Chapitre IV. Le burgus et la villa de Cluny, lieux spéciaux
p. 195-230
Texte intégral
1Après avoir énuméré les dix termini du ban sacré le 25 octobre 1095, Urbain II précise à qui il s’adresse :
Nous définissons les limites du ban consacré pour ce monastère de Cluny et également pour la villa et le burgus. Nous attribuons ces limites en toute certitude, en enjoignant au nom de Dieu Tout-Puissant et par l’autorité des bienheureux apôtres Pierre et Paul, à vous tous et à chaque homme qui lira ou entendra cela, de ne pas enfreindre sciemment ce ban et de respecter sa loi1.
2En 1095, burgus et villa sont deux lieux distincts. Ils sont compris dans les limites de l’immunité restreinte et, avec le monastère, vivent sous la loi du ban sacré.
I. LA VILLA DE CLUNY
La villa Cluniaco aux IXe et Xe siècles
3Le mot villa est des plus fréquents dans les chartes des IXe et Xe siècles et sa signification varie en fonctions des lieux et des époques2. En Mâconnais et Clunisois, les travaux pionniers de Théodore Chavot suivis par ceux du chanoine Chaume, d’André Déléage, de Georges Duby, de François Bange et de Barbara Rosenwein ont assez nettement clarifié le problème pour que chacun s’accorde sur la définition du mot avant l’an mil3. La villa des chartes mâconnaises aux IXe et Xe siècles est un terroir aux contours plus ou moins nettement définis dans lequel le sol appartient généralement à plusieurs personnes, alleutiers ou tenanciers, libres ou serfs. L’habitat dans la villa du Xe siècle n’est pas nécessairement groupé. Le toponyme de chaque villa fait référence à un pôle qui peut correspondre à un hameau plus dense que les autres, à un lieu de culte, au siège d’un pouvoir judiciaire ou militaire, mais la villa n’est pas identifiable à un village avant l’extrême fin du XIe siècle.
4On relève une trentaine d’occurrences du terme villa Cluniaco/-ci dans les chartes antérieures à l’an mil4. Elles se répartissent en trois catégories. Quelques-unes évoquent la villa de Cluny comme le lieu où se dresse la « sacro-sainte église des saints apôtres Pierre et Paul ». D’autres, guère plus nombreuses, citent la villa pour localiser des biens-fonds donnés ou échangés5. Les deux tiers restant mentionnent la villa comme le lieu de négociation et/ou de rédaction d’un acte (actum in villa Cluniaco)6. Le scribe précise parfois la localisation : le monastère ou l’atrium de saint Pierre dans la villa de Cluny7. Mais bien souvent il est impossible de déterminer précisément le lieu où l’acte a été conclu. La vingtaine de chartes actae in villa Cluniaco n’est guère plus explicite à ce titre que les très nombreux documents contemporains « passés à Cluny » (actum Cluniaco). La raison de la négociation d’un acte à Cluny, in Cluniaco ou in villa Cluniaco, reste également obscure. La proximité des biens concédés (Jalogny, Ruffey, Lournand) est peut-être un critère, mais des transactions relatives à des biens éloignés sont conclues à Cluny. En outre, ces chartes ne permettent pas de dresser la configuration territoriale précise de la villa de Cluny au Xe siècle. Tout au plus peut-on affirmer qu’elle est située dans l’ager de Ruffey et que le monastère est son pôle de référence8. Elle définit un ensemble de terres qui s’étend tout au plus dans un rayon d’un ou deux kilomètres autour du sanctuaire. Les villae de Ruffey, de Merzé et de Mailly sont en effet très proches et interdisent de concevoir une extension plus large9.
La villa Cluniacensis, premier cercle de la domination abbatiale
5L’inventaire des mentions de la villa de Cluny dans les textes des Xe-XIIe siècles fait apparaître une lacune importante entre les dernières années du Xe et le troisième tiers du XIe siècle.
Date | Nombre d’actes |
IXe s. | 4 |
900-924 | 3 |
925-949 | 12 |
950-974 | 13 |
975-999 | 1 |
1000-1024 | 0 |
1025-1049 | 0 |
1050-1074 | 1 |
1075-1099 | 6 |
1100-1124 | 2 |
1125-1149 | 2 |
1150-1174 | 2 |
1174-1199 | 3 |
6La villa de Cluny n’est plus mentionnée entre 993 et 1065. Elle réapparaît dans les coutumiers d’Ulrich et de Bernard vers 1075-1080 et dans les actes de la pratique à partir de la même époque. J’ai relevé onze chartes comprises entre 1065 et 118810, auxquelles il faut ajouter la carta de Pierre d’Albano sur l’immunité en 1080, le sermon d’Urbain II sur le ban sacré en 1095, le mémorandum du concile de paix de Mâcon en 1153 et un diplôme de Philippe Auguste en 118011. L’analyse de ces occurrences permet de poser une hypothèse sur la disparition momentanée du terme et le changement de son acception à partir de l’abbatiat d’Hugues.
7Les coutumes d’Ulrich et de Bernard fournissent un bon point de départ. Les chapitres consacrés au chambrier, au cellérier et aux « proviseurs des villae que nous avons l’habitude d’appeler doyens » citent à plusieurs reprises les villae dans lesquelles les officiers monastiques sont chargés de percevoir les rentes foncières et de les acheminer partiellement à Cluny12. Ces villae, toujours citées au pluriel, ne sont pas localisées, ni nommées. Il s’agit de l’ensemble des terres appartenant aux moines et exploitées à leur profit. Il n’est pas question là de la villa de Cluny. En revanche, les chapitres consacrés aux fonctions de l’aumônier, de l’hôtelier et du connétable font plusieurs fois référence à la villa, au singulier. Cette villa n’est pas davantage nommée ni localisée, mais les activités qui s’y déroulent indiquent sans ambiguïté qu’il s’agit de la villa de Cluny : c’est là que les hôtes venus à pied doivent être hébergés, que certains serviteurs de l’abbé, du prieur et du chambrier demeurent, que des foules affluent pour les marchés et les foires ou pour régler des litiges avec les moines13. L’aumônier doit également y effectuer une partie de ses tâches caritatives.
8L’office d’aumônier (eleemosynarius) est créé à Cluny dans la seconde moitié du XIe siècle. Il remplace le portier qui se tenait auparavant à l’entrée de la clôture pour recevoir les pauvres14. Ce changement montre l’adaptation des moines au développement d’une agglomération aux portes de l’abbaye. L’aumônier ne se contente pas de recevoir les pauvres et d’assurer les distributions d’aumônes dans le monastère. Chaque semaine, il doit parcourir la villa avec son serviteur laïc pour visiter les pauvres malades et leur apporter du vin, du pain et de la viande. Si le malade est une femme, l’aumônier doit rester à la porte de sa demeure. Le serviteur se charge alors de lui porter la nourriture. Si les malades ont besoin d’autre chose, ils en font part à l’aumônier qui chargera ses serviteurs de le leur apporter ultérieurement15. Dans le domaine de l’assistance et de l’aumône, la villa est donc perçue comme une excroissance du monastère où la charité relève de la compétence des moines.
9Pour honorer les lourdes dépenses de son office, l’aumônier reçoit les restes des repas, des versements quotidiens du chambrier et du grénetier, une partie des dîmes perçues par le monastère16. Ce système permet à tous les groupes sociaux qui gravitent autour du monastère de participer au soin des pauvres, devoir fondamental du chrétien, mais à condition de passer par la médiation des moines. Aucun laïc ne peut prétendre s’acquitter lui-même de la charité. Il doit s’adresser à des spécialistes, les moines. Cependant, au moment même où les coutumes de Bernard sont mises par écrit, on sent poindre l’amorce d’un système nouveau qui, à terme, risque d’ébranler l’organisation caritative clunisienne. En 1065, le juvenis Joceran donne à Dieu et aux saints Pierre et Paul, pour son salut et celui de ses parents, sa maison établie dans la villa de Cluny pour en faire un hospice pour les pauvres. Il délègue l’un de ses serfs pour s’en occuper, fournir un lit et apporter chaleur et réconfort aux hôtes. Le serviteur sera nourri quotidiennement par le cellérier du monastère sur les fruits d’une vigne, d’un pré et d’une terre arable que Joceran donne pour l’occasion17. Il existe donc désormais un hospice dans la villa où le soin des pauvres ne passe pas directement par la médiation des moines. Soyons clairs. L’hospice n’est pas un établissement « laïque » pris en charge par la communauté d’habitants, mais un établissement fondé par un laïc, un miles en l’occurrence, et desservi par un serviteur laïque. Les moines conservent un contrôle direct sur l’hospice qui leur est donné et dont ils sont chargés d’entretenir le serviteur. L’hospice de la villa ouvre cependant la voie à une nouvelle organisation de la charité dans laquelle les habitants du bourg prendront une part active18.
10Vers 1065-1080, la villa de Cluny apparaît donc moins comme un domaine rural que comme un village ou un bourg actif dans lequel les activités économiques des laïcs côtoient les activités judiciaires, caritatives et hospitalières largement prises en charge par le convent. D’espace rural, la villa de Cluny est devenu un espace « urbain ». Reste à savoir s’il est, plus qu’au Xe siècle, délimité précisément.
11La carta de immunitate de Pierre d’Albano, strictement contemporaine des coutumes de Bernard et d’Ulrich (1080), permet de poser une hypothèse. En effet, après avoir énoncé les termini de l’immunité, le légat pontifical prescrit aux milites qui résident dans les châteaux proches de Cluny de défendre les privilèges monastiques et de protéger les paysans qui demeurent dans les domaines clunisiens. Il s’adresse ensuite spécialement aux milites qui vivent dans la villa de Cluny, en ces termes :
Nous engageons particulièrement les milites qui résident dans cette villa de Cluny de veiller sur cela et de ne pas être des fauteurs de guerre19.
12L’emploi du démonstratif (in hac Cluniacensi villa) semble faire référence à une phrase précédente. Or, on relit le texte, mais on ne trouve aucune mention de la villa dans les lignes qui précèdent, ni nulle part ailleurs dans la carta. En revanche, le démonstratif s’explique s’il renvoie à la zone précisément délimitée quelques lignes plus haut par le légat pontifical comme étant l’aire de l’immunité de Cluny. Autrement dit, l’espace qui s’étend autour du monastère jusqu’au ruisseau de Saunat, la chapelle Saint-Germain de Ruffey, la Croix de Lournand, la digue de l’étang-vieux, le moulin de Tornesac, les Varennes et le Perret semble correspondre à ce que l’on considère, à la fin du XIe siècle, comme étant la villa de Cluny. Le privilège de Calixte II en 1120 fait de cette zone l’espace de référence de la parrochia de Cluny. Villa, parrochia et immunité se superposent sur un même espace. La promulgation de ses limites par le légat pontifical et leur consignation sur le parchemin instituent la villa comme le premier cercle autour du monastère sur lequel la domination des moines est totale.
13Les actes de la pratique qui citent la villa de Cluny entre le milieu du XIe siècle et la fin du XIIe apportent un éclairage complémentaire. On peut distinguer un premier groupe de six chartes comprises entre 1065 et 1104, et un deuxième de sept actes compris entre 1145 et 1188. Parmi le premier groupe, on compte trois chartes de donations de biens situés dans la villa de Cluny : des serfs d’une part, deux maisons d’autre part20. Les trois autres actes sont des chartes de donations qui citent le doyen de la villa de Cluny (decanus villae Cluniacensis) parmi les témoins21. Nous reviendrons bientôt sur les fonctions de ce personnage. Notons pour le moment que l’institution d’un moine chargé d’administrer spécialement la villa de Cluny, vers 1100, indique un changement capital dans l’organisation de l’espace et du pouvoir aux abords immédiats du monastère. Elle signifie que la villa de Cluny est intégrée, au seuil du XIIe siècle, dans l’économie du monastère. Elle est devenue un lieu clunisien. On note d’ailleurs que les termes utilisés pour désigner la villa de Cluny ne sont plus les mêmes qu’au Xe siècle. De la villa Cluniaco/-ci, on est passé à la villa Cluniacensis ; autrement dit, de la villa de Cluny, ensemble de terres réparties autour du chef-lieu Cluniacum où se dresse le monastère, on est passé à la villa clunisienne, territoire précisément délimité, protégé par l’immunité, cadre de référence d’une population soumise aux mêmes coutumes.
14Coutumes qui sont elles-mêmes mises par écrit dans la deuxième moitié du XIIe siècle et par là même instituées comme la loi de la villa. Tel est l’objet des sept actes de la deuxième moitié du XIIe siècle qui citent la villa Cluniacensis : un traité entre les habitants de la villa et Pierre le Vénérable en 1145, le règlement, par le même abbé en 1148, de l’approvisionnement du convent à partir des différentes villae clunisiennes, le concile de paix réuni à Mâcon en 1153, les chartes de coutumes de la villa rédigées entre 1162 et 1188, un traité entre le comte de Chalon et l’abbé de Cluny, en 1180, sur l’exemption de péage des hommes de la villa, traité confirmé la même année par Philippe Auguste22.
15Récapitulons. Au Xe siècle, la villa Cluniaco est un espace dont les contours ne sont pas institués par l’écrit, même s’ils sont vraisemblablement connus de tous. Les chartes citent la villa pour localiser le monastère ou la négociation de transactions foncières et, plus rarement, pour localiser un bien entré dans la possession clunisienne. À la fin du XIe siècle, la villa Cluniacensis est un espace mi-rural, mi-urbain, qui s’étend sur environ un kilomètre autour du monastère (à l’ouest, au sud et au nord) et comprend notamment l’ensemble du bois de Bourcier, à l’est. C’est le cadre de référence de l’immunité totale des moines et du « mini diocèse » dont l’abbé est le pasteur. Des activités spécifiquement urbaines commencent à s’y développer.
16Il faut maintenant regarder les choses d’un peu plus près et retourner plus concrètement sur le terrain. On connaît les limites de la villa, on verra bientôt quelles sont ses coutumes, mais on ne sait encore rien de sa configuration précise. Les quelques kilomètres carrés qui forment la villa ne sont pas homogènes. En particulier, le pourtour immédiat du monastère se distingue des terres plus éloignées par la densité de son peuplement. Un terme spécifique le qualifie : c’est le burgus.
II. LE BURGUS DE CLUNY
17Le mot burgus tient une place importante dans le vocabulaire de l’Occident médiéval à partir de la période carolingienne. Il désigne une agglomération dont les activités essentielles sont extra-rurales, établie hors des villes et des cités préexistantes (les civitates), fréquemment autour d’un pôle sacré (un monastère le plus souvent) ou d’un pôle militaire (le château). Aux IXe et Xe siècles, le terme se développe surtout dans la région comprise entre le val de Loire et la Bourgogne. De là, il gagne au siècle suivant les régions méridionales et septentrionales de la France actuelle et les terres d’Empire. Aux alentours de 1100, il est répandu dans la majeure partie de l’Europe occidentale, mais ce succès n’est que de courte durée. Dans le courant du XIIe siècle, le terme villa, employé auparavant essentiellement pour désigner un espace rural, prend une signification urbaine et tend à le remplacer23. Tout au long de son existence, le mot burgus conserve une double acception qui insiste sur l’aspect groupé et nouveau de l’agglomération et/ou sur son aspect fortifié. Ce second aspect est très clair à l’époque carolingienne et se maintient notamment dans les terres d’Empire où il a donné naissance au mot germanique Burg désignant une forteresse. Dans d’autres régions, la fortification des burgi est rarement explicite sauf dans l’expression burgus vel castellum parfois employée.
18L’emploi du mot à Cluny est tout à fait conforme à ce schéma général. Il soulève les mêmes questions historiques et sémantiques.
Chronologie du terme
19Georges Duby est le premier à avoir relevé la mention précoce du burgus de Cluny dans le mémorandum du concile tenu à Anse vers 99424. Les historiens de la ville de Cluny ont généralement repris cette affirmation sans la critiquer, à l’exception notable de Dominique Iogna-Prat25. Reprenons le texte ; le burgus est cité à deux reprises, d’abord au début, dans un article relatif à la protection des églises et dîmes clunisiennes :
Que personne n’ose [prendre] les églises avec dîmes et services relevant du monastère ou le bourg de ce saint lieu, à l’intérieur ou à l’extérieur, sans l’ordre ou le consentement de l’abbé ou des frères de ce lieu26.
20puis à la fin, en interdisant aux puissants de faire du butin à Cluny et à Charlieu :
Nous instituons également dans ce saint concile, qu’aucun dignitaire séculier, aucune autorité militaire et aucun homme résidant près de Cluny ou dans le lieu appelé Charlieu, n’ose prendre du butin dans le château ou dans le bourg de ce lieu, ni s’emparer de bœufs, de vaches ou de porcs, ou même de chevaux [...] parce qu’il n’est pas convenable que des hommes mauvais et orgueilleux causent des désagréments aux saints moines qui demeurent dans ce lieu27.
21Les deux phrases sont d’une construction alambiquée et, à vrai dire, assez incompréhensible. Dans la première, on ne comprend pas bien si la protection s’étend au bourg de Cluny (burgus sancti loci) ou aux seules églises du bourg. En revanche, si on ôte les mots vel burgum ejusdem sancti loci, la phrase devient limpide et conforme aux privilèges pontificaux depuis Jean XI qui protègent de toute exaction les églises clunisiennes et leurs dîmes. La seconde phrase laisse planer le doute sur le lieu protégé : Cluny ou Charlieu ? Les deux hypothèses ont été soutenues selon que les auteurs s’intéressaient plutôt à Cluny ou à Charlieu28. Mais ni l’une ni l’autre n’est pleinement satisfaisante. Cluny et Charlieu sont distants d’environ cent kilomètres. On comprend mal l’invitation faite aux hommes de Cluny de défendre le bourg de Charlieu et vice-versa, l’invitation faite aux hommes de Charlieu de défendre le bourg de Cluny. La phrase n’est logique que si elle concerne à la fois le bourg de Cluny et le bourg de Charlieu. Mais dans ce cas, on s’attendrait à lire in eundem castrum vel in burgum eorumdem locorum et non eiusdem loci.
22Le mémorandum du concile d’Anse, on l’a dit, est un texte connu par sa seule copie dans le cartulaire des privilèges de Cluny (cartulaire C) composé vers 1100. Le vocabulaire et les formules employés sont généralement conformes à ceux des textes de la fin du Xe siècle produits à Cluny29, mais l’hypothèse d’une interpolation ou d’une réécriture au moment de sa copie dans le cartulaire C reste envisageable. On ne saurait en tout cas s’appuyer sans réserve sur lui pour attester l’existence d’un burgus à Cluny au seuil de l’an mil. D’autant plus que les deux mentions du burgus dans le mémorandum du concile d’Anse constituent un hapax dans la documentation clunisienne de la période. Tout type de sources confondu, je n’ai relevé que neuf autres mentions du mot burgus pour désigner l’agglomération clunisoise. Toutes sont postérieures d’au moins un siècle au concile d’Anse, c’est-à-dire précisément au moment où l’on achève la rédaction du cartulaire C30. Certes l’emploi du mot burgus à Cluny vers l’an mil n’est pas improbable compte tenu de l’extension géographique du terme à cette époque, mais le corpus des autres références montre que le mot a été essentiellement employé à Cluny entre la fin du XIe et le dernier tiers du XIIe siècle, précisément entre 1094 et 1166.
Burgum vel castrum : l’enceinte monastique et l’enceinte du bourg
23La question de l’enceinte est un autre problème épineux qu’il convient d’envisager conjointement avec celui de l’enceinte monastique. On relève plusieurs mentions d’un castrum ou castellum à Cluny dès le Xe siècle. La plus ancienne est dans le diplôme de Lothaire III en 955. Les personnes installées à l’intérieur ou à proximité immédiate du castrum monasterii sont sous la domination (ditio) de l’abbé de Cluny. Personne ne peut exercer un pouvoir judiciaire sur eux sans l’accord des moines31. La seconde vient d’être évoquée. Le mémorandum du concile d’Anse interdit aux puissants de Charlieu et des environs de Cluny de commettre du butin in eundem castrum vel in burgum eiusdem loci. Si le texte n’a pas été interpolé et si c’est bien Cluny qui est ainsi désigné, on note la distinction entre deux espaces, le castrum et le burgus. L’expression in castrum vel in burgum plaide en effet pour cette distinction et non pour une identification du castrum au burgus que suggérerait le terme vel s’il n’était pas suivi de in. Aussi, ne peut-on déduire du balancement castrum vel burgum l’attestation que le bourg de Cluny s’est constitué à l’intérieur d’une fortification32.
24Quelque cent vingt ans plus tard, les coutumes de Bernard et d’Ulrich citent à plusieurs reprises le castellum. Dans tous les ateliers (officinae) situés intra castelli, les moines doivent garder le silence et chanter régulièrement les heures. Les serviteurs qui accompagnent des moines, lorsqu’ils sont reçus comme hôtes à Cluny, ne doivent pas vagabonder dans le castellum ni négliger leur office. Le connétable doit veiller à leur bonne conduite33. Le castellum et ses portes jouent un rôle important lors des processions et des déambulations de reliques : les moines sortent du castellum pour accueillir un pape ou un roi, ou lorsqu’un danger les menacent34. Dans les années 1080, une charte de Marcigny rapporte la promesse de Geoffroy III, sire de Semur-en-Brionnais, de respecter le ban territorial du monastère brionnais et de se porter prisonnier en compagnie de quatre otages « au dessous des murs du chateau de Cluny » et « dans l’enceinte dudit chasteau » s’il enfreint ce ban et son immunité35. Dans ces textes, il ne fait aucun doute que le castellum désigne le monastère de Cluny et non un château voisin, comme Lourdon par exemple36. L’emploi du terme castellum pour désigner le monastère et son enceinte est en effet d’un usage très courant jusqu’au XIe siècle37. Et contrairement à Kenneth John Conant, je ne pense pas que le castellum soit un élément défensif particulier38, mais bien le monastère lui-même, c’est-à-dire l’ensemble des bâtiments conventuels, les églises et les officines fermées par un grand mur qui les sépare matériellement et symboliquement du monde extérieur. Des chartes contemporaines mentionnent ce major murus et ses portes39. D’autre part, la présence massive de reliques fait du saint lieu un castellum, un point fort par rapport au monde extérieur. Cela étant, l’enceinte du castellum englobe-t-elle seulement les bâtiments monastiques ou s’étend-elle aux maisons du bourg ? L’existence d’une enceinte primitive cernant à la fois les bâtiments conventuels et les maisons du bourg n’est effectivement pas improbable. Une telle organisation est attestée autour de quelques monastères carolingiens comme Saint-Omer, Saint-Vaast d’Arras ou Saint-Remi de Reims40. En rassemblant les différentes données textuelles et archéologiques, quelques hypothèses peuvent être proposées.
25La forme de l’enceinte monastique est une question que l’on règle rapidement, par défaut de source. Les reconstitutions de K. J. Conant reposent sur des données très ténues. Toutes mériteraient d’être validées par de plus amples recherches archéologiques41.
26Les connaissances archéologiques sur l’enceinte du bourg reposent sur des données encore plus maigres qui n’autorisent aucune certitude avant une période très tardive42. La présence d’une double enceinte, l’une autour du monastère, l’autre autour du bourg, trouve un argument sérieux dans un texte du XIIe siècle. En 1126, Pons de Melgueil, démissionnaire quatre ans plus tôt, est réinstallé manu militari à la direction de l’abbaye grâce au concours d’une partie des moines et de certains laïcs43. En réponse à cette révolte, le pape Honorius II excommunie Pons et les siens et porte l’interdit sur les églises du monastère et du bourg. La formulation de la sentence montre clairement qu’il existait alors une double enceinte :
Nous prescrivons en outre sous la menace de l’anathème que personne, dans les églises ou les officines sises à l’intérieur des murs de Cluny ou en dehors, à l’intérieur des clôtures ou du territoire du bourg, n’ose sonner les cloches, célébrer les offices divins ou tenir un chapitre jusqu’à ce que Pons soit sorti [du monastère] et se repente de cette attaque44.
27Les « murs de Cluny » sont ceux du castellum, dressés autour des églises, du cloître, des bâtiments conventuels et des ateliers monastiques. Le burgus est lui-même pourvu de clôtures (claustra) qui permettent de délimiter son territoire (pertinentia totius burgi). L’emploi du terme claustra et non muri indique sans doute que l’enceinte du bourg n’est pas maçonnée. Il s’agit peut-être d’une palissade de bois ou plus simplement de bornes ou de croix qui limitent le territoire de l’agglomération45.
28Le Chronicon Cluniacense composé à l’extrême fin du XVe siècle fait de l’abbé Thibaud de Vermandois (1179-1183) l’instigateur de la construction des murs de la ville46. Peut-être s’agissait-il de matérialiser en dur des limites auparavant marquées de façon plus sommaire. Une version manuscrite de la chronique rédigée vers 1480 mentionne la destruction des murs quelques années plus tard (1186), sous l’ordre de Philippe Auguste47. Mais cette mention laconique n’a pas été retenue dans la version définitive de la chronique publiée par les moines dans la Bibliotheca Cluniacensis au début du XVIIe siècle48. Rien dans l’itinéraire du roi ni dans ses relations avec les moines de Cluny ne permet de justifier un tel acte. En outre, dès la première moitié du XIIIe siècle, les murs et les portes de la ville sont attestés, signe que la destruction, si elle a eu lieu, n’a pas été suivie d’une interdiction de reconstruction49.
29La période décisive d’édification des fortifications de Cluny est la deuxième moitié du XIVe siècle. Comme dans la plupart des villes du royaume, les Clunisois obtiennent du roi l’autorisation de lever un impôt indirect pour reconstruire et consolider les murailles. Le tracé définitif avec ses tours et ses portes, tels que de nombreux érudits clunisois se sont plu à le décrire, date sans doute de cette époque50.
30Pour conclure, on peut donc dresser le tableau suivant. Le territoire du bourg de Cluny est circonscrit de manière légère jusqu’à la fin du XIIe siècle, peut-être dès le XIe siècle et de manière certaine au début du XIIe siècle. Dès cette date, c’est-à-dire au moment où sont précisés les différents cercles de la domination clunisienne, il existe une double enceinte autour du sanctuaire : les murs du monastère et la clôture autour du bourg. L’encellulement se précise. Vers 1180, une enceinte de pierres est construite sur un tracé qu’il est impossible de préciser et qu’il serait abusif d’identifier avec celui que l’on devine pour la fin du Moyen Age et que l’on connaît surtout pour la fin de l’Ancien régime.
31Voyons à présent comment l’espace du burgus est structuré au moment où il apparaît le plus clairement dans la documentation clunisienne, c’est-à-dire vers 1100.
III. LA TOPOGRAPHIE ET L’ORGANISATION SPATIALE DU BURGUS
32Plusieurs historiens et archéologues se sont penchés sur le développement topographique du bourg de Cluny en s’appuyant sur les rares témoignages exploitables des sources écrites, sur les maisons médiévales, le tracé des voies et le parcellaire. Ces travaux soulèvent autant de questions qu’ils en résolvent. Aussi, est-il nécessaire de les résumer avant de les prolonger par quelques réflexions sur l’organisation spatiale du bourg au seuil du XIIe siècle.
33Paul Degueurce, géographe clunisois, a publié en 1935 une brève étude consacrée à l’évolution urbaine de Cluny depuis le Haut Moyen Age jusqu’à la fin du XIXe siècle. Le premier, il identifie le faisceau des raisons qui conduisent au développement du bourg monastique. En se fondant sur des sources modernes (chronique clunisienne du XVe siècle, terriers du XVIIIe, plans cadastraux du XIXe siècle), il cartographie schématiquement son évolution topographique et identifie deux pôles de peuplement aux XIe-XIIe siècles : le bourg, dans le vallon entre les deux collines, à proximité immédiate de l’abbaye et le faubourg sur la rive droite de la Grosne, à l’est du monastère51.
34Quinze ans plus tard, Georges Duby a repris le schéma esquissé par Paul Degueurce en lui ajoutant une phase préliminaire : le bourg se serait d’abord développé sur la colline à l’ouest du monastère autour de l’église Saint-Maïeul, paroissiale dès la fin du Xe siècle, avant de s’étendre autour des deux autres pôles52.
35Dans le sillage des travaux de Pierre Lavedan et Jacques Hugueney sur l’urbanisme médiéval, Michel Bouillot a complété cette étude en adoptant une méthode régressive fondée sur les plans-terriers et cadastraux des XVIIIe et XIXe siècles53. D’un point de vue typologique, Cluny est classée parmi les « villes d’accession féodales ou monastiques » c’est-à-dire établies autour d’un pôle d’attraction, le château ou le monastère. Le schéma Degueurce-Duby est repris sans critique pour expliquer l’évolution topographique du bourg. Le seul apport notable de M. Bouillot est l’accent mis sur le parcellaire en lanières observé dans la majeure partie de la ville. Cet aménagement de parcelles longues et étroites donnant accès à la rue par leur petit côté est, selon l’auteur, une caractéristique des villes neuves de plaine dont l’urbanisme fut rapide et concerté54.
36Au milieu des années quatre-vingt, une équipe d’archéologues des Universités de Reading et Nottingham dirigée par Philip Dixon et Gwyn Meirion-Jones s’est penchée sur la topographie historique clunisoise en adaptant la méthode expérimentée en Angleterre dans les années soixante par M. Conzen, c’est-àdire en comparant le parcellaire et la disposition des rues actuelles aux données archéologiques et aux plans des XVIIIe-XIXe siècles55. Cette méthode présuppose la continuité des modalités de découpage et d’occupation du sol depuis le Moyen Age. L’absence quasi totale de fouilles archéologiques dans le sous-sol de Cluny (hormis l’espace abbatial bien sûr), privait les chercheurs d’une partie notable des données susceptibles de valider l’hypothèse de cette continuité. La présence massive de maisons des XIIe et XIIIe siècles et la quasi-stagnation de l’évolution urbaine du bourg abbatial à partir de cette date permettait cependant de tenter l’entreprise56. Les enquêtes menées dans l’espace anglais ont mis en évidence l’utilisation de modules pour l’établissement des parcelles. La récurrence de ces modules dans les mêmes quartiers, leur pérennité ou disparition au fil des époques sont des données susceptibles d’éclairer le développement des villes étudiées.
37À Cluny, les mesures systématiques des parcelles et de la disposition actuelles des rues, corrigées par les données des plans anciens (XVIIIe-XIXe siècles), ont été traitées statistiquement afin de dégager des modules par rues, groupes de maisons, quartiers ou unités morphologiques. L’hypothèse théorique met en évidence un développement en quatre zones et quatre temps répartis entre le Xe et le XIIe siècle (carte 35) : le « bourg » autour de l’église Saint-Maïeul sur la colline qui domine l’abbaye au nord-ouest (A) ; le « bourg » autour de l’église Sainte-Marie dans le vallon entre les deux collines de Cluny (B) ; le quartier des portes de l’abbaye entre les deux précédentes zones (C) ; le « faubourg » autour de l’église Saint-Marcel, dans la partie basse de la ville, au sud-est (D)57.
38Cette évolution théorique ne modifie pas le schéma Degueurce-Duby. Tout au plus lui ajoute-t-elle une phase intermédiaire, la troisième avec le quartier des portes de l’abbaye. Sans que cela soit clairement exposé par les auteurs, ce modèle ancien semble avoir profondément orienté leurs analyses. Les données issues des mesures des parcelles permettent d’établir quelques modules, mais on ne comprend pas très bien comment le schéma évolutif est déduit de ces résultats. L’hypothèse proposée est plausible, mais elle demeure trop dépendante des présupposés sur la date de construction des églises du bourg (Saint-Maïeul vers l’an mil, Sainte-Marie vers 1060, Saint-Marcel vers 1090) qui tous doivent être soigneusement réexaminés. De plus, ces résultats mériteraient d’être confrontés à des recherches archéologiques de terrain58.
39À la fin des années quatre-vingts, la Sous-direction de l’Archéologie au ministère de la Culture a chargé le Centre National d’Archéologie Urbaine de Tours de coordonner la réalisation pour chaque ville sensible de « documents d’évaluation du patrimoine archéologique urbain ». Le volume relatif à Cluny fut publié en 1994 sous la direction de Gilles Rollier et Nadine Roiné. Hormis le chapitre consacré aux maisons des XIIe-XIVe siècles, l’essentiel de l’ouvrage se compose de « notices de topographie historique » réparties en sept tranches chronologiques : les origines, Xe-XIe s., XIIe-XIIIe s., XIVe s.-1750, de 1750 à la Révolution, XIXe s., évolution récente59. Les auteurs ont rassemblé, sans grande critique, les données fournies par la bibliographie archéologique et historique et les ont transposées sur carte, une pour chaque période. À côté des données issues des fouilles les plus récentes, figurent ainsi quelques éléments hypothétiques sans aucun fondement documentaire60. Pour les Xe-XIe siècles, la carte reprend les hypothèses de P. Dixon et G. Meirion-Jones formulées en 198861.
40Les données fournies par ces différentes études proposent des hypothèses de travail intéressantes plus que des résultats définitifs. Il est nécessaire de retourner aux sources documentaires et de les analyser hors de tout a priori sur les origines du bourg de Cluny. En outre, il est utile de décentrer sensiblement la problématique. Le développement topographique du bourg de Cluny n’a de sens que dans le cadre d’une réflexion sur l’organisation de l’espace dans la société des Xe-XIIe siècles. Des études archéologiques récentes ont profondément renouvelé l’approche de cette réflexion62. Les recherches sur la naissance du village, le processus d’encellulement des Xe-XIIe siècles, la création des paroisses et des communautés villageoises organisées autour du lieu de culte et du cimetière chrétien fournissent un canevas conceptuel qu’il n’est plus possible d’éluder63. En outre, on doit s’interroger sur la perception de l’espace par les hommes des Xe-XIIe siècles64. L’installation du peuplement se fait en fonction de pôles d’attraction dont les plus marquants, pour la période qui nous concerne, sont les autels avec leurs reliques et les cimetières. On doit se demander comment l’espace du bourg a ainsi été polarisé et hiérarchisé, comment il s’articule avec l’espace monastique stricto sensu, et avec l’espace environnant soumis à la domination abbatiale ou à celle d’autres seigneurs, quelle place il occupe dans la dialectique du sacré et du profane qui domine la perception et l’organisation de l’espace des sociétés pré-modernes.
1. Les pôles du burgus de Cluny aux XIe et XIIe siècles
41La structure polynucléaire des villes médiévales a maintes fois été soulignée. Les noyaux du peuplement sont le plus souvent organisés autour des lieux de culte et de leur cimetière, ou plus rarement autour de lieux d’échanges (place de marché, croisées de chemins importants, établissements portuaires)65. Cluny n’est pas établi sur une voie terrestre ou fluviale d’envergure. Ce sont les lieux de culte qui ont polarisé son peuplement : le monastère tout d’abord, centre d’attraction et pôle principal qui structure toute l’organisation de l’espace environnant ; les chapelles et églises du bourg ensuite, avec leurs cimetières, autour desquelles s’organisent les noyaux du bourg médiéval. Malheureusement, la question essentielle des cimetières du bourg sera rapidement envisagée car, avant le XIVe siècle, on n’en sait presque rien. Seules quelques données peuvent être rassemblées pour Saint-Maïeul à partir desquelles il est possible de poser certaines hypothèses. Les églises, en revanche, définissent le bourg de Cluny en 1100. Les rares sources écrites qui mentionnent le burgus aux XIe et XIIe siècles font en effet peu de cas des hommes, de la terre ou des limites de l’agglomération, mais elles parlent beaucoup de ses églises et chapelles. Trois d’entre elles sont devenues paroissiales : Saint-Maïeul, Sainte-Marie et Saint-Marcel. À la fin du Moyen Age, chacune d’elle est au cœur d’un quartier du bourg intra muros. Depuis les études sommaires des historiens locaux du XIXe siècle, chacun croit bien les connaître. Les mêmes sources sont sans cesse évoquées sans être vérifiées ; les vocables sont toujours négligés et les autres chapelles le plus souvent passées sous silence66. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, un simple examen attentif de la documentation écrite permet de corriger bien des erreurs et imprécisions et d’éclairer sous un jour peut-être moins obscur les fondements qui ont présidé au développement topographique du bourg de Cluny.
L’église Saint-Maïeul
42L’église Saint-Maïeul était établie sur la colline surplombant le monastère et la Grosne au nord-est du bourg (carte 36). Détruite en 1793, il n’en subsiste aujourd’hui que le mur gouttereau sud contre lequel s’appuie une construction du XIXe siècle. La partie inférieure de la maçonnerie est construite en opus spicatum (ou arêtes de poissons), généralement considéré en Bourgogne du sud comme une technique de la première moitié du XIe siècle67. Peut-être a-t-elle été établie dès les environs de l’an mil consécutivement au développement très rapide du culte du saint abbé mort en 99468, mais rien ne l’atteste avec certitude. Une charte datée de 1002 conservée par sa seule copie dans le cartulaire A (deuxième moitié du XIe siècle) a été interprétée à tort par la plupart des historiens de Cluny comme la preuve de la construction de l’église à cette date. Dominique Iogna-Prat a dernièrement rectifié plusieurs erreurs de lecture, mais il faut de nouveau revenir sur ce document si malmené depuis un siècle69.
43La charte mentionne la donation « à Dieu et à saint Maïeul », par un dénommé Arleius, d’une terre en complant, d’un champ et de deux serfs avec leur femme et enfants, tous situés dans la villa de Merzé. « Les moines de saint Pierre et de saint Maïeul » pourront en disposer à leur guise70. Parmi les souscripteurs figurent des amis ou voisins du donateur et un clerc prénommé Maïeul71. Rien dans ce texte n’atteste l’existence d’une église dédiée à saint Maïeul. Le don « à Dieu et à saint Maïeul » ne doit pas être confondu avec le don à Saint-Maïeul (l’église). Le bénéficiaire de la donation d’Arleius est le saint lui-même, comme saint Pierre est le destinataire de bon nombre de donations contemporaines. Faire de saint Maïeul le principal bénéficiaire de ce don atteste tout au plus que son culte se développe vers 1002, ce que l’on sait par d’autres sources, et que peut-être certaines de ses reliques viennent d’arriver à Cluny. Maïeul est enseveli à Souvigny, mais on sait que vers 1030 au plus tard une partie de ses cheveux est conservée à Cluny dans un vase de verre72.
44La mention des « moines de saint Pierre et de saint Maïeul » ne doit pas davantage faire illusion. L’expression « moines de saint Pierre » est courante aux Xe et XIe siècles pour désigner les moines de Cluny73. En lui associant saint Maïeul, les rédacteurs de la charte confirment la volonté de faire du saint abbé l’un des patrons tutélaires de l’ecclesia Cluniacensis en gestation74. Bien sûr, l’édification d’un autel, d’une chapelle ou d’une église à son honneur est une manière tangible de concrétiser ce nouveau patronage. On peut logiquement le concevoir, mais on ne peut le prouver par cette charte.
45La souscription du clerc prénommé Maïeul a également été source d’erreur. En lisant le S. de signum (S. Maioli clerici) comme l’abréviation de Sancti, plusieurs historiens ont cru pouvoir attester l’existence de clercs de Saint-Maïeul et donc d’une église dédiée au saint abbé en 100275. Cette erreur est étonnante tant est fréquente une telle expression dans les chartes contemporaines. On ignore d’où vient ce clerc prénommé Maïeul, mais en faire un clerc de Saint-Maïeul est quelque peu abusif.
46En intitulant la donation d’Arleius : Charta qua Arleius dat ecclesiae Sancti Maioli Cluniacensis partem suam de medio planto, les éditeurs du Recueil des chartes de Cluny ont fortement contribué à diffuser ces contresens. En outre, leur note infrapaginale pour expliquer le don « à Dieu et à saint Maïeul » a induit d’autres erreurs. Le texte de la note est le suivant : « Cette donation paraît avoir été faite à l’église de Saint-Maïeul, la plus ancienne des paroisses de Cluny, et qui était auparavant dédiée à saint Jean-Baptiste »76. Ces deux points posent problème.
47À ma connaissance, le prétendu ancien vocable de l’église, Saint-Jean-Baptiste, n’est attesté par aucune source. L’affirmation semble provenir d’une tradition orale mise par écrit au milieu du XVIIIe siècle par le plus ancien « historien » de la ville de Cluny, Benoît Dumolin. Ses affirmations ne sont d’ailleurs pas très claires : Saint-Maïeul aurait été dédiée primitivement à saint Jean-Baptiste et/ou à saint Thibaud, ces deux saints étant représentés dans la chapelle nord de l’église au XVIIIe siècle77. La documentation écrite clunisienne des Xe-XIe siècles ne fait aucune allusion à une église ou chapelle dédiée à saint Jean-Baptiste et/ou à saint Thibaud. Quelques chartes mentionnent des donations à saint Jean-Baptiste à Cluny dans la deuxième moitié du Xe siècle. On peut éventuellement en déduire l’arrivée à cette date des reliques du saint dans le monastère, mais rien de plus78. Un autel dédié à saint Jean-Baptiste est attesté dans l’église abbatiale à partir des années 1027-1040, mais aucune église dans le monastère ni dans le bourg ne semble avoir porté ce vocable79.
48Le statut paroissial de Saint-Maïeul dès l’an mil ne repose sur aucune source. Il est généralement justifié par la charte de 1002 qui ne permet même pas d’attester l’existence de l’église à cette date. Par ailleurs, aucun texte du XIe ou du XIIe siècle ne fait référence à la parrochia de Saint-Maïeul ou à de quelconques droits paroissiaux.
49Ces préliminaires étant posés, les données que l’on peut rassembler sur l’église Saint-Maïeul sont les suivantes. Sa mention la plus ancienne se trouve dans le liber tramitis rédigé vers 1027-104080. Le jour de la Saint-Maïeul, le 11 mai, les moines processionnent en chantant des psaumes et en portant deux candélabres, les textes de l’Évangile, une croix et de l’eau bénite jusqu’à la basilique (basilica) ou l’église (ecclesia) dédiée au saint abbé81. Le coutumier ne précise pas si le lieu de culte est à l’intérieur ou à l’extérieur du monastère, mais il s’agit sans doute de l’église du bourg. Malgré la présence de reliques du saint dans l’église abbatiale, aucun autel ni aucune église dans le cenobium ne lui est proprement consacré82.
50Le coutumier cite également une église située hors du monastère (citra ou extra monasterium) vers laquelle convergent les processions de Noël, des Rameaux, des Rogations et de l’Ascension83. L’identification entre cette église et Saint-Maïeul est tentante mais problématique. Dans le liber tramitis, le terme monasterium a deux acceptions. Assez fréquemment, il désigne le monastère au sens actuel, c’est-à-dire l’ensemble des bâtiments cultuels, conventuels, domestiques et résidentiels situés à l’intérieur de l’enceinte claustrale84, mais il peut également désigner une partie seulement de cet ensemble, composé de l’église abbatiale, de l’atrium et du cloître85. Selon la première acception, l’église extra monasterium s’identifie sans problème à Saint-Maïeul. Aucun autre lieu de culte n’est attesté dans le bourg vers 1030. En revanche, selon la seconde acception, l’église extra monasterium s’identifie assez bien à l’église Sainte-Marie située à l’est de la salle du chapitre, dans laquelle la quasi-totalité des processions monastiques stationne86. La description de la fête des Rameaux dans les coutumiers de Bernard et d’Ulrich (vers 1075-1080) incite cependant à privilégier la première hypothèse. Ce jour-là, deux processions se déroulent. La première est la procession dominicale classique, à travers le cloître, consécutive à la messe matutinale. La seconde s’ébranle après Tierce jusqu’à l’église du bienheureux Maïeul (usque ad Beati Maioli ecclesiam) au chant des antiennes et des répons87. La description des processions de Noël, des Rogations et de l’Ascension est en revanche moins claire dans les coutumiers de Bernard et d’Ulrich et ne permet pas d’éclaircir le flou du liber tramitis88. On peut donc tout au plus affirmer que les processions monastiques se dirigeaient vers Saint-Maïeul le jour de la fête du saint abbé et le dimanche des Rameaux. C’est moins certain pour les Rogations, Noël, l’Ascension ou tout autre fête89.
51Quelques textes montrent l’évolution du statut de l’église à la fin du XIe siècle. En 1063, l’évêque de Mâcon, Drogon, refusant d’admettre les privilèges pontificaux, parvient avec une troupe de milites armés jusqu’à Cluny et tente de pénétrer dans l’église Saint-Maïeul, semble-t-il pour y prêcher et réunir un synode. L’accès à l’église lui étant impossible, il lance l’anathème sur les moines de Cluny. L’abbé Hugues fait appel au pape Alexandre II qui envoie Pierre Damien, cardinal-évêque d’Ostie, régler le différend sur place et confirme par une bulle datée du 10 mai 1063 l’ensemble des privilèges de Cluny90. Le légat pontifical séjourne plusieurs semaines dans la région et laisse un récit circonstancié de ses activités et de ses impressions. Pour résoudre le conflit entre Cluny et Mâcon, il organise les 17 et 18 août un concile à Chalon-sur-Saône. Drogon est excommunié, sommé de s’amender convenablement et de respecter à l’avenir l’exemption clunisienne91. Douze ans plus tard, Grégoire VII confirme les privilèges de Cluny et sanctionne le statut spécial de trois chapelles établies autour du monastère (capellae circumiacentes) : Saint-Maïeul, Sainte-Marie et Saint-Odilon. Comme les moines de Cluny et les prêtres institués par l’abbé, les trois chapelles sont soustraites au pouvoir de l’évêque, bénéficient de l’immunité romaine et de la tutelle pontificale92.
52On aura remarqué les différents termes utilisés pour qualifier l’église Saint-Maïeul au XIe siècle. Les textes clunisiens eux-mêmes ne présentent aucune uniformité. Les coutumiers optent soit pour ecclesia soit pour basilica ; la bulle de Grégoire VII rédigée sinon par les moines, du moins sous leur inspiration, utilise capella. Pierre Damien parle dans son récit de voyage de l’ecclesia sancti Maioli alors que le procès verbal du concile de Chalon qu’il a dirigé mentionne la basilica du bienheureux Maïeul, confesseur du Christ (beati Maioli confessoris Christi basilicam). Ecclesia, basilica ou capella ? Aucun de ces trois termes ne semble correspondre strictement à la définition de Saint-Maïeul au XIe siècle. Mais le terme basilica doit être souligné puisqu’il fait implicitement référence à la présence d’un saint martyr ou confesseur et implique généralement un cimetière93.
53En effet, l’ecclesia extra monasterium citée dans le liber tramitis est entourée d’un cimetière. Lorsque les moines se rendent en procession vers l’église, ils doivent réciter un psaume pour les défunts qui reposent ici94. De qui s’agit-il ? des habitants du bourg, des moines, des donateurs, des serviteurs du monastère ? Nous sommes réduits à poser des hypothèses d’autant plus hasardeuses que la question des cimetières dans le Cluny (monastère et bourg compris) du XIe siècle est loin d’être claire. Depuis Kenneth John Conant et Dietrich Poeck, on évoque fréquemment l’existence de deux cimetières dans le monastère, l’un pour les moines, l’autre pour les laïcs95. K. J. Conant a tenté de les localiser en s’appuyant sur la description du monastère présentée dans le liber tramitis, mais les recherches archéologiques entreprises depuis ses travaux ont montré la prudence avec laquelle il fallait considérer ces localisations96. Peter Dinter, éditeur du liber tramitis, a émis une hypothèse généralement négligée depuis. Il aurait existé à Cluny un troisième lieu de sépulture dans lequel étaient notamment ensevelis les hommes qui venaient de prendre l’habit pour cause de maladie ou de mort imminente et qui décédaient avant d’être entrés dans le monastère. Le coutumier prescrit aux moines de ne pas s’occuper d’eux sauf s’ils sont conduits au cimetière des frères ou « dans un lieu approprié pour de tels défunts ». En aucun cas ils ne doivent être ensevelis dans le cimetière des laïcs (populare cimiterium)97. P. Dinter propose d’identifier ce « lieu approprié » au cimetière de l’église extra monasterium, c’est-à-dire l’église Saint-Maïeul98.
54Par ailleurs, on lit quelquefois, sans aucune preuve, que le cimetière de l’église Saint-Maïeul était le lieu de sépulture des domestiques de l’abbaye (les famuli ?). Je n’ai trouvé aucune source permettant de soutenir cette affirmation. Elle a suivi le même cheminement que le prétendu ancien vocable de Saint-Jean-Baptiste. Benoît Dumolin la mentionne dans sa description historique et topographique de la ville de Cluny. Philibert Bouché de la Bertillière, Auguste Penjon et Jean Virey l’ont recopiée sans aucune vérification99.
55Les vestiges des archives paroissiales clunisoises permettent seulement d’identifier deux personnes ensevelies dans le cimetière de Saint-Maïeul : deux paroissiens de Saint-Maïeul décédés l’un en 1393, l’autre en 1495 qui font des donations testamentaires au curé et chapelains du lieu100. Les plus anciens plans-terriers de Cluny figurent le cimetière sous la forme d’un quadrilatère au sud-ouest de l’église, bordé au sud par la rue Saint-Maïeul, à l’ouest par l’enceinte de la ville101. Une fouille archéologique est en cours sur le site de l’ancienne église. Plusieurs sépultures ont déjà été mises au jour, à l’intérieur et à l’extérieur de la nef. Les squelettes suffisamment conservés pour permettre une étude anthropologique proviennent d’individus adultes des deux sexes, morts entre le XIVe et le XVIe siècle. On compte également plusieurs sépultures d’enfants, dont certains en bas âge102.
56Ces données encore ténues confirment la vocation paroissiale du cimetière à la fin du Moyen Age. Reste à savoir quand l’église est devenue paroissiale. Les trois termes, capella, ecclesia, ou basilica, utilisés au XIe siècle pour la qualifier ne permettent pas de trancher. Au milieu du XIIe siècle, lorsque le réseau paroissial se met définitivement en place et que, sous l’injonction du pape Calixte II, le partage des prérogatives entre moines et diocésains est réglé, deux églises paroissiales sont mentionnées à Cluny : Sainte-Marie et Saint-Odon103. Saint-Maïeul manque à la liste. Si l’on s’en tient au maigre corpus de documents faisant allusion au lieu, l’église semble desservie par un chapelain (capellanus) vers 1100 et au milieu du XIIIe siècle104. La plus ancienne mention d’un curé ou d’un vicaire de Saint-Maïeul ne date que de la deuxième moitié du XIIIe siècle105. Dès lors, le statut paroissial de l’église, désormais toujours qualifiée ecclesia106, ne fait plus de doute.
57Vers 1100, Saint-Maïeul apparaît donc comme une église (ecclesia, basilica, capella) exempte, entourée d’un cimetière sur lequel on ne sait à peu près rien, située sur la colline qui domine le monastère à l’ouest et vers laquelle les moines se rendent occasionnellement en procession. Pour bien comprendre son originalité, il faut s’attarder sur les autres églises du bourg édifiées à cette époque.
L’église Sainte-Marie
58L’église Sainte-Marie107 de Cluny se dresse en plein cœur du bourg dans le vallon central où coule le Merdasson, entre les collines Saint-Maïeul et Saint-Odile (carte 36). La date de sa construction est incertaine d’autant plus qu’il existait à Cluny, monastère et bourg compris, plusieurs églises dédiées à la Vierge. Il n’est pas toujours facile de savoir à laquelle d’entre elles les textes font référence. La charte de fondation de Cluny mentionne l’existence dans la villa d’une chapelle en l’honneur de la sainte Mère de Dieu, Marie, et de saint Pierre, prince des apôtres108. On ignore où elle se situait et ce qu’elle est devenue après l’installation des moines. Son utilisation comme première église abbatiale n’est qu’une hypothèse parmi d’autres109. Les coutumiers du XIe siècle mentionnent très fréquemment l’église, basilique ou oratoire Sainte-Marie, parfois appelée « église Sainte-Marie du cloître ». Elle était située à l’est de la salle du chapitre avec laquelle elle communiquait. La plupart des processions monastiques et de nombreux offices s’y déroulaient110. Une chapelle triconque située dans le cimetière des moines, entre le petit transept sud de Cluny III et l’église Sainte-Marie, était également dédiée à la Vierge et connue sous le nom de chapelle Sainte-Marie du cimetière. K. J. Conant situe sa construction sous l’abbatiat d’Hugues, mais il est possible qu’elle soit bien antérieure111.
59Une notice de la Gallia Christiana est généralement utilisée pour dater la construction de l’église Sainte-Marie dans le bourg de Cluny. Cette notice mentionne la dédicace, le jour des Nones de décembre 1064 (5 décembre), par Achard, évêque de Chalon-sur-Saône, d’une église construite à Cluny en l’honneur de la bienheureuse Marie112. L’auteur de la notice, un Mauriste du XVIIIe siècle, a pris soin de commenter son affirmation, mais généralement les historiens n’en tiennent aucun compte. Il ajoute que l’église en question n’est pas l’église construite par saint Hugues et dédiée aux saints apôtres Pierre et Paul - c’est-à-dire l’église abbatiale - mais l’église adjacente de la bienheureuse Marie113. C’est là un premier point qui incite à distinguer l’église dédicacée par Achard de l’église Sainte-Marie du bourg pour l’identifier à l’église Sainte-Marie du cloître. La notice se poursuit par une remarque sur la date. La sixième férie, date de la dédicace, ne correspond pas aux Nones de décembre qui en 1064 tombaient un dimanche. Il convient donc, selon le Mauriste, de considérer que l’église dédicacée n’est pas celle de Cluny, mais l’église Sainte-Marie de La Charmée, près de Chalon-sur-Saône114. À l’appui de ses dires, l’érudit bénédictin édite parmi les instrumenta une charte issue du cartulaire B de Cluny rappelant la dédicace par l’évêque Achard d’une église dédiée à la bienheureuse Marie, aux saints martyrs et au très pieux et très doux père Odilon, église située dans le faubourg de Chalon, paroisse de Sienne, lieu dit La Charmée. La cérémonie se déroule le 3 des Nones de décembre 1064, sixième férie, indiction II, lune 20115. Cette charte rééditée par A. Bernard et A. Bruel est sans ambiguïté : elle ne concerne pas l’église du bourg de Cluny116.
60Les coutumiers du XIe siècle ne font aucune allusion à une église mariale dans le bourg, y compris dans les chapitres consacrés aux fêtes de la Vierge. Toutes les mentions de l’ecclesia, basilica ou oratorium Sancte Marie renvoient à l’église Sainte-Marie du cloître. Les processions de la Purification de la Vierge, de l’Annonciation ou de l’Assomption ne sortent pas du monasterium contrairement à celle de la Saint Maïeul. C’est l’église Sainte-Marie du cloître ou l’autel de la Vierge dans l’église abbatiale qui accueillent les célébrations117. De deux choses l’une : ou bien l’église Sainte-Marie dans le bourg n’est pas encore construite, ou bien elle n’est pas concernée par les processions monastiques. Il est impossible de trancher avec certitude même si la deuxième hypothèse semble plus probable.
61En effet, le 9 décembre 1075, Grégoire VII confirme les privilèges de Cluny et étend l’exemption aux trois chapelles (capellae) établies autour du monastère : Saint-Maïeul, Sainte-Marie et Saint-Odilon. L’église est donc déjà debout à cette date. C’est d’ailleurs sa mention certaine la plus ancienne. Si des processions monastiques se dirigeaient périodiquement vers elle, il est étonnant que les coutumiers de Bernard et d’Ulrich, rédigés entre 1075 et 1080, ne les mentionnent pas118.
62La carta de immunitate Cluniaci de Pierre d’Albano comporte une allusion intéressante pour l’église Sainte-Marie du bourg. Le légat est à Cluny le 2 février 1080, jour de la Purification de la Vierge et jour idéal pour expurger du lieu saint les souillures (infestationes) commises par l’évêque de Mâcon et l’archevêque de Lyon. Il stationne dans la chapelle de la glorieuse Vierge Marie (capella eiusdem gloriose Virginis) puis dans le monastère (monasterium) et prononce un sermon119. Quelle est cette capella gloriose Virginis ? Sainte-Marie du cloître ou Sainte-Marie dans le bourg ? Primo, l’église Sainte-Marie du cloître n’est jamais mentionnée capella mais toujours ecclesia, oratorium ou basilica. En revanche, capella est le terme utilisé quatre ans plus tôt par Grégoire VII pour qualifier l’église Sainte-Marie établie dans le bourg. Secundo, le sermon prononcé par Pierre d’Albano définit la première immunité territoriale de Cluny et enjoint les milites du Clunisois à respecter les privilèges des moines et à les défendre en cas d’infraction. Comme plus tard le sermon d’Urbain II, c’est un sermon ad populum même si cela n’est pas explicitement rappelé dans la carta du légat pontifical. La présence du peuple semble donc nécessaire. Peut-on l’envisager sérieusement dans l’église Sainte-Marie du cloître dont l’accès était réservé aux moines ? La présomption est grande pour que le sermon de Pierre d’Albano ait été prononcé d’abord dans l’église Sainte-Marie du bourg puis dans le monasterium.
63La chapelle Sainte-Marie du bourg est citée comme ecclesia parochialis en 1120 dans le privilège de Calixte II. Ses prêtres peuvent établir des chartes nuptiales et recevoir ou exclure de l’église les pénitents120. Après cette date, l’église disparaît de la documentation jusqu’au milieu du XIIIe siècle. On connaît pour les XIVe et XVe siècles plusieurs de ses curés et prêtres sociétaires, puis, grâce aux terriers du XVIIIe siècle, l’emplacement de son cimetière, sur le flanc sud de l’église. Mais, comme on le verra bientôt, c’est le moins documenté des trois cimetières paroissiaux de Cluny.
La Chapelle Saint-Odilon
64La capella sancti Odilonis est la troisième chapelle du bourg à laquelle Grégoire VII accorde l’exemption en décembre 1075. Elle est située au sud du monastère, sur la colline qui le domine, le long du chemin conduisant à Jalogny puis Mazille (carte 36). L’enceinte du bourg n’a pas englobé cette chapelle, la laissant à quelque trois cents mètres à l’ouest de la porte Saint-Odile à laquelle elle a laissé son nom. Une partie de l’édifice est toujours debout, enclose dans une maison du XIXe siècle. Des sondages archéologiques entrepris récemment dans les murs et le sous-sol de l’édifice laissent présager qu’il s’agit de l’ancien chevet de section rectangulaire. Des colonnettes engagées sur les murs latéraux supportent des chapiteaux ornés dont le style est proche des sculptures du cloître construit au milieu du XIe siècle121.
65La date de sa construction n’est pas connue, mais une fourchette assez étroite peut être établie. Odilon est mort dans la nuit de la saint Sylvestre 1048 à Souvigny où il est enseveli aux côtés de son prédécesseur Maïeul. Le 11 août 1063, avant de se rendre au synode de Chalon-sur-Saône pour corriger l’évêque de Mâcon, Pierre Damien est à Souvigny. En compagnie de l’abbé de Cluny, Hugues de Semur, il consacre la nouvelle église abbatiale et procède à la translation des reliques d’Odilon122. La cérémonie est le point de départ du culte d’Odilon, cinquième abbé de Cluny, deuxième saint abbé123. Un an plus tard, l’évêque de Chalon, Achard, dédicace l’église de La Charmée près de Chalon. L’autel principal est dédié à Sainte-Marie, aux saints martyrs et au « très pieux et très doux père Odilon »124. C’est vraisemblablement l’un des premiers autels qui lui est dédié. À Cluny même, un office propre est créé pour le nouveau saint sur le modèle de l’office de saint Maïeul, mais, semble-t-il, aucun autel ne lui est strictement consacré. Les coutumiers de Bernard et d’Ulrich ne mentionnent sa présence que dans l’autel nord de l’église Sainte-Marie du cloître aux côtés de saint Maïeul et des autres saints reconnus à Cluny comme confesseurs125. L’autel de saint Odilon est hors du monastère, dans cette chapelle sur la colline dont l’édification doit donc se situer entre 1063 et 1075, date de sa première mention dans la bulle de Grégoire VII.
66La capella Sancti Odilonis n’est jamais devenue paroissiale. Les coutumiers de la fin du XIe siècle n’attestent aucune procession dans sa direction, mais on en trouve mention dans un processionnal clunisien du XIVe siècle, au deuxième jour des Rogations126. Il est probable que ces processions ont été mises en place dans les dernières années du XIe siècle, peu après la rédaction des coutumiers qui n’ont pu ainsi en faire état. D’ailleurs, la chapelle apparaît dans ces années comme un lieu où se négocie la paix clunisienne. Vers 1080-1090, le sire de Semur, Geoffroy, et le sire de Berzé, Hugues, donnent à Dieu et à saint Pierre au monastère de Marcigny, un manse qu’ils tenaient en commun à Rinchehun. Ils reçoivent en échange du prieur de Marcigny neuf cent trente sous, un mulet et une mule. L’acte est passé en présence de deux témoins, fidèles des deux sires, auprès de l’église Saint-Odilon de Cluny127. Quelques années plus tard, le miles Humbert de Sailly met en gage à Cluny les biens qu’il possède à Bézornay et dans la vallée de la Gande. Sa concession est passée dans les mains du chambrier Bernard Gros, en présence des doyens de Chaveyriat, de Bézornay et de Jalogny, devant l’église Saint-Odilon de Cluny128.
67On ignore si l’église a accueilli des reliques du saint abbé. Le récit de la translation de Souvigny, le 11 août 1063, ne le mentionne pas. À ma connaissance, aucune relique de saint Odilon n’est attestée à Cluny avant la deuxième moitié du XIVe siècle. À la suite d’une nouvelle translation des reliques d’Odilon, à Souvigny, le 12 avril 1345, une côte a été extraite du corps pour être envoyée à Chartres. Il semble également qu’un fragment d’os provenant de la tête ait été acheminé dans l’abbaye de Cluny pour être déposé dans une grande châsse contenant déjà le corps du pape saint Marcel, des reliques de saint Martin, de saint Sébastien, de saint Jean-Baptiste, de la sainte Croix et des manteaux de la Vierge, de saint Sylvestre et de saint Fabien129. Mais cette relique se trouvait dans le monastère et rien ne permet d’affirmer qu’une partie en a été déposée dans la chapelle clunisoise. Qu’elle ait ou non accueilli des reliques du saint abbé, l’église Saint-Odilon joue néanmoins au seuil du XIe siècle un rôle essentiel dans l’organisation de l’espace et des rapports sociaux autour de l’abbaye de Cluny. C’est ce qui justifie, me semble-t-il, le choix de ce lieu pour négocier occasionnellement des transactions avec les laïcs de la région.
68La négociation de la paix implique généralement la présence des morts130. Je ne connais aucune mention d’un cimetière autour de la chapelle pour la période médiévale. La seule attestation concerne le XVIe siècle : le cimetière des Huguenots de Cluny aurait été établi sur le flanc nord de l’édifice131. Néanmoins il est probable que l’église a attiré des sépultures dès le XIe siècle. D’autre part, elle occupe une place stratégique comme nombre de loca où l’on négocie la paix clunisienne. Au sommet d’une colline, sur le chemin menant vers Jalogny et Mazille (deux doyennés), elle marque la limite entre le premier cercle autour du monastère, le burgus, comme l’église dédiée à saint Maïeul sur l’autre colline.
L’église Saint-Odon et L’église Saint-Marcel
69En mars 1095, à la demande de l’abbé Hugues, Urbain II confirme l’ensemble des privilèges de Cluny. Comme vingt ans plus tôt, la première clause de la bulle concerne les chapelles du bourg. En effet, Hugues a fait construire une chapelle en l’honneur de saint Odon, en dehors du bourg dans la partie orientale. Elle bénéficie désormais de la liberté et de l’immunité que Grégoire VII avait concédées aux chapelles Saint-Maïeul, Sainte-Marie et Saint-Odilon en 1075132. Si Hugues a développé toute son activité (strenuitas) pour faire construire cette nouvelle chapelle, c’est parce que dans cette pars orientalis séparée du burgus par la Grosne, un nouveau noyau de peuplement se développe (carte 36)133. Il lui faut absolument une chapelle. Elle sera dédiée à un saint abbé, le dernier en date, dont le culte prend alors un nouveau souffle.
70Le culte d’Odon, deuxième abbé de Cluny mort à Tours en 942, ne s’est en effet imposé que tardivement grâce aux efforts d’Hugues de Semur. Entre 1050 et 1120, son dossier hagiographique est entièrement remanié. Il devient le « premier abbé de Cluny » et l’une des figures de proue de l’ecclesia Cluniacensis dont le récit des origines est alors recomposé. La Saint-Odon, le 19 novembre, négligée au début du XIe siècle, devient une fête clunisienne majeure134. La construction de la chapelle Saint-Odon s’inscrit dans ce contexte. La Chronologia abbatum, composée sous l’abbatiat d’Hugues, la présente comme une nécessité souhaitée par l’abbé Odon en personne, sur son lit de mort à Saint-Julien de Tours135.
71Le peuplement du faubourg oriental semble croître rapidement dans les premières années du XIIe siècle. En 1120, Calixte II reconnaît à l’ecclesia Saint-Odon le statut paroissial et les mêmes droits qu’à l’église Sainte-Marie. L’évêque de Mâcon, Bérard de Châtillon, déjà irrité par l’apologie clunisienne dressée par le légat pontifical au concile de Reims, s’en offusque. Il tente de s’emparer des droits sur la parrochia de Cluny, excommunie les clercs et les laïcs et porte l’interdit sur l’église du bienheureux Odon136. La pureté du locus est de nouveau bafouée. Malgré la plainte de Pons et les remontrances du pape, Bérard persiste dans son erreur (pertinaciter restitisti) et refuse de s’amender. Calixte prend alors des mesures plus énergiques. Il lève l’interdit sur Cluny et le transfère sur l’évêque jusqu’à ce qu’il abandonne ses infestationes et fasse pénitence137.
72Après ce début turbulent, l’église Saint-Odon reste dans l’ombre. Vers 1160, sans doute à la suite d’un incendie, le prieur claustral de Cluny entreprend sa reconstruction. Peut-être était-elle déjà trop petite pour accueillir le peuple toujours plus nombreux de la nouvelle paroisse. Les circonstances sont troubles, rapportées partiellement dans la chronique de Cluny du XVe siècle. L’église Saint-Odon semble avoir été entièrement détruite. On édifie à sa place une église aussi grande que Sainte-Marie et l’on change son vocable138. Saint Odon perd son église au profit de saint Marcel ! Un changement de vocable est loin d’être une affaire anodine. Si la chronologie généralement admise est exacte, l’église Saint-Odon n’a existé que soixante-dix ans environ. Vers 1090-1100, elle participe au marquage du bourg par les reliques ou la mémoire des saints abbés. Vers 1160, elle disparaît. C’est un véritable bouleversement dans la topographie sacrée du bourg que l’on ne peut expliquer par la simple conséquence d’un incendie. Le premier problème est de savoir à quel saint Marcel l’église est dédiée : le martyr de Chalon du IIe siècle, compagnon de saint Valérien et de saint Pothin, ou le pape martyr du IVe siècle ? Personne ne s’est jamais posé la question et je ne connais aucune source qui permette sans ambiguïté de trancher. Les deux saints sont honorés à Cluny dès le XIe siècle. Ils sont souvent présentés ensemble à tel point qu’ils semblent parfois confondus. L’étude approfondie de leur culte permettrait sans doute d’éclairer notre lanterne. Sans aller jusque-là, il est possible de rassembler quelques données.
73Les reliques du martyr de Chalon-sur-Saône sont sans doute arrivées à Cluny au début de l’abbatiat d’Odilon via le monastère de Saint-Marcel-lès-Chalon donné à Cluny en mai 999139. Dans le premier tiers du XIe siècle, elles se trouvent dans l’imago sancti Petri qui contient l’essentiel des reliques conservées dans le monastère140. L’abbé Hugues porte un intérêt particulier pour le saint martyr. Le seul de ses sermons dont le texte nous soit parvenu concerne saint Marcel de Chalon. Il est présenté comme un adversaire infatigable du diable et un garant de l’unitas du peuple chrétien de la cité chalonnaise et de ses environs141.
74L’arrivée des reliques du pape Marcel à Cluny est peu claire. Une lettre de l’abbé Odilon au roi Etienne de Hongrie les mentionne pour la première fois142 et le liber tramitis atteste que le corps de saint Marcel est à Cluny vers 1027-1040. On le conserve dans une chasse d’argent. Le traitement privilégié des reliques de saint Marcel n’est pas un cas unique. Il est comparable à celui des reliques de saint Maïeul et de saint Grégoire le Grand, l’autre pape dont des restes sont à Cluny. Les reliques de ces deux saints ne sont pas dans le réceptacle commun que constitue l’imago Sancti Petri. Celles de Grégoire le Grand sont dans une chasse d’argent et celles de saint Maïeul dans un vase de verre143. Elles sont toutes deux régulièrement portées en procession à l’intérieur ou à l’extérieur du monastère144.
75Au début du XIe siècle, le culte du pape Marcel semble étroitement lié à celui de son homonyme martyr de Chalon. La fête du saint chalonnais est en effet célébrée le même jour que la réception des reliques du pape martyr à Cluny, soit le 4 septembre. Mais dès la fin du siècle, les deux sont distinguées. La Saint-Marcel de Chalon se tient le 4, l’exceptio des reliques du pape, le 5 septembre145. Le culte du pape martyr semble prendre alors son envol et une signification particulière dans la construction de la communauté clunisienne. Selon Gilon, l’un de ses biographes, l’abbé Hugues se serait fait apporter à la veille de sa mort, le 28 avril 1109, la châsse du pape Marcel pour se recommander à lui en prière146. Quelques années plus tard, Pierre le Vénérable consacre un sermon au pape martyr dont il fait le « pasteur privilégié des brebis du Christ », « l’évêque du peuple chrétien » qu’il « a instruit par sa prédication », un des précurseurs de l’ecclesia militans par son rôle pastoral et sa construction d’églises et un des chefs des membrorum Christi, c’est-à-dire de la communauté des fidèles unis dans le corpus mysticum de l’Église147. Le pape Marcel devient un personnage clé pour définir la société-Église et inclure les laïcs dans la communauté ecclésiale clunisienne. C’est peut-être à cette date que sa châsse de bois couverte d’argent est déposée sur l’autel majeur de Cluny à côté de celle de saint Hugues, de même facture148. De même, il n’est pas étonnant qu’un lieu de culte propre lui soit consacré. Il est tout à fait intéressant que ce lieu soit dans le bourg, au beau milieu du populus dont le pape passe pour avoir été l’évêque particulier et que les abbés de Cluny aimeraient bien pouvoir contrôler aussi nettement.
76Le saint Marcel honoré dans l’église du bourg est donc vraisemblablement le pape martyr, mais on ne peut exclure l’hypothèse que les deux Marcel présents à Cluny aient été confondus en un seul : un pape modèle pour l’Église clunisienne et un saint martyr local.
2. La « localisation du sacré » dans le bourg de Cluny aux XIe et XIIe siècles - Essai d’interprétation
77Tentons à présent de rassembler ces données éparses pour reconstruire le développement topographique du bourg et l’organisation de son espace aux XIe et XIIe siècles.
78En 1100, les quatre zones topographiques du bourg sont pourvues d’une église : Saint-Maïeul sur la colline à l’ouest, Saint-Odilon sur la colline au sud, Saint-Odon dans la plaine alluviale à l’est de la Grosne, Sainte-Marie dans le vallon central entre les deux collines (carte 36). Les trois églises dédiées aux saints abbés sont à peu près équidistantes du point central, l’église abbatiale où repose, dès 1109, l’abbé Hugues (saint Hugues à partir de 1120). Chaque sanctification d’un abbé de Cluny s’est accompagnée de la construction d’une chapelle en son honneur, non pas dans le monastère mais dans son pourtour proche, là où s’installe une population de plus en plus nombreuse de laïcs. Dès 1080, le territoire du bourg est inclus dans la banlieue inviolable de saint Pierre. Dans le même temps, les reliques des saints abbés polarisent ce territoire et marquent ses limites : Saint-Maïeul, Saint-Odon et Saint-Odilon sont à la périphérie de l’espace urbanisé. Le processus est accompli au début du XIIe siècle avec la canonisation de saint Hugues, premier des quatre saints abbés mort à Cluny et dont le corps repose dans le monastère.
79C’est sans doute en ce tournant du XIIe siècle que les églises du bourg sont incluses dans le circuit des processions monastiques. Saint-Maïeul, on l’a vu, l’était déjà dès la première moitié du XIe siècle. C’est moins net pour les autres chapelles car leur édification est contemporaine ou légèrement postérieure aux derniers coutumiers clunisiens connus, ceux de Bernard et d’Ulrich (vers 1075-1080). En revanche, le processionnal du XIVe siècle signale clairement les stations vers Saint-Maïeul le dimanche des Rameaux et le jour de la Saint Maïeul (11 mai), vers Saint-Odilon et Saint-Marcel lors des Rogations149. Ces processions existaient vraisemblablement encore au XVIIe siècle150.
80La mise en place de cette organisation spatiale est strictement contemporaine de la structuration de l’ecclesia Cluniacensis, de la construction de la nouvelle ecclesia du monastère - la gigantesque église abbatiale -, de la composition des monuments de parchemin que sont les cartulaires, les Vies des saints abbés et les coutumiers, de la mise en place du système domanial avec les loca clunisiens. Saint Maïeul le premier puis saint Odilon et saint Odon sont instrumentalisés pour devenir les pères fondateurs de la société-Église clunisienne conduite par (saint) Hugues. Aux portes du monastère, là où l’emprise sur les laïcs est la plus aisée, là où la sainteté du locus est la plus prégnante, les trois saints abbés sont installés pour devenir les pères de la communauté d’habitants. À ce panthéon clunisien s’ajoute la Vierge dont l’église est installée dans le centre, tout près du monastère. Marie est le symbole de la virginité monastique, elle est la « mère de miséricorde » des clunisiens151. Dans le monastère, elle accompagne les saints Pierre et Paul. Dans le bourg, elle accompagne les saints abbés et protège tous les hommes qui viennent résider ici, auprès des saints clunisiens.
81En 1100 à Cluny, il n’y a pas d’église paroissiale proprement dite. Il existe quatre chapelles, desservies par des chapelains nommés par l’abbé, établies selon le schéma idéal de l’ordre du monde clunisien. Cependant, les quatre chapelles ne connaissent pas la même évolution, d’ailleurs très rapide. Il suffit d’observer la topographie actuelle du bourg de Cluny pour s’en faire une idée. Sainte-Marie et Saint-Odon/Saint-Marcel sont au cœur de deux quartiers très denses ; Saint-Maïeul est dans l’angle nord-ouest du bourg, tout près de l’enceinte. On s’y rend par une seule rue qui part des portes du monastère ; Saint-Odilon est restée à l’écart du bourg intra-muros au moins dès le XIVe siècle, peut-être dès la fin du XIIe, lorsqu’on construit l’enceinte de pierres. Aucun hameau structuré ne semble jamais s’être établi autour d’elle. En 1120, lorsque Hugues devient définitivement saint, Sainte-Marie et Saint-Odon deviennent paroissiales. Deux nouvelles cellules vont dès lors s’imposer, celle du clergé séculier et des laïcs, en opposition - au moins latente - à l’inclusion de l’ensemble du bourg dans l’ecclesia Cluniacensis par le biais des saints abbés. L’opportunité d’un incendie en 1159 aboutit au changement de vocable et à la reconstruction de Saint-Odon aux dimensions de la communauté qu’elle doit accueillir. En substituant saint Marcel à saint Odon, les moines de Cluny agissent habilement en remplaçant le saint abbé mort à Tours en 942 par un martyr dont ils possèdent les reliques et dont la renommée universelle (le pape Marcel) et/ou locale (le martyr de Chalon) est plus propice au patronage de la communauté paroissiale. C’est dans ce cadre que s’organise le peuplement du burgus de Cluny et que naît la communauté d’habitants.
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82On s’est pour le moment intéressé aux fondements de la domination clunisienne et à sa matérialisation dans l’espace au cours de la seconde moitié du XIe siècle. La domination des moines, fondée sur la possession de la terre et des hommes et instituée par l’immunité et l’exemption, s’exerce à partir d’un réseau de lieux établis dans la région de Cluny et dans des zones étroites autour du monastère. Après une promenade prolongée sur les chemins du Clunisois puis les quartiers du bourg abbatial, il faut maintenant se pencher sur l’organisation des rapports sociaux dans ces lieux et ces territoires. À l’intérieur du ban sacré et de la villa de Cluny, la juridiction temporelle et spirituelle de l’abbé est absolue. Dans les doyennés, les moines exercent leur domination polymorphe par la perception des rentes foncière, des dîmes, voire en protégeant les hommes des alentours et en leur assurant l’hospitalité occasionnelle. Pendant la période où le réseau des doyennés se met en place, où la « loi du ban » et de la villa est promulguée, les moines de Cluny s’efforcent de mettre en ordre la société qui les entoure et de faire régner la paix, leur paix, celle qui implique la reconnaissance des droits et de la propriété de saint Pierre. La deuxième moitié du XIe siècle, constitue une période d’intense activité pendant laquelle les moines écrivent, prêchent et négocient avec les laïcs des environs pour faire régner la paix clunisienne. C’est l’examen de ce discours qu’il nous faut maintenant suivre pour mieux comprendre la nature du lien social entre les moines et les laïcs de la terre clunisienne.
Notes de bas de page
1 Annexe 3, l. 57-61.
2 Voir par exemple dans un contexte régional : G. Fournier, Le peuplement rural, p. 232-240 ; P. Bonnassie, La Catalogne, I, p. 215-219 ; D. Barthélemy, La société, p. 182-183. Dans un contexte plus large, R. Fossier, La société médiévale, p. 43-48.
3 T. Chavot, dans M, préface, p. lxxi-cxii, cci-ccxxiii ; M. Chaume, Les origines, II/3, p. 1014-1169 ; A. Déléage, La vie rurale, p. 115-148 ; G. Duby, La société, p. 73-86 ; F. Bange, « Ager et villa », notamment p. 533-538 ; B. Rosenwein, To be the Neighbor, p. 29-30.
4 Dans 33 chartes comprises entre 825 et 993 : M 55 (825), BC, Notae, col. 13 (825), M 52 (825), MPMA, I, no 2 = C 53 (893), MPMA, I, no 4 = C 112 (910), C 196 (914), C 201 (916), C 290 (927-928), C 381 (930), C 386 (930), C 432 (935), C 504 (939-940), C 513 (940), C 556 (942-954), C 606 (942-954), C 646 (943), C 718 (948), C 722 (948), C 727 (948), C 760 (950), C 762 (950), C 772 (950), C 773 (950), C 778 (950), C 796 (950-951), C 850 (953), C 853 (953), C 866 (953-954), C 1086 (960), C 1110 (961), C 1191 (965-966), C 1361 (974), C 1946 (993).
5 Sacrosanctae aecclesiae sanctorum apostolorum Petri et Pauli, que construitur in pago Matiscensi, in villa Cluniaco (avec variantes possibles) : C 196, 201, 290, 432, 1361. Biens donnés ou échangés dans la villa de Cluny : M 55, BC, Notae, col. 13, M 52, MPMA, I, no 2 = C 53, MPMA, I, no 4 = C 112, C 386, C 513.
6 C 381, 386, 504, 556, 606, 646, 718, 722, 727, 760, 762, 772, 773, 778, 796, 850, 853, 866, 1086, 1110, 1191, 1946.
7 Actum Cluniaco villa monasterio : C 718 ; Actum Cluniaco villa in atrio Sancti Petri : C 727, 850, 853, 1110.
8 Sur les agri en Mâconnais et l’ager de Ruffey en particulier, F. Bange, « Ager et villa », p. 546-547.
9 Sur les références à ces villae et leur localisation : T. Chavot, dans M, préface, p. ccvi, ccxiv, ccxviii, et Id., Le Mâconnais, p. 179-180, 188, 240.
10 C 3181 (v. 1090-1100), C 3221 (v. 1100), C 3406 (1065), C 3726 (1097), C 3806 (v. 1100), C 3822 (1103-1104), C 4098 bis (1145), C 4132 (1147-1148), C 4205 (1161-1173), P 221 (1180-1181), C 4329 (1188).
11 CPA ; Annexe 3 ; M, praevia, p. cclviii ; RPA 17. Je ne compte qu’une seule mention par acte, même si le terme est cité plusieurs fois. En particulier, je ne compte qu’une seule mention pour les coutumes de Bernard et d’Ulrich bien que le terme villa soit cité de nombreuses fois.
12 Bernard, I.2, p. 139, I. 5, p. 145, I.6, p. 148 ; Ulrich, I. 46, col. 691, III. 11, col. 751, III. 5, col. 738.
13 Bernard, I.9, p. 152, 154-155 ; I. 12, p. 157.
14 Les fonctions de l’aumônier sont décrites en détail dans Bernard, I.13, p. 157-161, et plus sommairement dans Ulrich, III. 24, col. 765-767. Ces passages ont été commentés par G. DE Valous, Le monachisme, I, p. 161-166 ; W. Witters, « Pauvres et pauvreté », p. 205-211 ; J. Wollasch, « Eleemosynarius », p. 984-989 ; Id., « Les obituaires » ; Id., « Toten-und Armensorge ».
15 Bernard, I.13, p. 159 : Hoc quoque pertinet ad eleemosynarium, ut semel in hebdomada totam villam perlustret, assumptis secum famulis suis, et pane et carne in cophinis, et vino in aliis vasis, visitans illos, qui pauperes alicubi jacent aegroti ; et si masculus est, ipse visitaturus intrat ; si femina, ad ostium stat, et famulum suum mittit ad eam, et dato eisdem quod melius potest, consolatur ipsos ; et si quidlibet desiderant, praeter quod dedit eis, si commodum ullo modo ei est, inquirit, et postmodum mittit per famulos suos. Cf. également Ulrich, III.24, col. 767. Ce rôle de l’aumônier a déjà été souligné par J. Wollasch, « Eleemosynarius », p. 988, et Id., Cluny. « Licht der Welt », p. 113.
16 Ulrich, III. 24, col. 766.
17 C 3406. La charte de 1065 ne permet pas de localiser la maison.
18 Voir infra chapitre 10.
19 CPA, p. 489, l. 51-54 : Precipue uero milites qui in hac Cluniacensi uilla habitant hoc cauere monemus, ne huius mali concitatores fiant.
20 Don de serfs par Geoffroy de Merzé, daté 1049-1109, et Notes Duby, « vers 1100 » : Dono etiam unam ancillam cum filiis et filiabus suis in villa Cluniaco (C 3221). Dons d’une maison par l’adolescens Joceranus en 1065 (C 3406 : domum suam in villa Cluniacensi sitam...) et par Humbert de Bourbon vers 1100 (C 3806 : in villa Cluniacensi, possessionem domus quae quondam fuerat Wichardi de Casellis...).
21 C 3181 (v. 1090-1100), 3726 (1097), 3822 (1103-1104).
22 C 4098 bis ; C 4142 ; M, praevia, p. cclviii ; C 4205 ; C 4329 ; P 221 ; RPA 17.
23 L’histoire du mot burgus et de ses différentes acceptions a fait l’objet de nombreuses études notamment dans l’espace germanique : W. Schlesinger, « Burg und Stadt », p. 128-143 ; H. Büttner, « Studien zum frühmittelalterlichen Städtewesen », p. 164-168 ; G. Köbler, « Civitas und vicus ». Le Mittellateinisches Wörterbuch, I, col. 1622-1624, présente un bon panorama. En France, A. Chédeville dans Histoire de la France urbaine, II, p. 59-62 et Id., « La guerre des bourgs », p. 501-502. A. Lombard-Jourdan, « Oppidum et banlieue », p. 374-375 dresse un tableau utile des différents termes utilisés aux Xe-XIIe s. pour qualifier les agglomérations fortifiées ou non.
24 C 2255. G. Duby, « La ville de Cluny », p. 260 et Id., La société, p. 46.
25 G. Chachuat, « Des rapports entre l’abbaye et les habitants de Cluny », p. 20 ; S. Content et al., « La ville de Cluny », p. 465 ; P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 72. De même, Histoire de la France urbaine, II, p. 61. D. Iogna-Prat, « Cluny à la mort de Maïeul ».
26 C 2255 : phrase citée supra, p. 77, n. 147.
27 C 2255 : Statuerunt etiam in eodem sancto concilio, ut nulla secularis dignitas seu militaris sublimitas, aut hominem juxta Cluniacum commanentes et in locum quoque jam dictum Carum Locum commorantes, in eundem castrum vel in burgum ejusdem loci predam auferre vel predam aliquam tam in bubus, vaccis, vel porcis, quamque etiam in caballis, [...] quia non decet sanctis cenobitis in jam dicto loco morantes a malignis vel superbis hominibus aliquas molestias ingeri.
28 Pour Cluny, D. Iogna-Prat, « Cluny à la mort de Maïeul », p. 17 ; B. Rosenwein, Negotiating Space, p. 170-171. Pour Charlieu : É. Fournial, Charlieu, p. 157-159.
29 D. Iogna-Prat, « Cluny à la mort de Maïeul », p. 14-15.
30 C 3685 (v. 1094) ; PL 151, col. 410 (1095) ; Sermon d’Urbain II, 1095 (Annexe 3) ; C 3939 (1117) ; PL 166, col. 1260 (1126) ; Stat. PV 24, p. 61 (1146/1147) ; C 4132 (1147/1148) ; PL 188, col. 1070 (1154) ; C 4223 (1166). On aimerait savoir sur quels documents s’appuient P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 97, pour affirmer que « la mention répétée du burgus de Cluny au XIe s. » [aucune référence antérieure à 1094 !] permet d’affirmer l’existence d’une enceinte autour du bourg en l’an mil.
31 Lothaire/Louis V, p. 16. Sur cet acte, chapitre 1, supra, p. 73-76.
32 Contrairement à ce que propose D. Iogna-Prat, « Cluny à la mort de Maïeul », p. 17.
33 Bernard, I. 74, p. 273 ; I. 9, p. 152-153. G. De Valous, Le monachisme I, p. 172-173, cite ce passage et traduit castellum par bourg.
34 Sur ces processions et déambulations de reliques, voir infra chapitre 5, p. 244-246.
35 MAR 14 <1082-1088>. Charte connue par sa seule traduction en français au XVIIe s. : MAR, p. iv.
36 Contrairement à J. Wollasch, « Heiligenbilder in der Liturgie Clunys », p. 453 et Id., Cluny. « Licht der Welt », p. 84.
37 Catalogue d’exemples dans É. Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique, VI, p. 430-440, et J.-F. Lemarignier, Étude sur les privilèges d’exemption, p. 124-130. Également H. Büttner, « Studien zum frühmittelalterlichen Städtewesen », p. 167.
38 K. J. Conant, Cluny, p. 62, identifie le castellum à la porte principale du monastère qu’il imagine fortifiée.
39 C 3399 (1064), les septa monasterii ; C 3896 (v. 1110-1116) et C 3966 (1123) : major murus monasterium et officinas claudit.
40 É. Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique, VI, p. 440-443 distingue deux cas de figures pour les IXe -XIe s. : une même enceinte pour le monastère et le burgus ; une double enceinte, l’une en dur pour le monastère, l’autre plus légère (palissade) pour le bourg et le monastère.
41 K. J. Conant, Cluny, pl. IV à VIII. Une petite partie du tracé dessiné par Conant a été confirmée par des recherches récentes : A. Baud, « Les fouilles archéologiques du transept », p. 10-11. À défaut d’autre source, je reprend néanmoins sur les plans suivants le tracé dessiné par Conant.
42 M. Bouillot, « Formes et urbanisme », p. 196-197, dresse un plan du bourg avec son enceinte d’après les terriers du XVIIIe siècle. C’est le seul plan que l’on peut dresser avec certitude. P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, fig. 72, p. 101, dressent un plan du bourg avec son enceinte vers 1300 mais aucune source ne fonde cette restitution. Dans les plans suivants, je m’appuie sur le tracé des terriers du XVIIIe siècle.
43 Sur cette révolte voir chapitre 7, infra p. 315-326.
44 PL 166, col. 1260 : Praecipimus etiam sub anathemate ut nullus, in ecclesiis vel in officinis infra ambitum muri Cluniaci, aut deforis infra claustra vel pertinentiam totius burgi constitutis, campanas pulsare, vel officina celebrare divina, vel capitulum facere praesumat quousque Pontius inde exeat, et ab hac infestatione quiescat.
45 Des traces fort ténues de fossés, attribuées aux Xe-XIe s., ont été repérées récemment au nord-ouest de la ville : DEPAU. Cluny, p. 13, pl. 3.
46 BC, col. 1662D : Iste autem Theobaldus acquisivit decimas huius villae et muros eiusdem incoepit.
47 BnF, nouv. acq. lat. 2483, f° 13r (vers 1480) : Hoc anno dirutti sunt muri istius ville a domino Philippo rege francorum. in mense septembris. Sur le ms. BnF, nouv. acq. lat. 2483, voir supra p. 25-26.
48 BC, col. 1662-1663.
49 C 4471 (1213) ; C 4614 (1232) ; AN, J 259, Mâcon, no 4 = LTC, II, 327 ; C 5505 (1307).
50 La prise en charge par les habitants de la fortification de la ville a profondément modifié leur conscience communautaire : voir chapitre 10, infra, p. 462-467 et D. Méhu, « Notes sur la construction », p. 39-41.
51 P. Degueurce, « Cluny. Étude d’évolution urbaine », p. 130-136, schéma p. 136.
52 G. Duby, « La ville de Cluny », p. 260 ; Id., La société, p. 46, 267-268.
53 P. Lavedan, J. Hugueney, L’urbanisme au Moyen Age ; M. Bouillot, « Formes et urbanisme », p. 195-197 et Id., « Contribution à l’étude des plans », p. 174-179. Voir également M. Bouillot, « Présentation du vieux Cluny », notamment p. 63-64.
54 M. Bouillot, « Contribution à l’étude des plans », p. 175-178, 204. Le parcellaire de Cluny a également fait l’objet d’un mémoire de fin d’études pour l’obtention du diplôme d’architecte : P.-M. Delpeuch et G. Pindat, Cluny. Histoire, urbanisme, architecture. Cette étude inédite déposée au MAAC est fort peu historique.
55 S. Content et al., « La ville de Cluny », p. 470-475 ; plus récemment et de manière plus détaillée : P. Dixon et al., « Le développement urbain de Cluny : ville et société du XIe au XVe s. », dans P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 88-97. La méthode de M. Conzen et les enquêtes qu’elle a inspirées sont résumées p. 88-89 (avec références bibliographiques).
56 Sur les maisons médiévales de Cluny, on se reportera aux travaux de P. Garrigou-Grandchamp et J.-D. Salvêque cités en bibliographie.
57 P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 95-96, fig. 63.
58 Les enquêtes archéologiques entreprises dans la ville de Cluny sont encore très ponctuelles. Quelques données sont rassemblées dans D.E.P.A.U Cluny, p. 13-28. Depuis la publication de ce rapport, quelques fouilles ont apporté des éléments ténus sur le parcellaire, l’alignement des rues, l’organisation des maisons : N. Roiné, Travaux d’assainissement ; Id., Mise en valeur des espaces publics ; G. Rollier, D. Méhu, Cluny, rue Bénetin ; I. Beyer, B. Flüge, Cluny. 20, rue du Merle ; P. Y. Tilmant, Cluny. Rue Mercière.
59 D.E.P.A.U. Cluny, p. 11-49, 67-76 et 13 planches hors texte.
60 L’église Saint-Jean-Baptiste qui aurait précédé Saint-Maïeul figure sur la carte des origines de Cluny, p. 14, carte 3 ; elle n’est pourtant attestée par aucun document. Le tracé de l’enceinte du XIIe s. est reporté sans aucune preuve documentaire ou archéologique, p. 25-26, carte 5. L’église Saint-Vital, connue uniquement par la chronique du XVe s. et les terriers de ca. 1780 figure parmi les constructions des XIIe-XIIIe s., p. 27, carte 5. On pourrait multiplier les exemples. Presque toutes les références doivent être vérifiées et le document doit être utilisé avec les plus grandes précautions.
61 D.E.P.A.U. Cluny, p. 18-19.
62 M. Fixot, É. Zadora-Rio, dir., L’église. Le terroir ; Id., L’environnement des églises ; J. C. Picard, dir., Les chanoines dans la ville.
63 R. Fossier, Enfance de l’Europe, I, p. 318-364 ; É. Zadora-Rio, « Le village des historiens » ; Archéologie du cimetière chrétien, notamment p. 49-63 ; C. Treffort, L’Église carolingienne, p. 119-163 ; M. Lauwers, La mémoire des ancêtres, p. 103-332.
64 Exposé théorique fondamental dans A. Guerreau, « Quelques caractères ». Également les réflexions des historiens du SFB 235 de Trèves (Städte zwischen Rhein und Maas im Herrschafts-und Sozialgefüge während des hohen und späten Mittelalters im Vergleich), notamment A. Heit, « Raum. Zur Erscheinungsbild » ; F. Irsigler, « Raumkonzepte » ; Id., « Raumerfahrung und Raumkonzepte ».
65 Point circonstancié sur la question dans Histoire de la France urbaine, II, p. 59-62.
66 Les travaux d’A. Penjon, Cluny, p. 19-32 et J. Virey, « L’architecture romane », XVII, p. 333-340, XIX, p. 232-234, repris dans Id., Les églises romanes, p. 255-265 ont inspiré les études ultérieures. Par exemple : S. Content et al., « La ville de Cluny », p. 464-465 ; P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 95-96, 99 ; G. Constable, « The Abbot and Townsmen », p. 154-156.
67 Quelques exemples de construction en opus spicatum en Bourgogne du sud, généralement datés des environs de l’an mil : les églises de Saint-Clément-sur-Guye, Prayes (démolie), Saint-Laurent de Tournus, Mellecey, une partie des absides de Saint-Philibert de Tournus, à Cluny le mur d’un bâtiment contemporain de Cluny II dans l’enceinte abbatiale, les parties basses du château de Brancion. Cf. J. Virey, Les églises romanes, p. 360-362 ; C. Sapin, La Bourgogne pré-romane, p. 163-164 ; A. Baud, « Les fouilles archéologiques du transept », p. 10-11 ; P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 89.
68 Sur les prémices du culte de saint Maïeul, D. Iogna-Prat, Agni immaculati, p. 147-148, 377-378.
69 D. Iogna-Prat, « Cluny à la mort de Maïeul », p. 17-18.
70 C 2556 : Hec omnia dono Deo et sancto Maiolo pro remedio anime mee, ut per merita ipsius eterna valeam adipisci premia ; et faciant monachi sancti Petri et sancti Maioli quod voluerint ab hodierno et deinceps.
71 Ibid. : S. Arlei, qui fieri et firmare rogavit. S. Sivuini. S. Ingelelmi. S. Arlei. S. Ornadi presbiteri. S. Duranni. S. Maioli clerici.
72 LT 189, p. 261, l. 7-10 : In capsa argentea continetur corpus Sancti Marcelli pape et reliquie de proprio corpore sancti Gregorii papae et portio capillarum sancti Maioli in vase vitreo.
73 Voir chapitre 1, supra, p. 50-52.
74 Sur cette question, D. Iogna-Prat, « Panorama », p. 104-105.
75 Cette erreur de lecture est encore présente dans l’article de D. Iogna-Prat, « Cluny à la mort de Maïeul », p. 17.
76 C 2556, note 9, p. 620-621.
77 B. Dumolin, Description historique et topographique (MAAC, ms. 71), f° 4 : on peut soupsçonner avec fondement que léglise de saint Jeanbaptiste connüe aujourd’huy sous le nom de léglise de saint mayeul fut la première paroisse de Cluny ; f° 5 : l’église de saint Mayeul connüe auparavant sous le nom de chapelle de saint Thibaut dont l’invocation luy fut donnée par un chapelain de ce nom en l’honneur de son patron, après avoir élevé au matin de l’église un dôme en cûl de lampe que l’on a détruit de nos jours et dont les matériaux ont servi a la construction de l’hotel Dieu de la ville, cette église de saint Mayeul avant sa dédicace a saint Thibaut, était sous le vocable de saint jeanbaptiste comme on la déja remarque cy devant. Ce « dôme en cul de lampe » dédié à saint Thibaud est figuré sur la gravure de Louis Prévost, Ville de Cluny et ses dehors veüs de cet aspect, vers 1670, Cluny, MAAC (reproduite par K. J Conant, Cluny, pl. XIV). Il n’est mentionné dans aucune source médiévale et semble dater de la période moderne. Seul A. Bernard, « Les églises de Cluny », p. 159, situe par hypothèse la construction de l’église Saint-Thibaud vers 1179-1183, sous l’abbatiat de Thibaud de Vermandois. B. Dumolin, ibid., f° 16 : sous le règne de saint Hugues [...] la chapelle de saint Thibaud qui avoit déjà été sous l’invocation de saint jean baptiste, fut mise sous le vocable de saint Mayeul. Ibid., f° 17 : La chapelle placé sur la gauche est un monument aux saints invoqués autre fois pour patron de la paroisse ; du côté a droite on voit l’image en sculpture de saint Thibaud et sur la gauche celle de saint JeanBaptiste exprimé dans le même gout.
78 C 653, C 655, C 1120, C 1124. Sur les dons à saint Jean-Baptiste : B. Rosenwein, To be the Neighbor, p. 148-150. J. Nospickel, « Graf Leotald von Mâcon », p. 164-165, n. 45, emet l’hypothèse de l’installation des reliques de saint Jean-Baptiste dans la future église Saint-Maïeul. Pour soutenir cette hypothèse, il s’appuie sur les érudits locaux qui affirment, sans fondement, l’existence de l’église Saint Jean-Baptiste à Cluny avant l’an mil. Les arguments se mordent la queue.
79 Autel dédié à saint Jean-Baptiste : LT 83, p. 124, l. 14-15 ; LT 106, p. 158, l. 10. Les affirmations de B. Dumolin, dépourvues de source, ont pourtant fait école. Philibert Bouché de la Bertillière, érudit clunisois qui écrit entre 1790 et 1810 les a repris textuellement dans sa description de l’église Saint-Maïeul : P. Bouché de la Bertillière, Description historique et chronologique, t. 1 (MAAC, ms. 117), f° 364-411. A. Penjon, Cluny, p. 19, s’appuie, sans les citer, sur ses deux auteurs et publie leurs erreurs. C’est vraisemblablement sur cet ouvrage que les éditeurs du Recueil des chartes de Cluny se sont fondés pour mentionner l’ancien vocable Saint-Jean-Baptiste. J. Virey, Les églises romanes, p. 261-265, reprend textuellement Bouché et Penjon sans apporter aucune critique. La « Notice historique sur la ville de Cluny » anonyme rédigée dans l’Annuaire de Saône-et-Loire, 1827, p. 229-247, mentionne l’ancien vocable Saint-Thibaud de l’église Saint-Maïeul. A. de Barthélémy, « Essai sur l’histoire monétaire » mentionne l’existence au IXe s. « d’une chapelle en l’honneur de saint Thibaut depuis changée en Saint-Mayeul ». Même dans des travaux récents, l’ancien vocable de Saint-Maïeul (on retient généralement uniquement Saint-Jean-Baptiste) est cité sans état d’âme : D.E.P.A.U. Cluny, p. 14 ; P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 99.
80 Sur la datation du coutumier : LT, p. XLIII-XLVII, précisé par J. Wollasch, « Zur Datierung des Liber tramitis ».
81 LT 69, p. 101, l. 17, p. 102, l. 1 : [...] Dum acceptas habuerint, non se ilico induant, sed ad basilicam quae est suo nomine dicata pergant. Tunc sint ad processionem aptata duo candelabra, textes euangelii, aqua sancta, crux et procedant ad aecclesiam praenotatam ordinatim ut mos est <in> aliis processionibus hos psalmos decantando Beatus uir aut Ad dominum cum tribularer, similiter in redeundo.
82 Le LT n’en fait aucune mention. À la fin du XIe s., saint Maïeul est honoré dans le monastère avec tous les autres saints reconnus par Cluny comme confesseurs dans la chapelle nord de l’église Sainte-Marie du cloître : Bernard, I. 70, p. 262.
83 Processions ad ecclesiam extra monasterium, LT 167, p. 241 ; procession pour Noël in basilica ante portas monasterii : LT 13.4, p. 23, l. 15-16 ; pour les Rameaux, ad aecclesiam citra monasterium : LT 54.2, p. 69, l. 13 ; pour les Rogations (LT 70.2, p. 104, l. 11-21) et pour l’Ascension (LT 71, p. 106, l. 9-16), l’expression extra monasterium est absente mais tout porte à croire que l’ecclesia indiquée est bien hors du monasterium.
84 Par exemple LT 142, p. 205, l. 14 ; 152, p. 217, l. 8 ; 168, p. 241, l. 8 ; 169, p. 242, l. 7-8. Sur un plan plus général, c’est semble-t-il l’acception la plus courante à partir de l’époque carolingienne : P. Bonnerue, « Éléments de topographie historique », p. 59.
85 Par exemple, la veille de la Pentecôte et de la fête de tous les saints, on orne de draperies le monasterium, la basilique Sainte-Marie, le chapitre et le réfectoire : LT 74.1, p. 111, l. 6-10 ; 125.1, p. 182, l. 10-18.
86 La majorité des occurrences de l’ecclesia Beatae Mariae dans LT, Bernard et Ulrich signalent une procession vers cette église.
87 Bernard, II. 14, p. 307. Ulrich, I. 54, col. 698 reprend à peu près le même texte. Cette procession est étudiée plus en détail dans le chapitre 5.
88 Noël : Bernard, II. 19, p. 319-322 ; Ulrich, I.15, col. 604-605. Rogations : Bernard, II. 22, p. 327-329 ; Ulrich, I.21, col. 669-670. Ascension : Bernard, II.23, p. 330-331 ; Ulrich, I. 22, col. 670-671.
89 C’est également ce que suggère un processionnal clunisien du XIVe siècle, ne mentionnant les processions vers l’église Saint-Maïeul que pour le 11 mai et le dimanche des Rameaux : ms. Solesmes, Bibl. Abb. Réserve 28, f° 31v, 111-112v, cité par M. Huglo, « The Cluniac Processional », p. 210-211.
90 PL 146, col. 1293-1295.
91 Quatre sources témoignent de ces épisodes. Une lettre de Pierre Damien aux moines de Cluny (nov. 1063) : Die Briefe des Petrus Damiani, III, no 100, p. 101-115. Le récit de Pierre Damien sur son séjour en Gaule, rédigé sans doute en 1064 : De Gallica Petri Damiani profectione, p. 1036. Le mémorandum du synode de Chalon les 16 et 17 août 1063 : PL 145, col. 859 (= Mansi, XIX, p. 1025-1028 ; Bull. p. 209 ; BC, col. 509-510 ; indiqué dans C 3395-3396 avec quelques corrections). Une notice du cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon rappelant la rebellio de l’évêque Drogon et sa soumission au concile de Chalon : M 521. Dernier point bibliographique sur la question : A. Kohnle, Abt Hugo, p. 84-88.
92 Bulle du 9 déc. 1075, éd. Santifaller 107, p. 99 : Nec quouismodo quisquam aepiscopus seu archiepiscopus locum ipsum seu capellas supradictas, uidelicet Sanctae Marie, Sancti Maioli et Sancti Odilonis, uel presbiteros ab abbate ibi constitutos uel monachos ipsius monasterii excommunicare uel iudicare audeat, set semper sub tutela et emunitate Romana soliusque Romani pontificis iuditio consistentes omnipotenti Domino quieti securique deseruiant.
93 Voir en dernier lieu les différents exemples du Mittellateinisches Wörterbuch, t. I, col. 1383-1385.
94 LT 167, p. 240, l. 14-17 : [...] Pater noster in hoc loco non est dicendum <ne dicat> sacerdos clamosa uoce Et ne nos, sed statim promat psalmum pro defunctis qui ibi requiescunt Lauda anima mea dominum, /capitulum A porta inferi, Dominus uobiscum, oratio Deux cuius miseratione.
95 K. J. Conant, Cluny, p. 63 ; D. Poeck, « Laienbegräbnisse ».
96 Plusieurs fouilles récentes ont mis au jour des sépultures là où ne pensait pas en trouver : N. Roiné, « Cluny. Place du marché », p. 29-31 et en dernier lieu A. Baud, « La place des morts ».
97 LT 200, p. 280, l. 7-11 : <De aegris ad succurendum professis et extra defunctis.> Eger <si> extra monasterium accipiens habitum et ibi finierit, nichil agendum est pro eo a fratribus, nisi tantummodo corpus eius in cimiterio fratrum/condiendum <est> uel in tali loco dispositum ubi talis defunctus mittatur. Nullo modo in populare cimiterio ponatur.
98 LT167, p. 240, note des l. 15-16.
99 B. Dumolin, Description historique (MAAC, ms. 71), f° 17 ; P. Bouché de la Bertillière, Description historique et chronologique, tome 1 (MAAC, ms. 117), p. 411, n. 177 ; A. Penjon, Cluny, p. 21 ; J. Virey, Les églises romanes, p. 264.
100 BnF, nouv. acq. lat. 2273, no 7 et 15. Je reviens à la fin du chapitre 10 sur les testaments clunisois de la fin du Moyen Age.
101 MAAC, Terrier Bollo et ms. 88.
102 G. Rollier, Église Saint-Mayeul ; A. Baud, G. Rollier, Église Saint-Mayeul ; A. Baud, Église Saint-Maïeul.
103 Bull. Cal. II, no 143, p. 211 (22 février 1120).
104 Le capellanus Sancti Maioli n’apparaît que dans deux documents : C 3758 (charte non datée que l’on peut situer vers 1090-1100 grâce aux noms des personnes mentionnées) et C 4903 (1248).
105 C 5032 : vicarius Sancti Maioli Cluniaci ; C 5067, C 5298 : curatus Sancti Mayoli Cluniacensis.
106 ecclesia sancti Mayoli Cluniacensis : C 5298 (1282) ; BnF, lat 17717, f° 20v (1321) ; id., f° 63r (1377), etc.
107 On parle généralement de l’église Notre-Dame de Cluny, mais ce vocable n’est pas attesté avant le XVIe s. (Pouillé du diocèse de Mâcon en 1513, M, Praevia, p. cclxvii). Les sources antérieures mentionnent l’église Sainte-Marie (sanctae Mariae ou beatae Mariae).
108 MPMA, I, no 4 (= C 112).
109 K. J. Conant, Cluny, p. 49-50, en fait « Cluny A », chapelle utilisée par les moines avant la construction de la première église abbatiale, Cluny I. Aucune preuve archéologique n’étaye cette hypothèse.
110 K. J Conant situe sa construction vers 1032 et sa reconstruction, largement agrandie, en 1085, date où elle fut dédicacée par le légat pontifical Odon de Lagery : K. J. Conant, Cluny, p. 65, 74-75.
111 K. J. Conant, Cluny, p. 70, pl. V. Proposition d’une datation au Xe siècle pour cette église triconque : A. Baud, « La place des morts », p. 105-106.
112 Gallia Christiana, IV, col. 884 : Hoc ipso anno, nonis decembris facta dicitur dedicatio ecclesiae Cluniaci in honorem B. Mariae, quam egit piae memoriae Achardus episcopus Cabilonensis. Cet extrait de la notice est notamment cité par S. Content et al., « La ville de Cluny », p. 465, repris dans P. Garrigou-Grandchamp et al., La ville de Cluny, p. 99, pour qui « l’église Notre-Dame est mentionnée sans ambigüité » ; G. Constable, « The Abbot and Towsmen », p. 154, est plus prudent en indiquant que l’église du bourg est peut-être (probably) celle dédicacée par Achard en 1064.
113 Gallia Christiana, IV, col. 884 : quod nequaquam intelligendum est de ecclesia, quam Sanctus Hugo postea exstruxit, quaeque SS. Petro et Paulo apostolis nuncupata est, sed de adjuncta ecclesia B. Mariae.
114 Ibid. : Monendus insuper lector, quod in illo fragmento additur, hoc dedicationem factam esse feria VI. non convenire cum nonis decembris, quae anno 1064 in Dominicam incidebant. Eo denique plurima largitus est capellae cujus nomen est Alacarmeda.
115 Ibid., Instrumenta, col. 229, no 10 : Anno ab incarnatione Domini millesimo sexagesimo IIII, indictione II, feria VI, luna XX, III nonas decembris, dedicatio hujus loci aecclesiae in honore beatae Mariae sanctorumque martyrum ac piissimi et dulcissimi patris beati Odilonis, quam egit piae memoriae domnus Achardus Cabilonensis episcopus cum venerabili cetu nobilium clericorum sibi adherentium. Est autem capella sita in suburbio Cabilonis, in parrochia quae vocatur Cidanis. Locus autem in quo ipsa capella sedet dicitur a la Carmeda, cincta undique silva densissima. La Charmée, S.-et-L., can. Chalon-sud. L’église de La Charmée était à la collation de l’abbé de Cluny et rattachée au doyenné de Jully-lès-Buxy : BC, col. 1754.
116 C 3403.
117 Purification : LT 31.1-2, p. 40-43 ; Bernard, II. 9, p. 296-297 ; Ulrich, I. 48, col. 695-696. Annonciation : LT 51, p. 64-65 ; Bernard, II. 11, p. 299-300. Assomption : LT 100, p. 148-152 ; Bernard, II. 30, p. 345-348 ; Ulrich, I. 36, col. 683-684.
118 Cet argument est toutefois très ténu. La rédaction des coutumiers de Bernard et d’Ulrich, soigneusement examinée par B. Tutsch, est loin d’être claire. Aucun manuscrit n’est identique, chacun étant adapté au monastère auquel il était destiné : B. Tutsch, « Die Consuetudines Bernards und Ulrichs » et sa thèse, Studien zur Rezeptionsgeschichte. La fourchette établie par Tutsch et Wollasch pour dater la rédaction ne peut être considérée comme un critère suffisant pour attester l’inexistence d’une église absente du texte. Sur la datation des coutumes, J. Wollasch, « Zur Verschriftlichung ».
119 CPA, p. 488 : Quique ueniens post multos labores et sudores in iam dictum locum in die Purificationis Beate Mariae tam in capella eiusdem gloriose Virginis quam in monasterio, sermone perorato, auctoritate pontificum Romanorum per priuilegia huic loco attributa publice corroborans manifestaui.
120 Bull. Cal. II, no 143.
121 S. Aumard, C. Sapin collab., Cluny. Chapelle Saint-Odilon. Un chapiteau de Saint-Odilon a été publié par N. Stratford, « Les bâtiments de l’abbaye de Cluny », p. 391-392. J’ai également publié plusieurs vues de la chapelle : D. Méhu, « L’église saint-Odilon ». Les paragraphes qui suivent reprennent les grandes lignes de cet article.
122 Pierre Damien, De Gallica Petri Damiani profectione, p. 1044.
123 Sur le culte de saint Odilon, voir en dernier lieu J. Staub, Studien zu Iotsalds Vita des Abtes Odilo et D. Iogna-Prat, « Panorama », p. 90-97 et 105 avec renvoi à la bibliographie antérieure parmi laquelle on retiendra Dom Hesbert, « Les témoins manuscrits » et M. Goullet, « Planctum describere ».
124 C 3403.
125 L’office et la fête de saint Odilon, le 2 janvier et ses rapports avec la Saint-Maïeul : Bernard, II. 7, p. 293 et II. 21, p. 327 ; les saints confesseurs dans l’autel de la chapelle nord de Sainte-Marie du cloître : Bernard, I. 70, p. 262.
126 Ms. Solesmes, Bibl. de l’abbaye, Réserve 28, f° 79, cité par J. Hourlier, Saint Odilon, p. 192, n. 9 et M. Huglo, « The Cluniac Processional of Solesmes », p. 209.
127 MAR 12 : Acta sunt haec secus ecclesiam sancti Odilonis Cluniaci. Je n’ai pas su identifier Rinchehun.
128 C 3950 : charte citée en introduction de cet ouvrage et sur laquelle je reviens dans le chapitre 5.
129 Dom Hesbert, « Les témoins manuscrits », p. 70-84. Procès-verbal de l’archevêque de Bourges relatant la revelatio des reliques de saint Odilon le 12 avril 1345 : BC, col. 345-346 ; Lettre du prieur de Souvigny aux chanoines de Chartres leur attestant l’authenticité de la relique de saint Odilon qui leur est envoyée : Acta Sanctorum, t. VI/1, p. 595-596. L’inventaire du trésor de l’abbaye de Cluny dressé en 1382 mentionne des reliques de saint Odilon dans « un guichet sur la poitrine d’une figure de saint Odilon » : éd. A. Benet, « Le trésor de l’abbaye de Cluny », p. 196. Un autre inventaire dressé en 1399 mentionne des reliques de saint Odilon parmi celles de saint Marcel, saint Sébastien... dans la grande châsse : Paris, BnF, coll. Baluze, t. 257, p. 64 (éd. Dom Hesbert, « Les témoins manuscrits », p. 82).
130 Différents exemples rassemblés dans M. Fixot, É. Zadora-Rio, dir., L’environnement des églises. Voir également M. Lauwers, La mémoire des ancêtres, p. 148-159. L’article ancien de L. Musset, « Cimiterium ad refugium », est toujours utile.
131 C’est ce qu’indique la gravure de L. Prévôt, v. 1670, Ville de Cluny et ses dehors, MAAC.
132 PL 151, col. 410 : Ea propter nos capellae illi, quam in honore et nomine S. Odonis tua strenuitas extra burgum, ad orientalem partem aedificavit, eam omnino libertatem, eam immunitatem praesentis decreti auctoritate concedimus, quam apostolicae memoriae praedecessor noster Gregorius capellis caeteris ejusdem burgi suo privilegio confirmavit.
133 À la fin du XIe s., la Grosne coulait beaucoup plus à l’ouest qu’aujourd’hui. La rue Petite-rivière, qui limite à l’ouest le quartier Saint-Marcel, passe pour suivre son ancien cours : T. Chavot, Le Mâconnais, p. 158-159. Je reprends dans la carte 36 ce tracé hypothétique, comme l’ont fait P. Degueurce et P. Dixon (Cartes 34 et 35).
134 Sur les efforts de l’abbé Hugues pour « canoniser » ses devanciers, A. H. Bredero, « La canonisation de saint Hugues ». Sur les remaniements du culte de saint Odon entre 1050 et 1120 et plus généralement sur la réécriture des origines de Cluny à cette époque : D. Iogna-Prat, « La geste », p. 170-181 et Id., « Panorama », p. 81-87 et 105-107. À l’Université de Nice, sous la direction de M. Lauwers, Isabelle Rosé consacre sa thèse à l’abbé Odon de Cluny.
135 BC, col. 1618 : Cluniacum sue dispositioni reseruauit Deus, nec nostre ordinationi hac in re subditur ille locus. Capella solummodo mea retenta ad misse celebrationem, causa animae meae simpliciter, queque necessaria sunt, illuc mittantur. Cf. D. Iogna-Prat, « La geste », p. 170-171.
136 Lettre de Calixte II à l’évêque Bérard de Mâcon, datée 9 janvier <1121-1124> par l’éditeur, 1121 par B. Schilling, Guido von Vienne, p. 572 : Bull. Cal. II, no 450, p. 263 (= C 3955) : Que Beati Petri Cluniacensi monasterio a te illata sunt et nos et fratres nostros vehementer gravant. Post nostram enim commoniciones, post scripta frequenter missa, manum tuam, quod actenus inauditum est, super ipsam parrochiam extendisti, clericos et laicos excommunicasti et in Beati Odonis ecclesia divina penitus celebrari officia prohibuisti.
137 Ibid. : Hanc ergo presumptionem et tantum apostolice sedis contemptum ferre diutius non valentes, [...] episcopale tibi officium auctoritate sedis apostolice interdicimus, donec a Cluniacensis monasterii et clericorum seu laicorum et ipsius capelle infestatione desistas et nobis de contentu nostro satisfacias.
138 BC, col. 1660.
139 C 2484.
140 LT 189, p. 261, l. 5-6.
141 Sermo beati Patris Hugonis de sancto Marcello martyre Cabilonensi, éd. H. Cowdrey, Two Studies, p. 164-166 ; p. 164 : Gaudeat Cabilonensium ciuitas, laetatur circumiacentium plebium unitas.
142 Lettre d’Odilon au roi Etienne de Hongrie, éd. C. Pfister, Fulberti Carnotensis episcopi, p. 53-54.
143 LT 189, p. 261, l. 7-10.
144 C’est le cas pour la fête des Rameaux qui conduit notamment vers l’église Saint-Maïeul. On porte tout au long de la procession la statue (imago) de saint Pierre avec ses reliques à l’intérieur, la chasse de saint Marcel, la chasse de Grégoire le Grand et les reliques de plusieurs autres saints pères non nommés : LT 54.2, p. 68, l. 15-18.
145 Célébration des deux fêtes le même jour vers 1027-1040 : LT 108, p. 161. Séparation d’une journée entre les deux vers 1075-1080 : Bernard, I. 49, p. 243, II. 30, p. 348 ; Ulrich, I. 11, col. 655. Cf. K. Hallinger, « Das Sanktorale Klunys », p. 29 ; R. Étaix, « Le lectionnaire de l’office », p. 125 ;.
146 Gilo, Vita Sancti Hugonis abbatis, II. 10, éd. H. Cowdrey, Two Studies, p. 101 : Quarta postremo feria capsam Marcelli papae requirens prece lacrimabili se suo patrono commendauit, eius licentia uiam uniuersae carnis ingressurus. Cf. A. Kohnle, Abt Hugo, p. 248.
147 Sermo domni Petri Cluniensis abbatis de sancto Marcello papa et martyre, éd. G. Constable, « Petri Venerabilis sermones tres », p. 255-265. Marcel est precipuus ouium Christi pastor, p. 256, l. 12-13 ; Christi mandato Christiani populi episcopum, p. 262, l. 41-42 ; Christianum populum predicatione instruebat, p. 263, l. 12-13 ; rôle pastoral de saint Marcel, fondateur et constructeur d’églises, p. 258, l. 12-16, p. 260, l. 21 ; Marcel a combattu pour le Christ et lutté contre les ennemis jusqu’au martyre, p. 259-260 ; il est caput se membrorum Christi post Christum in terris agnoscens, p. 259, l. 7. Sur l’ecclésiologie de Pierre le Vénérable d’après ses sermons : J.-P. Torrell, « L’Église », notamment p. 364-365, 374, 376, 562, 572.
148 Disposition attestée par l’inventaire des reliques de l’abbaye de Cluny en 1382, éd. A. Benet, « Le trésor de l’abbaye de Cluny », p. 199.
149 Solesmes, Bibl. Abb., ms. Réserve 28, f° 31v (Rameaux à Saint-Maïeul), f° 59 (Rogations à Saint-Marcel), f° 79 (Rogations à Saint-Odilon), f° 111-112v (11 mai à Saint-Maïeul), signalé par M. Huglo, « The Cluniac Processional », p. 209-211.
150 Les processions dans la ville de Cluny sont mentionnées dans un règlement sur la police et la justice dans le bourg établi en 1626, éd. W. Witters, « La justice mage », p. 101. Le circuit des processions « générales et aultres particulières des paroisses » n’est pas précisé ; seul est indiqué l’ordre dans lequel les officiers monastiques et ceux de la ville doivent se tenir.
151 L’expression mater misericordiae pour désigner la Vierge est présente dès les œuvres d’Odon. Cet élément a bien été mis en valeur par P. Cousin, « La dévotion mariale » et D. Iogna-Prat, « Panorama », p. 112-118, Id., « Continence et virginité ».
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Paix et communautés autour de l'abbaye de Cluny
Ce livre est cité par
- Baud, Anne. (2013) Architecture, décor, organisation de l'espace. DOI: 10.4000/books.alpara.3710
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