« Ne désespérez pas ! »
p. 129-156
Texte intégral
Un discours controversé
1L’actualité a toujours été déterminante dans la façon dont Le Dictateur a été reçu. Jamais, par exemple, il n’a bénéficié d’un accueil public et critique aussi laudateur que lors de sa sortie en Grande-Bretagne, qui coïncide avec la bataille d’Angleterre. Et jamais il n’a été aussi mal traité que lors de sa diffusion française, en avril 1945, alors que la guerre n’était pas achevée et que les premiers déportés rentraient d’Allemagne. Le critique du Monde, qui pourtant tente de « faire abstraction de cinq années de souffrances », écrit :
Il est impossible de ne pas être frappé de l’indigence de pensée que révèle le scénario du Dictateur. La personnalité de celui-ci est esquissée en traits tellement grossiers, la bouffonnerie côtoie à un tel point l’invraisemblance, et, parallèlement, les rappels historiques sont tellement dénués d’ampleur et de vérité que la cassure se fait de plus en plus nette et de plus en plus profonde, tandis que se déroulent les images, entre la sensibilité du spectateur et les personnages de l’écran1.
2Même André Bazin écrit à la même époque que le film manque sa cible2. Progressivement cependant, la guerre s’éloignant, le film s’affirme comme un classique. En 1972, lors de la libération des droits de ses films par Chaplin, Jacques Siclier défend vigoureusement Le Dictateur :
Alors, Le Dictateur, aujourd’hui ?... Comment ne pas y voir le seul film qui ait délibérément attaqué, démythifié Hitler avant que celui-ci ne soit devenu officiellement le monstre à abattre. Il n’existe pas, dans le cinéma, un autre exemple de contestation aussi radicale d’un chef d’État vivant [...] On s’aperçoit aujourd’hui que, loin d’être une œuvre de circonstance destinée à se démoder, Le Dictateur avait déjà pris rang dans l’histoire, en 1940, par son aspect dénonciateur et prophétique3.
3Il restera certes des détracteurs du film, pour des raisons essentiellement politiques. Dans un article de 1989, l’auteur décrit Chaplin et Hitler comme les enfants d’un même monde fondé sur la « société du spectacle ». Même si Chaplin réussit à caricaturer Hitler, sa dérision rendrait impossible de penser vraiment l’horreur du nazisme : « Auschwitz est plus qu’imprévisible, il est tout bonnement exclu de l’avenir4. » L’auteur voit bien que Garbitsch énonce le projet de la destruction finale (avant qu’il soit concrètement envisagé par les nazis eux-mêmes, rappelons-le), mais il affirme que « l’éventualité d’une extermination est annulée par la surcharge grotesque5 ». Le cadre de la comédie, notamment caricaturale, empêcherait toute analyse, voire toute description d’une idéologie.¶
4Le principal point d’achoppement de l’évaluation du film est sans conteste le discours final. On est d’autant plus attentif à ce morceau de bravoure qu’il s’agit de la première véritable prise de parole de l’acteur Charlie Chaplin, lequel avait toujours refusé le parlant, et ce, dès 19186. Ainsi, les premiers commentaires à propos du Dictateur ont un point commun que résume précisément Charles Maland :
Si quelque chose comme un consensus critique peut être dégagé des comptes rendus [du Dictateur], c’est que, bien que le film soit important et qu’il ne doit pas être manqué, la fin fait long feu et est une erreur7.
5Le critique du Post écrit par exemple : « Chaplin a écrit le discours final lui-même et c’est là que le film échoue complètement8. » Et celui du New York Sun affirme que le discours final fait basculer le film et que « c’est une grande déception9 ». Des critiques plus contemporains considèrent également que le discours final est une rupture dans le cours du film : « Le film se donne comme une comédie suivie d’un éditorial », écrit Roger Ebert en 2010 dans le Chicago Sun Times10. Et la critique de gauche a souvent blâmé la tonalité « libérale » du discours, qui avait déjà irrité l’assistant du réalisateur, Dan James : « L’idéalisme utopique et le sentimentalisme sans vergogne du discours offensaient son orthodoxie communiste11. »¶
6L’hostilité contre la « naïveté » de Chaplin est si grande qu’elle suscite des défenseurs. L’un des plus éloquents est peut-être Henri Langlois, qui décrit la scène finale de la façon suivante :
En quelques mots, il va s’expliquer devant tous, résumer son passé, sa vie, sa raison d’être et la nôtre. Et il le dira avec une telle émotion, une telle sincérité, que sa voix deviendra celle de l’humanité tout entière, que son visage s’effacera derrière le visage de celui qui n’est plus Charlot mais simplement le plus simple des hommes12.
7Les reproches adressés au discours du barbier monté sur l’estrade dressée pour Hynkel sont au nombre de trois. Ces derniers seront nos angles d’approche afin d’examiner la scène finale du Dictateur ; tous concernent l’évaluation politique du film et donc notre objet principal. Premièrement, le discours du barbier romprait le mode générique du film. On passerait brutalement du burlesque au dramatique : le spectateur en serait désorienté et ne comprendrait pas ce passage du comique au sérieux. Deuxièmement se poserait la question de l’énonciateur : le barbier n’est-il pas effacé par l’auteur ? Le contrat fictionnel n’est-il pas brisé ? Le discours aurait le statut de ces textes dits ou écrits, souvent imposés par la censure et situés en avant-propos ou en épilogue des films, comme celui de Quand la ville dort13. Enfin, le discours serait politiquement naïf et même maladroit rapporté aux conditions historiques dont il s’inspire : Chaplin se mêlerait de ce qu’il ne connaît pas.
Un changement de ton ?
8Hynkel, habillé en Tyrolien, chasse le canard sur un lac afin de ne pas éveiller les soupçons sur ses projets ; mais il choit dans l’eau, qui lui fait une mèche sur le front. Des miliciens qui sont à la poursuite de Schultz et du barbier, échappés du camp où ils étaient détenus, l’arrêtent, le jugeant suspect. Pendant ce temps, les fugitifs, déguisés en officiers, atteignent le dernier village tomanien avant l’Osterlich. Ils croisent des soldats, on prend le barbier pour Hynkel. Un général l’informe de la préparation de l’invasion : Hynkel n’a plus qu’à rejoindre ses troupes. Le barbier, obéissant à Schultz, ne dément pas le général : il devient le dictateur aux yeux des envahisseurs.¶
9Fondu : les chars s’extraient des meules de foin, l’assaut commence. Des journaux sortent des presses : on annonce des rafles sur les ghettos, la confiscation des biens juifs. Dans la rue habitée par le barbier, un jeune homme défend son père : il est abattu. En Osterlich, la ferme Jaeckel est attaquée par les miliciens, Hannah est molestée, M. Jaeckel brutalisé, les Juifs recensés14 : un passage peu comique du film.¶
10Le « conquérant » est attendu en Osterlich. Une foule immense se rassemble : le plan général montre une étendue couverte de crânes et de mains tendues ; au loin, on voit une estrade ceinte de six piliers portant le drapeau à la double croix. Une voiture s’arrête : le barbier et Schultz en descendent. Dans la pierre de l’estrade est sculpté un inexplicable « LIBERTY ». Le général, ému aux larmes, débarrasse Hynkel le barbier de son manteau. De tous les plans, moyens ou généraux, l’inscription « LIBERTY » occupe le centre.¶
11Lentement guidés par le général, les évadés gagnent les sièges qu’on leur a assignés dans une atmosphère d’enterrement ou d’exécution entretenue par le battement du tambour. L’image est fixe, de face, saturée d’uniformes. Le dictateur-barbier s’effondre et sa chaise en même temps que lui. On le relève et un jeu qui pourrait être burlesque commence. On se passe des chaises, que l’on change et rechange de place dans une agitation fébrile. La scène est curieusement lourde et compassée ; elle est en outre dominée par le crépitement des mécanismes des chaises pliantes, comme si les officiers subissaient un mitraillage de bois et de charnières mal entretenues. Le comique est pesant et triste, paralysé par la situation.¶
12Garbitsch, ministre de l’Intérieur et de la Propagande, est appelé à la tribune. Dans sa grande cape noire, il monte jusqu’aux micros alors que, dans le lointain, on aperçoit un monument, qui pourrait évoquer l’église Saint-Pierre de Vienne. Ses bras sont croisés derrière sa cape empruntée à Dracula, tandis que la caméra s’avance, venant en contre-plongée et en plan rapproché de face (ill. 43). Après une nouvelle citation latine glorifiant les vainqueurs, l’âme damnée d’Hynkel annonce l’abolition de la liberté, de la démocratie, de l’égalité : « Aucune nation ne peut avancer avec de telles idées15. » Le ton est cassant, monocorde, inexorable. Alors que son regard fouille la foule, il avertit que tout le monde devra servir avec obéissance. Son programme délétère se dévide : « Les droits de tous les Juifs et des autres non-Aryens seront supprimés16 ». À ces mots, la caméra s’attarde sur Hynkel le barbier juif qui relève la tête ; Garbitsch poursuit : « Ils sont des êtres inférieurs [...] C’est le devoir de tout vrai Aryen de les haïr et de les mépriser17. »¶
13Les termes de Garbitsch sont sans ambiguïté. La menace fasciste est dite franchement à l’issue d’une période dramatique du film. Le barbier déguisé n’y est jamais drôle ou ironique, mais simplement apeuré. Certes, les tanks émergent du foin ; mais l’invasion de l’Osterlich, son programme, ses conséquences sont énoncés par la séquence avec clarté. Ce n’est pas la première partie sombre du film. La première offensive des sections d’assaut dans le ghetto et la fuite des Juifs effrayés dans la cour de M. Jaeckel, puis la seconde attaque accompagnée de la destruction par le feu de la boutique du barbier ne sont pas représentées à la façon des Marx Brothers dans La Soupe au canard18, ni de Gérard Oury dans La Grande Vadrouille19, ni de Jerry Lewis dans Ya, Ya, mon général !20 (ill. 44 à 46). On objectera peut-être que l’arrestation d’Hynkel, que l’on prend pour le barbier, est narrativement ridicule. Mais n’y a-t-il pas une leçon très actuelle dans ces images ? Il est dangereux pour un autocrate de trop emprunter la voie du spectacle : on finit par être pris pour ce que l’on est, un bateleur21.¶
14Il est donc difficile de prétendre que Le Dictateur n’occupe que le terrain de la comédie. Fidèle à son germe ménippéen, le film sait alterner les tons burlesque, comique et dramatique. Comme on l’a vu, ni Garbitsch ni M. Jaeckel ne peuvent être considérés comme des personnages de comédie. On peut certes les ignorer et décider qu’un film de Charlie Chaplin ne peut être qu’une comédie22. Mais l’observateur peut aussi prendre en compte ces marques de l’engagement du film et de la volonté du cinéaste de traiter sérieusement son sujet. Dans cette perspective, la fin du film et notamment le discours d’Hynkel le barbier juif ne sont pas inattendus.¶
15De fait, le mélange des genres, ou plus exactement la combinaison de tonalités expressives contrastées, est très loin d’être inédit dans l’œuvre du cinéaste. D’après Stan Laurel23, il semble que c’est Fred Karno qui apprend à ses comédiens à réunir le burlesque et le sentimental ou le comique et le sérieux : ce serait à Londres que Chaplin aurait appris ce qui allait devenir une pratique habituelle. L’idée n’est encore que peu présente dans les films Keystone, mais rapidement l’arrivée d’Edna Purviance change les choses ; et les films Essanay comme les films Mutual comprennent souvent une idylle qui motive Charlot à accomplir ses exploits de clown-acrobate. Dès Charlot boxeur24, un film du début de 1915, Charlot a des sentiments pour la fille de la maison. Le héros chaplinien possède une sensibilité et n’hésite pas à montrer ses émotions, même s’il reste le plus souvent sur la réserve. Cette tendance ne va plus se démentir et ira en augmentant.¶
16Son acmé est peut-être constituée par certaines séquences du Kid. Le médecin vient examiner l’enfant malade et découvre que Charlot n’est pas son père. Il s’adresse aux autorités qui se saisissent de l’enfant. Ce dernier se débat et, sanglotant, supplie l’officier. La scène peut à bon droit être qualifiée de déchirante (ill. 47 et 48). Elle suit pourtant celle, souriante, du combat de boxe des deux enfants, où apparaît le grand malabar de frère qui roule des épaules autant qu’il peut : Charlot se livre avec ce dernier à une danse de séduction réservée à ceux qui le menacent, dans la plus pure tradition burlesque. Le contraste pourrait être saisissant entre les deux scènes : la différence de ton est patente. Pourtant, nous sommes sans aucun doute dans le même film : l’idée d’une rupture ne vient à aucun critique.¶
17Ce qui explique cette continuité, c’est l’atmosphère du film : nous demeurons dans cet environnement urbain pauvre et hostile dans lequel résident Charlot et son fils adoptif. Nous vivons ce milieu avec les deux héros, participons à leurs tentatives pour se procurer de l’argent et de la nourriture. L’allant de Charlot anime le cadre, développe les multiples péripéties ; mais les deux personnages restent sous la menace de leurs concurrents pour la survie et des autorités. Ainsi la comédie est-elle constamment sur le fil. La lutte de Charlot afin de garder son fils avec lui et la tension qui s’ensuit, même agrémentées de quelques facéties (la poussière sur le magazine envoyée dans les yeux du docteur), ne nous étonnent pas : la vie avec ses hauts et ses bas.¶
18Il n’y a pas dans les films de Charlot de mélange des genres. Il y a des circonstances diverses dues à une existence précaire, mais animées par l’invincible rythme du personnage, expression d’un « lyrisme éperdu, mais lucide [...] qui lui permet de découvrir, non seulement dans chaque incident, mais dans chaque fonction de la vie quotidienne, un prétexte à souffrir un peu, ou beaucoup, à rire de soi beaucoup, ou un peu25 ». On pourrait parler d’un réalisme fondamental des films de Charlot, tant ceux-ci s’appuient sur la peinture saisissante d’une population urbaine malmenée. Il en résulte des scènes comiques et d’autres dramatiques, toutes drainées par l’énergie de Charlot.¶
19Les choses ne sont pas si dissemblables dans Le Dictateur. Hynkel comme le barbier sont les héritiers de Charlot, de son allure et de son caractère : Charlot demeure le garant de la continuité de l’intrigue, que les péripéties en soient burlesques ou dramatiques. Le projet ménippéen du film donne aux événements un autre statut : au lieu de ne les vivre qu’à travers un seul personnage, le point de vue (comme Chaplin) s’est dédoublé. Nous passons sans cesse d’Hynkel au barbier et d’une perspective à l’autre. Ainsi, la situation apparaît sous deux angles opposés. La caricature qui saisit le dictateur n’empêche pas, nous l’avons montré, d’appréhender de façon détaillée les desseins de l’hynkélisme. Quant au barbier, il découvre la vie inconcevable qu’on lui impose. Celle-ci est loin d’être risible ; aussi, les scènes du ghetto ne permettent que quelques apartés cocasses, nous l’avons vu également. Nous éprouvons le programme du bouffon Hynkel et ses résultats immédiats dans le ghetto. C’est la même histoire proposée en champ-contrechamp.¶
20L’arrivée du barbier au sein de l’armée d’invasion et la méprise qui s’ensuit résultent certes de péripéties extravagantes : la narration force le trait pour parvenir jusqu’au point où la ressemblance entre Charlot et Hitler est assumée par la fiction. Mais les minutes qui précèdent le discours sont uniformément dramatiques. La mise en scène souligne cette tonalité : le discours est attendu, mais s’insère assez logiquement dans le cours du récit.
Quel énonciateur ? Comment faire un film politique ? (5)
21Dans la lignée de l’objection de la rupture de ton, on s’est demandé quel était l’énonciateur apparent du discours : le barbier ne cède-t-il pas la parole au cinéaste lui-même qui se substituerait à ses personnages ? C’est une thèse défendue avec finesse par Christian Delage26 et reprise par Rob King à travers une problématique globale, qui va jusqu’à affirmer que le discours n’est réussi ou efficace que dans la mesure où la scène échappe à la ménippée du Dictateur et constitue une partie autonome du film27.¶
22Ainsi, l’ascension du vagabond devenu barbier jusqu’aux micros constituerait une transformation invisible, mais effective, qui le rendrait capable de formuler un message politique : « Il devient un sujet explicitement politique, il cesse alors d’être un sujet de comédie28. »¶
23Cette affirmation se situe à l’intérieur d’un cadre théorique qui comprendrait, selon King, deux niveaux d’activité politique. Le premier, élémentaire, consisterait à simplement résister à l’autorité en place : tout ce qui précède le discours final dans Le Dictateur lui appartiendrait. La comédie ou le burlesque seraient alors confinés à ce stade primitif, ce qui réduirait par exemple la charge chaplinienne contre le langage hitlérien à l’anecdote. Le second niveau, essentiel, dépasserait le simple refus et comporterait la formulation explicite d’une alternative politique29. Il impliquerait des institutions ou des partis et des actes de langage explicitement engagés sollicitant un public averti. Selon Rob King, le langage politique doit rompre avec celui de la comédie30 : c’est ainsi que, dans le discours terminal, Charlie Chaplin suppléerait le barbier et s’adresserait non pas à la foule vue dans la fiction du Dictateur, mais aux spectateurs de 1941 assis sur leurs fauteuils de cinéma et soudainement convoqués en tant que citoyens.¶
24Certes, l’œuvre d’art ne dit pas, mais elle montre. Comme dit plus exactement Jean-Marie Schaeffer, la fiction construit « une exemplification de ce qu’elle représente31 ». Et il est difficilement discutable que la comédie charlotienne exemplifie « du » ou « le » politique depuis ses origines. Si l’on observe par exemple un des premiers films Essanay, comme Charlot apprenti32, les scènes qui dévoilent la hiérarchie sociale et la méfiance de classes ne manquent pas. Notamment celle, merveilleusement éloquente, où la bourgeoise, chez laquelle Charlot et son patron repeignent les murs, cache ses bijoux à l’arrivée des ouvriers : ceux-ci rétorquent en rassemblant montres et monnaie qu’ils dissimulent dans une poche. Ce genre de monstrations abondent à fréquence régulière ; et les longs métrages (Le Cirque, Les Lumières de la ville, Les Temps modernes) ne dérogent pas à la règle. Ces séquences prétendent à une « vérité métaphorique33 » : le monde fictionnel illustre, exemplifie le monde réel d’une façon qui nous touche, qui « entre en résonance avec nos investissements affectifs réels34 ». Le Dictateur prétend sans aucun doute à cette vérité de la fiction35. Qu’il l’atteigne ou non dépend de chaque spectateur. Nous pouvons simplement attester que cela a été le cas pour de nombreux critiques.¶
25La question particulière posée par King demeure : qui parle lors du discours terminal du Dictateur ? Quelques éléments de mise en scène pourraient confirmer son interprétation et nous laisser penser que Chaplin lui-même a pris place sur l’estrade. Le plan rapproché qui saisit le barbier en haut des marches montre sa chevelure blanchie si on la compare aux plans précédents. L’émotion aurait été suffisante pour teindre ses cheveux ? Ou bien Chaplin veut-il que son personnage apparaisse différent ? L’inscription « LIBERTY » gravée sur la pierre de la tribune semble attendre l’hymne à la liberté que prononce le barbier. Elle ne participe pas du décor que se donnent les hynkélistes pour fêter leur chef et semble avoir été placée à cet endroit par une instance supérieure. Également, l’orateur, dans la seconde moitié du discours, plonge directement son regard dans celui du spectateur grâce à son regard-caméra : il briserait ainsi le quatrième mur et outrepasserait la fiction (comme cela a souvent été le cas auparavant, lors du discours d’Hynkel ou de la scène des pièces par exemple).¶
26Enfin, il y aurait les changements dans l’emploi des pronoms, particulièrement le passage du « je » (« Je voudrais aider tout le monde dans la mesure du possible36. ») au « nous » (« Nous ne voulons ni haïr ni humilier quiconque37. ») : les phrases prédiquées par un sujet collectif deviennent dominantes. Elles voisinent avec quelques phrases affirmatives, contraignantes, dont la vérité ne semble pas pouvoir être discutée et dont l’énonciateur est un sujet universel (« La cupidité a empoisonné l’âme des hommes38. »). Cette montée en universalité s’accompagne d’un investissement personnel, marqué dans les attitudes de l’orateur, notamment quand il s’écrie : « Soldats, ne vous livrez pas à ces brutes39 ! » La prise de parole du barbier est devenue harangue.¶
27Pourtant, il n’est nul besoin de sortir du cadre fictionnel pour entendre ce que dit le barbier. Un personnage de fiction peut très bien, comme un individu ordinaire, manipuler toutes les formes énonciatives que lui offre la langue. Il peut exposer des professions de foi, s’exprimer au nom de collectifs, avant de revenir à un ton plus personnel. On ne peut en aucune façon exclure que les savoirs, les idées, les convictions dont il est fait mention dans son discours soient à la portée du barbier. On peut donc tout à fait considérer que le personnage, et non le réalisateur, est l’énonciateur.¶
28L’usage varié des pronoms par l’orateur n’est donc pas un argument décisif, comme ne l’est pas non plus la mise en scène qui, dans ses principaux aspects, ne dément jamais que le discours final soit situé dans la continuité du récit. Par ailleurs, rien de ce qui est énoncé ne relève d’une conception ou d’un sentiment qui seraient inaccessibles au barbier.¶
29Mais il faut encore élargir notre regard : n’avons-nous pas identifié ce personnage comme Charlot le Juif ? N’est-il pas issu d’une suite d’incarnations de Chaplin en Charlot, un vagabond, survivant du monde moderne, rescapé de tous les préjugés, mépris, cruautés distillés par une époque pas moins sauvage que les précédentes ? N’est-ce pas lui qui vient à la tribune se réapproprier le premier prélude de Lohengrin qui l’accompagne jusqu’aux micros (Wagner n’est donc pas si nazi que le voudrait Hitler, ni aucun art) ? Ne nous y trompons pas : Charlot le Juif n’est pas une figure irréelle ou chimérique : Chaplin EST Charlot pour ses spectateurs, pour tous les amateurs de ses films. En le plongeant dans un contexte non seulement connu, mais vécu par les publics, en lui faisant assumer son identité tue, Le Dictateur peut faire de lui un porte-parole.¶
30Le dialogue chuchoté entre Schultz et le barbier qui prélude à la venue de ce dernier à la tribune indique d’une façon presque limpide l’identité de l’orateur. Garbitsch a appelé « le futur empereur du monde » à s’adresser à la foule. S’ensuit un plan américain qui isole les fugitifs. Schultz murmure : « Vous devez parler. » « Je ne peux pas », dit le barbier juif. « Il le faut, c’est notre seule chance40 », insiste l’autre. Celui qui doit parler, c’est celui qui ne parle pas, celui qui n’est jamais apparu que dans un univers muet, c’est-à-dire Charlot. Lui, le déshérité, le vagabond, le fugitif, l’un de ceux auxquels notre société ne laisse jamais le dernier mot.¶
31Jusqu’alors, le barbier n’avait fait que balbutier. Cette fois, il prend la parole. Jamais, durant le film, il n’aura été à ce point Charlot le Juif. À la tribune, Charlot le Juif représente, à divers titres bien sûr, les publics de Charlot. Ceux-ci, pour l’entendre, doivent accepter le glissement sémantique qui fait du Dictateur non seulement une œuvre d’art, mais une déclaration politique. N’est-il pas bien placé pour prétendre s’exprimer au nom du peuple, dire « Nous, le peuple41... » ?
Une naïveté politique ? Comment faire un film politique ? (6)
32Que dit le barbier, plus que jamais Charlot le Juif, quand il apparaît aux yeux de tous en lieu et place d’Hynkel le conquérant, « l’empereur du monde » ? S’il ne se dérobe pas, il doit prendre position, au nom de ce qu’il représente. Effectivement, il ne se soustrait pas à l’obligation dans laquelle le place la situation.
33Le discours comprend un constat et un appel à la lutte. Entre eux, une prière, une adjuration, une supplication : « À tous ceux qui m’entendent, je dis : ne désespérez pas42 ! » Le constat est lui-même divisé d’une façon qui induit Deleuze à parler du rousseauisme de Chaplin43. Après avoir affirmé, en réponse à Garbitsch, qu’il ne veut pas être empereur44, l’orateur dit vouloir primordialement aider les hommes, l’humanité45. Mais il ne s’attribue pas cette intention comme si elle était la sienne ; il en fait plutôt une caractéristique de l’humain : « Nous voulons tous nous aider si nous le pouvons. Les êtres humains sont ainsi faits46. » L’homme se définit premièrement par le collectif et par la solidarité : une formule que l’on peut regarder d’abord comme ingénue, nous y reviendrons. Bientôt vient le contrechamp, ou plutôt l’antithèse, qui concerne notre monde, la société moderne : « L’avidité a empoisonné l’esprit des hommes, a barricadé le monde avec de la haine [...] plus que du machinisme, nous manquons d’humanité47. » (ill. 49) Notre cupidité contemporaine détruit toute sensibilité envers autrui.¶
34L’air n’est-il pas connu, que les faits contredisent ? L’homme est bon, mais il est corrompu par la société. Cependant, le film en son entier dément cette interprétation rousseauiste. La parole de Charlot le Juif procède d’un « nous » qu’elle représente : elle émane d’une communauté à laquelle le film nous a familiarisés et qui vaut, nous le savons, pour toutes les sociétés humaines, notamment celles rassemblant des déshérités. Aucune défense de l’individu isolé face au groupe malfaisant ici : la solidarité, ce « nous » qui s’exprime maintenant, est littéralement issue du sens commun, du partage de la vie et du langage. Ce n’est pas l’homme qui est corrompu par la société, c’est la société qui est corrompue par certains hommes.¶
35Quant à la critique de l’univers actuel, elle est précisément circonscrite : le capitalisme en est la cible. Elle n’a rien pour nous d’original : nous sommes habitués à de tels constats qui visent les consortiums possédant les nouvelles technologies contemporaines dont Adorno et Horkheimer, brûlants contempteurs du Dictateur, feront leur pâture dans La Dialectique de la raison trois ans après la sortie du film48.¶
36Ni rousseauisme ni ingénuité, me semble-t-il. Le paradoxe d’une technologie faite pour unir, employée pour hiérarchiser et séparer49 achève ce passage : le cynisme emporte notre humanité et renvoie ces inventions à la violence sociale. C’est grâce à elle, pourtant, que la voix du barbier peut atteindre des millions de personnes désespérées à travers le monde50. Ce dernier constat mène au cri – « Ne désespérez pas ! » – qui ouvre l’exhortation de la seconde partie du discours.¶
37L’orateur se fait maintenant incisif, le discours devient harangue. Avec l’espoir, nous donnons sens à notre liberté en péril et préservons notre capacité de jugement. Et donc, refusons aux dictateurs leur main-d’œuvre de combattants :
Soldats, ne vous livrez pas à ces brutes, à une minorité qui vous méprise et qui fait de vous des esclaves, enrégimente toute votre vie et qui vous dit tout ce qu’il faut faire, ce qu’il faut penser et ce qu’il faut ressentir51...
Dès lors qu’on accepte la « fatalité » fasciste, une complicité passive avec le régime qui vous enrôle, reste-t-on humain52 ? Le barbier insiste : on se doit de faire face, ce qui signifie préserver l’humanité de l’indifférence : « Vous n’êtes pas des machines ! Vous n’êtes pas du bétail ! Vous êtes des hommes53 ! » (ill. 50) Nous ne sommes pas démunis, notre capacité d’agir existe : elle passe par l’union retrouvée d’une communauté : « Au nom de la démocratie, il faut utiliser ce pouvoir, il faut nous unir54 ! » Ce sera un combat : « Il faut nous battre », répète le barbier dans son ultime phrase : libérer le monde, abattre le racisme, chasser l’avidité sont des tâches qui ne seront pas accomplies sans luttes55.¶
38En temps de guerre (le discours est écrit et enregistré d’avril à juin 1940), peut-on juger ces mots comme naïfs ou stéréotypés ? Comme l’écrit François Genton :
Le petit barbier juif a-t-il tort de dire à Hannah qu’un autre avenir est possible, puis, s’adressant aux hommes libres, de les exhorter à combattre pour la liberté ? Se trompe-t-il, avant même de connaître les chambres à gaz et la bombe atomique, lorsqu’il met en garde contre un usage inhumain des nouvelles techniques : « More than machinery, we need humanity » [Plus que de machines, nous avons besoin d’humanité]56 ?
39La foule des soldats autour de l’estrade, quant à elle, est conquise et acclame le barbier. Qu’en est-il du spectateur du film ? Deux modes d’existences, deux vies, deux façons de danser ont été confrontées, la chaleur et la simplicité de l’une faisant face au ridicule et à la cruauté de l’autre. Le spectateur peut-il cesser de rire et entendre le discours du barbier comme une argumentation politique de Charlot le Juif ? En tout cas, le film veut confondre ces deux publics, le fictionnel, composé de soldats hynkéliens, et le réel, constitué par les spectateurs du film : lorsque son discours devient harangue, le regard de Charlot le Juif passe sans cesse des soldats autour de lui à l’œil de la caméra représentant chacun des membres du public (ill. 51).¶
40Bien sûr, le passage d’une interprétation esthétique à une interprétation politique, qui reconnaîtrait l’engagement du film, est entre les mains des spectateurs. Dans la mesure où elle est avérée par les réactions critiques, on peut supposer raisonnablement qu’une telle réaction a existé, que l’interpellation par Charlot le Juif de ceux dont le cinéaste fait des témoins de son émotion a porté ses fruits. Le parcours du film – passant par l’observation à la fois fine et parodique du langage nazi, par la monstration des communautés réprouvées, par le dévoilement des aspects variés (ridicules et sérieux) de l’hynkélisme et surtout par l’épreuve de la danse comprise comme présentation de formes de vie – parvient à installer la possibilité d’un tel discours.¶
41Il est évident qu’une interprétation uniquement politique du Dictateur, oublieuse de la comédie et de la fiction, serait extravagante57. Peut-être que l’interprétation d’un tel film trouve sa place dans une sorte de balancement entre l’art et le politique. Alors, quelque chose comme une vérité de la métaphore que représente Le Dictateur pourrait apparaître. Il n’y aurait pas de tiraillement entre compréhension esthétique et appréhension politique du film, mais la découverte d’un modèle réduit de notre monde à travers un récit ménippéen. L’oscillation interprétative nous conduirait, grâce à une série de bifurcations entre rires et larmes – jamais exactement les mêmes à chaque vision nouvelle –, vers un entendement politique du film.¶
42Mais nous n’avons pas tout dit du discours du barbier, car son épilogue s’adresse directement à Hannah et à l’espoir de la jeune femme exprimé à deux reprises durant le film : « Hannah... M’entends-tu ? Où que tu sois, lève les yeux... Les nuages s’éloignent, le soleil perce...58 » Le barbier s’est finalement dressé, lui qui n’était que passivité devant l’agression hynkélienne. L’appel au combat est pour lui comme une aube, un retour à la vie : peut-être n’était-il pas vraiment sorti de son amnésie somnolente d’après-guerre59. Dès lors, il se tourne vers Hannah la rebelle, qui incarnait la part combattante de Charlot avant cette dernière scène. L’amour autant que la lutte les attendent, comme des remparts.¶
43Ainsi, la ménippée du Dictateur s’achève sur le ton du mélodrame, qui ne doit faire oublier ni la critique burlesque et pourtant aiguë de l’hitlérisme ni l’itinéraire courbe du film entre ses deux personnages principaux. Dans le cri final – le « Ne désespérez pas ! » – et l’exhortation qui s’ensuit – la promesse à Hannah d’amour et d’espoir –, on peut voir enfin la croyance en la puissance de l’art et en sa prétention à atteindre la vérité de la réalité à travers le détour par l’imaginaire. La transposition par Le Dictateur de la situation historique mondiale de 1939 ne peut pas être qualifiée de naïve. On pourrait se demander ce que le film a changé, éternelle et peut-être injuste question posée à l’art. Il me semble qu’avec ce film, cependant, Chaplin essaie d’être à la hauteur des circonstances, d’être un auteur aussi lucide qu’il lui était possible de l’être.
Notes de bas de page
1 Jean Néry, « Le Dictateur », Le Monde, 12 avril 1945.
2 André Bazin, « Pastiche et postiche ou le néant pour une moustache », dans André Bazin & Éric Rohmer, Charlie Chaplin, Paris, Éditions du Cerf, 1972, p. 34.
3 Jacques Siclier, « Le Dictateur », Le Monde, 7 septembre 1972.
4 « Il y a cent ans naissaient Charlie Chaplin et Adolf Hitler... Le Dictateur ou les limites de la dérision », Le Monde, 20 avril 1989.
5 Ibid.
6 L’inventeur Augustin Laute propose un système de son couché sur la pellicule image dès avant la fin de la Première Guerre mondiale, voir Martin Barnier, Les Lumières de la ville : Charlie Chaplin, Futuroscope, Canopée, 2017, p. 17.
7 « If anything like a critical consensus can be gleaned from the newspaper review, it is that although the film was not be missed, the ending was unsuccessfull and a mistake », Charles Maland, Chaplin and American Culture: The Evolution of a Star Image, Princeton, Princeton University Press, p. 180. Ma traduction.
8 « Chaplin wrote the final speech himself, and this is where the film failed completely », cité par Charles Maland, Chaplin and American Culture, op. cit., p. 186. Ma traduction.
9 Ibid.
10 Roger Ebert, « The Great Dictator », Chicago Sun Times, 31 décembre 2010, en ligne : www.rogerebert.com/reviews/great-movie-the-great-dictator-1940 (décembre 2019).
11 David Robinson, Chaplin, sa vie, son art, Jean-François Chaix (trad.), Paris, Éditions Ramsay, 2002, p. 318.
12 Henri Langlois, « Le Montreur d’ombres », Le Monde, 4 novembre 1971.
13 John Huston, Quand la ville dort [Asphalt Jungle], 1950.
14 Si les camps de la mort étaient inimaginables, Le Dictateur annonce on ne peut plus clairement des destructions et des tueries parfaitement planifiées.
15 « No nation can progress with such ideas. »
16 « The rights of citizenship will be taken away from all Jews et other non-Aryans. »
17 « They are inferior [...] It is the duty of all true Aryans to hate and despise them. »
18 Leo McCarey, La Soupe au canard [Duck Soup], 1933.
19 Gérard Oury, La Grande Vadrouille, 1966.
20 Jerry Lewis, Ya, ya, mon général ! [Which Way to The Front ?], 1970.
21 N’est-ce pas ce qui est arrivé quelques années plus tard au sénateur Joseph McCarthy ? Et au Cavaliere Silvio Berlusconi ?
22 C’est effectivement le cas de quelques critiques, certaines positives et d’autres négatives.
23 Cité par David Robinson dans Chaplin, sa vie, son art, op. cit., p. 65.
24 Charlie Chaplin, Charlot boxeur [The Champion], 1915, troisième film réalisé chez Essanay.
25 Élie Faure, « Vocation du cinéma », 1937, en ligne : http://classiques.uqac.ca/classiques/Faure_Elie/fonction_cinema/vocation_cinema/Faure_vocation_cinema.pdf (décembre 2019).
26 Christian Delage, Chaplin : la grande histoire, Paris, Jean-Michel Place, 1998, p. 108.
27 Rob King, « Retheorizing Comedic and Political Discourse, or what John Stewart and Charlie Chaplin Have in Common », Discourse, vol. 34, nº 2-3, 2012. L’article est entièrement écrit comme une critique de Mikhaïl Bakhtine (son Rabelais notamment) et contre l’idée d’une puissance sociale du comique (du carnavalesque, dans le langage bakhtinien).
28 « The tramp becomes an explicitely political subject, he thereby ceases to be a subject of comedy », Rob King, « Retheorizing Comedic and Political Discourse, or what John Stewart and Charlie Chaplin Have in Common », art. cité, p. 267. Ma traduction.
29 Ibid., p. 278.
30 « The comedie becomes “fully” political only at the point that it stops being funny », ibid., p. 277. Ma traduction.
31 Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Éditions du Seuil, 1999, p. 214.
32 Charlie Chaplin, Charlot apprenti [Work], 1915, Essanay.
33 Selon le terme employé par Paul Ricœur dans La Métaphore vive, Paris, Éditions du Seuil, 1975, p. 310-315.
34 Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, op. cit., p. 186.
35 À ce sujet, voir Jean-Pierre Esquenazi, La Vérité de la fiction : comment peut-on croire que les récits de fiction nous parlent sérieusement de la réalité ?, Paris, Hermès-Lavoisier, 2009.
36 « I should like to help everyone—if possible. »
37 « We don’t want to hate and despise one another. »
38 « Greed has poisoned men’s souls. »
39 « Soldiers! don’t give yourselves to brutes! »
40 « You must speak » ; « I can’t » ; « You must, it’s our only hope. »
41 J’emprunte la formule à Judith Butler, Rassemblement : pluralité, performativité et politique, Christophe Jaquet (trad.), Paris, Fayard, 2016, p. 196-239.
42 « To those who can hear me, I say—do not despair. » Rappelons que l’appel du 18 juin 1940 est organisé autour d’une question : « L’espérance doit-elle disparaître ? »
43 Gilles Deleuze, Cinéma, 1. L’image-mouvement, Paris, Éditions de Minuit, 1982, p. 235.
44 « I’m sorry but I don’t want to be an emperor. »
45 « I should like to help everyone if possible, jew, gentile, black man, white. »
46 « We all want to help one another. Human beings are like that. » Le barbier ajoute : « Nous voulons vivre du bonheur de l’autre, pas de sa misère. » (« We want to live by each other’s happiness, not by each other’s misery. »)
47 « Greed has poisoned men’s souls, has barricaded the world with hate [...] More than machinery we need humanity. »
48 Max Horkheimer & Theodor W. Adorno, La Dialectique de la raison : fragments philosophiques, Éliane Kaufholz (trad.), Paris, Gallimard, 1974, p. 157.
49 « L’avion et la radio nous ont rapprochés. La nature profonde de ces inventions en appelle à la bonté entre les hommes. » (« The aeroplane and the radio have brought us closer together. These very nature of these inventions cries out for the goodness in men. ») Les rapports ambigus de Chaplin avec la technologie sont étudiés par Lawrence Howe dans « Charles Chaplin in the Age of Mechanical Reproduction: Reflexive Ambiguity in Modern Times », College Literature, vol. 40, nº 1, 2013, p. 45-65.
50 « En cet instant même, ma voix atteint des millions de personnes à travers le monde, d’hommes, de femmes, d’enfants désespérés. » (« Even now, my voice is reaching millions throughout the world, millions of despairing men and women and little children. »)
51 « Soldiers! don’t give yourselves to brutes—men who despise you, enslave you, who regiment your lives, tell you what to do, what to think and what to feel! »
52 C’est évidemment le thème d’Hannah Arendt dans Eichmann à Jérusalem : rapport sur la banalité du mal, Anne Guérin (trad.), Paris, Gallimard, 1966.
53 « You are not machines! You are not cattle! You are men! »
54 « In the name of democracy, let us use that power, let us all unite! »
55 N’est-ce pas ce que Winston Churchill, à peu près en même temps, promettait aux Britanniques : « Je n’ai rien à offrir que du sang, de la peine, des larmes, de la sueur. » (« I have nothing to offer but blood, toil, tears, and sweat. ») Ma traduction.
56 François Genton, « Le Dictateur et les autres : satire première et satire seconde », Revue de littérature comparée, nº 324, 2007, p. 465.
57 Tous les types d’interprétation se retrouvent dans la littérature critique. Depuis l’interprétation délirante d’Adorno et Horkheimer qui considéraient le film comme une propagande fasciste, jusqu’à l’enthousiasme antifasciste d’un Jacques Siclier.
58 « Hannah... Can you hear me... Wherever you are, look up, Hannah... The clouds are lifting, the sun is breaking through... »
59 Une belle représentation de l’image de la prise de conscience, chère aux marxistes.
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Dictionnaire d'iconologie filmique
Emmanuelle André, Jean-Michel Durafour et Luc Vancheri (dir.)
2022