-v) : Dictus vero elemosinarius et eius successores habebunt et percipient pro predictis faciendis ab illis qui panes facient ad comedendum in hospiciis suis de quolibet panello duobus denarios cum obolem monete currentis in villa Clun. et de plus plus et de minus minus secundum taxationem premissam. Ab illis vero qui panes faciant ad vendendum habebunt et percipient dictus elemosinarius et sui successores de furneta panis viginti denarios predicte monete et de minus minus et erit furneta de sex panellis.
59 Ibid., fo 54v-55r (= 58v-59r) : Hoc acto etiam inter nos et dictos burgenses quod si furnerii pastam seu panem male dequoquerent et tractarent aut propter eorum negligentiam et defectum dicti burgenses damnum aliquod sustinerent quod furnerii ad hec puniantur et corrigantur secundum quod fuerit rationis.
60 T. Chavot, « Des franchises et coutumes », p. 78.
61 G. Duby, La société, p. 449-450. Quelques chartes de coutumes des villes et villages de la région sont publiées dans Documents inédits pour servir à l’histoire de la Bourgogne et J. Garnier, Chartes de coutumes et d’affranchissement en Bourgogne.
62 Bon panorama sur la question dans Histoire de la France urbaine, II, p. 263-280 ; J. Heers, La ville au Moyen Age, p. 298-384 ; A. Rigaudière, « Universitas, corpus, communitas », avec, dans chaque cas, de nombreux renvois bibliographiques.
63 BC, col. 1662D ; voir chapitre 4, supra p. 205-206.
64 BC, col. 1662D : Iste autem Theobaldus acquisivit decimas huius villae et muros eiusdem incoepit.
65 BnF, nouv. acq. lat. 2483, fo 13r : Iste autem Theobaldus acquisiuit decimas huius ville et muros incepit, pro quibus precepit domnus H. abbas ut de meliori vino et meracissimo de toto cellario ipso die anniuersarii huius conuentus reficiatur. Qui hoc non fecerit et contradixerit anathema fiat fiat. amen
66 C 4410 (1203/1215).
67 C 4098 bis. C 4205.
68 C 4098 bis.
69 L’étude fondamentale sur le sujet reste celle d’Y. Congar, « Quod omnes tangit », que l’on complètera avec G. Post, Studies in Medieval Legal Thought, p. 91-238 ; P. Michaud-Quantin, Universitas ; J. Burns dir., Histoire de la pensée politique médiévale, p. 450-553 ; B. Tierney, Religion et droit, p. 58-61, 107-121 ; A. Gouron, « Aux origines médiévales de la maxime Quod omnes tangit », dans Id., Droit et coutume en France, art. XIII (sur l’utilisation de la maxime par l’Église dans la deuxième moitié du XIIe s.).
70 P. Ourliac, « Réflexions sur l’origine de la coutume », p. 342-343.
71 Histoire de la France urbaine, II, p. 171.
72 G. Duby Guerriers et paysans, p. 273.
73 En 1307, l’expression, est utilisée par un procureur de l’abbé de Cluny : burgenses meliores et ditiores (C 5505).
74 Bon aperçu sur le rôle des conseils de sages dans les villes et les gouvernements médiévaux : J. Quillet, « La communauté », dans J. Burns, Histoire de la pensée politique, p. 521-522.
75 C 4012, 4142.
76 Parmi une bibliographie abondante : C. Petit-Dutaillis, Les communes françaises, p. 15-36 ; P. Michaud-Quantin, Universitas, p. 147-166 ; W. Ullmann, Principles of Government, p. 216-222 ; A. Rigaudière, « Universitas, corpus, communitas ».
77 Bull. Cal. II, 478 (1123) ; PL 166, col. 1265 (1126). Pour soutenir les moines face à une épidémie qui ravage le monastère, Pierre le Vénérable s’adresse à eux en ces termes : universitatem uestram, sanctumque collegium uestrum Cluniaci uel extra manentium (LPV 133, p. 338).
78 C 4410 : Cluniacensem ecclesiam et ejusdem ville burgenses […] ; ecclesiae Cluniacensi et membris ejus atque burgensibus […] ; ecclesia Cluniacensi et burgensibus ceterisque membris ejusdem ecclesia […] ; ecclesiae Cluniacensi seu ville vel membris ecclesiae.
79 L’expression villa Cluniaco se trouve dans la première charte de coutume pour désigner le lieu (C 4205, art. I), mais l’expression villa Cluniacensis s’impose dans les actes contemporains. Pour le XIIe s., voir supra chapitre 4, p. 197-200 ; pour le XIIIe s. : C 4410, 4482, 4551, 4589, 4593, 4614, 4650.
80 Sur le serment de commune, on se reportera aux études classiques de C. Petit-Dutaillis, Les communes françaises, p. 15-36 ; A. Vermeersch, Essai sur les origines, p. 79-147. M. Weber, La ville, p. 64-81, apporte des compléments utiles sur la nature des communautés urbaines médiévales fondées sur le serment.
81 Contrairement à l’indication des éditeurs (C 4425), l’acte ne se trouve plus aux AD21, carton H 184, mais aux AD71, H suppl. Cluny 8, sans no.
82 C 4425 : Ego frater Hugo, humilis Cluniaci abbas, notum facio omnibus presentes litteras inspecturis nos pro bono pacis et amoris remisisse et condonasse burgensibus nostris Cluniacensibus omnes querelas quas hactenus adversus eos habuimus, tam super expensis factis occasione guerre Berziaci et communie, quam super omnibus aliis injuriis et preteritis gravaminibus nobis ab illis vel per illos illatis. Et ipsi de cetero renuntiaverunt penitus obligationi et communie sacramento.
83 Ibid. : Et ita inter nos et ipsos est pax firma et integra reformata, salvo in omnibus jure et dominio nostro, et debita nostre justicie potestate et salvis bonis usibus et antiquis consuetudinibus nostris et ville, scriptis et non scriptis, sicut inter nos et ipsos fuerat ante tempus communie rationabiliter observatum.
84 Ibid. : Si quis vero occasione predictorum ipsos impetierit, vel nobis aliqua gravamina intulerit, coram nobis juri parebunt, et si expensas inde fieri contigerit, ipsi medietatem unam expensarum et nos aliam persolvemus.
85 AD71, H Suppl. Cluny 8. Les éditeurs de l’acte (C 4425) ont signalé l’existence du sceau, mais ils l’indiquent « sans légende ». En lumière rasante, la légende est pourtant bien lisible. Correctement identifié, le sceau a été publié par B. Bedos, Les sceaux de ville, p. 183-184.
86 Bonne synthèse dans M. Pastoureau, Les sceaux ; Id., « Les sceaux et la fonction sociale des images ». L’introduction de B. Bedos, Les sceaux de ville, p. 13-20, dresse l’état de la question pour les sceaux urbains, à compléter avec l’étude de C. de Mérindol, « Iconographie du sceau de ville ».
87 T. Diederich, « Zum Quellenswert und Bedeutungsgehalt », p. 280-284 ; Id., « Städtische Siegelführung », p. 79-81. Les premiers sceaux urbains connus sont ceux de Cologne (1114-1119) et de Trèves (1149). Voir la mise au point récente sur la signification de ces premiers sceaux par M. Pundt, Metz und Trier, p. 163-174.
88 B. Bedos, Les sceaux de ville, p. 14-15.
89 La charte de coutumes d’Étienne n’est connue que par deux copies du XVe s., mais l’authentification de la seconde copie (BnF, nouv. acq. lat. 2265, no 10) atteste la présence des sceaux : Datum per copiam, collatione prius facta ad proprias originales litteras suprascriptas, sigillis predicti domni Stephani abbatis et ejus conventus Cluniacensis in cera viridi sigillatas... La charte d’Hugues IV (BnF, nouv. acq. lat. 2265, no 14) atteste le scellement de l’abbé et du convent : Et ut hec omnia rata permaneant et firma, presentem cartam sigilli nostri et sacri conventus Cluniacensis auctoritate roboravimus. Les deux sceaux ont disparu, mais les encoches sont encore visibles.
90 C 4410 : sceaux de l’évêque et de la comtesse de Chalon ; C 4482 : sceau de l’archevêque de Lyon ; C 4551 : sceau de la duchesse de Bourgogne ; C 4589 : sceau de Joceran Gros de Brancion ; C 4593 : sceau du comte de Chalon.
91 En 1281 et 1282, Jean Niçon et Jean Meschin, bourgeois de Cluny, ont leur propre sceau avec lequel ils authentifient des actes de vente ou d’échange de biens-fonds avec l’abbaye de Cluny : C 5281, 5293. Les curés de Saint-Marcel (Étienne de Vergisson) et de Saint-Maïeul (Pierre) et un clerc de la paroisse Sainte-Marie, Robert, possèdent chacun leur propre sceau en 1264 avec lequel ils authentifient l’acte de vente de la maison du clerc Robert : C 5067.
92 Règlement par le Parlement de Paris, 1259 : Olim, I, p. 457-458. Règlement par le bailli de Mâcon, 1260, BC, col. 1521. Sur ces événements, voir É. Fournial, Charlieu, p. 215-220 ; G. Süssmann, Konflikt und Konsens, p. 196-201.
93 C. de Mérindol, « Iconographie du sceau de ville », p. 416-418, parmi un corpus de 434 villes n’en a identifié que sept dont le sceau représente un édifice religieux isolé. Il s’agit de Bellocq, Cluny, Feldkirch, Marmoutier, Mondoubleau (temple), Munster, Saint-Antonin-Noble-Val. Pour les reproductions des sceaux, on se reportera aux corpus de B. Bedos.
94 C. de Mérindol, « Iconographie des sceaux de ville », p. 417, règle la question trop rapidement en ces termes : « Seules sept villes représentent sur leurs sceaux un édifice religieux isolé, le plus souvent un monument particulièrement important pour la cité ou peut-être un jeu de mot avec le nom de la ville ».
95 Cette évolution est parfaitement montrée par D. Iogna-Prat, Ordonner et exclure, p. 166-171 (mon résumé s’en inspire).
96 Sur la valeur perpétuelle de la cire verte, M. Pastoureau, « Les sceaux et la fonction sociale », p. 288-289, complété par des remarques précieuses sur la valeur figée et atemporelle de la cire, p. 290-291.
97 Droits d’usage : G. Chachuat, « Des rapports... XIVe-XVIIIe », p. 25 ; Maison commune : AMCl., DD 2.4 (13 nov. 1619).
98 AMCl., II 5. Voir la présentation des sources, supra p. 34. Les modalités de la composition de l’inventaire sont précisées aux fo 40-v.
99 Certaines analyses sommaires ne mentionnent pas le nombre de pièces contenues dans les liasses. Il est par conséquent impossible de préciser leur nombre exact. La liasse cotée xli est la plus détaillée. Elle rassemble 66 actes des XVIe et XVIIe s. relatifs à la police de la ville. Son analyse s’étend sur les folios 11v-19r.
100 J.-R. de Chevanne, Les guerres en Bourgogne, p. 45-49, 89-96 et les pièces justificatives no II, VI, VIII, X, XII, p. 219-235.
101 AMCl, FF 2, fo 119, 121v, 127-v, 135v. Cette perte laisse les Clunisois dans l’impossibilité de prouver la validité de leur revendication pour l’exemption du péage de Mâcon.
102 Les guerres de religion à Cluny attendent leur historien. Les sources originales sont abondantes dans BnF, nouv. acq. lat. 2269, coll. Bourgogne 85, 90. Quelques éléments dans : T. Chavot, « Capitulation imposée à la ville de Cluny » ; L. Raffin, « Une forteresse clunisienne », p. 189-196 ; M. Pacaut, L’ordre, p. 382. Les pillages et destructions de livres, chartes et objets sacrés sont rapportés avec emphase par P. Lorain, Histoire de l’abbaye de Cluny, p. 228-244, et relativisés par M. Canat-de-Chizy, « Note historique ».
103 AMCl., II 5, fo 1 : Premierement un titre en parchemin contenant confirmation faicte par feu de bonne mémoire Reverend pere Estienne abbé de Cluny des status et antiens privileges de la ville dudict Cluny Reglement des amendes et aultres droicts signé De Corcellis cotte dessus au nombre premier. L’acte ainsi décrit est très probablement la copie conservée aujourd’hui dans BnF, nouv. acq. lat. 2265, no 11 (cf. supra, p. 365, n. 2).
104 AMCl., II 5, fo 1r. Les deux copies de la charte d’Étienne et l’original de la charte d’Hugues IV, conservées aujourd’hui dans BnF, nouv. acq. lat. 2265, no 10, 11, 14, portent au dos le numéro d’inventaire de la « Section 3, numéro 6 de l’inventaire de 1790 » et les cotes AA 1 et AA 2, qui sont celles des archives de la ville de Cluny classées à la Révolution. Elles proviennent donc des archives civiles dont elles ont été extraites, avec d’autres actes des XIVe et XVe s., lors du « déménagement » des archives de Cluny vers la BnF en 1864. Elles sont aujourd’hui mêlées aux documents provenant des archives abbatiales dans les mss. BnF, nouv. acq. lat. 2265 à 2269.
105 AMCl., II 5, fo 1v (acte de 1214), 6v-7 (acte de 1297). Ces deux actes sont aujourd’hui perdus.
106 Modification des redevances pour la cuisson du pain en 1302, AMCl., II 5, fo 9 (= BnF, lat. 9880, fo 57v-60) ; fixation de la monnaie pour payer les redevances à l’abbé en 1377 et 1378, AMCl., II 5, fo 1v, 41 (= BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 16-17).
107 Pour le XIIIe s. : C 4970 (1255), 5032 (1260), 5050 (1262), 5138 (1268), 5227-5228 (1277), 5281 (1281), 5293, 5294, 5298 (1282), 5307 (1285). G. Duby, La société, p. 393-396, a cité certains de ces actes pour signaler le développement des investissements fonciers par des bourgeois dans la deuxième moitié du XIIIe s.
108 C 4650 :... dedit et contulit in helemosinam donatione inter vivos dicto domino Oddoni priori et Cluniacensi ecclesiae in perpetuum duas domos suas in vico d’Arvi [...] et quicquid juris, quicquid rationis habebat vel habere poterat sub dominio ville Cluniacensis et castellania de Lordono vel alias tam circiter quam infra.
109 AMCl., DD 1.1.
110 J. Heers, La ville au Moyen Age, p. 403-406.
111 AMCl., FF 1.1. Voir infra chapitre 10.
112 O. Vital, Historia ecclesiastica, XII. 30, p. 312 ; PL 166, col. 1265 : vasa sacra et thesaurum monasterii [...] diripuit, et ejus maximam portionem pro retinendis militibus, sagittariis et balistariis dissipavit.
113 C 4098 bis : Item si per nuntium domini abbatis commoniti fuerint alicubi armati exire...
114 C 4410. C 4551 : en effet, Landric captus fuerat et male tractatus.
115 C 5505 : ad presentiam decani non sicut burgenses, set sicut hostes, armati cum gladiis, arbalistis, januam magnam intraverunt…
116 AMCl., FF 1.1, fo 47r :... Ils n’avaient point de maison commune en laquelle ils puissent garder et responser les... arnoys et aultres artilieries necessayre a la tuition et defence dicelle vostre ville...
117 G. Constable, « The Abbot and Townsmen », p. 171 (voir la citation complète dans l’introduction générale, supra p. 13, n. 23).
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