Chapitre VI. L’apparition des bourgeois
p. 283-313
Texte intégral
1Aux environs de l’an mil, un dénommé Arleius donne à Cluny, pour l’âme de sa mère, un ensemble de terres dont un champ situé dans la villa de Mailly, bordé à l’est, au sud et au nord par la « terre des francs qui sont appelés bourgeois »1. La situation géographique de Mailly, tout près de Cluny, et la mention du burgus de Cluny dans les actes du concile d’Anse vers 994 incitent à considérer les « francs qui sont appelés bourgeois » comme des habitants du bourg abbatial2. On ne connaît ni leur nom, ni leur activité principale. On sait simplement qu’au seuil du XIe siècle des hommes libres résident aux portes du monastère et tiennent en commun des terres à quelques centaines de mètres de là. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls dans ce cas. Les chartes du sud de la Bourgogne antérieures à 1050 montrent que la possession indivise entre libres est une pratique courante dans les villages naissants. Les fréquentes mentions de « terres des francs », « terres communes » ou « terres des consorts » indiquent l’existence d’un degré minimum de solidarité paysanne, prémisse du développement ultérieur des communautés villageoises fondées sur les paroisses et les coutumes communes fixées par écrit3.
2En l’an mil, le terme burgensis est encore dans sa préhistoire. La charte d’Arleius semble fournir l’une des plus anciennes mentions4. L’original de la charte est aujourd’hui perdu, mais Lambert de Barive en a dressé une copie à la fin du XVIIIe siècle. Le mot que je traduis par « bourgeois » est buggencii5. Hésitation du scribe qui peine à traduire en latin un terme qui se développe dans le langage vulgaire ? C’est possible. Cent ans plus tard, le mot devenu courant pose beaucoup moins de problèmes au rédacteur du cartulaire B6. En copiant la charte d’Arleius, il rectifie l’orthographe aléatoire de l’an mil : buggencii devient burgentii7. L’identification avec les habitants du bourg ne fait cette fois plus de doute.
3Pendant le siècle qui suit la donation d’Arleius, les bourgeois de Cluny restent totalement dans l’ombre. Il n’est jamais question de ces personnages, ni dans les chartes, ni dans les privilèges pontificaux, ni dans les coutumes, ni dans les récits hagiographiques composés au XIe siècle. Un tel silence a jeté le doute sur la mention de l’an mil. Les buggencii sont-ils bien des burgenses ? N’est-ce pas une interpolation de 1108 ? C’est difficile à dire. On ne voit pas très bien ce que signifierait le terme buggencii s’il ne désignait pas les habitants du bourg. En fait, leur absence dans les sources clunisiennes du XIe siècle provient moins de leur inexistence réelle que de leur inexistence sociale et en quelque sorte littéraire. Il existe des habitants dans le bourg dès le Xe siècle. Ils sont peut-être appelés bourgeois - la charte d’Arleius le laisse fortuitement deviner -, mais la mémoire monastique ne les retient pas en tant que tels : dans les textes clunisiens, ils sont des laïcs (laici) ou des hommes du peuple (populares, populus)9. Les bourgeois deviennent les membres d’un groupe social clairement identifié et reconnu au début du XIIe siècle. Leur apparition dans les chartes ne dit pas autre chose. Aux côtés des monachi, des clerici et des milites, les moines reconnaissent désormais l’existence des burgenses. Une petite place leur est réservée dans la mémoire écrite du monastère parce qu’ils font partie intégrante de la société clunisienne.
4Dès lors, la documentation écrite clunisienne révèle l’existence des bourgeois de Cluny de quatre manières. Ils apparaissent d’abord comme témoins, médiateurs ou garants des transactions avec le monastère, aux côtés des moines et des milites. Ce type d’actes est très bien situé chronologiquement. Le plus ancien est un déguerpissement d’Hugues de Chaumont en 1108. Le plus tardif est un déguerpissement de mauvaises coutumes par le sire de Beaujeu, Guichard IV, en 1202. Dans les premières décennies du XIIIe siècle, le développement des juridictions gracieuses et du scellement des actes fait rapidement disparaître la pratique des témoins. Le temps des bourgeois souscripteurs est passé. Il n’aura duré qu’un siècle et n’est attesté que par six chartes10.
5Les bourgeois sont parfois les auteurs des transactions. Pour le XIIe siècle, le corpus est très maigre. On ne compte pas plus de deux donations ad succurendum faites par un bourgeois de Cluny. La première, celle d’un bourgeois nommé Girbert, était conservée par la charte originale (aujourd’hui uniquement par la copie de Lambert de Barive)11 ; la seconde a fait l’objet d’une notice détaillée dans la chronique de Cluny à la fin du XVe siècle. Elle rapporte avec emphase comment un bourgeois de Cluny nommé Étienne s’est dépouillé de biens précieux à l’article de la mort pour entrer dans la communauté monastique12. Les actes de ce type deviennent plus nombreux au XIIIe siècle. Devant les juridictions gracieuses, on voit des bourgeois prêter des sommes d’argent importantes, vendre, louer ou échanger des maisons, des terres ou des rentes assises sur des biens fonciers ou immobiliers13.
6À côté de ces chartes où ils apparaissent de manière individuelle et nominative, les bourgeois de Cluny entrent sur la scène clunisienne comme les membres d’un groupe. Les moines composent avec eux. On conserve cinq traités conclus entre les moines et les bourgeois entre 1145 et 120614.
7Enfin, l’action des bourgeois de Cluny est rapportée dans des œuvres narratives relatant les épisodes tragiques de leur histoire. Le schisme de Pons est le premier, en 1125. Le second est le massacre des bourgeois aux portes du bourg par des mercenaires de l’empereur et du comte de Chalon, en 116615. Les récits mettent en scène le comportement des hommes et brossent, explicitement ou en négatif, le portrait idéal du bourgeois de Cluny, et donc de Cluny même.
8Il est bien évident que ce quadruple éclairage est loin de couvrir l’ensemble des activités des Clunisois au XIIe siècle. La mémoire sélective des sources clunisiennes conserve le souvenir d’une frange très limitée de la population, la plus riche, celle qui peut donner, qui peut combattre, qui côtoie les aristocrates des environs et peut éventuellement faire pression sur eux. En croisant ces données avec les clauses des traités conclus entre moines et laïcs, la majeure partie de la vie du bourg nous échappe encore. On peut surtout se faire une image assez précise des efforts déployés par les moines pour mettre en ordre la société qui les entoure.
1. Pour une prosopographie des bourgeois de Cluny au XIIe siècle
9L’étude prosopographique des milieux bourgeois avant le XIIIe siècle est une entreprise quasiment impossible, à l’exception des villes ayant connu très tôt une organisation municipale. Cluny n’est pas dans ce cas, loin s’en faut. Il n’existe aucune archive produite par la communauté d’habitants ou par une juridiction gracieuse mandatée par elle avant la fin du XIVe siècle. La liste la plus ancienne des bourgeois date du début du même siècle, lorsque, à la suite d’une rébellion, les habitants de Cluny ont dû renouveler leur serment de fidélité à l’abbé Henri Ier16.
10L’enquête n’est pourtant pas désespérée puisque les sources écrites du XIIe siècle sont nombreuses dans le sud de la Bourgogne, région a priori susceptible de fournir des renseignements sur les habitants du bourg. La première étape consiste à sélectionner les actes qui mentionnent explicitement un habitant de Cluny avec son prénom, éventuellement son nom et sa qualité (burgensis). Ils sont peu nombreux et proviennent tous des archives de Cluny. Ce sont les documents auxquels on vient de faire référence, c’est-à-dire cinq des six chartes dans lesquelles des bourgeois témoignent et les deux notices qui rapportent une donation ad succurendum faite par un habitant du bourg abbatial17. Ces sept actes permettent d’établir un corpus de soixante-treize noms répartis comme suit :
C 3874 (1108) | 12 burgenses vel servientes |
C 4056 (1136-1139) | 1 burgensis de Cluniaco |
C 4142 (1149) | 21 burgenses |
C 4244 (1173) | 9 burgenses |
BC 1662D (1179-1183) | 1 burgensis Cluniacensis |
C 4280 (1180-1181) | 25 burgenses |
C 4406 (1202) | 4 burgenses Cluniacenses |
11Ce corpus initial peut être sensiblement élargi. Au détour de certaines chartes on trouve la mention d’une maison sise à Cluny, soit parce qu’elle est donnée au monastère, soit parce qu’une transaction y est négociée. Les propriétaires ne sont pas nécessairement qualifiés de bourgeois. On doit cependant les prendre en compte parmi les habitants du bourg18. De même en est-il pour les serfs, prêtres, chevaliers, ou prévôts de Cluny qui apparaissent dans les chartes dès la fin du XIe siècle19. On peut ainsi connaître une trentaine de personnes supplémentaires.
12À partir de cette centaine de noms, il faut alors entreprendre une recherche systématique dans les documents contemporains pour retrouver les bourgeois, prévôts, prêtres, serfs ou milites éventuellement cités sans leur qualificatif parmi un groupe de témoins (clerici ou laici). Le cadre géographique d’une telle recherche est théoriquement illimité. Les habitants de Cluny peuvent être conduits par leur activité ou leurs liens familiaux à voyager ; aucun chartrier, aucune source ne doit être exclue a priori. Pour des raisons matérielles évidentes, on s’est limité à la région proche de Cluny, à savoir la documentation clunisienne (chartes, coutumes, statuts, chroniques, Vitae, miracula) et les chartes des communautés religieuses de la région (Saint-Vincent de Mâcon, Paray, Marcigny, Saint-Marcel de Chalon, Notre-Dame de Beaujeu, La Ferté-sur-Grosne). Ces derniers cartulaires, tous édités, sont pourvus d’un appareil critique plus ou moins développé et notamment d’un index onomastique. En revanche, les chartes de Cluny en sont dépourvues. Les listes établies par les historiens de Münster en prévision de l’index et les précieux conseils de Maria Hillebrandt m’ont été indispensables.
13D’autre part, il faut prendre en compte l’ensemble des personnes aux côtés desquelles les bourgeois sont cités. Les listes de témoins des chartes du XIIe siècle présentent une répartition typologique simple (clerici, laici) ou plus précise (monachi, milites, servientes, burgenses). Même en l’absence de tels qualificatifs, on observe que les témoins sont toujours répartis en groupes. Généralement les clercs sont cités les premiers ; les laïcs ensuite20. Depuis le chanoine Chaume, la prosopographie des familles aristocratiques du sud de la Bourgogne a fait des progrès considérables21. Les précieux travaux de Georges Duby, Jean Richard, Joachim Wollasch, Elsa Maria Wischermann et Maria Hillebrandt permettent de connaître la plupart des familles aristocratiques liées aux monastères de Cluny, Marcigny et Paray et des officiers monastiques mentionnés dans les chartes des XIe et XIIe siècles22. Il est ainsi possible de reconstituer les groupes de témoins et d’analyser la place des bourgeois parmi l’entourage laïque des monastères.
14L’enquête prosopographique est une tâche ingrate. Elle nécessite de très longs efforts pour des résultats souvent maigres, en particulier pour un groupe social qui n’apparaît pas régulièrement dans la documentation. De nombreuses personnes mentionnées une fois parmi les habitants du bourg n’apparaissent dans aucun autre document. Plusieurs ne sont connues que par leur prénom. Les hypothèses sur leur origine familiale, leur profession et leur statut social sont donc réduites à la plus simple expression. L’esquisse qui va suivre pourra être sensiblement approfondie et corrigée grâce aux instruments de travail indispensables qui font encore défaut : les indices et les nouvelles datations des chartes de Cluny.
2. Burgenses vel servientes
15La première mention nominative des bourgeois se trouve dans une charte de 1108 : à la fin de la liste des témoins sont nommés douze burgenses vel servientes23. Bourgeois ou serviteurs ? bourgeois et serviteurs ? Le mot vel laisse ouvertes les deux possibilités et rien dans la liste des témoins ne permet de trancher. Plusieurs questions se posent aussitôt. Les deux termes sont-ils équivalents ou la liste inclut-elle, sans les distinguer, des bourgeois et des serviteurs ? Dans ce cas, pourquoi les associer dans le même groupe alors que les autres témoins sont nettement différenciés, d’une part les moines (monachi), d’autre part les milites ? Les bourgeois cités sont-ils aussi serviteurs ? En l’absence de précision géographique, peut-on les considérer sans hésitation comme des habitants de Cluny ? Ne sont-ils pas originaires d’une autre bourgade de la région où, à la même époque, sont mentionnés des bourgeois ? Tentons d’y voir plus clair en relisant la charte en détail.
16Il s’agit du mémorandum d’une transaction en trois étapes. La première est une mise en gage. Hugues Liébaud, l’un des principaux chevaliers du Charolais, remet aux moniales de Marcigny ses terres de Chezeul, Maringues, Charnay et Vaux, lieux-dits sis aux confins du Charolais et du Brionnais24. La date n’est pas précisée, mais Hugues Liébaud est connu dans l’entourage de Marcigny et de Paray dans les deux dernières décennies du XIe siècle. La transaction se situe peut-être en 1085, date à laquelle Hugues Liébaud met en gage auprès de Cluny d’autres biens situés à Beaumont-sur-Grosne25. À moins qu’elle ne prenne place dans le contexte du départ à la croisade en 1096, 1101 ou 110626. Quoi qu’il en soit, Hugues Liébaud reçoit cinq cents sous du prieur de Marcigny, Guy Ruil, issu lui aussi d’un important lignage du Charolais. À sa mort, ses biens appartiendront perpétuellement au monastère de Marcigny sauf s’il les rachète auparavant. Deux témoins sont cités : Guillaume, archiprêtre de Varennes-l’Arconce, et Robert Ruil, clerc, le neveu du prieur27.
17Hugues Liébaud avait une fille, nommée Luca ou Marguerite. Elle a épousé un fils de Bernard de Chéchy, Hugues, qui prit le nom d’Hugues de Chaumont après la construction d’un château à Chaumont dans lequel il s’installe vers 110528. Après son mariage, Hugues de Chaumont revendique les biens mis en gage par son beau-père comme son bien patrimonial. En 1108, il est convié à Cluny pour régler le différend. Genoux fléchis devant l’abbé qui tient son bâton pastoral, il lui prête hommage par les mains et renonce à ses injustices29. La possession des moines sur les biens contestés est confirmée. En contrepartie, Hugues bénéficie des mêmes avantages financiers que, jadis, son beau-père. Il reçoit cinq cents sous des deux recteurs de Marcigny, Séguin et Guichard30. Pour sceller l’alliance renouvelée, son conseiller (consiliarius) reçoit cent sous et sa femme, grâce à laquelle il possède des droits sur les biens, un manteau et une fourrure de vair31. Les deux parties s’accordent pour faire rédiger une charte afin de rendre les choses stables et témoigner devant la postérité32. Les témoins sont nombreux.
18L’épouse d’Hugues de Chaumont, Luca/Marguerite, n’avait pu se rendre à Cluny pour le plaid. Quelque temps plus tard, une petite délégation de moines se rend à Perrecy-lès-Forges pour la trouver et lui demander d’en confirmer les termes. Elle s’exécute, dans l’avant-nef de l’église, en présence de son époux, de quelques amis clercs ou ecclésiastiques et de deux moines, le prieur de Marcigny, Guichard, et Bernard du Mont, connétable de l’abbé Hugues33.
19La charte a été rédigée en deux temps, d’abord à Cluny puis à Perrecy, la même année, en 1108. Le scribe a signé. C’est Albert le Teuton, scribe personnel de l’abbé Hugues à la fin de sa vie, également connu pour avoir copié une Bible à la demande de l’abbé Pons34.
20Le déguerpissement d’Hugues de Chaumont met aux prises la communauté monastique de Marcigny, la communauté monastique de Cluny garante des intérêts du prieuré de moniales et les sires du Charolais impliqués directement ou indirectement dans la transaction. La présence des bourgeois ne va pas de soi. Il faut examiner en détail les personnes présentes - en tout cas celles dont le texte a mentionné la présence - pour comprendre cet agencement.
21Albert le Teuton a noté précisément le nom des témoins présents lors de la deuxième étape, à Cluny. Trente-deux noms sont notés, répartis en trois catégories : douze moines, dix milites, douze bourgeois ou serviteurs35.
22De monachis :
- Bernardus, camerarius Cluniacensis,
- Odo Arpinus, qui dicebatur Bituricensis,
- Seguinus Nivernensis,
- Wichardus Marciniensis,
- Willelmus qui fuit archipresbiter, qui et superius testis scriptus est,
- Lucas armarius,
- Pontius decanus
- et Lambertus,
- Bernardus,
- Dalmatius Jureth,
- Hugo,
- Albertus et ceteri
23Les moines sont issus des communautés de Cluny et de Marcigny. En tête sont cités les personnages les plus importants, soit par la fonction qu’ils occupent, soit par leurs liens privilégiés avec les protagonistes de l’acte. Le premier est le chambrier de Cluny, Bernard, c’est-à-dire Bernard Gros, issu du puissant lignage des sires d’Uxelles. Il est le fils cadet de Bernard III Gros, constructeur du château d’Uxelles, et le frère de Landric Gros qui tient alors la seigneurie. En 1108, il occupe les fonctions de chambrier depuis une trentaine d’années et ne tardera pas à devenir prieur pour une vingtaine d’années supplémentaires36. Sa renommée, en bien comme en mal, dépasse très largement le Clunisois. Bernard de Clairvaux, dans une lettre célèbre, le qualifie « prince des prieurs » et l’accuse d’avoir séduit son neveu Robert, « sous les habits de brebis mais en dedans loup rapace », et de l’avoir conduit à quitter l’ordre cistercien pour gagner Cluny37.
24À ses côtés, se trouvent les moines qui représentent traditionnellement le convent à l’intérieur ou à l’extérieur, accompagnant volontiers l’abbé dans ses déplacements. Eudes Arpin est de ceux-là. Sa place éminente dans la communauté est due davantage à son cursus qu’à ses fonctions actuelles. Avant de se retirer à Cluny, il était vicomte de Bourges puis prieur de La Charité-sur-Loire38. Luc, le bibliothécaire (armarius), Pons, le doyen, et Dalmas Juret, chambrier, occupent des charges importantes au sein du convent39. Bernard est Bernard du Mont, le connétable de l’abbé Hugues. Sa présence dans cette transaction est due tout autant à sa fonction qu’à ses liens personnels avec les milites du Brionnais. Il est en effet le neveu d’Eldri Esperun, fidèle des sires de Semur, étroitement lié aux monastères de Marcigny et de Cluny par son rôle dans la création de l’obédience de Berzé-la-Ville40. Hugues et Albert sont chargés de la chancellerie. Fréquemment mentionnés ensemble dans les chartes contemporaines, on peut les identifier sans peine à Hugues de Verzé et Albert le Teuton, rédacteur de la charte41. Lambert (no 8), en revanche, reste dans l’ombre.
25Les trois autres moines se rattachent à la communauté de Marcigny. Séguin (de Nevers) et Guichard de Marcigny sont les deux recteurs du prieuré de moniales42. Guillaume est l’ancien archiprêtre de Varennes-l’Arconce. Il était présent lors de la mise en gage d’Hugues Liébaud en cette qualité. Il est désormais moine à Cluny.
26De militibus :
- Hugo ipse de Calvomonte, cum quo res acta est ;
- denique Gaufridus de Marchisot,
- Jocerannus de Centarbens,
- Hugo de Centarbens,
- Petrus de Civione,
- Garulfus de Orvals,
- Hubertus Rufinus,
- Artaldus de Seziliis,
- Bernardus Jacob,
- Alcherius de Marchisot.
27Les milites que l’on peut identifier sont les pairs du sire de Chaumont, tous établis en Charolais et généralement liés étroitement aux monastères de Cluny, Marcigny et Paray. Joceran et Hugues de Centarben sont issus de la famille des sires de Bourbon-Lancy solidement implantés en Charolais43. Pierre de Sivignon, Garou d’Orval et Humbert Rufin leur sont liés. Ils témoignent ou garantissent les donations des sires de Bourbon ou de Chéchy, parents d’Hugues de Chaumont44. Geoffroy de Marchiseuil (de Marchisuto) témoigne en deux autres occasions pour une donation d’un sire de Chaumont45. Quant à Artaud de Sezilles (de Sezillis), Bernard Jacob et Alcher de Marchiseuil, ils restent insaisissables.
28Sont enfin mentionnés les douze « bourgeois ou serviteurs ».
29De burgensibus vel servientibus :
- Durannus de Sancta Maria,
- Rodulfus,
- Constabulus,
- Gaufridus,
- Vincentius,
- Benedictus,
- Ledbaldus,
- Tedbaldus,
- Girardus Auritus,
- Robertus de Sancto Juliano,
- Robertus Crispinus,
- Geraldus et alii atque alii.
Durand de Bois-Sainte-Marie
30Le premier de cette liste est aussi le plus connu - ou du moins le moins mal connu. Il apparaît dans huit autres actes compris entre 1080 et 110546. Son nom est cité seul, assorti du qualificatif laicus ou burgensis vel serviens47. Sa profession n’est jamais indiquée, mais un examen attentif des chartes dans lesquelles il est mentionné et de leurs listes de témoins permet de poser de solides hypothèses. Suivons-les pas à pas.
31Le nom de Durand - de Sancta Maria - ne pose pas de difficulté majeure. Sancta Maria (huit occurrences) ou Sancta Maria de Bosco (une occurrence) s’identifie sans problème avec Bois-Sainte-Marie, village du Charolais dont l’église paroissiale est desservie par Cluny via le prieur de Paray48. Il est le seul à porter ce nom dans toutes les chartes de Cluny. Il s’agit donc vraisemblablement d’une indication d’origine qui le qualifie personnellement. On ne connaît à peu près rien de sa famille si ce n’est qu’il a deux fils, Pierre et Hugues, présents à ses côtés vers 1102-1103 parmi les témoins d’une importante donation du sire de Bourbon-Lancy49. Élément à retenir, il possède une vigne près de Lourdon qui lui a été donnée par l’abbé Hugues en tenure viagère50.
32Les chartes dans lesquelles Durand de Bois-Sainte-Marie est cité parmi les témoins sont des transactions entre Cluny et les principaux seigneurs de la région : les châtelains de Berzé, de Semur-en-Brionnais, de Brancion et de Bourbon-Lancy. En 1094 et en 1100, Durand de Bois-Sainte-Marie est présent lors des deux donations d’Hugues de Berzé qui fondent l’obédience de Berzé-la-Ville51. Il est encore là lorsque Hugues de Berzé se dessaisit d’un serf nommé Gilbert au profit de l’abbaye de Cluny et lorsqu’un de ses vassaux, Renaud de Sologny, donne le bois de Vincensis à proximité de Berzé52. Le plaid de Montmain en 1102, au cours duquel Geoffroy IV de Semur abandonne ses prétentions à l’égard des terres et du bourg de Marcigny, est négocié devant de nombreux témoins, laïcs et ecclésiastiques ; Durand de Bois-Sainte-Marie est parmi eux53. Se préparant à partir pour Jérusalem, Étienne de Neublans, parent des sires de Brancion, cède à Cluny ses biens héréditaires de Blanot, Prayes et Chissey et reçoit, ainsi que ses pairs, un dédommagement confortable du doyen de Lourdon. Parmi la vingtaine de témoins dont la charte a conservé le nom, on trouve encore Durand de Bois-Sainte-Marie54. Enfin, lorsque à la fin de sa vie, Humbert de Bourbon-Lancy abandonne à Cluny de très nombreux biens à La Chapelle du Mont-de-France, Meulin, Chazelle, Mazille, Simandre, Sercy et Cluny, le témoignage de ses vassaux est nécessaire. À leurs côtés figure un petit groupe de laïcs parmi lesquels Durand de Bois-Sainte-Marie55.
33Les deux raisons principales pour lesquelles on sollicite le témoignage d’un tiers sont, d’une part, les liens de parenté avec l’auteur de la transaction56 et, d’autre part, l’exercice d’une fonction importante au sein du groupe social auquel appartient le témoin. Par conséquent, deux hypothèses peuvent être avancées pour expliquer la présence de Durand lors de ces transactions. La première tient à son origine. Bois-Sainte-Marie est à la limite entre le Clunisois, le Charolais et le Brionnais. Les sires de Berzé, de Bourbon et de Semur sont tous solidement implantés dans cette région, soit par des possessions de terres, soit par leurs liens matrimoniaux. Il est possible que Durand soit lié à ces familles seigneuriales par le sang ou la vassalité. La seconde tient à son statut social. Durand occupait sans doute une fonction importante à Cluny, parmi les bourgeois ou parmi les serviteurs du monastère. En se penchant d’un peu plus près sur les listes de témoins des sept chartes où Durand de Bois-Sainte-Marie est cité, il est possible d’en savoir davantage.
34Partons de la charte d’Humbert de Bourbon-Lancy57. Elle présente une liste de quatorze témoins, dans cet ordre :
35Hujus quoque doni testes subscribuntur sunt isti :
- Jocerannus miles de Vilers,
- Ansedeus miles de Angleuris,
- Artaldus miles de Buisol,
- Wido miles de Logiis,
- Artaldus miles de Buseria,
- Petrus miles Ruils,
- Bernardus miles de Umble,
- Ilius miles de Crais,
- Durannus de Sancta Maria,
- et filii ejus Petrus
- et Hugo,
- Guntelmus, prepositus Sancti Ypoliti,
- et Hugo presbiter frater ejus,
- Bernardus de Sarciaco.
36Cette charte est conservée en original58. La liste des témoins couvre quatre lignes. Les noms sont très détachés les uns des autres. Le qualificatif miles est écrit en petits caractères au-dessus des huit premiers noms, de telle manière qu’ils se distinguent tout de suite des six noms suivants. La liste présente donc nettement deux groupes de personnes : les milites et les autres.
37Les premiers sont des pairs ou des vassaux du sire de Bourbon implantés en Charolais, Brionnais ou Clunisois. On reconnaît notamment Joceran de Vilers, Ancy d’Anglure, Artaud de Busseuil, Artaud de la Bussière et Élie de Cray59.
38En tête du second groupe est cité Durand de Bois-Sainte-Marie, suivi de ses deux fils. Viennent ensuite deux ministériaux de Cluny : le prévôt de Saint-Hyppolite et son frère, le prêtre Hugues, officiant peut-être à Saint-Hyppolite60. Bernard de Sercy est l’un de ces hobereaux de village décrits par Georges Duby, ni petit paysan, ni chevalier, mais doté d’un certain prestige par ses nombreuses possessions foncières61. Il est implanté au nord de Cluny, entre les vallées de la Grosne et de la Guye, là où l’abbé de Cluny entreprend vers 1090 de créer de toute pièce une grange62.
39Poursuivons l’enquête avec les deux donations du sire de Berzé. Comme dans la charte précédente, la liste des témoins fait apparaître une répartition en deux groupes.
C 3674 (2 mars 1094) | C 3744 (1100) |
1. S. Hugonis qui hoc donum fecit et firmare rogavit | 1. Bernardus de Catché, |
2. S. Warolfi. | 2. Gaufredus de Mailé, |
3. S. Hugonis de Mediolano. | 3. Wichardus de Salenniaco, |
4. S. Pontii de Soloniaco. | 4. Villelmus de Civignone, |
5. S. Gausceranni de Valentinis. | 5. Ansedeus Rebutinus, |
6. S. Rotberti Dalmatii. | 6. Hugo de Solenniaco, |
7. S. Wichardi de Soloniaco. | 7. Acardus de Brueria, |
8. S. Duranni de Sancta Maria. | 8. Durannus de Sancta Maria , |
9. S. Hunberti, prepositi de Cluniaco. | 9. Petrus clericus de Sancto Nicetio, |
10. S. Wichardi Waschet, | 10. Gaschet, |
11. et Richardi, servientium ipsius. | 11. Johannes sacrista et plures alii. |
40Les deux listes comportent d’importantes similitudes. D’une part, le nombre de témoins est le même. D’autre part, dans les deux cas, les sept premières personnes sont des milites ou seigneurs châtelains de la région. Ce sont des parents, des amis ou des fidèles du sire de Berzé. Robert Damas de la famille de Centarben et Hugues de Meulin - dans la première charte -, Bernard de Chéchy, père d’Hugues de Chaumont et Guillaume de Sivignon - dans la seconde -, témoignent des liens familiaux des sires de Berzé avec les milites du Charolais. Pons, Guichard et Hugues de Sologny, Geoffroy de Mailly et Achard de la Bruyère comptent parmi ses vassaux mâconnais63.
41Dans les deux chartes, le deuxième groupe de témoins commence avec Durand de Bois-Sainte-Marie. Les personnes identifiables sont des serviteurs ou des ministériaux de Cluny. On compte trois laïcs : le prévôt Humbert, assisté de ses deux auxiliaires, Richard et Guichard Gaschet, celui-ci ne formant sans doute qu’une seule personne avec Gaschet cité dans la deuxième charte. Puis deux ecclésiastiques : Pierre, clerc de Saint-Nizier et Jean, sacristain64.
42La charte d’Étienne de Neublans présente les mêmes caractéristiques. Vingt témoins ont assisté à la donation. Aucun qualificatif ne les distingue, mais trois groupes sont assez nettement identifiables65 :
43Sunt autem hii qui interfuerunt, et testes ac roborante existunt :
- Siguinus de Branciduno,
- Wichardus de Sala,
- Hunbertus Pesanz,
- Milo de Niblens,
- Ilius de Craia,
- Gauscerannus de Curtavas,
- Giselbertus de Lordono prepositus,
- Bernardus de Fraxino,
- Giselbertus de Martilei,
- Gaubertus de Praiz,
- et fratres ejus Rotbertus
- et Bernardus,
- Artus,
- Silvester,
- Folcaldus de Blanusco cellararius,
- Durannus de Sancta Maria,
- Erkenbaldus de Cavineis,
- Amicus presbiter,
- Petrus Corduan,
- Walterius de Tasi.
44Les six premiers sont des proches du sire de Brancion : Séguin de Brancion et Milon de Neublans sont sans doute ses parents ; Guichard de La Salle et Élie de Cray comptent parmi leurs vassaux ou amis66.
45Parmi les quatorze suivants, on compte quelques personnages obscurs : Bernard de Fragnes, Gilbert de Martailly, Gaubert et Robert de Prayes (no 8 à 11). Étant donné leur implantation non loin de Brancion, ils sont sans doute étroitement liés au châtelain. Peut-être sont-ils ses serviteurs ou ses prévôts67. Deux ministériaux de Cluny sont également identifiables : le prévôt de Lourdon et le cellérier de Blanot (no 7 et 15).
46Pierre le cordonnier, Ami, prêtre, et Gauthier de Taizé résident à Cluny (no 18 à 20). Les deux premiers sont liés à Bernard Guerdon, chevalier qui possède une maison dans le bourg68. Quant à Gauthier de Taizé, il a quitté la dépendance du sire de Bourbon en s’installant dans la villa de Cluny pour entrer dans celle de saint Pierre, mais on ignore pour quel service69.
47En poussant un peu plus loin les hypothèses, il est possible de discerner deux groupes parmi ces quatorze personnes (no 7 à 20). Les neuf premières sont des « hommes de l’extérieur » exerçant leur activité au service des sires impliqués dans la transaction ou des moines de Cluny. Les cinq derniers sont des « hommes de l’intérieur », résidants du bourg abbatial, vraisemblablement au service des moines. Si tel est bien le cas, Durand de Bois-Sainte-Marie est encore cité en tête de ce groupe.
48Restent trois chartes qui citent Durand de Bois-Sainte-Marie parmi les témoins. Lors de la donation du serf Gilbert par Hugues de Berzé, il est le premier d’un groupe de huit laïcs parmi lesquels on ne reconnaît aucun châtelain ou miles. Un seul est distingué par sa profession : Benoît, boulanger70.
49Lors du plaid de Montmain avec le sire de Semur, Durand est cité parmi un groupe de six serviteurs de Cluny71. Les trois premiers sont des clercs : Pierre, archiprêtre de Varennes l’Arconce, Eudes, chapelain de Cluny, Adalard, clerc de Clermain. Les trois suivants sont des laïcs : Durand de Bois-Sainte-Marie, Raoul, aumônier72 et Connétable, échanson.
50Enfin, la brève notice qui fait connaître la donation du bois Vincensis par Renaud de Sologny cite quatre témoins : Guillaume, doyen de Cluny, Serlius moine, Geoffroy, miles de Cluny et Durand de Bois-Sainte-Marie, laïc73.
51Quelques conclusions s’imposent. Dans chacune des chartes, Durand de Bois-Sainte-Marie est cité parmi un groupe de laïcs qui ne sont ni chevalier ni châtelain mais dont plusieurs exercent un office ou un service pour les moines. Durand est vraisemblablement l’un d’eux. Il semble résider dans le bourg et compte sans doute parmi les familiers et les serviteurs qui officient dans le cloître ou aux portes du monastère. La vigne qu’il tient de l’abbé74 est peut-être un bénéfice concédé en vertu de ses services. Le cas est attesté au XIe siècle pour d’autres serviteurs laïques75. Sa place dans les listes de témoins indique une fonction éminente, mais jamais elle n’apparaît clairement. Pourtant, tout porte à croire qu’il est l’un sinon le personnage le plus en vue dans le bourg de Cluny vers 1100. À plusieurs reprises il est cité en tête du groupe de serviteurs, avant même le prévôt de Cluny. La charte de Renaud de Sologny le cite seul parmi les personnes de son rang, comme s’il représentait à lui seul l’ordo des serviteurs.
Raoul, Connétable, Geoffroy et les autres
52Complétons cette enquête par l’étude des autres burgenses vel servientes cités dans la charte d’Hugues de Chaumont, en 110876 :
Durannus de Sancta Maria,
Rodulfus,
Constabulus,
Gaufridus,
Vincentius,
Benedictus,
Ledbaldus,
Tedbaldus,
Girardus Auritus,
Robertus de Sancto Juliano,
Robertus Crispinus,
Geraldus et alii atque alii.
53Huit personnes sont citées après Durand de Bois-Sainte-Marie avec leur seul prénom : Raoul, Connétable, Geoffroy, Vincent, Benoît, Liébaud, Thibaud et Gérald.
54Les cinq premiers, Raoul, Connétable, Geoffroy, Vincent et Benoît forment sans conteste un groupe de serviteurs laïques, sans doute parmi les plus importants. Ils réapparaissent à plusieurs reprises parmi les témoins des chartes contemporaines qualifiés tantôt servientes, laici ou famuli. L’ordre dans lequel ils sont cités est souvent le même, Raoul et Connétable venant généralement en tête77. Selon toute vraisemblance, ce sont les deux personnes citées à la suite de Durand de Bois-Sainte-Marie dans le plaid de Montmain. Raoul est aumônier, ou plutôt serviteur de l’aumônier. Connétable est échanson78. Il est impossible de préciser la fonction de Geoffroy et de Vincent. Benoît est peut-être le boulanger (Benedictus pistor) cité après Durand de Bois-Sainte-Marie dans la charte d’Hugues de Berzé, où le châtelain donne un serf à Cluny79. Autrement dit, nous aurions en tête de la charte de 1108, un groupe de six serviteurs qui officient dans le monastère : Durand de Bois-Sainte-Marie, Raoul aumônier, Connétable échanson, Geoffroy, Vincent, et Benoît boulanger.
55Trois personnes sont citées avec leur prénom et leur surnom : Giraldus Auritus, Robertus de Sancto Juliano et Robertus Crispinus. De Gérard aux grandes oreilles (Girardus Auritus), on ne peut qu’imaginer son physique. Il est absent des documents contemporains. Robert de Saint-Julien est sans doute originaire de Saint-Julien-de-Civry au sud de Charolles. Il n’est pas non plus mentionné ailleurs, mais un Bernard de Saint-Julien apparaît dans l’entourage du monastère de Paray à la même époque. Avec Robert Crépin, on tient enfin un personnage identifiable. Dans les dernières années du XIe siècle, il apparaît dans l’entourage laïque du prieuré de Saint-Marcel de Chalon. Il est cité parmi les témoins aux côtés de chevaliers étroitement liés au prieuré, tel le miles Salicher ou Constantin Pophei. Sans doute est-il originaire de cette région. En tout cas, dès 1090 il est installé à Cluny puisque les scribes de Saint-Marcel le nomment Robert Crépin de Cluny80. Aucun acte ne le présente comme un serviteur laïque de l’abbaye. Il est d’ailleurs absent des chartes de Cluny. L’hypothèse la plus plausible est qu’il compte au nombre des bourgeois, mais on ignore tout de son activité.
56Enfin, restent Liébaud et Thibaud, cités en septième et huitième position parmi les « bourgeois ou serviteurs » de la charte d’Hugues de Chaumont. Aucun serviteur de ce nom n’est connu dans les années voisines de 1100, aucun bourgeois de Cluny non plus. En revanche, le miles Liébaud de Châtenoy et un certain Thibaud paysan (rusticus) sont cités en 1093 aux côtés de Robert Crépin et du miles Salicher, parmi les témoins d’une donation pour la sépulture dans le prieuré de Saint-Marcel-lès-Chalon81. Peut-être sont-ils les Liébaud et Thibaud de la charte de 1108.
57De cette longue analyse, il est temps de tirer quelques conclusions d’ordre plus général.
Bourgeois ou serviteurs ?
58Au moins la moitié des douze burgenses vel servientes de la charte de 1108 sont des serviteurs laïques du monastère. Ils font partie de ces nombreux hommes entrés dans la dépendance des moines pour les servir, soit à l’intérieur du cloître, soit dans le bourg, soit dans les obédiences82. Les coutumes du XIe siècle les mentionnent fréquemment. Vers 1100, chaque officier claustral dispose de plusieurs famuli à son service. Certains travaillent plus spécifiquement dans l’église, dans l’hôtellerie ou dans l’infirmerie. Les boulangers et les cuisiniers populaires (coqui populares) participent à la préparation et à la distribution des repas, tant pour les moines que pour les hôtes ou les pauvres prébendés. Certains accompagnent l’aumônier dans le bourg pour le soin des malades83. S’ils semblent avoir résidé à l’intérieur de la clôture jusqu’au milieu du XIe siècle, plusieurs d’entre eux vivent avec femme et enfants dans le bourg au milieu du XIIe siècle84. C’est d’ailleurs un grand sujet d’inquiétude pour Pierre le Vénérable qui tente vers 1145 de remplacer les famuli de l’infirmerie par des moines, arguant des trop fréquents chapardages des serviteurs au profit de leur famille85.
59Certains serviteurs exercent leurs fonctions uniquement dans le bourg. Le plus connu est le prévôt de Cluny. Humbert, en cette qualité, émerge de la documentation vers 1100, en partie parce qu’il a détourné des biens et des revenus à son propre usage, mais les fonctions du prévôt de Cluny restent obscures pendant encore de longues années86. Les clercs séculiers comptent également parmi ces serviteurs, non plus laïques, mais soumis à la même dépendance. Les chapelles du bourg et de la banlieue immédiate sont desservies par de tels chapelains au seuil du XIIe siècle. On connaît par exemple Vincent, chapelain de Saint-Maïeul et Pierre, chapelain de Saint-Nizier87. Plus loin, dans les obédiences, les prévôts, chapelains, cellériers, forestiers entourent le doyen - qui lui est un moine - pour administrer le domaine et faire entrer les revenus dans les greniers clunisiens88. Des artisans apparaissent également et, sans que cela soit explicitement mentionné, on peut supposer qu’ils résident dans le bourg. On a cité Pierre le cordonnier et Benoît le boulanger, mais il faut ajouter Bernard, peintre, Eudes et Bernard, forgerons, Dodon et Bernard, boulangers, tous cités entre 1080 et 114089.
60Famuli, servientes, laici, voire clientes, les chartes de 1100 utilisent différents qualificatifs pour les désigner90. Il est possible de chercher un sens spécifique à chacun de ces termes (les famuli dans le cloître, les servientes plutôt à l’extérieur par exemple), mais l’essentiel est moins de les différencier que de comprendre la structure sociale dans laquelle ils s’insèrent. L’emploi d’un terme pour l’autre (famulus et serviens par exemple) indique d’ailleurs que les catégories sont moins tranchées qu’on pourrait le croire91. Tous ces hommes sont réunis par leur condition commune à l’égard de saint Pierre, du convent et de l’ecclesia Cluniacensis. Ils sont soumis au jus, dominium et regimen de Cluny parce qu’ils résident sur ses terres, parce qu’ils se sont recommandés aux moines ou parce qu’ils leur ont été donnés. Par conséquent, ils doivent servir le monastère.
61La domination des moines implique le service des hommes sur lesquels elle s’applique ou plus exactement une participation active à l’œuvre commune, chacun à sa mesure. Ainsi certains fabriquent pour les moines, d’autres cultivent leurs terres, d’autres encore les administrent. Les fonctions les plus honorables semblent aller aux membres des plus grandes familles. Une prosopographie précise des ministériaux de Cluny apporterait à cet égard des éclairages précieux et confirmerait peut-être ce qu’une observation rapide permet de remarquer. On note par exemple que les chapelains et les prévôts sont liés étroitement aux lignages aristocratiques qui tiennent les châteaux des environs ou gravitent autour ; peut-être sont-ils les bâtards ou les cadets de ces familles de milites. Ils sont également parents les uns des autres. Le prévôt Humbert de Cluny est le frère du prévôt de Mazille. Le chapelain Vincent de Saint-Maïeul est le neveu de Bernard, chapelain de Lourdon92. Ceux-là font partie de cette « aristocratie servile » décrite par Georges Duby93. Les autres sont moins bien nés. Ils occupent les fonctions subalternes dans le monastère jusqu’au plus humble cultivateur (le rusticus) qui travaille la terre des moines.
62Mais nonobstant ces différences qu’on dirait aujourd’hui de niveau social, ces hommes sont soumis à la même dépendance. Le service qu’ils exercent est différent. La respectabilité et la richesse qu’ils en retirent est fort variable mais tous, par leur soumission au dominium Cluniacensis ecclesiae et par le service qu’ils exercent à son profit, sont inclus dans la même famille : celle des dépendants et des familiers94. C’est là le sens du second terme parfois employé pour désigner les serviteurs : les famuli. Ils sont les familiers de Cluny, les membres de la communauté ecclésiale clunisienne. Une étude approfondie de ce terme et de ses connotations sociologiques nous emmènerait beaucoup trop loin95. Retenons simplement qu’un terme voisin est utilisé pour désigner l’ensemble des personnes qui font don de leurs biens-fonds, de leurs deniers, de leur fils ou de leur personne à l’Église clunisienne : les familiares. Les nécrologes conservent leur nom aux côtés de ceux qui ont fait profession ou sont considérés comme tels96.
63La présence des serviteurs parmi les témoins des transactions est un signe du processus d’inclusion dans la communauté clunisienne97. Au seuil du XIIe siècle, la structure domaniale est en place. Elle a fait émerger un nouveau groupe d’hommes spécialement dévolus au service des moines. Leur concours est désormais nécessaire pour maintenir la paix. Ils côtoient donc les milites lors des plaids ou des donations importantes. Il est d’ailleurs fort intéressant de constater que milites et servientes sont le plus souvent cités côte à côte dans les listes de témoins. Comme on l’a vu, seule l’identification des personnes permet dans bien des cas de les distinguer. Les scribes n’avaient certes pas ce problème. Ils savaient qui étaient Raoul, Geoffroy ou Gérard aux grandes oreilles. Mais en s’abstenant de préciser, les chartes rappellent que la distinction fondamentale ne s’opère pas entre les milites, les servientes et les burgenses, mais entre les clercs et les laïcs, ou plus spécifiquement entre les moines et les autres. Milites, servientes et burgenses sont avant tout des laici, en tant que tels soumis au regimen de l’Église - en l’occurrence de l’ecclesia Cluniacensis. Les groupes sociaux reconnus comme tels dans les documents ne forment pas des communautés. La seule communauté légitime est l’Église. Au sein de celle-ci chacun suit son ordo, ou, en d’autres termes, chacun sert l’Église à sa mesure. Tous sont peu ou prou des servientes.
64L’apparition des burgenses dans le même groupe que les servientes est donc loin d’être un hasard de la documentation. C’est l’expression d’une réalité sociale que les chartes de Cluny ne sont pas les seules à révéler98. Parmi les douze noms cités en 1108, certains n’exercent peut-être pas de service propre pour le convent, comme Robert Crépin et Robert de Saint-Julien. Mais l’absence de distinction entre les bourgeois et les serviteurs indique qu’elle importe peu. L’ambiguïté du vel prend là tout son sens. Les bourgeois sont aussi des serviteurs et s’ils ne le sont pas explicitement, ils devront le devenir par leur attitude à l’égard de l’Église. Nous verrons bientôt comment dans les années 1140-1180. Au seuil du XIIe siècle, il n’en est pas encore question. Les rares bourgeois que l’on peut identifier sont encore indissociables des serviteurs et des familiers.
3. Les possesseurs de maison
65Les mentions des maisons et de leurs possesseurs permettent de compléter ce premier tableau des habitants du bourg vers 1100. On connaît huit possesseurs de maisons à Cluny au tournant du XIIe siècle. C’est bien peu, mais ils méritent d’être signalés, ne serait-ce que pour mettre un nom sur les premiers occupants de ces maisons romanes qui se dressent encore à Cluny.
Milites
66Le premier connu est un dénommé Joceran, fils d’Hugues et de Supplicie. En 1065, il donne au monastère, pour son salut et celui de ses parents, sa maison établie dans la villa de Cluny, dans le but d’en faire un hospice pour les pauvres99. Joceran est alors dans la fleur de l’âge. C’est un adolescens, un juvenis, comme le souligne le scribe à trois reprises. Il n’est pas pour autant un tout jeune homme, un adolescent au sens actuel du terme. Il est déjà marié et a donné naissance au moins à trois fils, Geoffroy, Hugues et Guy, et peut-être à des filles passées sous silence. Les qualificatifs qui lui sont attribués insistent sur son niveau social. Les juvenes sont les chevaliers encore jeunes et fougueux que l’Église doit par-dessus tout s’efforcer de contrôler100. Le premier possesseur de maison connu à Cluny n’est donc ni un burgensis ni un marchand, mais un chevalier. À la fin du XIe siècle, il n’est pas le seul miles de la villa de Cluny.
67Une famille de chevaliers de Cluny se distingue particulièrement dans la documentation du XIe siècle : les milites de Cluniaco101. Leurs aïeux apparaissent peu avant l’an mil dans l’entourage de l’abbaye de Cluny et de l’évêque Mainbeuf de Mâcon auquel ils sont peut-être apparentés102. Peu avant 1050, ils sont dotés d’un cognomen et deviennent les de Cluniaco. Quatre frères portent ce titre : Arembert, Ornand, Bernard et Gilbert. On suit très nettement la généalogie de ce dernier jusqu’au début du XIIe siècle. Il épouse une certaine Eufémie de laquelle il a dix enfants, six garçons : Geoffroy, Ulric, Gérald, Bernard, Ogier, Joceran et quatre filles : Witburge, Marie, Teza et Agnès. Le premier d’entre eux est connu pour avoir eu au moins cinq fils : Vilence (Vilencius), Bernard, Dalmas, Ulric et Guillaume.
68Les biens-fonds de cette famille sont situés dans plusieurs villages autour de Cluny, notamment au sud-ouest : Lournand, Jalogny, Vaux, Château, Sivignon, mais leur noyau d’origine semble être Ruffey. Ils possèdent là leurs principaux alleux, sur la colline (podium de Rufiacensis ville) qui domine le monastère à l’ouest103. Au moins jusqu’au début du XIIe siècle, ils possèdent également en précaire de l’église cathédrale de Mâcon les églises de Château, Sainte-Cécile, Brandon, Buffières, Lournand, ce qui renforce leur implantation au sud-ouest de Cluny104. Le surnom de la famille, de Cluniaco, ne s’explique guère que par leur implantation réelle dans le bourg et la villa. Si aucune charte ne mentionne explicitement leur possession de maisons dans le bourg, c’est sans doute simplement parce qu’ils ne les ont pas cédées à l’Église contrairement à leurs biens-fonds ruraux.
69Par ses multiples donations de terres ou de serfs, la famille de Cluniaco est l’une des plus fréquemment citées dans les cartulaires de Cluny et Saint-Vincent de Mâcon pour la période 1050-1120105. Elle est d’ailleurs étroitement liée aux deux communautés. Bernard de Cluny, neveu de Geoffroy, prend l’habit à Cluny à la fin de sa vie. Au moins deux cousins des de Cluniaco entrent au chapitre cathédral de Saint-Vincent de Mâcon au XIIe siècle106. Ils sont également apparentés aux principaux milites des environs, tels Achard de Merzé, Hugues Burdin ou Bernard Vetulum et liés d’amitié à beaucoup d’autres parmi lesquels les chevaliers de Mailly, de Sologny, d’Obled, de Sivignon ou les châtelains de La Bussière107. Par leur résidence aux portes du monastère, les chevaliers de Cluniaco doivent montrer l’exemple plus que tous les autres108. S’ils se conduisent comme tels, ils sont les chevaliers modèles. Geoffroy de Cluny est de ceux-là, le miles modèle qui représente tous les autres par sa seule présence, comme Durand de Bois-Sainte-Marie représente les serviteurs, parmi les témoins d’une charte de donation de Richard de Sologny109. En revanche, s’ils vont à l’encontre des principes de l’Église, ils deviennent ses pires ennemis. Vers 1150, Hugues de Cluny et ses deux cousins, Joceran et Guillaume, chanoines à Mâcon, voulant récupérer la précaire que leurs parents avaient restituée à Saint-Vincent et, ayant arraché la charte du cartulaire qui attestait la donation, sont ainsi présentés comme « des fils conspirant contre leur mère », accusés de sacrilège, de parjure et de vol110.
70Humbert, sire de Bourbon-Lancy à la fin du XIe siècle possède des biens-fonds et des serfs tout autour de Cluny. Vers 1100, sentant sa mort proche, il abandonne à Cluny une grande quantité de biens établis à la Chapelle-du-Mont-de-France, Meulin, Chazelle, Mazille, Simandre, Sercy et Cluny. Parmi ces derniers figure une maison et des hommes. La maison appartenait avant lui à Guichard de Chazelle, l’un de ces gros alleutiers établis au nord de Cluny cousin des châtelains d’Uxelles et apparenté par son épouse au sire de Bourbon-Lancy111. Elle revient aux moines avec les serfs qui auparavant appartenaient à Guichard et au sire de Bourbon. C’est donc encore une maison de chevaliers, et non des moindres, qui émerge de la documentation.
Ministériaux
71Se préparant à partir pour Jérusalem, Bernard Guerdon (Bernardus Veredunus) donne sa terre de Varanges et sa maison de Cluny avec le jardin attenant à sa sœur Gerberge et à son beau-frère, Thibaud. S’il revient du pèlerinage, la maison sera partagée en deux parties égales et Thibaud recevra quinze sous de dédommagement. S’il meurt au cours de la croisade, la maison appartiendra de plein droit à Thibaud et à son épouse. Une douzaine de témoins approuvent la transaction : Ermengarde, autre sœur de Bernard, et son fils Guillaume ; Ami, prêtre, accompagné de son frère, Jean, et de sa mère ; Durand Sur-l’œuvre (Superopus) et son fils Bernard ; Durand Exconcius, Pierre cordonnier, Eudes forgeron, Arnoux et Constantin Bernard. Ce dernier accompagne Bernard Guerdon dans son périple vers l’Orient112.
72Bernard Guerdon n’apparaît pas dans les autres documents contemporains. En revanche, plusieurs témoins sont connus par ailleurs. Tous semblent être des habitants de Cluny. On reconnaît tout d’abord trois serviteurs du monastère : Ami, prêtre, Pierre, cordonnier et Eudes, forgeron113. Durand Sur-l’œuvre est un ancien serf de Guichard de Chazelle. Il est entré dans la dépendance des moines par sa résidence dans la maison de Guichard, à Cluny, ou en étant donné au monastère114. Constantin Bernard est sans doute le même personnage que Bernard Constantin (Bernardus Constantinus) signalé dans deux actes contemporains. Il apparaît tout d’abord aux côtés du prévôt de Cluny, Humbert, en 1094. Jugé pour avoir commis des exactions contre les biens de saint Pierre, le prévôt est sommé de nommer deux fidéjusseurs pour garantir la paix. Bernard Constantin est l’un d’eux. Sans doute est-il l’un de ses pairs, un de ces ministériaux dont la fonction reste obscure, comme l’était celle de Durand de Bois-Sainte-Marie115. Quelques années plus tard, Bernard Constantin semble s’être libéré de son service auprès du monastère. Il a dû racheter sa liberté par le paiement annuel d’une rente exorbitante de mille sous sur un clos de vigne116.
73Le prévôt Humbert, dont il vient d’être question, possède lui aussi une maison dans le bourg. Il l’a fait construire peu avant 1100 sans le consentement de l’abbé. La terre du bourg est sous la domination de saint Pierre. Une telle audace est une injure à l’encontre du saint apôtre. Ce n’est d’ailleurs pas la seule commise par le prévôt. Il s’est emparé de terres qui ne relèvent pas de son fief, en a acheté d’autres sans l’assentiment de l’abbé, a calomnié des serfs de saint Pierre en les détournant probablement à son service, a revendiqué des terres que son frère Pons avait données aux moines et a injurié les frères, ses seigneurs, lors des discussions préliminaires à son jugement117. Il doit donc en répondre. Convié au plaid (judicium) par le prieur Joceran118, il est jugé par ses pairs : Lambert Deschaux, Geoffroy de Cluny, Hugues de Meulin, Ancy d’Obled et Hugues Burdin, tous des milites peut-être également positionnés dans le bourg. Chacun reconnaît la faute du prévôt qui doit admettre sa culpabilité et se soumettre au jugement. Sollicitant la miséricorde du prieur, il peut conserver à titre viager ce qu’il possédait auparavant, à l’exception de la condemine de Saint-Odilon et des droits sur les transferts de propriété des terrains nus dans le bourg119. Il conserve donc sa maison. C’est le début d’une longue histoire. Le prévôt de Cluny s’impose comme le principal ministérial du bourg, ayant pignon sur rue et exerçant ses activités de police sur les habitants de façon fort lucrative. On le retrouvera à la fin du Moyen Age parmi les officiers laïques de l’abbé120.
Ecclésiastiques
74Vers 1100, Joceran, chevalier d’Ameugny, met en gage auprès des chanoines de Saint-Vincent de Mâcon la moitié de sa terre d’Ameugny avec ses revenus et un serf, pour soixante-quinze sous, quarante en deniers de Mâcon et trente-cinq en deniers de Cluny. La transaction est un mort-gage classique comme on le pratique fréquemment dans ces années de départ pour la croisade. Elle est conclue à Cluny, dans la maison de l’archiprêtre Gonthier121. Il est exceptionnel qu’un acte relatif au patrimoine des chanoines mâconnais soit négocié à Cluny. Gonthier est un archiprêtre du diocèse de Mâcon et à ce titre l’un des principaux clercs au service de l’évêque. On le voit à plusieurs reprises dans son entourage témoigner des transactions importantes relatives au patrimoine canonial122. Son implantation à Cluny provient peut-être de son origine familiale. Sa présence parmi les témoins de plusieurs actes impliquant les milites de Cluniaco laisse supposer qu’il leur est apparenté123. Quoi qu’il en soit, il n’a rien d’un marchand du bourg abbatial ou d’un serviteur du monastère. C’est un ecclésiastique important qui possède une maison à Cluny.
75Sa maison est connue pour avoir servi de lieu de négociation. L’exemple n’est pas unique. Dans les mêmes années, le chevalier Ancy d’Obled est convié à un plaid par le chapelain de Saint-Maïeul, Vincent, pour répondre de ses exactions à l’encontre de l’alleu de Bernard, chapelain de Lourdon, par ailleurs grand-oncle du chapelain de Saint-Maïeul. Cette affaire de famille est résolue en deux étapes, d’abord dans la maison d’Étienne de Charolles, sans doute à Cluny, puis dans le château de Lourdon124. Étienne de Charolles est un pair d’Humbert de Sailly, peut-être son parent. On l’a vu à ses côtés, à Cluny, lorsque le miles de Sailly renonçait à revendiquer les biens mis en gage par son père. Réciproquement, Humbert de Sailly est dans la maison d’Étienne de Charolles lorsque celui-ci renonce à spolier les biens du chapelain de Lourdon125.
76L’archiprêtre Gonthier n’est pas le seul ecclésiastique mâconnais qui demeure à Cluny. Le seul possesseur de maison connu à Cluny au milieu du XIIe siècle est le chanoine de Mâcon Hugues Ruil. Il est sans doute issu de la famille des Ruil, apparentée aux milites de Sailly, connue parmi les donateurs de Marcigny et dont est issu l’un des premiers prieurs de Marcigny, Guy Ruil126. Hugues Ruil est cité parmi les membres du chapitre cathédral de Mâcon entre 1150 et 1180. À l’article de la mort, il donne à Saint-Vincent les maisons qu’il possédait à Cluny et bénéficie ainsi d’une mention spéciale dans l’obituaire du chapitre127.
77Des chevaliers, des prêtres et des ministériaux. On ne voit guère que ces trois groupes parmi les occupants des maisons clunisoises au XIIe siècle. Certes les mentions sont ténues. Seuls huit propriétaires peuvent être identifiés, pas toujours très clairement. Autour d’eux, un large groupe se laisse deviner, composé de l’ensemble des serviteurs laïques du monastère et des milites dont la noblesse et le prestige tiennent tout autant à leurs possessions foncières qu’à leurs relations privilégiées avec les moines. Les de Cluniaco, les Chazelle, les Bourbon, les d’Obled, les La Bussière, les Burdin, les Béraud, les Ruil, les Sailly, les Mailly et les Merzé sont là, toujours présents aux côtés des serviteurs, parmi les laïcs dont on sollicite le témoignage. Ils donnent leurs fils à Cluny, leurs filles à Marcigny, leurs terres et leurs corps vieillissant au monastère. Ils donnent leurs serfs pour travailler dans le cloître et, parfois, très rarement, leur maison, qui émerge alors de l’oubli.
Des maisons « romanes »
78Les plus solides et les plus cossues des maisons construites alors dans le bourg ont traversé les siècles. Une dizaine présentent encore leur façade sur la rue, parfois un corps entier de bâtiment construit au XIIe ou XIIIe siècle. Derrière les murs des XVe, XVIIIe ou XIXe siècle se cachent près d’une centaine d’autres maisons « romanes » ou « gothiques », dont témoignent un mur de refend, une baie encore en place, un escalier, un manteau de cheminée ou un plafond peint. L’étude systématique de ce bâti permet d’entrevoir des constantes dans les formes, la répartition topographique, l’organisation interne128.
79Le type le plus classique présente une maison en pierre, à deux ou trois niveaux, avec une façade de cinq à sept mètres de large, parallèle à la rue. Le rez-de-chaussée est nettement dissocié des étages. On accède au rez-de-chaussée par une large ouverture de trois à quatre mètres de large, surmontée le plus souvent d’un arc brisé. L’espace inférieur se compose de deux pièces en enfilade, séparées par un arc brisé ouvert sur toute la largeur. Le ou les niveaux supérieurs sont accessibles par un escalier en pierre qui part de la rue, perpendiculairement à celle-ci. Il s’appuie contre un des murs latéraux de la maison. Il n’existe aucune communication directe entre l’espace inférieur et les niveaux supérieurs. Les deux communiquent avec la rue, mais pas les uns avec les autres.
80L’étage est, comme le rez-de-chaussée, divisé en deux pièces, l’une sur rue, l’autre sur cour ou jardin. Les deux pièces communiquent par une porte. La pièce sur rue est parfois pourvue d’une cheminée, d’armoires murales, d’éviers, mais ce qui la caractérise par-dessus tout est l’aménagement d’une série de fenêtres qui percent souvent toute la largeur du mur donnant sur la rue. Cette série d’ouverture forme une claire-voie, constituée le plus souvent de quatre ou six baies en plein cintre, surmontées deux par deux par un linteau, séparées chacune par des colonnettes sculptées. À l’intérieur, des coussièges latéraux existaient parfois. L’aménagement de la pièce sur cour est mal connu. Sa caractéristique la plus évidente est l’absence quasi systématique d’une série d’ouvertures comme dans la première pièce. La claire-voie orne la rue, pas le jardin ; elle se présente aux passants, pas aux résidants. Le décor sculpté se concentre donc essentiellement sur la façade, dans les chapiteaux, les linteaux, les écoinçons et les colonnettes des claires-voies. Les fleurs ornent fréquemment les écoinçons, tandis que dents d’engrenage, volutes, oves et cannelures se développent sur les linteaux et les colonnettes. Les chapiteaux qui les surmontent portent, le plus souvent, des motifs végétaux129.
81L’absence de cave semble de rigueur. Aucune n’a été repérée dans les maisons de pierre des XIIe ou XIIIe siècle étudiées jusqu’alors. Cluny est pourtant une région viticole et agricole. La présence systématique de l’eau dans le sous-sol clunisois, rarement à plus d’un mètre sous le niveau du sol, est un facteur non négligeable. Les vastes rez-de-chaussée ont peut-être rempli un office de stockage, mais leur vaste ouverture sur la rue ne permettait pas d’en faire de véritables caves.
82Dans les formes comme dans les décors, quelques partis exceptionnels ont été repérés. Deux ou trois maisons qui semblent avoir été construites au XIIe siècle forment de véritables palais, enchaînant les pièces, multipliant les claires-voies, les niveaux et les escaliers130. Deux maisons d’angle présentaient sur leur façade une frise sculptée qui soulignait la claire-voie du premier étage. Ces deux maisons se situaient à des carrefours formant une petite place (carruge des forges, carrefour du puits des Pénitents). La frise la plus remarquable se développait sur deux façades de la maison située à l’angle des actuelles rue du Merle et rue Joséphine Desbois. Elle présentait une succession de médaillons circulaires portant des animaux réels ou imaginaires, entrelacés dans des sarments et feuilles de vigne. Sur la première pierre, au début de la frise, un vendangeur s’apprête à cueillir le raisin131.
83Plus que tout autre ville, semble-t-il, Cluny a conservé de nombreuses maisons romanes et gothiques. La datation de cet ensemble bâti exceptionnel reste encore très aléatoire, dépendant de rares analyses dendrochronologiques ou, le plus souvent, de critères stylistiques remarqués sur les claires-voies. Depuis une quinzaine d’années, les membres du Centre d’Études Clunisiennes ont rassemblé une documentation graphique et photographique très abondante qu’il faudra confronter à des études archéologiques d’élévation, à des fouilles dans le sous-sol, aux très nombreux fragments sculptés des réserves du musée d’Art et d’archéologie de Cluny, pour comprendre la structure de l’espace bâti du bourg abbatial au moment où celui-ci émerge de la documentation écrite et devient un objet d’histoire132. Sans attendre, on peut suggérer quelques remarques.
84Comme les sources écrites, les maisons « romanes » de Cluny ne laissent voir que la frange supérieure des habitants. Celle qui réside dans des maisons de pierre comportant un ou deux étages nettement dissociés du rez-de-chaussée. Au niveau de la rue, c’est le monde qui travaille. Il nous échappe presque complètement au XIIe siècle. Au-dessus, plus loin de la puanteur et de l’animalité de la rue, soigneusement séparé du rez-de-chaussée avec lequel il n’entretient aucune communication directe, s’élève un autre monde. Celui de la résidence et de l’apparat. Les quelques exemples conservés montrent des aménagements plutôt cossus qui reprennent parfois les modèles de la résidence seigneuriale. Ici, une cheminée à encorbellement, là des coussièges derrière la claire-voie de la façade sur rue.
85Maison de bourgeois ? maison de chevalier ? La question se pose. Les plus grandes maisons, les plus opulentes, sont sans conteste celles des « seigneurs » de la ville, qu’ils soient les milites de Cluniaco, quelques chanoines de Mâcon, le prévôt de Cluny, ou les Chazelle venus à Cluny avec leurs serfs. Ils sont les frères des moines, pas seulement spirituellement, mais aussi, bien souvent, charnellement. Les autres, plus modestes, sont des ministériaux, des milites de second rang, des serviteurs issus du commun par leur origine sociale, des prêtres et chapelains qui égalent les petits nobles et tendent à sortir de leur condition de mediocres. Faire de la maison « romane » de Cluny le type de la maison de marchand serait une grossière erreur133. Au XIIe siècle, les marchands de Cluny restent de grands inconnus. Aucune maison documentée dans les chartes n’appartient à l’un d’eux, mais à des milites, des serviteurs des moines, des ecclésiastiques. Bien sûr, on ne peut généraliser à partir des quelques exemples connus, mais la présence de ces personnages dans le bourg abbatial mérite d’être signalée. Cluny est pour certains membres de l’aristocratie locale un lieu où l’on doit être, où l’on doit posséder, où l’on doit se montrer et montrer sa richesse. Ce sont ces seuls puissants qui intéressent les moines et dont on retient le nom dans les chartes.
86Les maisons conservées montrent une uniformité de parti saisissante. Hormis quelques cas marginaux, partout se retrouvent la même organisation intérieure, les mêmes formes, des dimensions semblables. L’uniformité de la demeure semble faire écho à l’uniformité du statut des habitants. Burgensis, milites ou servientes sont soumis à la même domination ; ils sont les membres du même ordre et leur conduite doit se conformer à celle du populus christianus.
87Le décor des maisons est ostentatoire. On le réserve plutôt aux façades, là où il se voit mieux. Là où il impressionne. Toute la panoplie des formes et des images qui orne l’église abbatiale se retrouve là. Mêmes arcades, mêmes petites fleurs dans les écoinçons, mêmes dents d’engrenage dans les volutes, mêmes cannelages sur les pilastres. Le chancel du chœur de l’église ressemble à s’y méprendre à certaines claires-voies de maisons du XIIe siècle. L’image du bourg prolonge celle de l’église. Les mêmes sculpteurs semblent avoir travaillé simultanément sur les deux chantiers et le plus étonnant est de constater qu’ils ont pris soin de répéter à l’envi les thèmes du décor de l’église sur les maisons, sur leurs maisons, celles de leurs voisins ou de leurs cousins. Les sculpteurs et les constructeurs se sont efforcés de souligner dans le parti architectural comme dans le décor l’étroite symbiose entre l’église et la ville. Est-ce le fruit d’une volonté des moines, commanditaires des programmes, ou d’une intériorisation inconsciente par les laïcs du dominium de l’Église ? La question reste ouverte, mais, dans les deux hypothèses, on ne laisse pas d’être frappé par la continuité entre le monastère et le bourg.
***
88Au seuil du XIIe siècle, on ne perçoit de la population du bourg que quelques personnes étroitement liées aux moines par leurs donations ou par les services qu’ils reçoivent d’eux : les milites, les serviteurs du convent, les bourgeois qui leur sont étroitement associés et les pauvres. Les chartes et les coutumiers clunisiens offrent de cette population une vision idéalisée dans laquelle chaque personne, chaque groupe social doit trouver sa place : les moines d’une part, les laïcs de l’autre, qu’ils soient serviteurs, chevaliers, bourgeois ou pauvres. Il manque pourtant à ce tableau de très nombreuses personnes et une catégorie essentielle, celle des artisans, commerçants, aubergistes qui ne travaillent pas explicitement pour les moines mais pour les habitants et les personnes de passage. En 1100, ils restent encore dans l’ombre. Dans les décennies qui vont suivre, ils vont se manifester en groupe et leur apparition sur la scène de l’histoire clunisienne devient désormais incontournable. La paix établie dans les deux dernières décennies du XIe siècle risque de vaciller. Les moines doivent s’adapter à une force nouvelle, laïque et bigarrée. Il faut trouver une nouvelle paix.
Notes de bas de page
1 ... termina a sero terra Sancti Petri, a mane et a medio die et a cercio terra francorum qui buggencii vocantur : C 2331 (Chaume, « Obs » : 1005-1007). Cette charte a souvent été signalée : A. Déléage, La vie rurale, p. 570 ; G. Duby, « La ville de Cluny », p. 261, n. 1, p. 263, n. 1, Id., La société, p. 46, 270 ; G. Constable, « The Abbot and Townsmen », p. 157-158.
2 Mailly, chef-lieu de villa disparu, aujourd’hui aux confins des communes de Cluny, Lournand et Cortambert.
3 La pratique de la terre commune dans le sud de la Bourgogne (terra consortorum, vicinalis, vicinorum, communis, communalis, vulgaris, terra francorum, terra communia) a été étudiée par A. Déléage, La vie rurale, p. 368-384. Des notes utiles également sous la plume de T. Chavot, dans M, Préface, p. lx-lxiii, cix-cxii ; F. Bange, « Ager et villa », p. 534-535 ; G. Duby, La société, p. 122-123, 207, 229 ; D. Barthélemy, « Qu’est-ce que le servage ? », p. 250-252 repris dans Id., La mutation de l’an mil, p. 114-122. Les liens entre la pratique de la possession commune et la naissance des communautés villageoises ont bien été mis en valeur par R. Fossier, Enfance de l’Europe, I, p. 196-197, et Id., Chartes de coutume en Picardie, p. 75-77.
4 G. Duby, La société, p. 270, n. 30 ; Id., Les trois ordres, p. 250.
5 BnF, coll. Moreau, vol. 19, fol. 212 : terra francorum qui buggencii vocantur. C’est la forme choisie par les éditeurs de la charte (C 2331) qui, en l’absence d’original, privilégient toujours les versions fidèles de Lambert de Barive.
6 Les chartes du Mâconnais mentionnent le mot burgensis régulièrement à partir des années 1080 : voir les références données par G. Duby, La société, p. 270-271.
7 BnF, nouv. acq. lat. 1498, f° 6, n ° ccclvi.
8 G. Constable, « The Abbot and Townsmen », p. 157-158, soulève le problème. J’ai moi-même émis des réserves sur la base de la mauvaise tradition manuscrite de la charte et de l’orthographe aléatoire du mot burgenses : D. Méhu, « La communauté d’habitants », p. 179-180.
9 Célébrations pour le populus : LT 42.1, p. 55 ; 71, p. 106 ; 85.4, p. 131 ; 138, p. 199. Célébration sans le populus : LT 154, p. 224. Le populus /les populares dans le monastère : Bernard, I.9, p. 153 (= Ulrich, III. 22, col. 764), Ulrich, III. 3, col. 735 ; distribution de nourriture aux populares : Bernard, I.13, p. 158 ; offrandes du populus /des populares : Ulrich, III. 12, col. 753, 756. Dans les chartes clunisiennes des Xe et XIe s., les laici sont fréquemment opposés aux clerici : voir les références données par G. Constable, The Orders, p. 282, 310-311.
10 C 3874 (1108), 4142 (1149), 4235 (1170), 4244 (1173), 4280 (1180), 4406 (1202).
11 C 4056 (VdE : 1136-1139).
12 BC, col. 1662D (sous l’abbatiat de Thibaud de Vermandois, soit vers 1179-1180).
13 Les actes antérieurs à 1300 sont les suivants : C 4551 (1227), 4742 (1239), 4903 (1248), 4970 (1255), 5067 (1264), 5173 (1272), 5194 (1273), 5222 (1277), 5281 (1281), 5293 (1282), 5307 (1283). Les cartulaires du XIVe s. gardent le souvenir de quelques transactions entre des bourgeois et la pitancerie de Cluny : BnF, lat 9878, fol. 19v-21r, 33v, 34 r (1266, 1270, 1290, 1297).
14 C 4098 bis (1145), 4205 (1161-1173), 4329 (1188), 4425 (1206) ; M, p. cclviii (1153).
15 DM, II. 12 ; O. Vital, Historia Ecclesiastica, XII. 30 ; PL 16, col. 1260-1261, 1265-1268 ; Hugues de Poitiers, Historia Vizeliacensis monasterii, éd. MV, IV, l. 3024-3041 ; Historia gloriosi regis Ludovici, éd. A. Molinier, p. 172-174.
16 BnF, coll. Bourgogne 82, no 380-381 (1309).
17 Cf. supra p. 284, n. 10. La charte C 4235 n’est pas retenue car elle mentionne le témoignage de plusieurs bourgeois sans citer leur nom.
18 Donation d’une maison : C 3406, 3685, 3755, 3806. Négociation d’un acte dans une maison : M 585, C 3758, 4559.
19 Serfs : C 3221, 3649, 3806, 3929. Prêtres : C 3758 (capellanus Sancti Maioli), C 3972, 3983. Milites de Cluniaco : CPA, C 2009, 2987, 3027, 3104, 3177, 3221, 3262, 3299, 3308, 3400, 3570, 3685, 3796, 3966, 4279 ; M 547, 560, 578, 584, 610, 612, 617. Prévôt de Cluny : C 3177, 3333, 3339, 3666, 3674, 3685, 3926.
20 Quelques exceptions cependant, vers 1100 : C 3864, 3867, 3886 (les laïcs sont cités en tête).
21 M. Chaume, « Les grands prieurs » ; Id., « En marge » ; Id., « Études carolingiennes » ; Id., « Les origines de la maison de Damas », dans Id., Recherches d’histoire chrétienne, p. 284-291 ; Id., « Les premiers seigneurs de Berzé ».
22 G. Duby, La société, a dressé des tableaux précis des principales familles chevaleresques du Mâconnais. L’index onomastique et le répertoire biographique dressés par Jean Richard en annexe du cartulaire de Marcigny constituent des instruments de travail précieux pour connaître les principaux milites du Charolais et du Brionnais aux XIe et XIIe s. : MAR, p. 195-253. J. Wollasch, « Parenté noble », s’est intéressé au réseau des donateurs de Cluny et Marcigny. E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire a dressé des notices biographiques de toutes les moniales de Marcigny aux XIe et XIIe s. Elle a également étudié chacun des prieurs et le réseau des donateurs. M. Hillebrandt a précisé bien des points sur les familles aristocratiques liées à Cluny (via Berzé-la-Ville) et à Paray : M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville » et Id., « Le prieuré de Paray-le-Monial ».
23 C 3874 (1108). Jusqu’à la fin du XVIIIe s., la charte était conservée en original dans les archives de Cluny, là où Lambert de Barive en a dressé une copie : BnF, coll. Moreau 43, fol. 179.
24 Hugues Liébaud est lié aux sires de Bourbon-Lancy et de Digoine. L’un de ses frères est moine à Paray : MAR p. 247 ; P 167. Chezeul, Maringue, Charnay et Vaux (Vaux-de-Chezeul) : S.- et-L., can. Charolles, com. Saint-Julien-de-Civry. La charte C 3874 résume la transaction. Une charte plus complète avait été dressée lors de la mise en gage. Elle est conservée dans la traduction du cartulaire de Marcigny faite en 1719 : MAR 44.
25 C 3607.
26 De nombreuses mises en gage auprès du monastère de Cluny sont motivées par des besoins de liquidité pour partir à la croisade, soit en 1096, soit au début du XIIe s. (1101, 1106, 1110, 1120) : G. Duby, La société, p. 283-284.
27 La charte indique seulement Willelmus archipresbiter, mais il s’agit sans conteste de l’archiprêtre de Varennes-l’Arconce, entré comme moine à Cluny peu avant 1102 : MAR 13, 44, 61, 77, 79, 119, 282, et notice p. 244. C 3874 indique simplement Robertus clericus, cognomento Ruil, mais MAR 44 indique Rotbert, neveu du prieur. MAR 44 ajoute également Pierre serviteur, Guibert, vicaire, et Guy de Morigny parmi les témoins. Je n’ai pas su les identifier.
28 Chaumont, S.-et-L., can. Saint-Bonnet-de-Joux, com. Mornay. Sur Bernard de Chéchy, Hugues de Chaumont et Luca/Marguerite, MAR p. 237, 246 ; E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire, p. 256-257, 396. La femme d’Hugues de Chaumont est nommée Luca dans C 3874, Marguerite dans MAR 290. Il s’agit sans conteste de la même personne puisque MAR 290 n’est autre que le développement de la charte résumée dans la troisième partie de C 3874. Luca/Marguerite est entrée au monastère de Marcigny vers 1109-1110 : MAR 290 ; E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire, p. 396.
29 C 3874 : Fecit autem werpitionem istam vel laudamentum Hugo ipse, genu flexo, ante domnum Hugonem abbatem, per baculum ipsius senioris, in manu ejus.
30 Séguin est à la fois prieur de Marcigny et chambrier de l’abbé Hugues. Il est le prieur en titre, mais compte tenu de sa double fonction, il se fait aider à Marcigny par un auxiliaire, Guichard. E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire, p. 98-103, fournit les détails et les références nécessaires sur ces deux personnages. Également J. Wollasch, « Parenté noble », p. 13-14 ; M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville », p. 208-209 ; A. Kohnle, Abt Hugo, p. 241-243.
31 MAR 290 (confirmation par Luca/Marguerite du déguerpissement de son époux) mentionne un versement de 700 sous à Hugues par le prieur Seguin. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un second versement, mais l’équivalent des trois paiements mentionnés dans C 3874 : 500 sous pour Hugues de Chaumont, 100 pour son conseiller, manteau et fourrure de vair pour sa femme équivalant à un montant de 100 sous.
32 C 3874 : Placuitque de tota causa et pacificatione inter se facta cartam describi istam ad stabilimentum rei, ad monimentum posteritatis.
33 Les amis d’Hugues de Chaumont sont Hugues Potard, le prieur de Paray, Guy, et Séguin de Culmines. MAR 290 donne une version légèrement différente de cette confirmation en précisant le lieu (l’avant-nef de Perrecy : in galilea monasterii Parriciaci), l’hommage prêté dans les mains du prieur Séguin, l’entrée à Marcigny de Luca/Marguerite quelque temps plus tard.
34 M. Hillebrandt, « Albertus Teutonicus ». Albert le Teuton est le seul moine du XIIe s. connu pour avoir travaillé aussi bien à la chancellerie qu’au scriptorium. En revanche, ils sont plusieurs dans ce cas aux Xe et XIe s. : M.-C. Garand, « Copistes de Cluny » ; Id., « Giraldus levita » ; Id., « Le scriptorium de Cluny » ; J. Vezin, « Une importante contribution ».
35 L’ordre est celui de la charte. J’ai ajouté les numéros d’ordre.
36 Le lignage des sires d’Uxelles a fait couler beaucoup d’encre. En dernier lieu : C. Bouchard, Sword, p. 300-305 et sur Bernard Gros : W. Teske, « Bernardus und Jocerannus Grossus », G. M. Cantarella, « Due note cluniacensi » que l’on préfèrera à M. Chaume, « Les grands prieurs », p. 151-152.
37 Bernard de Clairvaux, lettre à son neveu Robert, éd. Bernard de Clairvaux, Lettres, t. I, p. 67-71.
38 Sur les personnes accompagnant l’abbé Hugues, notamment dans les dernières années de son abbatiat : H. Diener, « Das Itinerar », p. 414-417 ; J.-L. Lemaître, « Les compagnons de route », p. 698-699.
39 Pons est le doyen de Cluny : C 3872. Dalmas Juret apparaît comme chambrier : C 3867 (v. 1107). Il est difficile de dire s’il occupe cette fonction lors du déguerpissement d’Hugues de Chaumont car Bernard Gros est mentionné comme tel. Peut-être est-il son auxiliaire (le futur sous-chambrier). Par sa famille, il est étroitement lié aux vicomtes de Bourgogne et Mâcon : M. Hillebrandt, « Albertus Teutonicus », p. 222, n. 2.
40 Sur Eldri Esperun/de Saint-Prix : MAR, p. 239. Bernard du Mont est le connétable de l’abbé Hugues au début du XIIe s. Il a ensuite été chargé par l’abbé vieillissant de diriger l’obédience de Berzé-la-Ville avant d’occuper les fonctions de prieur claustral à Marcigny : M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville », p. 211 ; E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire, p. 108-109.
41 M. Hillebrandt, « Albertus Teutonicus », p. 228-232.
42 Les deux personnes dont il est question plus haut : supra p. 289, n. 30. Séguin provient de Paray et non de Nevers. Cette mention est considérée par E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire, p. 99, n. 4, comme une erreur du copiste.
43 Sur la famille de Centarben et ses liens avec les monastères de Marcigny, Paray et Cluny : M. Chaume, « Les origines de la maison de Damas », dans Id., Recherches d’histoire chrétienne, p. 284-291 ; MAR p. 249 ; E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire, p. 254-255, 315-316 ; M. Hillebrandt, « Le prieuré de Paray-le-Monial », p. 111, 118-119.
44 Sivignon, S.-et-L., can. Saint-Bonnet-de-Joux. Orval, S.-et-L., can. Semur-en-Brionnais, com. Oyé. Sur Pierre de Sivignon, chevalier du Charolais, MAR, p. 251. Garou d’Orval est fidéjusseur pour Robert Dalmas, sire de Bourbon-Lancy : MAR 98 (1100). Humbert Rufin figure parmi les témoins d’une mise en gage de Bernard de Chéchy, beau-père d’Hugues de Chaumont : MAR 88, MAR p. 248.
45 Marchiseuil, S.-et-L., can. Saint-Bonnet-de-Joux, com. Pressy-sous-Dondin. C 4054 (1136). P 206 (1147). Geoffroy de Marchiseuil témoigne également de la donation de Nazarée de Culmines/Giverdier à Marcigny en 1105 : C 3825 ; voir E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire, p. 402.
46 C 3306 (s.d., entre 1080 et 1105, dates connues pour le « règne » d’Hugues de Berzé) ; C 3674 (1094) ; C 3737 (1100) ; C 3744 (1100) ; C 3806 (v. 1102-1103, dates du priorat d’Henri à Cluny) ; MAR 288 (1102). Par hypothèse, je situe les chartes C 3250 et C 3796, sans indication de date, dans la fourchette chronologique couverte par les autres documents, soit v. 1080-1108.
47 laicus : C 3796. De burgensibus vel servientibus : C 3874.
48 Durannus de Sancta Maria : C 3250, 3306, 3674, 3737, 3744, 3806, 3874, MAR 288. Durannus de Sancta Maria de Bosco : C 3796. Bois-Sainte-Marie, S.-et-L., can. La Clayette. Église paroissiale de Bois-Sainte-Marie donnée à Paray au XIe s. : P 3, 24, 190 ; desservie par le doyen (= prieur) de Paray : BC, col. 1753.
49 C 3806.
50 C 3250.
51 C 3674. C 3744. Tous les détails sur ces donations et la création de l’obédience sont donnés par M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville ».
52 C 3306, C 3796. Je n’ai pas identifié précisément le boscus Vincensis mais la viam publicam de Cluniaco, per quercum de Berziaco Matisconum, mentionnée parmi les confins, permet de le localiser dans les environs immédiats du château de Berzé.
53 MAR 288.
54 C 3737.
55 C 3806.
56 Qu’il s’agisse de la parenté charnelle ou spirituelle (je pense notamment aux liens vassaliques).
57 C 3806.
58 BnF, coll. Bourgogne 79, no 167.
59 Sur ces personnages, M. Hillebrandt, « Le prieuré de Paray-le-Monial », p. 107-121.
60 Les terres de Chazelle qu’Humbert de Bourbon vient de restituer dépendent du doyenné de Saint-Hyppolite. Cela explique sans doute la présence du prévôt de Saint-Hyppolite.
61 G. Duby, La société, p. 287-297.
62 Bernard de Sercy donne son alleu de Sercy : C 3034 (v. 1090). Sur la constitution de la Grange-Sercy, voir supra chapitre 2.
63 Je laisse de côté les généalogies de ces petits seigneurs étudiées par ailleurs : MAR, p. 237 (Bernard de Chéchy), p. 251 (les Sivignon), p. 252 (Robert Damas) ; sur les Centarben, les Sivignon et les Chaumont : E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire, p. 254-257 et M. Hillebrandt, « Le prieuré de Paray-le-Monial », p. 111 (n. 42), 114 (n. 76). Sur les vassaux du sire de Berzé : G. Duby, La société, p. 351-352.
64 C’est vraisemblablement de lui dont il est question dans C 3896 (v. 1110) : Johannes sacrista, famulus Cluniacensium seniorum.
65 C 3737 (15 juin 1100).
66 Séguin de Brancion et Milon de Neublans ne sont pas connus par ailleurs et ne figurent pas dans les arbres généalogiques de la famille de Brancion-Neublans : C. Bouchard, Sword, p. 296. Guichard de La Salle est lié aux sires d’Uxelles et de Brancion : C 3926, 3929. Élie de Cray également : G. Duby, La société, p. 163.
67 Fragnes, can. Lugny, com. Cruzille. Martailly-lès-Brancion, can. Tournus. Prayes, can. Saint-Gengoux-le-National, com. Chissey-lès-Mâcon.
68 C 3755.
69 Gauthier de Taizé est l’une des personnes résidant à Cluny sur lesquelles Humbert de Bourbon abandonne toute revendication : C 3806.
70 C 3306 (v. 1080-1105) : Hujus autem doni testes fuerunt : Durannus de Sancta Maria, Bernardus Rainuars, Benedictus Pistor, Norbertus Blanchez, Constantinus nepos Constantii, Wido de Bagienes, Hugo, Gislebertus.
71 MAR 288 (1102). La liste des témoins est la suivante : Archimbaldus Blancus, Landricus Grossus, Aimo de Lai, Girardus de Centarbens, Huldricus Hesperons, Rotbertus Dalmacius, Ascherius de Hispania, Hubertus Hungrus, Petrus de Varennis archipresbiter, Oddo capellanus Cluniacensis, Adalardus clericus de Claromane, Durannus de Sancta Maria, Rodulfus helemosinarius, Constabulius pincerna et quamplures alii quos longum est enumerare. Les huit premiers sont des châtelains ou milites du Mâconnais et du Charolais : Archambaud le Blanc, vicomte de Mâcon, Landric Gros d’Uxelles, Aymon de Lay, Gérard de Centarben, Eldri Esperun, Robert Damas, Acher des Pagnes et Humbert le Hongre : Sur ces personnages : G. Duby, La société, et le répertoire biographique de MAR.
72 L’aumônier est un moine, mais il est accompagné de cinq ou six serviteurs laïques. En particulier l’un d’eux est chargé de l’assister dans le bourg lorsqu’il visite les malades, notamment les femmes : voir supra chapitre 4, p. 198.
73 C 3796 (v. 1100) : Testes vero hujus doni sunt hi : Wilelmus decanus, Serlius monachus, Gaufredus miles de Cluniaco, Durannus laicus de Sancta Maria de Bosco.
74 C 3306.
75 Exemples analysés par W. Teske, « Laien, Laienmönche », p. 274-275.
76 C 3874.
77 Rodulfus : C 3864, 3869 et 3872 (serviens), 3873 (laicus), 3950 (famulus). Constabulus : C 3869 (serviens), 3873 (laicus), 3950. Gaufridus : C 3872 (serviens), 3873 (laicus). Vincentius : C 3869 et 3872 (serviens), 3873 (laicus). Benedictus : C 3864, 3869 et 3872 (serviens), 3873 (laicus). Giraldus (le dernier de la liste de 1108) est peut-être l’un d’eux ; un Giraldus est en effet mentionné à leurs côtés parmi les témoins laici de C 3873. D’autres serviteurs sont également mentionnés. Certains peuvent se retrouver dans plusieurs actes : Stephanus : C 3864, 3869. Aimo : C 3869, 3873. Constantius : C 3873, peut-être le même que Constantinus nepos Constantii de C 3306. Bernardus de C 3873 est peut-être Bernardus Rainuars de C 3306.
78 MAR 288.
79 C 3306.
80 CHA 109 (1090) : S. Rotberti Crispini de Cluniacensis (de Cluniaco, selon l’édition de M. Canat-de-Chizy qui, ici, me paraît préférable à celle de C. Bouchard). CHA 72 (1093) : sub testimonio [...] Rotberti Cluniaci. CHA 40 (1093) : sub testimonio [...] Rotberti Crispini. Dans ces trois actes, on retrouve plusieurs témoins identiques, signe de leur affinité : Salicherius miles (CHA 40, 72, 109) ; Martinus presbiter (CHA 40, 109). Bernardus Marescalt/Marescaldi (CHA 72, 109). Constantinus Pophei (CHA 38, 106) ; Gislebertus miles (CHA 38, 106). Salicherius miles est l’un des laïcs les plus fréquemment mentionnés comme témoins ou fidéjusseurs dans le cartulaire de Saint-Marcel vers 1100. En plus des trois actes cités ci-dessus : CHA 55, 108, 110, 119, 121.
81 CHA 72. Le miles Liébaud de Châtenoy est fréquemment cité parmi les témoins des donations à Saint-Marcel vers 1100, souvent avec le miles Salicher et Constantin Pophei : CHA 46, 47, 72, 85, 89, 99, 110, 117 à 121.
82 L’histoire des serviteurs laïques de l’abbaye de Cluny a fait l’objet de plusieurs travaux : G. Duby, La société, p. 127, 253, et les chapitres sur les serfs, p. 110-116, 202-212 ; G. Constable, « Famuli and conversi », repris et élargi par W. Teske, « Laien, Laienmönche », notamment (I), p. 262-275 et (II), p. 304-307. Dans un contexte plus large, l’ouvrage de U. Berlière, La familia dans les monastères bénédictins, rend encore de grands services. Belle étude du statut et du destin des famuli du Vendômois par D. Barthélemy, La société, p. 491-502.
83 Les coqui populares : Bernard, I. 13, p. 158. Sur l’aumônier et ses serviteurs, voir chapitre 4, supra p. 198.
84 W. Teske, « Laien, Laienmönche », (II), p. 305-306.
85 Stat. PV 24, p. 61. Ce statut fait l’objet de l’article de G. Constable, « Famuli and conver-si ».
86 Le prévôt Humbert est cité vers 1080-1115 : C 3177, 3333, 3339, 3666, 3674, 3685, 3926. G. Duby, La société, p. 274, 307, n. 76 ; G. Constable, « The Abbot and Townsmen », p. 153 ; J. Wollasch, « Das Schisma », p. 41 ; Id., Cluny. « Licht der Welt », p. 214-215, se sont déjà penchés sur le personnage.
87 Vincent, chapelain de Saint-Maïeul : C 3758 (v. 1100), peut-être le même dans C 4054 (1136) : Vincentius capellanus. Pierre chapelain de Saint-Nizier : C 3744 (1100), Bernard, prêtre de Saint-Nizier : C 3027 (Chaume, « Obs. » : v. 1090). En revanche, je ne pense pas que les capellani Cluniacensis ou capellani sancti Petri desservent une chapelle du bourg ou de la banlieue. Ils sont plutôt des chapelains du monastère, au service de l’abbé ou du sacristain. Tel est le cas d’Oddo capellanus Cluniacensis cité vers 1100 dans C 3667, 3703, MAR 288 ; Bernardus capellanus sancti Petri : C 3775 (v. 1100) ; Leotaldus capellanus Cluniacensis vers 1115-1125 : C 3928, 3966, 3972.
88 Par exemple, vers 1100 : prévôt de Berzé : C 3666, 3686 ; Gilbert, prévôt de Lourdon : C 3713, 3716, 3758 ; Foulque, cellérier de Blanot : C 3714, 3716 ; le prévôt, le cellérier et le prêtre (chapelain ?) de Chevignes : C 3278, 3786. Un forestier : C 3931.
89 Petrus corduan/cordubanus : C 3737, 3755 (une traduction moins réductrice pour Petrus cordubanus serait sans doute Pierre travaillant le cuir ou la corde ; il peut être également tanneur). Benedictus pistor : C 3306. Bernardus pictor de Cluniaco : MAR 106. Oddo faber : C 3755. Bernardus faber : C 3779. Dodo fornerius : C 3779. Bernardus fornerius : C 4054. G. Duby, La société, p. 274, présente « l’artisanat et le commerce comme les activités spécifiques de la bourgeoisie [du XIIe s.]. » À l’appui, il cite quelques chartes de 1100 : C 3306, C 3755, C 3737. Ces documents mentionnent des artisans, pas des commerçants, et tout porte à croire qu’ils travaillaient sinon exclusivement, du moins en partie, pour la communauté monastique. Les autres sources sur lesquelles s’appuie G. Duby sont des textes de la fin du XIIe s., voire des XIIIe ou XIVe s.
90 Quelques exemples vers 1100 : Famuli : C 3607, 3666, 3786, 3896, 3950 ; servientes : C 3869, 3872, 3874, MAR 288 ; laici : C 3670, 3862, 3873, 3944, 4009 ; clientes : MAR 288.
91 Le même personnage est qualifié tantôt serviens, tantôt famulus : Rodulfus : C 3872 (serviens), 3950 (famulus). Les exemples donnés par Niermeyer pour les deux termes montrent qu’ils sont bien souvent synonymes : J. F. Niermeyer, Mediae latinitatis, p. 409-410, 962.
92 Humbert, prévôt de Cluny, frère de Geoffroy, prévôt de Mazille : C 3177 ; son neveu, Humbert est aussi prévôt : C 3666 ; Humbert de Cluny est lié au prévôt Durand de Berzé : C 3666. Le chapelain de Saint-Maïeul est le neveu du chapelain de Lourdon : C 3758. Ces liens familiaux entre les membres de la « haute ministérialité » de Cluny ont déjà été soulignés par G. Duby, La société, p. 307. Sur les liens entre les prévôts de Cluny et de Mazille et les dangers éventuels de ces relations : J. Wollasch, Cluny. « Licht der Welt », p. 219.
93 G. Duby, La société, p. 112.
94 Sur la question de la dépendance et du « servage », voir notamment D. Barthélemy, « Qu’est-ce que le servage ? » ; Id., La société, p. 474-506. A. Guerreau, Le féodalisme, p. 178-210.
95 Il s’agit bien sûr de toute la question de la parenté spirituelle et des liens confraternels dans la société médiévale.
96 Parmi une bibliographie pléthorique, mieux vaut renvoyer directement à la source : J. Wollasch et al., Synopse ; et quelques commentaires clairs : D. Poeck, « La synopse », p. 316-319 ; J. Wollasch, Cluny. « Licht der Welt », p. 128-133.
97 Processus bien mis en lumière par D. Iogna-Prat, « Cluny comme système ecclésial », p. 76-90, repris dans Id., Ordonner et exlure, p. 87-99.
98 À Saint-Germain-des-Prés : F. Lehoux, Le bourg Saint-Germain-des-Prés, p. 20-21 ; à Vendôme : D. Barthélemy, La société, p. 500-501 ; à Echternach : H. Traufffler, « Klostergrundherrschaft und Stadt », p. 234-236. G. Duby, Les trois ordres, p. 260, interprète l’association entre « bourgeois et sergents » comme l’expression « d’une situation complexe, à la fois de soumission domestique et d’autonomie à l’égard des cadres coutumiers, de la communauté rurale et de la parenté ». Il cite à l’appui trois documents mâconnais : M 548, M 598, C 3726. L’idée est intéressante, mais les trois références sont fausses. Elles mentionnent des milites et des laici et non des burgenses vel servientes.
99 C 3406.
100 G. Duby, « Les “jeunes” dans la société aristocratique dans la France du Nord-Ouest au XIIe s. », dans Id., Hommes et structures, p. 213-225.
101 Plusieurs historiens ont rassemblé quelques notes sur les de Cluniaco : M. Chaume, « En marge » (II, 1940), p. 59-60 ; G. Duby, La société, p. 33, 147, 239, n. 9 ; J. Fechter, Cluny, Adel und Volk, p. 42 ; U. Winzer, « Cluny und Mâcon », p. 196-197 ; B. Rosenwein, To be the Neighbor, p. 61-64, 220-225. Cette famille est sans aucun doute à l’origine des « de Clugny » connus notamment dans l’entourage du duc de Bourgogne à partir du XIVe s. : U. Plancher, Histoire générale et particulière, II, p. 351-353.
102 C’est l’opinion de M. Chaume, « En marge », p. 60 et de G. Duby, La société, p. 319, n. 5, remise en cause par B. Rosenwein, To be the Neighbor, p. 62, n. 34. Les origines des de Cluniaco est bien traitée par cet auteur qui propose des arbres généalogiques, p. 220-225.
103 Biens à Vetus Canavas, tout près de Cluny : C 311 (Chaume, « Obs. » : v. 1000-1010 ; B. Rosenwein, To be the Neighbor, p. 231 : v. 990-1013), C 2293, 2296 ; à Ruffey : C 1835 (Chaume, « Obs. » : v. 994), 2008 et 2009 (Chaume, « Obs. » : peu avant 1048), 2293, 2324 ; à Château : C 311, 2296 ; à Jalogny et Vaux : C 2708 ; à Sivignon : C 2008, 2009, M 570. À la fin de sa vie, Geoffroy de Cluny se dessaisit de ses biens de Ruffey au profit de Cluny : C 3299, 3308 (H. Diener, « Das Itinerar », v. 1097-1106).
104 En 1106, après la mort de Geoffroy de Cluny, la précaire sur les cinq églises est renouvelée au profit de deux de ses fils, Ulric et Guillaume : M 547. Dans les mêmes années, deux de leurs cousins, Hugues de Cluny et Guillaume Vetulum, restituent une précaire à l’église de Mâcon : M 560 (v. 1096-1124). Vers 1121-1143, un dénommé Gilbert de Cluny restitue aux chanoines tout ce qu’il tenait en précaire. Peut-être s’agit-il des cinq églises : M 610. Je n’ai pas su relier ce Gilbert à l’arbre généalogique (peut-être est-il un neveu de Geoffroy de Cluny).
105 Les chartes qui mentionnent explicitement les de Cluniaco ne sont pas très nombreuses, mais la recherche par groupes de témoins ou groupe de noms semblables est très fructueuse pour cette famille et permet d’élargir considérablement le corpus. Les chartes dans lesquelles les de Cluniaco - avec ou sans cognomen - apparaissent sont : C 311, 1835, 2008, 2009, 2022, 2293, 2296, 2324, 2508, 2686, 2708, 2987, 3027, 3104, 3152, 3177, 3221, 3262, 3299, 3308, 3400, 3570, 3685, 3796, 3966 ; M 547, 560, 570, 578, 584, 602, 610, 612, 617.
106 Donation de Bernard pour la sépulture : C 3177 ; prise d’habit du même Bernard : C 3308. Guillaume et Joceran Vetulum, cousins des de Cluniaco, chanoines de Saint-Vincent de Mâcon vers 1150 : M 612.
107 Achard de Merzé et les milites de Cluniaco ont les mêmes aïeux : B. Rosenwein, To be the Neighbor, p. 226-228. Ils sont solidaires dans plusieurs chartes : C 2008, 2009, 2022, 3290, 3292. Hugues Burdin est le gendre d’Achard de Merzé, il a épousé sa fille Roseline : C 3290, 3685, 3713. Bernard dit Vetulum, le premier à porter ce surnom à la fin du XIe s. (C 3642, 3768), semble être le neveu de Geoffroy de Cluny : C 3308. Il a deux fils : Joceran et Hugues. Liens avec les chevaliers de Mailly : C 2008, 2009, 3400, M 584 ; de Sologny : C 3400, M 547 ; d’Obled : C 3685, 3713 ; de Sivignon : M 570 ; de La Bussière : C 3262, 3400, 3685, M 578.
108 Je fais référence ici à la phrase de Pierre d’Albano, en 1080, qui dicte la conduite des milites qui in hac villa Cluniacensi habitant. Plus que tous les autres, ils doivent protéger les biens d’Église : CPA. Voir supra chapitre 3.
109 C 3796. La liste des témoins est typologique : un doyen, un moine, un miles (Geoffroy de Cluny), un serviteur (Durand de Bois-Sainte-Marie).
110 M 612 (v. 1148-1155).
111 C 3806 (v. 1105) : in villa Cluniacensi, possessionem domus quae quondam fuerat Wichardi de Casellis. La maison est située dans la villa, mais il s’agit bien d’une maison du bourg. Lorsqu’il s’agit d’une maison rurale, les chartes parlent de mansus ou mansio. Les Guichard de Chazelle sont cousins des Gros d’Uxelles et des Béraud : C 3017. Leurs liens familiaux avec les sires de Bourbon, s’ils sont certains, sont fort délicats à établir précisément, ne serait-ce que parce qu’il existe trois Guichard de Chazelle au XIe s. (grand-père, père, fils). G. Duby, La société a tenté une reconstitution, p. 178, 319, 337, n. 86, mais la plupart des chartes sur lesquelles il s’appuie ne sont pas datées et peuvent être lues pour dresser une tout autre généalogie. Je préfère ne pas entrer dans ces détails complexes. Sur les sires de Bourbon : M. Chaume, « Les origines de la maison de Damas », dans Id., Recherches d’histoire chrétienne, p. 284-291 ; MAR, p. 238 (Damas de Bourbon), p. 243 (Guichard de Bourbon) et quelques chartes : C 3332, 3602 ; P 107, 116, 117, 131, 158 ; MAR 285 ; CHA 32.
112 C 3755 : Concedentibus... et Constantino Bernardi, socio suo in itinere eodem... Cet acte est exceptionnel pour la fin du XIe s. parce qu’il met en scène une transaction entre laïcs. L’Église n’est pas impliquée directement si ce n’est que la donation est motivée par le départ pour Jérusalem : cf. G. Duby, « Recherches », p. 40, n. 252.
113 C 3755. Amicus presbiter et Petrus cordubanus sont également cités parmi les témoins de la donation d’Étienne de Neublans avant son départ pour Jérusalem : C 3737.
114 C 3806 (v. 1105) : la femme et les enfants de Durand Superopus sont donnés à Cluny par Humbert de Bourbon en même temps que la maison de Guichard de Chazelle.
115 C 3685. Bernard Constantin n’est finalement pas retenu comme fidéjusseur du prévôt Humbert, peut-être à cause de son statut de mediocris. On lui préfère deux personnes de rang plus élevé : Geoffroy de Cluny et Ancy d’Obled : Post hec quesivit prior ut daret fidejussores, ut ita teneret tam ipse quam filii sui sicut judicatum erat, quod et fecerunt, Ansedeum videlicet et Gaufredum. Inprimis tamen dederat Bernardum Constantinum et Warnerium Bilonem.
116 C 4154 : Bernardus, cognomento Constantinus reliquit mille solidos in clauso Amaliaco, et uxor sua faciet illud ad medietatem ; suamque partem de vino quod exierit de illo, dabit nobis in redemptionem mille solidorum unoquoque anno. Cette charte est datée « 1150 environ » par les éditeurs sur le seul fait qu’elle est conservée dans le supplément du cartulaire B, ajouté dans la deuxième moitié du XIIe s. Si l’on compare avec les deux autres actes qui citent Bernard Constantin (1094 et ca. 1105), une date antérieure de trente à quarante ans est plus plausible.
117 C 3685 (v. 1094) : domnus Joscerannus prior culpavit Unbertum prepositum de injuriis quas faciebat beato Petro, jussu domni Hugonis abbatis, id est de terris quas ultra feodum suum occupaverat, et de terris quas emerat, sine laude domni abbatis, de servis beati Petri, et de terris quas Pontius frater suus beato Petro donavit, quas injuste auferebat, et de terra burgi, que juris erat Sancti Petri, in qua domum suam construxerat ; et de contumeliosis verbis et inhonestis reponsis que contra fratres nostros, dominos suos, habuerat.
118 Joceran n’est autre que Joceran Gros, du lignage des sires d’Uxelles, frère aîné de Bernard Gros, alors chambrier et futur prieur et de Landric Gros qui tient la seigneurie jusqu’en 1110 environ : C. Bouchard, Sword, p. 301, 303.
119 C 3685 : Postea quesivit misericordiam, et fecerunt ei misericordiam domnus abbas et fratres talem, ut res quas habebat antequam placitum istud inciperet, permitteret ei solummodo in vita sua, excepta condamina de Sancto odilone, et donis et vendicionibus de plastris burgi Cluniacensis. La condemine de Saint-Odilon désigne vraisemblablement la terre qui jouxte la chapelle du même nom sur la colline au sud du bourg. Le terme « plâtre » est toujours utilisé en Mâconnais pour désigner des espaces vierges de toute construction.
120 Infra chapitre 9.
121 M 585 (v. 1096-1108).
122 M 560, 570, 573 = 587. Ces actes sont datés entre 1074 et 1139. Il est également l’un des clercs qui représentent l’évêque lors d’un partage de droits entre Cluny et Tournus : C 3869 (v. 1100).
123 M 560 (1096-1124) : témoin de la restitution par Hugues Geoffroy de la précaire qu’il tient de Saint-Vincent. Hugues Geoffroy est un proche des de Cluniaco puisque Hugues de Cluniaco et Guillaume Vetulum sont ses fidéjusseurs. M 570 (1112-1139) : témoin de la restitution par le prêtre de Suin, Bernard, des dîmes de Sivignon qui sont tenues en précaire par les milites Cluniacenses.
124 C 3758. La localisation de la maison n’est pas précisée. Cluny n’est qu’une hypothèse, plausible, déjà évoquée par G. Duby, La société, p. 272, n. 37.
125 C 3950. Charte citée en introduction de la première partie et étudiée dans le chap. 5.
126 MAR 44 ; C 3874. G. Duby, La société, p. 319, n. 5 ; E. M. Wischermann, Marcigny, p. 94.
127 M 621, M 623 ; Obituaires, II, p. 401 (obituaire de l’église cathédrale de Mâcon, XIIIe s., 26 sept.) : [Hugo Ruil] dedit Sancto Vincentio domos quas habebat Cluniaci.
128 Voir P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, et les articles de P. Garrigou-Grandchamp et J.-D. Salvêque cités en bibliographie. Parmi les travaux anciens, il faut signaler ceux de A. Verdier et F. Cattois, Architecture civile, I, p. 69-92.
129 P. Garrigou-Grandchamp, J.-D. Salvêque, « Le patrimoine architectural », p. 495-496, 513, 522 ; P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 160-163, 190-206 ; P. Garrigou-Grandchamp, « Les claires-voies ».
130 Maison 1-3, rue de la Chanaise, 2, rue de la Barre, 6, rue d’Avril (maison dite « Hôtel des monnaies »). Des plans et coupes restitués de ces maisons ont été publiés dans P. Garrigou-Grandchamp, J.-D. Salvêque, « Le patrimoine architectural », p. 504-510 ; P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 120, 128-130, 134, 137, 148.
131 P. Garrigou-Grandchamp, B. Maurice, J.-D. Salvêque, « La maison romane dite des vendanges ».
132 Seules deux maisons ont fait l’objet de fouilles archéologiques : B. Saint-Jean-Vitus, Cluny. Maison des griffons ; I. Beyer, B. Flüge, Cluny. 20, rue du Merle. Seules deux maisons ont fait l’objet de datation dendrochronologique ; elles plaident pour une construction au début du XIIe siècle : P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny. La documentation graphique et photographique rassemblée depuis 1986 par Jean-Denis Salvêque et Pierre Garrigou-Grandchamp est consultable au Centre d’Études Clunisiennes, 1, rue du Merle, à Cluny.
133 Telle est la vision qui a été imposée pendant très longtemps par E. Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné, 6, p. 216-231. L’autre erreur consiste à considérer la maison luxueuse de Cluny (ou d’ailleurs) comme représentative de la maison bourgeoise médiévale. Telle est trop souvent la démarche des auteurs de La ville de Cluny dont l’un des buts est de « contribuer à effacer la vision misérabiliste de la maison médiévale ». Ils oublient qu’ils n’ont devant les yeux que les témoins prestigieux qui ont traversé les époques. De même, l’ouvrage de P. Garrigou-Grandchamp, Demeures médiévales, tend à faire passer les maisons princières pour les maisons médiévales classiques. À critiquer notamment avec Y. Esquieu, « La maison médiévale », p. 124-129.
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Paix et communautés autour de l'abbaye de Cluny
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- Baud, Anne. (2013) Architecture, décor, organisation de l'espace. DOI: 10.4000/books.alpara.3710
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