Vieillir en banlieue pavillonnaire au Québec : entre choix et contraintes
p. 249-270
Texte intégral
INTRODUCTION
1Les premières générations de banlieues pavillonnaires des années 1950 entourant les grandes agglomérations canadiennes, états-uniennes et australiennes sont maintenant habitées par un bon nombre d’aînés [Greenwald, 2002 ; Patterson, 1997]. La région de la Ville de Québec ne fait pas exception [Fortin, Després et Vachon, 2002]. Ce vieillissement social risque de se poursuivre puisque les Nord-américains âgés de plus de 65 ans ont une faible mobilité résidentielle [AARP, 2000 ; Ostrovsky, 2004]. Plusieurs des acheteurs d’origine sont encore en place aujourd’hui. Le vieillissement de ces banlieues est aussi physique, plusieurs infrastructures et équipements sont à revoir selon les caractéristiques des banlieusards actuels.
2Or ces quartiers ont été édifiés pour des familles avec enfants et non pour des personnes vieillissantes ou limitées dans leur autonomie. Constituées majoritairement de pavillons unifamiliaux, ces zones résidentielles sont structurées par et pour l’automobile. On y trouve peu de services de proximité, les déplacements à pied ainsi que les conditions d’attente du transport en commun sont peu adaptés aux besoins d’une personne dont l’autonomie est fragilisée.
3À l’heure des orientations gouvernementales québécoises visant le soutien à domicile [MSSS, 2003], ce support devra s’effectuer là où réside maintenant une majorité d’aînés, c’est-à-dire en banlieue [Morin et al., 2000]. Le vieillissement en milieu pavillonnaire pose ainsi plusieurs défis d’aménagement, mais soulève également des questions éthiques liées à la liberté de choix en matière d’habitation. Au-delà de motivations environnementales liées à la requalification durable de ces territoires, la capacité des banlieues pavillonnaires à bien servir les besoins de la population actuelle et de celle à venir est impérative. Des conditions d’habitation pouvant devenir précaires et l’exclusion sociale possible pourraient bien se révéler comme des effets négatifs induits par la morphologie des banlieues, de par l’absence d’options résidentielles adaptées disponibles ainsi qu’un accès limité à la mobilité, qu’elle soit résidentielle ou quotidienne.
4Peu de recherches québécoises témoignent de la situation résidentielle quotidienne des aînés banlieusards, d’une part, et de ce que sous-tendent leurs choix résidentiels, d’autre part. C’est dans cette perspective que la présente étude a exploré les aspirations et préférences résidentielles ainsi que les significations du « chez-soi » pour un groupe de banlieusards vieillissants et âgés. Ces travaux s’inscrivent dans le cadre d’une recherche longitudinale portant sur les rapports entre la mobilité résidentielle et la mobilité quotidienne dans un processus de vieillissement. Sont ici présentés les résultats de la première série de données pour la portion ayant trait à la mobilité résidentielle. Il s’agit d’une relecture de données collectées en 1999 dans le cadre du projet La banlieue revisitée [Fortin, Després et Vachon, 2002] du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues (GIRBa) de l’Université Laval à Québec au Canada. Une étude similaire avec les répondants de plus de 65 ans a fait l’objet d’un mémoire de maîtrise [Lord, 2004]. Afin de préparer les bases du suivi longitudinal, une cohorte de banlieusards plus jeunes (55 à 64 ans) a été ajoutée aux analyses. Les deux questions suivantes ont été explorées dans une perspective transversale selon l’âge :
quelles sont les aspirations et les préférences résidentielles des banlieusards vieillissants et âgés ?
quelles sont les significations du « chez-soi » associées au logis et au quartier de banlieue des banlieusards vieillissants et âgés ?
1. EXPÉRIENCE RÉSIDENTIELLE, AU-DELÀ DES ASPECTS FONCTIONNELS
5L’objet de recherche a été abordé sous l’angle des relations personne-milieu, de manière à considérer l’individu à la fois dans son environnement physique immédiat et dans son environnement socioculturel [Moser et Weiss, 2003]. L’étude s’inscrit ainsi dans le champ des relations aîné environnement et plus spécifiquement sous le paradigme de l’Environmental-Press1 [Wahl et Weisman, 2003]. De manière plus spécifique, la mobilité résidentielle, déménagement ou stabilité, a été investiguée par l’entremise des concepts d’aspirations [Auger et Chombart de Lauwe, 1994] et de préférences résidentielles [Francescato, 1997]. Une approche fonctionnaliste [Lawton, 1986 ; 1998] a été combinée à une autre expérientielle [Rubinstein, 1998]. L’analyse ne s’est pas limitée à relever des facteurs d’influence à quitter ou à demeurer dans son domicile, mais aussi aux sens qu’attribue l’aîné à sa vie quotidienne et à son milieu résidentiel.
6Les aspirations résidentielles correspondent à des désirs, à un idéal résidentiel. Sans être complètement détachées des besoins, les aspirations résidentielles vont au-delà de ces derniers. Les aspirations sont tournées vers une fin, un but, un objet et correspondent à des désirs, à ce qui est admis et jugé comme « idéal » selon un contexte socioculturel donné. Quant aux préférences résidentielles, elles réfèrent à une situation résidentielle hypothétique. Elles sont influencées par le profil socioéconomique, le mode de vie, mais aussi par la satisfaction du logement actuel et de ceux passés. Les aspirations et préférences résidentielles ont une résonance individuelle et collective. Elles s’inscrivent dans les cadres normatifs promus socialement dans lesquels l’individu se situe, s’identifie et se distingue. À bien des égards, l’articulation de ces concepts rejoint le « Settlement-Identity » de Feldman [1996]. Un individu recherchera une façon d’habiter un lieu dans un rapport identitaire à un espace valorisé et valorisant.
7L’exploration de ces concepts a pu compter sur la disponibilité des 173 entrevues en profondeur menées en 1999 par le GIRBa. Les 102 sujets de plus de 55 ans de cette enquête ont été retenus. De ce nombre, 15 ont été exclus ; 10 étaient encore des travailleurs, 5 autres ont refusé de dévoiler leur âge. Trois groupes ont été formés avec 54 hommes et 33 femmes : 32 jeunes retraités (55-64 ans), 32 seniors (65-74 ans) et 23 anciens (plus de 75 ans). Les entrevues ont été menées au domicile du répondant avec des propriétaires de bungalow de la première couronne de banlieues de l’agglomération de Québec au Canada. Il s’agit d’un échantillon non-aléatoire de volontaires qui n’est pas généralisable. Les entrevues ont été dirigées avec un guide d’entretien utilisant des questions ouvertes. Les banlieusards ont pu exprimer librement leurs pensées sur l’attrait qu’ont pour eux diverses formules d’habitation, sur leur ouverture à différentes options résidentielles et sur les significations du « chez-soi ». Un engagement de confidentialité a été conclu entre la personne interviewée et le GIRBa. Bien que l’échantillon ait permis de réaliser des statistiques descriptives, l’étude visait l’analyse de discours des répondants. Suivant les principes de l’analyse qualitative, les entrevues ont été enregistrées, transcrites et codées en unités sémantiques. L’ensemble de ces unités a été organisé pour mener une analyse transversale sur l’ensemble des entrevues avec l’aide du logiciel Nud*Ist (4.0).
8La majorité (64/87) des banlieusards rencontrés a un conjoint. Plusieurs (28/87) cohabitent avec un enfant de plus de 25 ans, un frère/sœur ou un locataire. Le tiers possède un revenu entre 30 000 $ et 50 000 $. Les revenus des personnes seules (23/87), en majorité des femmes, sont moins élevés. Une majorité habite le quartier ou la maison actuelle depuis plus de 30 ans (56/87). La moitié a effectué moins de deux déménagements dans sa vie (46/87) ; 10 ont quitté le logis familial pour leur maison actuelle. Le tiers avait un métier nécessitant des études universitaires. Parmi les enquêtés, 16 femmes ont passé leur vie au foyer sans travail rémunéré. La quasi-totalité (81/87) appartient à un ménage possédant une voiture. Les données disponibles révèlent les associations significatives usuelles liées à la féminisation de la vieillesse.
9Le groupe des jeunes retraités compte 20 hommes et 12 femmes. Aucun sujet de ce groupe n’utilise régulièrement le transport en commun pour se déplacer. Tous les jeunes retraités se perçoivent en bonne santé. Leur situation résidentielle peut être qualifiée de « sans problème ». Le groupe des seniors compte 22 hommes et 10 femmes. Une seule répondante vit seule sans voiture. Quatre affirment avoir des problèmes de santé, quatre autres de légères limitations. Les seniors, même si certaines limitations d’autonomie sont perçues, présentent aussi une situation résidentielle sans difficulté majeure. Le groupe des anciens compte 11 hommes et 12 femmes. Deux hommes et trois femmes ne possèdent pas d’automobile. Pour deux d’entre eux la cohabitation permet d’avoir accès à une voiture. Les trois autres dépendent d’un enfant ou d’un voisin pour se déplacer. Quatre des cinq sujets sans permis de conduire utilisent le transport en commun. Près de la moitié des anciens affirment avoir une autonomie limitée. En majorité, les femmes habitent seules, mais aucune n’a de problème d’autonomie sérieux. On observe des limitations fonctionnelles ou de mobilité chez un ancien sur deux.
2. DES BANLIEUSARDS FACE À LEUR AVENIR RÉSIDENTIEL
2.1. Des aspirations résidentielles unanimes pour vieillir en banlieue
10Depuis le milieu des années 1980, la recherche montre avec force les aspirations des banlieusards âgés à demeurer le plus longtemps possible dans leur milieu de vie [AARP, 2000 ; Krout et al., 2003 ; Roy, 1996 ; Wagnild, 2001], et leurs préférences pour la banlieue avant tout autre endroit [Grove et Wilson, 1992]. Aux États-Unis, c’est dans une proportion d’environ 80 % que les banlieusards de plus de 55 ans aspirent à vieillir en banlieue, et ce désir semble augmenter avec l’âge [AARP, 2000]. La figure 1 montre que les banlieusards rencontrés dans l’agglomération de Québec ne font pas exception. À la question « Avez-vous l’intention de déménager à plus ou moins long terme ? », neuf répondants sur dix (79/87) désirent vieillir en banlieue. Aucune différence n’est présente selon l’âge, la durée d’établissement et le métier exercé avant le passage à la retraite. Le genre et la perception de la santé ne ressortent pas plus comme des variables significatives. Par contre, le fait de vivre seul ou non (χ2 : 8,256 ; p : 0,041) ainsi que le niveau de revenus (χ2 : 22,705 ; p : 0,007) sont significativement associés au désir de vieillir à domicile. Le fait de quitter son logis vers un endroit adapté est en lien avec la disponibilité de ressources financières et humaines ainsi que des sources de soutien en cas de problèmes d’autonomie. Pour les aînés en perte d’autonomie, la recherche montre le rôle incontournable des conjoints [Lafontaine, Saucier et Dutil, 2001 ; Roy, 1998].
Figure 1 - Aspirations résidentielles des banlieusards rencontrés selon les trois groupes d’âge

11Des commentaires identiques peuvent être retrouvés dans les trois groupes d’âge : « Tant qu’on va être capable, on reste ici » (Homme, 73 ans). Les sujets rencontrés aspirent à vieillir à domicile jusqu’à l’arrivée de problèmes d’autonomie qui compromettront leur sécurité, tout comme ceux d’une recherche qualitative australienne menée dans des banlieues similaires [Davison et al., 1993]. Pendant que certains se voient « peut-être ailleurs », s’ils n’avaient pas le choix, plusieurs désirent mourir dans leur maison, comme ce jeune retraité : « Je souhaite simplement être en santé le plus longtemps […] puis, une bonne journée, tomber en bas de ma chaise » (Homme, 63 ans). Le groupe de banlieusards québécois planifie peu son avenir résidentiel. Des observations similaires sont aussi recensées, comme dans une recherche menée auprès de 776 sujets d’une banlieue américaine où moins du tiers (32,3 %) affirme avoir fait des plans pour ses « vieux jours » [Wagnild, 2001].
12Trois répondants ont l’intention de déménager, une jeune retraitée, une ancienne et un senior. Les deux répondantes ont un conjoint et accès à une voiture, l’une a mentionné avoir de légères limitations d’autonomie. Quant à l’homme, lui aussi en couple, il conduit et est en bonne santé. Ces sujets envisagent de déménager pour améliorer leur qualité de vie et non en raison de leur vieillissement. Ils discutent de la lourdeur de l’entretien de la maison et du jardin. Ces trois banlieusards envisagent d’« essayer » un appartement en copropriété sans en préciser l’endroit.
13Cinq autres sujets entrevoient un déménagement éventuel, un homme et une femme jeunes retraités ainsi qu’un senior. Ils soulèvent eux aussi l’entretien fatigant de leur maison devenue trop grande une fois les enfants partis. Il ne s’agirait pas d’un déménagement « obligé ». Un appartement en copropriété permettrait, selon eux, de « limiter » les tâches domestiques et d’avoir accès à des services communs. Un senior désire déménager du domicile familial en raison des souvenirs douloureux associés au décès de sa conjointe. Quant à la cinquième répondante, une senior, elle est convaincue de finir ses jours ailleurs, sans pouvoir en préciser les raisons.
14Le discours des trois groupes d’âge témoigne d’un attachement profond au quartier et à la maison, que l’on soit originaire ou non des banlieues investiguées : « Ça fait 46 ans, une maison remplie de souvenirs, une maison qui a été construite pour nous et qu’on a aimée » (Femme, 72 ans). Si les aspirations résidentielles des trois groupes d’âge sont les mêmes, on peut observer certaines différences dans leur discours. Les jeunes retraités ne sont pas encore concernés, ils ne sont pas « rendus là » et ne sont pas « vieux ». La question d’un déménagement ne se pose donc pas immédiatement. « Présentement je le sais pas, c’est pas une question que je me pose. » (Homme, 63 ans) Un seul jeune retraité affirme en avoir discuté avec sa conjointe. Les jeunes retraités discutent de leur avenir résidentiel en parlant de loisirs, de vacances et des possibilités qu’offre leur maison ou leur chalet, mais pas de la vieillesse. Chez les seniors et les anciens, la situation résidentielle actuelle témoigne des choix passés. Ils sont cohérents et conséquents de leurs aspirations à vieillir à domicile. Si les « grands projets », les voyages et les rénovations sont choses du passé, leur vie au quotidien n’est pas pour autant ennuyeuse. Ils discutent cependant de leur maison actuelle comme de la dernière, seulement trois anciens en rachèteraient une autre.
15Les problèmes de la forme urbaine ne ressortent pas directement du discours des trois groupes, que le domicile soit bien ou moins bien desservi en services de proximité. La dépendance à la voiture ne constitue pas un facteur d’influence à quitter son milieu. Au contraire, vieillir en banlieue est un scénario résidentiel idéal : dans un milieu tranquille, vert et plus aisément accessible en voiture que le centre-ville. Sans développer de plan précis, on choisit de s’adapter au jour le jour. À bien des égards, l’arrivée de problèmes de santé sera, à leurs yeux, l’événement qui les fera basculer vers l’« obligation » de quitter.
16L’entraide entre conjoints, la visite régulière des enfants et petits-enfants, ainsi que les services entre voisins font partie de différentes stratégies pour se maintenir en place. L’articulation de ces ressources humaines témoigne du rôle central des « aidants naturels ». Notons qu’aucun sujet n’est dans une situation d’isolement social, tous sont entourés et peuvent se déplacer sur le territoire, comme conducteur ou passager. Les ressources sont aussi financières, on envisage ou non de modifier la maison, de l’agrandir. On parle très peu d’engager quelqu’un ou de se payer de l’aide. Les services de soutien à domicile du réseau de la santé ou d’organismes communautaires sont peu connus ; cinq commentaires en font état. Enfin, leurs ressources sont immobilières. Tous propriétaires, leur maison est, dans tous les cas, libre de dettes.
2.2. Des préférences pour la banlieue
17Face à ce profond désir de vieillir à domicile, une mise en situation hypothétique où le sujet n’est plus capable de tenir sa maison a été émise. Six choix résidentiels ont été offerts en demandant de spécifier lesquels convenaient le mieux et pourquoi. La figure 2 montre que, parmi les 87 sujets, 38 choisissent la résidence pour aînés avec services dans leur quartier, 32 une telle résidence mais dans un secteur plus central ; 10 optent pour un appartement dans un secteur plus central, seulement 7 pour un appartement dans leur quartier ; 12 préfèrent des options de cohabitation intergénérationnelle dans leur maison parmi lesquels 8 considèrent la construction d’un logement supplémentaire et 4, le partage de la maison actuelle sans modification.
18Des différences significatives sont observées entre les options préférées. L’âge, le genre et la structure de ménage sont des variables associées aux préférences des sujets rencontrés2. Pour les trois groupes, les options les plus populaires sont les résidences avec services. Les options impliquant la cohabitation sont marginales. Elles attirent toutefois plus les jeunes retraités, en particulier la construction d’un logement supplémentaire. Les anciens choisissent d’abord leur quartier pour la résidence avec services. Les seniors optent pour une telle résidence mais dans un secteur plus central. L’option de loin la plus populaire chez près de la moitié des femmes (14/33) est la résidence avec services dans un secteur central, alors que la même option dans le quartier actuel est préférée par la moitié des hommes (28/54). Les deux options impliquant un déménagement dans un secteur plus central sont davantage choisies par les jeunes retraités et les anciens, en particulier les femmes. Les hommes sont légèrement plus ouverts à la cohabitation que les femmes. Les répondants vivant seuls sont plus intéressés par un appartement dans un secteur plus central que les couples. Les préférences résidentielles du groupe de banlieusards québécois se comparent à bien des égards à d’autres recherches canadiennes et états-uniennes basées sur des échantillons représentatifs [AARP, 2000 ; Moen et Erickson, 2001 ; Robison et Moen, 2000 ; Sheehan et Karasik, 1995].
Figure 2 - Préférences résidentielles des aînés de banlieue

19Cela dit, le discours des répondants permet d’aller au-delà de cette distribution de préférences. Les options impliquant la cohabitation sont peu populaires pour des questions d’indépendance et de différences dans les modes de vie entre générations. Ils préfèrent résider à proximité de leurs enfants, mais pas dans la même maison. À ce titre, compter sur la proximité de membres de la famille, ou de voisins, est à la fois source d’aides et motivation à la stabilité résidentielle. Quant au déménagement dans un appartement locatif, plusieurs répondants affirment que la formule ne résoudrait pas un problème d’autonomie. Déménager est compliqué, voire impossible pour plusieurs : « [déménager ?], moi je vois cela comme une montagne » (Femme, 66 ans). La minorité (17/87) qui choisirait la location souligne l’avantage de ne « pas avoir de responsabilités ». La copropriété n’est pas très prisée, elle est synonyme d’appartement locatif. Les jeunes retraités et certains seniors y sont toutefois plus ouverts. On parle alors de l’achat ou de la location d’un « condo en béton » bien insonorisé, pas trop grand, avec des services. Presque tous les jeunes retraités discutent du « condo » comme d’une étape déterminée face à laquelle ils doivent prendre position, le plus souvent négativement (24/32).
20Les résidences avec services, de loin l’option la plus populaire chez les trois groupes, seraient-elles un choix par défaut, une conséquence de leurs aspirations résidentielles ? S’ils gardent leur maison, c’est qu’ils sont autonomes, s’ils vendent, c’est qu’ils ont besoin d’aide et de services. Advenant l’obligation de quitter la maison, choisir le quartier, c’est conserver voisinage, habitudes, réseaux de connaissances, et dans beaucoup de cas des enfants à proximité. Par ailleurs, quand on choisit un secteur plus central, c’est pour se rapprocher des hôpitaux, avoir plus de services de proximité, plus de possibilités de loisirs. « Un secteur plus central parce qu’il y a certaines choses que je pourrais faire encore […]. Des loisirs, des trucs comme ça » (Femme, 66 ans).
21L’intimité offerte par la maison est à l’origine des réserves face à la résidence avec services. Le choix d’un secteur est aussi rattaché au prix, à la perception de la qualité des établissements et à leur disponibilité dans le quartier ; ces résidences ne sont pas toujours présentes en banlieue. Pendant que les jeunes retraités ont un discours plutôt pragmatique pour « être près des services si l’on n’est plus autonome », la perspective demeure lointaine. Les seniors et les anciens, parce que plusieurs ont connu des épisodes de maladie, insistent sur l’importance de préserver liberté et autonomie. Pour les trois groupes, advenant un déménagement, on désire accroître sa tranquillité. En ce sens, un endroit plus central ne signifie pas le centre-ville : « Pas trop loin de la ville, mais je voudrais pas rester en plein centre-ville » (Homme, 59 ans).
22Vieillir ailleurs que dans sa maison actuelle n’est pas envisagé. La résidence avec services semble être pour les « autres », pour les « jeunes » et les « malades », même chez les anciens. Demeurer dans sa maison et son quartier implique ainsi des stratégies d’adaptation ingénieuses faisant intervenir à la fois les dimensions physiques et sociales de l’environnement résidentiel. Sans vraiment en prendre conscience, ils modifient leurs relations sociales (services d’enfants et de proches, contrat d’entretien, etc.), ils changent leurs habitudes (nouveaux loisirs, moins de sorties, arrêt du jardinage, etc.), ils modifient leur propriété (barres, tapis antidérapant, etc.) et ils changent leurs préférences (goûts, attentes, exigences, etc.).
23La relation affective au « chez-soi » est incontournable dans la compréhension des aspirations et préférences résidentielles. Comme le soulignent Gurney et Means [1993], il y a lieu de questionner la qualité et l’expérience résidentielle offertes dans les résidences pour aînés. Peu d’entre elles peuvent égaler les avantages d’une maison individuelle de banlieue en matière de confort, de tranquillité et d’intimité. Tout comme l’observent Robison et Moen [2000], elles sont par ailleurs mal connues. Les aînés choisissent ainsi de passer outre les dimensions fonctionnelles qui les inciteraient à quitter, notamment celles d’accessibilité, tant à l’échelle architecturale (escalier, accès extérieur, etc.) qu’à l’échelle urbaine (mobilier urbain, éloignement des services, etc.).
2.3. Un « chez-soi » aux multiples significations
24Tout comme d’autres recherches qualitatives, les résultats mettent en évidence le poids affectif du milieu résidentiel des aînés de Québec [Davison et al., 1993 ; Sixsmith et Sixsmith, 1991 ; Wagnild, 2001]. La position des jeunes retraités dans leur cycle de vie leur donne, à leurs yeux, plus de possibilités face à l’avenir. Tout est « possible ». La maison et le quartier semblent avoir un poids affectif plus imposant chez les plus âgés. Le discours des répondants a été exploré avec l’aide d’une recension des écrits sur les significations du « chez-soi » [Després, 1991] adaptée au contexte du vieillissement. Sept significations ressortent du discours et rendent compte des aspirations et préférences résidentielles discutées précédemment3.
25La maison et la banlieue signifient un milieu de vie sécuritaire. En perte d’autonomie, on est conscient de ses vulnérabilités. Vieillir dans sa maison, c’est conserver un environnement maîtrisé où l’on peut trouver du soutien. « Je suis habitué au quartier, moi ça fait 50 ans que je suis ici. Plus que ça, je connais mon monde […], j’ai pas de crainte à avoir […], je me sens en sûreté » (Homme, 81 ans). Un sentiment de sécurité conforte le choix de vieillir à domicile. Le contraire incite à quitter. Notons que le marché immobilier est relativement varié et abordable. Quant à l’échelle du quartier, les sujets sont plus ambivalents. La banlieue est un endroit ayant une bonne réputation, mais certains obstacles sont présents selon les perceptions environnementales (topographie, température, etc.), sociales (groupes sociaux, etc.) et personnelles (sa santé, sa vieillesse, etc.). Les anciens limitent leurs sorties, surtout le soir et l’hiver : « Quand il pleut et puis que c’est verglacé, je n’aime pas sortir dans ce temps-là » (Femme, 82 ans). L’usage de la voiture individuelle permet de se déplacer aisément.
26La maison et la banlieue sont un espace familier. La réadaptation à un autre milieu serait difficile. La connaissance des pièces de la maison, des meubles et des objets est positive et réconfortante. Les sujets sont aussi familiers avec leur quartier, ses rues et ses commerces. Ils s’orientent facilement et savent vers où et comment se diriger sans trop y penser. Ils ont établi des réseaux de relations sociales avec les commerçants (banques, épiceries, etc.) et les voisins. Ces observations rendent compte de plusieurs des formes de voisinages dans la vieillesse relevées par Membrado [2003] pour des quartiers urbains européens. On se reconnaît et on se salue, tout en gardant une bonne distance. L’intimité peut être plus étroite avec certains voisins. Le sentiment d’appartenance à la banlieue est apaisant et partagé avec la collectivité. C’est avec la stabilité résidentielle que ce sentiment émerge : « Je suis attaché à ma maison, mais je suis attaché à mon quartier aussi. […] On se connaît tous, c’est tout du monde [que l’on connaît], ça fait quarante ans » (Homme, 73 ans). Vouloir rester dans son milieu signifie conserver des habitudes, on le constate de manière soutenue chez les seniors et les anciens.
27La maison et la banlieue signifient un lieu d’attachement et de mémoire. Déménager signifie laisser plusieurs souvenirs et expériences rattachant l’individu au passé et au présent, ce qui lui permet de se projeter dans l’avenir. La maison témoigne des grandes étapes de la vie, de moments agréables, de sacrifices financiers et d’efforts physiques pour maintenir sa situation. « Parce que c’est rempli de souvenirs ma maison, c’est l’endroit où j’ai élevé mes enfants » (Femme, 82 ans). Un sujet sur cinq n’a habité aucun autre endroit que la banlieue. Pour les autres, les quartiers centraux (23/87) ou la campagne (34/87) où ils ont grandi ne sont plus des lieux valorisés, y retourner serait régresser.
28La maison comme le quartier de banlieue signifient un espace intense d’activités quotidiennes. Une grande partie du quotidien s’y déroule. Vieillir à domicile permet de « continuer à travailler » et de « rester occupé ». Chez les seniors et les anciens, les activités à la maison signifient bien davantage. Même si c’est « de plus en plus difficile », l’entretien de la maison permet de garder la forme : « Présentement, c’est bien de demeurer ici parce qu’on est obligé de bouger » (Homme, 72 ans). Dans le quartier, les distances de marche deviennent importantes, notamment pour les promenades. La dimension sociale du quartier est incontournable, surtout la présence d’amis et de famille. Déménager dans une option plus « adaptée » signifierait dans la plupart des cas la perte d’espaces et/ou d’activités d’une grande valeur au quotidien, pour le bricolage, la lecture, le jardinage et le repos.
29La maison signifie un lieu de relations avec la famille et les proches. Elle est assez grande pour recevoir à des moments choisis et pour une durée désirée : « C’est pour ça que je ne voulais pas rester dans une maison de personnes âgées, parce qu’on ne peut pas recevoir comme on veut » (Femme, 81 ans). Déménager dans un logis plus petit signifie la perte d’espaces symboliques (chambres d’enfants) qui servent à accueillir les proches à des moments importants (anniversaires, etc.). Pour une majorité, les contacts sociaux sont maintenant centrés sur la famille (frères/sœurs, enfants et petits-enfants). Certains lieux dans le quartier comme les centres commerciaux sont aussi des pôles où convergent les rencontres, ces lieux font office d’espaces d’urbanité protégés avec la climatisation l’été et le chauffage l’hiver.
30Être propriétaire d’une maison unifamiliale en banlieue est un indicateur de statut social. La propriété, et la vie en banlieue au sens large, représentent la réussite et l’identité de l’individu autonome. « Moi j’ai toujours rêvé d’avoir ma maison » (Homme, 82 ans). Cette dimension est très présente chez les anciens, groupe davantage confronté à des problèmes d’autonomie. Quitter sa maison c’est acquérir le statut d’une « personne âgée » dépendante socialement. Même en présence de problèmes d’autonomie, rester indépendant et autonome est primordial, face aux proches et à la société en général. Cette valeur est centrale dans le discours des banlieusards. L’autonomie est associée de très près à la mobilité et à la possession d’une voiture individuelle, que l’on en fasse usage ou non.
31Pour terminer, la maison et la banlieue signifient un territoire de mobilité. Les trois groupes d’âge ne se déplacent pas que par nécessité. Au contraire, plus ou moins souvent, ils se déplacent par plaisir. La mobilité quotidienne doit être considérée comme un « outil d’insertion sociale ». Elle contribue à la satisfaction résidentielle et au maintien d’une identité de banlieusard « qui bouge », « actif » et « autonome ». Ne plus être mobile constitue une menace réelle. Cela dit, confronté à la perte hypothétique de son permis de conduire, seulement un sujet sur cinq déménagerait. L’événement serait catastrophique, une atteinte majeure à la qualité de vie. Cette éventualité, impliquant une prise de conscience de sa vulnérabilité et de sa dépendance à autrui, est difficile à accepter : « Je ne peux plus conduire ma voiture ? Je vais me sacrer [sauter] en bas du pont » (Homme, 58 ans).
32L’analyse de l’expérience résidentielle des banlieusards rencontrés permet de constater le caractère menaçant que revêt l’éventualité de quitter leur maison et leur quartier. En fait, on ne peut comprendre le « pourquoi » des aspirations et préférences résidentielles sans tenir compte de la possibilité de perdre son « chez-soi ». Cette possibilité contribue à renforcer plusieurs dimensions affectives de l’environnement résidentiel. Pour demeurer le plus longtemps possible dans son milieu, modifier ses pratiques sociales et spatiales ainsi que ses préférences n’est pas pénible. Ces changements, qui semblent émerger au niveau des pratiques, sont marqués par une déprise, voire un repli, rejoignant ainsi plusieurs des observations de Clément et al. [1998].
CONCLUSION
33Cette recherche a montré que vieillir dans un pavillon de banlieue est préféré à tout autre milieu, même à des environnements mieux adaptés, comme les quartiers centraux. Les 87 banlieusards vieillissants et âgés rencontrés font une expérience riche et positive de leur milieu résidentiel. Les trois groupes d’âge ne semblent pas entrer dans un véritable processus de décision face à leur avenir résidentiel. En témoignant de manière hypothétique dans le cas des jeunes retraités, ou de manière plus concrète chez les deux groupes plus âgés, les pratiques résidentielles observées montrent clairement le poids affectif considérable du « chez-soi ». La maison et la banlieue sont, aux yeux des sujets rencontrés en place depuis des décennies, un cadre de vie « idéal » hors duquel leur vie quotidienne apparaît difficile, voire impossible à imaginer. La requalification des banlieues vieillissantes de premières couronnes devra inévitablement tenir compte de ces préférences, notamment pour la localisation et le design d’options résidentielles de manière à rejoindre l’expérience résidentielle d’une maison unifamiliale.
34La vie quotidienne en banlieue semble placer les trois groupes d’âge dans une inertie où le « mode de vie banlieusard » n’est pas remis en question. Plus on vieillit, moins il apparaît possible de modifier ses habitudes. On s’attache à la vie en banlieue et on s’y identifie au sens de Feldman [1996]. Pendant que les habitudes dans la maison et le quartier contribuent à la satisfaction résidentielle des jeunes retraités, ces mêmes habitudes acquièrent une valeur inestimable chez les seniors et les anciens. D’ailleurs, quel autre milieu de vie pourrait fournir une telle expérience résidentielle ? À leurs yeux, certainement pas le centre-ville, même avec des services à proximité. Cela ébranle ainsi le mythe, du moins pour les plus vieux, d’un « retour en ville » des banlieusards âgés.
35L’exploration de l’expérience résidentielle de ces personnes a permis de relever des significations incontournables dans l’expérience du vieillissement à domicile. On observe qu’il ne suffit pas de rendre disponibles des résidences pour aînés « classiques ». Les sujets trouvent peu attrayantes ces options qui, pourtant, leur sont destinées. Par exemple, des résidences pour aînés assurant fourniture des repas et dispositifs de sécurité modifient de manière fondamentale le territoire de mobilité. Comme le montre Mallon [2000], cela signifie pour les individus qui s’y établissent à la fois la perte de pratiques de mobilité appréciées (marché, achats, etc.) et d’occasions de socialisation spontanées. Ainsi, on préfère une vie « normale » dans un quartier « normal », malgré les problèmes d’adaptation. Ces résultats enrichissent d’autres recherches sur la notion du « chez-soi » en résidence spécialisée comme ceux de Mallon [2003] ou de Caouette [1995]. La connaissance de l’expérience résidentielle positive en amont de l’entrée en institution ne peut que favoriser la création d’habitation de qualité plus près de ce que recherchent les aînés. En ce sens, c’est bien les dimensions de l’intimité, de familiarité et de continuité qui se révèlent difficiles à recréer dans des institutions normées et gérées par des professionnels [Gurney et Means, 1993].
36L’analyse de discours a aussi permis de constater la place fondamentale de l’autonomie. C’est dans leur maison que ces banlieusards projettent l’image d’une personne autonome, à eux-mêmes, à leur famille, à leurs proches mais aussi à la collectivité. Si l’on « casse maison », on perd évidemment un milieu de vie sécuritaire, contrôlé, familier et auquel on est attaché. Or, la perte du statut de « personne autonome » semble au-dessus de ces dimensions, telle une source de motivation. Cela dit, le « chez-soi » réfère aussi au quartier, un espace de mobilité qui contraint cependant à être auto-mobile. À bien des égards, c’est sur l’accès à une voiture que reposeront les aspirations résidentielles des banlieusards rencontrés, un capital de mobilité s’ajoutant aux ressources sociales, financières et immobilières nécessaires à l’adaptation de leurs pratiques résidentielles.
37Par ailleurs, l’âge, la santé, l’autonomie et l’accès à du support et au transport ressortent comme des éléments-clés d’une expérience positive du vieillissement en banlieue, mais non comme des déterminants. Différentes combinaisons de ces dimensions amènent plusieurs circonstances qui génèrent des impacts différents selon le contexte de l’individu, en particulier l’environnement physique immédiat, lequel n’a pas fait ici l’objet d’une analyse approfondie. Ainsi, la perte d’un conjoint auto-mobile n’a pas les mêmes répercussions chez une femme très âgée qui peut compter sur des enfants à proximité contrairement à une autre sans descendance.
38Mais à quel prix vieillit-on à domicile le plus longtemps possible ? Il est évident que les banlieusards vieillissants font face à une pression sociale pour demeurer dans leur maison. L’idéologie d’un vieillissement réussi passant par indépendance, vie active et mobilité est omniprésente dans le discours des sujets rencontrés. En santé et mobiles, ils seront toutefois appelés à être limités en ce sens. En repoussant les limites de leur adaptation le plus loin possible (i. e. jusqu’à une perte d’autonomie avancée), ces banlieusards ne risquent-ils pas de perdre la possibilité d’effectuer un véritable choix résidentiel ? L’absence de plans d’avenir et le manque de connaissance des options disponibles pourraient les amener devant l’inconnu ou encore à s’en remettre à leur entourage pour un « placement ».
39Pour terminer, cette comparaison transversale n’a pas permis de faire ressortir de différences majeures entre les groupes d’âge. Les aspirations et les préférences pour vieillir en banlieue sont quasi unanimes. Or, les entrevues ont montré le point de vue de banlieusards autonomes et mobiles ayant fait le choix de vieillir en banlieue, et non celui de ceux qui ont déménagé. Qui plus est, la méthode utilisée n’a pas tenu compte de la perspective temporelle. Ces résultats transversaux montrent qu’il serait pertinent de suivre l’évolution des circonstances de vie, de la santé et de la mobilité des individus dans le temps, plutôt que de comparer entre elles des personnes aux aspirations relativement homogènes.
Notes de bas de page
1 Selon cette approche théorique, l’environnement (physique et social) dans lequel évolue l’individu vieillissant est à la fois source de difficultés et de ressources. Selon son niveau d’autonomie, la personne âgée trouvera confort, stimulation et possibilité d’adaptation dans un environnement offrant un niveau de support correspondant à ses capacités et ses aspirations. Un environnement comportant trop d’obstacles génère des impacts négatifs sur la personne limitée dans son autonomie, alors qu’un support trop élevé est peu stimulant pour un individu autonome.
2 Le faible nombre d’observations et les catégories non-exclusives limitent toutefois la portée de ces relations.
3 Pour des résultats détaillés pour les groupes des seniors et des anciens, consulter Lord [2004].
Auteur
Docteur en aménagement du territoire et développement régional (Université Laval) et chargé de recherches à l'unité Géographie et développement (GEODE) du CEPS / INSTEAD, Luxembourg.
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