Chapitre II. Les lieux de la domination clunisienne (vers 1050-1120)
p. 87-132
Texte intégral
1Les années 910-1050 constituent une période d’accumulation des possessions autour de Cluny. Les abbatiats d’Hugues de Semur (1049-1109) et de Pons de Melgueil (1109-1122) sont marqués par l’organisation de la domination clunisienne à partir d’un ensemble de domaines répartis dans un rayon d’environ cinquante kilomètres autour du monastère. Plusieurs d’entre eux sont entrés au Xe siècle dans le patrimoine monastique. La nouveauté principale des années 1050-1120 est la mise en place du réseau des obédiences ou doyennés qui permet d’inclure des biens de différente nature (terres, églises, châteaux, moulins) dans une structure ecclésiale.
2Les diplômes royaux, les privilèges pontificaux et les chartes attestent de ces évolutions. On s’est pour le moment essentiellement intéressé aux fondements de la domination clunisienne qu’ils révèlent ; on s’efforcera désormais de suivre leur inscription concrète sur le terrain. C’est donc un changement de focale important par rapport au premier chapitre. Les privilèges pontificaux et les chartes dans une main, les cartes de la région dans une autre, nous partirons dans les pages qui suivent sur les chemins du Clunisois, pour observer comment les moines se sont appliqués à faire coïncider leur conception de l’ordre du monde avec le paysage de leur région et les structures sociales qui leur préexistaient.
I. LES DOYENNÉS
3Les doyennés clunisiens ont fait l’objet de plusieurs études ponctuelles mais d’aucune recherche systématique. Aussi, avant d’esquisser celle-ci, il est utile de rappeler les points essentiels des connaissances sur le sujet et les problèmes non résolus.
1. La définition et le nombre des doyennés
4L’existence de petits établissements monastiques dans les environs du monastère principal est une donnée bien connue de l’histoire du monachisme bénédictin médiéval. Généralement appelés obedientiae, ces établissements ne rassemblent guère plus de deux ou trois moines, les provisores, chargés notamment d’administrer les propriétés foncières du monastère1.
5Certains historiens du monachisme clunisien prennent soin de différencier ces établissements en fonction de leur aspect conventuel, économique, cultuel, spirituel ou militaire en distinguant les « doyennés » des « prieurés conventuels » ou des « prieurés ruraux », eux-mêmes différents des « ermitages », des « églises » et des « châteaux »2. Ces distinctions sont totalement fallacieuses pour la période considérée où le pouvoir des seigneurs et des églises repose précisément sur la confusion des aspects que nos catégories modernes classent dans le « religieux », le « politique » ou l’« économique ». La documentation des Xe-XIIe siècles en est le meilleur témoin. Un même lieu peut être qualifié alternativement ecclesia, prioratus, decanatus, obedientia, cella, ou même curtis ou castrum et l’on est bien en peine de déterminer au regard de ces termes si tel lieu est plutôt à destination « économique » ou « religieuse ». Il faut par conséquent considérer le problème globalement en recherchant la fonction de ces lieux dans la structure seigneuriale clunisienne, en se demandant pourquoi les moines ont pris soin de décentraliser leur occupation, ce qui a priori ne va pas de soi, pourquoi ils se sont installés en tel lieu plutôt qu’en tel autre, et comment ces lieux ont contribué à polariser l’espace et structurer les rapports sociaux autour de l’abbaye3.
6Les travaux récents de Maria Hillebrandt ont sensiblement éclairé les questions connexes de la naissance et de la définition des « obédiences » clunisiennes4. Dans les chartes de Cluny, le qualificatif obedientia apparaît vers l’an mil pour se généraliser au milieu du XIe siècle. Celui de decania est inconnu avant le milieu du XIIe siècle. Il apparaît simultanément dans plusieurs textes compris entre 1147 et 1155 et tend à remplacer celui d’obedientia5. Mais le changement n’est pas systématique et toutes les obedientiae du XIe siècle ne deviennent pas des decaniae. En outre, ce changement de terme révèle un changement structurel. Si l’obedientia désigne avant tout un lieu soumis à l’obédience de l’abbé de Cluny, la decania désigne un réseau de biens (terres, églises, moulins, etc.) organisés autour d’un centre que l’on peut à bon droit appeler le chef-lieu du doyenné6. C’est là notamment que les revenus fonciers sont récupérés avant d’être partiellement conduits au monastère principal. À partir du début du XIIIe siècle, les termes decanatus et domus tendent à remplacer celui de decania pour désigner les mêmes lieux et la même réalité7.
7Si l’apparition des termes decania et decanatus est donc tardive, les moines chargés d’administrer les domaines (villae) de l’abbaye de Cluny sont appelés « doyens » (decani) dès les années 1030-1040. Ils sont mentionnés comme tels dans les coutumiers, qu’il s’agisse du liber tramitis, vers 1030, ou des coutumes de Bernard et d’Ulrich cinquante ans plus tard. Les chartes de donations les mentionnent fréquemment à partir des années 1070-1080 parmi les témoins ou les personnes présentes lors des transactions foncières. On leur préfère parfois le titre d’obedientiarius sans que cela semble indiquer une fonction différente8.
8Le nombre des doyennés est une question liée à celle de leur définition et il en va de la liste des doyennés comme des listes des monastères clunisiens. Tout dépend des critères choisis9. On n’arrive pas au même résultat si l’on ne considère que les établissements explicitement qualifiés decaniae au XIIe siècle ou si l’on prend en compte les obedientiae ; de même, si l’on intègre ou exclut les obedientiae de Cluny situées à plusieurs centaines de kilomètres de l’abbaye bourguignonne.
9Dans sa monumentale étude sur La vie économique et sociale de la Bourgogne dans le Haut Moyen Age, André Déléage a dénombré trente-deux « seigneuries appelées doyennés » dont vingt-trois bourguignonnes, six viennoises et trois foréziennes. Délaissant ces neuf dernières comme hors de son champ d’étude, il dresse une liste de vingt-trois doyennés bourguignons qui a longtemps fait autorité : Ajoux, Arpayé, Beaumont-sur-Grosne, Bézornay, Blanot, Chaveyriat, Chevignes, Cluny, Écussolles, Gevrey-Chambertin, Iguerande, Jalogny, Jully-lès-Buxy, Laizé, Lourdon, Mazille, Montberthoud, Péronne, Romans, Saint-Gengoux[-le-National], Saint-Hyppolite, Saint-Martin de Mâcon, Thoissey10. A. Déléage ne précise pas les critères sélectionnés pour dresser une telle liste. La plupart des localités ne pose pas de problème, mais on comprend mal pourquoi figurent Blanot et Thoissey, jamais qualifiés obedientia ou decania dans la documentation clunisienne11. Les obedientiae d’Iguerande et de Gevrey-Chambertin sont également problématiques. Éloignées de Cluny, elles ne sont plus intégrées complètement dans le circuit d’approvisionnement de l’abbaye dès les premières années du XIIe siècle12.
10Comme l’a fait récemment Alain Guerreau, il est donc nécessaire de reprendre l’ensemble du dossier textuel pour la période comprise entre le XIe et le XIVe siècle (annexe 1)13.
11Dans les chartes clunisiennes des abbatiats d’Hugues de Semur et Pons de Melgueil (1049-1122) quatorze localités proches de Cluny sont qualifiées d’obedientiae ou dirigées par un obedientiarius14 : Ajoux, Arpayé, Berzé-la-Ville, Bézornay, Chevignes, Écussoles, Jalogny, Jully, Laizé, Lourdon, Montberthoud, Péronne, Saint-Gengoux, Saint-Hyppolite (carte 2).
12Des decani sont cités dans quinze localités dont dix sont signalées comme obedientiae : Bézornay, Chevignes, Écussoles, Jalogny, Laizé, Lourdon, Montberthoud, Péronne, Saint-Gengoux et Saint-Hyppolite ; cinq sont nouvelles, Beaumont-sur-Grosne, Chaveyriat, Cluny, Mazille, Romans15.
13Dans la deuxième partie de son abbatiat, Pierre le Vénérable entreprend de réorganiser le système domanial clunisien. Deux textes célèbres attestent de ses efforts. Le premier, généralement daté de 1147-1148, est la Dispositio rei familiaris. Il rassemble les mesures prises par l’abbé depuis son avènement en vue d’améliorer la répartition des ressources entre les différents groupes de la communauté clunisienne : les moines de chœur, les officiers claustraux, les doyens, les hôtes, les bourgeois, les paysans et les pauvres. Dix-sept établissements qualifiés decania, domus ou obedientia sont concernés : Ajoux (Saint-Victor), Beaumont-sur-Grosne, Bézornay, Chaveyriat, Chevignes, Cluny (burgus et villa), Écussoles, Jalogny, Jully, Laizé, Lourdon, Mazille, Montberthoud, Péronne, Romans, Saint-Gengoux, Saint-Hyppolite16.
14La Constitutio expense Cluniaci est un état des revenus de douze doyennés clunisiens dressé vers 1149-1155 sous la direction d’Henri de Blois, évêque de Winchester, sollicité par Pierre le Vénérable pour demeurer à Cluny et l’aider dans sa réorganisation du temporel17. Alain Guerreau a soumis les données chiffrées de l’enquête à une analyse factorielle de laquelle il déduit la volonté des clunisiens d’organiser le plus rationnellement possible leur temporel en spécialisant les doyennés dans certaines cultures et en les adaptant aux contingences pédologiques ou géographiques18. Douze decaniae sont citées, parmi lesquelles huit figuraient dans la dispositio rei familiaris : Beaumont-sur-Grosne, Chaveyriat, Cluny, Laizé, Lourdon, Montberthoud, Saint-Gengoux, Saint-Hyppolite, deux étaient déjà connues comme obedientiae : Arpayé et Berzé, et deux apparaissent ici pour la première fois en tant que doyenné : Malay et Saint-Martin de Mâcon (Saint-Martin-des-Vignes).
15En 1215, un conflit surgit entre l’abbé de Cluny et l’évêque de Mâcon au sujet des procurations que celui-ci prétendait recevoir in locis quos Cluniacenses decanatus appellant19 : Saint-Victor (Ajoux), Arpayé, Berzé-la-Ville, Bézornay, Chazelle, Chevignes, Écussoles, Jalogny, Laizé, Lourdon, Malay, Mazille, Péronne, Saint-Hyppolite. Il manque à cette liste des decanatus clunisiens du diocèse de Mâcon Saint-Martin-des-Vignes situé aux portes de la cité épiscopale20. Chazelle en revanche apparaît ici pour la première fois.
16L’État des recettes et dépenses de l’abbaye de Cluny en 1321 indique le montant du cens annuel dû par les castra, domus seu grangiae spectantium ad mensam domini abbatis et conventus Cluniacensis21. La liste atteste des changements récents dans le système domanial clunisien. Beaumont-sur-Grosne et Romans n’en font plus partie22 ; Laizé et Péronne ont été réunis en une seule domus et six nouvelles localités proches de Cluny participent à l’approvisionnement du convent : la grange de Sercy (la Grange-Sercy) constituée au début du XIIe siècle, la domus de Saint-Jean-du-Bois formée à partir d’une acquisition de 1170, la domus de Maizeray située entre les deux anciens doyennés de Saint-Gengoux et Jully-lès-Buxy, le château de Boutavant acheté en 1237 et, sur les terres des sires appauvris de La Bussière, la grange de Burnanceau et la Motte de la Vieille-Bussière23 (carte 2).
17En 1377, l’abbé de Cluny rencontre des difficultés importantes pour faire entrer dans ses caisses les pensions annuelles dues par les prieurés. Au chapitre général, il enjoint les définiteurs de statuer sur les établissements récalcitrants. Chacun apporte ses pièces justificatives. L’abbé de Cluny sort de ses archives un « ancien rouleau de parchemin poilu » sur lequel figure un état des pensions dues annuellement par les maisons dépendant de Cluny. Une liste des cens imposés sur les doyennés clunisiens figure dans le manuscrit24. Trente-trois localités sont énumérées dont vingt-cinq proches de Cluny. On note l’absence de Maizeray et des granges de Burnanceau et la Vieille-Bussière, signe probable que le rouleau a été rédigé avant leur entrée dans le domaine clunisien (vers 1320). En revanche Saint-Jean-du-Bois et Boutavant sont cités. Le rouleau est donc postérieur à 1237. Montberthoud est cité à la fois sur la liste des doyennés et parmi les domus de la chambrerie de Lyon, aux côtés de Paray, Marcigny, Nantua, Charlieu, Saint-Marcel de Chalon ou Payerne, autant de prieurés clunisiens. Ajoux, autre localité fréquemment citée parmi les decaniae depuis le XIIe siècle, figure ici uniquement parmi les domus de la chambrerie de Lyon25.
18Vers 1480, l’abbé de Cluny Jean de Bourbon fait dresser la liste des églises paroissiales dont il a le droit de présentation. Les églises sont répertoriées en fonction des doyennés dont elles dépendent26. Ce premier pouillé clunisien cite trente-six doyennés (decanatus) dont vingt dans la région de Cluny. À l’exception d’Ajoux, toutes les anciennes possessions sont présentes, mais parmi les nouvelles seul le château de Boutavant (decanatus de Botavanto) est cité. Maizeray a été rattaché au doyenné de Saint-Gengoux. Saint-Jean-du-Bois, Burnanceau, La Grange-Sercy et la motte de la Vieille-Bussière sont absents. Cette situation s’explique peut-être par le statut de ces quatre localités. La Grange-Sercy et Burnanceau sont des granges vraisemblablement dépourvues de lieu de culte et ne peuvent figurer dans un pouillé. La domus de Saint-Jean-du-Bois est établie autour d’une église datable des XIe-XIIe siècles, mais rien n’indique qu’elle accueillait encore au XIVe siècle une présence monastique permanente. L’absence de la Vieille-Bussière indique peut-être l’échec clunisien pour implanter là un pôle domanial efficace.
19De cette longue présentation, on retiendra d’abord deux éléments27. Le système domanial clunisien n’est pas figé. Il subit une inflexion décisive dans la seconde moitié de l’abbatiat d’Hugues avec l’apparition des decani puis des decania. Le cœur du système est en place sous l’abbatiat de Pierre le Vénérable, mais l’acquisition de nouvelles terres et le changement dans les rapports de force avec le voisinage conduit à des restructurations sensibles : créations de nouveaux doyennés, de granges, réunion de deux établissements voisins ou jugés trop petits. Et si le nombre des doyennés fluctue sans cesse, leur statut n’est pas mieux défini. Le tableau sommaire que l’on peut dresser à partir du dossier textuel (annexe 1) montre que le qualificatif des établissements varie, aucune liste de doyennés n’est semblable à l’autre et aucune réflexion théorique ni définition des doyennés ou obédiences ne se trouve dans la documentation clunisienne.
20Les recherches dans le domaine ne progresseront véritablement qu’à l’issue d’une enquête systématique sur la formation de ces établissements, leurs relations avec l’abbaye-mère, les formes et structures de leurs bâtiments. Pour l’heure de telles études n’ont été menées que pour quatre établissements : Berzé-la-Ville, Mazille, Bézornay et La Grange-Sercy et dans une moindre mesure Lourdon, Jully, Saint-Gengoux et Jalogny28. Par ailleurs, il est arbitraire d’exclure les doyennés situés loin de Cluny. Le choix fait ici de ne prendre en compte que les établissements situés dans un rayon de moins de soixante kilomètres du sanctuaire se justifie par la problématique de l’ouvrage : étudier les rapports sociaux et l’organisation de l’espace aux portes de l’abbaye bourguignonne. Mais il ne se justifie pas au regard d’une étude spécifique du système domanial clunisien. Conscient de ces limites, je voudrais, dans les pages qui suivent, proposer une grille d’analyse situant le système domanial clunisien dans la structure ecclésiale clunisienne et dégageant les principes moteurs de l’action monastique sur la terre et les hommes de leur voisinage.
2. Locus, obedientia puis decania
21Dans son étude sur la propriété clunisienne, Barbara Rosenwein remarquait que beaucoup de loca, monasteria, villae, ecclesiae et potestates énumérés dans les privilèges d’Agapet II en mars 954, le mémorandum du concile d’Anse en 994 et le privilège de Grégoire V en avril 998 deviennent ensuite des chefs-lieux de decaniae (annexe 2)29. Pour expliquer ces similitudes, Barbara Rosenwein suggérait que la consolidation de la propriété clunisienne et la publicité faite sur son statut spécial par les listes du Xe siècle ont constitué un pas important dans la mise en place du réseau des doyennés. Je souscris à cette hypothèse. Il n’en demeure pas moins que les listes du Xe siècle diffèrent sur un point majeur de celles du XIIe siècle. En l’an mil, il est question de villae, de castra, d’ecclesiae, de cellae, d’abbatiae, de potestates, de curtes et de terrae. En 1150, il existe des decaniae qui elles-mêmes intègrent un ensemble d’églises, de terres et d’hommes. Autrement dit, d’une énumération de lieux distincts par leur statut, on est passé à la constitution d’un réseau de biens reliés à des centres, les chefs-lieux de doyennés, eux-mêmes reliés au centre de la structure : l’abbaye de Cluny. Plusieurs schémas caractérisent cette évolution.
De la cella au doyenné
22Beaumont-sur-Grosne, Chaveyriat et Saint-Martin-des-Vignes sont qualifiés de celles (cellae) dans le privilège de Grégoire V d’avril 998 (annexe 2)30. Cella est un terme utilisé depuis l’époque mérovingienne pour désigner des églises périphériques dépendant d’un monastère ou d’une église cathédrale31. Le capitulare monachorum de Louis le Pieux, en 817, précise que les abbés peuvent posséder des cellae dans lesquelles se trouvent soit des moines, soit des chanoines, à condition qu’ils ne soient pas moins de six32. L’emploi du terme cella pour qualifier Beaumont, Chaveyriat et Saint-Martin indique sans doute qu’un petit groupe de moines réside en permanence dans ces lieux. Aussi, en bien des points, sont-ils comparables aux établissements qui sont qualifiés prieurés à partir de la fin du XIe siècle. Le patrimoine foncier de Chaveyriat et de Beaumont, par exemple, s’est constitué sur le même mode que ceux de la plupart des prieurés clunisiens, c’est-à-dire grâce aux donations pour la sépulture des familles aristocratiques voisines33. Aux alentours de l’an mil, l’église Saint-Jean de Chaveyriat constitue ainsi une véritable nécropole pour l’aristocratie locale. Les donations à saint Jean, à Chaveyriat, reproduisent le même système que les donations à saint Pierre à Cluny. À Beaumont, l’église dédiée à la Vierge attire également de nombreuses donations pour la sépulture dans la première moitié du XIe siècle34. Cela étant, Beaumont, Saint-Martin-des-Vignes et Chaveyriat sont-ils des prieurés ? Ils ne sont jamais qualifiés prioratus et disparaissent des énumérations des privilèges pontificaux dès le pontificat d’Urbain II avec les autres villae, cellae et ecclesiae35. Au milieu du XIIe siècle, les decaniae de Beaumont, Chaveyriat et Saint-Martin-des-Vignes sont intégrées dans le circuit d’approvisionnement du monastère36.
23Quatre autres decaniae partagent ce statut ambivalent : Montberthoud, Ajoux, Arpayé et Malay (carte 4). Arpayé, Ajoux, et Montberthoud, comme Chaveyriat et Saint-Martin-des-Vignes, sont l’objet de visites régulières et parfois de remontrances lors des chapitres généraux37. Or les visites des monastères clunisiens instaurées régulièrement à partir du XIIIe siècle se limitent théoriquement aux abbayes et prieurés38. En 1298, les moines de Saint-Martin-des-Vignes refusent d’accueillir les visiteurs envoyés par le chapitre général sous prétexte qu’ils ne doivent pas être visités par des envoyés de l’ordre. Les définiteurs et l’abbé de Cluny repoussent leur requête et affirment qu’à l’avenir Saint-Martin devra être visité « comme tous les doyennés dans lesquels se trouvent des moines »39. Ajoux, Montberthoud, Saint-Martin-des-Vignes et Malay sont dirigés par un prior généralement entouré d’un ou deux moines40. Ce qui ne les empêche pas d’être intégrés parmi les domus qui contribuent à l’approvisionnement annuel du monastère (annexe 1). Montberthoud et Ajoux sont cités alternativement parmi les decanatus de Cluny et les domus monastiques de la chambrerie de Lyon versant un cens annuel à l’abbaye mère41.
24Le doyenné de Montberthoud joue par ailleurs un rôle particulier dans la commémoration communautaire des morts clunisiens. Lorsqu’un moine ou un bienfaiteur dont les clunisiens désirent conserver la mémoire décède, tous les prieurs doivent en être informés. À cet effet le nom du défunt est inscrit sur un bref de parchemin (brevis) et le cellérier doit le faire diffuser de monastère en monastère où le nom est ensuite inscrit dans le nécrologe42. Le liber tramitis, vers 1030, prescrit de faire appel aux prieurs et aux doyens pour effectuer cette tâche43. Le coutumier de Bernard, vers 1075-1080, indique aux serviteurs du cellérier de porter les brefs dans cinq directions différentes : Montberthoud, Charlieu, Paray-le-Monial, Mesvres et Saint-Marcel de Chalon44. De là, les rouleaux sont ensuite diffusés à travers tous les établissements clunisiens (carte 3).
25Le choix de ces cinq lieux provient sans doute de leur proximité relative avec Cluny (entre quarante et soixante kilomètres) et de leur situation dans des directions différentes : Montberthoud vers le sud, Charlieu vers le sud-ouest, Paray vers l’ouest, Mesvres vers le nord et Chalon vers le nord-est. Les monasteria de Charlieu, Paray, Mesvres et Saint-Marcel deviennent vers 1100 des prieurés (prioratus). Montberthoud est la plus vaste decania inventoriée par Henri de Winchester en 115545. À Paray, Charlieu, Mesvres et Saint-Marcel, le petit groupe de moines qui, sous la conduite du prieur, reproduisent la laus perennis de Cluny est sans doute très différent de l’ensemble des hommes qui, sous la direction du prior de Montberthoud et de cinq prévôts laïques, cultivent et administrent les biens-fonds bressans et dombistes de Cluny46. Gros centre agricole, Montberthoud constitue néanmoins un relais essentiel de l’ecclesia Cluniacensis comme les prieurés de Charlieu, Paray et Saint-Marcel.
26On a tort de vouloir distinguer systématiquement les prieurés et les doyennés, de négliger les seconds parmi les établissements clunisiens et de vouloir à tout prix les classer dans une catégorie déterminée toujours inadéquate ou trop étriquée. Certains lieux sont manifestement à la fois « doyenné » et « prieuré ». Certes, il existe des différences énormes entre une simple grange sans église et un établissement où séjournent en permanence quatre ou cinq moines autour d’une église et de bâtiments conventuels, récitant l’office comme à Cluny, distribuant des aumônes et assurant occasionnellement une partie de l’approvisionnement de l’abbaye-mère. Mais tous ces établissements sont intégrés dans une structure, l’ecclesia Cluniacensis, qui transcende les différences entre les membres47.
De L’ECCLESIA AU DOYENNÉ
27Huit chefs-lieux de doyennés sont établis autour d’une église paroissiale : Beaumont-sur-Grosne, Jalogny, Jully, Laizé, Malay, Péronne, Saint-Gengoux, Saint-Hyppolite (carte 5).
28L’église de Jalogny était déjà destinée à la cura animarum lorsqu’elle a été donnée à Cluny par l’évêque de Mâcon en 92948. Les autres le sont devenues au cours des XIe et XIIe siècles alors qu’elles étaient déjà possédées par Cluny. Les desservants du culte ne sont sans doute pas des moines mais des clercs séculiers nommés par Cluny et soumis à l’approbation du diocésain qui leur confère la cura animarum49. Les plus anciens pouillés mentionnent ces églises comme étant toujours à la collation de l’abbé de Cluny au XIVe et XVe siècles50. Mais l’église de ces « doyennés-cures » sert également pour les offices des quelques moines qui vivent en permanence sur les lieux.
29Au milieu du XIIe siècle, plusieurs doyens perçoivent des redevances liées à l’exercice du culte dans des églises paroissiales, notamment les droits de sépulture. Dans la plupart des cas, la moitié revient au doyen et l’autre reste au bénéfice du desservant. L’enquête d’Henri de Winchester le met en évidence dans les decaniae de Beaumont, Lourdon, Chaveyriat, Berzé, Arpayé, Montberthoud et Saint-Gengoux51. Ces revenus proviennent d’églises paroissiales liées aux doyennés, mais dans deux cas au moins, Beaumont et Saint-Gengoux, l’église du doyenné est également un lieu de culte et un lieu de sépulture paroissial.
Du CASTRUM AU DOYENNÉ
30Le château de Lourdon, situé à trois kilomètres au nord de l’abbaye, est acquis par les moines peu après leur installation à Cluny. Des transactions foncières avec les laïcs des environs y sont négociées dès la première moitié du Xe siècle. Peu avant l’an mil, le château est cité en tête des possessions du « saint lieu » protégées par les pères du concile d’Anse ; dans le même temps il apparaît comme la première obedientia de l’abbaye52. Vers 1070-1080 au plus tard, un decanus est établi dans le castrum53 et sous Pierre le Vénérable la decania de Lourdon est l’une des plus productives inventoriées par Henri de Winchester. Les revenus des églises de Cotte, Massy, Taizé, Prayes et Blanot, des moulins de Crusilles et de Mailly, des bois et de nombreuses terres cultivées aux alentours lui reviennent. Avec ces revenus, le doyen est chargé d’approvisionner le couvent de Cluny en bon pain et doit fournir annuellement plus de six cents setiers de blé utilisés pour nourrir les hôtes, les cinquante pauvres nourris quotidiennement pour les anniversaires des défunts, des écoliers nobles éduqués dans le bourg par les soins des moines54.
31Lieu stratégique, Lourdon est un lieu privilégié pour négocier la paix et rappeler à l’occasion les fondements de la domination clunisienne. Quelques exemples l’illustrent bien. Vers 1100, le chevalier Humbert de Sailly remet ses biens aux monastères et prend l’habit à Lourdon55. En 1180, le château est choisi pour rédiger le traité entre le comte de Chalon d’une part, l’abbé de Cluny et le prieur de Paray, de l’autre, au sujet des droits respectifs sur les terres voisines du monastère brionnais56. À la fin du Moyen Âge, Lourdon sert de prison pour des moines clunisiens, de lieu de résidence habituel de l’abbé et du grand-prieur qui reçoivent là les hommages des ministériaux laïques et les comptes des officiers monastiques ou rendent la justice par l’intermédiaire du juge-mage57.
32Lourdon est un des principaux sièges du pouvoir abbatial en Clunisois. Bien que rien ne l’atteste, les moines entretiennent peut-être une garnison dans la forteresse, mais, avant tout, leur domination s’exerce par la sanctification du lieu, la négociation d’actes avec les laïcs des environs, la célébration des rituels qui marquent la soumission à l’abbé. Lourdon est un castrum, c’est aussi un doyenné et un lieu où au moins occasionnellement transitent les reliques.
33D’autres exemples pourraient être cités, tels que Sarrians et Colonzelle en Provence, châteaux transformés par les moines pour devenir des obédiences tout en conservant leur aspect fortifié58. Plus près de Cluny, le château d’Huillaux en Bourbonnais est comparable. La villa et l’église Sainte-Marie d’Huillaux sont données à Cluny en juin 955 par des parents du vicomte de Clermont, Robert59. Au concile d’Anse en 994, le château d’Huillaux (castrum Oiedellis) figure parmi les propriétés inviolables de Cluny. En 998, le privilège de Grégoire V mentionne Huillaux non plus comme un castrum mais comme une celle (cella)60.
34La distinction tranchée que l’on serait tenté de faire entre castrum et ecclesia n’existe plus dès lors que les moines sont possesseurs d’un bien. Entrés dans le patrimoine clunisien, les châteaux sont transformés en lieux monastiques. Dans son célèbre plaidoyer pour les droits clunisiens adressé à Bernard de Clairvaux vers 1127, Pierre le Vénérable l’exprime de manière admirable : donnés aux moines, les châteaux cessent d’être des repaires de voleurs où l’on combat pour le diable pour devenir des oratoires où l’on milite pour le Christ61.
35Inversement, nombre de lieux clunisiens deviennent eux-mêmes des forteresses. On a vu que le monastère était fréquemment qualifié de castellum aux Xe et XIe siècles. Mais s’il s’agissait avant tout d’une analogie symbolique soulignant la force du saint lieu, de véritables aménagements défensifs sont effectués autour des chefs-lieux de plusieurs doyennés à la fin du XIIe et au XIIIe siècle. En 1173, le sire de La Bussière autorise les moines à fortifier l’établissement de Mazille et le bourg adjacent62. Peu après, les sires de Brancion autorisent des aménagements semblables autour de Saint-Hyppolite. Avant le début du XIIIe siècle, le clocher de l’église est transformé en un véritable donjon rappelant étrangement celui du château laïque63. En 1237, ruinés par la croisade, les sires de Brancion vendent à Cluny la forteresse de Boutavant, leur position la plus avancée en direction du monastère64. Elle devient le siège d’un nouveau decanatus (annexe 1). Enfin l’abbé Yves II (1275-1289) reste dans la mémoire clunisienne pour avoir entouré de murs la domus d’Écussoles et fortifié le doyenné de Bézornay65. Outre le monastère et le bourg pourvus chacun d’une enceinte, les moines possèdent à la fin du XIIIe siècle six forteresses établies à moins de vingt kilomètres de Cluny : Lourdon, Bézornay, Mazille, Saint-Hyppolite, Boutavant et Écussoles (carte 6).
36Cellae, monasteria, ecclesia, villae, castra constituent les doyennés. Là, des moines résident, prient, se protègent et protègent, possèdent des terres et les administrent, qu’il s’agisse à l’origine d’un château, d’une église ou d’un ensemble de terres. Les clunisiens s’approprient ces lieux, les transforment, marquant ainsi leur emprise sur un territoire et sur des hommes. D’autant plus que les lieux où ils s’établissent ne semblent pas avoir été choisis au hasard.
3. Le choix des lieux
37S’intéressant aux achats de terres par les moines de Cluny entre 910 et 1049, Barbara Rosenwein a remarqué que ces transactions étaient concentrées particulièrement en certains lieux. Le plus évident est Bézornay, véritable « vendopolis » où, entre 950 et 990, les clunisiens ont réussi à constituer par achats successifs un « lieu spécial pour saint Pierre » là où auparavant ils ne possédaient presque rien66. Cinq autres lieux sont particulièrement concernés par ces transactions : la Chize, Lournand, Jalogny, Ravry et Vieil-Moulin (carte 7)67.
38La Chize, en Mâconnais, est près de Milly (aujourd’hui Milly-Lamartine). Les terres acquises en ce lieu n’ont pas donné naissance à une implantation monastique particulière. Elles ont été rétrocédées pour la plupart en précaire ou en fief à leur donateur. Pour paraphraser Barbara Rosenwein, « l’enjeu des ventes à La Chize n’était pas de consolider le territoire, mais de cimenter les relations avec des individus éminents »68. Il semble en aller tout autrement pour les autres lieux. Lournand est au pied du château de Lourdon. Ravry est un écart aujourd’hui inhabité situé un kilomètre au nord de Jalogny. Vieil-Moulin est à deux kilomètres au sud de Beaumont-sur-Grosne. Le parallèle est étonnant entre les lieux dans lesquels Cluny s’est efforcé d’acheter des terres à la fin du Xe siècle et quelques futurs chefs-lieux de doyennés.
39Un siècle plus tard, à Berzé-la-Ville et à Sercy, on constate la même politique pour acquérir des terres regroupées. Les terres de la Grange Sercy, à dix kilomètres au nord de Cluny, ont fait l’objet d’un plan d’acquisition dirigé par le cellérier, Hugues de Bissy, mandaté par l’abbé Hugues pour exproprier les possesseurs fonciers du lieu et constituer un domaine compact sous la domination exclusive des moines69. Hugues de Bissy était parent avec la plupart des gros propriétaires fonciers de la région, ce qui a dû grandement faciliter la manœuvre. Les principales acquisitions proviennent d’achats réels ou déguisés en dons moyennant le versement d’une forte somme aux « donateurs ». Elles sont réalisées entre 1080 et 1100 environ, soit quelques décennies avant que les moines blancs ne généralisent cette pratique pour établir leur temporel. À Berzé, un achat massif de terres en 1062 constitue le pas décisif de la création de l’obédience clunisienne. Les moines obtiennent ensuite, en arrangeant sans doute le mariage de l’héritière des sires de Berzé avec un de leurs « amis », un grand nombre de donations en ce lieu. Les revenus de l’obédience sont alors destinés à la commémoration de l’abbé Hugues70.
40Ces quelques exemples incitent à poser l’hypothèse d’une politique monastique délibérée pour acquérir des terres en des lieux choisis, en usant, de manière très nette dans le cas de la Grange Sercy, de pressions sur les « donateurs ». La prodigalité particulière d’une famille et leur volonté de cimenter les liens sociaux avec les moines est évidemment un facteur important pour expliquer les transactions, mais le choix de la donation de telle terre, de telle église plutôt que telle autre reste inexpliqué. Or, il semble précisément que bon nombre de doyennés sont d’anciens lieux stratégiques, soit par leur situation géographique, soit par leur fonction. Pour mieux asseoir leur domination, les moines se sont efforcés de les acquérir, par achat, échange ou donation négociée, et de les transformer pour leur conférer une signification clunisienne. Certains signes, en effet, sont trou blants.
41Les moines ont par exemple acquis dès les premières années du Xe siècle les quelques églises rurales du Mâconnais dans laquelle s’exerçait la cura animarum. Jalogny, Blanot, Cotte, Saint-Pierre de Lanques ont été données à Cluny par l’évêque de Mâcon en 92971. Jalogny est devenu le centre d’un doyenné. Blanot et Cotte étaient intégrées dans la decania de Lourdon au milieu du XIIe siècle, Saint-Pierre de Lanques dans celle de Péronne72 et Cotte, comme on le verra bientôt, servait également de lieu de retraite pour certains moines de Cluny. Le réseau embryonnaire des paroisses du Xe siècle s’est donc trouvé intégré dans le réseau clunisien, avant même que les moines créent de nouvelles paroisses dont ils seront les desservants titulaires.
42On a évoqué à plusieurs reprises l’inclusion du château de Lourdon dans le réseau des doyennés. Il est important de la souligner de nouveau. L’intégration par les moines de l’une des plus anciennes forteresses du Mâconnais dans laquelle on négociait déjà des transactions entre vifs avant leur arrivée a fait partie de leur appropriation des lieux stratégiques de la région. Ce dès les premières années du Xe siècle, sous l’abbatiat de Bernon. Avant 927, les moines se sont fait donner de nombreuses terres dans les environs du château73.
43L’appropriation des lieux stratégiques passe par l’installation dans les lieux chargés d’histoire qui servent de points de repères aux populations et structurent le paysage. Le réseau des doyennés s’insère parfaitement dans ce schéma. Plusieurs chefs-lieux de doyennés étaient par exemple installés à des croisées de chemin. L’état actuel de la connaissance des anciennes voies romaines de la région et des grands chemins qui la traversaient au Moyen Age montre que Saint-Gengoux, Malay et Jully se trouvaient à la croisée de deux voies romaines importantes encore mentionnées comme via strata aux XIe et XIIe siècles74.
44Au début du siècle, Gabriel Jeanton a étudié attentivement les pèlerinages ruraux du Mâconnais qui vivaient alors leurs dernières heures75. Comme partout ailleurs, ces pèlerinages s’inscrivent dans une structure d’organisation symbolique du territoire76. Alain Guerreau a tenté de montrer les rouages du système. Il pose l’hypothèse d’une mise en place de la structure vers la période mérovingienne et d’une cristallisation au Xe-XIe siècle, période d’installation des clunisiens77. On constate que plusieurs lieux de pèlerinage et parmi les plus fréquentés sont devenus des centres de doyennés ou des lieux d’implantation clunisiens : Mazille, Saint-Hyppolite, Berzé-la-Ville, Ajoux (Mont-Saint-Rigaud), Montmain, Mont-Saint-Romain, Saint-Gengoux, Lournand, Jalogny. Les coïncidences sont troublantes et trop nombreuses pour être simplement factuelles. L’intégration de la structure des pèlerinages dans le réseau clunisien est une hypothèse très séduisante.
45On n’assoit jamais mieux sa domination qu’en s’insérant dans les structures sociales antérieures. Les historiens du christianisme primitif le savent bien. De la même manière, l’installation des moines dans le Clunisois aux Xe et XIe siècles semble être passée par une prise en main des lieux chargés d’une lourde signification sociale. Ces lieux ont été « clunicisés » et sont devenus les centres à partir desquels la société devait dorénavant s’organiser, en passant par les moines. Tel est le point qu’il faut maintenant aborder : les différentes fonctions des pôles clunisiens, et plus précisément des doyennés.
4. Les fonctions des doyennés
46Les lieux clunisiens sont pluri-fonctionnels. Il importe de bien saisir l’articulation entre leurs différentes facettes qui sont la marque de la domination polymorphe des moines de Cluny.
Des centres d’exploitation
47Comme dans de très nombreux monastères bénédictins du haut Moyen Age, l’approvisionnement quotidien du convent a été réparti entre les différents doyennés, en fonction de leur taille, de leurs ressources et de la qualité du sol. Cette répartition appelée « mésage » (mesaticum) est connue à Cluny au temps de Pierre le Vénérable grâce à la dispositio rei familiaris. La fourniture de la ration quotidienne de pain, de fèves et de graisse est ainsi répartie entre neuf doyens, le chambrier et le grénetier :
Le doyen de Chaveyriat procurera tout le mois de septembre. Le doyen de Cluny, tout octobre et la moitié de novembre. Le doyen de Péronne, les autres jours de novembre. Le doyen d’Écussolles, les seize premiers jours de décembre. Le doyen de Chevignes, les autres jours de décembre et tout janvier. Le doyen de Lourdon, tout février et mars. Le grénetier, tout avril, tout mai, tout juin et la moitié de juillet, mais le chambrier doit verser au grénetier les fèves pour un mois et demi. Le doyen de Laizé, ce qui reste de juillet. Le doyen de Bézornay, tout août sauf les huit derniers jours. Le doyen de Saint-Gengoux, ces huit derniers jours d’août78.
48Certains doyennés peu propices à la fourniture de ces denrées ou trop imposés par ailleurs sont exemptés du mésage et affectés à un approvisionnement particulier : le doyenné de Mazille fournit l’avoine pour les chevaux des hôtes, les doyennés de Saint-Hyppolite et Jully-lès-Buxy produisent du vin et doivent assurer le service anniversaire de l’évêque d’Auxerre. Le doyenné de Berzé-la-Ville est affecté au service funéraire de l’abbé Hugues de Semur79. Celui de Beaumont doit nourrir tous les frères et cent pauvres le jour anniversaire d’Alphonse VI, roi de Castille80. Par souci d’économie et pour éviter les gaspillages, les prérogatives respectives des doyens, de l’aumônier, du chambrier et du grénetier sont redéfinies pour assurer les repas ordinaires et les mets supplémentaires servis dans le réfectoire deux ou trois fois par semaine (les « générales »), renouveler les vêtements des frères, nourrir les hôtes et distribuer les aumônes aux pauvres81.
49La participation des doyennés à l’approvisionnement quotidien du convent marque l’intégration concrète des hommes et des terres possédés par Cluny dans un circuit d’échanges dont le centre est le monastère et dont les pivots sont les moines, bénéficiaires ultimes ou percepteurs. Matériellement comme symboliquement, les biens-fonds clunisiens et les hommes qui les exploitent soutiennent la communauté monastique. Ils nourrissent les moines, les vêtent, participent aux anniversaires funéraires des pères et des bienfaiteurs de la communauté et entretiennent les pauvres. Les terres et les hommes du voisinage de saint Pierre, via le réseau des doyennés, sont intégrés dans la structure ecclésiale clunisienne. Ils vêtent et nourrissent les moines, leur permettant de jouer leur rôle social, entre ciel et terre.
Des centres d’accueil
50Comme le monastère principal, les doyennés peuvent être des centres d’accueil, d’hospitalité ou d’asile ; des lieux de refuge, sanctifiés par la présence des moines dans lesquels on est protégé et entretenu par les moines. Chaque doyen doit en effet réserver une part de ses revenus à l’entretien quotidien de plusieurs personnes. En premier lieu, il doit nourrir ou rémunérer ceux qui travaillent à son service, prévôts laïques, régisseurs des domaines ou serviteurs (servientes ou famuli). Le doyen de Saint-Hyppolite, par exemple, doit entretenir quotidiennement vingt personnes sur les revenus de deux moulins et d’un four82.
51D’autres personnes extérieures à la familia sont également entretenues aux frais du doyen. Homme ou femme, chacun peut recevoir l’hospitalité. C’est un devoir du doyen que les coutumes d’Ulrich et de Bernard rappellent en prenant soin de préciser l’attitude à tenir à l’égard des femmes. Le doyen ne doit pas s’asseoir, ni manger à la même table qu’elles, ni recevoir quoi que ce soit de leurs mains, ni se montrer en simple pelisse, sans froc et pieds nus, mais il doit les accueillir comme les hommes83. En outre, pour nourrir les hôtes, « qu’il serait inhumain de ne pas recevoir », les doyens perçoivent du chambrier de Cluny un tiers des revenus en argent prélevés sur les biens-fonds du monastère84.
Des lieux de paix
52On vient dans les doyennés pour travailler, pour se nourrir mais aussi pour négocier la paix avec les moines. De nombreuses donations, déguerpissements ou plaids sont conclus dans les sièges des decaniae clunisiennes85. Ces actes peuvent concerner aussi bien les moines de Cluny que ceux d’un monastère dépendant. Des transactions relatives aux biens de Marcigny sont ainsi négociées à Mazille, Lourdon ou Berzé86.
53Le choix des lieux de négociation répond à plusieurs critères. Les motifs géographiques semblent primer dans certains cas. On préférera par exemple négocier la donation de biens-fonds sis à Lournand dans le château de Lourdon plutôt qu’à Cluny même, peut-être pour des raisons de proximité. L’emplacement médian du doyenné entre le monastère et le siège du pouvoir d’un seigneur semble parfois déterminant. Mazille est sur le chemin qui mène à Charolles, Paray, Marcigny et Semur-en-Brionnais. Le lieu peut être choisi pour négocier des transactions avec les sires de Semur qui concernent aussi bien les monastères de Cluny et de Marcigny87.
54Les liens de parenté sont tout aussi importants. Certaines obédiences sont liées étroitement à la mémoire ancestrale de quelques familles aristocratiques. Chaveyriat et Beaumont-sur-Grosne ont été fondées en grande partie grâce aux donations répétées des mêmes familles qui ont élu sépulture dans ces lieux88. Berzé-la-Ville présente également un cas de figure intéressant. Le moment décisif de la constitution de l’obédience se place à la fin du XIe siècle lorsque la seule héritière des sires de Berzé[-le-Châtel] épouse Artaud de Saniperio ou de Sancto Prejecto. Plusieurs membres de cette famille sont également bienfaiteurs du monastère de Marcigny, amis ou fidèles des sires de Semur-en-Brionnais, parents de l’abbé Hugues. Ces liens peuvent expliquer la négociation à Berzé d’actes relatifs à Marcigny ou aux sires de Semur89.
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55Dans la deuxième moitié du XIe siècle, les moines mettent en place le réseau des doyennés. Quelques curtes, villae, ecclesiae, cellae possédées par les moines depuis plusieurs décennies changent alors de nature pour devenir des obedientiae et des lieux stratégiques essentiels au dominium clunisien. Dans plusieurs cas, les moines concentrent leurs efforts pour construire de toutes pièces de nouveaux doyennés et contraindre sinon fortement inciter les propriétaires fonciers à devenir des « donateurs ».
56Il n’existe pas de doyenné type mais un certain nombre de lieux occupés par un ou plusieurs moines qui assurent, comme à Cluny, les différentes fonctions sociales des moines. Les doyennés ne se réduisent pas à la récupération des denrées. Pas davantage, il ne faut séparer catégoriquement les celles, doyennés, prieurés, églises. Tous les lieux clunisiens autour du monastère sont intégrés dans un réseau et sont des biens d’Église, sacrés par destination, assurant différentes fonctions.
57Les échanges entre moines et laïcs passent par la matérialisation dans l’espace de lieux de paix au nombre desquels comptent les doyennés. La résidence d’un ou de plusieurs moines, la présence probable de reliques (au moins dans l’église du doyenné), les sépultures des ancêtres, la fortification, l’emplacement frontalier ou à la croisée des chemins, sont des facteurs conjoints qui confèrent aux doyennés une valeur positive et font de ces lieux des espaces propices à la (ré)conciliation. Les doyennés comme les églises, la salle du chapitre ou l’autel de l’église abbatiale sont différents pôles par lesquels les moines manifestent leur emprise sur un territoire et lient, par leur intermédiaire, les différentes composantes de la société dans une communauté fusionnelle.
58Ce tableau méritera des précisions et des nuances. Il serait encore plus incomplet si l’on passait sous silence quelques autres pôles jusqu’ici fort négligés : les ermitages clunisiens. Au XIIe siècle on en comptait cinq ou six répartis autour du monastère. Il est temps d’en dire quelques mots.
II. LES ERMITAGES
1. L’érémitisme clunisien90
59Fidèle à la tradition bénédictine, le monachisme clunisien n’excluait pas la pratique de l’érémitisme en alternance ou en juxtaposition à la vie cénobitique. Quelques expériences sont bien connues pour les Xe et XIe siècles. La première version de la vie d’Odon garde le souvenir d’Adhegrin, compagnon de l’abbé, qui opta pour la vie érémitique, d’abord pendant trois ans, puis de façon définitive. Il vivait semble-t-il dans les environs de Cluny91. À la fin du XIe siècle, trois moines clunisiens, l’un venant de Cluny, les deux autres de l’abbaye de Saint-Rigaud, fondèrent une celle sur l’île de Cordouan puis sur la pointe de la Grave qui fut intégrée dans l’ecclesia Cluniacensis tout en conservant un mode de vie érémitique92. Dans les mêmes années, le moine de Cluny Anastase a partagé sa vie entre le monastère bourguignon et la vie érémitique dans les Pyrénées où il s’adonnait à la prédication itinérante93.
60Ces expériences radicales restent toutefois marginales jusqu’au XIIe siècle. La situation change sous Pierre le Vénérable pour qui l’érémitisme s’impose comme une préoccupation essentielle. Parmi son abondante correspondance, la lettre la plus diffusée, tant au sein des collections que sous forme de manuscrit isolé, est adressée à Gilbert, moine ermite dans la région de Senlis. Il s’agit d’un long traité où Pierre devise des bienfaits de l’érémitisme dans la vie d’un moine94. Dans son Livre des miracles, Pierre le Vénérable fait l’éloge du monachisme cartusien95 et met en scène deux moines clunisiens dont l’un des mérites est de goûter la vie érémitique. Le premier, Benoît, est reclus dans un oratoire consacré à l’archange Michel dans une tour du monastère ; le second, Gérard, achève sa vie au service de Cluny dans la solitude boisée et montagneuse d’Ajoux96. Enfin, l’échange épistolaire entre l’abbé de Cluny, son secrétaire et confident Pierre de Poitiers et quelques moines reclus dans des bois près de Cluny montrent l’existence d’une vie mixte alternant le cénobitisme et l’érémitisme consacrée essentiellement à la prière, la copie de manuscrits, les discussions philosophiques et les joutes poétiques97.
61L’introduction de l’érémitisme au cœur du monachisme clunisien a suscité plusieurs interprétations. La multiplication des expériences érémitiques collectives et le succès du nouveau monachisme qui se définit notamment dans l’opposition à Cluny ont pu être vus comme des facteurs incitant les abbés clunisiens à intégrer dans leur mode de vie les pratiques prônées par les nouveaux moines98. Pierre le Vénérable a effectivement pris quelques mesures s’efforçant d’aménager des temps et des lieux « sacrés et plus secrets » (sacra et secretiora) propices à la vie « comme dans un ermitage » (velut in eremo)99. Plus globalement, son abbatiat est marqué par des tentatives de réforme pour rétablir une discipline plus rigoureuse, introduire une séparation plus nette entre les laïcs et les moines et panser les plaies nées des conflits ouverts au début de son abbatiat100. Cela étant, il est risqué d’interpréter une modification au sein du monachisme clunisien par les seules « influences extérieures ». Comme l’a récemment suggéré Dominique Iogna-Prat, l’intégration des modes de vie érémitique dans l’ecclesia Cluniacensis n’a pu se faire que lorsque les théoriciens grégoriens ont montré qu’il était possible d’être à la fois solitaire dans la prière et uni à l’Église101. L’ecclesia Cluniacensis, soucieuse d’intégrer toutes les formes de vie consacrée, s’est adaptée aux nouvelles exigences et a pu continuer de rester pure tout en maintenant ses activités mondaines.
62Pour effectuer ces nouvelles pratiques, il était nécessaire d’aménager des lieux spécifiques. Certains ont trouvé place dans le monastère, mais sous Pierre le Vénérable l’érémitisme clunisien s’exerce avant tout à l’extérieur de la clôture.
2. Les lieux de l’érémitisme
63L’organisation spatiale des ermitages clunisiens a suscité fort peu d’intérêt jusqu’à présent102. Sans doute est-ce dû à la maigreur des sources ; elles sont peu nombreuses et n’éclairent la situation que sous Pierre le Vénérable. Elles permettent toutefois d’esquisser assez précisément la topographie de l’implantation érémitique autour de Cluny. Ces documents sont le chapitre du De miraculis relatif à « Gérard, moine de vie simple et pure », les lettres échangées entre les moines séjournant dans les ermitages proches de Cluny et Pierre le Vénérable, d’une part, ces moines et le secrétaire de l’abbé de Cluny, Pierre de Poitiers, d’autre part ; enfin, un fragment de la Chronique de Cluny composée au XVe siècle103.
Des montagnes et des forêts
64Pierre le Vénérable le souligne dans ses lettres et son recueil de miracles : lorsqu’il séjourne dans l’abbaye, le moine doit sans cesse s’interrompre pour s’immerger dans la « boue des affaires du siècle »104. Aussi lui est-il nécessaire de se retirer périodiquement dans des lieux isolés plus propices à l’exercice des oraisons. Une telle retraite peut faire figure de récompense et couronner une vie bien remplie au service des intérêts clunisiens. Le moine Gérard, après avoir dirigé ou co-dirigé plusieurs monastères clunisiens dont Marcigny et Saint-Sauveur de Nevers obtient de Pierre le Vénérable le droit de se retirer « sur un sommet très élevé au-dessus des autres monts ». Là, « délivré de tous les soucis du monde », il est « d’autant plus proche de Dieu par ses désirs spirituels qu’il s’est davantage éloigné des activités humaines »105. Sur le sommet des montagnes, les moines sont en effet plus près du ciel. Là, ils peuvent entretenir des « entretiens solitaires avec Dieu », prier pour leur âme et préparer leur mort. Portes vers le salut du moine, l’altitude et le désert sont également sa ressource. Pierre le Vénérable compare ces retraites temporaires aux retraites salvatrices de Moïse et du Christ sur les montagnes, retraites fécondes puisque la Loi et la Bonne Nouvelle en sont issues. Comme ces illustres prédécesseurs, les moines vont prier en solitaire ; le but de leur oraison n’est pas personnel, il est, comme pour le Christ, « pour le peuple qui le persécutait »106.
65Avec l’altitude, la forêt est l’autre élément indispensable. Les moines habitent des forêts qu’ils se plaisent parfois à décrire froides, humides, denses, exposées aux vents les plus rudes et longtemps recouvertes de neige pour mieux montrer l’aridité de leur séjour107. Mais la forêt est également un symbole : elle chauffe et nourrit l’Occident médiéval comme elle nourrit son imaginaire. Elle est le lieu du désert, du refuge, mais également celui de la frontière, de la limite, du dehors parce qu’elle borde la quasi-totalité des espaces habités. Elle est le lieu d’un imaginaire néfaste où se déploie le contre-monde, l’envers de l’ordre et du sacré, le pôle négatif nécessaire à la construction du monde positif108. En s’implantant dans les forêts, les moines humanisent le désert et contribuent à renverser sa polarité négative. Les forêts des sommets sont particulièrement propices parce qu’elles permettent cette proximité avec Dieu que souligne Pierre le Vénérable.
Les trois têtes du Parnasse clunisien : Montmain, Mont-Saint-Romain, Ajoux
66Dans une lettre adressée à Pierre de Poitiers, un moine nommé Robert décrit les lieux de sa retraite de manière allégorique. Il les compare au mont Parnasse où muses, poètes et musiciens de la Grèce antique venaient chercher l’inspiration. Le Parnasse de Cluny, « notre Parnasse » selon Robert, est supérieur à l’ancien parce qu’il possède non pas deux mais trois sommets et accueille, à la place des faunes et autres satyres païens, « des poètes en cuculle, des moines noirs et des frères amoureux de la piété, de la prière et de l’étude »109. Robert poursuit en vantant les mérites du mont sur lequel il réside (noster mons) puis évoque les deux autres têtes du Parnasse clunisien (reliqua duo Parnasi capita), nommant l’une d’elles le « mont moyen » (mons medius)110.
Le « Mont Moyen » et la chapelle Sainte-Radegonde (Montmain)
67Le toponyme mons medius, qui a donné en français Montmoyen ou Montmain, est fréquent en Bourgogne. Il désigne généralement un mont ou un passage situé entre deux sommets plus élevés111. Au moins quatre mons medius existent dans les environs de Cluny : Montmain, sur la commune d’Igé, à cinq kilomètres à l’est de Cluny ; Mont Main sur la commune de Burnand, à proximité de Saint-Gengoux ; un autre Mont Main, près de Brancion, et l’écart En Montmain, près de Serrières, au sud-est de Cluny112. Un seul de ces quatre lieux est connu pour avoir abrité une chapelle possédée par Cluny : Montmain, entre Igé et Cluny. Tout concorde pour en faire le mons medius auquel l’ermite Robert fait allusion au début du XIIe siècle.
68Montmain est situé sur la chaîne de collines d’orientation sud-ouest/nord-est qui sépare le val de Grosne et la plaine de la Saône (carte 8). Un chemin faîtral113 court sur la crête des collines. Il permet en un temps relativement bref d’aller de Berzé à la plaine de Sennecey-le-Grand, là où la Grosne rejoint la Saône, là où Cluny possède le doyenné de Beaumont-sur-Grosne. Ce chemin, toujours appelé le « chemin des moines », passe par plusieurs cols et sommets, tous entourés de forêts : du nord au sud, le col de Navois, la Roche d’Aujoux, le col de Brancion, le Mont-Saint-Romain, le mont Épinet, le mont de Mandé et le col de Montmain114.
69Au col de Montmain, le chemin faîtral croise un chemin qui vient de Cluny et redescend sur le versant est de la colline en direction d’Igé et de Verzé (carte 9). Montmain est donc un lieu de passage, un croisement de voies et la limite entre deux contrées. Aujourd’hui encore, il délimite deux communes, Cluny et Igé, et deux cantons, Cluny et Mâcon-nord. Cette situation frontalière est très ancienne. Au haut Moyen Age, le col de Montmain séparait l’ager de Ruffey et celui d’Igé115. En 1095, il figurait parmi les points limites de la zone à l’intérieur de laquelle l’immunité de l’abbaye de Cluny devait s’exercer sans entrave116.
70Quelques mètres sous l’esplanade sommitale que l’on appelle le plâtre117, une source jaillit. Elle attirait jusqu’à la fin du XIXe siècle un pèlerinage annuel particulièrement prisé par les femmes soucieuses de trouver un mari dans l’année. L’ancienneté de ce culte n’est attestée par aucun document. Toutefois il trouve probablement son origine dans le culte des eaux pré-chrétien dont le Mâconnais a fourni quelques exemples118. L’implantation d’une chapelle à proximité de la source n’est pas mieux datée, mais elle est attestée par des témoignages de la fin du Moyen Âge et de l’époque moderne. La chronique de Cluny rédigée à la fin du XVe siècle cite la capella sanctae Radegundis parmi les lieux sylvestres fréquentés par les moines de Cluny au temps de Pierre le Vénérable119. Un pouillé des églises clunisiennes de la même époque cite la capella sancte Radegondis Montismedii120. Deux siècles plus tard, la chapelle Sainte-Radegonde de Montmain est bénie puis visitée par l’archidiacre de Cluny121. Le vocable Sainte-Radegonde semble indiquer une fondation mérovingienne. L’implantation sur un sommet, qui plus est lieu de passage et délimitation de deux contrées, coïncide assez bien avec la situation traditionnelle des chapelles isolées, aux confins des finages et des lieux habités. Radegonde ayant éprouvé elle-même la solitude et le retrait du monde a pu faire figure d’intercesseur expert et privilégié122.
71Vraisemblablement à la fin du XIe ou au début du XIIe siècle, lorsque les moines organisent le réseau de leurs dépendances, ils s’installent en ce lieu. Le site s’y prêtant parfaitement, il devient un lieu d’ermitage, le mons medius auquel l’ermite Robert fait référence. Mais en s’implantant sur un tel lieu combinant une situation géographique limitrophe, l’altitude, la source et les forêts, la présence d’un saint et des moines versés dans la prière et l’étude, les clunisiens font bien plus que créer un ermitage. Ils s’approprient un lieu stratégique plurifonctionnel et l’utilisent comme tel. Trois événements survenus dans la première moitié du XIIe siècle en témoignent. En 1102, un plaid important entre l’abbé Hugues et le seigneur de Semur-en-Brionnais, Geoffroy IV, en litige au sujet des droits sur la terre et les hommes autour du prieuré de Marcigny, se tient à Montmain (apud Montem Medium juxta Cluniacum)123. Autour des deux protagonistes étaient présents les principaux milites du Clunisois et du Brionnais ainsi que deux éminents ecclésiastiques issus du monachisme clunisien, le cardinal Milon de Préneste, légat pontifical, et l’archevêque d’Auch, Raymond. Le moine de Cluny Gilon, biographe de saint Hugues vers 1120, rapporte qu’à la fin de sa vie l’abbé malade s’est reposé à Montmain près de Cluny, semble-t-il pour y trouver la quiétude qui manquait au monastère, peut-être pour y mourir124. En 1140, Hugues de Berzé abandonne tout droit sur la condemine de Montmain au profit des moines qui s’installeront là à la demande de l’abbé, ou au profit du monastère si les moines désertent le col125.
Saint-Romain au-dessus de Boutavant
72La Chronique de Cluny du XVe siècle mentionne plusieurs chapelles fréquentées par les moines au temps de Pierre le Vénérable. Reprenons le texte, il nous aidera à identifier la deuxième tête du Parnasse clunisien :
Du temps de cet abbé de Cluny, Pierre le Vénérable, le nombre des moines à Cluny était de presque quatre cents. Certains d’entre eux demeuraient dans les forêts proches de ce lieu. L’abbé Pierre lui-même vivait parfois en compagnie de ces frères et se comptait parmi eux. Les demeures de ces saints pères moines étaient des chapelles dans les susdites forêts, comme dans la chapelle Sainte-Radegonde, Saint-Romain au-dessus de Boutavant, la chapelle Saint-Vital près de Cluny, la chapelle Saint-Jean-du-Bois et l’église de Cotte. Dans ces lieux, ils combattaient pour le Christ avec une grande dévotion126.
73Des quatre lieux cités en plus de Sainte-Radegonde, un seul se situe au sommet d’une colline et dans les forêts : Saint-Romain au-dessus de Boutavant, autrement dit, le Mont Saint-Romain.
74Le lieu-dit Boutavant désigne un éperon rocheux dominant la vallée de la Grosne, le hameau de Varanges et le village de Cortambert, à sept kilomètres environ au nord-est de Cluny (carte 9). Son nom semble provenir de la construction par les sires de Brancion-Uxelles au cours du XIIe siècle d’une forteresse sur ce promontoire, véritable poste avancé (Boutte-avant) en direction de l’abbaye de Cluny127. En 1237, le château devient une propriété clunisienne128 et la signification du toponyme a dû progressivement se perdre pour devenir ce qu’il est aujourd’hui, la Butte-à-vent129.
75Au nord-est de Boutavant, par-delà la roche qui domine la vallée de la Grosne, s’ouvre le vallon de Blanot, lui-même dominé par le Mont-Saint-Romain, point culminant du Mâconnais et du Clunisois avec ses 580 mètres d’altitude130. Il est situé sur la même ligne de crête que Montmain, sur ce long chemin faîtral qui permet de relier Cluny à Beaumont-sur-Grosne en passant par les collines. L’installation d’un ermitage à son sommet constitue, avec Montmain, l’un des exemples les plus remarquables d’appropriation par les clunisiens d’un site chargé d’histoire et de sacralité. Les différentes étapes de l’occupation du site restent tributaires des fouilles archéologiques partielles menées à plusieurs reprises au cours du XXe siècle131, mais il est possible d’esquisser les grandes lignes de son histoire.
76Le sommet du mont était peut-être un oppidum pourvu d’un fossé et d’une enceinte et coiffé, au temps de l’occupation romaine, d’un édifice recouvert de stucs et d’enduits peints, peut-être un temple132. Comme à Montmain, une source jaillit juste sous l’esplanade du sommet principal (le plâtre). Entre le IVe et le VIe siècle, un lieu de culte chrétien est installé au sommet du mont, au-dessus de la source. Des tombes en sarcophage, datables de cette époque ont été retrouvées à proximité133. La dédicace à saint Romain est vraisemblablement contemporaine de cette « christianisation » du site. Son vocable comme le culte qui s’y déroulait constituent un témoignage parfait du syncrétisme entre le christianisme et les cultes précédents. Grâce aux folkloristes mâconnais du début du XXe siècle, on connaît en effet le déroulement du pèlerinage au Mont-Saint-Romain dont la ferveur s’est maintenue jusque vers 1870. On allait au « viage de saint Romain » pour conjurer les mauvaises fièvres ou les maladies des yeux. L’eau de la source qui passait pour jaillir du corps du saint était utilisée comme onguent sur les parties malades ou consommée à intervalles réguliers après le pèlerinage134.
77L’oratoire du Mont-Saint-Romain est l’une des premières églises acquises par Cluny au début du Xe siècle. En avril 927, le seigneur de Brancion, Liébaud, et sa seconde épouse, Doda, donnent à Cluny les églises et les terres qu’ils possèdent dans les villae de Blanot, Vivier et Fougnières135. Une église en l’honneur de saint Romain figure parmi les biens concédés. Compte tenu de la localisation des terres concédées, il s’agit sans aucun doute de celle du mont. D’ailleurs, il n’existe aucun autre lieu dédié à saint Romain dans la région.
78L’altitude, la forêt et l’implantation aux limites de deux contrées semblaient prédestiner cet oratoire à devenir, comme celui de Montmain, un lieu de retraite. C’est chose faite au moins sous l’abbatiat de Pierre le Vénérable. Le Mont-Saint-Romain est peut-être le mont sur lequel l’ermite Robert a rédigé sa lettre : noster mons. Et à lui tout seul, il pourrait correspondre à sa description allégorique puisque au Mont-Saint-Romain, trois sommets dominent les bois et les vallées environnantes136.
Le « haut joug »
79Pour identifier le troisième lieu, il faut revenir à Pierre le Vénérable. Le chapitre qu’il consacre au moine Gérard dans le De miraculis fournit quelques précisions topographiques fort utiles :
À un autre moment, il demeurait en un lieu proche de Cluny qui s’appelle Aujoux. Ce lieu tient son nom de l’altitude par laquelle il domine toutes les terres environnantes. C’est en effet un sommet très élevé au-dessus des autres monts, si bien qu’on voit souvent au-dessous de soi les nuages eux-mêmes quand, alourdis par leur nature humide, ils ne peuvent monter plus haut. De là on peut voir les Alpes d’Italie et découvrir à ses pieds une grande partie de la Gaule. Ainsi élevée très haut dans les airs, entourée de denses forêts, exposée continuellement aux vents les plus rudes, longtemps recouverte de neige, difficile à gravir et à descendre, cette montagne repousse loin d’elle toute population trop dense et, par sa solitude même, elle convainc les amants du désert de ne rien chercher au-delà. Elle n’accueille donc que des moines pour y demeurer et son aridité ne permet même pas qu’ils y soient nombreux137.
80Les « hauts jougs » autour de Cluny sont au nombre de deux. La Roche d’Aujoux est située sur la même chaîne de collines que Montmain et le Mont-Saint-Romain, quelques kilomètres plus au nord (carte 8). On y accède notamment par le chemin faîtral qui relie le col de Brancion au col de Navois (le chemin des moines). Cette proximité avec les deux lieux précédents incite à identifier la Roche d’Aujoux avec le lieu cité par Pierre le Vénérable, d’autant plus que le moine Gérard est connu pour avoir vécu, avant de se retirer sur les sommets, dans le doyenné voisin de Beaumont-sur-Grosne138. Cependant, aucune église ou chapelle clunisienne n’est connue à proximité de ce sommet et la configuration topographique du site ne cadre pas avec la description de l’abbé de Cluny. Avec ses 487 mètres d’altitude, la Roche d’Aujoux domine certes les vallées de la Saône, de la Grosne et du Grison, mais on ne peut guère apercevoir, par beau temps, que Tournus et la plaine de la Bresse, mais pas les Alpes et une « grande partie de la Gaule ».
81Beaucoup plus au sud, à la limite du Mâconnais et du Beaujolais, se trouve un autre Altum Iugum, près du Mont-Saint-Rigaud et du col des Écharmeaux (carte 10)139. En 929, Artaud, ancêtre des sires de La Bussière, donne à Cluny l’église construite en ce lieu sous le patronage de saint Victor140. Sa propriété par les moines est régulièrement confirmée dans les privilèges pontificaux du Xe siècle (annexe 2). Elle devient au milieu du XIIe siècle le centre d’une obédience clunisienne dirigée par un decanus chargé de verser cent setiers d’avoine par an au chambrier de Cluny141. Au milieu du XIIIe siècle, Ajoux est dirigé par un prior et deux moines, et l’établissement est régulièrement visité par les envoyés du chapitre général142. Doyenné, prieuré, ermitage : on voit comment les fonctions sont imbriquées.
82On ne connaît pas précisément l’emplacement de l’établissement clunisien. Peut-être était-il sur la Roche d’Ajoux elle-même, l’un des sommets les plus élevés, ou sur le Mont-Saint-Rigaud voisin qui domine toute la région avec ses 1009 mètres d’altitude et coïncide très bien avec la description de Pierre le Vénérable143. C’est vraisemblablement sur ce haut joug que le moine Gérard est venu finir ses jours.
Les lieux de la vallée : Saint-Vital, Cotte, Saint-Jean-du-Bois
83Selon la chronique de Cluny du XVe siècle, trois autres « chapelles dans les forêts » auraient été fréquentées par les moines de Cluny au temps de Pierre le Vénérable : Saint-Vital près de Cluny, Saint-Jean-du-Bois et Cotte. Deux de ces lieux sont assez bien connus et, s’ils ne sont pas perchés au sommet des collines, ils constituent des lieux tout aussi stratégiques que les trois têtes du Parnasse clunisien.
La chapelle Saint-Vital près de Cluny
84Le plan terrier de la ville et banlieue de Cluny dressé à la fin du XVIIIe siècle figure à quelques centaines de mètres au matin du bourg la « terre où fut la chapelle Saint-Vital ». Elle est établie sur un tertre cerné aux deux tiers par un fossé circulaire alimenté par l’eau d’un ruisseau dévalant la colline de Bourcier et, au tiers restant, par un chemin vicinal permettant d’accéder au domaine d’Argerot144. Non loin de la croisée des chemins qui mènent au nord vers Varanges et Cortambert, à l’est vers Azé, la chapelle n’est pas sur une voie importante. Elle se trouve à l’orée du bois de Bourcier qui couvre le flanc ouest de la colline.
85La chronique de Cluny est à ma connaissance le seul texte médiéval qui signale l’existence de cette chapelle et il est impossible de préciser sa configuration, son architecture et son statut. Elle est absente de tous les pouillés, y compris ceux des églises clunisiennes. Tout au plus son vocable autorise-t-il l’hypothèse d’un établissement mérovingien145, dans la même vague qui a vu la création des chapelles Sainte-Radegonde et Saint-Romain.
La chapelle Saint-Jean-du-Bois
86Vers 1170, Joceran (IV) Gros, seigneur d’Uxelles et de Brancion, donne à Cluny son alleu situé dans la forêt de Grosne. Là, précise la charte, se trouve une église dédiée à saint Jean, apôtre et évangéliste146. Les biens concédés sont délimités et se situent assez facilement sur une carte précise de la région de Cluny :
Je donne et je concède en possession perpétuelle, avec le consentement et l’approbation de mon épouse, à Dieu et à la bienheureuse Marie mère de notre Seigneur Jésus-Christ et aux bienheureux apôtres Pierre et Paul, et à saint Jean l’évangéliste, et au saint convent du monastère de Cluny, un certain domaine, avec toutes ses dépendances, en intégralité, dans mon alleu et dans la forêt de Grosne, là où se trouve être édifiée une église Saint-Jean-apôtre-et-évangéliste. Le dit domaine est délimité ainsi : en suivant la voie carrossable qui est au-dessus de l’essart de Savaricus jusqu’au chemin du moulin de Taizé, et en suivant la rivière Grosne jusqu’au bief et au chemin qui conduit à Bray147.
87La « forêt de Grosne » fait partie d’une longue bande forestière située au nord de Cluny, comprise entre la rive droite de la rivière, à l’ouest, et les premiers contreforts des collines qui séparent le Clunisois du Mâconnais, à l’est (carte 12). Elle se compose de la forêt de Gousseau et du bois du Chazellet, séparés par un essart, dont le toponyme aujourd’hui disparu correspond à l’essart Savaricus mentionné dans la charte. Elle est dominée à l’ouest par le village de Taizé, à l’est par le village de Bray et deux hameaux, Toury et Chazeux. Au milieu de l’essart, subsiste aujourd’hui un moulin sur la Grosne, le moulin de Coureau, dont le toponyme moderne a dû remplacer celui du XIIe siècle : le moulin de Taizé. À proximité, s’élève une ancienne chapelle datable par son architecture du XIe ou du début du XIIe siècle. Transformée en ferme au moins depuis le XVIIe siècle, elle porte aujourd’hui le nom de ferme Coureau, mais on doit sans conteste l’identifier à la chapelle Saint-Jean-l’évangéliste148. Le domaine donné par Joceran Gros à Cluny se composait d’une partie forestière et d’une partie défrichée, cultivable, dont les plus anciens terriers conservent le nom de terre de Saint-Jean149.
88Le statut de l’église Saint-Jean demeure obscur. Joceran donne une ecclesia et non une chapelle ou un oratoire. À la fin du XIIe siècle, ce terme est généralement utilisé pour caractériser une église paroissiale. Or aucune source écrite ne mentionne l’existence d’un culte ou de droits paroissiaux dans l’église Saint-Jean, située elle-même sur la paroisse de Bray, et très proche des églises paroissiales de Taizé, Lys et Chazelle. Ces quatre églises sont mentionnées dans les plus anciens pouillés du diocèse de Mâcon ; pas celle de Saint-Jean, également absente du pouillé des églises clunisiennes de la fin du Moyen Age150.
89Peu de temps après sa donation à Cluny, l’église Saint-Jean est citée dans un privilège d’Urbain III, en 1186, qui confirme l’ensemble des droits du monastère151. L’inviolabilité de l’église Saint-Jean est ainsi sanctionnée par le pape. C’est vraisemblablement à cette date que la charte de donation de Joceran Gros est copiée dans un supplément du cartulaire B avec les deux bulles d’Alexandre III (1174-1176) et de Lucius III (1184-1185) qui ont confirmé la donation du seigneur de Brancion152. Dans le privilège d’Urbain III, l’église Saint-Jean est qualifiée monasterium sancti Johannis de Bosco : le « monastère Saint-Jean-du-Bois ». Ce surnom vient probablement de la situation de l’église en pleine forêt ; aujourd’hui elle est en lisière. Le qualificatif monasterium indique que les moines s’y sont implantés, mais la nature de leur communauté (érémitique, cénobitique) n’est pas précisée.
90Si l’on suit la chronique de Cluny du XVe siècle, la capella Sancti Iohannis de Bosco était utilisée comme ermitage sous Pierre le Vénérable. L’abbé est mort en 1156 et l’église Saint-Jean n’est devenue clunisienne que vers 1170 ! On ne saurait être trop prudent. La vocation érémitique de Saint-Jean-du-Bois n’est pas à ma connaissance attestée par ailleurs. En revanche, au XIVe siècle, la domus sancti Johannis de Bosco est citée parmi les établissements (domus, castra, grangiae) qui contribuent à l’approvisionnement annuel du convent et de l’abbé (annexe 1). L’église Saint-Jean-du-Bois apparaît donc comme un lieu plurifonctionnel utilisé peut-être comme ermitage du fait de son implantation dans la forêt puis comme un des points à partir desquels s’exerce la domination économique clunisienne.
L’église de Cotte
91Cotte était au haut Moyen Âge le lieu éponyme d’une villa, partie intégrante de l’ager de Merzé153. Situé à près de trois kilomètres au nord de Cluny, entre la rive droite de la Grosne et la forêt qui couvre la colline à l’est, Cotte est aujourd’hui un écart presque inhabité de la commune de Cortambert (carte 13). Le toponyme est conservé par le bois de Cotte, le pont de Cotte et l’ancienne chapelle de Cotte transformée en demeure privée154. Son architecture est semblable à celle de la chapelle Coureau. Elle témoigne d’une construction de la fin du XIe ou du début du XIIe siècle155.
92Dès les premières années de leur installation, les moines de Cluny ont acquis des terres dans la villa de Cotte156. En 929, l’évêque de Mâcon leur donna l’église de Cotte (ecclesia de Copta) ainsi que celles de Blanot, Lanques et Jalogny, trois lieux voisins du monastère où les clunisiens possédaient déjà plusieurs terres157.
93Une notice du cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon attribue la donation de Cotte à l’évêque Hildebaud qui dirigeait l’église de Mâcon au début du IXe siècle158. Plusieurs motifs incitent toutefois à écarter l’authenticité de cette charte et donc d’une donation aussi ancienne. La première partie du texte signale la confirmation par Hildebaud, évêque de Mâcon, de son échange avec Garin, comte d’Auvergne et Albane, son épouse, de la villa de Cluny contre l’église Saint-André, la villa de Genouilly et d’autres biens sis dans les comtés de Mâcon et Nevers. Cet échange, attesté par ailleurs159, a eu lieu en juin 825 mais les termes de la notice sont incompatibles avec le début du IXe siècle. Sont en effet mentionnés le « noble monastère [de Cluny] construit en l’honneur des bienheureux apôtres Pierre et Paul » et « l’Église de Cluny »160, deux réalités aberrantes en 825 et bien plus conformes au début du XIIe siècle lorsque que l’on compose le cartulaire de Saint-Vincent. La donation des églises de Cotte et Jalogny par l’évêque Hildebaud est brièvement citée à la fin la notice. Selon toute vraisemblance, il s’agit d’une interpolation de la charte de 929 où l’évêque de Mâcon, Bernon, a donné à Cluny les églises de Cotte, Jalogny, Lanques et Blanot. L’original de cette charte existait encore au XVIIIe siècle dans les archives de l’abbaye de Cluny161. La notice du cartulaire de Saint-Vincent a donc toutes les allures d’un texte composite élaboré vers 1100 à partir de deux originaux, l’un de 825, l’autre de 929162.
94À partir de 929, l’histoire de l’église de Cotte est éclairée par intermittence. Le terme ecclesia comme la mention des dîmes et des oblations dans la donation de l’évêque Bernon semblent indiquer que l’église était déjà paroissiale en 929163. L’enquête menée par Henri de Winchester vers 1150 signale l’église de Cotte dans le système domanial clunisien. Une partie de ses revenus parvenait à Cluny via le doyen de Lourdon, à hauteur de quatre-vingts setiers d’avoine à la mesure de Cluny versés annuellement et de la moitié des oblations, d’une partie substantielle des droits de sépulture et de la totalité des chandelles pour la célébration de chaque fête164. Le curé de Cotte était jusqu’au début du XVIIe siècle nommé par l’abbé de Cluny165. Simon Baldon, qui occupait cette charge à la fin du XIVe siècle, habitait le bourg de Cluny et figurait parmi la frange représentative des habitants régulièrement sollicitée pour les délibérations des affaires importantes de la vie clunisoise166. En 1631, une nouvelle définition des limites paroissiales eut raison de la paroisse de Cotte qui fut partagée entre les deux paroisses voisines de Cortambert et de Lournand dont les églises étaient mieux situées au cœur des villages167. L’abbé de Cluny dut perdre ainsi une partie de ses droits sur la paroisse de Cotte étant donné que la paroisse de Lournand relevait du chapitre cathédral de Mâcon168.
95La carte de Cassini dressée à la fin du XVIIIe siècle, figure l’église de Cotte sous le vocable de Saint-Laurent. Si ce vocable était bien le même depuis sa fondation, il est possible que l’église ait comptée parmi les plus anciennes de la région169.
96La situation topographique de l’église de Cotte est inattendue pour une église paroissiale. Hors de tout village, à la lisière de la forêt et au pied de la colline, elle rassemble les mêmes caractéristiques que les chapelles Saint-Jean de Coureau et Saint-Vital de Cluny. On peut d’ailleurs relier ces trois édifices par une ligne presque droite qui dessine la limite orientale de la plaine alluviale de la Grosne et souligne la naissance des premières pentes occidentales des monts du Mâconnais (carte 13). Comme au Mont-Saint-Romain, à Coureau et vraisemblablement à Montmain, les clunisiens ont hérité d’une église existante. Celle de Cotte était déjà paroissiale et l’est restée par la suite. Or la chronique de Cluny indique qu’elle comptait au nombre des lieux forestiers habités par les moines. Cette apparente contradiction mérite d’être éclaircie.
97Revenons aux termes de la chronique, même s’ils sont ceux du XVe siècle pour éclairer une situation du XIIe. Il n’est pas question d’ermitage, mais de lieux (loca) dans lesquels des moines résident et combattent pour le Christ170. S’ils sont retirés du monde habité par leur position frontalière, élevée et sylvestre, les « ermitages » et les moines qui y résident entretiennent avec le monde extérieur des relations étroites. Le jeune moine Gilbert qui réside sur les collines proches de Cluny au temps de Pierre le Vénérable s’en étonne lui-même. Pierre de Poitiers l’a récemment qualifié, lui et ses compagnons, du nom honorable d’ermites. Remerciant son maître (dominus) de cet éloge, Gilbert reconnaît qu’ils habitent dans les forêts et sont plus coutumiers des feuillages des arbres que des pierres et des briques des maisons. Cependant, la forêt ne fait pas tout. Aussitôt après l’avoir gagnée, les moines ont attiré vers eux un très grand nombre d’hommes de telle sorte que leur établissement est devenu « plus une ville qu’un ermitage ». Par groupes, venant de toutes les régions environnantes, mais aussi d’outre-mer et d’au-delà des Alpes, des hommes viennent pour régler leurs litiges, se mettre d’accord (fine concordi) ou entendre une sentence judiciaire171.
98À la lecture de ces lignes, on pense par exemple au plaid réuni à Montmain en 1102 où le sire de Semur, Geoffroy IV, est venu négocier la paix avec les moines de Cluny et ceux de Marcigny172. Gilbert ne l’a pas connu, mais son souvenir en est sans doute encore vif, quand bien même d’autres assemblées solennelles du même genre dont la trace s’est perdue ne se sont pas déroulées à Montmain ou au Mont-Saint-Romain dans les mêmes années. Auprès des « ermitages », le peuple que les moines ont momentanément quitté se rassemble parfois pour négocier la paix, pour vénérer un saint, pour se guérir d’un mal corporel, pour assister au culte ou payer son dû au desservant. Ermitage, église paroissiale, lieu de pèlerinage, lieu de négociation ou cimetière ; loin d’être antagonistes, les différentes fonctions assumées par les lieux forestiers sont au contraire étroitement complémentaires. Elles assurent la paix avec les ennemis traditionnels que sont les seigneurs laïques, la paix des laïcs pécheurs avec leur âme, la paix avec leur corps malade et avec leurs saints protecteurs. Le terme le plus adéquat pour qualifier Ajoux, Montmain, Mont-Saint-Romain, Saint-Vital, Saint-Jean de Coureau et Cotte n’est donc pas « ermitage », trop restrictif, mais celui utilisé par le chroniqueur du XVe siècle : locus. Locus, c’est-à-dire lieu de résidence, lieu central, lieu de pouvoir, point de référence. Malgré les apparences, le mot locus est loin d’être neutre. C’est le terme utilisé depuis l’Antiquité tardive pour désigner les sépultures et tout particulièrement les tombeaux des saints173.
99Par extension, le mot en vient à désigner tout point de contact entre la terre et le ciel et prend alors une importance essentielle dans la représentation et l’organisation de l’espace au Moyen Age174. Lieu marqué par l’intercession d’un saint (un miracle), lieu de sa naissance ou de sa mort, lieu où reposent ses reliques : tous sont des loca sancta, points de liaison entre la cité terrestre et la cité de Dieu175. Parce qu’ils sont des trésors de reliques et parce qu’ils sont les lieux du sacrifice eucharistique sans cesse renouvelé, les églises et surtout les monastères sont appelés loca176. Ermitages, granges, monastères, chefs-lieux de doyennés établis autour d’une église ou d’une forteresse sont les loca clunisiens.
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100Les loca clunisiens répartis autour de l’abbaye sont autant de points d’ancrage de la domination clunisienne. C’est vers ces lieux où résident quelques moines que convergent les produits de la rente foncière et les hommes soucieux de négocier la paix, de trouver refuge et hospitalité, de se réconcilier avec le saint ou d’obtenir son intercession. Cluny est au centre de ce réseau composé d’une trentaine de lieux, répartis dans un rayon d’environ cinquante kilomètres autour du sanctuaire principal et particulièrement concentrés dans un rayon de moins de vingt kilomètres (carte 14). Dans cet espace, les moines ont réussi à s’implanter dans la plupart des lieux stratégiques qui leur préexistaient : les forteresses, les points sommitaux, les croisées de voies importantes. C’est à partir de ces lieux que les hommes d’Église pensent le monde ; c’est autour de ces lieux qu’ils entendent que se nouent les rapports sociaux.
101Une question cruciale reste cependant en suspens. On a évoqué tout à l’heure la naissance, au cours du XIe siècle, de la territorialisation du pouvoir abbatial à l’intérieur de zones circonscrites par des limites. Une telle définition peut paraître contradictoire avec l’organisation de l’espace qui vient d’être présentée, où le pouvoir s’exerce à partir de lieux davantage que sur des territoires. Il faut donc examiner comment ces deux aspects s’articulent pour mieux comprendre la structure spatiale de la domination clunisienne.
Notes de bas de page
1 Panorama pour l’époque carolingienne : É. Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique, t. I, p. 279-290.
2 Les distinctions de G. de Valous, Le monachisme clunisien, t. 2, sont beaucoup trop tranchées. La volonté systématique d’établir des typologies conduit à des résultats tout aussi tendancieux : P. Racinet, Les maisons de l’ordre de Cluny, p. 112-123 ; Id., Crises et renouveaux, p. 75-80.
3 Une étude récente va dans cette direction pour les prieurés des grandes abbayes lotharingiennes : A. Gillen, F. Hirschmann, « Priorate, Grundherrschaft », notamment p. 270-271. De même pour l’abbaye lorraine de Saint-Mihiel, A. Gillen, Benediktinerabtei, p. 190-220.
4 D’abord dans une monographie sur l’obédience de Berzé-la-Ville puis dans un article synthétique sur les doyens clunisiens : M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville », notamment p. 200-201, 213-214 ; Id., « Les doyens de l’abbaye de Cluny ». L’étude des bâtiments conservés des doyennés de Cluny est en cours au Centre d’études clunisiennes. Les premiers résultats ont été publiés dans P. Garrigou-Grandchamp et al., « Doyennés et granges de l’abbaye de Cluny », avec une très bonne introduction d’A. Guerreau sur le « système domanial clunisien », p. 71-75.
5 C 4131 (s. d., VdE, p. 247-250 : <avril-août> 1147) ; Stat. PV 41, p. 75 (v. 1146-1147) ; C 4132 (v. 1147-1148) ; C 4143 (v. 1149-1155).
6 Sur la signification d’obedientia au XIe s. : J. F. Niermeyer, Mediae latinitatis, col. 725-727 ; A.-M. Bautier, « De prepositus à prior » ; M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville », p. 200, n. 7.
7 Par exemple : Statuts d’Hugues V (1205-1206), 8 et 21, éd. Charvin, I, p. 56 et 59 ; C 4471, C 4493, C 4494, BC, col. 1502, C 4517 ; Registres d’Honorius III, no 3727, t. II, p. 31-32 (= Bull. p. 105, col. 2, no 2), C 4901 ; BC, col. 1753-1756.
8 M. Hillebrandt,« Les doyens de l’abbaye de Cluny ». G. de Valous, Le domaine de l’abbaye de Cluny, p. 84-85 ; Id., Le monachisme, I, p. 118-120.
9 Point circonstancié sur les listes de monastères clunisiens dans D. Poeck, Cluniacensis Ecclesia, p. 5-21. Mais cette étude néglige les doyennés.
10 A. Déléage, La vie rurale, p. 428-429. Une autre liste des obédiences clunisiennes, moins complète, est donnée par T. Chavot dans la préface du Cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon, p. clxxxix. Pour les localisations, voir infra annexe 1 et carte 2.
11 Au contraire, l’église de Blanot apparaît intégrée dans la decania de Lourdon au milieu du XIIe s. : C 4143, p. 503.
12 Iguerande, S.-et-L., can. Semur-en-Brionnais, est sur la rive droite de la Loire entre Marcigny et Roanne. En 1100, ses revenus sont donnés au prieuré clunisien de Marcigny pour la commémoration de Dalmace de Semur, père de l’abbé Hugues : C 3742, cf. E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire, p. 39 sq. ; M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville », p. 208. Gevrey-Chambertin, C.- d’Or, est à quelques kilomètres au sud de Dijon. En 1101, ses revenus sont partagés entre l’abbé de Cluny et le duc de Bourgogne : C 3809.
13 P. Garrigou-Grandchamp et al., « Doyennés et granges de l’abbaye de Cluny », p. 73-75.
14 M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville », p. 214, n. 8 et p. 216, n. 30, en cite 12 (il manque Péronne et Jalogny).
15 M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville », p. 216 (n. 31) en cite 13 (manquent Péronne et Romans).
16 Dispositio rei familiaris Cluniacensis facta a domno Petro abbate, éd. C 4132. Le texte est connu par une seule copie des années 1200 ajoutée au début du cartulaire A juste après la Chronologia abbatum : BnF, nouv. acq. lat. 1497, f° 4v-6r. Il a été étudié en détail par J. Wollasch, Cluny. « Licht der Welt », p. 234-246. Sur sa tradition manuscrite : D. Iogna-Prat, « La geste », p. 155. Paraphrase du texte par J.-H. Pignot, Histoire de Cluny, t. III, p. 387-391. Sur les réformes économiques de Pierre le Vénérable : J. Leclercq, Pierre le Vénérable, p. 137-148 ; G. Duby, « Le budget », p. 72-74. La Dispositio rei familiaris est indissociable des statuts promulgués par Pierre le Vénérable un ou deux ans auparavant : Stat. PV, p. 21-25.
17 Constitutio expensae Cluniaci per manum domini Henrici Wintoniensis episcopi, texte connu par sa seule copie dans le cartulaire B au début du XIIIe s., BnF, nouv. acq. lat. 1498, f° 292-295, éd. C 4143.
18 A. Guerreau, « Douze doyennés ». Le texte a également été étudié par G. Duby, « Un inventaire des profits ».
19 C 4493, 4494, 4495.
20 À l’ouest, si l’on s’en tient à l’emplacement des actuelles rue du doyenné et rue Saint-Martin-des-Vignes (Charnay-lès-Mâcon), mais on ignore tout de l’emplacement exact de cet établissement vraisemblablement disparu dès la période moderne.
21 Ms. Académie de Mâcon, sans cote. Il a été brièvement présenté par J. Virey, « Note sur un manuscrit du XIVe s. ». Je remercie A. Guerreau de m’avoir confié un fac-similé photographique de ce manuscrit.
22 Beaumont a été cédée à Joceran IV de Brancion en 1237 en échange de nombreux biens dont le château de Boutavant : C 4711, BC, col. 1507-1509. J’ignore comment Romans est sorti de la domination clunisienne. On note également l’absence de Montberthoud dans le manuscrit de 1321, peut-être à cause de l’aliénation partielle de ses revenus au profit du doyen de Lyon en 1269 : D. Riche, L’ordre de Cluny, p. 279, 328-329. Mais contrairement à Beaumont et Romans, Montberthoud est cité dans la documentation ultérieure.
23 Sur la Grange-Sercy, P. Garrigou-Grandchamp et al., « Doyennés et granges », p. 99-104 et infra p. 105. Sur Saint-Jean-du-Bois et Boutavant, infra p. 119, 124-127. Sur la Motte de la Vieille-Bussière, découverte récente d’A. Guerreau, P. Garrigou-Grandchamp et al., « Doyennés et granges », p. 74. Sur la ruine des sires de La Bussière au XIIIe s. : G. Duby, La société, p. 419.
24 BnF, lat. 17717, f° 26v-27r (Cense decanatuum cluniacensium ab antiquo imponite), f° 9r, 23v, 67r et 72r (decanatus Cluniacensis). Le rouleau est ainsi décrit, f° 69v : Sequitur pensiones quondam conventui Cluniacensis debite, extracte de quodam satis antiquo papiro libro piloso. Sur cette liste, voir également D. Riche, L’ordre de Cluny, p. 493-494.
25 Ajoux, BnF lat. 17717, f° 21r, 26r ; Montberthoud, ibid., f° 21r, 67r, 72r.
26 La liste originale est signée de deux notaires clunisois, vers 1480 : BnF, nouv. acq. lat. 2483, f° 24r-28r. On en connaît plusieurs copies manuscrites du XVIe et début XVIIe s. : BnF, lat. 13873, f° 160-164r (1580) ; lat. 5654, f° 2r-7r (1613). En 1614, elle a été publiée dans la BC, col. 1753-1754.
27 Déjà soulignés par A. Guerreau dans P. Garrigou-Grandchamp et al., « Doyennés et granges », p. 75.
28 M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville » ; P. Garrigou-Grandchamp et al., « Doyennés et granges » (pour Bézornay, la Grange-Sercy et Mazille). L. Raffin, L. de Contenson, « L’église et le doyenné de Saint-Gengoux » ; L. Raffin, « Une forteresse clunisienne » ; L. Cornudet, « Les possessions de l’abbaye de Cluny à Jully-lès-Buxy » ; É. Magnien, « Quelques notes sur la constitution du doyenné clunisien de Jalogny ».
29 B. Rosenwein, To be the Neighbor, p. 176-179.
30 Papsturkunden 351. D. Poeck, Cluniacensis Ecclesia, p. 27-33.
31 Mittellateinisches Wörterbuch, t. II-3, col. 435-436 ; J. F. Niermeyer, Mediae latinitatis, p. 162-163.
32 Capitulare monachorum, 44 : Ut abbatibus liceat habere cellas, in quibus aut monachi sint aut canonici ; et abbas praevideat, ne minus de monachis ibi habitare permittat quam sex : éd. M. G. H., Legum. Sectio II. Capitularia regum francorum, t. I (1883), p. 346.
33 La constitution des prieurés clunisiens et l’essor de leur patrimoine foncier est bien souvent l’œuvre d’un réseau de donateurs qui élisent sépulture dans le prieuré et le dotent copieusement : D. Poeck, Cluniacensis Ecclesia, p. 144-192 (ex. de Domène, Nogent-le-Retrou, Paray-le-Monial, Longpont, Saint-Mont, Lewes et Grandchamp) ; Id., Longpont.
34 B. Rosenwein, To be the Neighbor, p. 148-152 (sur le réseau des donateurs de Chaveyriat et de Beaumont et les donations pour la sépulture).
35 Pour les mentions de chaque lieu dans les privilèges pontificaux des Xe-XIIIe s., on se reportera au catalogue de D. Poeck, Cluniacensis Ecclesia, p. 277 et p. 311 pour Beaumont et Chaveyriat.
36 Dans l’enquête d’Henri de Winchester : C 4143 (annexe 1).
37 Arpayé visité en 1281 : Charvin, I, p. 405. Ajoux visité en 1262, 1264, 1269, 1272, 1278, 1283, 1290, 1292, 1293, 1295, 1298 : Charvin, I, p. 270, 284, 301, 321, 372, 422 ; Ibid. II, p. 3, 33, 49, 82, 125. Chaveyriat visité en 1278 : Charvin, I, p. 371. Montberthoud visité en 1262, 1269, 1272, 1281, 1290, 1292, 1293, 1298 : Charvin, I, pp. 269-270, 308, 371, 403 ; Ibid. II, p. 3, 31, 49, 125. Saint-Martin-des-Vignes visité en 1262, 1265, 1269, 1272, 1281, 1286, 1290, 1292, 1295 : Charvin, I, p. 268, 293, 308, 322, 404, 437, Ibid. II, p. 4, 30-31, 82. J’ai limité mon recensement au XIIIe s. Pour les siècles suivants, voir les références données par D. Riche, L’ordre de Cluny, p. 713-724. On note notamment la présence de Malay parmi les lieux visités au XIVe s.
38 Sur l’instauration régulière de la pratique des visites, voir en dernier lieu la thèse de J. Oberste, Visitation und Ordensorganisation.
39 Charvin II, p. 130 : Quia monachi Sancti Martini de vineis Matisconensibus asseruerunt se non debere per visitatores Ordinis visitari ; ordinant diffinitores de consensu et de voluntate domini Abbatis ut isti et allii decanatus in quibus sunt monachi, per visitatores Ordinis visitentur.
40 Le prior de Montberthoud : C 3703, 3821, 4140, Charvin, I, p. 269, mais aussi le decanus de Montberthoud : Charvin, I, p. 371 ; le prior d’Ajoux : BnF, lat. 17717, f° 26r, Charvin, I, p. 308, 321, 372 ; de Saint-Martin-des-Vignes : ibid., pp. 268, 283, 308 (etc.) ; le prior de Malay : C 4067.
41 BnF lat. 17717, f° 21r, 26r, 67r, 72r.
42 Parmi les très nombreux travaux consacrés à la commémoration des défunts dans le monachisme clunisien : J. Wollasch, « Les obituaires » (sur la circulation des brefs mortuaires ou rouleaux des morts, p. 165-171) et sur la question spécifique de l’envoi des brefs mortuaires : F. Neiske, « Funktion und Praxis der Schriftlichkeit », p. 102-103.
43 LT, 195.6, p. 277 (De officiis pro defuncto) : Et cellerarius per priores et decanos faciat nuntiari, ut et ipsi per ceteros transmittant nuntium tam per sua subiectanea loca quam et in nostris orationibus commissis abbatibus et coenobiis.
44 Bernard, I. 6, p. 163 (De officio cellerarii) : Ejus est brevia pro fratribus defunctis per famulos suos ad hoc deputatos, in quinque partes dirigere, id est, apud Montem Bertaldum, et apud Magabrum, et apud Caroli locum, et apud Paredum, et apud Sanctum Marcellum.
45 D. Poeck, Cluniacensis Ecclesia, p. 307 (Charlieu), 390 (Mesvres), 417 (Paray), 475 (Saint-Marcel) ; Montberthoud : C 4143 ; A. Guerreau, « Douze doyennés », p. 117-118.
46 Les cinq prévôts sont mentionnés dans C 4143, p. 500-502.
47 Derrière cette remarque se pose la question délicate de la définition du monastère clunisien. Plusieurs historiens ont tenté de dresser la liste des établissements clunisiens mais tous les résultats sont partiels et/ou partiaux. Le corpus publié récemment par D. Poeck, Cluniacensis Ecclesia, p. 260-539 corrige bien des imperfections mais il néglige la question des doyennés. Beaumont, Chaveyriat et Saint-Martin-des-Vignes sont les seuls retenus, sans justification. De même, la réflexion structurelle de D. Iogna-Prat, « Cluny comme “système ecclésial” », laisse cette question de côté.
48 C 373.
49 Voir supra le chapitre sur l’exemption et l’élection des prêtres.
50 Pouillés de la Province de Lyon, p. 183, 202-203.
51 C 4143.
52 Voir supra p. 49, 77. Obedientia de Lourdon : C 2406 (997-1007) ; voir le point sur la question par M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville », p. 214, n. 8.
53 Annexe 1 et M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville », p. 216, n. 30.
54 C 4143 ; C 4132. Sur les différents services liés à la commémoration des défunts et la place notable du doyen de Lourdon, J. Wollasch, « Les obituaires », p. 159-171 et Id., Cluny. « Licht der Welt », p. 234-246.
55 C 3950, charte citée en introduction de la première partie.
56 Traité conclu entre le 1er nov. 1180 et le 4 av. 1181 : P 221 = BC, col. 1441-1443, confirmé peu après par Philippe Auguste : RPA 17.
57 Deux moines rebelles de Baume sont emprisonnés à Lourdon en 1300 : C 5495 (n. 1) ; Le prévôt de Cluny prête serment de fidélité à l’abbé pour le fief de la prévôté : BnF, coll. Bourgogne 83, no 414 (1378) ; reddition des comptes de l’abbaye à Lourdon en 1393 et 1397 : BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 22-23 ; la cour du juge-mage de Cluny se tient à Lourdon : BnF, coll. Bourgogne, t. 84, no 500, 501, 505 ; AMCl. FF1.1, f° 43v-44v (1451).
58 Sarrians, Vaucluse, can. Carpentras. Colonzelle, Drôme, can. Grignan. Voir Saint Maïeul, Cluny et la Provence, p. 21, 29-30, 38-39, 71, 74.
59 Huillaux, Allier, can. et com. Le Donjon. Donation d’Huillaux à Cluny : C 825 (daté 952, redaté par Chaume, « Obs. » : 955) ; voir B. Rosenwein, To be the Neighbor, p. 186-191.
60 C 2255. Papsturkunden 351, p. 684. Confirmations ultérieures de la cella Oiadellis : Victor II, 1055, PL 143, col. 806 ; Etienne IX, 1058, PL 143, col. 882 ; Grégoire VII, 1075, Santifaller 107, p. 99. D. Poeck, Cluniacensis Ecclesia, p. 351.
61 LPV 28, p. 86 : Et ut uerbi gratia nominatim aliqua subiungamus, si castrum aliquod monachis detur, iam castrum esse desinit, et esse oratorium incipit. [...] Itaque sit, ut quod ante diabolo militabat, iam Christo militare incipiat, et quod ante fuerat spelunca latronum, domus efficiatur orationum.
62 C 4244 : Additum etiam, quod monachi Cluniacenses domum et burgum de Masiliis pro voluntate sua muris et munitionibus claudere et firmare poterunt... Il n’est pas certain que ces fortifications aient été établies car par la suite le doyenné de Mazille n’est pas appelé castrum mais decanatus ou domus (annexe 1). En revanche, il est intéressant de noter que le doyenné de Mazille est resté dans la mémoire collective sous le nom de « château des moines » : A. Lorton, Mazille et Sainte-Cécile ; Canton de Cluny, t. 5, p. 82-86 ; P. Garrigou-Grandchamp et al., « Doyennés et granges », p. 79.
63 La munitio et domus sancti Ipoliti est mentionnée dans un acte de 1207 (C 4428). En 1214, les Gros de Brancion renoncent à tout droit sur Saint-Hyppolite ut in villa et domo sancti Ypoliti liceat ecclesie Cluniacensi vel munire vel bastire fortiam secundum voluntatem suam... (C 4482).
64 C 4711, BC, col. 1505-1509.
65 Mentionné dans le Chronicon Cluniacense du XVe s., BC col. 1668. En 1321, Bézornay est mentionné comme castrum (annexe 1). Sur les bâtiments du doyenné de Bézornay, P. Garrigou-Grandchamp et al., « Doyennés et granges », p. 94-99.
66 B. Rosenwein, To be the Neighbor, p. 78-108 (citation p. 100).
67 La Chize, S.-et-L., can. Mâcon-Nord, com. Milly-Lamartine ; Ravry, S.-et-L., can. Cluny, com. Château ; Vieil-Moulin, S.-et-L., can. et com. Sennecey-le-Grand.
68 B. Rosenwein, To be the Neighbor, p. 103 : « In the instance of La Chize, the purpose of sales was not to consolidate territory but rather to cement relationships with prominent individuals ».
69 C 3034 (v. 1080-1090), charte qui résume les différentes acquisitions faites à Sercy par le cellérier Hugues de Bissy. Sur ce personnage : M. Hillebrandt, « Le prieuré de Paray », p. 122. Sur la constitution de la grange, P. Garrigou-Grandchamp et al., « Doyennés et granges », p. 99-101.
70 M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville », p. 205.
71 C 373.
72 C 4143, p. 503-504.
73 Une charte de 888 conservée en original est Hactum Lordono castello : C 34. Donations dans les environs de Lourdon antérieures à 927 : C 135, 166, 232, 273, 278.
74 Sur les voies romaines de Saône-et-Loire et les grands chemins qui traversaient le Clunisois au Moyen Age, T. Chavot, Le Mâconnais, p. 288-295 ; G. Jeanton, Le Mâconnais gallo-romain, fasc. *, Région de Cluny, p. 1-5.
75 G. Jeanton, Le Mâconnais traditionaliste et populaire, II, Pélerinages et légendes sacrées.
76 De nombreuses études d’ethno-histoire l’ont montré, par exemple : A. Bensa, Les saints guérisseurs ; S. Denèfle, « Hagiographie bretonne et territorialisation », dans La construction religieuse du territoire, p. 212-223. Le numéro d’Ethnologie française de 1977, fasc. 1, rassemble plusieurs études sur la question.
77 A. Guerreau, « Les pèlerinages du Mâconnais », p. 25-26.
78 C 4132 : Decanus de Cavariaco procurabit totum Septembrem. Decanus Cluniacensis, totum Octobrem et dimidium Novembrem. Decanus de Perronna, reliquos dies ipsius Novembris. Decanus de Scutiolis, sexdecim primos dies Decembris. Decanus de Caviniis, reliquos dies ipsius Decembris, cum toto Januario. Decanus de Lordono, totum Febroarium cum Marcio. Granatarius, totum Aprilem et totum Maium et totum Junium, cum dimidio Julio : cui tamen granatario fabas mensis et dimidii kamerarius persolvere debet. Decanus de Laisiaco, quod reliquum est de Julio. Decanus de Besorniaco, totum Augustum, exceptis octo diebus ultimis. Decanus de Sancto Gengulfo, illos octo dies ultimos Augusti.
79 Cela n’est pas une décision de Pierre le Vénérable mais de l’abbé Hugues quelque temps avant sa mort en 1109 : Imprecatio beati Hugonis abbatis [= testament de l’abbé Hugues], éd. H. Cowdrey, Two Studies, p. 174 ; voir J. Wollasch, « Hugues 1er abbé de Cluny », p. 81-82.
80 C 4143, p. 493. Sur les liens fraternels entre les rois de Castille-Leòn et Cluny, C. Bishko, « Liturgical intercession ».
81 C 4132, p. 477-482.
82 La familia de Montberthoud : C 3789 ; de Chevignes et de Laizé : C 4279. Le prévôt de Berzé : C 3666, 3686 ; de Bézornay : C 4001 ; de Blanot : C 4584 ; de Chaveyriat : C 3006, 3592 ; de Chevignes : C 3538, 3700, 5174 ; de Jalogny : C 4792 ; de Lourdon : C 3713, 3716, 3869 ; de Mazille : C 3177 ; de Saint-Hyppolite : C 3806 ; les cinq prévôts de Montberthoud et la familia à entretenir : C 4143, p. 500. Sur les différentes catégories de famuli au service des moines, dans le cloître, dans les doyennés ou sur les terres, G. de Valous, Le domaine, p. 115-116 ; G. Duby, La société, p. 253-254 ; Id., « Un inventaire », p. 95-97 ; W. Teske, « Laïen, Laïenmönche, Laïenbrüder », I, p. 257-278.
83 Ulrich, III. 5, col. 740 = Bernard, I. 3, p. 140.
84 Ulrich, III. 11, col. 751 = Bernard, I. 5, p. 145 (De camerario) : Camerarius noster, quantum habere possumus denariorum ex villis nostris, ipse pergit et recipit eos tempore suo, de quibus tamen tertiam partem reddit decanis, pro eo quod tam multa sunt quibus opus habent, non solum propter agricolationem, sed etiam propter semetipsos, quia saepius ibi morantur, et maxime propter hospites, qui nimirum si non reciperentur, omnino esset inhumanum. Texte d’après Ulrich ; des variantes de détail dans Bernard.
85 Quelques déguerpissements ou plaids, parmi beaucoup d’autres, conclus dans le siège d’un doyenné aux XIe et XIIe s. : Berzé, C 3821, 3827 ; Bézornay : C 2848 ; Jalogny : C 3027 ; Laizé : C 3827, 3868 ; Lourdon : C 2076, 3305, 3758, 3850, 3950, P 221 ; Malay : C 3928 ; Mazille : C 3819 ; Péronne : C 3726 ; Saint-Gengoux : C 2905.
86 MAR 15, 103, 109. Le point sur les lieux de négociations des actes relatifs au monastère de Marcigny est fait par E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire, p. 115-119.
87 MAR 15.
88 Voir supra p. 95.
89 MAR 109. Sur la construction de l’obédience de Berzé et les liens familiaux entre les sires de Berzé, la famille de Sancto Prejecto et les sires de Semur : M. Hillebrandt, « Berzé-la-Ville », p. 205-206 et ses nombreuses références bibliographiques.
90 Une seule étude a été consacrée exclusivement à l’érémitisme clunisien : J. Leclercq, « Pierre le Vénérable et l’érémitisme », mais de nombreux travaux y ont fait référence, parfois de façon circonstanciée : G. Constable, « Eremitical forms », p. 255-256 ; J.-H. Pignot, L’ordre de Cluny, III, p. 466-476 ; J. Evans, Monastic Life, p. 58-62, et surtout D. Iogna-Prat, « Cluny comme “système ecclésial” », p. 30-37 (auquel les lignes qui suivent doivent beaucoup).
91 Jean de Salerne, Vita Sancti Odonis, I, 25-26, éd. PL 133, col. 54-55.
92 C 3633 (v. 1088).
93 Gauthier, Vita Sancti Anastasii, éd. PL 149, col. 428-429. Sur Anastase : M. Arnoux, « Un Vénitien au Mont-Saint-Michel ».
94 LPV 20. Sur la tradition manuscrite et le caractère de cette lettre/traité : LPV, t. II, p. 48-63, 70-73 et J. Leclercq, « Pierre le Vénérable et l’érémitisme », p. 112-119.
95 DM II. 27(28) est un éloge du monachisme cartusien. Les deux chapitres suivants, DM II. 28(29) et 29 relatent les miracles d’un frère chartreux. Sur les liens de l’abbé de Cluny avec les chartreux, D. Iogna-Prat,« Cluny comme “système ecclésial” », p. 35-37.
96 Le moine Benoît : DM I. 20, p. 60-61 ; Le moine Gérard : DM I. 8, p. 31.
97 LPV 58 et 123 à 129. Sur ce mode de vie : J. Leclercq, « Pierre le Vénérable et l’érémitisme », p. 108-120 ; J.-H. Pignot, L’ordre de Cluny, III, p. 467-476 ; G. Duby, La société, p. 334. Voir également la seconde publication des lettres 126 et 127 par G. Constable, « On editing the letters », p. 496-501.
98 A. Bredero, « Cluny et Cîteaux : les origines de la controverse » ; Id., « Pierre le Vénérable ».
99 Stat. PV 53. Cf. D. Iogna-Prat, « Cluny comme “système ecclésial” », p. 36 ; Id., Ordonner et exclure, p. 59 ; G. Constable, « The Monastic Policy », p. 133.
100 Stat. PV 23, 24, 53 ; cf. G. Constable, « Famuli et conversi », notamment p. 349-350 ; Id., « The Monastic Policy » ; J. Wollasch, Cluny. « Licht der Welt », p. 225-288, interprète l’abbatiat de Pierre comme une longue lutte pour panser les plaies ouvertes par le schisme de Pons.
101 D. Iogna-Prat, « Cluny comme “système ecclésial” », p. 36-37 ; Id., Ordonner et exclure, p. 59-60.
102 Ni J. Leclercq, ni D. Iogna-Prat, n’ont abordé la question. Seule G. Chachuat, « L’érémitisme », s’est penchée sur le sujet mais elle n’envisage qu’une source tardive, le Chronicon Cluniacense.
103 DM I. 8 (p. 23-34, notamment p. 30-31) ; LPV 58, 123 à 129 ; Chronicon Cluniacense, éd. BC, col. 1627-1688, ici col. 1658.
104 Pierre le Vénérable décrit ainsi ses affaires séculières dans une lettre adressée en 1134 à Pierre de Poitiers pour lui demander de quitter les forêts et de le rejoindre à Cluny où sa présence est nécessaire. LPV 58, I, p. 180 : Et o utinam tenui et cito abstergendo puluere gressum foedarem, et non me totum luto saecularium negotiorum necessitate aut aliquando etiam uoluntate immergerem. Sed et quando immergor, utinam uel statim emergerem, ac deo cum propheta cantarem : Eripe me de luto, ut non infigar.
105 DM I. 8, p. 30-31. L’identité de ce moine Gérard a déjà fait couler beaucoup d’encre et suscité plusieurs contradictions : G. Constable, LPV II, p. 134-135, à réviser avec E. M. Wischermann, Marcigny, p. 106-108 et J.-P. Torrell, D. Bouthillier, Pierre le Vénérable, Les merveilles de Dieu, p. 93.
106 LPV 58, I, p. 181 : Quia ergo fili karissime in montis conscensu ac solitaria conuersatione iuxta tibi collatam gratiam dominum et eius famulum imitaris [...]. Licet ergo tantopere secretum orationis peteret, non pro se tamen sed pro persecutore populo orabat dicens : Pater si fieri potest, transeat a me calix iste.
107 LPV 126, I, p. 322 : Pro arido incolatu heremi, humidas et algidas siluas magistrum cum discipulis delectare non tacuistis ; DM I. 8, p. 30-31 (207-211) : Elatus ergo multo in aera spatio mons, et siluarum densitate circumseptus, uentis inclementioribus continue patens, niuibus diuturnis expositus, ascensu et descensu difficilis, popularem habitationem a se longe remouit [...]. Autres mentions de la forêt : LPV 123, 124, 128.
108 J. Le Goff, La civilisation, p. 154-156 ; Id., « Le désert-forêt dans l’Occident médiéval », dans Id., L’imaginaire médiéval, p. 151-187, repris dans Id., Un autre Moyen Age, p. 495-510. Également les articles de J. Le Goff, « Centre-périphérie » et d’A. Guerreau, « Chasse », dans le DROM, p. 149-165, 166-178.
109 LPV 126, I, p. 322-323 : Triceps namque Parnasus noster, non iam biceps sicut olim locuti sunt poetae hinc faunos bicornes, inde satyros saltantes, circumquaque uero strepitus ferarum, suauesque garritus auium habens, nil tale insinuat. Tantum hic sursum cucullatos poetas quaere, coloratos nigro monachos mirare, religionis, orationis, lectionis amatores fratres desidera. G. Constable a émis quelques hypothèses sur l’identité du moine Robert, LPV II, p. 183. Il publie une seconde version de cette lettre avec quelques variantes, G. Constable, « On editing the letters », p. 498.
110 Ibid., p. 323 : Custos etenim uirtutum iustitia, nichil fluctuare sinit in monte nostro, caritate magistra. Et hoc de illis, qui montem medium incolunt. Qui uero duo Parnasi capita occupant, in ipsius familia censentur, quae perpetuo silentio dampnat uocis articulatae primitias, et quae eo usque religiosa manet, quod nunquam nisi uocata uel excita respondet.
111 G. Taverdet, Microtoponymie, VII (1991), p. 1229-1230.
112 Montmain ou La Croix-Montmain, éc. S.-et-L., can. Mâcon-nord, com. Igé ; Mont Main, S.-et-L., can. Saint-Gengoux-le-National, com. Burnand ; Mont Main, S.-et-L., can. Tournus, com. Martailly-lès-Brancion ; en Montmain, S.-et-L., can. Tramayes, com. Serrières ; cf. G. Taverdet, Microtoponymie, VII (1991), p. 1229-1230.
113 Les chemins de crête sont dénommés « chemins faîtraux » en Mâconnais. Sur le « chemin des moines », G. Jeanton, La légende et l’histoire, p. 98-99.
114 Carte IGN 1/25000e, no 3028 ouest (Mâcon), 3027 ouest (Lugny) et 3026 ouest (Buxy).
115 Sur les agri du Mâconnais : F. Bange, « Ager et villa » ; M, préface, p. cc-ccxxiii ; T. Chavot, Le Mâconnais, p. 28-34 ; M. Chaume, Les origines, t. II, fasc. III, p. 1039-1080.
116 Délimitation du « ban sacré » de Cluny par Urbain II le 25 oct. 1095 : [...]Versus Igiacum terminus est ad Carmos, super montem medium, (annexe 3). Sur les limites précises de ce ban et sa signification, voir infra, chapitre 3.
117 Le « plâtre » désigne en patois mâconnais un terrain, une esplanade, parfois une place publique : L. Lex et Jaquelot, Le langage populaire, p. 93 ; G. Taverdet et D. Navette-Taverdet, Dictionnaire du français régional, p. 119.
118 L. Lex, « Le culte des eaux », p. 38-85 ; sur le culte de la source de Montmain, p. 57 et T. Chavot, Le Mâconnais, p. 253-254 ; G. Jeanton, Le Mâconnais traditionaliste, II, p. 8-12 ; Id., La légende et l’histoire, pl. XV ; P. Jacquet, Histoire d’Igé, p. 141-142.
119 Chronicon Cluniacense, éd. BC, col. 1658.
120 BnF, nouv. acq. lat. 2483, f° 24r (v. 1480), éd. BC, col. 1753-1756.
121 La chapelle est bénie en 1654 et visitée par l’archidiacre de Cluny en 1699 : Boquet de Chanterenne, Mémoire pour M. le cardinal d’Auvergne (1739), p. 59-60. Son souvenir était encore bien présent dans la mémoire collective à la fin du XIXe s. : M, préface, p. cxciii et T. Chavot, Le Mâconnais, p. 196, 253-254 ; P. Jacquet, Histoire d’Igé, p. 26-27, 141-142. Il n’en subsiste plus rien aujourd’hui.
122 Sur la vie de sainte Radegonde et son culte : DACL, XIV/2 (1940), col. 2043-2055 ; Bibliotheca sanctorum, Roma, t. X (1968), col. 1348-1352. En Saône-et-Loire, il existe un seul autre toponyme portant le nom de la sainte : Sainte-Radegonde, S.-et-L., can. Issy-l’évêque. Cf. G. Taverdet, Suppléments, II, p. 16 ; Id., Microtoponymie, XI (1993), p. 2039.
123 MAR 155 et MAR 288. Cf. E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire, p. 281 ; A. Kohnle, p. 328, no 236-237. J. Richard, qui a édité ce texte, a confondu le Montmain d’Igé, où s’est déroulé le plaid, avec le Montmain de Serrières (MAR, p. 217).
124 Gilo, Vita Sancti Hugonis abbatis, cap. XXXIX, éd. H. Cowdrey, Two Studies, p. 81 : Unde cum pene expirasset in Monte Medio Cluniaco adiacente et ceruicibus monachorum ad monasterium ueheretur, ab ipso mortis articulo orationis instantia reuocatus respirauit. Cf. A. Kohnle, Abt Hugo, p. 241.
125 C 4069 : Condaminam de Monte Medio similiter ex toto eis reliqui, sub hac tamen conventione, ut si monachi aut clerici apud Montem Medium, ex precepto abbatis Cluniacensis manserint, habeant illam ; sin alias revertatur ad Cluniacensem ecclesiam.
126 Chronicon Cluniacense, éd. BC, col. 1658 (repris également col. 600 sous le titre S. Petri Venerabilis abbatis Cluniacensis Vita. Ex Chronico Cluniacensi) : Tempore huius Petri Venerabilis Abbatis Cluniacensis numerus fere quatuor centum Monachorum in Cluniaco redolebat. Quorum quidam habitabant in syluis illi loco proximis, inter quos ipse aliquando Petrus Abbas conuersabatur cum ipsis fratribus. Eorum enim habitacula sanctorum Patrum Monachorum in praefatis syluis erant Cappell. deuot. sicut in Capella sanctae Radegundis, sancti Romani super Boutauanum, Capella S. Vitalis prope Cluniacum, Capella sancti Ioannis de Bosco, et Ecclesia de Costa, in quibus locis cum magna deuotione Christo militabant.
127 G. Jeanton, La légende et l’histoire, p. 62. La date de construction de la forteresse n’est pas connue. On la situe généralement dans la première moitié du XIIe s. : G. Duby, La société, p. 341.
128 Le château de Bouteauant fut vendu par Joceran IV de Brancion-Uxelles avec les villae de Bray et Cortambert et le dominium sur un large territoire s’étendant de la Grosne au Mont-Saint-Romain et de Varanges à Lys, l’ensemble pour 1500 marcs d’argent, 400 £ de Dijon, la villa et la grange de Beaumont-sur-Grosne : C 4711 et BC, col. 1507-1509 ; cf. G. Jeanton et J. Martin, « Le château d’Uxelles », p. 206 ; J.-L. Bazin, Brancion, p. 71-72 ; G. Duby, La société, p. 341, 346, 418-419.
129 Butte-à-Vent, S.-et-L., can. Cluny, com. Cortambert. Un château, essentiellement reconstruit au XIXe s., existe toujours à l’emplacement de la forteresse médiévale.
130 Mont-Saint-Romain, S.-et-L., can. Mâcon-nord, com. Blanot.
131 Les fouilles du début du siècle ont été présentées par G. Jeanton, « Quelques notes », et Id., Le Mâconnais gallo-romain, fasc. 2, p. 12-13. Les recherches ultérieures n’en ont pas sensiblement modifié les conclusions : Carte archéologique de la Gaule, Saône-et-Loire, t. 3, p. 194, 196.
132 G. Jeanton, « Quelques notes », p. 224 ; R. Horiot, « Un oppidum au Mont-Saint-Romain », p. 15-23.
133 Carte archéologique de la Gaule, Saône-et-Loire, t. 3, p. 196. ; A. Barthélemy, « Découverte archéologique au Mont-Saint-Romain », p. 15-17.
134 L. Lex, « Le culte des eaux », p. 53 ; G. Jeanton, Le Mâconnais traditionaliste, II, p. 45-46 ; Id., « Quelques notes », p. 227-228. Sur le rôle social des pèlerinages du Mâconnais, A. Guerreau, « Les pèlerinages » (sur le Mont-Saint-Romain, p. 11).
135 MPMA, I, no 5 (= C 283). Vivier et Fougnières, S.-et-L., can. Cluny, com. Blanot. Sur Liébaud, sire de Brancion, C. Bouchard, Sword, p. 296-297. Donation confirmée par le roi Raoul, le 9 sept. 927 (Robert/Raoul, no 12, p. 50) et par les donateurs le 2 sept. 930 (C 387).
136 Carte IGN, 1/25000e, no 3027 ouest (Lugny). À défaut de fouille archéologique sur l’emplacement de l’ancien ermitage, l’organisation des bâtiments est très mal connue. G. Jeanton, « Quelques notes », p. 226, 229-231, en a donné une description à partir des plans du XVIIIe s. conservés aux AD71.
137 DM I, 8, p. 30-31, l. 201-214 (trad. J.-P. Torrell et D. Bouthillier, Pierre le Vénérable. Les merveilles de Dieu, p. 101-102) : Manebat alio tempore, in loco Cluniaco proximo, qui Altum Iugum uocatur. Sumpsit autem isdem locus nomen ab altitudine, quia omnem circumiacentem terram transcendit. Est enim mons altissimus, eleuatus in uertice montium, ipsas sepe nubium globositates, quando humida qualitate grauate, ad altiora conscendere nequeunt, sub se conspiciens, unde et Alpes Italie uideri, et maxima pars subiecte Gallie possit ostendi. Elatus ergo multo in aera spatio mons, et siluarum densitate circumseptus, uentis inclementioribus continue patens, niuibus diuturnis expositus, ascensu et descensu difficilis, popularem habitationem a se longe remouit, et remotiora querentibus, nil ultra se querere sui solitudine persuasit. Unde et monachos tantum ad manendum suscepit, quos nec multos esse, sui ariditate permisit.
138 Pierre le Vénérable le rapporte dans le chapitre qu’il consacre à Gérard. Il situe à Beaumont l’un des miracles marquants de la vie du moine modèle : DM I, 8, p. 27-29, l. 115-159.
139 Ajoux, Rhône, can. Monsols, com. Saint-Igny-de-Vers.
140 C 378. Donation confirmée par le roi Raoul en 932 : Robert/Raoul 18, p. 80.
141 C 4132 (1147/1148) : De kamerario Cluniacensi cum omnibus sociis suis, hoc decretum est, ut centum sextarios avene, qui a decano de Sancto Victore debentur...
142 Charvin I, p. 301, 321, 372 (visites des années 1272, 1278, 1283).
143 Sur Ajoux comme dépendance clunisienne : A. Déléage, La vie rurale, p. 429 et J.-P. Torrell et D. Bouthillier, Pierre le Vénérable, Les Merveilles de Dieu, p. 58.
144 MAAC, ms 88, plan 17 et AD71, H suppl. Cluny 58, liasse « Plans sur la paroisse de Saint-Marcel », plan 26 : terre de madame Pennet hospitaliere ou fut la chapelle Saint-Vital. Près du site de la chapelle, le camping municipal de Cluny s’est établi depuis une vingtaine d’années. Il a conservé le toponyme et s’appelle le camping Saint-Vital.
145 Encore faudrait-il savoir de quel saint Vital il s’agit : le martyr de Bologne du IVe s. (avec Agricole) ou un autre ? Voir Bibliotheca sanctorum, XII, p. 1215-1228. M. Bouillot, « L’église Notre-Dame », p. 20, indique, sans source, que des reliques de saint Vital se trouvaient dans l’abbaye de Tournus et que la chapelle Saint-Vital se trouvait sur la route de Tournus.
146 C 4235. La charte n’est conservée que par sa copie dans le cartulaire B : BnF, nouv. acq. lat. 1498, f° 297v. Elle n’est pas datée mais plusieurs éléments incitent à la situer vers 1170, comme l’ont indiqué les éditeurs, ou plus exactement peu avant 1174. Joceran (IV) Gros n’est plus mentionné dans la documentation écrite après 1174, date probable de sa mort : C. Bouchard, Sword, p. 305. La donation de Joceran est confirmée par le pape Alexandre III le 17 jan. <1174-1176> : Bull. p. 72, col. 2, no 2 (signalée dans PL 200, col. 1060). La donation de Joceran Gros est de nouveau confirmée par Lucius III, le 23 oct. 1184 ou 1185 : Bull. p. 77, col. 2, no 2 = PL 201, col. 1326-1327 (bulle conservée en original : BnF, coll. Bourgogne, t. 81, no 272).
147 C 4235 : [...] dono et in perpetuum possidendum concedo, uxore mea consentiente et laudante, Deo et beate Mariae genitrici ejusdem Domini nostri Jesu Christi, et beatis apostolis Petro et Paulo, et sancto Johanni euvangeliste, sanctoque conventui Cluniacensis monasterii, quendam locum, cum omnibus appendiciis suis, ex integro, in alodio meo et in silva de Gron, ubi videtur esse edificata quedam ecclesia Sancti Johannis apostoli et euvangeliste. Determinatur vero predictus locus, sicut carraria ducit que est supra essartum Savarici, usque ad viam molendini de Taysi, et sicut Graona fluvius portat, usque ad biet et viam que vadit a Breyo. [...]
148 Ferme de Coureau, can. Cluny, com. Bray. Sur la chapelle Coureau : J. Virey, Les églises romanes, p. 129-130 et Canton de Cluny, 4, p. 75-76. Ces deux études ignorent la donation de Joceran Gros et n’identifient pas la chapelle Coureau à la chapelle Saint-Jean-l’évangéliste. De même G. Constable, LPV II, p. 123, n’a pas su localiser la chapelle Saint-Jean. Ses différentes propositions sont toutes à rejeter. Seule, G. Chachuat, L’érémitisme, p. 92-93, l’avait identifiée.
149 MAAC., ms. 8 : Terrier de Cluny, Bray, Chazeul et Larzilly à cause de Saint-Jean-du-Bois et du grenier à froment, Donzy-le-Pertuis et autres lieux, s. d., vers 1690.
150 Pouillé de la Province de Lyon, p. 189-204. Pouillé clunisien : éd. BC, col. 1753-1756.
151 PL 202, col. 1382.
152 BnF, nouv. acq. lat. 1498, f° 297v. Sur ce supplément ajouté au cartulaire B : A. Bruel, Recueil des chartes, t. 1, p. xxv-xxvi.
153 M, préface, p. ccxv.
154 Cotte, S.-et-L., can. Cluny, com. Cortambert.
155 J. Virey, Les églises romanes, p. 266-268 ; Canton de Cluny, 4, p. 111-114.
156 C 160. Les moines conservaient également quelques chartes originales attestant des transactions entre laïcs sur des terres sises dans la villa de Cotte, signe que ces terres sont entrées ultérieurement dans le patrimoine clunisien : C 109, C 674, C 832. La villa de Cotte (Copta, Cobta, Cotta) a parfois été confondue avec la villa de Cottis, ou Scotia, Scotis (lieu-dit L’Écossay ou Le Cossay près du Mont Épinet) dans laquelle Cluny a obtenu des terres dès le début du Xe s. (C 283, C 387, C 555, C 1549) : M, préface, p. ccvii, ccxv et M. Chaume, Les origines, p. 1121, n. 2, à corriger avec G. Jeanton, Pays de Mâcon et de Chalon, p. 36 ; Robert/Raoul, p. 48.
157 C 373. Voir carte 1.
158 M 52.
159 M 55 et BC, Notae, col. 13-14.
160 M 52 : [...] in qua Cluniaci villa nobile cenobium in honore beatorum apostolorum Petri et Pauli constructum est quod dudum predictus Hildebaldus sacravit deditque, ex ratione canonicorum Sancti Vincentii, Cluniaci ecclesie, eclesiam unam in villa Cotta, alteram in villa Galoniaco.
161 Lambert de Barive en a dressé une copie d’après l’original : BnF, coll. Moreau, t. 5, f° 58.
162 Des doutes sérieux sur cette notice avaient déjà été formulés par J. de Valois, « Sur quelques points d’histoire », p. 182-183. En revanche, R. Hiestand, « Einige Überlegungen » s’appuie sur charte pour supposer l’existence d’un établissement monastique à Cluny dès le début du IXe s.
163 C 373. Une charte, connue par sa seule copie dans le cartulaire de Bernon (cartulaire A) et datée de ce fait <910-927> par les éditeurs des chartes de Cluny, mentionne en outre la parrochia de Cotta : C 160.
164 C 4143, p. 503-504 : Decania de Lordono. [...] Ecclesia de Cotes valet per annum quater xx sext. de omnibus annonis ad mensuram Clun. et in festivitatibus omnibus dimid. oblacio ecclesie est domini de Lordono, et tota sepultura, preter xii. den. et omnes candele earumdem festivitatum.
165 Pouillés de la Province de Lyon, p. 202 ; M, Prævia, p. cclxxvi ; BC, col. 1754.
166 BnF, nouv. acq. lat. 2266, no 16-17.
167 Canton de Cluny, 3, p. 57-58.
168 Lournand à la collation du chapitre cathédral de Mâcon : Pouillés de la Province de Lyon, p. 202 ; M, Prævia, p. cclxxvi. Cortambert à la collation de l’abbé de Cluny : Pouillés de la Province de Lyon, p. 203 ; M, Prævia, p. cclxxvii ; BC, col. 1755 (Cortambert dépend du doyenné de Boutavant).
169 Carte de Cassini, no 85 (Chalon-sur-Saône).
170 [...] in praefatis syluis erant Cappell. deuot. sicut in Capella sanctae Radegundis, sancti Romani super Boutauanum, Capella S. Vitalis prope Cluniacum, Capella sancti Ioannis de Bosco, et Ecclesia de Costa, in quibus locis cum magna deuotione Christo militabant. BC, col. 1658 et col. 600.
171 LPV 127, I, p. 324 : Re vera sicut scribitis siluas incolimus, et sepe plus sunt nobis familiaria frondea tecta arborum, quam lapidea seu latericia domorum. Nondum tamen illo modo heremetico, facti sumus sicut passer solitarius in tecto. Illum enim non tantim circumfusa nemorum densitas, quantum ipsa longe remota mortalium societas, solitarium faciunt. Nos autem quomodo solitarii sumus, qui postquam huius heremi uastam solitudinem intrauimus, tantam post nos hominum frequentiam traximus, ut magis urbem quam heremum struxisse uideamur ? Nam ut illam turbam turbulentissimam taceam, quae de tota circumposita regione pro litibus suis aut fine concordi aut sententia iudiciaria dirimendis cateruatim confluit, tantam nobis et transmarinus oriens et transalpinus occidens legatorum copiam mittit, ut uix cuiuslibet magni regis amplissima curia responsa dare sufficiat.
172 MAR 288 : voir supra p. 117.
173 DACL, t. 9/2, col. 1934-1943.
174 A. Guerreau, « Le champ sémantique de l’espace », p. 369, 417.
175 L. Piétri, « Loca sancta », p. 23-27 ; S. MC Cormarck, Loca sancta.
176 A. Dimier, « Le mot locus » ; L. Gougaud, « Note sur locus ». Sur les différents sens du mot locus et leur évolution depuis l’Antiquité tardive, M. Lauwers, Lieux sacrés, espace funéraire, p. 32-36. Les dictionnaires de latin médiéval fournissent un bon point de départ à la réflexion : Du Cange, Glossarium, t. V, p. 134-135 ; Novum glossarium, lettre « L », col. 178-182 ; J. F. Niermeyer, Mediae latinitatis, p. 619-620 ; A. Blaise, Dictionnaire latin-français, p. 500 ; Id., Lexicon latinitatis, p. 543-544.
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