Présentation
p. 23-24
Texte intégral
1Les quatre contributions qui suivent interrogent directement les relations entre les choix esthétiques opérés par Wittig et leur efficace politique – du point de vue tant de ce que les textes permettent de penser que de ce qu’ils effectuent par eux-mêmes et de leur action sur leurs lecteurs. La formule « Choix esthétiques et modalités d’action » nous amène en effet à nous interroger sur les actions – politiques notamment – que rendent possibles les choix esthétiques. Mais elle nous invite aussi à envisager ces choix comme des actes, engageant notamment un rapport à des modes de signification, à des régimes symboliques, à la matérialité des signes qui nous façonnent. C’est bien ainsi que sont ici abordés les faits stylistiques, les postures et les positionnements esthétiques de Wittig, et notamment le travail, souligné dans les quatre interventions, d’hybridation des genres, de mélange des registres et des tonalités.
2Interroger la portée des gestes esthétiques et politiques de l’œuvre suppose de revenir sur le dialogue complexe entre Wittig et la pensée de Butler. C’est un autre point commun aux quatre études que de reprendre, à des titres divers, les linéaments de ce dialogue, de souligner les convergences, les malentendus et les différends dont il est tissé.
3À partir notamment de l’exemple de Virgile, non et de la relation de ce texte à La Divine Comédie de Dante, Anne F. Garréta souligne les stratégies mises en place par Wittig pour échapper à « l’ordre symbolique » ainsi qu’aux lectures allégorisantes. Les interprétations proposées par Butler relèvent pour Anne F. Garréta de telles lectures, alors même que l’œuvre requiert au contraire – et contribue à rendre possible – une lecture de type figural.
4Le rapport aux codes symboliques et aux modes de signification est également au cœur de la réflexion de Noura Wedell, qui tire néanmoins de son étude des conclusions sensiblement différentes : il s’agit, à travers un « portrait différentiel » de Wittig, de confronter ses textes à d’autres propositions formelles et à d’autres postures esthétiques qui lui sont contemporaines et géographiquement proches, sans qu’elle s’en réclame nécessairement. Noura Wedell montre ainsi comment l’œuvre donne « accès à la signifiance dans le langage et dans le corps » à des formes initialement privées de cet accès ; mais l’étude souligne également l’attachement de l’œuvre à des processus de signification ainsi qu’à l’institution de la littérature, et les risques que comporte cette allégeance à de tels codes symboliques.
5Natacha Chetcuti revient elle aussi sur les relations entre le symbolique et la corporéité, telles quʼelles sont échafaudées chez Wittig et chez Butler. La lecture parallèle du Corps lesbien et d’un des chapitres de Ces corps qui comptent consacré au « phallus lesbien » montre qu’un effort comparable de réélaboration de ce que l’on appelle communément un « corps » anime ces deux textes, et qu’un dialogue – critique voire polémique – se poursuit entre Butler et Wittig au-delà de Trouble dans le genre, au-delà également des partitions entre textes littéraires et textes théoriques. Prolongeant son enquête sur les stratégies énonciatives et discursives de ce qu’elle appelle le « dé-marquage », Dominique Bourque met elle aussi au jour une continuité entre les textes de fiction, y compris les moins connus, et les essais : les stratégies d’écriture – dialogisation, contournement du féminin ou au contraire emploi du féminin dans des usages « universalisants », etc. – dépassent en effet les partitions entre genres du discours. Et c’est tout l’enjeu, et le pari, du travail de Wittig que de postuler cette possible continuité entre les stratégies élaborées dans l’espace littéraire et l’usage qui peut en être fait dans l’espace des échanges et des conflits.
Auteur
Maître de conférences à l’Université Jean Moulin Lyon 3 en littérature du xxe siècle et membre du groupe Marge, composante de l’équipe de recherche CEDFL. Sa thèse porte sur la relation des textes à leurs lecteurs et sur la déstabilisation des genres littéraires chez Francis Ponge et Nathalie Sarraute. Il est responsable du Centre de recherche sur Francis Ponge (ENS de Lyon). Il a participé à l’édition du Chantier littéraire de Monique Wittig (PUL/Éditions iXe, 2010). Ses travaux portent plus généralement sur les relations entre littérature et politique.
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2022