1 Une première version de ce chapitre a été publiée dans Laënnec Hurbon, Esclavage, religions et politique en Haïti, Port-au-Prince, Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2018.
2 Je reprends ici le concept classique et très connu d’habitus développé par Pierre Bourdieu. Voir en particulier Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Éditions du Seuil, 1997, p. 166 et suiv., où il définit l’habitus comme « ces systèmes de schèmes de perception, d’appréciation et d’action [qui] permettent d’opérer des actes de connaissance pratique, fondés sur le repérage et la reconnaissance des stimuli conditionnels et conventionnels [...] et d’engendrer, sans position explicite de fins ni calcul rationnel des moyens, des stratégies adaptées et sans cesse renouvelées ».
3 Les actes d’état civil (naissance, mariage, décès, etc.) comme l’insécurité de la propriété sont parmi les problèmes majeurs de l’État haïtien dès le début du xixe siècle. J’évoque cette situation dans Laënnec Hurbon, Religions et lien social : l’Église et l’État en Haïti, Paris, Éditions du Cerf, 2004.
4 On trouvera dans l’ouvrage de Jürgen Habermas, Théorie de l’agir communicationnel, Jean-Marc Ferry (trad.), Paris, Fayard, 1987, p. 104 et suiv., un développement du concept de monde objectif. Voir également Jürgen Habermas, Droit et démocratie : entre faits et normes, Christian Bouchindhomme & Rainer Rochlitz (trad.), Paris, Fayard, 1997, qui montre l’importance du « monde vécu » (p. 35 et suiv.) tel que l’expérimentent les associations non étatiques et non économiques de la société civile. Le monde vécu offre un savoir qui n’est pas réflexif, mais qui se désagrège, explique-t-il, dès qu’il est thématisé. Habermas précise qu’une société de citoyens « ne peut se déployer que dans le cadre d’un monde vécu déjà rationalisé » (p. 398).
5 Louis-Auguste Joint, Système éducatif et inégalités sociales en Haïti : le cas des écoles catholiques congréganistes Saint-Martial, Saint-Louis de Bourdon et Juvénat du Sacré-Cœur, thèse de doctorat, Paris, École pratique des hautes études en sciences sociales, 2005.
6 Leslie Péan a publié effectivement plusieurs ouvrages sur la corruption en Haïti, on ne peut que reconnaître et louer sa ténacité à rendre le lecteur haïtien sensible à une pratique qui demeure à la source des difficultés du pays à entrer sur la voie du développement : voir Leslie Péan, Haïti : économie politique de la corruption, Paris, Maisonneuve & Larose, 2003-2007. On trouvera également dans l’ouvrage de l’économiste Mats Lundahl, Politics or Markets? Essays on Haitian Underdevelopment, Londres, Routledge, 1992, p. 250 et suiv., des pages éclairantes sur l’état de la corruption depuis l’État haïtien qu’il appelle « the Predatory State ».
7 Voir Gérard Barthélemy, Le Pays en dehors : essai sur l’univers rural haïtien, Port-au-Prince, Éditions Henri Deschamps, 1989 ; Gérard Barthélemy, Créoles-Bossales : conflit en Haïti, Petit-Bourg, Ibis Rouge Éditions, 2000. Gérard Barthélemy n’a pas cessé de souligner comment la paysannerie est constituée comme un pays à part, « en dehors ».
8 Voir encore Jürgen Habermas, Droit et démocratie, op. cit., pour comprendre la problématique des principes qui peuvent fonder l’État de droit.
9 Homi Bhabha, Les Lieux de la culture : une théorie postcoloniale, Françoise Bouillot (trad.), Paris, Payot, 2007.
10 La société haïtienne comme société de rente est bien documentée par André Corten, L’État faible : Haïti et la République dominicaine, Montréal, CIDIHCA, 1989.
11 Pour de plus amples informations et analyses sur le dispositif des croyances en la sorcellerie, voir Laënnec Hurbon, Le Barbare imaginaire, Paris, Éditions du Cerf, 1988.
12 La question de l’impunité est à la source de la récurrence des pratiques de kidnapping. Pour une réflexion sur la conception du crime et de la sanction en Haïti, voir Laënnec Hurbon, Pour une sociologie d’Haïti au xxie siècle : la démocratie introuvable, Paris, Karthala, 2001. Voir aussi Laënnec Hurbon, « Mémoire et politique en Haïti », dans Micheline Labelle (dir.), Devoir de mémoire et politique du pardon, Montréal, Presses universitaires du Québec, 2005, qui est une réflexion à partir de l’ouvrage d’Alain Turnier, Quand la nation demande des comptes, Port-au-Prince, Imprimerie Le Natal, 1989.
13 Marcel Mauss, Essai sur le don [1923-1924], dans Sociologie et anthropologie, Paris, Presses universitaires de France, 1950. Bien entendu, il s’agit du don et du contre-don mis en quelque sorte à l’envers, c’est la fausse fraternité des mafieux.
14 Pourquoi est-ce seulement en Occident, se demande Max Weber, qu’« on [a] vu apparaître sur son sol des phénomènes culturels qui se sont inscrits dans une direction de développement qui a revêtu – du moins aimons-nous à le penser – une signification et une validité universelle ? » Max Weber, Sociologie des religions [1920], Jean-Pierre Grossein (trad.), Paris, Gallimard, 1996, p. 489 et suiv. Je n’ai pas la possibilité de présenter ici un commentaire critique détaillé de cette question très importante pour penser le développement et la démocratie.