Quand la vedette joue les héros : postures et impostures de café-concert
p. 231-244
Texte intégral
1En 1820, paraît clandestinement Le Vieux Drapeau de Pierre-Jean de Béranger, qui accuse la Restauration de ternir « les nobles couleurs » de l’emblème français. Cinquante ans plus tard, Rosa Bordas défend Les Trois Couleurs au Grand Concert parisien, accompagnant de ses accents patriotiques la chute du Second Empire et l’avènement de la IIIe République. Si les deux artistes soutiennent les mêmes valeurs et s’arment des mêmes symboles, leurs conditions d’expression ne sont guère comparables. À une diffusion écrite et une appropriation orale – on chante les œuvres de Béranger « au village et à la ville, dans les réunions de famille les plus modestes et dans les assemblées nombreuses1 » – se substitue en effet une institutionnalisation grandissante de la chanson, progressivement encadrée par une structure qui lui est désormais consacrée, le café-concert2. Les refrains prennent alors corps grâce à leur interprète, qui leur assure visibilité et résonance. Immédiatement reconnaissable, le chanteur de café-concert, de plus en plus familier pour les spectateurs qui l’assimilent aux textes qu’il exécute, semble ainsi à même d’incarner les valeurs dont il se fait l’écho. Supports allégoriques, la voix vibrante et le costume patriotique d’une Rosa Bordas, qui entre en scène enveloppée du drapeau français, donnent à l’artiste l’étoffe d’une héroïne nationale, tout à la fois guide et métaphore de la patrie.
2Cependant, en délimitant un espace précisément localisé pour la chanson, placée sous la tutelle exclusive de l’interprète, le café-concert transforme ce qui était une pratique culturelle commune et partagée en un spectacle réglé. Distinguant nettement le chanteur de son public, dont il oriente les regards, il contribue au développement du vedettariat, dont l’avènement, dans la seconde moitié du xixe siècle, coïncide avec celui du café-concert. L’étoile – c’est ainsi qu’est fréquemment désigné l’interprète applaudi au café-concert – suscite auprès du public une ferveur inédite dont la dimension héroïque et le réinvestissement politique demeurent néanmoins sujets à caution. En effet, les spectateurs semblent moins fascinés par le contenu idéologique des couplets qu’ils entendent que par la silhouette séductrice de l’artiste. Le corps de la vedette et l’image travaillée qu’elle renvoie au public par le biais de l’affiche publicitaire, instrument et relais de sa renommée, paraissent admirés pour eux-mêmes, sans guère entraîner de dépassement symbolique. Malgré son pouvoir fédérateur comparable à l’aura du héros, véritable « homme-nation3 », l’artiste de café-concert s’éloigne d’une posture héroïque dont il adopte les traits sans en prolonger l’engagement. Ce statut ambivalent qui fait de l’interprète au café-concert un avatar problématique et critique de la figure du héros, fabriqué par un système médiatique et publicitaire alors en plein essor, est à interroger.
HÉROS EN TÊTE D’AFFICHE
3La figure de l’interprète de café-concert s’impose à partir du Second Empire comme une vedette, dont le pouvoir fédérateur engendre des représentations héroïques4. L’enthousiasme bruyant des spectateurs à son égard, pointé par les commentateurs bienveillants comme les témoins plus hostiles, révèle la fascination qu’elle suscite. À l’Eldorado, les Goncourt, consternés, observent ainsi qu’un chanteur comique, au moyen « de cris de basse-cour en chaleur » et « d’une gesticulation épileptique », parvient à séduire une salle « enthousiasmée, délirante5 ». Moins critique, Laurent Tailhade mesure la gloire de la chanteuse Thérésa6 au magnétisme qu’elle exerce dès son entrée en scène, figurée comme une épiphanie :
Quand elle apparut, avec son masque de louve, sa taille maigre et déhanchée, ses bras trop courts, ses belles mains qu’elle ne ganta plus depuis un certain soir où l’empereur en avait fait l’éloge, avec sa voix qui mordait, riche en inflexions, Thérésa prit immédiatement sur la foule une autorité qui n’appartient qu’aux rois de la scène, aux artistes souverains. […] Un geste, une modulation imprévue, un cri, un soupir ? Il n’en fallait pas davantage à cette Melpomène d’estaminet pour incendier les cœurs ou susciter le rire formidable que la Grèce prête aux Immortels7.
4L’écriture, par des effets d’attente et des images hyperboliques, mime ici, pour un lecteur envoûté à son tour, la séduction qu’opère la seule présence scénique de la chanteuse auréolée de succès. Les discours qu’inspirent les vedettes de café-concert, parce qu’ils relaient la ferveur des spectateurs, participent donc du rayonnement de leur objet, qu’ils contribuent à construire. Bien avant les stars hollywoodiennes, ce sont les étoiles de la Scala ou des Ambassadeurs qu’ils intronisent, la métaphore stellaire exprimant bien cette célébration appuyée. La revue La Lune consacre ainsi dès 1865 son deuxième numéro aux « étoiles populaires » que sont Thérésa et Suzanne Lagier8. En première page, l’illustration de Carlo Gripp, dont le trait grossi semble vouloir défier la célébrité de son objet, est accompagnée de quelques vers enthousiastes qui achèvent de singulariser les deux interprètes féminines, grandies par les métaphores choisies et le regard émerveillé qui est exigé du lecteur :
Voici venir aujourd’hui les étoiles :
Non, s’il vous plaît, de ces mauvais points blancs
Dont dame Nuit sème ses chastes voiles,
Astres bâtards, pâles, chétifs, tremblants ;
Il n’est, messieurs, éclipse ni nuage
Pour celles-ci ; leur ciel est bleu toujours ;
Vois le dessin dont Gripp orne la page,
Et reconnais, ô Paris, tes amours9 !
5La vedette, que son succès transforme en phénomène, est élevée au rang de mythe, que forgent des commentaires mêlant références antiques et registre épique. Cette transfiguration permet d’héroïser le chanteur renommé qui se prête, sous l’égide de grandes figures mythologiques, à toutes les allégories. « Melpomène d’estaminet » et muse moderne, Thérésa peut ainsi également incarner, nouvelle Hécube, la maternité souffrante :
Elle chantait l’autre jour une romance absolument niaise, les adieux d’une mère à sa fille qui va se marier. Je me rappelle tant bien que mal le refrain :
Je pleure, mais j’n’y puis rien faire
De moi bien des gens se moqu’ront :
Mais c’est qu’vois-tu, je suis ta mère
Et tout’s les mèr’s me comprendront !
Ce n’est pas de première force, n’est-ce pas ? Mais Thérésa disait cela avec la voix, les gestes et les attitudes d’une Hécube ou d’une Niobé. La plate chanson s’enflait, devenait grandiose. Si elle fait ainsi quelque chose de rien, jugez de ce qu’elle peut faire quand elle rencontre une chanson digne d’elle10.
6Jules Lemaitre rend ici hommage à l’interprète en insistant par contraste sur l’ineptie du cadre dans lequel elle se produit et de la matière artistique qu’elle sert au spectateur, de façon à mettre en valeur l’habileté de sa performance qui opère, elle aussi, une remarquable métamorphose. D’abord support d’une simple comparaison rhétorique à valeur d’éloge, l’héroïsme en vient à caractériser, par un glissement habile, l’objet du discours.
7L’héroïsation de la vedette se charge d’une signification politique dans les tourments de la guerre franco-prussienne de 1870. Lorsque s’effondre le Second Empire, alors même que la France essuie des revers militaires qui mettent à mal son image, nombre d’interprètes de café-concert chantent la gloire de la nation. Rosa Bordas, qui triomphe au Grand Concert parisien à partir de 1869, y fait ainsi applaudir des airs patriotiques comme L’Amour de la patrie ou La Patriote, aux titres révélateurs. Ces refrains exaltent la grandeur de la France et l’héroïsme de son armée, pourtant affaiblie sur le terrain par l’opposition prussienne. Grâce à leur célébrité et à leur aura, les artistes qui donnent à leurs prestations cet accent politique guident la fascination des spectateurs vers les valeurs qu’ils servent et représentent. L’enthousiasme turbulent du public qui « acclame en des bravos stridents11 » les tours de chant de Rosa Bordas semble ainsi éveillé tout à la fois par l’artiste elle-même et par les images glorieuses auxquelles elle donne voix. La vedette soumet donc sa renommée à la cause patriotique :
Il faut la voir [Bordas], enveloppée dans les plis du drapeau tricolore, l’œil inspiré, la narine frémissante, lancer à plein gosier ce cri désespéré qui s’appelle : L’Âme de la Pologne. Quels élans ! quelle passion ! quel feu ! et pourtant, quelle pureté de diction ! Aussi, la salle du Concert parisien, bondée autant qu’elle peut l’être, était-elle transportée d’enthousiasme. Plusieurs fois de suite, Mme Bordas a été rappelée et applaudie frénétiquement12.
8Dès lors, les interprètes de ce répertoire, identifiés aux valeurs et aux symboles qu’ils contribuent à répandre, en assimilent la dimension héroïque et renforcent ainsi leur influence sur le public par leur investissement politique. La bravoure des soldats français, acclamée en chanson au café-concert, en vient à caractériser les interprètes eux-mêmes et à qualifier, dans les représentations toujours construites qu’en donnent les commentateurs, la voix, l’exécution, et l’expression scénique de ces artistes. Ainsi, lorsque Rosa Bordas chante La Marseillaise en janvier 1870 sur la scène du Grand Concert parisien, Jules Claretie prête moins attention à l’hymne révolutionnaire et aux symboles qu’il transmet qu’à l’interprétation vivante qu’en donne l’artiste sur scène :
Elle chante l’agonie du peuple avec une voix désespérée qui vous fait passer sur la peau le frisson du patriotisme vaincu. Elle se cramponne à cette hampe sacrée avec une opiniâtreté héroïque13.
9Transfigurée par son costume, sa posture et son jeu, l’artiste se présente sous la plume des journalistes, des caricaturistes et des dessinateurs comme une personnification de la nation (voir ill. VII), Marianne selon les uns, nouvelle Jeanne d’Arc selon les autres14. Lieu d’une appropriation commune, l’identité singulière de l’interprète laisse place à l’allégorie, ce qui force l’admiration du spectateur :
Un drapeau à la main, les cheveux épars, vraie déesse de la Liberté, elle apparaît, le geste fiévreux, et chante d’une voix vibrante les douleurs de la Pologne étouffée, ou les espérances de la France qui se relève15.
10C’est donc par son corps et sa présence scénique, supports de symbolisation, que la chanteuse acquiert un statut héroïque, que partagent de nombreux artistes de café-concert au tournant des années 1870. Amiati16, Céleste Vénart17, Mademoiselle Chrétienno18 et même Thérésa, qui chante La Marseillaise à la Gaîté en costume révolutionnaire, armée du drapeau tricolore, mettent leur voix et leur image au service de revendications patriotiques, dont le café-concert se fait l’écho de façon durable. Rosa Bordas continue ainsi à clamer la gloire de la patrie jusqu’à la fin des années 187019. Quant à Amiati, qui interprète Le Maître d’école alsacien dès 1872, elle garde longtemps sa verve patriotique : en 1882, elle crée Le Fils de l’Allemand, et, en 1885, Le Violon brisé.
ÉTOILES ET VEDETTES : LE GESTE HÉROÏQUE EN QUESTION
11Cependant, instituée par une culture médiatique éprise d’images séduisantes, la vedette de café-concert, dont la renommée est mesurée au profit qu’elle assure à son établissement, n’adopte une telle posture héroïque que de façon ambivalente. La légende qui accompagnait la caricature de Gripp en première page de La Lune pointait le rôle prépondérant de la parole médiatique dans la consécration des artistes de café-concert. C’est sa propre revue, véritable cible du discours hyperbolique, et le monde de la presse, en la personne de Timothée Trimm, que l’auteur applaudissait avant même d’esquisser l’éloge, finalement secondaire, des vedettes :
Un numéro tel que ce dernier-né
Ô bon public n’est point chose commune,
Et, troun dô lair ! ce n’est pas que La Lune
Que nous montrons au fidèle abonné […]
Vois Thérésa, dans son plein, dans son lustre !
Certes, aujourd’hui, dans notre beau pays,
Il n’est qu’un nom plus haut et plus illustre…
Inclinons-nous… Trimm, ora pro nobis20 !
12Cette double lecture nous invite à considérer avec prudence les discours dithyrambiques suscités par les interprètes, dont les représentations héroïques relèvent souvent d’une mise en scène publicitaire qui nuance leur portée politique.
13De telles représentations visent tout d’abord à réhabiliter le café-concert, souvent critiqué pour la bêtise de ses spectacles. La posture patriotique d’une Thérésa ou d’une Rosa Bordas, incarnations énergiques de la nation, ravive en effet le souvenir de Rachel21, célèbre actrice de théâtre, qui avait déjà fait figure de nouvelle Marianne en 1848 en chantant La Marseillaise sur les planches du Théâtre-Français. En invoquant le modèle d’une comédienne renommée, les chanteuses se dessinent une noble ascendance susceptible de corriger la réputation de médiocrité attachée à leurs établissements. Elles prolongent en cela, peut-être inconsciemment, une stratégie plus générale fréquemment employée par les critiques22, qui consiste à mettre en valeur les liens unissant le café-concert et la scène théâtrale, dont la dimension esthétique est moins soumise à caution. Lorsqu’est évoqué en filigrane du geste patriotique de Thérésa celui de l’illustre Rachel23, c’est donc plus largement le patronage du théâtre et l’ensemble du patrimoine dramatique français qui sont convoqués comme garantie esthétique et gage de considération :
Madame Thérésa a alors porté sa main droite, non, son poing fermé, à la hauteur du cœur et elle l’a tourné d’un mouvement subit vers le public. […] Avec un geste analogue, Hermione pourrait dire : Va, cours, mais crains encore d’y trouver Hermione. Et Bérénice : Je connais mon erreur et vous m’aimez toujours. […] Pour l’élan du geste, il n’y a eu de nos jours, avec Thérésa, que Rachel, et encore ! Je forme un vœu, c’est que le ministre des Beaux-Arts ouvre pour un jour, pour un seul jour, la Comédie-Française à Thérésa et que ce jour soit le 14 juillet. Nous aurions La Marseillaise de Thérésa là où l’on a entendu La Marseillaise de Rachel. Et cela aussi serait sublime, surtout si Thérésa, au lieu de chercher à imiter Rachel, restait franchement ce qu’elle est de nature24.
14Une telle entreprise de réhabilitation, qui accroît la visibilité des cafés-concerts et leur emprise sur le paysage culturel parisien, joue un rôle publicitaire notable que sert plus largement la posture politique fréquemment exhibée en chanson par les vedettes. Participant de l’industrialisation du spectacle qui se met en place à partir de la seconde moitié du xixe siècle, la Scala, l’Eldorado ou le Grand Concert parisien sont régis par des impératifs de rentabilité qui orientent leurs choix de programmation. Le va-et-vient de Thérésa entre l’Eldorado et l’Alcazar témoigne bien de la prépondérance des enjeux financiers lors de l’élaboration des spectacles. Parce que l’artiste rassemble un public nombreux, les deux cafés-concerts des grands boulevards se disputent sa prestation, assurés d’obtenir grâce à elle des recettes importantes. Face à une telle promotion de la rentabilité, déterminée par leur propre pouvoir fédérateur, les interprètes doivent donc, pour retenir l’attention des directeurs de cafés-concerts et ainsi occuper la tête d’affiche de leurs établissements, créer des numéros susceptibles de provoquer la ferveur rémunératrice des spectateurs. Cette quête de la « chanson à succès » réclame un sens aigu de l’actualité, qui séduit le consommateur déjà sensibilisé par une culture médiatique florissante. C’est alors la circonstance plus que la conviction qui semble dicter à l’interprète les valeurs à chanter, aussi inconstantes que le fil du temps. En témoigne Paulus25 à propos de la création de son plus grand succès, En revenant de la revue, ancré dans une actualité fructueuse :
Ce soir-là, dans la salle comme dans les loges d’artistes, on ne causait que de l’événement du jour : de la revue de Longchamp où la population parisienne avait acclamé le général Boulanger. Je n’ai jamais fait de politique, mais j’ai toujours guetté l’actualité. Quand elle passait à ma portée, je la saisissais aux cheveux et je la forçais à me servir. […] J’avais déjà chanté cette chanson [En revenant de la revue] avec beaucoup de succès, mais je voulais décupler le succès en profitant de ce 14 juillet pour réaliser mon désir26.
15À l’été 1886, Paulus honore donc le général Boulanger afin de faire écho aux préoccupations immédiates du public. Le ministre de la Guerre, largement applaudi le 14 juillet 1886 lors du défilé de la fête nationale, jouit en effet d’une notoriété qui assure à la chanson du pensionnaire de l’Alcazar d’été un prompt retentissement. Les positions revanchardes du général comptant moins que l’enthousiasme fédérateur que son image suscite, Paulus, par la simple mention de l’homme politique, cherche à s’emparer d’un succès médiatique dont le sens politique semble secondaire. Les vedettes de café-concert s’efforceraient donc moins de servir un idéal qui trouverait en elles une voie d’incarnation et de diffusion que de tirer parti de la vogue circonstancielle des valeurs qu’elles chantent afin d’asseoir leur propre célébrité.
16Modelé par une actualité changeante qu’il s’approprie, l’interprète de café-concert met dès lors à distance la figure du héros dévoué à une cause, dont il offre une vision critique, sans que celle-ci soit nécessairement volontaire ni consciente. Le succès souvent éphémère des étoiles s’oppose en effet à la gloire singulière du héros, dont il est comme le reflet standardisé. La Revue des concerts n’hésite pas à faire ainsi appel à des chanteurs « paulusiens », afin d’exploiter la vogue de l’interprète. Le nom de Thérésa avait déjà inspiré une transformation adjectivale comparable, qui fait de la vedette un stéréotype et de ses attributs des lieux communs : « Il faut partout, remarquait Louis Veuillot dès 1867, une chanteuse genre Thérésa. Le Parisien ne se croirait pas dans un café-chantant s’il n’avait sa Thérésa et sa chanson Thérésale27. » Le fonctionnement même du café-concert frappe d’inconsistance la posture héroïque adoptée par les vedettes ainsi que les valeurs qu’elles semblaient incarner. À la Scala, aux Ambassadeurs ou à l’Alcazar, les spectacles se caractérisent en effet par une succession de numéros divers. Plusieurs artistes se partagent le programme d’une soirée, proposant au public une variété de répertoires, de tessitures, de jeux et de costumes. Au sein de cette structure composite, le chant patriotique occupe donc une place bien circonscrite et se présente comme un genre de divertissement parmi d’autres, que sont les romances sentimentales, les scies ridicules, ou encore les facéties de comique troupier. En décembre 1878, l’Eldorado programme28 ainsi chaque soir Amiati, mais aussi Ducastel et ses refrains niais, Bonnaire et ses airs burlesques, ou encore la diseuse Florence Duparc. Les textes chantés par Amiati à la gloire de l’armée française ne constituent pas un discours politique conséquent mais participent de la distraction du spectateur, séduit par de continuels changements de registres. La formule du « spectacle varié » assure donc une mise à distance critique des refrains patriotiques dont les accents héroïques sont nuancés par le voisinage d’autres attractions dépourvues d’ambition politique, dont la verve comique joue souvent un rôle désacralisant. À la fin de l’été 1874, le public de l’Eldorado peut ainsi successivement applaudir Amiati et Notre drapeau, dont le titre révèle la tonalité cocardière, et Alexandre Guyon père qui amuse la salle en parodiant l’emphase gestuelle et la rhétorique déclamatoire de Rosa Bordas dont le répertoire est proche de celui d’Amiati :
À l’Eldorado son grand succès fut l’imitation de la Bordas chantant La Canaille29. C’était tordant ! et l’hilarité était folle quand, grâce à un truc imaginé par lui, une immense couronne de fleurs éclatantes se détachait des hautes galeries et venait s’enfiler dans son bras, tendu vers le ciel, alors qu’il vociférait : C’est la Canaille ! Eh bien ! j’en suis30 !
17Cette réappropriation et ce déplacement générique traduisent bien le rôle critique du spectacle de variétés qui, faisant se succéder des numéros composites, empêche chacun de se constituer en un credo idéologique ou esthétique. Au café-concert, il n’est point de valeurs à représenter ; seule compte une accumulation de postures susceptibles de faire spectacle à un moment opportun donné.
CAFÉS-CONCERTS À LA RÉCLAME : UN CULTE EN IMAGES
18La vedette de café-concert substitue ainsi à l’aura idéologique du héros l’empreinte évanescente d’une pure image. Sa force de séduction, contrairement à celle du héros, attachée à une cause, ne renvoie à rien d’autre qu’elle-même. Elle ne guide pas le regard du spectateur vers un idéal à adopter mais s’érige elle-même en valeur souveraine. On remarquera ainsi que la une de La Lune attirait moins l’attention du lecteur sur l’objet de l’illustration que sur la caricature elle-même, saluant le pouvoir d’évocation du trait de Carlo Gripp. Cette insistance sur le geste de représentation, plus que sur son contenu, met en évidence le culte de l’image qu’entretient le règne de la vedette, signe de l’affirmation d’une culture médiatique et publicitaire.
19Si le héros met sa personne au service de valeurs qu’il représente, c’est sa propre figure, dépourvue de tout lest symbolique, que promeut l’interprète de café-concert, dont l’influence se mesure à la passion optique inédite qu’il soulève. Effigie sans signification, la vedette se façonne ainsi une silhouette remarquable, susceptible de séduire sans métaphore31. Yvette Guilbert, dans un chapitre de ses mémoires intitulé « Ma silhouette définitive », montre ainsi que sa célébrité s’est constituée à partir de la figure caractéristique qu’elle s’est délibérément fabriquée. La singularité de la vedette, dont le trait de maquillage fait œuvre à la manière du pinceau du portraitiste, relève avant tout d’un art de composition et d’une maîtrise de l’image :
Ma silhouette ?…Celle d’une grande jeune fille pâle, très pâle de peau. Une tête très petite, coiffée de cheveux roux, très dorés, relevés sur un front pas très haut, et noués sur la nuque en un sage petit chignon à la grecque. Des yeux petits et mordorés : « des agates brûlées », disaient les peintres. Par le maquillage, je les obtins ronds parce qu’alors toutes les femmes de théâtre les avaient longs « en amandes », et je voulais ne point leur ressembler32.
20Yvette Guilbert superpose habilement la description de son physique réel et sa silhouette composée, résumée à quelques traits saillants et reconnaissables, que pourront reproduire et accentuer caricaturistes et affichistes, soutiens indispensables de son propre travail plastique :
Grâce à la silhouette étudiée de mes débuts, les écrivains français, et ceux de partout, qui voulurent bien se soucier de moi, disaient que j’étais une affiche vivante et macabre. J’avais voulu l’être33.
21Le devenir-image de la vedette, mis en œuvre par l’artiste elle-même, s’appuie donc sur le relais médiatique et l’enseigne publicitaire. Dans la seconde moitié du xixe siècle, le spectateur est en effet de plus en plus sollicité par les affiches de réclame, œuvres de dessinateurs et de caricaturistes, qui envahissent les rues de Paris34. Ces placards affirment l’emprise progressive de l’étoile en imposant dans les dernières décennies du siècle l’image exclusive de la vedette sur les murs de la ville et dans l’imaginaire des spectateurs35. Au début des années 1870, les affiches publicitaires n’exposent pas encore un interprète en particulier mais vantent les mérites des multiples numéros représentés et mettent l’accent sur les spécificités du spectacle plus que sur l’identité des artistes. À la fin de la décennie, cependant, la promotion d’un numéro fait place à l’énumération des noms des artistes attendus sur scène, chacun étant associé à un portrait. L’artiste n’est donc plus distingué par une aptitude remarquable mais par sa seule présence ; la mention de son identité et l’esquisse de son visage suffisent à faire publicité. Enfin, à partir des années 1890, les affiches de café-concert ne sont consacrées, pour la plupart, qu’à une seule vedette, chargée de résumer à elle seule, par l’impact visuel de sa silhouette et l’enthousiasme suscité par son nom, le spectacle donné chaque soir dans les salles. C’est ainsi Polaire36 qui s’affiche à l’Eldorado en 1890. Le spectateur apprend à reconnaître la silhouette des étoiles, qui s’impose à lui de façon autonome avant même que les artistes n’aient à le convaincre par la qualité de leur prestation. C’est une apparence et non un talent, une figure plus qu’une manière de chanter et de jouer, que soutient et intronise finalement la réclame, qui se construit elle aussi sur la seule autorité de l’image qu’elle produit. L’affirmation progressive de la figure de la vedette dont le pouvoir iconique est lui-même sa propre fin apparaît comme un indice et un partenaire privilégié de l’épanouissement d’une culture médiatique et publicitaire dont l’affiche est l’une des manifestations.
22Si le chansonnier Pierre-Jean de Béranger, « homme-nation » pour les uns, comptant parmi les « gloires de la France37 » pour les autres, a été volontiers érigé en héros national en raison de l’engagement patriotique et républicain de ses textes, la figure de l’interprète de chansons au café-concert qui s’impose dans la seconde moitié du xixe siècle suscite des représentations plus complexes. En raison de sa célébrité grandissante qui fait d’elle une vedette, elle dispose en effet d’une influence notable sur le public dont elle peut représenter et guider les convictions, à la manière du héros envisagé comme un modèle. Sa visibilité accrue et sa présence scénique travaillée lui offrent en outre la faculté d’incarner les valeurs qu’elle défend. Cependant, l’industrialisation du spectacle de divertissement et ses exigences de rentabilité, soutenues par le développement de la publicité, tiennent à distance la posture héroïque affichée au café-concert par des chanteurs dont les frusques patriotiques sont souvent la garantie d’un succès rapide et masquent mal des engagements plus inconstants. Adoptant la pose du héros sans en épouser les convictions, l’aura de « l’étoile », dont la silhouette séduisante est projetée sur toutes les façades, brille donc pour elle-même et ne transforme pas la fascination qu’elle suscite en conscience politique. Dévouée à un culte exclusif de l’image, la vedette abandonne son identité et son corps singulier à la vue et à l’imagination du public. Mais contrairement au héros, qui fait l’objet d’une appropriation symbolique et d’une transfiguration mythique, l’étoile piège le regard et délaisse la métaphore, inventant, contre le modèle héroïque, une image moderne qui n’a plus besoin, pour séduire, d’être héroïsée. Au café-concert, la vedette apparaît ainsi comme un signe révélateur et l’égérie d’une culture médiatique florissante, qui découvre par la publicité les pouvoirs d’une séduction optique standardisée.
Notes de bas de page
1 Achille de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations, Paris, Perrotin, 1847, cité par Pierre Guiral, « Jean Touchard, La Gloire de Béranger », Annales : économies, sociétés, civilisations, vol. 27, no 2, 1972, p. 442.
2 Un grand nombre de mesures officielles permettent cette institutionnalisation du café-concert, qui bénéficie notamment de la fermeture des goguettes et de l’interdiction progressive des chanteurs de rue. Voir, à ce propos, Concetta Condemi, Les Cafés-concerts : histoire d’un divertissement (1849-1914), Paris, Quai Voltaire, 1992.
3 C’est ainsi que Lamartine désigne le chansonnier Pierre-Jean de Béranger. À la différence de la vedette, le héros dirige donc l’admiration que sa renommée suscite vers les causes qu’il défend. Parce qu’il renonce à interpréter ses œuvres, Béranger empêche que son image prime sur les valeurs qu’il prône : en cela, il tient plus du héros que de la vedette.
4 Évoquant la « mise sous tutelle des théâtres par le vedettariat » qui affecte « aussi bien les grands genres que le café-concert et le music-hall » dans la seconde moitié du xixe siècle, Christophe Charle constate que la vedette constitue pour le public un nouveau « point de repère », « comme le grand homme d’autrefois », « dans une société où les représentations sociales sont devenues de plus en plus mouvantes » (Théâtres en capitales : naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne (1860-1914), Paris, A. Michel, 2008, p. 291-296). La désaffection des autorités politiques, sociales et religieuses expliquerait historiquement la place prise par la vedette dans l’imaginaire collectif ainsi que ses prétentions héroïques.
5 Edmond & Jules de Goncourt [13 janvier 1865], Journal, Paris, R. Laffont, « Bouquins », 1989, vol. 1, p. 1131.
6 Thérésa est la première véritable vedette de café-concert. Elle triomphe à l’Alcazar à partir de 1862 en tant que chanteuse comique.
7 Laurent Tailhade, « Thérésa », dans Quelques fantômes de jadis, Paris, L’Édition française illustrée, 1920, p. 231. Le magnétisme de l’interprète ici comparé à l’aura de l’acteur souligne la dégradation des figures héroïques qui intervient parallèlement sur les scènes de théâtre.
8 Suzanne Lagier est la principale concurrente de Thérésa, engagée à l’Eldorado.
9 La Lune, no 2, novembre 1965.
10 Jules Lemaitre, « Les cafés-concerts » [23 novembre 1885], Impressions de théâtre, Paris, Société française d’imprimerie et de librairie, 1888-1898, p. 293.
11 Amédée Burion, « Rosa Bordas », dans Rosa Bordas, sa biographie, appréciations de la presse, études littéraires, épilogue : documents rassemblés et coordonnés par Amédée Burion, Paris, L. Vieillot, 1870, p. 27.
12 Alfred Ambert, Messager des théâtres et des arts, 20 janvier 1870, cité par Anne Labérinto & Jean-Paul Chabaud, Rosa Bordas : une voix sous la Commune, Pernes-les-Fontaines, Études comtadines, 2011, p. 13.
13 Jules Claretie, « Chronique théâtrale », L’Opinion nationale, 24 janvier 1870, p. 2.
14 Sous la plume d’Amédée Burion, la vedette du Grand Concert parisien devient un guide de la nation : « Bordas a prononcé le grand nom de la France. […] / Sa blonde chevelure à flots éblouissants / Sous les plis du drapeau se déroule, étincelle ! / Le pays se retrouve en ces mâles accents. / Gaulois, c’est Velléda !… Vieux Francs, c’est Geneviève ! / Français, c’est Jeanne d’Arc, l’ange de Domrémy » (A. Burion, « Rosa Bordas », op. cit., p. 27).
15 J. Claretie, « Chronique théâtrale », art. cité. Ludovic Hans écrit aussi dans L’Opinion nationale : « Avec sa robe blanche et sa chevelure épaisse, Mme Bordas a l’aspect d’une déesse de la Liberté qui aurait jeté son bonnet phrygien par-dessus les bastilles » (« Chronique parisienne », L’Opinion nationale, 6 février 1870, p. 3).
16 Amiati se spécialise, après la guerre de 1870, dans le répertoire patriotique.
17 Élisabeth-Céleste Vénard, dite Céleste Mogador, est une danseuse du Bal Mabille, puis du Moulin-Rouge.
18 Moins connue qu’Amiati, Mademoiselle Chrétienno est la première à interpréter Alsace et Lorraine, l’une des plus célèbres chansons revanchardes nées de la guerre franco-prussienne.
19 La Bordas chante des airs au titre toujours révélateur comme La Chanson de la France, À la Française, La Fête de la France ou encore Ma belle France.
20 La Lune, no 2, novembre 1965.
21 Voir la contribution de Stéphanie Loncle au présent volume, supra p. 61.
22 C’est la position qu’adopte notamment l’ouvrage de défense des cafés-concerts, L’Eldorado et la Question des cafés-concerts, publié en 1875. On pourra observer une manœuvre semblable, bien que plus ironique, dans les chroniques de Jules Lemaitre : « Vous pensez que, si le public des cafés-concerts allait dans les théâtres, il y goûterait un plaisir plus élevé, et qu’il en emporterait, selon sa mesure, quelque impression littéraire. […] Je crois bien que ce public ne rapporterait rien de plus d’un vaudeville de Meilhac que d’une chanson de Paulus ; et toute l’émotion esthétique dont il est capable, une romance amoureuse ou patriotique la lui procure aussi pleinement qu’une tragédie de Racine » (J. Lemaitre, « Les cafés-concerts », art. cité, p. 290). Au sujet des pièces de théâtre jouées au café-concert, voir Catherine Savev, « Le café-concert : un théâtre parallèle », dans Jean-Claude Yon (dir.), Les Spectacles sous le Second Empire, Paris, A. Colin, 2010, p. 366-377.
23 Amédée Burion qualifie également Rosa Bordas de « Rachel populaire » (« Rosa Bordas », art. cité, p. 28).
24 Jean-Jacques Weiss, « À propos de théâtre », dans Trois années de théâtre, 1883-1885, 3. Le drame historique et le drame passionnel, Paris, Calmann-Lévy, 1894, p. 141-142. La comparaison entre Thérésa – ou Rosa Bordas – et Rachel est fréquente sous la plume des journalistes amateurs de café-concert et s’opère souvent en faveur de la première (voir également J. Claretie, « Chronique théâtrale », art. cité).
25 Paulus, qui crée le style « gambillard », est l’un des plus célèbres interprètes masculins de café-concert. Sa carrière, jalonnée de succès durables – La Chaussée de Clignancourt, En revenant de la revue ou Le Père la Victoire –, dure plus de trente ans.
26 Paulus, Trente ans de café-concert : souvenirs recueillis par Octave Pradels, Paris, Société d’édition et de publications, 1908, reproduction disponible en ligne : http://dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net (octobre 2014). En revenant de la revue est une chanson écrite par Lucien Delormel et Léon Garnier, sur une musique de Louis-César Desormes. C’est Paulus qui en assure le succès en y insérant, un soir, le nom du général Boulanger. Au lieu de chanter « Moi, j’faisais qu’admirer/Tous nos braves petits troupiers », il s’exclame ainsi : « Moi, j’faisais qu’admirer / Not’brave général Boulanger ».
27 Louis Veuillot, « Bataclan », Les Odeurs de Paris, Paris, Palmé, 1867, p. 150.
28 Voir L’Orchestre, décembre 1878.
29 La Canaille (paroles d’Alexis Bouvier, musique de Joseph Darcier) fait partie du répertoire de Rosa Bordas.
30 Paulus, Trente ans de café-concert, op. cit., p. 104-105.
31 Ce culte de l’image, associé au caractère stéréotypé des productions de café-concert, serait à mettre en relation avec la perte d’aura qu’analyse Walter Benjamin à propos des œuvres d’art soumises à la « reproductibilité technique ». Benjamin constate que « dès lors que le critère d’authenticité n’est plus applicable à la production artistique, la fonction de l’art se trouve bouleversée » ; elle ne repose plus sur un « rituel » et perd sa « valeur cultuelle » (L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique [1939], dans Œuvres III, Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz & Pierre Rusch (éd. & trad.), Paris, Gallimard, « Folio essais », 2000, p. 282). On perçoit là encore la différence essentielle entre le héros singulier, dont la distance (le « lointain ») impose l’admiration respectueuse, et les vedettes en série, qui ne séduisent que tant qu’elles sont exposées.
32 Yvette Guilbert, La Chanson de ma vie : mes mémoires, Paris, Grasset, 1927, p. 48.
33 Ibid, p. 48.
34 Marc Martin, après étude des archives fiscales de l’enregistrement, confirme que « l’affiche, et tout d’abord l’affiche d’annonce et de publicité commerciale, conquiert le paysage urbain dans la seconde partie du xixe siècle », le secteur le plus illustré étant celui du spectacle (« L’affiche de publicité à Paris et en France à la fin du xixe siècle », dans La Terre et la Cité : mélanges offerts à Philippe Vigier, Paris, Créaphis, 1994, p. 373-387).
35 L’interprète de café-concert, par les multiples figurations qu’il suscite, participe de la « pulsion vers l’image » qui modèle le xixe siècle (voir Philippe Hamon, Imageries : littérature et image au xixe siècle, Paris, J. Corti, 2001).
36 Polaire crée le genre de la « gommeuse épileptique ». Elle restera célèbre pour sa réputation de noceuse et sa liaison avec Colette.
37 Achille de Vaulabelle, cité par Pierre Guiral, « Jean Touchard, La Gloire de Béranger », art. cité, p. 442.
Auteur
Docteur en littérature française de l’Université Lumière Lyon 2, auteur d’une thèse consacrée au cabaret de l’Écluse, a publié divers articles traitant du café-concert et des spectacles de divertissement, comme « Huysmans et Vallès en maillot ou l’art d’être absolument moderne » (Autour de Vallès, no 42 consacré au cirque, 2012) et « Variétés au cabaret de l’Écluse : de la gravité du spectacle de divertissement » (Études littéraires, no 43, « Lectures sociocritiques du théâtre », 2012).
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