Les métamorphoses de la féminité dans l’œuvre de Camille Flammarion
p. 123-134
Texte intégral
1L’espace sidéral tel que le conçoit Camille Flammarion se compose d'une infinité de mondes qui tous sont, ont été ou seront — la notion de temps n’a pas de sens pour l’astronome — habités par des êtres dont la constitution est appropriée au milieu qui les secrète : sur l’une des planètes du système d’Aldébaran, les végétaux étant en amiante, les êtres sont incombustibles ; dans un monde à l’atmosphère constamment électrisée, les animaux et les plantes sont lumineux !
2La nature physico-chimique des planètes, ainsi que les mœurs de leurs habitants, dépendent en partie de la distance qui les sépare du ou des soleils autour desquels elles gravitent : sur certaines planètes très éloignées de leur(s) soleil(s), les jours, les saisons, les années sont interminables ; au bout d’un millier d’années, las de vivre, les hommes se suicident. Inversement, ailleurs, on ne vit que quelques jours, « consumant d’ardentes amours en un fantastique délire ».
3Il existe ainsi dans les espaces intersidéraux une hiérarchie des mondes que l’on peut établir en prenant pour critère la possibilité d’y vivre heureux. La terre est dans une situation médiocre : à cause de l’alternance des jours et des nuits, on travaille et on se repose. A cause de l’état imparfait de l’atmosphère, on ne peut se nourrir de l’air du temps. On doit absorber de la matière et par conséquent penser peu. De plus, la procréation se fait grossièrement.
4Mais il y a pire. Sur d’autres planètes, on ne respire même pas spontanément. L’inspiration et l’expiration ne sont pas des réflexes, mais le fruit d’un travail rendu d’autant plus pénible que l’atmosphère est peu prodigue en éléments nécessaires à la vie. Naturellement, il y a des mondes dans lesquels il fait meilleur vivre que sur la terre ou sur Delta d’Andromède et Camille Flammarion promet d’infinies félicités dans l’au-delà. On le voit, les réflexions philosophiques, les rêveries, les fantasmes se superposent bien souvent à l’observation. En schématisant un peu, on distingue dans l’œuvre de Flammarion, d’une part, les travaux purement scientifiques, les catalogues d’étoiles, les réflexions sur Mars et sur Vénus, et d’autre part les ouvrages de vulgarisation et les Variétés littéraires dans lesquels le savant autodidacte laisse libre cours à ses talents artistiques et à ses dons de visionnaire. Cette dernière partie de l’œuvre de Flammarion n’est pas la moins intéressante puisqu’elle permet de se rendre compte des présupposés, des obsessions de l’observateur. Une étude de la manière dont les problèmes personnels de l’homme de science conditionnent et ses sujets d’étude favoris et sa façon d’interpréter les faits est révélatrice des idéologies d’une époque. Les rapports des corps chimiques ou des astres entre eux sont curieusement ambigus lorsqu’ils ne sont pas exprimés par des chiffres et des formules abstraites. Comment appeler la loi de Newton selon laquelle les corps s’attirent en raison directe de leur masse et en raison inverse du carré de leur distance ? La loi de la gravitation disait Auguste Comte parce que la notion d’attraction introduit des nuances de désir et d’affectivité qui n’ont rien à voir avec l’astronomie. Pour Saint-Simon et surtout pour Fourier, c’est au contraire d’attraction, et même d’attraction passionnée qu’il faut parler car l’attraction des astres les uns par les autres est de même nature que l’attirance d’un corps humain pour un autre corps humain.
5Les idées maîtresses de Camille Flammarion s’inscrivent aussi dans un réseau d’obsessions profondes qui secrètent et dépassent les explications scientifiques. Flammarion croit en l’immortalité de l’homme. Pour le prouver, il ne se félicite pas comme le fait Rabelais dans Pantagruel, de ce que Dieu ait mis dans chaque corps humain de quoi perpétuer son espèce (l’homme engendre des enfants qui à leur tour en engendrent d’autres). Il ne pose pas non plus, comme dans beaucoup de religions de principe fixe, immortel, immuable (l’âme) qui se trouve lié à un corps mortel méprisable. L’homme est pour lui un agrégat d’atomes, de particules qui s’unissent autour d’un principe mortel fixe : la force vitale qui est, comme chez les Spirites, une sorte de vêtement de l’âme. Après la mort de l’individu, les atomes qui constituent le corps se désagrègent et vont s’agréger à d’autres forces vitales pour constituer d’autres corps ou d’autres objets. Une particule de fer agrégée à la cervelle de Victor Hugo peut après la mort de celui-ci s’agréger à un vil morceau de ferraille rouillée. Et l’âme ira se réincarner sur d’autres planètes en rassemblant autour d’elle d’autres atomes. En fonction de la loi du progrès, s’agrégeront autour des âmes des éléments de plus en plus purs dans des lieux de plus en plus cléments et la vie ira s’améliorant, se délivrant de la matière. Ce qui fait que, sans faire intervenir la sexualité, Flammarion promet à l’homme une double immortalité : immortalité de l’âme, principe fixe et aussi immortalité des éléments du corps qui évoluent dans le cosmos et vont éternellement de désagrégations en agrégations. Il n’y a donc pas vraiment d’individus. Nous baignons dans un foisonnement de particules de vie qui attendent d’être polarisées vers autre chose. Nous les piétinons, les respirons, les absorbons.
6D’autre part Flammarion a tiré toutes les conséquences possibles du fait que la lumière met un certain temps à parvenir d’un astre à un autre (de la Lune à la Terre une seconde un quart, de Jupiter à nous 42 mn, de Neptune 4 heures, de l’étoile la plus proche Alpha du Centaure 4 ans, de Sirius dix ans). Lorsque nous regardons un astre, ce n’est pas cet astre que nous voyons, mais cet astre tel qu’il était au moment du départ des rayons lumineux émis par lui. Regardant Sirius au télescope, nous voyons Sirius tel qu’il était il y a dix ans. Par conséquent, on ne peut jamais dire qu’un moment passé soit réellement passé puisqu’un regard porté sur lui de très loin suffit à lui rendre sa présence. L’image du présent se déplace dans le cosmos, et le passé, à chaque instant, peut être revécu. Le présent est éternel — au moins sous la forme d’images en puissance éparpillées dans le cosmos. L’idée de succession des instants est remplacée par un éparpillement d’images éternelles.
7Enfin Flammarion s’est moins intéressé dans son étude du cosmos aux sytèmes qui étaient à l’image de notre système solaire (c’est-à-dire un soleil au centre d’un univers qui donne lumière et vie aux planètes qui gravitent autour de lui) qu’aux étoiles multiples (systèmes dans lesquels un soleil gravite autour d’un autre soleil et parfois même d’un troisième soleil). Là, la lumière et la vie ne sont plus distribuées par un seul élément viril à l’image de Dieu le père, mais par la conjonction de deux ou trois astres de couleur différente. A l’image de Dieu le père se substitue donc, chez Flammarion comme chez Fourier, l’image de deux sœurs ou mieux, d’un couple saphique :
« Suspendues dans l’infini (les étoiles) s’appuient l’une sur l’autre sans jamais se toucher, comme si leur union, plus morale que matérielle, était régie par un principe invisible et supérieur ; et suivant des courbes harmonieuses, elles gravitent en cadence, l’une autour de l’autre, couples célestes éclos au printemps de la création dans les campagnes constellées de l’immensité »
Uranie
8Récapitulons : Flammarion présente un cosmos sexué, mais dans lequel les relations ne sont pas nécessairement de type homme-femme-copulation (comme chez Laforgue par exemple où la Lune se dérobe aux assiduités du Soleil). L’homme est éternel mais ses éléments s’éparpillent, se décomposent et se recomposent. Le temps n’est plus une succession rigide d’instants hiérarchisés mais un éclatement de moments. Le Soleil, comme le père, comme l’homme, ne sont plus au centre du monde, car nous ne sommes pas au centre du monde, comme le voudraient encore quelques nostalgiques d’un anthropomorphisme pré-galiléen, mais quelque part dans le ciel. Et nous ne sommes pas d’une nature différente des autres éléments du cosmos puisqu’il n’y a dans le cosmos qu’un nombre limité d’éléments et que c’est l’agrégation de quelques-uns de ces éléments qui font les corps, les soleils et les planètes. C’est ainsi que l’on « sombre dans la plénitude » caractéristique de l’inceste ouroborique décrit par Lederer et dont on retrouve des traces chez presque tous les écrivains de la fin du XIXe siècle :
« L’inceste ouroborique est la façon de pénétrer dans la mère, de s’unir avec elle, mais il n’a rien à voir avec les autres formes d’inceste. Dans l'inceste ouroborique, il ne s’agit pas de plaisir et d’amour actifs, c’est plus un désir d’être dissout et absorbé ; on désire passivement être pris ; on veut sombrer dans la plénitude, se fondre dans un océan de plaisirs. C’est le Liebestod. La déesse Mère reprend en son sein le petit enfant. L’inceste ouroborique porte le sceau de la mort ; il signifie la dissolution finale dans l’union avec la mère. On peut interpréter maints états de nostalgie et de mélancolie comme l'ardent désir d’inceste ouroborique et d’autodissolution ; c’est l'union mystique des saints, la perte de conscience totale de l’alcoolique, jusqu’au romantisme de la mort des races germaniques ».
Neumann — Origins cité par Dr W. LEDERER Gynophobia ou la peur des femmes. Payot-Paris 1970
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9A propos de la mise en scène des métamorphoses de la féminité nous mettrons surtout l’accent sur ce qui lie les grands thèmes de l’astronomie vulgarisée aux rêveries obsessionnelles de l’écrivain, qui impliquent une idéologie misogyne. Le champ d’étude de Camille Flammarion s’étend des origines de l’univers au futur le plus lointain, dans des millions d’années. Lorsque Flammarion parle de la terre, c’est pour étudier sa genèse, son passé, son état au XXVe siècle et ce qu'elle sera dans les siècles futurs, jusqu’à sa disparition, quand ses éléments, comme ceux de l’homme, iront se disperser, puis se rassembler sous une autre forme en s’agglomérant à d’autres corps célestes. Le présent et ses problèmes sont à peine évoqués. Tous les conflits trouveront dans le ciel leur solution par leur absence de raison d’être, au niveau de l’individu par la réincarnation, au niveau collectif par le progrès qui est une loi de la création. L’étude du passé a donc moins pour but l’explication du présent que la justification des théories émises sur un avenir lointain. D’où les successions de métamorphoses de la féminité : Flammarion fait une étude des origines de la division des sexes, montre comment elle a apporté conflits et bienfaits, puis il passe à l’évocation de la femme future telle qu’on peut la rencontrer actuellement sur Mars, telle qu’on la rencontrera sans doute sur la Terre dans quelques centaines de siècles.
10Il faut, pour situer le problème, citer une page étonnante des Récits de l’Infini. C’est une âme en voie de réincarnation qui parle :
« Je fus frappé de la beauté suave et tout angélique d’une jeune fille, étendue sur une gondole qui flottait doucement sur l’eau bleue du Bosphore, devant Constantinople. Des coussins de velours rouge, brodés de soie éclatante, formaient le divan de cette jeune Circassienne ; de lourds glands d’or tom baient jusque dans les flots. Devant elle un petit esclave noir à genoux jouait d’un instrument à cordes. Ce corps était si juvénile et si gracieux, ce bras accoudé était si élégant, ces yeux étaient si purs et si naïfs, et ce front déjà pensif était si calme dans la lumière du ciel, que je me laissai un instant captiver par une sorte d’admiration rétrospective pour ce chef-d’œuvre de la nature vivante. Eh bien ! tandis que cette candeur de la jeunesse qui s’éveille, cette suavité de la fleur qui s’entrouvre aux premiers rayons de l’existence me tenaient sous une sorte de charme passager, la barque toucha le fond d’une plate-forme avancée, et la jeune fille, soutenue par l’esclave, vint s’asseoir sur un sofa, près d’une table servie copieusement, autour de laquelle d'autres personnes étaient déjà réunies. Elle se mit à manger ! Oui, elle mangea ! pendant une heure peut-être : c’est à peine si je pouvais me rendre à la raison de mes souvenirs terrestres. Quel spectacle ridicule ! Un être portant des aliments à sa bouche et se versant d’instant en instant je ne sais quelle substance à l’intérieur de son corps charmant ! Quelle vulgarité ! Et puis des morceaux d’un animal quelconque que ces dents perlées ont le courage de mâcher ! Et ensuite des fragments d’un autre animal qui voient s’ouvrir sans hésitation devant eux ces lèvres virginales pour les recevoir et les ingurgiter ! Quel régime : un mélange d’ingrédients tirés de bestiaux ou de bêtes fauves qui ont vécu dans la fange et qu’on a massacrés ensuite... Horreur ! Je détournai mes regards avec tristesse de cet étrange contraste, et je les portai sur Saturne, où l’humanité n’est pas réduite à de tels besoins »1
11On trouve dans l’œuvre de Flammarion, autodidacte qui aimait à manier la plume, un grand nombre de tels clichés. Mais presque toujours les stéréotypes éclatent lorsque pointent les obsessions et les fantasmes. Lorsque le spontané vient démentir le statique, déchirer les images érotiques audacieuses et convenues. Lorsque la vierge pure, qui attire sans le savoir les convoitises d’un narrateur innocent, perd tout attrait, se virilise et se féminise simultanément, en cessant d’être passive, mâche, se verse des substances à l’intérieur de son corps, dévore la chair d’animaux qui se sont vautrés dans la fange.
12Flammarion ne fait aucune différence entre « le cru et le cuit », l’un renvoyant à la nature, l’autre à la culture. Ce qu’absorbe la jeune orientale est certainement très élaboré. Pourtant Flammarion ramène tout au cru auquel il associe les notions de massacre et de fange. Excluant la femme de la table, il lui interdit par là-même toute assise dans le monde, toute influence sur lui et bien entendu toute forme de plaisir.2
« Puisqu’avoir faim signifie aussi vouloir porter le monde à sa bouche, c’est-à-dire vouloir le faire passer par l’une des zones érogènes du corps, par l’un des points qui permettent un contact intime avec le monde extérieur. Manger, c’est embrasser le monde sur la bouche »3
Manger est un péché4
13« Avez-vous jamais pensé à la grossièreté de notre misérable organisation humaine ? Obligés de manger ! Non vraiment, pour être réussis, nous ne le sommes guère, avouez-le ! » dit l’astronome Raphaël à Stella5. Manger, c’est le péché originel pour Camille Flammarion. La perfection est d’ordre végétal6 : la plante ne se nourrit qu’en respirant, n’absorbe rien d’autre que ce que lui offre l’atmosphère, ne tue pas, ne se gorge pas de matière. Dans les premiers temps de la genèse de la terre, il n’y avait que des plantes. Apparurent, il y a une dizaine de millions d’années, au fond des mers, les premiers animaux qui ne troublèrent pas l’harmonie du monde puisqu’ils n’étaient que « mollusques sans tête, sourds, muets et dépourvus de sexe ». Mais un jour :
« Le malheur, la fatalité a voulu qu’un premier mollusque eût le corps traversé par une goutte d’eau plus épaisse que le milieu ambiant. Peut-être la trouva-t-il bonne. Ce fut l’origine du premier tube digestif qui devait exercer une action si funeste sur l’animalité entière, et plus tard sur l’humanité même »7.
14A partir du moment où le « mollusque sans sexe » est traversé par une goutte d’eau, se créé le premier tube digestif générateur d’agressivité. « Le premier assassin fut le mollusque qui mangea ». Nourriture, violence et sexualité sont liées et la séparation des sexes est à l'origine de nos malheurs. Mais l’univers de Flammarion est des plus rassurants et les chutes elles-mêmes peuvent servir le progrès. On lit dans le Monde avant la Création de l'homme que l’homme doit se choisir une femme et que la femme voulant être choisie se fait de plus en plus belle, introduisant ainsi la beauté dans le monde. Si la reproduction des êtres avait continué par bourgeonnement ou par scissiparité, pas d’accouplements, pas de violences certes, mais pas de beauté non plus, de perfectionnement esthétique des corps : née pour aimer et être aimée, la femme veut plaire. Dès que son cerveau a été « suffisant pour concentrer cette idée », « ses cellules cérébrales se sont organisées dans ce sens » et alors son règne a commencé, car la femme a consacré toute son énergie à faire de l’amour sa force : « l'homme a disséminé ses efforts, il a inventé les sciences, les philosophies, les religions, les gouvernements politiques et militaires, les lois, les écoles, les arts, l’industrie ; la femme n’a eu qu’une passion dominante : être aimée, régner par l’amour ».
15La division des sexes a finalement été un bienfait, tout comme les différences de préoccupations attachées à chaque sexe : aux hommes les activités créatrices, aux femmes le charme. Fort heureusement aussi, contrairement à ce qui se passe dans le règne animal où la femelle choisit parmi les mâles les plus beaux, c’est l'homme qui choisit la femme. La femme, voulant être choisie pour ensuite régner sur l’homme, se fait de plus en plus belle et l’homme est forcé de la « suivre dans l’élégance ». Tout est donc pour le mieux, chacun dans son domaine fait progresser le couple.
16Tel est le point de vue du savant qui s’interroge sur les origines de notre planète. Et le romancier philosophe aime à mettre en scène les grandes amours, multipliant clichés et tableaux édifiants. Stella et Raphaël (Stella), George Spero et Idea (Uranie), Lumen et Eivlys (Récits de l’Infini) se sont rencontrés sur la terre et se sont aimés comme on le fait dans les contes. Mais après leur mort ils n’ont pas tout oublié. Après la désagrégation de leurs atomes, d’autres corps ont été créés, mais leurs âmes restent unies :
« Voici deux êtres qui s’aiment. Il leur est impossible de vivre séparés. Si la force des événements amène une séparation, nos deux amoureux sont désorientés, et leurs âmes seront sans cesse absentes de leurs corps pour se réunir à travers la distance »8.
17lit-on dans les Récits de l’Infini. Lumen, âme désincarnée qui va retrouver un corps dans une autre planète, se demande pourquoi elle est tellement attirée vers Capella. C’est qu’elle y retrouvera l’âme d’Eivlys tant aimée sur la terre :
« Oh merveille ! il est dans la création des liens invisibles qui ne se brisent pas comme les liens mortels ; il est des correspondances intimes qui demeurent entre les âmes malgré la séparation des distances »9.
18Ces phrases ne sont pas de simples clichés sur l’amour qui dure au-delà de la mort. Elles sont justifiées par la croyance de Flammarion en la métempsychose, laquelle se justifie à son tour par des démonstrations scientifiques rigoureuses : le vide et le plein n’existent pas. Pour un terrien, le vide sépare la Terre de la Lune et de tous les astres. Mais pour une créature très éloignée, les mondes qui nous entourent forment une sorte de masse compacte — comme pour nous parfois la Voie Lactée —. Inversement nous croyons les corps, les plantes, les pierres, solides et compactes alors qu’ils sont constitués d’éléments distincts les uns des autres qui gravitent autour de centres. Une créature minuscule pourrait ne voir que du vide entre les atomes qui constituent corps, plantes et pierres sans comprendre le mouvement qui les anime ni ce vers quoi tend leur agrégation. De temps à autre, les forces qui animent les atomes meurent et, en se désagrégeant, les éléments des corps vont former d’autres corps, les éléments d’astre d’autres astres et ainsi de suite. La matière est donc sans cesse en mouvement puisqu’elle va de décomposition en recomposition. Mais les grandes âmes ne sont pas de la matière. Elles sont ce à quoi s’agrègent les atomes. Et les âmes porteuses de grands sentiments comme l’amour, en se réincarnant, rassemblent autour d’elles des éléments qui forment des hommes, des femmes, de créatures célestes magnifiques et indéterminées attirées les unes par les autres. Les corps peuvent changer, les sentiments sont éternels. Les âmes de Spero et d’Iclea qui se sont beaucoup aimées sur la Terre se réincarnent sur Mars et, comme la sexualité a peu d’importance, Spero renaît femme et Idea homme. C’est ce qu’a expliqué, au cours d’une de ses réapparitions, George Spero lui-même au narrateur d’Uranie :
« Le fait assez singulier du changement de sexe qui me semblait avoir une certaine importance, n’en avait paraît-il, aucune. Contrairement à ce qui est admis parmi nous, il m’apprit que les âmes sont insexuées et ont une destinée égale. J’appris aussi que sur cette planète moins matérielle que la nôtre, l’organisation ne ressemble en rien à celle des corps terrestres. Les conceptions et les naissances s’y effectuent par un tout autre mode qui rappelle, mais sous une forme spirituelle, la fécondation des fleurs et leur épanouissement. Le plaisir est sans amertume (...). Tout y est plus aérien, plus éthéré, plus immatériel. On pourrait appeler les Martiens des fleurs vivantes, ailées et pensantes »10.
19Dans l’œuvre de Camille Flammarion, la norme, le réel, le Vrai (au sens cousinien du terme, lié au Beau et au Bien) aboutit au cliché. A l’origine du cliché, ou pour le justifier, des éléments d’astronomie, d’astrophysique ou d’anatomie : la femme est belle parce que les atomes qui la constituent gravitent harmonieusement autour de sa « force vitale », l’orientale mange parce que l’atmosphère de la terre est trop pauvre en éléments nutritifs, les amants s’aiment au-delà de la mort parce que le sentiment, n’étant pas de la matière, est un élément fixe. Les précisions du savant se mettent au service du pathos sur la nudité du corps féminin, la lascivité des orientales, l’union des âmes dans le ciel, sans qu’on sache trop ce qui est premier, de l’hypothèse audacieuse du savant ou du stéréotype de l’artiste. Et tout s’éclaire lorsque deviennent trop ostensibles les obsessions de l’écrivain qui veut se débarrasser des corps, de la violence, du désordre, des accouplements grossiers, de la nourriture — lorsque les amants renaissent dans le ciel, projection de tous les désirs, et « fleurs ailées et pensantes », changent de sexe. L’œuvre littéraire se présente alors comme un enchevêtrement d’obsessions qui pointent à travers les justifications scientifiques des clichés littéraires les plus convenus. Et de ce fait, ce qui devrait n’être que l’expression anodine et stéréotypée des préoccupations de chacun devient l’aveu de préoccupations intimes et singulières.
20Revenons à l’histoire de l’humanité, en sautant comme le fait Camille Flammarion, tous les problèmes contemporains, pour expliquer comment, au XXVe siècle, ils ne se poseront plus. Dans la Fin du Monde, les terriens croient que leur planète sera détruite par la rencontre d’une comète. Ce n’est qu’une fausse alerte qui permet à Flammarion d’expliquer comment il conçoit le devenir de la terre et l’évolution des races. En premier lieu, bien entendu, dans un certain nombre de siècles on ne mangera plus :11
« Les repas les plus somptueux s’effectuaient non plus autour de tables où fumaient des débris d’animaux égorgés, assommés ou asphyxiés, bœufs, veaux, moutons, porcs, poulets, poissons, oiseaux, mais en d’élégants salons ornés de plantes toujours vertes, de fleurs toujours épanouies, au milieu d’une atmosphère légère que les parfums de la musique animaient de leurs harmonies. Les hommes et les femmes n’avalaient plus avec une gloutonnerie brutale des morceaux de bêtes immondes, sans même séparer l’utile de l’inutile. D’abord les plantes avaient été distillées ; ensuite puisque les animaux ne sont formés eux-mêmes que d’éléments puisés au règne végétal et au règne minéral, on s’en était tenu à ces éléments. C’était en boissons exquises, en fruits, en gâteaux, en pilules, que la bouche absorbait les principes nécessaires à la réparation des tissus organiques, affranchie de la nécessité grossière de mâcher des viandes »12.
21La race humaine se purifie, mais les différences entre les sexes se maintiennent, l’homme continuant de créer, la femme de séduire et de penser lentement, bien qu’au soixantième siècle « la tête de la femme (ait) grandi avec l’exercice des facultés intellectuelles » :
« Le cerveau féminin était toujours resté un peu plus étroit que le cerveau masculin et avait toujours continué de penser un peu autrement (son exquise sensibilité étant immédiatement frappée par des appréciations de sentiments avant que le raisonnement intégral ait le temps de se former dans les cellules plus profondes) et la tête de la femme était restée plus petite, avec le front moins vaste, mais si élégamment portée sur un cou d’une gracieuse souplesse, si supérieurement détachée des épaules et des harmonies du buste, qu’elle captivait plus que jamais l’admiration de l’homme »13.
22Avec le temps, la forme humaine se modifie. Les facultés intellectuelles se développent, les travaux manuels et les exercices corporels diminuent, l’alimentation se transforme et la reproduction ne se fait plus au hasard des mariages d’inclination. Ce qui fait que le crâne de l’homme s’accroît, que la force de ses jambes et de ses bras s’amoindrit, que son ventre diminue d’ampleur et que se perpétuent
« les formes classiques de la beauté humaine, la stature masculine, la noblesse du visage élevé vers le ciel, les courbes fermes et gracieuses de la femme.
Vers le centième siècle environ de notre ère il n’y eut qu’une seule race, assez petite, blanche, dans laquelle les anthropologistes auraient peut-être pu retrouver quelques vestiges de la race anglo-saxonne et de la race chinoise.
Vers le deux centième siècle environ, l’espèce humaine cessa de ressembler physiquement aux singes et moralement aux animaux carnivores »14.
23Une ère « d’idéale volupté » s’ouvre. « Plus qu’à aucune autre époque de l’histoire, en cette période d’hyperesthésie de tous les sens, les hommes devinrent fous des femmes et les femmes devinrent folles de leur corps ». L’amour devient alors la loi suprême, « laissant dans l’ombre et dans l’oubli l’antique devoir de la perpétuité de l’espèce, enveloppant l’être sensitif de caresses et de plaisirs ». Les femmes du monde cessent d’être mères et les « charges de la maternité dont les élégances féminines ne s’accomodèrent plus furent abandonnées aux filles du peuple et des campagnes », tandis que, dans les resplendissantes cités, une nouvelle race de femmes ramènent sur le monde « le charme caressant et lascif des voluptés orientales raffinées encore par les progrès d’un luxe extravagant ». Bien sûr, les femmes électrices et éligibles « qui avaient conquis une place importante dans la législation, avaient fait tous leurs efforts pour maintenir dans son intégrité l’antique et avantageuse institution du mariage », mais elles n’ont pu l’empêcher de tomber en désuétude. Dans ce monde idéal, les travailleurs intellectuels ont réussi à allonger leurs journées de deux heures en faisant soutirer, par d’habiles praticiens, aux hommes sans valeur intellectuelle et qui ne songent qu’à tuer le temps, « une certaine dose de force virile ».
24Ce qui sera sur la Terre dans deux cents siècles existe déjà sur Mars, planète plus ancienne et plus avancée que la nôtre dans son cycle vital. Les années martiennes étant deux fois plus longues que les nôtres, on vit deux fois plus longtemps, et la pesanteur étant moins sensible, les corps y sont « moins lourds, moins grossiers, plus délicats, plus sensibles, plus éthérés, plus purs15 ». « L’humanité martienne est d’une race d’origine sextupède et son développement organique s’est effectué dans la série des espèces ailées16 ». Si bien que, dit un Martien, « les plus délicieuses beautés terrestres ne sont que des monstres grossiers à côté de nos aériennes femmes de Mars, qui vivent de l’air de nos printemps, des parfums de nos fleurs et (qui) sont si voluptueuses, dans le seul frémissement de leurs ailes, dans l’idéal baiser d’une bouche qui ne mangea jamais »17.
25C’est ce que constate l’astronome transporté en rêve sur Mars :
« Fleurs, fruits, parfums, palais féeriques s’élevaient sur les îles à la végétation orangée, les eaux s’étendaient en limpides miroirs, et de joyeux couples aériens descendaient en tourbillonnant sur ces rivages enchanteurs. Là tous les travaux matériels sont accomplis par des machines et dirigées par quelques races animales perfectionnées, dont l’intelligence est à peu près du même ordre que celle des habitants de la terre. Les habitants ne vivent que par l’esprit et pour l’esprit ; leur système nerveux est parvenu à un tel degré de développement, que chacun de ces êtres, à la fois très délicat et très fort, semble un appareil électrique et que leurs impressions les plus sensuelles, ressenties bien plus par leurs âmes que par leurs corps, surpassent au centuple toutes celles que nos cinq sens terrestres réunis peuvent jamais nous offrir. Une sorte de palais d’été illuminé par les rayons du soleil levant s’ouvrait au-dessous de notre gondole aérienne. Ma voisine, dont les ailes frémissaient d’impatience, posait son pied délicat dans une touffe de fleurs qui s’élevait entre deux jets de parfums »18.
26Flammarion, lorsqu’il expose ses promesses de félicités, ne fait pas confiance à la politique, aux associations humaines. La science progressera au point qu’on pourra se passer de travail et d’état. Peu à peu se créera une nouvelle race aussi différente de celle que nous connaissons que le papillon l’est de la chrysalide. Mais cela se fera sous l’impulsion de la nature qui fait tout progresser en dépit des prêtres, des politiciens et des militaires. La matière sera transcendée par l’esprit. Paradoxalement, l’esprit en triomphant de la matière prodiguera aux êtres des jouissances multipliées bien supérieures aux voluptés matérielles et qui seront encore pourtant des plaisirs de sens. Flammarion a trouvé dans le ciel le moyen de se débarrasser de la sexualité (et de ce qui l’accompagne — nourriture, désordres, violences —) sans renoncer aux plaisirs : il suffisait de multiplier les sens et de faire que les objets de désir s’offrent spontanément avec une grâce aérienne dans un monde végétal à l’image de l’harmonie du cosmos. Les libellules androgynes d’Andromède, les créatures ailées qui peuplent Mars, les habitants des étoiles doubles vivent pratiquement sans corps et ils ne sont pourtant, comme les astres, que caresses. Comme le sont ces habitants d’une planète qui gravite autour d’un soleil saphir :
« On voyait sur les sommets des montagnes, des plantes qui n’étaient ni des arbres ni des fleurs, qui élevaient de frêles tiges à d’énormes hauteurs, et ces tiges ramifiées portaient, comme en tendant les bras, de larges coupes en forme de tulipes. Ces plantes étaient animées ; du moins comme nos sensitives et plus encore, et comme la desmodie aux feuilles mobiles, elles manifestaient par des mouvements leurs impressions intérieures. Ces bosquets formaient de véritables cités végétales. Les habitants de ce monde n’avaient pas d’autres demeures que ces bosquets et c’est au sein de ces sensitives parfumées qu’ils se reposaient quand ils ne flottaient pas dans les airs »19.
27Comme le sont les étoiles doubles elle-mêmes que contemple, en rêve, l’astronome guidé par Uranie20, comme doivent l’être ceux qui vivent dans ces terres du ciel et qui sont munis de quinze, dix-huit et même vingt-six sens différents21.
28Flammarion aime bien les dames. Il ménage leur sensibilité, leur délicatesse et ne dédaigne pas de les instruire sans pour cela en faire des bas-bleus à la tête pleine d’équations (cf Astronomie des Dames). L’astronome Raphaël dit à sa bien-aimée :
« Les mathématiques ne sont pas l’affaire des femmes (...). Oui, ma chérie. Prenez de la science tout ce qu’elle a d’agréable, mais ne devenez pas trop technique, vous vous sécheriez »22.
29Dans l’évolution de l’humanité, les femmes seront d’abord instruites, discrètes, intuitives, bien à leur place et moins intelligentes que les hommes. Dans un deuxième temps les femmes seront plus belles mais toujours également discrètes, ne pensant pas trop, ne manifestant rien de leur vouloir-vivre :
« Les femmes avaient acquis une beauté parfaite avec leurs tailles affinées, si différentes de l’ampleur hellénique, leur chair d’une translucide blancheur, leurs yeux illuminés de la lumière du rêve, leurs longues chevelures soyeuses, où les brunes et les blondes d’autrefois s’étaient fondues en un chatain roux, ensoleillé des tons fauves du soleil couchant, modulé de reflets harmonieux, l’antique mâchoire avait disparu pour s’idéaliser en une bouche minuscule, et devant ces gracieux sourires, à l’aspect de ces perles éclatantes enchâssées dans la tendre chair des roses, on ne comprenait pas que les amants primitifs eussent pu embrasser avec ferveur les bouches des premières femmes. Toujours dans l’âme féminine, le sentiment avait dominé le jugement, toujours les nerfs avaient conservé leur excitabilité si curieuse, toujours la femme avait continué de penser un peu autrement que l’homme gardant son indomptable ténacité d’impressions et d’idées »23.
30Dans un troisième temps, plus de corps, plus de différence entre les sexes. Un blottissement dans un univers sans faille, des caresses éternelles, une jouissance continue des vingt-six sens à la fois. On comprend que Jules Laforgue ait beaucoup aimé l'Astronomie populaire !
31La dernière étape de la métamorphose de la féminité c’est tout simplement la disparition de la femme ! Son vouloir vivre, ses appétits, l’acte sexuel, l’accouchement qui fascinent et répugnent, sont des obstacles au désir. Les sexes et les corps disparaissent pour faire place à des rêves d’androgynie, de fleurs pensantes, de blottissement dans une matière tiède végétale, aérienne ou aqueuse. C’est l’orgasme infini et délivré de la chair. Camille Flammarion n’est qu’un exemple de cette sensualité honteuse et puritaine qui se projette dans l’idéal sans jamais dire son nom. On songe à Baudelaire et à son mépris pour la femme toujours en rut alors que c’est la Beauté qu’il faudrait adorer, la Géante, la femme stérile ; on songe à Laforgue dont le cœur « pourrit de tristesse » parce que les jeunes filles ont des pantalons et des organes génitaux ; à Villiers de l'Isle Adam et à son Eve artificielle ; aux Tripèdes de Rosny aîné24 dont nous citerons cette page que Camille Flammarion n’aurait certainement pas désavouée :
« Leur amour physique demeure une énigme plus mystérieuse que l'amour des fleurs. Leur étreinte, car leur acte nuptial est une étreinte, semble extraordinairement pure. C’est tout le corps qui aime en quelque sorte immatériellement. Du moins, si la matière intervient, ce doit être sous la forme d’atomes dispersés, de fluides impondérables.
La naissance de l’enfant est un poème. La mère est d’abord enveloppée tout entière d’un halo, qui en se condensant sur sa poitrine devient une vapeur lumineuse. Elle suspend alors à ses épaules une conque ravissante, une sorte de grande fleur pâle où l’enfant se condense, prend la forme de son espèce, puis se met à grandir. Sa nourriture est d’abord invisible, émanée de la mère ».
32Que faut-il en conclure ? Misogynie ? Gynophobie ? Sans aucun doute. Mais aussi peut être un mouvement de révolte plus profond, un refus du temps et de l’individu réglés par les lois de la logique et de la continuité, un refus plus ou moins explicite de la domination qu’exerce, sur une société hiérarchisée, le Soleil-Dieu le père. Et de l’ordre sexuel qu’il fonde sur les relations homme-femme-mariage-copulation. L’histoire de la condition féminine au XIXe siècle ne saurait se passer d’une étude sociologique et psychanalytique de tels textes.
Notes de bas de page
1 Récits de l’Infini, édition de 1892, Paris, Flammarion, p. 199.
2 Dans Manger ou les jeux et les creux du plat, essai de sociologie de l’alimentation, Frédéric Lange s’interroge sur « ce que manger veut dire ». Manger est un acte qui permet « une communication d’une extrême qualité avec le monde » puisque par le repas l’homme :
prend possession du monde pour le conquérir ou s’y perdre.
se dresse, émerge.
peut faire disparaître le monde.
ou le porter à maturité. « Manger c’est rapprocher ou se rapprocher du monde pour le prendre, se faire prendre afin de s’emplir, s’enfoncer, peser, s’immerger, se sentir fixe, proche du monde, faire disparaître le monde et soi avec. Manger c'est aussi se transformer, se dresser. C’est encore manipuler le monde pour se définir par sa résistance, sa remise en ordre, son occupation, son asservissement, ou mieux encore par son assèchement : mouiller le monde et l’assécher sont les deux temps qui rythment toute activité humaine. C’est aussi faire disparaître le monde, l’assassiner ou faire disparaître ce qui était condamné à périr : les aliments ; manger c’est alors assainir le monde. C’est encore achever le monde, le porter à maturité, parfaire sa cuisson, l’apprendre, le déchiffrer, l’assumer, le porter, l’assimiler, le rendre semblable à soi, le convertir en sa propre substance, se l’approprier ».
3 Manger ou les jeux et les creux du plat, Frédéric Lange, Paris, Seuil, 1975, p. 19.
4 Id., p. 16
5 Stella, Paris, Flammarion, édition de 1897, p. 186.
6 Flammarion n’est pas vraiment un utopiste : il n’a pas imaginé de cité radieuse dans lesquelles tout serait prévu, il ne fait pas confiance aux organisations politiques quelles qu’elles soient ; les êtres qu’il imagine n’ont souvent pas de corps et par conséquent ils ne ressentent pas le besoin de vivre dans le cadre d’un état ou d’une religion. Pourtant son monde végétal pris pour modèle ressemble à celui des grands utopistes. Comme l’écrit Gilles Lapouge (Utopie et Civilisations, Weber, Lausanne, 1973, p. 181-182) : « Ne peut-on dire que le but profond de l’utopie, c’est-à-dire l’arrachement au flux du temps grâce aux ruses les plus sournoises, est automatiquement réalisé par les plantes ? La plante est serve des rythmes cosmiques. Elle est régie par les pulsions de l'univers. Pour citer la distinction d’Aristote, elle reproduit les figures de la sphère céleste, non les tâtonnements de la sphère sublunaire (...). On peut donc conclure que la plante illustre la notion de nature, telle que les utopistes l’invoquent, au sens où la nature cosmique est un champ mathématique ».
7 Uranie, éd. de 1891, p. 255.
8 Récits de l'infini, op. cit., p. 181.
9 Ibid., p. 69.
10 Uranie, édition de 1891, Paris, Flammarion, p. 280.
11 Dans Ame vêtue d'air (in Rêves étoilés, Paris, Marpon-Flammarion, éd. de 1888). L’astronome et le peintre rencontrent une femme nue. Le peintre désire le corps mais l’astronome contemple l’harmonie de l’univers capable de faire tant de beauté en groupant des éléments chimiques autour d'une force vivante.
12 La Fin du Monde, Flammarion, p. 276, Paris, 1893.
13 Ibid., p. 277.
14 Ibid., p. 278 et suiv.
15 Stella, op. cit., p. 201.
16 Uranie, op. cit. p. 286.
17 Ibid., p. 260.
18 Ibid., p. 264.
19 Ibid., p. 22.
20 Ibid., p. 26.
21 Ibid., p. 40.
22 Stella, op. cit., p. 322.
23 La fin du monde, op. cit., p. 310-311.
24 J.H. Rosny aîné, Les navigateurs de l’infini, in Récits de Science-Fiction, Marabout, p. 76.
Auteur
Université de Lyon II
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Biographie & Politique
Vie publique, vie privée, de l'Ancien Régime à la Restauration
Olivier Ferret et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.)
2014