Conclusion
p. 175-177
Texte intégral
1Peut-être ces quelques pages auront-elles convaincu le lecteur qu’écrire l’histoire de l’identité nécessite de mobiliser des documents très divers et d’avoir recours à une historiographie très variée. On ne peut s’étonner de cette multitude de chemins tant l’identité fut, du Moyen Âge à nos jours, définie de manière plurielle. Les signes, qu’il s’agisse d’armes ou, pour les humbles, de simples marques de reconnaissance grossièrement tracées, constituent, pour notre pays, quelques-unes des plus anciennes preuves d’identité. Puis, c’est l’appartenance à une confession, notamment catholique, qui permet la reconnaissance individuelle au travers d’un extrait baptistaire par exemple. L’étape décisive est franchie, en 1792, avec l’introduction d’un état civil qui doit permettre d’identifier tous les citoyens. De nos jours, la biométrie entend ajouter à une identité déclarative et administrative une identité scientifiquement établie. Les documents qui permettent de décrire ces mutations sont fatalement foncièrement divers. Dans leur nature comme dans leur traitement par l’historien.
2Du moins existe-t-il un fil conducteur dans ces évolutions. L’histoire de l’identité des personnes est intimement liée à celle du recul de l’oralité et de l’interconnaissance face aux avancées de l’écrit et à la multiplication des déplacements. Et puisque, peu à peu, il faut désormais des « papiers » pour justifier son identité cela signifie que l’histoire de l’identité est un chapitre détaché de l’histoire de la croissance de l’État. L’historien ne peut rendre compte d’une époque – qu’il s’agisse des périodes monarchiques ou républicaines – que s’il s’interroge sur les moyens de l’État. Ce sont la faculté contributive des peuples, les forces de construction, comme les moyens de destruction conférés à l’armée, la connaissance des territoires par la cartographie et la statistique, la formation des cadres politiques et administratifs, l’étendue du pays et le temps nécessaire à le parcourir, et, bien entendu, le nombre des hommes et les moyens pour les identifier. À partir du XVIIIe siècle, surtout, la monarchie donne le plus grand soin à l’identification. Dès la Régence, on constate la forte émergence de la notion de signalement et l’apparition de « papiers » (cartes, passeports). À la fin du siècle, l’État monarchique est passé de la seule stigmatisation de groupes « dangereux » à une volonté d’identifier les populations urbaines et ouvrières avec la généralisation du livret à partir de 1781, la surveillance des garnis et lieux d’accueil, la numérotation des maisons.
3Et dans le domaine de l’identification, l’État, quels que soient les aléas politiques, a singulièrement réussi. Même si, de temps en temps, la presse fait écho à la découverte de quelque fraude retentissante reposant sur une usurpation d’identité, tout citoyen est désormais dûment répertorié. C’est le gage du lien social et la garantie du partage de la charge fiscale comme des sécurités – familiale, sanitaire, juridique… – qu’offre l’État. Avec toutefois une interrogation sur les dangers des fichiers, sur les techniques – informatiques, biométriques – qui évoluent plus vite que la législation, comme sur les moyens pour garantir le respect de la vie privée. Un défitrès présent et très prégnant pour les démocraties de notre siècle commençant qui consiste à maîtriser une société de surveillance et de contrôle.
4Et, à qui s’inquiéterait, légitimement, de la complexité des questions ainsi posées, on répondrait volontiers que l’auteur de ce livre n’a pas souhaité aborder les questions d’identité liées à l’éthique médicale et qui sont autrement redoutables : recherche d’une mère ayant accouché sous X, recherche de paternité, éventuellement levée de l’anonymat des donneurs de sperme… Ce qui est encore une autre histoire de l’identité.
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