Figure grottesche
p. 121-148
Texte intégral
1Nous pouvons maintenant reprendre la question de la genèse en nous intéressant de plus près non à la seule invention des lieux, mais à celle des personnages. L’un des facteurs importants dans la réussite du film est son étonnant casting. Il associe deux acteurs jusqu’ici habitués à d’autres emplois que ceux des rôles comiques (Vittorio Gassman et Marcello Mastroianni), un jeune premier (Renato Salvatori), un acteur à trogne (Carlo Pisacane, d’origine napolitaine et qui sera doublé en bolonais par l’acteur Nico Pepe), un inconnu trouvé dans la rue (Tiberio Murgia, Sarde transformé en Sicilien) et enfin un acteur comique particulièrement connu, enrôlé comme « parrain » de la troupe (Totò). On a depuis beaucoup glosé sur la manière dont ce casting avait été élaboré, sur le fait qu’il soit le résultat d’une longue négociation entre Mario Monicelli et son producteur, Franco Cristaldi, lequel ne voulait pas prendre le risque d’embaucher Gassman. Monicelli tenait à faire jouer ce dernier, convaincu de son talent comique. Mais le producteur refusait de considérer ce choix d’un acteur plus connu pour ses rôles dramatiques et qui, surtout, ne présentait aucune garantie sur le plan des retombées économiques (il préférait, semble-t-il, les Romains Alberto Sordi ou Nino Manfredi). Finalement, Franco Cristaldi accepte mais impose en contrepartie Marcello Mastroianni, Renato Salvatori et surtout Totò (en lieu et place du réalisateur du Voleur de bicyclette auquel Monicelli avait songé initialement pour le rôle de Dante Cruciani1).¶
2La plupart des articles critiques de l’époque loueront la réussite collective des acteurs, mais salueront en particulier la performance de Vittorio Gassman, jugée remarquable par ses contemporains qui ne l’attendaient pas à pareille fête dans ce contre-emploi autoparodique. Pour les besoins du rôle, la physionomie du visage de Vittorio Gassman est modifiée : lèvres supérieures gonflées, apparence du nez modifiée, perruque. Par ailleurs, l’acteur retravaille sa diction et s’invente un bégaiement. L’acteur aux traits trop raffinés fait l’objet d’un travail de refiguration afin d’endosser un rôle de « plébéien incapable2 ». Si l’on considère le choix des autres acteurs comme la manière dont Monicelli les transforme, il semble que le réalisateur souhaitait – comme à son habitude du reste3 – inventer ses personnages à partir d’une physionomie (Gassman grimé, Capannelle au naturel), sur la base d’une allure (Murgia) ou encore d’un « parler » particulier (le bégaiement de Peppe, les acteurs doublés dans des langues régionales dont certaines rares dans le cinéma italien). Ces choix de refiguration transformiste témoignent de la volonté de produire un comique de « type » et « dialectal », dans la tradition de la commedia dell’arte. Mario Monicelli confirme :
Tous ces personnages étaient des farces : le photographe avec son garçon et sa bouillie, et qui s’est, en plus, cassé le bras ; Capannelle, un autre « mort de faim » [morto di fame] ; le Sicilien avec sa sœur qu’il enferme à la maison. Au fond, c’étaient tous des stéréotypes de la comédie4.
3L’intention générale semble être de tirer parti de leur aspect ou au contraire de les altérer ou encore, pour les acteurs déjà connus, de rejouer leur persona. Car Gassman n’est pas le seul à s’autoparodier dans le film. La plupart jouent des personnages dans des emplois contraires.
Marcello Mastroianni, jusqu’alors séducteur latin, est tyrannisé par sa femme redoutée, tandis que le « pauvre mais beau » Renato Salvatori devient réfléchi en oubliant la vitalité pétillante qui l’avait fait émerger dans les films réalisés par Dino Risi, sans parler de Carlo Pisacane, un personnage napolitain auquel est attaché un bolonais vernaculaire qui ne le quittera plus pour le reste de sa carrière. Quant à Tiberio Murgia, son rôle semble être une parodie de l’acteur pris dans la rue sur lequel tant de littérature s’était construite à l’époque du néoréalisme5.
4Gassman se parodiant, Mastroianni en père miséreux, Salvatori assagi, le Napolitain en Bolonais, le Sarde en Sicilien : forcés à s’approprier des caractéristiques physionomiques et comportementales qui leur sont étrangères, nos acteurs s’offrent en apprentis à une disponibilité d’emploi. Seul Totò, qui se présente comme expert (du perçage de coffre) mais aussi comme formateur, s’érige à partir de sa persona en ce maître du comique qu’il est aux yeux de tous6.
Deux duos, deux fins
5Parmi les personnages qui composent la troupe de ces « inconnus habituels », deux vont endosser des rôles éminents. Les derniers rescapés de la troupe, Peppe et Capannelle, finissent en effet par former explicitement un duo qui s’annonce tardivement dans le film. Le Pigeon est certes un film choral qui met en scène la constitution d’une troupe puis son délitement, mais il s’opère, au moment du cambriolage, une sorte de rapprochement entre Capannelle et Peppe, rapprochement que le scénario initial prévoyait, mais nullement d’une manière aussi appuyée. Ce duo s’affirme tardivement et résulte d’un glissement sous-jacent dans la genèse, modifiant un schéma actanciel qui structurait autrement le projet narratif au moment de son développement. On se souvient en effet que la toute première scène (le vol de voiture) présente un premier duo, formé de Cosimo et de son adjuvant Capannelle. La suite du récit laisse entrevoir la possibilité d’une prolongation de ce duo (c’est encore Capannelle qui est chargé de trouver le « pigeon »), jusqu’à ce que Peppe piège Cosimo. Dans le film, le personnage de Cosimo est désormais relégué au second plan. Mais dans le scénario, il reprenait à sa sortie de prison une vraie place d’opposant. Peppe et Cosimo étaient en réalité initialement bien plus individualisés et même dotés, l’un et l’autre, de faire-valoir en l’espèce d’un petit chien pour Cosimo et d’un jeune frère pour Peppe.
Le duo scénarisé
6Restituer dans l’ordre certains des épisodes disparus qui couplaient ou individuaient ces deux personnages permet de les percevoir autrement pensés dans la genèse : plus réciproques. L’arrivée de Peppe en prison donnait l’occasion de les confronter. Après les plans montrant l’ensemble des prisonniers en file indienne, une scène les montrait en venir aux mains non pas dans la cour mais dans les douches : l’occasion d’un effet burlesque puisqu’en plein corps à corps savonneux, le gardien annonçait l’interruption des jets d’eau (scène 17).¶
7Après la sortie de prison de Peppe, une scène « manque ». Peppe vient de sortir, triomphant, et après un salut au policier posté, s’en va. Mais avant d’arriver chez lui, où l’attendent Norma, la maîtresse de Cosimo (Rosanna Rory), et le reste de la bande, une scène devait le montrer en train de faire un détour par un salon de coiffure où travaille son petit frère, Righetto, âgé de « dix ou onze ans » (scène 24). Au cours de leur brève discussion, on apprenait que leurs père et mère sont tristes de ne pas voir Peppe plus souvent (ill. 53). La discussion finissait sur une note attendrissante d’entraide fraternelle (Peppe remettant un billet de 1 000 lires à son petit frère). Dans le scénario, la scène 24 est annoncée comme supprimée au montage. La réécriture du finale « obligeait » à la supprimer car elle présentait explicitement le personnage de Righetto, qui ne joue plus aucun rôle dans le film. Il est resté visible dans un plan vestigial7. Peppe déambule pour la première fois avec Nicoletta et s’adresse fugitivement à un petit garçon auquel il lance un salut (ill. 54).¶
53. Photographie de plateau, dans Alberto Pallota (dir.), I soliti ignoti, Rome, Un mondo a parte, 2002, p. 103.

54. Le Pigeon [I soliti ignoti], Mario Monicelli, 1958 © Studiocanal.

8Les scènes supprimées sont plus nombreuses à partir de la sortie de prison de Cosimo. La scène de sa sortie (scène 39) nous montre un Cosimo esseulé. Il y a là un petit chien qui attend patiemment son maître (ill. 55) et qui décide de suivre Cosimo à distance respectable. On le voit encore fugitivement dans quelques plans lors de la scène de la fête foraine (scène 40). La scène suivante est également indiquée comme « supprimée au montage ». On y retrouvait un Cosimo en pleurs dans une rue. Elle permettait d’insister sur la bonté de ce pauvre Cosimo qui, confronté à l’intervention d’un ramasseur de chiens errants (« accalappiacani »), évitait le chenil au chien. Le temps des pleurs passé, une scène (scène 43 / 52) montrait un Cosimo remonté et prêt à en découdre, préparant sa revanche dans sa chambre, récupérant une arme sous son matelas tout en continuant de maugréer, puis quittant la pièce après s’être adressé au chien : « La pâtée est dans la cuisine sous la table. Ciao ! » Après la scène de bal intervient l’épisode tragique de la mort de Cosimo (scène 48 / 57). Les scènes suivantes ne nous montraient pas seulement les retrouvailles de nos inconnus habituels, la mine attristée, mais également l’arrivée, dans la voiture du commissaire, d’un couple qui allait à la suite de Mario entrer dans la « chambre d’hôpital » (scène 50 / 59) où la jeune fille indiquait au commissaire : « Après cinq années, je devais le revoir. » Les trois personnages sortaient ensuite, laissant le petit chien seul devant la porte de l’hôpital, « stupéfait et triste, attendant son maître ».¶
55. Photographie de plateau, dans Alberto Pallota (dir.), I soliti ignoti, Rome, Un mondo a parte, 2002, p. 151.

9Cosimo était donc scénarisé comme un personnage non seulement plus important, mais aussi bien plus sympathique que ce qu’il apparaît dans le film achevé (réminiscence du Charlot de Une vie de chien ?). Il apparaissait également comme le véritable pendant d’un Peppe que l’on découvrait aussi plus intimement (familialement). La disparition de Cosimo, désormais anecdotique, laissait d’une manière plus évidente Peppe sans opposant. Elle ménageait un véritable vide actanciel – à la mesure de la réciprocité dramatique nouée entre les deux personnages – que la reconfiguration à venir d’un lien privilégié entre Peppe et l’ex-adjuvant de Cosimo venait alors combler de manière structurelle.
Le duo finalisé
10Capannelle endosse un rôle particulier dans ce film. Outre le duo qu’il forme d’emblée avec Cosimo, c’est donc lui qui amorce la constitution par agrégats successifs de la troupe de malfrats. Au début du film, nous découvrons seulement en bout de course le personnage de Peppe, qui apparaît d’emblée comme un personnage qui se rêve « à l’américaine8 » avant, dans la scène du commissariat puis dans les premiers plans dans la cour de la prison, de se révéler par ses mimiques, sa gestuelle, son phrasé et ses postures en personnage de commedia dell’arte voué aux coups de bâton. Monicelli le dit d’ailleurs très explicitement : Peppe est, selon son propre terme, un « fanfaron » − qu’il deviendra littéralement quelques années après dans Le Fanfaron (Il sorpasso, Dino Risi, 1963) −, c’est-à-dire un personnage-type que l’on trouve sur les planches sous les masques du Matamore, de Scaramouche ou encore, à Rome, de Rugantino. Par la suite, certes, son jeu se normalise, devenant plus réaliste dans l’action, mais l’effet du maquillage et du bégaiement continue d’affecter sa physionomie d’un coefficient comique indéniable. Le personnage de Capannelle quant à lui ne nécessite pas d’en passer par le maquillage ni l’artifice tant sa physionomie et son allure générale font de lui une caricature vivante. Mais le personnage est tout de même accentué dans sa dimension carnavalesque, accoutré d’une invraisemblable tenue d’équitation. Peppe soulignera cette invraisemblance lorsque sur la terrasse il annoncera que le coup se fera sans Capannelle à cause de son « uniforme de cambrioleur ».¶
11Ces deux personnages ont donc déjà noué un lien particulier dès cette scène sur la terrasse, mais le duo constitué de Peppe et Capannelle ne prend malgré tout forme que tardivement et à partir du moment où, lors du cambriolage, Peppe prend Capannelle littéralement en charge. Ils ne se quitteront plus. Capannelle emboîte le pas de Peppe, qui ensuite le poussera, le portera, le bâillonnera si besoin ou encore lui demandera d’aller chercher de l’eau (dans le scénario, c’est Ferribotte qui a soif : scène 74 / 83, § 384). Le duo est définitivement formé dans les toutes dernières scènes du film, lorsque, après ce coup raté, le groupe se désagrège au petit matin.
Deux fins
12Alors que Peppe et Capannelle viennent de laisser Ferribotte à l’arrêt du tramway, nous les retrouvons errant dans un paysage de borgata (immeubles collectifs récents, palissades et friches). Capannelle, dont les habits en lambeaux et pleins de suie ajoutent à l’allure grotesque, demande à Peppe ce qu’il compte faire. Celui-ci lui répond qu’il ne veut plus que Nicoletta travaille. Cette scène va alors prendre un tour comique qui semble à nouveau tout devoir au burlesque à l’américaine. Alors que débouchent au coin de la rue deux policiers à vélo, nos personnages se taisent immédiatement, affectant une dignité surjouée (ill. 56). Cela semble marcher jusqu’à ce que le gros réveil, glissé par Capannelle dans sa poche durant la scène de la cuisine, se mette à sonner de manière tonitruante, attirant évidemment l’attention des madame, et rappelant furieusement au passage les mésaventures amusées du Harpo de La Soupe aux canards (Duck Soup, Leo McCarey, 1933). Nos personnages se défilent alors au coin de la rue selon une scénographie chaplinienne en L (ill. 57). Les policiers font demi-tour pour rattraper les malfrats, mais, dans le plan suivant, ces derniers se sont cachés au sein d’une foule d’hommes qui attendent devant une palissade. Lorsque Peppe s’entend dire qu’il s’est caché parmi des journaliers attendant l’embauche, il exhorte immédiatement Capannelle à s’extirper de cette situation. Malheureusement, au même moment, la porte s’ouvre et nos deux personnages se font emporter par la foule. Alors que la palissade s’est refermée, deux travailleurs la rouvrent immédiatement pour jeter Capannelle à l’extérieur de l’enceinte. Celui-ci s’énerve alors tout seul : « Regardez-moi ça ! Je me suis retrouvé au milieu des travailleurs ! » Puis, alors que la caméra prend de la hauteur pour signifier le moment de la conclusion du film en un dernier plan d’ensemble, Capannelle hèle Peppe en lui demandant où diable il va ainsi. Ce dernier lui répond : « Qu’est-ce que je peux faire ? » et rejoint le groupe, au grand dam de Capannelle qui se lamente : « Ils vont te faire travailler ! »¶
56. Le Pigeon [I soliti ignoti], Mario Monicelli, 1958 © Studiocanal.

57. Le Pigeon [I soliti ignoti], Mario Monicelli, 1958 © Studiocanal.

13Monicelli a régulièrement indiqué que cette fin résulte d’une décision tardive et a été réécrite au moment du tournage. Il a donné quelques bribes d’information lors d’entretiens à propos de celle prévue initialement. Il se trouve qu’elle figure intégralement dans les deux scénarios publiés. Elle impliquait l’existence de ce personnage attendrissant, le petit frère de Peppe, nommé Righetto. Voici ce que Mario Monicelli en disait à Sebastiano Mondadori :
Gassman l’a rencontré avec son père à l’aube, après avoir mangé des pâtes et des pois chiches. Righetto lui demande ce qu’il fait encore là à cette heure. Gassman ment et dit qu’il vient de quitter sa maison pour aller travailler. Pendant ce temps, au loin, Capannelle ramasse une cigarette et s’éloigne. C’était une fin dont je n’étais pas convaincu. J’ai arrêté le travail et j’ai convoqué une réunion pour trouver une solution plus incisive : Gassman qui se retrouve à travailler contre son gré et Capannelle qui s’éloigne on ne sait où. Sans trop d’ingérence moralisante. En réalité, c’est une fin dont tout le monde se souvient9.
14Dans la fin prévue initialement (réécrite à partir du contrechamp qui « focalise », à travers le mur de la cuisine, sur un Capannelle abasourdi, voir ill. 13), les personnages, très vite, se rendent à l’évidence : « C’est donc ainsi que ça se termine », déclare Ferribotte. Avant même d’entrer dans la cuisine, les jeux sont faits. Si bien que, lorsqu’ils y entrent, ils se laissent très vite convaincre de goûter au plat de pâtes et pois chiches (pasta e ceci) que Capannelle dépose sur la table et que Tiberio pense en premier lieu être un plat de pâtes et haricots (pasta e fagioli) – peut-être parce que Capannelle lui rappelle à ce moment-là le « Mangeur de haricots » (Mangiafagioli) du Bolonais Annibale Carraci (ill. 58) ou celui de Vincenzo Campi10. Pendant que Capannelle, aidé de Tiberio, ouvre le « frigo », commence à fouiner et trouve un œuf, qu’il gobera (ill. 59), « les autres mangent » et commentent. « À ce moment, on entend distinctement le chant du coq. Tous tremblent et leurs yeux courent (corrono) vers le magnifique réveil qui se trouve sur le buffet. » Peppe annonce qu’il est tard et ils décident de quitter les lieux sans rien voler afin de limiter les dégâts (sauf Capannelle qui, au dernier moment, récupère le réveil). Avant l’escapade, Ferribotte avait d’ailleurs dit à voix basse que « voler est un travail sérieux ».¶
58. Mangiafagioli, Annibale Caracci, 1580, galerie d’Art moderne et contemporain (Rome).

59. Photographie de plateau, dans « Galerie photographique », supplément au Blu-ray I soliti ignoti, prod. Cristaldifilm, éd. CG Home video SRL, 2014 (à 00:26).

15La scène suivante (scène 75 / 84) les voyait ressortir au petit jour par où ils étaient arrivés (« un réveil sonne quelque part au loin »). Après s’être extirpés du soupirail qui donne (dans la diégèse) sur la via del Fieno, « ils courent comme des chats ». On devait les retrouver ensuite marchant le long des quais du Tibre (scène 76 / 85, « Lungotevere »), peut-être en direction du Testaccio. Un tramway arrivait, emprunté par Tiberio. Bientôt Ferribotte, se sentant mal, laissait partir Capannelle, qui continuait tout droit, et Peppe, qui traversait la route. Alors que Peppe bifurquait au coin d’une rue (qui débouche réellement sur le Lungotevere, en face du pont Sisto), la via dei Pettinari (scène 77 / 86), il tombait sur son frère et son père (qui restait indifférent au salut de son fils aîné). Righetto le questionnait : « Tu rentres à cette heure ? » et Peppe répondait avant de s’en aller, encore « perplexe à l’idée de ce qu’il vient de dire » : « Comment ça je rentre ? Je sors là... Je vais travailler. » Au même moment, Capannelle, qui s’était arrêté pour regarder la scène, se remettait en chemin et, apercevant deux madame à vélo, rentrait la tête pour passer inaperçu.
Mais juste au moment où Capannelle les croise, sans aucune équivoque, la sonnerie du réveil caché sous sa veste :
SONNERIE DU RÉVEIL
Les deux policiers, étonnés, regardent Capannelle, qui se force à continuer de marcher, comme si de rien n’était, tout ratatiné11...
16Le film devait donc s’achever sur l’image de Capannelle s’éloignant (tel Charlot ?).
Morale de l’histoire
Travailler ou ne pas travailler ?
17Le fait que l’écriture de cette fin a donné lieu à un repentir dit quelque chose de la précision de l’intention finale qui s’y manifeste. Et cette intention est morale (même s’il s’agissait d’éviter l’« ingérence moralisante12 »). Elle concerne – on peut en être sûr – le devenir de nos personnages, et en particulier celui des emblématiques Peppe et Capannelle. Avec l’ajout de cet insert qui clôt le film sur un article de journal, ils sont clairement catégorisés comme des petits voleurs à la manque. En termes sociologiques, ils sont immédiatement assignables à la catégorie du sous-prolétariat. Le sous-prolétariat, ou plutôt le lumpenprolétariat, le « prolétariat en haillons » – dont Monicelli, très consciemment, fait une peinture attendrie – est une catégorie que l’on peut dire négative en ce qu’elle se définit par opposition à celle du prolétariat. Elle regroupe un ensemble a priori disparate d’individus et aussi bien les parias et mendiants que les voleurs et voyous, tous rassemblés par ce seul trait commun d’être des « déclassés », voire des inclassables.¶
18Or cette fin, réécrite et sans doute ainsi mieux formalisée, augure de devenirs différents pour nos personnages (devenirs dont Hold-up à la milanaise proposera ensuite la réinterprétation). Elle annonce leur destin social, au prisme notamment du rapport au travail. Le travail est pour nos personnages devenu un vrai sujet avec cette nouvelle fin, qui amplifie beaucoup le thème. On se rappelle que le sujet est abordé dans la cuisine de l’appartement lorsque Tiberio, découragé, fait ce constat terrible : « Voler, c’est un métier de gens sérieux. Vous êtes tout juste bons à travailler. » Et, s’adressant à Peppe : « Tu es assez costaud ! La pelle et la pioche, c’est ton genre. » Ce même Tiberio, constatant la difficulté de Capannelle à ouvrir le « frigo », se moque alors de ce piètre voleur. Incapable d’ouvrir un réfrigérateur, comment pourrait-il percer un coffre-fort ?¶
19Travailler ou ne pas travailler ? Telle est la question désormais clairement affichée, même si la première écriture l’esquissait déjà dans la phrase lâchée à voix basse par Ferribotte à ce sujet et, en écho, dans la réponse indécise de Peppe à Righetto. Et dans la perspective de nos personnages, choisir de travailler, c’est abandonner cette vie de maraude. Le premier à « quitter le navire » est Mario qui, pour les beaux yeux de la douce sœur de Ferribotte (et par respect pour « sa » mère), décide de rallier le camp des travailleurs et trouve un emploi dans un cinéma (où, des affiches nous l’indiquent, on joue un film de Vittorio Gassman, coscénarisé par Suso Cecchi D’Amico, Kean – Kean. Genio e sregolatezza en italien –, sorti en 1957, et une comédie écrite par Age-Scarpelli, L’eroe sono io, de 1952). Ferribotte le félicitera de cette décision qui, à ses yeux, en fait un être digne de confiance. Après le coup manqué, le second à abandonner le groupe est Tiberio, qui attrape le premier tramway pour aller chercher son enfant en clamant qu’il ne souhaite plus voir ses compagnons d’infortune (il ne fera d’ailleurs pas partie de la distribution de Hold-up à la milanaise). On peut imaginer alors, à la suite des propos qu’il a tenus dans la cuisine, qu’il a décidé d’abandonner la « carrière » de voleur et qu’il lui faudra revenir à son métier de photographe pour nourrir son enfant. Puis, alors que Peppe et Capannelle commencent à s’éloigner, le second se retourne vers Ferribotte, interdit et assis (il attend le tramway nº 31). Tiberio et Ferribotte abandonnent le groupe pour un destin social vraisemblablement déterminé par le statut de (bon) père (de famille) du premier et par les valeurs morales dont se réclame le second. Restent Peppe et Capannelle donc...¶
20Le premier, comme je l’ai rappelé, se laisse emporter par le flot des journaliers. Il fait mine de le regretter, mais accepte bien vite son sort, un sort qu’il avait déjà implicitement accepté en déclarant qu’il ne souhaitait plus que Nicoletta travaille (dans la fin initiale, Peppe et Capannelle ne discutaient pas entre eux et se quittaient bien vite). La suite du Pigeon confirmera son intégration sociale au corps des prolétaires. Au début de Hold-up à la milanaise, on retrouve Peppe exactement dans la même situation, dont il semble s’être parfaitement accommodé, et à l’heure où il débauche. C’est cette résignation de Peppe (et des autres « inconnus habituels ») à intégrer le corps social qui, sans doute, a orienté l’interprétation morale d’Enrico Giacovelli, comme celle de Jean Gili. Le premier considère Le Pigeon comme un film relevant des « comédies de l’intégration13 ». Le second écrit : « Le lendemain, tandis que certains membres du groupe iront affronter des problèmes jamais résolus, d’autres se résoudront à aller chercher du travail – tentative à la fois optimiste et désespérée de se réinsérer dans le corps social14. » Pourtant, si Peppe semble avoir accepté la mort dans l’âme son devenir de prolétaire, il n’en est pas de même pour Capannelle.
L’éthique de Capannelle
21De tous nos personnages, Peppe et Capannelle sont les plus construits figurativement. Gassman, on l’a souligné, a pour les besoins du rôle été maquillé. Il s’agissait de le rendre plus « peuple » afin de satisfaire les desiderata de Cristaldi (nous dit Monicelli), mais aussi sans doute de réduire l’écart figuratif avec cet emploi de fanfaron aux ascendances théâtrales qu’il lui faut jouer et qui deviendra le type même du héros de ce nouveau genre de comédie15. Il est une scène qui affiche clairement l’ascendance : celle où, affublé d’un masque, il prend temporairement l’apparence explicite d’un personnage bouffon (ill. 60). Pour autant – Hold-up à la milanaise le confirmera dans ses scènes d’exposition –, son type est également du côté d’un burlesque à l’américaine.¶
60. Le Pigeon [I soliti ignoti], Mario Monicelli, 1958 © Studiocanal.

22Contrairement à Peppe, Capannelle, dont l’habitat indique plus clairement la situation d’exclusion, s’accroche jusqu’au bout à son (non-)statut social de sous-prolétaire. Les travailleurs du chantier ne s’y trompent pas, qui le balancent sans ménagement. Serait-ce à cause de son ascendance napolitaine (et malgré son accent bolonais) que l’on traite Capannelle comme un lazzarone ? Ou serait-ce parce que son (manque d’)allure et sa physionomie ne laissent aucune place au doute. Et pourtant – se défend-il –, son allure est « sportive ». Il ne voit pas lui-même combien cette tenue d’équitation ne trompe personne et le fait ressembler autant à quelque zanni de commedia dell’arte tel que Jacques Callot les caricaturait jadis (ill. 61 et 62) qu’à Harpo Marx (ill. 63 et 64). Aldo Viganò écrit dans un ouvrage publié en 1995 :
Ce n’est certainement pas un hasard si, à l’arrivée, celui qui restera définitivement seul, alors que les autres amis sont plus ou moins volontairement absorbés par la normalisation éthico-sociale, est précisément Capannelle : c’est le seul personnage qui possède encore les connotations explicites d’un masque de commedia dell’arte16.
61. Photographie de plateau, dans Alberto Pallota (dir.), I soliti ignoti, Rome, Un mondo a parte, 2002, p. 257.

62. « Pulcinella jouant de la guitare » (ou « Le comédien jouant de la guitare »), estampe nº 20, dans Jacques Callot, Les Gobbi, vers 1622.

63. Le Pigeon [I soliti ignoti], Mario Monicelli, 1958 © Studiocanal.

64. La Soupe aux canards [Duck Soup], Leo McCarey, 1933 © Universal.

23En réalité, son apparence et son comportement renvoient à une tradition carnavalesque bien plus longue encore et qui remonte au Moyen Âge. Vieilli, difforme, ridicule dans son accoutrement et glouton : voilà bien les caractéristiques du corps grotesque, à l’exact opposé de celles du corps classique. L’« esthétique » de Capannelle (préfiguré par cet autre mangiatore qu’est le Petit-Jésus d’Italo Calvino) fait de lui, irrémédiablement, le descendant de toute une population grotesque et, théâtralement, un parasite.¶
24Mais, au-delà de son esthétique, et dans cette dernière parole qu’il adresse désespérément à qui voudra l’entendre, Capannelle se révèle soudainement animé d’une éthique qui, immédiatement, le distingue de ses compagnons d’infortune. Si nos autres personnages se rangent sans grande résistance à une morale sociale dont ils acceptent les règles (être père pour Tiberio, prendre femme pour Mario, travailler pour Peppe), Capannelle est le seul à affirmer une éthique qui l’empêche de s’intégrer au corps social.
Qu’est-ce qui explique qu’une partie de la plèbe urbaine tombe ainsi dans le lumpenprolétariat sans espoir de rallier jamais le prolétariat, alors que d’autres éléments également urbains [les domestiques ou les artisans compagnons par exemple] s’inscrivent dans un devenir prolétaire possible ? On peut faire l’hypothèse que ce n’est pas tant sa place au plus bas degré de la stratification sociale, le paupérisme, qui explique cette absence de qualité que son impossibilité à trouver en soi les ressources pour s’organiser et lutter avec la conscience du but et des moyens. Les vagabonds et les mendiants acquièrent un ethos qui empêche toute transformation et les condamne à une vie parasitaire, voire criminelle17.
25S’il est un personnage parmi ceux du Pigeon qui relève – viscéralement, semble-t-il – de cette non-catégorie sociale, c’est bien Capannelle. De tous, il est le plus misérable, le plus dépenaillé, le plus indigent, le plus affamé ; celui qui dès la première scène nous est présenté comme un larron incapable, pas même fichu de faire le guet correctement. À ce compte-là, il endossait déjà un statut de « porte-drapeau » ou de « figure de proue » pour notre équipage. Pourtant, et plus subtilement, Monicelli, avec cette nouvelle fin, affranchit Capannelle autant qu’il assujettit Peppe. Lorsqu’il évite même de le montrer en train de prendre la fuite, il laisse Capannelle à une errance autrement radicale. Ne l’obligeant à rien et pas même à quelque mouvement d’esquive auquel semblait le prédestiner à la fois son type social et son type théâtral, il libère ce « personnage de son cinéma18 ».¶
26Bien sûr, l’éthique qu’affirme Capannelle lorsqu’il refuse ostensiblement l’intégration sociale peut sembler empruntée à son milieu d’origine, mais ce serait oublier le « constructivisme » d’un personnage irréductible à l’univocité d’un type. Or, tout comme la commedia dell’arte fait droit au type antique du « parasite », tout comme le lumpenprolétariat est composé pêle-mêle de mendiants, de voleurs et d’indigents dont le trait commun est un destin parasitaire – ce en quoi ils constituent une menace pour l’ordre social –, les figures originaires proliférant aux murs et aux plafonds des intérieurs de la Renaissance menacent eux aussi un ordre, l’ordre esthétique. Claude-Henri Watelet, en 1792, affirmant la solidarité entre hiérarchies esthétique, sociale et morale, alertait sur cette manie contemporaine de décorer de « grottesques » les « endroits les plus graves19 » tels les salons des prélats, des magistrats, des princes même ou encore les bibliothèques : « [Les ornements grottesques] devraient en être exclus ; ils pourraient seulement être employés pour les bains, les cabinets de plaisirs et tous les petits cafins qui entourent nos grandes villes20. » Des siècles plus tard, Elisheva Rosen rappelle cette crainte des contaminations :
Voué aux marges, voilà que l’ornement menace d’empiéter sur le centre, de porter atteinte à un ordre qui est aussi celui du sens et du pouvoir. Sans doute, les cas sont assez rares qui actualisent ce renversement. Ainsi dans le domaine de la peinture, on pourrait certes évoquer quelques exemples attestant que le motif ornemental devient la matière même du tableau, mais il ne s’agit jamais que d’exceptions. En fait, c’est surtout parce qu’il est perçu comme potentiel que cet effet, interprété par certains comme une véritable menace, préoccupe les esprits21.
27C’est sans doute parce que cet ornement de figures inconvenantes, voire monstrueuses, menaçait d’envahir, outre les « endroits les plus graves », jusqu’au « champ mimétique » du bel art que la solution un temps trouvée pour constituer négativement la théorie de cet « ornement sans nom » fut de le renvoyer au royaume des songes.
Rejetés par la tradition, ils ne peuvent pour autant trouver refuge dans l’histoire. Une solution s’impose alors qui satisfait l’entendement : les grotesques finalement ne sauraient qu’appartenir aux royaumes de l’ombre, à la nuit et aux rêves ; on les appellera sogni dei pittori, les songes des peintres22.¶
28Lorsqu’il est affilié non plus seulement à un type théâtral et à cette part anomique, vagabonde, des sociétés, mais encore à ces figures des songes, Capannelle personnifie l’insubordination. Et peut-être est-ce à cause de cet excès même de détermination qui l’assignait à une série de types – social (le « sous-prolétaire »), figuratif (le « corps grotesque »), actanciel (l’« adjuvant ») et théâtral (le « parasite ») – que « petites cabanes » sera in fine converti en une libre « figure esthétique » qui confine au « personnage conceptuel23 ». En refusant toute normalisation sociale, contrairement à ses compères, en échappant aussi bien à quelque assignation iconographique précise, Capannelle – ce sans classe, ce sans nom – se marginalise. En tant qu’il s’assimile alors à une figura grottesca, il manifeste non seulement une esthétique mais, profondément, une éthique grotesque. Tout comme les inclassables sous-prolétaires et les innommables grotesques, l’« inconnu » restera ignoré.
Notes de bas de page
1 Un choix finalement justifié par Monicelli lui-même avec cet argument : « De Sica n’était pas un sous-prolétaire, il ne l’avait pas dans le sang ; Totò oui, même s’il se considérait comme un prince. » Mario Monicelli, cité dans Marco Vincenzo Valerio, La fortuna critica italiana de « I soliti ignoti », mémoire de laurea magistrale, Milan, Université de Milan, 2010, p. 25.
2 Selon la formule d’Alessandra Fagioli, citée par ibid., p. 21.
3 Régulièrement confronté à l’obligation de recruter dans les petits théâtres et dans la rue, Monicelli savait en tirer parti « C’est à cette école-là – chercher, trouver le visage qu’il faut – qu’on dit souvent que je suis de ceux qui prennent les acteurs et les transforment. » Voir Lorenzo Codelli, « Entretien avec Mario Monicelli », Positif, nº 185, septembre 1976, p. 23.
4 Mario Monicelli, « Il film girato », dans Alberto Pallota (dir.), I soliti ignoti, op cit., p. 284.
5 Stefano Della Casa, Mario Monicelli, Florence, La Nuova Italia, 1986, cité dans Marco Vincenzo Valerio, La fortuna critica italiana de « I soliti ignoti », op cit., p. 20.
6 Il est notable que le choix pour ce rôle prescrit d’alter ego (dans Du rififi..., c’est le réalisateur Jules Dassin qui le joue) – un emploi d’expert donc, mais dans Le Pigeon aussi de formateur – se soit initialement porté sur Vittorio De Sica Ce dernier est certes avant tout le réalisateur du matriciel Voleur de bicyclette mais aussi un acteur qui a peu de temps auparavant campé un précepteur comique dans l’inénarrable Les Week-ends de Néron réalisé par un vieux complice de Monicelli (Mio figlio Nerone, Steno, 1956) en la personne d’un Sénèque ayant fort à faire avec Néron (Alberto Sordi), Poppée (Brigitte Bardot) et surtout Agrippine (Gloria Swanson).
7 Il produit un « effet Clementis », comme le nomme Daniel Ferrer : « Mémoires du contexte : l’effet Clementis (ou coup du chapeau) », dans Logiques du brouillon : modèles pour une critique génétique, Paris, Éditions du Seuil, « Poétique », 2011, p. 109-113.
8 Il se prend pour un boxeur virtuose, mais un K.-O ridicule l’étalera d’emblée sur le ring Dans le dos de son peignoir, le mot « Virtus » s’affichait pourtant Le mot latin dit la valeur physique et morale de l’homme, mais lorsqu’il dit que « la boxe a besoin de [lui] », on voit le mot se refléter dans un miroir, et littéralement s’inverser (merci à Jean-Philippe Trias, qui me l’a signalé) Plusieurs mentions dans le scénario attestent de cette préfiguration « à l’américaine » du personnage.
9 Voir Sebastiano Mondadori, La commedia umana: conversazioni con Mario Monicelli, Milan, Il Saggiatore, 2005, propos cités par Marco Vincenzo Valerio, La fortuna critica italiana de « I soliti ignoti », op cit., p. 45, note 124 Je souligne.
10 D’après Xavier Vert, ce tableau perdu pouvait faire pendant au « mangeur de ricotta » (Il mangiaricotta) du même Vincenzo Campi, que Pasolini évoquerait dans La Ricotta lorsqu’il fait mourir le personnage de Stracci d’en avoir trop mangé Dans Le Pigeon, la réécriture du finale rend la convocation iconographique plus qu’implicite (si tant est qu’elle soit initialement volontaire), mais Capannelle condense – allusivement donc – ces deux « mangeurs » lorsqu’il se bâfre non seulement de ceci (et non de fagioli), mais qu’il s’extasie de trouver de la glace (et non de la ricotta) Sur la convocation des tableaux de Campi dans La Ricotta, voir Xavier Vert, « III Politique du figurant », dans « La Ricotta » : Pier Paolo Pasolini, Lyon, Aléas cinéma, « Le vif du sujet », 2011, p. 63-83.
11 Voir scène 77 / 83, § 400 Le lieu choisi pour le tournage de la première fin n’était déjà plus le Lungotevere, si l’on en juge par les illustrations qui nous montrent un Capannelle dont les vêtements ne portent aucune trace de l’explosion marchant dans le même environnement que dans le film achevé (voir ill. 61).
12 La discrétion de la morale du film a été soulignée par certains critiques contemporains : « [I]l parvient même à faire passer presque inaperçu le moralisme inévitable qui conclut les événements singuliers des “inconnus habituels”. » Valentino De Carlo cité dans Marco Vincenzo Valerio, La fortuna critica italiana de « I soliti ignoti », op cit., p. 100.
13 Et même, plus précisément, de « l’intégration induite » Voir Enrico Giacovelli, « Individu contre société : les lieux de la comédie », dans Il était une fois la comédie à l’italienne, Rome, Gremese, 2017, p. 339-356.
14 Jean Gili, Le Cinéma italien, Paris, La Martinière, 2011, p. 157.
15 « [L]e héros de la comédie à l’italienne est un personnage domestiqué quand il se pense rebelle et indépendant. » Maurizio Grande, cité dans Jean-Claude Bousquet, « La tragédie de l’homme ridicule dans la comédie néo-réaliste », Italies, nº 4, 2000, p. 9, en ligne : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/italies/2316 (déc. 2021).
16 Aldo Viganò, La commedia italiana in cento film, Gênes, Le Mani, 1995, cité dans Marco Vincenzo Valerio, La fortuna critica italiana de « I soliti ignoti », op cit., p. 160.
17 Jean-Claude Bourdin, « Marx et le lumpenprolétariat », Actuel Marx, vol. 2, nº 54, 2013, p. 40, en ligne : www.cairn.info/revue-actuel-marx-2013-2-page-39.htm (déc. 2021).
18 « Les idiots, les pauvres, les bons à rien, les oisifs, les vagabonds, les lazzaroni, les larrons Ce sont les personnages de mon cinéma. » Mario Monicelli cité dans Marco Vincenzo Valerio, La fortuna critica italiana de « I soliti ignoti », op cit., p. 41.
19 Claude-Henri Watelet, « Grottesque », dans Encyclopédie : beaux-arts, 1792, vol. 1, p. 400 L’orthographe a été modernisée.
20 Ibid p. 401 Les « cafins » (selon l’orthographe de l’époque) évoqués par Watelet sont décrits par Jérôme de La Lande comme des sortes de garçonnières Voir Jérôme de La Lande, Voyage en Italie, Genève, 1790, vol. 7, p. 31.
21 Elisheva Rosen, Sur le grotesque : l’ancien et le nouveau dans la réflexion esthétique, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, « L’imaginaire du texte », 1991, p. 20.
22 Ibid., p. 14.
23 Gilles Deleuze et Félix Guattari n’envisageaient-ils pas que « les deux entités passent souvent l’une dans l’autre, dans un devenir qui les emporte toutes deux, dans une intensité qui les co-détermine » ? Serge Cardinal synthétise les deux entités dans l’appellation de « personnage esthétique » pour qualifier ces personnages portés « à leur énième puissance » Voir Gilles Deleuze & Félix Guattari, « 3 Les personnages conceptuels », dans Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Éditions de Minuit, « Critique », 1991, p. 64 ; et Serge Cardinal, « Fabulation de l’image », dans Deleuze au cinéma : une introduction à l’empirisme supérieur de l’image-temps, Laval (Québec), Presses universitaires de Laval, 2010, p. 201-231.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Dictionnaire d'iconologie filmique
Emmanuelle André, Jean-Michel Durafour et Luc Vancheri (dir.)
2022