Les Gilets jaunes de Belgique : entre rejet de représentation et désir de reconnaissance
p. 173-188
Texte intégral
1Durant sa première année d’existence, entre 2018 et 2019, le mouvement des Gilets jaunes (GJ) a rencontré un écho en Belgique. Il s’est traduit d’abord par des mobilisations ponctuelles, puis par une identification symbolique durable. Autrement dit, la Belgique a connu au début du mouvement des manifestations réunissant quelques milliers de sympathisants, ainsi que des occupations de ronds-points ou des blocages d’échangeurs autoroutiers. Ces premières actions n’ont jamais été aussi massives qu’en France. Surtout, elles ne se sont pas inscrites dans une dynamique durable d’occupation ou de manifestations régulières. Autrement dit, l’insurrection hebdomadaire a fait long feu et le rond-point a été visité de façon symbolique, mais peu souvent et peu longtemps occupé ; ainsi, le phénomène de construction de cabanes ne s’est pas développé. Il existe néanmoins une identification symbolique qui perdure au-delà de ces premiers rendez-vous. Ainsi, des individus se reconnaissent et se revendiquent « Gilets jaunes » de manière publique et durable. Ils maintiendront leur engagement au-delà de la durée du mouvement et, plus de trois ans après leur début, ils organisent encore des actions qui matérialisent le chant désormais fameux : « on est là1 ».
2Sur le terrain, la différence entre les images de mobilisation massive en France et la faiblesse de celle-ci en Belgique est notable. Les GJ de Belgique ont eux-mêmes souvent eu le regard tourné de l’autre côté de la frontière, quand ils ne la franchissent pas afin de pouvoir vivre directement une expérience de mobilisation massive, autrement observée via les écrans et les flux vidéo interposés. Mais cette contribution n’a pas pour objectif de quantifier ou de qualifier le mouvement belge par rapport à son homologue français ; elle prend ces individus au sérieux et propose de décrire et d’analyser les logiques de leurs actions, en tenant pour acquise leur qualité revendiquée de Gilets jaunes.
3Pour ce faire, nous proposons d’explorer différentes dualités, qui caractérisent le mouvement et l’engagement des individus en son sein. Elles sont de plusieurs ordres. D’abord sociologique, par la composition hétérogène du mouvement, intégrant à la fois des personnes aux expériences militantes préalables et des personnes nouvellement engagées. Ensuite, discursives et idéologiques, par l’opposition entre le refus de la représentation et le désir d’incarnation du peuple ou entre le rejet de la politique et le projet d’en refaire effectivement, notamment via le référendum d’initiative citoyenne (RIC). Ces tensions se voient résolues en partie grâce à un enjeu commun : le désir de reconnaissance symbolique, qui s’appuie sur la mise en commun des expériences individuelles. Ces observations permettent de qualifier les GJ comme un espace autant de socialisation que de sociabilité, marquant durablement les individus qui s’y politisent à partir de leurs expériences vécues.
Déroulé chronologique de l’enquête de terrain
4Dans l’ensemble, nos observations sont centrées sur les Gilets jaunes actifs à Bruxelles. Cependant, une bonne partie des personnes rencontrées résident en dehors de la capitale, souvent dans des communes proches (Wavre, Braine-L’Alleud, Waterloo), parfois plus éloignées (Gand, La Louvière, Charleroi, Liège, Namur). Ce périmètre géographique de l’enquête nous permet d’entrevoir l’étendue du mouvement à l’échelle de la Belgique, principalement en région francophone. Notre vue sur le mouvement flamand se limite à la rencontre avec quelques militants, notamment actifs à Gand. Cette distribution reflète la dynamique effective du mouvement2.
5Lors de premières observations menées dans les manifestations de la fin d’année 2018 à Bruxelles, nous avons collecté les contacts email et téléphoniques des participants. Cela nous a permis d’inviter les personnes à participer à des groupes de discussion ou, à défaut, d’avoir un court entretien téléphonique ou un échange de messages. Nous avons contacté directement une quarantaine de personnes par email, téléphone et messagerie instantanée. Nous avons ensuite organisé deux groupes de discussion (focus groups) en français, chacun avec 7 participants, en janvier 2019, complétés par un troisième groupe avec 4 participants en flamand en avril 20193. Ces groupes de discussion, d’une durée comprise entre deux heures trente et trois heures, entièrement transcrits, nous permettent de comparer les deux tendances que nous isolons au sein des participants au début du mouvement gilet jaune en Belgique : primo-engagés et anciens militants. Nous avons connaissance, grâce à un questionnaire, des principales données sociodémographiques des 18 participants aux trois groupes de discussion4. L’analyse des discours ainsi recueillis constitue ici notre matière principale. En prolongement, durant l’année 2019, nous avons réalisé 3 entretiens avec 5 individus, dont un avait pris part aux groupes de discussion, et nous nous sommes rendus à une douzaine de rassemblements de différents types (manifestations, sit-in, rendez-vous conviviaux).
Point de rencontre entre militants expérimentés et primo-engagés
6Il a été relevé précédemment le caractère inattendu de l’émergence du mouvement des Gilets jaunes dans le contexte national belge, notamment du fait de structures syndicales plus fortes et davantage intégrées5. Pour comprendre cette mobilisation, une distinction est apparue structurante dès nos premières observations pour décrire ceux qui revêtent le gilet jaune : entre, d’une part, des militants politiques avérés avec une expérience de mobilisation, notamment syndicale, et d’autre part des individus qui désignent leur participation aux activités des GJ comme leur première expérience d’engagement public ; même si une bonne part aimera préciser qu’ils sont « Gilets jaunes depuis toujours », c’est bien le fait de s’engager et de manifester qui détonne avec leurs habitudes. Cette distinction nous est apparue structurante à partir des réponses à une question filtre de notre formulaire de recrutement : « Aviez-vous déjà participé à une manifestation avant celle-ci ? »
7Dans notre enquête, nous avons répercuté cette distinction au moment d’organiser les deux groupes de discussion à Bruxelles en janvier 2019. Ainsi, ils figurent tendanciellement ces deux groupes de GJ : on trouve d’une part des participants « militants expérimentés » et d’autre part des « primo-engagés ». Le premier groupe comporte des hommes (7/7) ayant déjà participé à une manifestation (6) et se positionnant politiquement très à gauche (4) ; tandis que le deuxième inclut plus de femmes (4/7), de personnes qui n’avaient jamais manifesté avant les gilets jaunes (4) et davantage qui se disent ni de gauche ni de droite (4). Par ailleurs, le premier groupe comporte 4 représentants syndicaux déclarés. En prenant comme échelle d’analyse l’ensemble de la discussion, on observe une différence dans la tendance qu’ont les individus du premier groupe de discussion à mobiliser bien plus des catégories du champ politique institutionnel (dans le premier groupe, le terme « syndicats » est mentionné 29 fois contre seulement 3 dans le deuxième, le terme « partis [politiques] » apparaît 179 fois contre 64 fois dans le deuxième groupe).
8Seule cette première distinction d’ordre politique est intervenue dans la constitution des groupes, mais elle entraîne des différences de positions sociales mesurables, en matière de genre, de statut salarial et de structure familiale. Ainsi, dans le premier groupe, avec principalement des syndicalistes ou des militants, tous sont des hommes et ont un statut stable dans l’emploi (à l’exception de 2 personnes qui sont intermittentes du spectacle). Seul un participant est en recherche d’emploi6. Dans le deuxième groupe, celui des individus primo-engagés, on trouve davantage de personnes en retrait du salariat, soit du fait d’une incapacité de travail (3), soit de la retraite (2). Les professions se répartissent différemment dans les deux groupes : dans le premier on retrouve des ouvriers techniciens (ascensoriste, papeterie...) et des intermittents du spectacle, donc davantage des militants liés à l’industrie ou à la culture ; dans le deuxième on trouve plus de variété avec davantage d’indépendants (webdesigner, toiletteuse, informaticien), mais aussi des employés (serveuse) ou des professions intermédiaires (enseignante). Par ailleurs, dans le deuxième groupe, les revenus sont dans l’ensemble moins élevés. Dans le premier groupe, tous acceptent de déclarer leur revenu, avec une position médiane à 2 200 euros ; dans le deuxième, 2 personnes déclarent posséder autour de 1 000 euros de revenus mensuels et 2 autres ne souhaitent pas communiquer cette information. Cette tendance est confirmée par le niveau d’éducation, plutôt proche du secondaire général dans le premier (4) et du secondaire technique dans le deuxième groupe (2). Si dans ce deuxième groupe viennent s’ajouter 2 individus déclarant un diplôme universitaire, ce sont aussi les 2 qui se situent politiquement à l’extrême gauche et qui ont déjà pris à part à une manifestation, tout en déclarant des revenus plus confortables (ici : 2 600-2 800 euros), laissant deviner une autre division au sein de ce groupe des primo-engagés qui semble recouper celle évoquée dans le chapitre de Corinne Gobin de « solidaires ». Enfin, une même différenciation s’observe en ce qui concerne la structure familiale, la norme du premier groupe est le couple (5) avec enfants (3), quand dans le deuxième groupe on trouve une plus grande diversité : personne seule avec enfants à charge (2), couple avec enfants (2) ou célibataire (2).
9Parmi les primo-engagés, un point de vue ressort singulièrement : ils font de leur engagement la preuve de la gravité de la situation sociale et politique. Si même eux en sont là, à titre personnel et en dehors de toute appartenance préalable, c’est que la situation a atteint un stade critique. Ainsi, leur propre volonté exceptionnelle d’engagement est réinterprétée comme un signe confirmatoire de l’urgence, et du bien-fondé, de la mobilisation ce qu’ont noté de nombreux commentateurs du mouvement, qui adoptent souvent à ce propos une perspective d’économie morale (Hayat, 2018).
Les salaires n’ont pas été équilibrés en Europe. Les taxes n’ont pas été équilibrées [...] donc on arrive effectivement à une sorte de déséquilibre... [...] c’est pour ça que j’ai rejoint ce mouvement, parce que je suis révolté de tout et [que] j’en ai marre. [...] quand on a un métier correct, sans avoir fait des énormes études, on ne sait pas nouer les fins de mois correctement, pas décemment. [...] Ceux qui travaillent ils sont limite [et] quand on est au chômage, on est en deçà de pouvoir vivre. Mais alors, il faut vraiment être au top niveau pour pouvoir dire « je m’en fous si ça augmente de 50 euros », et qu’importe, ces gens-là, ils ont une voiture de société7.
10Ces propos, s’ils sont récurrents chez les primo-mobilisés, ne leur sont pas exclusifs. En effet, les représentants syndicaux sont soumis aux mêmes conditions économiques et font part des mêmes prises de position. Dans le premier groupe, un représentant de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) s’exprime dans des termes similaires :
Moi, je vois que quand même, c’est de plus en plus difficile de partir en vacances. Pour moi, cela devient de plus en plus difficile. Donc, même en travaillant, je veux dire, on a vraiment du mal. Donc, je n’imagine même pas les gens qui sont allocataires sociaux et qui attendent, qui attendent, leurs fins de mois ; parfois, maintenant, ils sont visés directement parce qu’on les... Chasse aux chômeurs, chasse aux malades8.
11Mais les militants syndicaux semblent garder dans un premier temps une certaine distance par rapport à une identification complète au mouvement, ils mobilisent ainsi souvent un motif de « curiosité » pour justifier leur participation ou maintiennent la distance en participant « en tant que » :
Moi, je venais surtout en tant que... Je parlais avec des gens, voir un petit peu les plaintes qu’ils avaient9...
Je suis aussi délégué syndical. Donc, moi, je me suis intéressé aux Gilets jaunes parce que d’abord je ne comprenais pas pourquoi ils étaient antisyndicat. [...] Moi, je suis un peu un usurpateur, car je ne me sens pas particulièrement Gilet jaune. J’ai intégré les Gilets jaunes, et puis maintenant, je voudrais que le mouvement continue et soit plus puissant encore, très clairement10.
12Cependant, pour les plus critiques, le fait que les GJ puissent séduire davantage qu’une manifestation syndicale ne fait guère de doute.
Parce que, enfin, il y avait quelque chose qui bougeait, autre que le syndicat... Parce que le syndicat ces dernières années... ça ne nous apporte pas grand-chose. J’attendais ça depuis vingt ans11.
Dans la forme, il y a un truc important, ce n’est pas un défilé du 1er mai ou une manif climat, c’est des rassemblements justement [mime des cercles], il n’y a pas la notion : on va aller de là à là et après, c’est fini. On se retrouve à un endroit, on va l’occuper, et on va passer tout le week-end ou toute la semaine sur un rond-point... On va se parler... Ça crée quelque chose. Les gens se mélangent, se parlent : ça crée de la politique en fait12.
13La volonté de s’engager comme GJ est donc bien à mettre en perspective avec une désillusion quant aux alternatives jusque-là existantes ; on note la récurrence des termes de « bulle d’air », « inespéré », « inattendu », etc.
14Cette coprésence d’anciens et de primo-engagés au sein des Gilets jaunes est une observation déjà récurrente et bien relevée dans d’autres enquêtes par questionnaire (Collectif d’enquête sur les Gilets jaunes, 2019, p. 872) ou observations (Aldrin et al., 2019) en France. Ces études, notamment lorsqu’elles portent sur les centres urbains, notent aussi le retrait graduel des primo-mobilisés au bénéfice de personnes rejoignant le mouvement, fortes de leur expérience militante préalable. Ces individus sont présents, même s’il est attendu au sein des rassemblements qu’ils ne revendiquent pas explicitement leurs autres appartenances. Nous avons dans un premier temps observé une dynamique similaire parmi les GJ de Belgique, mais sur le long terme nous faisons un constat différent. Au-delà de deux ans, ceux qui demeurent les plus présents et investis sont des primo-engagés qui ne militent qu’en tant que GJ. En outre, la qualité de néophyte se dilue dans la participation au mouvement. Lors d’une observation effectuée à distance des premières manifestations, en septembre 2021, il nous est rapporté : « ici, il n’y a que des anciens, qui sont là depuis le début », quand bien même nous faisions face à une majorité d’individus primo-engagés en 2018.
Postures antipolitiques et revendications démocratiques : le RIC comme point de ralliement
15Dans la désillusion et la perte d’adhésion à l’égard des institutions représentatives, les Gilets jaunes subissent l’alternance entre sentiment de résignation – « il n’y a plus rien à espérer, voter ne sert à rien » – et expérience d’un moment d’émancipation, via un discours radical sur la démocratie (Knops & Petit, 2022). Cette ambivalence entre désir d’alternatives démocratiques et prégnance de la résignation confirme d’autres études, ayant également mobilisé des groupes de discussion sur la perception de la démocratie représentative (Gourgues et al., 2021). Ainsi, c’est une autre dualité qui se loge dans le discours des GJ : entre rejet et prise de distance par rapport à la « (fausse) politique politicienne », et développement d’un discours de « (vraie) politique citoyenne » pour la refonte des institutions démocratiques. Le GJ devient à ce propos le seul référent qui soit « pur » :
Cindy – On n’est que jaune ! On est jaune. On n’est pas de droite, on n’est pas de gauche, on n’est pas du centre, on est jaune.
Seb – On n’est pas vert, on n’est pas brun non plus.
Cindy – Voilà, on est jaune13.
Les gens qui sont dans le mouvement des Gilets jaunes, ils font de la politique pure, ils prennent les choses en main14.
16Cette réappropriation du rôle politique du citoyen trouve comme revendication concrète le référendum d’initiative citoyenne (Magni-Berton & Egger, 2019), qui est rapidement perçu comme un point de ralliement et comme une revendication consensuelle au sein du mouvement.
17Cette revendication est investie par les GJ, mais ce sont aussi d’anciens militants du RIC qui saisissent le mouvement comme fenêtre d’opportunité pour pousser cette revendication. Cela fonctionne d’autant mieux que le RIC fournit un terrain d’entente pour un horizon commun. Le mot d’ordre est fréquent : d’abord la (vraie) démocratie, avant de pouvoir refaire de la politique (partisane). Dans nos groupes, Alex décrit son parcours comme militant du RIC :
Moi, je suis apolitique ; je ne fais partie d’aucun parti politique, pas de syndicat ; je ne veux pas m’encarter dans un parti politique. [...] Une personne que je suis de tout tout près, c’est Étienne Chouard qui, en France, essaie de promouvoir la vraie démocratie. Lui, il pense, et moi je pense comme lui, que nous vivons dans une démocrature15...
18D’autres militants rencontrés participent à l’organisation d’ateliers constituants, et militent pour la tenue de référendums, en réformant l’article 39 bis de la Constitution, qui prévoit une possible consultation populaire non décisive par les régions16 (Gaudin et al., 2018), afin qu’il inclue explicitement la possibilité d’organiser des référendums d’initiative citoyenne. Une universitaire constitutionnaliste, dans la suite de ses recherches, s’investit dans la tenue d’ateliers constitutionnels, dans lesquels les GJ constituent « la majorité de l’auditoire17 ». Ces mêmes militants organisent, en tant que GJ, la venue d’Étienne Chouard pour une conférence à laquelle nous assistons, en mars 2019. Son intervention est largement orientée autour de l’idée que « les Gilets jaunes en France exploitent une idée que je travaille depuis 15 ans [...] Le RIC pour obtenir tout le reste18 ». Alex revient à nouveau sur ce sujet :
Le RIC. Et le RIC toutes matières [il insiste], pas un petit riquiqui comme ça, un RIC en toutes matières. Et à partir de ce RIC-là, demander une assemblée constituante provisoire qui ferait la transition vers un régime où il n’y aurait plus qu’une Assemblée nationale tirée au sort et une nouvelle assemblée constituante également tirée au sort qui va réécrire une nouvelle constitution. La Constitution c’est notre prison politique19.
19Mais d’autres GJ souhaitent mettre aussi en avant, et plus largement, l’ensemble des pratiques participatives organisées par le mouvement. Ismaël, cité ci-dessous, publie une vidéo et un texte sur les réseaux sociaux intitulés « Une trop grande focalisation sur le RIC ? »
Moi, je pense que la politique doit être l’exception à la règle. Tout le monde devrait s’y intéresser puisque c’est pour le bien commun [...]. Donc, il faut réintéresser les gens à la politique, pour pouvoir aussi les intégrer dans les prises de décision [...] Ma crainte, c’est que les gens qui aujourd’hui s’intéressent de nouveau à la politique, dans le but de faire la révolution, d’aboutir à quelque chose, éventuellement d’instaurer le RIC... Et une fois que tout cela est mis en place, c’est de retourner se coucher et se dire « bon, voilà, ma petite révolution est faite, les changements sont faits, maintenant on va retourner chacun à sa spécialisation »20.
20Ainsi, au-delà des slogans et des appels généraux à la démocratie directe, il y a chez de nombreux GJ un effort d’articulation de propositions concrètes et un désir de comprendre les enjeux institutionnels qui freinent aujourd’hui l’instauration d’instruments de démocratie directe. L’appropriation militante du RIC est à cet égard significatif. Le mouvement réussit de la sorte le passage des dénonciations d’injustices vécues à l’implication sociopolitique et glisse vers la question plus globale du fonctionnement démocratique.
Entre refus de représentation et revendications « au nom du peuple »
21Au-delà des différences d’expérience préalable, les discours des GJ se caractérisent par une tension entre des revendications multiples « au nom du peuple » et un refus assumé et explicite de toute représentation politique ; ce qui a été résumé à travers le concept de unrepresentative claims (Hayat, 2022). Autrement dit, une revendication « à ne pas être représenté », dans la suite du tournant constructiviste des théories de la représentation politique (Disch, 2011 ; Hayat & Sintomer, 2013) et des travaux sur les representative claims (Saward, 2010). Ainsi, il ne s’agit pas tant d’une crise de la démocratie représentative que d’une contestation du caractère démocratique de la représentation (Tormey, 2015).
22Ce constat et cette envie de « changer les règles du jeu » sont résumés en entretien par un syndicaliste FGTB fortement investi et (re)connu au sein des GJ de Belgique :
J’ai voté deux, trois fois, une fois comme ci comme ça, puis une fois blanc, puis très vite je n’ai plus voté. Je ne me suis jamais départi de ça et j’en suis très content. Not in my name, quoi. [...] Et en fait, tu te rends compte que le système dans lequel on est, une sorte de règle du jeu, dont on nous dit qu’il est démocratique, et en fait tu te rends compte qu’à ce jeu, le peuple est tout le temps perdant, et plutôt que de chaque fois rejouer, en essayant cette fois d’être gagnant, nous nous sommes dit « nous allons essayer de changer les règles du jeu », parce qu’on a bien compris qu’il y a quelque chose dans les règles mêmes qui fait qu’on est chaque fois perdants. Donc, nous ne voulons plus jouer, nous voulons changer les règles du jeu21.
23La participation au mouvement des GJ catalyse cette remise en question du caractère démocratique du système politique, notamment face au constat de l’impossibilité de le contester. En revenant sur la répression policière du mouvement, Ismaël résume cette idée :
Une chose est sûre : ce n’est pas en allant quémander chez le politique qu’on va obtenir ce qu’on veut [...] Typiquement, la démocratie « cause toujours ». Et à partir du moment où un début de violence éclate, on passe à une formule dictatoriale, « ferme ta gueule ». [Cette répression] prouve bien qu’en réalité nous pensions être en démocratie, dans un mode « cause toujours », mais en réalité on ne l’a jamais été22.
24Au-delà du rejet de la représentation politique et de ses institutions, notamment électorales ou partisanes, on retrouve chez les GJ un rejet de la représentation politique tout court, par le refus de la fonction de porte-parole (« parler au nom de ») et « de mise en présence d’autrui » (Sintomer, 2013). Le fait de ne « pas parler en tant que représentant » est un trait récurrent des prises de paroles publiques ; les GJ dénoncent fermement toute posture de « porte-parole ». Leur engagement contre toute forme de verticalité et de délégation n’est d’ailleurs pas sans conséquence et se traduit par des difficultés de coordination et une dispersion.
[Dès le départ, sur Facebook] il y a 15-20-30 groupes... On ne va jamais pouvoir faire un seul groupe ; dans l’utopie, ce serait de faire un groupe global, mais ça, on oublie – ils sont tellement tous « Aaah, moi, j’ai créé mon truc, je ne veux pas le lâcher, c’est à moi. » OK, pas de problème, garde ton groupe, communique – parce que c’est ça qu’il ne faut pas oublier, c’est la communication, c’est dire, OK, que tu sois référent –, oh ce mot, c’est terrible, ça y est, c’est un représentant [ton dramatique]23 !
25Cependant, malgré leur refus affiché de représenter et d’être représenté, les GJ n’en restent pas moins pris d’un désir de prétendre à la représentativité et à la représentation. Ceci se traduit à la fois par leurs nombreuses évocations du « peuple » (Tomès, 2019), malgré leurs désaccords sur sa géométrie exacte et la conception à laquelle se rattacher pour faire démocratie (Tarragoni, 2019 ; Hayat, 2020) :
Alex – Qui est le peuple ? Ce n’est vraiment pas une petite question. Il y en a qui vont dire « voilà, ce sont ceux qui sont en difficulté, etc. ». Il y a le point de vue marxiste, qui va dire que c’est le prolétaire, et les autres n’ont pas voix au chapitre ; ou alors ceux d’extrême droite qui vont dire « pas question qu’ils viennent, hein... » [...]. Moi, mon point de vue, c’est que le peuple, c’est tous les êtres humains, tous les êtres humains... [il insiste en parlant doucement et en hochant la tête] Même les 1 % des plus riches avec les 99 % des moins riches – c’est tout le monde, tout le monde ; c’est ça le peuple24.
Isabelle – OK, le peuple, c’est tout le monde, mais je trouve que dans l’état actuel des choses, c’est plutôt les 99 % [...] non, mais je parle vraiment du peuple ; la notion de peuple, pour le moment, je trouve que inclure les 1 %, alors que c’est eux qui nous écrasent [...] Non non ! Ils ont toutes les voix pour s’exprimer, je ne vois pas pourquoi on leur en donnerait encore25...
26Lors d’une autre conversation, Frank exprime bien le glissement entre le peuple, comme « gens d’en bas », et l’identité collective des GJ :
Vous avez demandé le peuple, je pense que c’est vrai sur plusieurs niveaux... Ceux qu’il y a dedans, ce sont vraiment ceux d’en bas, tous les différents segments des gens qui expriment leur ras-le-bol. Ce sont les gens qui sont dans la précarité. Ce sont les gens qui ont peur de cette précarité. [...] C’est un mouvement de citoyens, tous les gens viennent individuellement, ce n’est pas organisé par les syndicats, les syndicats ne sont pas vus très positivement en général dans le mouvement des gilets jaunes, ce n’est pas organisé par des partis politiques, ce n’est pas organisé par des organisations sociales, ce sont des citoyens qui se mettent ensemble, et ça, c’est la force, ça crée l’enthousiasme... relatif... du mouvement26.
27Les formes d’évocation du peuple comme identité collective du mouvement prennent aussi la nation comme référence. Cette représentation est mise en scène symboliquement via le recours au drapeau national belge, dont les couleurs jalonnent les multiples slogans et le matériel visuel des Gilets jaunes de Belgique mobilisant les trois couleurs du drapeau belge, caractérisant dans le même temps le mouvement par rapport aux Gilets jaunes de France. Le national peut d’ailleurs trouver un prolongement nationaliste, par exemple lorsque les revendications sont associées à des postures antimigratoires, ce qui met clairement en lumière la pluralité des conceptions – humaniste, socialiste, nationaliste – du peuple dans le discours des GJ.
28Plus généralement, les GJ privilégient une logique d’incarnation – ou de représentation par synecdoque – qui est mobilisée par différents mouvements sociaux, qui ne prennent pas position « au nom du peuple », mais comme « membres à part entière du peuple » (Van de Sande, 2020). Le slogan du mouvement Occupy Wall Street en 2011 – « We are the 99% » – tout comme celui des GJ – « Nous sommes la colère du peuple » – peuvent se lire à l’aune de cette forme de représentation-incarnation : où les représentants ne prétendent pas agir ni parler « au nom de », mais où un membre d’une généralité exprime tout à la fois son appartenance à cette généralité (« the 99% » ou « le peuple ») et sa propre particularité. En résumé, les GJ élaborent une compréhension de la représentation politique plurielle qui dénote avec l’imaginaire dominant. À l’inverse d’une relation juridico-politique marquée par la verticalité, la subordination et la délégation du pouvoir, la relation des GJ à la représentation politique est marquée par des expériences communes (la précarité, des difficultés socio-économiques ou des expériences de mobilisation) et un désir de reconnaissance individuelle et d’appartenance collective. Le « je » et le « nous » s’imbriquent l’un dans l’autre dans cette double opération d’affirmation individuelle et collective. Cela confirme l’importance de la subjectivation dans les mouvements sociaux contemporains (Pleyers & Capitaine, 2017) ; ce que Julie résume en une formule éloquente : « Être gilet jaune pour moi, c’est juste confirmer qui je suis27. »
Désir de reconnaissance et politisation des expériences
29Les GJ se définissent régulièrement comme les « oubliés » ou comme ceux qui ne récoltent que « les miettes ». Contre cet abandon, ils mettent en avant un désir de reconnaissance. Ce désir d’être « vu » et « reconnu » est très explicite dans les discours, mais aussi sur les « dos » des gilets jaunes, qui dénoncent régulièrement leur invisibilité, le manque d’écoute et l’impossible compréhension des élites politiques et des classes dominantes envers leurs situations. Le gilet jaune agit comme vecteur d’un sentiment d’appartenance commun « face au mépris social » (Paugam, 2019) et dans un « régime d’inégalités » multiples (Dubet, 2011 ; 2019). Les GJ constituent un espace privilégié pour saisir la « mobilisation des expériences sociales » dans la compréhension du politique (Gaxie, 2002). Le symbole unit des individus qui vivent la même expérience de difficultés socio-économiques, renforcées par la perte des droits liés aux remises en cause de l’État social. Ici, dans les échanges, les GJ s’appuient sur leurs confrontations directes avec les différentes institutions publiques : municipalités, hôpitaux publics, tribunaux, mutuelles, agences d’indemnisation du chômage, etc.
Depuis quatre ans, depuis que le MR [Mouvement réformateur : parti francophone libéral proche du monde patronal] est au pouvoir, moi, j’ai tout perdu ; j’ai perdu un peu par mois ; je n’ai plus droit à rien. Tous les droits où j’avais un minimum d’aide, j’ai plus ; du coup, mon état empire. Donc, on dit merci Maggie De Block [ministre fédérale issue du parti libéral flamand qui était alors ministre des Affaires sociales et de la Santé publique]. Ma maman est dans le même cas et elle va toucher sa pension. Elle a travaillé quarante ans et elle va toucher 1 063 euros de pension. [Silence] Alors, si on ne se bat pas pour ça maintenant, je crois qu’on ne se battra plus pour rien. [...] Donc, j’ai décidé de moins subir en étant Gilet jaune [...] et je ne compte pas lâcher28.
30Ce constat est lié à l’enjeu de représentation : les participants tendent ainsi à se reconnaître dans le mouvement, « enfin un mouvement qui me ressemble », par la proximité des situations. On observe, notamment chez les primo-engagés, un rapport affecté de reconnaissance symbolique (Honneth, 2000) dans leur attrait pour le gilet jaune et le fait de s’en revendiquer.
Pour moi, le gilet jaune n’est jamais qu’un symbole. [...] Il y a une masse énorme de gens qui en fait sont Gilets jaunes, là [il montre son cœur], mais qui ne portent pas le symbole29.
Ce sont les individus qui se croisent, qui se rencontrent et qui... [il cherche] qui s’expriment, qui veulent être vus. Ils ont mis le... [il secoue son pull pour signifier le gilet jaune revêtu]. C’est une puissance énorme à mon avis. C’est bien trouvé [...]. Tout le monde se reconnaît dedans. [...] C’est un symbole et en même temps cela donne l’occasion à des individus de se reconnaître, de se mettre ensemble30.
31Ce désir de reconnaissance est incarné par le port de ce gilet de « sécurité », dit « de haute visibilité », associé à une forme de représentation symbolique : sortir de l’anonymat, de la solitude et de l’impuissance. Les parcours accidentés nourrissent aussi un entrain et un attrait pour les GJ du fait de la solidarité affichée et mise en pratique.
Quand tu as une vie de merde comme la mienne [...] quand tu vois un mouvement comme ça – solidaire, l’entraide, l’amour qu’il y avait entre ces Gilets jaunes qui allaient aider des SDF [sans domicile fixe], qui allaient donner à bouffer à ceux qui n’avaient pas à bouffer, qui logeaient des autres [...] moi, j’ai trouvé ça magnifique et donc, c’est ça qui m’a... ça m’a lancée, ça fait avancer31.
32Une dimension essentielle de l’engagement en tant que GJ, mais aussi et surtout du maintien de celui-ci, est l’aspect collectif et communautaire qu’y trouvent ceux qui s’investissent durablement dans un groupe. Le mouvement des Gilets jaunes est attractif car il permet de reconstruire une croyance en une possible solidarité. Tout comme cela a été observé par ailleurs dans des zones rurales en France, « la plupart des mobilisés le disent : ce qui les pousse à revenir, c’est d’abord “la solidarité”, “entre des gens de milieux et d’âges différents”, mais qui ont en commun d’être “des petits” » (Challier, 2019). Plus largement, une lecture d’ensemble des travaux sur les GJ note que « cette appartenance à un groupe de personnes qui se reconnaissent mutuellement comme respectables devient une forme de capital des plus démunis » (Bendali & Rubert, 2020, p. 201).
33C’est une possible explication de la pérennité du mouvement, sous une autre forme. En pratique, les GJ « déterminés », « toujours là » ne se retrouvent pas seulement autour de revendications économiques et démocratiques, ils se retrouvent surtout autour de moments de rencontre, d’actions communes, d’échanges et de mobilisations, qui deviennent des moments de socialisation politique, mais aussi et surtout de convivialité et de solidarité. Le suivi des GJ en dehors des activités proprement militantes permet aussi d’avoir accès à ces coulisses qui servent la cimentation des groupes. « Encore un bon moment d’amitié », « super journée de partage et d’amitié », commentent des personnes, une fois rentrées, devant leur ordinateur après une journée entre GJ. Sur nos terrains, cet aspect surpasse largement la très faible mobilisation numérique en Belgique. Au contraire, elle a même pu contribuer à la formation de groupes consolidés, par l’affinité sociale et par l’épreuve collective, ayant tissé une forte interconnaissance et des relations durables. Des personnes se sont découvertes autrement grâce à leur participation aux Gilets jaunes32. Régis résume ce possible effet à long terme : « Maintenant que je suis sorti, je l’aurais difficile à rester chez moi [...] Je vois ça comme le retrait de la mer avant le tsunami. Les Gilets jaunes vont finir par se retirer... Mais il va y avoir plus gros après33. »
34Il s’agit là d’un trait commun de nos observations plus tardives, ceux qui continuent à s’engager et à participer à des rendez-vous ponctuels sur des ronds-points marquent ainsi leur sentiment « d’avoir eu raison avant tout le monde ».
Au-delà de l’événement, la portée symbolique durable du gilet jaune
35À travers le recueil de la parole des Gilets jaunes de Belgique, nous avons pu mettre en lumière différentes facettes du mouvement, qui apparaissent comme des dualités. D’abord, l’agrégation en situation de militants expérimentés et de primo-militants, mais aussi le maintien durable d’un engagement pour ceux qui sont devenus pleinement Gilets jaunes, et ce, malgré la faible mobilisation par rapport à la France. À Bruxelles, les GJ de Belgique se retrouvent confrontés à l’impossibilité d’importer le mouvement, malgré la tentation de désigner les institutions européennes comme adversaire commun. Cette mobilisation spécifique d’individus, qui se reconnaissent durablement dans le symbole du gilet jaune, semble davantage se pratiquer hors des institutions du mouvement social et à relative distance du champ politique et syndical34. Les rassemblements de GJ opèrent une jonction qui peut sembler de prime abord surprenante entre des militants, qui prolongent des engagements actuels ou réactivent des dispositions anciennes, et des personnes ayant eu plutôt tendance jusque-là à rejeter la perspective d’un engagement politique. Mais la valorisation d’une posture antipoliticienne et antipartisane leur permet de s’engager en maintenant cette prise de position. Le « jaune » apparaît ainsi comme un assemblage citoyenniste, auquel se greffent des groupes et des individus intéressés par l’émergence d’un mouvement, qu’ils perçoivent comme en résonance avec leurs situations propres. Le référendum d’initiative citoyenne devient dès lors la bannière commune derrière laquelle peuvent se regrouper, et s’entendre provisoirement, ces différentes interprétations. Les Gilets jaunes constituent un cas intéressant de mise en question des pratiques de représentation démocratique et de remise en cause du caractère démocratique de la représentation. Cette position ne les empêche pourtant pas de prétendre à la figuration et à l’incarnation du « peuple », dans une posture qui valorise fortement les individus et leurs expériences vécues et qui devient alors le support d’une politisation commune et le point de départ d’une construction du « peuple » hétérogène et multiple. Au fil du temps, nos observations suggèrent que le maintien de la participation de certains individus est surtout fondé sur le plaisir de participer ensemble à une expérience commune et de participer ainsi à la création d’espaces collectifs alternatifs. La pérennité de l’engagement dans le mouvement s’explique alors non seulement par des accords politiques fondés sur la mise en commun de leurs expériences, mais également par des raisons de sociabilité. En miroir de la désaffiliation politique, la réaffiliation sociale permet de maintenir l’engagement, mais aussi de repolitiser leurs situations individuelles en en entrevoyant les possibles causes structurelles, politiques et économiques. À ce titre, il est d’ores et déjà acquis que le gilet jaune est désormais un opérateur symbolique, qui se retrouve et permet de se retrouver, dans des mobilisations – au-delà des seuls Gilets jaunes de France ou de Belgique – pour signifier la double revendication de démocratie réelle et de justice sociale.
Notes de bas de page
1 C’est une chanson reprise régulièrement dans les mobilisations de Gilets jaunes et dont les paroles sont : « On est là, on est là. Même si Macron ne le veut pas/ Pour l’honneur des travailleur.e.s/ Pour un monde meilleur. » Dans le contexte belge, le nom du président français est remplacé par « l’État ».
2 Voir le chapitre « Les Gilets jaunes en Belgique : mobiliser l’idéal démocratique contre les politiques publiques d’appauvrissement » de Corinne Gobin.
3 Nous remercions notre collègue Ramon van der Does pour l’animation de ce groupe.
4 Nous référençons chaque première citation suivant cette nomenclature : prénom, tranche d’âge, profession, statut professionnel, niveau de diplôme, structure du foyer, revenu mensuel du foyer ; autopositionnement gauche-droite, participation à une manifestation avant les GJ – groupe (FG), date. Pour les citations suivantes du même individu, nous indiquons simplement : prénom, âge, profession, statut dans l’emploi et groupe. Tous les prénoms ont été modifiés et remplacés par des pseudonymes. Les passages entre guillemets qui ne sont pas référencés sont des remarques récurrentes, des lieux communs ou des propos typiques des GJ, trop fréquents pour être attribués à une personne en particulier.
5 Voir le chapitre « Les Gilets jaunes en Belgique : mobiliser l’idéal démocratique contre les politiques publiques d’appauvrissement » de Corinne Gobin, ainsi que l’article d’Anne Dufresne, Corinne Gobin et Marc Zune (2019).
6 Cette personne est arrivée à la moitié de la discussion et son parcours correspond davantage au deuxième groupe, mais elle a pris part au premier pour des raisons de disponibilité.
7 Pierre, 35-44 ans, webdesigner en indépendant, secondaire général, couple avec enfants, NC ; ni gauche ni droite, manif. avant GJ – FG2, 24 janvier 2019.
8 Julien, 55-64 ans, technicien en CDI, secondaire technique, famille monoparentale, 1 800 euros ; très à gauche, manif. avant GJ – FG1, 22 janvier 2019.
9 Thomas, 55-64 ans, ouvrier en CDI, secondaire professionnel, couple sans enfants, 1 600 euros ; au centre, manif. avant GJ – FG1, 22 janvier 2019.
10 Julien, 55-64 ans, technicien en CDI – FG1.
11 Régis, 45-54 ans, ouvrier en incapacité de travail, secondaire professionnel, couple avec enfants, NC ; à gauche, manif. avant GJ – entretien 3, 13 décembre 2019.
12 Gauthier, 35-44 ans, ingénieur du son en CDD, universitaire court, couple avec enfants, 3 500 euros ; très à gauche, manif. avant GJ – FG1, 22 janvier 2019.
13 Seb et Cindy, après leur élection, via un sondage Facebook, comme « représentants » du groupe Gilets jaunes de Bruxelles – entretien 1, 22 avril 2019.
14 Frank, 55-64 ans, ouvrier à la retraite, secondaire général, couple avec enfants, 4 500 euros ; à gauche, manif. avant GJ – FG1, 22 janvier 2019.
15 Alex, 55-64 ans, ingénieur informaticien à la retraite, universitaire long, célibataire sans enfants, 2 600 euros ; très à gauche, pas de manif. avant GJ – FG2, 24 janvier 2019.
16 Le référendum n’est pas prévu dans la Constitution belge. Le seul instrument de démocratie directe prévu dans la Constitution est la « consultation populaire », qui n’a pas de portée législative contraignante.
17 Voir Caroline Dunski, « Les Gilets jaunes, héritiers des combattants pour le suffrage universel », Le Soir, 12 mai 2019, en ligne : www.lesoir.be/223821/article/2019-05-12/les-gilets-jaunes-heritiers-des-combattants-pour-le-suffrage-universel (sept. 2022).
18 Observation, 17 mars 2019.
19 Alex, 55-64 ans, ingénieur informaticien à la retraite – FG2.
20 Ismaël, 35-44 ans, directeur commercial au chômage, secondaire général, couple avec enfants, 2 200 euros ; ni gauche ni droite, pas de manif. avant GJ – FG1, 22 janvier 2019.
21 Stéphane, délégué syndical, ouvrier dans le secteur transport-logistique – entretien 2, 3 décembre 2019.
22 Ismaël, 35-44 ans, directeur commercial au chômage – FG1.
23 Pierre, 35-44 ans, webdesigner en indépendant – FG2.
24 Alex, 55-64 ans, ingénieur informaticien à la retraite – FG2.
25 Isabelle, 45-54 ans, enseignante en incapacité de travail, universitaire long, famille monoparentale, 2 700 euros ; très à gauche, manif. avant GJ – FG2.
26 Frank, 55-64 ans, ouvrier à la retraite – FG1.
27 Julie, 35-44 ans, serveuse en CDI, secondaire technique, couple avec enfants, 3 400 euros ; ni gauche ni droite, manif. avant GJ – FG2, 24 janvier 2019.
28 Cindy, 25-34 ans, toiletteuse en incapacité de travail, secondaire technique, célibataire sans enfants, 950 euros ; ni gauche ni droite, pas de manif. avant GJ – FG2, 24 janvier 2019. Cindy participe également à l’entretien avec Seb (cité plus haut).
29 Ismaël, 35-44 ans, directeur commercial au chômage – FG1.
30 Frank, 55-64 ans, ouvrier à la retraite – FG1.
31 Cindy, 25-34 ans, toiletteuse en incapacité de travail – FG2.
32 Voir à ce propos la référence à la notion de « protagonisme révolutionnaire » appliquée au cas des GJ pour expliquer l’entrée en politique de citoyens ordinaires, ainsi que sa durabilité dans le temps (Buton, Reungoat & Jouhanneau, 2021).
33 Régis, 45-54 ans, ouvrier en incapacité de travail – entretien 3, 13 décembre 2019.
34 Voir les chapitres « Les Gilets jaunes en Belgique : mobiliser l’idéal démocratique contre les politiques publiques d’appauvrissement » de Corinne Gobin et « Le syndicalisme belge au prisme des Gilets jaunes » d’Anne Dufresne et Marc Zune.
Auteurs
Louise Knops est docteure en science politique et chercheuse post-doctorante à l’Université catholique de Louvain et à la Vrije Universiteit Brussel. Dans le cadre de sa thèse, elle s’est intéressée à la question des affects en politique et plus spécifiquement à l’indignation dans le contexte des mobilisations et des mouvements sociaux, dont les Gilets jaunes. Son projet de recherche en cours porte sur les émotions climatiques et la démocratie. Elle est membre du réseau de chercheurs associés du centre de recherche en écologie politique ETOPIA.
Guillaume Petit est docteur en science politique, associé au Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP) et chercheur postdoctoral au groupement d’intérêt scientifique Démocratie et Participation. Il a soutenu sa thèse à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et a travaillé comme chercheur postdoctoral à l’Université catholique de Louvain et à la Vrije Universiteit Brussel. Ses travaux portent sur la démocratie, la citoyenneté, l’engagement participatif, les inégalités sociales dans la participation politique et la critique du gouvernement représentatif.
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