1Nous aurions pu imaginer traiter l’ensemble du corpus Redisco au moyen d’un logiciel d’analyse textuelle de type Modalisa (voir plus bas). Bien que cette idée audacieuse nous ait traversé l’esprit, elle ne nous a pas semblé optimale. Outre le travail colossal que cela aurait représenté, nécessitant au moins une année de travail supplémentaire, il nous a paru plus pertinent de laisser la place dans cet ouvrage à d’autres méthodologies plus qualitatives et non moins éclairantes. Il nous avait semblé également important de diversifier nos terrains, notamment en intégrant le privé sous contrat (2019-2020), plutôt que de chercher à systématiser la méthodologie quantitative.
2Ainsi, il n’est pas toujours évident de distinguer la logique libérale de la logique civique, comme l’ont d’ailleurs montré des sociologues informés de théorie politique (Joppke, 2017). C’est pourquoi l’ouvrage explore aussi les hybridations entre principes de justice : les actions en situation dépassent les distinctions purement conceptuelles entre catégories. Plus rarement, quelques ajouts ou adaptations mineures ont été nécessaires, notamment lors du passage de la grille « collège » à la grille « lycée » et de la grille « public » à la grille « privé sous contrat ».
3Outre une dizaine d’entretiens peu exploitables dans une visée systématique (manque d’informations, incompréhensions, réponses centrées sur les représentations plutôt que sur l’action), nous avons choisi les entretiens les plus détaillés, faisant apparaître des situations claires permettant d’identifier des postures professionnelles. Ce choix ne constitue pas un biais rédhibitoire puisque le souci de précision du répondant nous permet de supposer que le récit, bien que « coloré » par le discours, correspond en substance à ce qui s’est réellement passé. A contrario, des situations décrites de façon furtive renseignent bien souvent davantage sur l’opinion du répondant (qui n’est pas l’objet principal de notre enquête) que sur les situations elles-mêmes.
4Les logiques d’action sont régulièrement articulées (ou du moins cooccurrentes) en situation ; nous avons donc souvent codé plusieurs logiques (rarement plus de deux) pour un même ensemble d’actions.
5L’ouvrage donne beaucoup d’exemples de thématiques « culturelles » ou « identitaires ». Mentionnons-en quelques-unes pour indiquer d’emblée leur variabilité : contestation d’enseignement attribuée à une religion, misogynie attribuée à une origine migratoire, façons d’éduquer jugées exotiques (ex. : battre son enfant, car c’est ainsi qu’on pratique[rait] « au pays »), ou encore des idéologies (ex. : racisme fortement ancré dans la famille).
6Nous avons traité sous Modalisa 11 entretiens du collège Leclerc, 10 entretiens du collège Jaurès et 10 entretiens du collège Cordier, ce qui correspond à 650 pages de texte. Le logiciel affiche les tris croisés en lissant les biais provenant du nombre différent d’entretiens, de longueurs de texte et d’éléments codés variables selon les établissements.
7Nous passons sur les biais classiques de mémorisation ou de facilité de mobilisation d’un élément stocké en mémoire (qui ne reflète pas forcément le quotidien du travail), car ils concernent quasiment toute enquête sociologique (et a fortiori tout sondage) quelle que soit sa méthode.
8Par exemple, le refus de visionner des documentaires sur la Seconde Guerre mondiale, jugés trop violents. Pour plusieurs enseignants interrogés, c’est une affaire de religion (IPR), mais l’aspect psychologique est davantage évoqué, tout en étant très proche d’un autre item, IPEF, relatif à l’éducation familiale.
9La fonction « déconstruction de texte » dans Modalisa permet de prélever dans la masse du corpus des fragments d’entretien correspondant aux items codés et de les comparer en fonction de critères choisis (ici l’établissement).
10On ne peut pas démontrer le lien entre ces situations de vie scolaire et le fort taux de demandes de départ (33 % contre 16 % au niveau national), mais ce lien reste plausible. Par exemple, des enseignants disent explicitement qu’ils ont peur quand ils traversent la cour, notamment en raison des bagarres et des bousculades imprévisibles.
11Répondant ainsi à la remarque méthodologique suivante : « La difficulté est de savoir quel est le statut que l’on donne à l’extrait [d’entretien]. S’agit-il de donner un exemple, d’une situation ou d’une opinion récurrente au sein du corpus rassemblé, en le sélectionnant pour le bonheur de la formule ou le caractère “frappant” du propos ? Mais qu’est-ce qui permet à un auteur de penser et à un lecteur d’estimer que c’est bien là un exemple parmi d’autres possibles à trouver dans le corpus ? […] Citer un extrait ne supposerait-il pas, plus systématiquement que l’on a tendance à le faire, d’opérer un comptage des occurrences ? » (Glasman, 2006, p. 189)
12La « transmission des savoirs disciplinaires » est la mission la plus importante pour les enseignants de collège (34 %) (Guibert et al., 2020).
13Cela n’est pas visible dans le tableau, car, comme expliqué précédemment, nous avons laissé de côté les items très rares afin de lancer des tris croisés susceptibles d’être valables d’un point de vue statistique. Il aurait été possible d’inclure IPR dans IPC (la religion véhicule certains aspects culturels, sans s’y réduire), mais cela n’aurait pas rendu IPR plus visible statistiquement.