Les sources de l'enquête
p. 17-36
Texte intégral
1Mis à part les archives de la communauté d’habitants des XIVe et XVe siècles, les sources qui nourrissent ce travail sont généralement bien connues et presque toutes publiées. Elles ont en revanche rarement été étudiées simultanément.
1. Les sources clunisiennes
2Aucun type de source provenant de l'abbaye de Cluny n'a été a priori écarté de l'enquête, en partant du présupposé que toutes sont exploitables pour étudier la conception monastique de l'ordre du monde et l'agencement des rapports sociaux.
Les chartes et les cartulaires
3Les premières sont les notices et les chartes, toutes publiées pour la période antérieure à 1300. Parmi les 5506 actes édités ou signalés par Auguste Bernard et Alexandre Bruel dans le Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, près de trois mille concernent les relations des moines avec leur environnement local. Chartes de donation, de vente ou d'échange, abandons de revendication sur des biens monastiques ou notices de plaid, partages de droits entre les moines, les seigneurs de la région, les évêques ou les communautés d'habitants, telle est la quasi totalité des actes compris entre le début du Xe et celui du XIIIe siècle. À partir des années 1220-1230, les chartes concernent majoritairement des transactions foncières passées devant les juridictions gracieuses de l'abbé ou des principaux seigneurs de la région. L'apparition du notariat public au seuil du XIVe siècle change de nouveau la forme des actes et leur mode de validation, mais les transactions conservées dans les archives monastiques concernent toujours essentiellement les droits des moines sur la terre et les hommes.
4La tradition manuscrite de ces actes est triple. Une petite partie est conservée en original aux Archives départementales de Saône-et-Loire1 et surtout à la Bibliothèque nationale de France où ils ont été rassemblés dans les recueils factices de la Collection Bourgogne et du fonds des Nouvelles acquisitions latines2.
5Pour les Xe-XIIIe siècles, la grande majorité est conservée dans les cartulaires généralement cités par les lettres A, B, C, D et E. Les cartulaires A et B réunissent par abbatiat les actes passés sous les sept premiers abbés de Cluny : Bernon, Odon, Aymard, Maïeul, Odilon, Hugues et Pons3. Ils sont indissociables du cartulaire C qui rassemble l'essentiel des préceptes, diplômes et privilèges émanant des rois et des papes et fondant le droit spécial des clunisiens. Depuis Alexandre Bruel, on distingue généralement trois phases de confection, abstraction faite des ajouts de la fin du XIIe et du XIIIe siècle : le milieu du XIe siècle (début du cartulaire A, vers 1045-1050), la fin du XIe siècle (poursuite du cartulaire A, début des cartulaires B et C, vers 1090-1100), le début du XIIe siècle (fin des cartulaires A, B et C, vers 1110-1120)4. S’appuyant sur l’étude paléographique et codicologique des manuscrits, Hartmut Atsma et Jean Vezin ont récemment proposé une autre chronologie. La première phase se situerait sous l’abbatiat d’Hugues, entre 1063 et 1080. La seconde prendrait place dans les années 1095-1096 ; enfin des ajouts sont apportés dans les premières décennies du XIIe siècle5. Au-delà de la précision chronologique, le mérite de cette étude est de montrer la cohérence des trois cartulaires. Les cartulaires A, B et C, aujourd’hui distincts, font partie d’un même projet, sans doute envisagé dès la fin de l’abbatiat d’Odilon, mais mis en forme définitivement sous l’abbatiat d’Hugues. Eudes de Châtillon, grand-prieur de Cluny entre 1070 et 1080 environ et à ce titre responsable des archives, pape sous le nom d’Urbain II à partir de 1088, semble avoir joué un rôle décisif dans cette entreprise. Les deux principales étapes de la confection du cartulaire coïncident avec ses fonctions de grand-prieur puis avec son retour à Cluny (octobre 1095) où il consacre l’autel majeur de la nouvelle abbatiale et sanctionne l’aire d’inviolabilité autour du monastère6. À cette date, l’abbaye est au faîte de sa puissance. La composition du premier cartulaire (A, B, C) vient à point pour la soutenir.
6Les cartulaires D et E ont été composés au XIIIe siècle, le premier vers 1250-1260, le second vers 1285-12907. S'ils prennent le relais des deux cartulaires précédents en compilant les actes depuis Pierre le Vénérable, la répartition ne tient plus compte aussi nettement des abbatiats au profit d'un classement essentiellement thématique : donations, conflits avec les évêques, rapports des moines avec le roi et ses officiers. Le cartulaire E rassemble d'ailleurs aussi bien des chartes que des diplômes royaux et des privilèges pontificaux, y compris certains déjà copiés dans le cartulaire C, comme si le souci était de réunir dans un nouveau cartulaire les fondements du droit clunisien dans leur acception du XIIIe siècle8.
7La composition d’un cartulaire résulte d’un choix dans les documents copiés et dans leur présentation. La mémoire du monastère est ainsi recomposée par la mise en exergue de pièces considérées comme importantes, éventuellement retouchées lors de leur copie, et l’oubli d’actes jugés inutiles9. Pour tous les actes importants fondant les rapports entre les moines et les laïcs des environs de Cluny, on s'est efforcé de comparer les différentes versions manuscrites et de saisir leur place dans les cartulaires lorsqu'ils y ont été insérés.
8Outre les originaux et les cartulaires, de nombreux actes jadis conservés dans les archives abbatiales ne sont plus aujourd'hui connus que par leur copie dressée à la fin du XVIIIe siècle par Lambert de Barive. Cet avocat d'Autun, mandaté par le comité Moreau pour dresser l'inventaire du Trésor des archives de Cluny et copier les pièces les plus importantes susceptibles d'éclairer l'histoire du droit, a séjourné vingt ans dans le chartrier de Cluny, de 1770 à 1790, pendant lesquels il a copié plusieurs milliers d'actes compris essentiellement entre le Xe et le XIIIe siècle10. Les éditeurs du Recueil des chartes de Cluny les ont beaucoup utilisées pour établir leur corpus. Les exemples pour lesquels les comparaisons entre la copie de Lambert de Barive et l'original étaient possibles ont montré la très grande fidélité des copies. Aussi, pour ma part, les ai-je utilisées pour les XIVe et XVe siècles11, en complément des originaux conservés. Malheureusement, bien souvent, l'avocat autunois s'est contenté pour cette période jugée sans doute trop récente, de donner l'incipit des actes et leur teneur sans les transcrire intégralement.
9Concernant les actes de la pratique, il faut également signaler d'autres cartulaires et registres composés à Cluny à la fin du Moyen Age. Contrairement aux cartulaires « généraux » des XIe -XIIIe siècles, ceux-ci sont spécialisés en fonction de l'office qui en a demandé la composition ou de la nature des actes conservés. Trois ont été utiles : le « cartulaire du convent de Cluny » (cartulare conventus Cluniacensis) qui rassemble essentiellement des reconnaissances de rentes et des donations faites à la chambre abbatiale aux XIVe et XVe siècles ; un registre anonyme qui rassemble des procurations faites par l'abbé de Cluny sur les prieurés clunisiens et les églises incorporées par l'abbaye bourguignonne, à la fin du XIVe et au début du XVe siècle ; le registre de l'archidiaconé de Cluny composé vers 1560, dans lequel sont réunies les pièces essentielles fondant la juridiction de l'archidiacre depuis la fin du XIIIe siècle12.
Les inventaires du chartrier de Cluny
10Ces milliers de chartes et d'actes notariés ne constituent que des vestiges du chartrier abbatial qui a connu les ravages de la période révolutionnaire et l'incurie pendant près de trois-quarts de siècles avant d'être réparti pour l'essentiel entre les Archives départementales de Saône-et-Loire et le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale13. Aussi, les inventaires du chartrier dressés avant la fin du XVIIIe siècle peuvent-ils être fort utiles pour connaître certains documents disparus.
11L’un d’eux a notamment été utilisé à plusieurs reprises. Il s'agit de l'inventaire du chartrier abbatial dressé en 1682 par Claude Loquet, avocat au Parlement de Paris. Il se présente sous la forme de deux volumes manuscrits, in-folio, conservés aujourd'hui aux Archives départementales de Saône-et-Loire14. Trois sections de cet inventaire ont été particulièrement utiles.
12La première s'intitule « Droits et hauteurs de l'abbé de Cluny contre les habitans dudit Cluny ». Elle analyse 97 actes compris entre 1145 et 1655 relatifs aux serments de fidélité prêté par les habitants, aux accords entre moines et bourgeois sur les redevances, la monnaie ou l'institution des officiers laïcs du bourg abbatial, aux nombreux procès opposant les moines aux Clunisois à la fin du Moyen Age, aux privilèges monastiques sur les bois, les prés, les cours d'eaux, les foires et les marchés et les droits d'usage des habitants15. Environ la moitié des actes inventoriés est aujourd'hui perdue. Or, les analyses sont toutes suffisamment détaillées pour se faire une idée de la teneur de l'acte et si elles ne pallient pas leur disparition, elles permettent de compléter sensiblement certaines données.
13La deuxième section importante pour notre problématique est intitulée « Justice de Cluny »16. Elle comprend sept liasses rassemblant les lettres royaux instituant le ressort direct de la justice abbatiale au Parlement de Paris et les nombreux conflits de juridiction entre les officiers abbatiaux et ceux du bailli de Mâcon (XIIIe-XVIe siècle). La plupart de ces actes peut être retrouvée dans des dépôts divers comme les Archives départementales de Saône-et-Loire, les recueils factices de la Bibliothèque nationale ou les registres et layettes du Trésor des chartes17.
14Enfin une troisième sous-section est précieuse : l'« inventaire des tiltres concernant les cures et chapelles de la ville et des environs de Cluny »18. Les pièces provenant des archives paroissiales de Cluny sont en effet très peu nombreuses et la cinquantaine d'actes inventoriée ici permet de compléter nos connaissances sur l'administration des paroisses du bourg, incorporées par l'abbé de Cluny et contrôlées par son archidiacre. Malheureusement pour le médiéviste, seuls dix actes inventoriés - tous perdus à ma connaissance - sont antérieurs au XVIe siècle (le plus ancien date de 1410).
15Lorsqu'il travailla dans les archives de Cluny entre 1770 et 1790, Lambert de Barive a pris de nombreuses notes sur l'organisation du chartrier19. Comme l'inventaire de 1682, ses notes peuvent être utiles pour connaître la teneur d'un acte disparu et la manière dont les documents concernant les rapports entre moines et laïcs, notamment les habitants du bourg, étaient conservés et classés par les moines.
Les documents normatifs
16Sous ce terme, j'entends essentiellement les coutumes et les statuts clunisiens promulgués entre le début du XIe et le milieu du XVe siècle.
17Les coutumiers utilisés sont au nombre de trois20. Le plus ancien a été rédigé sous l'abbatiat d'Odilon, vers 1027-1030, complété vers 1033 puis copié vers 1050-1060 à Farfa en incluant quelques aménagements propres à l'abbaye de Sabine21. Appelé le « livre du chemin » (liber tramitis aeui Odilonis), il rassemble les prescriptions liturgiques du temps d'Odilon et un traité sur les offices du monastère. Le rassemblement de ces deux éléments dans un même manuscrit est particulièrement révélateur de la manière dont les moines concevaient leur fonction sociale et envisageaient le cheminement vers Dieu. Il est capital de prendre en compte ces prescriptions pour comprendre comment ils ont tenté de mettre en ordre le monde laïque.
18Les deux autres coutumiers ont été rédigés sous l'abbatiat d'Hugues de Semur. Ils mêlent également ces différentes prescriptions. Contrairement aux hypothèses posées jadis par Kassius Hallinger, on sait maintenant qu'ils ont tous les deux été composés simultanément vers 1075-108022. L'un est attribué à un moine de Cluny prénommé Bernard. Il était destiné à l'usage interne du monastère bourguignon. L'autre a été rédigé par le moine Ulrich, originaire de Ratisbonne, à la demande de l'abbé Guillaume de Hirsau. Il semble avoir été essentiellement utilisé pour servir de base à l'institution des coutumes dans des monastères non clunisiens stricto sensu, c'est-à-dire hors de l'ecclesia Cluniacensis. L'intérêt de ces deux coutumiers pour mon propos concerne essentiellement les prescriptions relatives aux offices claustraux, très détaillées dans les coutumes de Bernard, et particulièrement celles des officiers en relation avec les hommes « de l'extérieur » : le prieur, le chambrier, les doyens, le cellérier, l'aumônier.
19La mixité de ces textes et l’apparente confusion entre le « rituel », l’« administratif », le « mémorial » ou le « narratif » témoignent des différents niveaux sur lesquels se place la mise en ordre clunisienne. La codification par écrit qui mélange les genres manifeste la volonté des moines souverains d’ordonner leur communauté tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du cloître23.
20L'étude des différentes versions manuscrites des coutumes d’Ulrich a montré l'adaptation du texte dans les monastères où il a été utilisé. De plus, la fixation par écrit n’empêche pas de recourir parfois au témoignage oral des moines pour régler un problème, de telle sorte qu’il est fort difficile de saisir l’utilisation pratique de ces textes24. Cela étant, c'est une question essentielle qu'il nous faudra poser pour saisir les « articulations et discordances » entre ces prescriptions normatives et la vie aux portes du monastère.
21La période des statuts clunisiens commence avec Pierre le Vénérable. À la fin de son abbatiat, il fait rédiger quelque soixante-dix-huit statuts dont la plupart ont sans doute été établis voire remaniés dans les années précédant leur rédaction et leur compilation définitives25. Comme les coutumiers, ces textes concernent tout autant l'organisation interne du monastère que les relations des moines avec le monde extérieur. Mais à la différence des coutumes, plus malléables, ils sont censés s'appliquer dans tous les monastères de l' ecclesia Cluniacensis et ce sous la même forme. En ce sens, les clunisiens suivent le mouvement initié dans les ordres monastiques par les cisterciens et les chartreux, qui voit le développement des codifications écrites ayant force de loi26. Ceci dans le même temps où se développent les premiers statuts communaux en Italie du Nord27 et les codifications de droit romain et canon28.
22La période essentielle des statuts clunisiens est néanmoins le XIIIe et le début du XIVe siècle. Sous l'impulsion de la papauté, les abbés de Cluny Hugues V (1200, 1205-1206), Yves II (1276), Bertrand Ier (1301), Henri Ier (1314) puis Jean de Damas Cozan (1399) et Jean de Bourbon (1458) rédigent de nouveaux statuts qui montrent l'adaptation progressive des clunisiens aux problèmes disciplinaires à l'intérieur du convent, mais aussi à la concurrence à laquelle ils doivent faire face à l'extérieur29. Quelques éléments précieux y ont été puisés.
Les « lettres clunisiennes »
23Sous cette expression anachronique30, il faut entendre l'ensemble des œuvres produites par les clunisiens dont le but n'est pas explicitement la codification, la production de normes ou la conservation des droits fondamentaux du monastère.
24Il s'agit d’abord des textes hagiographiques, très nombreux pendant la période comprise entre l'an mil et la première moitié du XIIe siècle31. Ces œuvres complexes méritent une attention toute particulière et une longue pratique. Inutile de dire que toutes n'ont pas été étudiées avec le soin qu'elles mériteraient et beaucoup ont été négligées. J'ai procédé par sondage en me concentrant essentiellement sur les œuvres de la fin du XIe et du XIIe siècle éditées de manière critique. Il s'agit essentiellement des Vies de saint Hugues, notamment celle du moine Gilon, et du recueil de miracles de Pierre le Vénérable (De Miraculis) dans lequel l'abbé dresse un vibrant plaidoyer pour son propre monastère32. Une attention particulière a été portée sur les lieux cités dans ces textes33 et sur les personnages emblématiques mis en scène par les moines, en particulier lorsqu'ils sont originaires de la région de Cluny. Si les textes hagiographiques ne produisent pas explicitement des normes, il va de soi qu'ils ont été pris en compte dans cette enquête comme les révélateurs de la conception clunisienne de l'ordre, conception qu'ils s'efforcent concrètement d'appliquer sur le monde extérieur.
25Il en va de même pour les sermons et les lettres rédigés par les abbés de Cluny aux XIe et XIIe siècles. Les mieux conservés et édités sont ceux d'Hugues de Semur et de Pierre le Vénérable34. La manière dont les bourgeois sont présentés dans les lettres de Pierre le Vénérable, ses justifications contre les reproches de Bernard de Clairvaux, ses plaintes au pape contre les attitudes répréhensibles de certains laïcs sont autant de points supplémentaires pour appréhender les liens entre les moines et leurs voisins.
26Les chroniques et histoires constituent une autre source précieuse pour appréhender le système de valeurs des clunisiens. Les Histoires de Raoul Glaber, désormais bien éditées, offrent un terrain de choix pour l’abbatiat d’Odilon35. Pour le premier XIIe siècle, la chronique du moine limougeaud Geoffroy de Vigeois et l’Histoire ecclésiastique d’Orderic Vital apportent des éclairages substantiels. Les deux auteurs ne sont pas clunisiens stricto sensu, mais ils émanent du même milieu monastique réformateur et n’ont cessé d’être en contact avec les moines, prieurs et abbés de l’obédience clunisienne. On leur doit notamment des récits détaillés et contradictoires des épisodes mouvementés survenus à la fin de l’abbatiat de Pons de Melgueil (v. 1120) touchant tout particulièrement ses différends avec les évêques et la naissance d’un schisme au sein de la communauté clunisienne36.
27La chronique de Richard le Poitevin constitue l’une des rares sources narratives clunisiennes pour la seconde moitié du XIIe siècle. Elle reste cependant d’une utilisation fort délicate en l’absence de toute édition critique37.
28Le texte généralement cité sous le nom de Venerabilium abbatum chronologia contient une série de notices historiques relatives essentiellement aux élections, démissions et morts des abbés de Cluny. Les notices sont présentées sous forme d’annales depuis la fondation du monastère en 910. La Chronologia est connue par deux manuscrits. Le plus ancien est le cartulaire A par lequel s’ouvre le texte38. Une première main a noté les années de 910 à 1215 et les notices historiques jusqu’en 1088, date probable de la première rédaction du texte. Les notices des années 1089 à 1215 sont de plusieurs mains des XIIe et XIIIe siècles. Des ajouts ont été apportés à la fin du Moyen Age jusqu’à l’année 1528. Le second manuscrit est un recueil composé au tout début du XIIIe siècle, sans doute à la demande et pour l’usage personnel de l’abbé de Cluny, Guillaume II, sur le point de démissionner, mais soucieux d’emporter avec lui les pièces essentielles de l’histoire et de la liturgie clunisiennes39. Le manuscrit rassemble notamment une série de proses et séquences mariales accompagnées de notations musicales dont certaines sont composées par Pierre le Vénérable, une collection de miracles des abbés Hugues de Semur et Pierre le Vénérable, des récits relatifs aux abbatiats d’Hugues de Semur et de Pons de Melgueil, une série de pièces diplomatiques relatives à l’immunité de Cluny. La chronologia abbatum est la dernière pièce du manuscrit (f° 95r-102r). Les années de 910 à 1215 et les notices correspondantes ont été notées par une seule main. On constate très peu de variantes avec la version du cartulaire A.
29La chronologia abbatum a servi de base pour la rédaction du Chronicon Cluniacense à la fin du XVe siècle. Cette chronique est fréquemment citée comme l’œuvre du grand-prieur de Cluny, François de Rivo, ayant agi à la demande de Jacques d’Amboise, abbé de Cluny entre 1481 et 1510. Telle est la version publiée en 1614 dans la Bibliotheca Cluniacensis40. Les versions manuscrites du texte permettent de sensiblement préciser le moment et le mode de sa rédaction. Le plus ancien manuscrit repéré est le numéro 2483 des Nouvelles acquisitions latines de la Bibliothèque nationale de France41. Une note du folio 7 indique que le manuscrit a été donné au monastère de Cluny par le grand-prieur, Philippe de Lozier, en août 148042. On peut en déduire qu’il est l’auteur ou du moins le concepteur du manuscrit. Les pièces copiées sur les premiers folios sont des décrets conciliaires et des bulles pontificales relatifs à l’élection de l’abbé (f° 1-5). Une version du Chronicon Cluniacense figure sur les folios 7r à 23r. Elle est suivie d’une liste des églises paroissiales dépendant sans intermédiaire de l’abbé de Cluny (f° 24-28), d’une liste des prieurés et abbayes de l’ordre (f° 28-51), de récits relatant des translations de reliques à Cluny (f° 51-63) et de pièces diverses parmi lesquelles on compte un compte-rendu de visite de l’abbaye de Cluny en 1428 (f° 63r-75r), un statut de 1439 sur les offices claustraux de Cluny (f° 77r-87r), quelques actes fondamentaux relatifs à la libertas clunisienne (f° 93r-97v), une liste des reliques contenues dans le monastère en 1399 (f° 100r-102v), les statuts de Jean de Bourbon (f° 103r-120v), des copies de bulles pontificales (f° 121r-127).
30Le texte de la chronique comporte de très nombreuses variantes par rapport à la version publiée dans la Bibliotheca Cluniacensis. La plus frappante tient à la forme. La « chronique » du manuscrit 2483 se présente sous forme d’annales alors que le chronicon de François de Rivo classe les événements en fonction des abbatiats, l’ensemble étant précédé d’une longue préface indiquant les circonstances et les buts de la rédaction. Dans le manuscrit, la « chronique » s’arrête à l’année 1481, date probable de sa rédaction.
31La comparaison du texte avec celui de la Chronologia abbatum et celui du Chronicon publié dans la Bibliotheca Cluniacensis montre qu’on a avec le manuscrit 2483 une étape intermédiaire entre les Annales de Cluny (chronologia abbatum) et le chronicon Cluniacense, mis en forme sans doute définitivement par François de Rivo à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle. Pour les années 910 à 1122, le manuscrit 2483 présente un texte inspiré de celui de la Chronologia abbatum, auquel quelques épisodes ont été retirés43, d’autres ajoutés44. Les ajouts deviennent très nombreux dès la deuxième moitié du XIIe siècle et passé le XIIIe siècle, presque tout est original. Le texte se rapproche alors étroitement de la version publiée du Chronicon Cluniacense (Bibliotheca Cluniacensis) à la différence notable du style, toujours annalistique.
32On trouve un certain nombre d’allusions à la ville et aux bourgeois de Cluny dans le Chronicon Cluniacense. Aussi, on aura soin tout au long de l’enquête de ne jamais se contenter de la version publiée dans la Bibliotheca, mais de la comparer à la version manuscrite de Philippe de Lozier, souvent très différente.
33On compte trois autres versions manuscrites du Chronicon rédigées au XVIe siècle. Chacune se trouve dans une compilation de pièces historiques relatives à Cluny faisant penser à des états préparatoires de la Bibliotheca Cluniacensis45. Ces trois versions du Chronicon sont postérieures à la mise en forme du texte par François de Rivo et ne présentent par conséquent que des variantes mineures avec la version publiée dans la Bibliotheca Cluniacensis.
34Comme on le voit, ces très nombreux documents ne présentent qu'une face du monde : celle des moines qui, seuls, prennent la plume. Les analyses que l'on peut faire de ces textes, qu'il s'agisse des Vies de saints, des chroniques, des coutumiers, des lettres, mais aussi des chartes, contribuent plus à construire la sociologie des clunisiens, ou leur ecclésiologie ce qui revient à peu près au même, qu'à comprendre l'agencement « réel » des rapports sociaux. Telle est la tâche du médiéviste. Vouloir s'en extraire serait un leurre. Il est toutefois indispensable de confronter ces textes à ceux de « l'extérieur », même si le déséquilibre est patent. Par conséquent, quatre autres types de sources ont été utilisés.
2. Les sources ecclésiastiques « régionales »
35Le monastère de Cluny n'est pas le seul établissement ecclésiastique de la Bourgogne méridionale dont on conserve des archives. Si le Mâconnais est une « terre féconde », c'est aussi parce que le cartulaire de la cathédrale Saint-Vincent de Mâcon est parvenu jusqu'à nous. Certes, l'édition bien connue de Marie-Camille Ragut du « livre enchaîné » perdu au moment des guerres de religion n'est que la transcription d'une copie du XVIIIe siècle, copiant elle-même une copie plus ancienne dont la date est inconnue. L'édition est loin d'être parfaite et mériterait d'être entièrement revue. Les datations fournies par l'éditeur sont très aléatoires. Comme l'a récemment montré Alain Guerreau, l'étude attentive des documents et la comparaison avec les chartes des Xe-XIe siècles provenant de Cluny permet de sortir des pièges les plus importants46. Les 633 chartes conservées, comprises entre le début du Xe et celui du XIIe siècle complètent sensiblement la base documentaire pour étudier les rapports sociaux pendant cette période. De nombreuses familles sont mentionnées dans les deux cartulaires, ce qui permet des comparaisons utiles.
36À l'ouest de Cluny, en Charolais, les cartulaires de Marcigny et de Paray, deux monastères clunisiens, sont également conservés. Celui du prieuré de moniales de Marcigny, fondation personnelle d'Hugues de Semur en 1055, a été reconstitué par Jean Richard sur la base des copies partielles du cartulaire disparu pendant la Révolution47. Il comprend 307 chartes dont les dates connues se situent entre 1045 et 1144. Jean Richard a ajouté en annexe un index détaillé des noms de lieux et de personnes ainsi qu'un répertoire biographique sur les principales familles citées dans les chartes48.
37Le cartulaire original de Paray, composé au début du XIIe siècle, est également perdu. Il a été reconstitué en 1891 par Ulysse Chevalier sur la base des copies partielles ou intégrales qui en avaient été dressées aux XVIIe et XVIIIe siècles. L'édition comprend 181 actes répartis entre les dernières années du Xe et les deux premières décennies du XIIe siècle49. Les monastères de Paray et de Marcigny, étroitement liés à l'abbaye de Cluny voisine, ont été dirigés par des moines dont on peut bien souvent reconstituer le cursus grâce aux chartes de Cluny. La proximité de Paray et de Marcigny et la présence de nombreuses familles parmi les donateurs des deux établissements permet, en outre, de croiser les données relatives à l'environnement laïque des clunisiens, de Mâcon jusqu'aux rives de la Loire50.
38Le cartulaire du monastère de Saint-Marcel près de Chalon-sur-Saône constitue une source complémentaire. Fondé à la fin du VIe siècle par le roi de Bourgogne Gontran, ce monastère fut donné à Cluny par le comte de Chalon, Geoffroy d’Anjou, dans les dernières années du Xe siècle. Le monastère connut son plus fort développement sous l’obédience clunisienne aux XIe et XIIe siècles. C’est vraisemblablement vers 1120 que son cartulaire fut composé, réunissant 122 actes compris entre 779 et 1126 dont les deux tiers sont postérieurs à 105051. La nouvelle édition du cartulaire par Constance Bouchard en fait désormais un instrument de travail précieux pour l’histoire des relations entre l’aristocratie de la Bourgogne méridionale et les moines clunisiens52.
39Enfin, des précisions sur le réseau des laïcs liés aux moines de Cluny ont pu être apportées par les cartulaires de la collégiale de Beaujeu, de l'abbaye de Savigny en Lyonnais, de l'Église d'Autun et par le « Cartulaire lyonnais », recueil factice d’actes provenant d'établissements de l'ancien pagus de Lyon qui s'étendait du Bugey au Forez53.
40On a sélectionné parmi ces différents recueils - en plus de celui de Bernard et Bruel - les chartes qui mettent en cause un ou plusieurs habitants de Cluny. La méthode a consisté à rechercher dans un premier temps l’ensemble des mentions nominatives des burgenses ou habitantes de Cluny, mais cette sélection s’est très vite avérée fort réductrice. En effet, jusqu’au milieu du XIe siècle, les personnes ne sont citées dans les chartes que par leur prénom. Le développement du cognomen ne se fait guère autour de Cluny qu’à partir des années 1050 et demeure, pendant au moins un siècle, l’apanage des familles les plus prestigieuses54. Même après cette révolution anthroponymique, le lieu de résidence ou la qualité des personnes, qu’elles soient auteurs des actes, témoins, scribes, possesseurs d’un bien confinant celui dont il est question dans la transaction, n’est pas systématiquement mentionné à côté du nom. Le qualificatif de burgensis n’apparaît pas avant le XIe siècle et ne se développe pas, en Clunisois, avant les premières décennies du XIIe siècle.
41L’utilisation d’autres techniques que la seule récolte des mentions objectives (bourgeois, habitant, manant de Cluny) était donc nécessaire. Les travaux sur les nécrologes clunisiens et la confection des indices du Recueil des chartes de Cluny en cours d’achèvement à l’Institut für Frühmittelalterforschung de Münster ont mis à la disposition des chercheurs des instruments de travail efficaces pour retrouver et identifier des individus ou des groupes de personnes55. Grâce à la bienveillance de Joachim Wollasch, Maria Hillebrandt et Franz Neiske, j’ai pu en bénéficier et sensiblement élargir le corpus documentaire de référence.
3. Les sources d'origine pontificale
42Cluny est le monastère d’Occident qui a obtenu le plus de privilèges pontificaux entre le milieu du Xe et le début du XIIe siècle56. Ces actes, ajoutés aux lettres des pontifes adressées à l'abbé de Cluny ou aux princes et prélats de la région ont contribué à dire le droit du monastère et à construire le dominium abbatial sur la terre et les hommes. À partir de l’édition d'Harald Zimmermann (Papsturkunden), qui s'arrête en 1046, de la Patrologie latine, du Bullaire de Cluny (Bullarium Cluniacense) et des recueils de bulles, lettres et privilèges émanant d'un pape particulier (Grégoire VII, Calixte II), j'ai tenté d'en faire le recensement le plus complet jusqu'au pontificat d'Innocent III. Quatre-vingt-treize lettres ou privilèges ont ainsi été pris en compte pour la période comprise entre 931 et 1205. Les actes les plus importants pour cette enquête sont compris entre 931 et 1144, soit entre les pontificats de Jean XI et de Lucius II. Après cette date, les fondements de la domination abbatiale sont posés et ne subissent pas de modification fondamentale jusqu’au XVIIIe siècle57.
43J'ai également tenté de repérer les lettres et actes pontificaux ultérieurs à partir des recueils édités par l'École française de Rome. Mais l'ampleur de la tâche, l'absence d'index dans certaines éditions et le maigre rapport de cette recherche au regard de la problématique choisie m'ont contraint à n'effectuer que des sondages pour les XIIIe et XIVe siècles.
44Les lettres et les privilèges pontificaux adressés à Cluny ont été rédigés par la chancellerie pontificale. Dans la majeure partie des cas, les moines ont sollicité du pape l’envoi de ces actes ; parfois, ils se sont rendus auprès de lui pour obtenir la confirmation d'un privilège ou, en d'autres occasions, ils ont profité du séjour du pontife à Cluny ou dans les environs pour lui demander de telles confirmations. Pour faire rédiger les actes, les moines ont sans doute proposé aux scribes un texte préparatoire, la Vorurkunde des diplomatistes allemands, ou plus simplement la copie d’un acte ancien. Le déroulement précis de ce mode de rédaction nous échappe, mais la récurrence des formulaires et les copies intégrales de certains passages de la charte de fondation, par exemple, ou des diplômes royaux permet de soutenir cette hypothèse. On doit ainsi se garder de considérer les privilèges pontificaux comme des actes relevant uniquement de l’initiative de Rome. Ils sont le résultat d’un double mouvement par lequel les clunisiens comme l’Église romaine construisent leur identité en élaborant le droit et le pouvoir de saint Pierre sur les hommes et les terres, à Cluny, à Rome ou ailleurs.
4. Les sources d’origine royale et les actes judiciaires
45Pour le premier Cluny (Xe siècle), les préceptes et diplômes royaux constituent une source comparable aux privilèges pontificaux pour comprendre les fondements de la domination abbatiale, le développement de l’immunité et l’accroissement des possessions des moines.
46Sans les énumérer tous, on peut retenir les principaux. Ils se répartissent sur une tranche chronologique relativement restreinte, entre 927 et 1020 environ. Six noms doivent être retenus pour les Xe et XIe siècles : quatre rois des Francs, Raoul, Louis IV, Lothaire III et Robert II, et deux rois de Bourgogne, Conrad et Rodolphe III58. Leurs diplômes se répartissent essentiellement en deux catégories : les donations à Cluny de terres et d’églises appartenant au fisc royal ; les confirmations de donations antérieures concédées par différents princes, prélats ou simples laïcs. Dans chaque cas, les diplômes incluent des clauses d’ordre plus général confirmant les droits et privilèges du monastère comme la charte de fondation en a posé les fondements.
47Entre le IXe et le XIIe siècle, les diplômes royaux étaient fréquemment rédigés par les destinataires. Seuls le sceau et la souscription du souverain étaient apportés par la chancellerie royale59. L'abbaye de Cluny n'a pas échappé à la règle. L'édition récente des diplômes du roi robertien Raoul a mis en évidence plusieurs diplômes ainsi rédigés dans l'abbaye bourguignonne60. Il est probable que bien d'autres diplômes du Xe siècle ont été composés de la même manière. Des études paléographiques sur les actes originaux de Cluny ont parallèlement montré que la rédaction des chartes et la copie des manuscrits étaient parfois l’œuvre des mêmes scribes61. Il faut donc envisager les diplômes royaux des Xe-XIe siècles tout autant comme des œuvres clunisiennes que comme des traces de l'idéologie royale ou de l'action des rois dans la Gaule des Xe-XIe siècles.
48Après un siècle et demi d'absence entre l'an mil et le milieu du XIIe siècle, les rois s’immiscent de nouveau dans les affaires clunisiennes et cette fois sous une tout autre forme. Par le biais de la garde et des pariages, puis par l'imposition des décimes, le roi de France s'impose comme un concurrent redoutable de l'abbé vidant progressivement de sa substance son immunité et le fonctionnement de sa justice. Pour suivre cette évolution, les actes émanant de la chancellerie royale constituent une source essentielle. Les volumes de la collection des « Chartes et diplômes relatifs à l'histoire de France »62 ont été utilisés prioritairement et, pour les souverains dont les actes n'ont fait l'objet d'aucune édition critique, on s'est reporté à celle du Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny établie à partir des cartulaires de l'abbaye.
49En outre, les documents d'origine judiciaire ont fourni la base documentaire pour l'étude de la pénétration de la justice royale dans les affaires clunisiennes à partir du XIIIe siècle. Les archives clunisiennes elles-mêmes avaient consacré une layette aux pièces témoignant des conflits de juridiction entre les officiers monastiques et ceux du bailli de Mâcon63. Cette ancienne layette n'a pas trop souffert des destructions de la fin du XVIIIe siècle. Distraite sans doute rapidement des archives abbatiales par quelque moine ou quelque érudit, elle est parvenue dans les dépôts publics en deux versements distincts dans l'espace et le temps. La première partie a été versée en 1891 par le célèbre historien bourguignon Ernest Petit de Vausse au Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale où elle forme les premiers folios du manuscrit des Nouvelles acquisitions françaises 5265. Une seconde partie a été versée aux Archives départementales de Saône-et-Loire en 1975 par la famille Degouve de Nuncques, héritière des Petit de Vausse. Elle constitue désormais la septième liasse du « Supplément Cluny » de la série H64. Ces deux fonds ne rassemblent pas l'ensemble des pièces de l'ancienne layette. Les plus anciennes en ont été soustraites pour rejoindre les volumes de la Collection Bourgogne à la Bibliothèque nationale (vol. 81, 82), d'autres sont irrémédiablement perdues ou dorment dans un grenier bourguignon. L'ensemble des documents forme toutefois un corpus solide à partir duquel il est possible d'examiner la concurrence entre la justice clunisienne et les justices royales aux XIVe et XVe siècles.
50Les archives du bailliage de Mâcon sont conservées aux Archives départementales de Saône-et-Loire à partir de 140365. Les pièces plus anciennes ont disparu. Le bailli étant, à cette date, incompétent pour entendre les causes des justiciables de Cluny, il ne s'y trouve rien qui ne soit pas également dans la layette « Justice de Cluny ».
51L’abbaye de Cluny et tous ses ressortissants dépendent nullo mediante du Parlement de Paris à partir de Philippe le Bel. Il était donc utile de rechercher dans les registres de la cour royale les traces des conflits entre moines et laïcs voire des jugements portés sur des justiciables de l'abbé. On sait que, dans le cas des archives du Parlement de Paris, la difficulté ne vient pas de la conservation aléatoire ou de la disparition de certaines pièces, mais plutôt de leur abondance et de la déficience des instruments de travail appropriés pour se repérer dans ce fonds gigantesque. Les centaines de registres médiévaux du Parlement de Paris sont dépourvus de tables. Des inventaires analytiques sont publiés pour les registres des Parlements civil et criminel antérieurs à 1350 et d'autres, manuscrits, sont disponibles pour les registres de la seconde moitié du XIVe et les toutes premières années du XVe siècle66. Pour les Accords, transactions conclues entre les deux parties en cour de procès, il n'existe que des inventaires manuscrits sommaires. Par conséquent, il était hors de question de faire un recensement exhaustif ou même détaillé des causes concernant des justiciables de l'abbaye de Cluny portées devant le Parlement de Paris. Il s'agit là d'une recherche spécifique et de longue haleine qui ne pouvait entrer dans le cadre de ce travail. Je me suis donc limité à quelques sondages dans les registres du XIVe siècle, guidé par les inventaires disponibles.
5. Les archives de la communauté d’habitants
52Enfin restent les archives émanant proprement de la communauté d'habitants de Cluny ou conservées par ses soins. On distinguera les archives provenant des paroisses de Cluny, celles conservées par l'échevinage et les fonds des notaires publics du bourg abbatial.
Les archives paroissiales
53Les archives paroissiales de Cluny les plus anciennes datent du milieu du XIVe siècle. On conserve deux rentiers des paroisses Saint-Maïeul et Saint-Marcel de Cluny. Celui de Saint-Maïeul, rédigé en 1333, dresse l'état des rentes annuelles perçues par l'église sur des biens fonciers et immobiliers sis à Cluny et dans la proche banlieue67. Celui de Saint-Marcel a été rédigé vers 1390 puis régulièrement tenu à jour jusqu'en 141368. Il est plus détaillé que le précédent et précise fréquemment la date d'acquisition des rentes et les motifs de leur fondation69.
54On compte également dix-sept actes originaux provenant de ces deux paroisses, compris entre 1335 et 1495. Il s'agit de testaments ou de reconnaissances de rente pour les prêtres desservants. La majeure partie d'entre eux a été rassemblée dans le manuscrit 2273 des Nouvelles acquisitions latines de la Bibliothèque nationale mais quelques-uns sont dispersés dans les volumes de la Collection Bourgogne70.
Les archives de l'échevinage
55Rassemblées au XIXe siècle dans la mairie de Cluny avec les vestiges du chartrier abbatial, les archives de l'échevinage ont subi le même sort que celles de l'abbaye, c’est-à-dire la dislocation et la répartition entre plusieurs fonds. Il n'en existe aucun inventaire et de longues recherches sont nécessaires avant de les repérer parmi les recueils factices qui les mêlent aux pièces provenant de l'abbaye.
56Les Archives municipales de Cluny conservent le fonds le plus important, mais toutes les pièces antérieures à 1450 et quelques-unes plus récentes jugées d'un « intérêt historique important » en ont été distraites en 1881 pour suivre les vestiges du chartrier abbatial à la Bibliothèque nationale. Là, elles ont été réunies pêle-mêle aux chartes et actes notariés provenant du monastère dans les volumes de la Collection Bourgogne (vol. 82 à 84) ou dans ceux des Nouvelles acquisitions latines (volumes 2265 à 2267).
57Le fonds des Archives municipales de Cluny ne conserve donc que de rares pièces médiévales. Cette pauvreté est sans doute à l’origine de l’ignorance quasi générale du dépôt par les médiévistes. Mais néanmoins les cinq « pièces » antérieures à 1500 sont d'un intérêt considérable pour l'étude des rapports sociaux entre les moines et les bourgeois. Il s'agit de deux actes notariés faisant connaître l’acquisition par le corps civil d’une maison pour servir d'hôtel de ville (1451) et d’un pré pour les usages communs (1473)71, de trois registres rassemblant les actes de trois procès ayant impliqué la communauté d'habitants dans la deuxième moitié du XVe siècle. Deux de ses procès les ont opposés aux moines, au sujet de l'acquisition d'un hôtel de ville (1451-1461) et du détournement des recettes de l'impôt théoriquement levé pour l'entretien des murailles (1452-1461)72. Le troisième procès a mis aux prises les bourgeois avec le receveur du péage sur le pont de Saône, à Mâcon, agissant au service du duc de Bourgogne (1475-1477)73. L’exploitation de ces documents ignorés a joué un grand rôle dans la genèse de l’enquête. Ils constituent la matière première du dernier chapitre.
58Les documents du XVIe siècle conservés dans les archives municipales ont pu également être utiles. Il s'agit notamment des plus anciens comptes de l’échevinage74, des lettres royaux relatives à la police dans la ville, aux foires annuelles ou aux droits des habitants dans les bois voisins de Cluny75, quelques rares transactions immobilières et comptes-rendus d’assemblée pour l’entretien des murailles76.
Les actes notariés
59Ces pièces ne proviennent pas stricto sensu de la communauté d'habitants, mais on les répertorie ici par commodité étant donné qu'il s'agit d'actes rédigés par les notaires publics de Cluny à la fin du Moyen Age.
60Les registres des notaires publics de Cluny ne sont pas conservés avant le début du XVIIe siècle77. En revanche, des fonds d'archives privés conservent des actes remontant à la fin du XIVe siècle rédigés par des notaires clunisois. Il s'agit de titres de propriétés, d'acquisition de rentes assises sur des biens fonciers ou immobiliers de Cluny ou des environs. Un fonds est particulièrement important pour notre propos : celui de la famille Caigneaud de Cluny, bouchers de père en fils depuis le milieu du XIVe siècle, comptant parmi la ploutocratie du bourg abbatial et possédant de très nombreux prés, terres et maisons à Cluny et dans sa proche banlieue78. Il sera beaucoup question de ces personnages au cours des derniers chapitres de l'enquête.
L'inventaire des archives de l'échevinage
61Un autre document a été d'une grande utilité. Il s'agit de l'inventaire des archives de l'échevinage dressé en 1627 par Jacques Tupinier, notaire royal et échevin de Cluny79. Plus de 2600 pièces alors contenues dans le coffre de ville, lui-même conservé dans l'église paroissiale Notre-Dame, ont été ainsi inventoriées. L'analyse des actes et des liasses est généralement détaillée.
62L'intérêt principal de cet inventaire, outre celui de faire connaître des pièces disparues, est de montrer la composition des archives de l'échevinage au début du XVIIe siècle. On ne compte que sept actes antérieurs au XVe siècle : il s'agit des chartes de coutumes du XIIe siècle et de leurs aménagements dans les deux siècles postérieurs. Les premiers documents produits par une administration clunisoise datent de 1413 et ne deviennent véritablement nombreux qu'à partir des premières années du XVIe siècle. Les comptes-rendus annuels des échevins apparaissent en 1513, deviennent réguliers vers 1560 et annuels dès 159480. Les livres syndicaux apparaissent en 1591 et deviennent annuels dès 159881.
6. Les documents figurés
63Une vue en perspective de l’abbaye et de la ville de Cluny a été gravée entre 1668 et 1672 d’après un dessin de Louis Prévost, avocat natif de Cluny82. La vue, prise du nord, montre au premier plan les bâtiments conventuels. Elle est surtout célèbre pour cela. Mais elle constitue également la plus ancienne représentation du bourg abbatial, précieuse pour son dessin d’édifices disparus comme l’église Saint-Maïeul, la chapelle Saint-Odilon, la tour du Fouettin, les quatre moulins et les aménagements hydrauliques au nord et à l’est de l’enceinte.
64Les plans terriers dressés pour la chambre abbatiale de Cluny à la fin de l’Ancien régime ont été utiles pour situer les anciens chemins, le tracé des rues, leurs noms, l’organisation de l’espace urbain.
65Le plus ancien est qualifié « terrier Bollo » du nom de la personne qui en a dirigé l’exécution entre 1686 et 1697. Il s’agit d’un relevé des parcelles de la ville de Cluny et des terres dépendant de la chambre abbatiale. Sur chaque parcelle ont été notés les noms des possesseurs (de maisons, de terres) et le montant des cens dus aux officiers claustraux. Les parcelles sont relevées sous forme de quadrilatères disposés conformément à leurs confins, mais sans tenir compte de leur superficie ni de leur situation dans un espace orthonormé. À la fin du XVIIIe siècle, ces relevés ont été copiés, quartier par quartier, en regard de plans des mêmes quartiers dressés vers 1768-1776. L’ensemble a été relié en un même volume83. Les relevés originaux du XVIIe siècle ne sont conservés que partiellement, tant pour la ville que pour les localités environnantes. Ils sont répartis entre le fonds des manuscrits de la bibliothèque du Musée d’art et d’archéologie de Cluny et les Archives départementales de Saône-et-Loire84.
66Entre 1770 et 1790, la chambre abbatiale a fait dresser de nouveaux terriers pour l’ensemble des terres dépendant de sa juridiction. Les relevés des parcelles, des rues et des maisons présentent une cartographie précise de la ville et des environs de Cluny. Une échelle est fournie et chaque plan est rehaussé de couleurs. L’ensemble est relié en plusieurs volumes conservés dans le fonds des manuscrits de la bibliothèque du Musée d’art et d’archéologie de Cluny85.
67Dans le même temps, les édiles municipaux de Cluny ont fait dresser des plans des rues en prévision des travaux d’alignement des façades et des travaux d’agrandissement des routes traversant le bourg abbatial. Les plans se présentent sous forme de rouleaux de tissus sur lesquels ont été collées bout à bout les feuilles de papier portant les dessins des rues, avec les projets d’alignement à effectuer. Un certain nombre de minutes est également conservé86. Des plans dressés à l’occasion de travaux dans la voirie, les aménagements hydrauliques ou les constructions publiques à la fin du XVIIIe siècle figurent parmi les plans anciens des Archives municipales de Cluny87. Ils permettent de compléter nos connaissances sur le paysage urbain clunisois à la fin de l’Ancien régime.
68Enfin, les États des sections du cadastre « napoléonien » pour le département de Saône-et-Loire ont été indispensables pour affiner les identifications toponymiques et microtoponymiques, l’identification des chemins du Clunisois, qui forment une bonne partie du troisième chapitre de ce livre88.
***
69Jusqu'au début du XVe siècle, on ne perçoit les habitants du bourg que par le prisme déformant des archives monastiques, des diplômes royaux et des privilèges pontificaux. Tout au long de l'enquête, on s'efforcera de saisir les « articulations et discordances » entre l'idéologie du pouvoir abbatial, sa mise en place concrète et sa réception par les laïcs mais il est évident que la distorsion fondamentale créée par les sources ne nous permet d'analyser en détail que la vision monastique et non celle des bourgeois ou des ruraux demeurant sur la terre clunisienne. La comparaison devient moins difficile à partir du XVe siècle. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles il a semblé utile d'étendre l'étude sur la longue durée, de l'aube du « siècle de fer » à celle de la « Renaissance ».
Notes de bas de page
1 AD71, H 1, H 2.
2 BnF, coll. Bourgogne 76 à 84 ; mss. nouv. acq. lat. 2265 à 2267. Ces recueils constituent un ensemble de 712 actes originaux, mais tous ne concernent pas la région de Cluny. Sur les archives de l’abbaye de Cluny, les chartes originales et les cartulaires, voir la présentation synthétique d’H. Atsma dans MPMA, t. I, p. 11-14.
3 BnF, mss. nouv. acq. lat. 1497, 1498.
4 La première étude sérieuse des cartulaires de Cluny se trouve sous la plume d’A. Bruel dans C, t. I, p. xiv-xxxi. Ensuite : M. Hillebrandt, « Les cartulaires ». D. Iogna-Prat, « La confection des cartulaires ». B. Rosenwein, « Cluny’s Immunities », p. 145-163 (étude paléographique et codicologique du cartulaire C).
5 H. Atsma, J. Vezin, « Gestion de la mémoire ».
6 Sur ces événements, voir infra chap. 1 et 3
7 BnF, mss. nouv. acq. lat. 766, lat. 5458.
8 Les cartulaires D et E ont été sommairement présentés par A. Bruel dans C, t. I, p. xxi-xxxvii et par M. Hillebrandt, « Les cartulaires de l’abbaye de Cluny », p. 10-11. Etude détaillée dans S. Barret, La mémoire et l’écrit, p. 111-126, 224-242.
9 Depuis les travaux de B. Guenée, Histoire et culture historique, la valeur mémoriale et historiographique des cartulaires monastiques a fréquemment été soulignée. Par exemple : P. Geary, « Entre gestion et gesta » ; Id., La mémoire et l’oubli, notamment p. 131-170 ; J.-P. Genet, « Cartulaires, registres et histoire ». Pour Cluny : D. Iogna-Prat, « La geste des origines », p. 150-170, repris partiellement dans Id., « La confection des cartulaires ».
10 Ses copies sont conservées dans les volumes de la collection Moreau de la BnF, vol. 1 à 274 et vol. 283. Sur le séjour de Lambert de Barive à Cluny : L. Delisle, Inventaire des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Fonds de Cluni, p. XII-XIII ; Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, t. I, p. XII.
11 BnF, coll. Moreau, t. 216-255.
12 BnF, mss. lat. 9878, 9789, 9880.
13 Sur la destruction d'une partie du chartrier et la conservation aléatoire de ses vestiges dans la mairie de Cluny entre 1800 et 1860, voir la préface de L. Delisle, Inventaire des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Fonds de Cluni ; A. Bernard, Archives de l'abbaye de Cluny. Plan de publication ; L. Niepce, Archéologie lyonnaise ; M. Canat de Chizy, Note historique concernant le sauvetage du Trésor des chartes.
14 AD71, H 22-23.
15 AD71, H 22, f° 34v-39v. Une petite partie de cet inventaire a été publiée par A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, ici, p. 84-96. La publication de Benet et Bazin concerne les 77 premiers folios du premier volume de l'inventaire, qui en compte 383 (le second en compte 213). Cette publication comporte de nombreuses erreurs de transcription. Elle a été très sévèrement critiquée par les chartistes du temps, au premier chef A. Bruel, responsable de l'édition des chartes de Cluny. C'est sur sa demande que la publication a été retirée aux deux auteurs pour n'être jamais poursuivie : A. Bruel, Compte-rendu de L'inventaire général d’A. Benet et J.-L. Bazin, BEC, t. XLVI, 1885, p. 333. Les vicissitudes de la publication après cette date sont rapportées dans les Annales de l'Académie de Mâcon, 2e sér., t. V, 1885, p. 521 ; t. VI, 1888, p. 461-462, 464, 469 ; t. XI, 1894, p. XXXV.
16 AD71, H 22, f° 27v-34v (éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 67-83).
17 Voir infra le paragraphe sur les « sources d'origine royale et les actes judiciaires ».
18 AD71, H 23, f° 186v-189r.
19 Elles sont rassemblées dans deux volumes de la BnF, mss. lat. 9090, 9091.
20 Pour plus de détails sur les coutumiers clunisiens et les premiers statuts, on se reportera à D. Iogna-Prat, « Coutumes et statuts ». Les lignes qui suivent s'en inspirent.
21 C'est de là que provient le manuscrit le plus ancien. Voir l'introduction à l'édition du Liber tramitis par P. Dinter, dans la CCM, t. X, p. XXIV-XXX. Des précisions sur la datation du liber tramitis ont été apportées par J. Wollasch, « Zur Datierung des liber tramitis ».
22 K. Hallinger, « Klunys Brauche zur Zeit Hugos der Grossen ». La date des deux coutumiers et leurs liens étroits ont été précisés par J. Wollasch, « Zur Verschriftlichung der klösterlichen Lebensgewohnheiten ». Quelques hypothèses complémentaires sur les motifs ayant présidé à la rédaction quasi simultanée des deux coutumiers : I. Cochelin, « Peut-on parler de noviciat à Cluny », p. 18-19.
23 D. Iogna-Prat, « Coutumes et statuts », p. 31-34.
24 Après Hallinger, la question de la tradition manuscrite des deux coutumiers a été posée par M.-C. Garand, « Les plus anciens témoins conservés des consuetudines », avant d’être entièrement réexaminée dans le cadre d’une thèse de doctorat par B. Tutsch, Studien zur Rezeptionsgeschichte, étude précédée par trois articles sur le même sujet : B. Tutsch, « Die Consuetudines Bernhards und Ulrichs » ; Id., « Zur Rezeptionsgeschichte der consuetudines Bernhards und Ulrichs » ; Id., « Texttradition und Praxis von consuetudines und statuta ».
25 Stat. PV.
26 Le développement des statuts clunisiens à partir de Pierre le Vénérable et la situation dans les autres ordres religieux a fait l’objet de recherches par G. Melville et ses disciples : G. Melville, « Ordensstatuten und allgemeines Kirchenrecht » ; E. M. Pinkl, « Der Statutenprolog des Petrus Venerabilis » ; F. Cygler, « Règles, coutumiers et statuts » ; F. Cygler, G. Melville, J. Oberste, « Aspekte zur Verbindung von Organisation und Schriftlichkeit in Ordenswesen ».
27 Sur les statuts communaux d'Italie du nord, bon panorama dans H. Keller, « Oberitalienische Statuten ».
28 Parmi une bibliographie très riche : E. Cortese, Il rinascimento giuridico medievale.
29 Ils sont publiés dans Charvin, t. 1.
30 Déjà employée et définie avec soin par D. Iogna-Prat dans son article « Cluny » du Dictionnaire des Lettres françaises, p. 311-316.
31 D. Iogna-Prat, « Panorama » en dresse, précisément, un panorama détaillé.
32 Gilo, Vita sancti Hugonis ; DM. Il faut désormais ajouter la Vita Sancti Odilonis de Jostaud, objet d’une édition critique par J. Staub en 1999. Je n’ai pas pu l’intégrer dans ce travail.
33 Deux études consacrées à la perception de l'espace et à la mise en scène des lieux dans les Vies de saints clunisiennes m'ont beaucoup inspiré : P. Henriet, « Les villes et la ville » ; A. Guerreau, « Le champ sémantique de l'espace ».
34 Sermon et lettres d'Hugues édités par H. Cowdrey, Two Studies ; sermons et lettres de Pierre le Vénérable édités par G. Constable, « Petri Venerabilis sermones tres » ; Id., The Letters of Peter the Venerable.
35 Rodulfi Glabri Historicum Libri Quinque.
36 Ex chronico Gaufredi coenobitate monasterii S. Martialis Lemovicensis ; The Ecclesiastical History of Orderic Vitalis.
37 Quelques extraits seulement sont publiés dans les MGH : Ex Richardi Pictavensis chronica. Sur Richard de Poitiers / le Poitevin et sa chronique : I. Schnack, Richard von Cluny.
38 BnF, ms. nouv. acq. lat. 1497, f° 1-4. Sur la Chronologia, voir D. Iogna-prat, « La geste des origines », p. 154-156 ; N. Stratford, « The Documentary Evidence », p. 302-303 et pl. 1-4.
39 BnF, ms. lat. 17716. Ce manuscrit a été étudié lors de trois séminaires, à Cluny en septembre 1995, à la BnF en mai 1996 et à l’U.M.R 5648 de Lyon en mai 2000. Il fera prochainement l'objet d'une publication collective avec les participations de D. Iogna-Prat, P. Stirnemann, M. Hillebrandt, M. Huglo et moi-même. Pour le moment, on peut se reporter à sa brève description par L. Delisle, Inventaire des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Fonds de Cluni, p. 223-226, et dans le Catalogue des manuscrits en écriture latine portant des indications de date, de lieu ou de copiste, t. III, p. 589.
40 BC col. 1627-1688.
41 Ms. XVe siècle, avec ajouts du XVIe. Parchemin, 127 feuillets, 340 x 240 mm., reliure originale en bois recouvert de basane brune. Ce manuscrit a été acquis par la BnF en 1934. Il a fait l’objet d’une description dans la BEC, t. XCVI, 1935, p. 205, 215.
42 BnF, ms. nouv. acq. lat. 2483, f° 7 : Iste liber est ecclesiae Cluniacensis ex dono prioris maioris [Philippe de Lozier], factus anno Domini millesimo quatorcenteno octuagesimo, mense augusti. Indication relevée dans le Catalogue des manuscrits en écriture latine portant des indications de date, t. IV, 1, p. 249.
43 1030, commémoration des défunts ; 1088, fondation de l’église abbatiale ; 1176, mort de l’abbé Guillaume Ier à La Charité-sur-Loire...
44 Par exemple : 988, miracle à Orléans et pleur d’une image de la crucifixion à la suite d’un incendie de la ville ; 991, élection de saint Odilon ; 997, mort du duc de Bourgogne Henri à Pouilly-sur-Loire, enseveli à Saint-Germain d’Auxerre... BnF, ms. nouv. acq. lat. 2483, f° 8r.
45 BnF, ms. lat. 9875, f° 1-67 (voir L. Delisle, Inventaire des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Fonds de Cluni, p. 218-219) ; BnF, ms. nouv. acq. lat. 1578, f° 1-72r ; BnF, ms. nouv. acq. lat. 1916, f° 2r-83v (voir H. Omont, « Deux nouveaux cartulaires de Cluny », p. 130-138).
46 A. Guerreau, « L'évolution du parcellaire », p. 510-511.
47 Ces copies ont été rédigées aux XVIIe et XVIIIe siècles.
48 Des corrections substantielles ont été apportées à ce répertoire biographique et aux datations des chartes du Cartulaire de Marcigny par E. M. Wischermann, Marcigny-sur-Loire.
49 Outre l'introduction d'U. Chevalier à l'édition du cartulaire, sa composition a été analysée par F. Neiske, « Les débuts du prieuré clunisien de Paray-le-Monial », p. 136-141.
50 Sur ces deux aspects : M. Hillebrandt, « Le prieuré de Paray-le-Monial au XIe siècle ».
51 Un diplôme du roi Gontran de Bourgogne, daté 584, est copié dans le cartulaire (n° 7). C. Bouchard a montré qu’il s’agit d’un faux du XIIe siècle, comme le privilège du pape Agapet Ier (n° 1) et un diplôme de l’empereur Louis le Pieux (n° 2), datés tous deux de 872 : Saint-Marcel, p. 1-3.
52 Le cartulaire de Saint-Marcel de Chalon avait été édité en 1894 par M. Canat-de-Chizy, mais sans appareil critique et sans mentionner le manuscrit original, alors possédé par l’auteur : Saint-Marcel, p. 5-6.
53 Les références de ces cartulaires sont fournies dans la bibliographie.
54 B. Rosenwein, To be the Neighbor ; C. Bouchard, « The Origins of the French Nobility ».
55 Ces méthodes ont été présentées par M. Hillebrandt, « The Cluniac Charters », Id., « Social Groups as Recognition Patterns » et J. Wollasch, « Prosopographie et informatique ». L’étude de B. Rosenwein, To be the Neighbor est largement fondée sur ces méthodes présentées p. 20-24.
56 H. Cowdrey, The Cluniacs, p. 15-16. Dernier point sur la question, F. Neiske, « Das Verhältnis Clunys zum Papsttum ».
57 Sur cette question, je me permets de renvoyer à D. Méhu, « Les cercles de la domination clunisienne ».
58 Pour les diplômes des rois francs : Robert/Raoul ; Louis IV ; Lothaire/Louis V. Les actes de Robert le Pieux n’ont pas fait l’objet d’une édition critique, mais d’un catalogue : W. Newmann, Catalogue des actes de Robert II. L’édition utilisée ici est celle de A. Bernard et A. Bruel. Pour les diplômes des rois de Bourgogne : Rudolfinger.
59 Robert/Raoul, p. XLIII-XLIV, XLIX et les notes de J. Dufour et de P. Zimmermann en introduction de l’édition de chaque document. Plus généralement sur la rédaction des actes royaux et princiers par les destinataires, O. Guyotjeannin, Diplomatique, p. 228-231.
60 Robert/Raoul 4A (932-936), 12 (927), 18 (932), 19 (932), sans compter les diplômes faux composés par les moines et attribués à Raoul : Robert/Raoul 4B (932, rédigé sans doute au XIe s.), 33 (923, interpolé dans la deuxième moitié du XIe s.), 36 (<sept. 927-jan. 936>, rédigé sans doute au début du XIe s.).
61 M.-C. Garand, « Copistes de Cluny » ; Id., « Giraldus Levita ».
62 Les références des volumes utilisés figurent dans la bibliographie.
63 Layette « Justice de Cluny » dont le contenu est détaillé dans l'inventaire des archives abbatiales dressé à la fin du XVIIe siècle : AD71, H 22, f° 27v-34v (éd. A. Benet, J.-L. Bazin, Inventaire général, p. 67-83).
64 AD71, H suppl. Cluny, 7, liasse elle-même divisée en dix liasses numérotées 7/3 à 7/11 et 7bis. En 1967, la famille bourguignonne Degouve de Nuncques possédait encore dans ses archives ces liasses provenant des archives abbatiales. W. Witters a rédigé son article « La justice-mage de Cluny » à partir de ces liasses.
65 AD71, B 1534 à 1790.
66 Panorama détaillé dans J. Favier, Archives nationales. État général des inventaires, p. 216-229, 233-238.
67 BnF, ms. lat. 9881. Manuscrit signalé par J. Virey, « Le quartier Saint-Mayeul à Cluny ». Quelques acquisitions nouvelles de la deuxième moitié du XIVe siècle sont ajoutées sur les derniers folios du manuscrit.
68 BnF, ms. lat. 9882.
69 Les rentes les plus anciennes datent de 1374. Les plus récentes (début du XVe siècle) sont notifiées par le résumé voire la copie intégrale de l'acte notarié qui les a instituées.
70 BnF, coll. Bourgogne, t. 83, 84.
71 AMCl., DD 1.1, DD 2.1.
72 AMCl., FF 1.1, FF 1.2.
73 AMCl., FF 2.
74 AMCl., CC 4, CC 7, CC 8.
75 Police : AMCl., FF 4.11 (1572) ; foires : HH 2.1-2 (1541), HH 2.4 (1548) ; droits dans les bois : DD 6.6 (1581), DD 6.9 (1514).
76 AMCl., DD 7.12-13 (1588, 1598) ; DD 4.4, 9, 11 (1569).
77 AD71, 3E. Les minutes et registres les plus anciens datent de 1617.
78 AD71, 7 J 39-40.
79 AMCl., II 5. L’inventaire couvre les 44 premiers folios, les seuls numérotés, de i à xliv. Sur les 4 folios suivants ont été portées des délibérations municipales des années 1816 à 1819. Les derniers folios sont restés vierges. L’inventaire est intitulé : Inventaire et description des titres papiers et aultres enseignements faisantz au proffict des bourgeois et habitans de la ville de cluny, lesquels se sont trouves dedans le coffre de ladicte ville estant deans l’eglise paroissiale nostre-Dame dudict Cluny. Jacques Tupinier est échevin de Cluny de 1618 à 1621 puis en 1625 et 1626, AMCl., II 5, f° 35v, 40r-v.
80 AMCl., II 5, f° 30v-32r.
81 AMCl., II 5, f° 28v-30r.
82 Ville de Cluny et ses dehors veus de cet aspect, MAAC, no inv. 896.5.20 (0,51 m x 1,38 m). Gravure publiée par F.-L. Bruel, Cluni, pl. II., K. J. Conant, Cluny, pl. XV et dans Cluny III. La maior ecclesia, p. 25 (avec description).
83 MAAC, sans cote : Plans géométraux de la ville de Cluny. La fourchette 1768-1776 est fournie par la date de confection du papier (1768, en filigrane) et l’annotation la plus récente relevée dans le terrier (1776).
84 MAAC, mss. 7 à 20. AD71, 8 J (Fonds Canat de Chizy, sans cote). Le ms. 8 du MAAC conserve une partie des relevés originaux de la ville de Cluny v. 1690, essentiellement pour le quartier Saint-Marcel.
85 MAAC, ms. 86, 88. Une indication sur le plan 68 du ms. 88 permet de situer la date de confection du terrier « Plan de la prairie d’Arlain levé en 1771 ». Le terminus ad quem est l’année 1790, date d’expulsion des moines de Cluny.
86 AMCl., II 8 (minutes des plans d’alignement et plan des grandes routes traversant Cluny, 1774-1782) ; C 132 (Alignements).
87 AMCl., C 132, C 133.
88 AD71, cadastre napoléonien, 58/1, 58/2.
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