Immobile à grands pas : portrait de Robbe-Grillet en Gradivus
p. 223-242
Texte intégral
« La vérité, ma seule passion1 »
1« Qu’ai-je dit ? Qu’ai-je fait2 ? », se demande le héros à la fin de Souvenirs du triangle d’or, lors d’interrogatoires qui tiennent à la fois de la « question », de la cure et de l’écriture. Interrogatoires pervers qui contraignent à avouer ce que l’autre sait, mais que l’on ignore soi-même. D’autant que l’acharnement dans l’aveu mesure souvent une impossibilité à dire. Car s’il aime entendre la victime « avouer », le « maître » semble interdit de souvenir – comme traversé d’une page blanche.
2Quand un sujet, fait de « trous », de « morceaux qui ne peuvent pas trouver un assemblage cohérent3 », se sent étranger à lui-même, peut-il prétendre à l’écriture auto(bio)graphique ? En aucun cas, estime l’auteur. Alors que l’autobiographe traditionnel, balzacien invétéré, immobilise le sens et édifie sa « statue » (V, p. 295), la « Nouvelle Autobiographie » doit permettre au sujet de « se ruiner soi-même définitivement » (V, p. 295) – en accord avec une débâcle historique et un effondrement esthétique, que rappellent au long de l’œuvre les temples écroulés et les cités dévastées. Mais il n’y a rien de plus suspect que ces antithèses qui annulent d’un coup le passé en un rêve d’auto-engendrement.
3Reste à savoir s’il est possible d’édifier une œuvre en ruine. Le pari de Robbe-Grillet consiste en effet à croire qu’on peut « s’introduire soi-même comme personnage supplémentaire dans un récit, sous son propre nom », sans que cela revienne « à construire une statue magnifique, en bronze, qui ornera la place de son village », mais au contraire à « se déconstruire » (V, p. 295) – se « déconstruire », c’est-à-dire ne pas choisir entre vérité et fiction et privilégier les sentiers qui ne mènent nulle part4.
4Quand il évoque son « entreprise auto-hétérobiographique5 », Robbe-Grillet indique bien ce qui sépare l’« autographie » traditionnelle de l’« hétérographie6 », qui préserve l’espace de l’« hétérogène7 ». Face à la naïveté présumée des Anciens – censés ignorer leur duplicité –, la « Nouvelle Autobiographie », cette autobiographie du soupçon, s’affiche en effet « consciente », consciente d’être fiction – un peu comme le Crétois, qui dit qu’il est menteur. Les Romanesques n’acceptent donc de statue (de statut ?) que fissurée, quelque part dans l’inachevé, à l’image d’un lexique fuyant : « errements autofictionnels » (DJC, p. 177), « autohétérobiographie », tout indique le maintien d’un entre-deux. Par cette dualité non dialectique, l’autofiction donne donc congé à Hegel (évoqué dans Angélique…) et aux pensées totalisantes.
5Telle est la thèse, mais on sait la jouissance de l’auteur à transgresser ses propres lois. Certes, dans les Romanesques, la « fiction » la plus échevelée (le comte de Corinthe) se noue à la « vérité ». Mais la question est de savoir si la fable fait vaciller le sens ou si elle le coagule. Les « souvenirs d’enfance » de Robbe-Grillet ressemblent en effet à la Caverne de Platon (le moi dévoilé en son essence pure, etc.) : ainsi, le jeune Robbe-Grillet serait tombé dans un trou d’eau, au lieu-dit « le Minou8 », ce qui lui aurait inspiré l’horreur des cavités humides ; peur du Minou qui expliquerait les violences infligées aux poupées en porcelaine, dévêtues et suppliciées9…
6Qu’ajouter ? À quoi bon encore des fictions quand tout est dit d’emblée ? Et quelle place reste-t-il aux histoires, c’est-à-dire à la temporalité, quand la vérité semble à ce point hors temps ? L’auteur peut bien célébrer la jubilatoire « déconstruction » (du sens, du moi, des « temples »…), l’écriture colmate les brèches. Car le fantasme a besoin de la Loi, et la composante perverse (désirs sado-érotiques, luxuriance des scénarios fantasmatiques) aime la « discipline ». C’est toujours du point de vue de l’Ordre que sont évoqués les désordres, maintenus « sous contrôle » ; et c’est au même idéal de maîtrise que renvoient les vrais-faux souvenirs allégoriques (le Minou, les poupées…).
7Mais de croiser la fiction avec la vérité suffit-il à fonder une « Nouvelle Autobiographie » ? Et est-ce que tout récit de soi ne constitue pas, inéluctablement, une forme de cogito ? À peine déconstruite, la « statue de bronze » se voit remplacée par une « statue en pierre », Gradiva, au centre d’une cité en ruines – substituant aux poupées en porcelaine une femme pétrifiée, et réintroduisant le mouvement (« celle qui marche ») lors même qu’elle fige le devenir.
AUTO-FISSURATION : LA FIN DES GRANDS RÉCITS
8Si le moi, transparent à lui-même, était un et indivisible, si le « réel » n’était pas flanqué de son ombre, il serait possible de « peindre un homme dans la vérité de sa nature » et de s’abîmer dans la contemplation de sa propre image. Mais on sait le sujet opaque à lui-même, la vérité hors d’atteinte, et le monde flanqué de son « double ». Un moi fragmenté, lacunaire, exige des récits entrelacés, car si la vérité ne réside pas en un « lieu » mais dans un entre-deux, il faut bien mettre en place un dispositif éclaté. À partir de prémisses différentes, Robbe-Grillet réinvente ainsi, dans les Romanesques, la rhétorique des « Vies parallèles », où l’un est le miroir de l’autre, où l’un est l’autre. L’autohétérobiographie, ce monstre épistémologique, apparaît donc comme la réponse obligée à un sujet décentré.
9Ce récit fissuré se joue en effet sur deux scènes. D’une part, la vie quotidienne et ses « lieux » (un père, une mère, des souvenirs d’enfance, les débuts littéraires…) ; de l’autre, avec les aventures de Corinthe, le fantasme et sa luxuriance. De sorte que le temps adopte deux régimes : d’un côté un récit de vie, de l’autre une figure obsédante, Corinthe, et sa biographie impossible (cavalier en 1914, sympathisant des nazis, réfugié en Amérique latine…). Façon de vérifier que le fantasme habite sans doute un espace propre, mais qu’il n’a pas d’histoire.
10Mais d’être hors du temps lui permet justement de multiplier les histoires. Véritable retour du refoulé, Corinthe renoue avec l’époque où l’aventure, c’est-à-dire les romans, existaient encore. Face à la grisaille des temps démocratiques, il fait miroiter le souvenir des temps chevaleresques et de l’épique, ce continent perdu10. L’alter ego n’apparaît d’ailleurs que sur fond de cataclysme historique : l’année 1914 dans Angélique… et le nazisme tout au long du cycle.
11Dans Angélique…, ces cavaliers français et allemands qui se croisent à travers des forêts mystérieuses où les attendent d’étranges jeunes filles, moitié espionnes, moitié sorcières, sortent en effet des romans « bretons » (avec Jean Robin dans le rôle du chevalier à la charrette) ou du Roland furieux, avec ces Angéliques, inlassablement enchaînées, mais prêtes aussi bien à s’emparer de leur proie. Cette autofiction qu’est Angélique ou l’enchantement apparaît donc avant tout comme un « tombeau » de la fiction. Tout comme L’Arioste et Le Tasse sonnent le glas de la chevalerie, il règne dans les Romanesques un arrière-plan mélancolique qu’illustre le dédoublement du récit. En Corinthe, Robbe-Grillet trouve son marquis de Rollebon11 ; et comme Don Quichotte, son Amadis de Gaule. Nous voilà loin de la fameuse « table rase », chère aux avant-gardes, car la « Nouvelle Autobiographie » est une héritière ; et si ses racines plongent aussi loin, c’est que l’histoire personnelle a la mémoire longue12.
12Au regard d’une enfance maurrassienne, Corinthe et cette chevalerie égarée offrent l’image idéale de ce qui n’est plus. C’est en pareille lumière qu’il faut appréhender la proximité de Corinthe avec le nazisme, de plus en plus troublante à mesure qu’on avance dans les Romanesques. Alors que, dans la réalité biographique, l’Allemagne nazie n’a été qu’entrevue (le STO), Corinthe renverse la perspective, substituant à cette « vue d’en bas » une version fantasmatique. Tout comme Pasolini transpose Sade dans le fascisme finissant (Salo, 1976), le « nazisme imaginaire » de Corinthe restaure les châteaux, redonne aux maîtres les pleins pouvoirs, et donne ainsi leur vrai lieu aux exercices érotiques du jeune Robbe-Grillet (les poupées entravées). Sage précaution car on voit trop, dans Angélique…, le danger à laisser des filles « dé-chaînées ».
13Comme l’Histoire s’est achevée en 1945, le personnage n’a donc plus qu’à enquêter sur un « désastre obscur13 », quelque « cité antique après le flot des cendres brûlantes, place de village au lendemain du bombardement14 » (STO, p. 15). À la façon des Souvenirs d’enfance et de jeunesse de Renan15 (incipit), l’autobiographe écoute les cloches de la ville engloutie. Car le « mythe humaniste de la profondeur » a beau être « une vieille taupe16 », la vérité du sujet, ce sub-jectum, gît quelque part en dessous. Ainsi, la forteresse-mémoire de Corinthe et ses murailles de Vauban possèdent des casemates souterraines, venues de l’Occupation (DJC, p. 159 sq.), qui plongent assez profond pour que surgisse, à la fin, la « fiancée de Corinthe » – fée celtique et fille du Rhin. Jusqu’au bout, Corinthe aura « mont[é] la garde au bord du Rhin17 ». En auto-faction. Même si rien ne pourra empêcher l’incendie du Walhalla (AE, p. 26).
14Le Walhalla en flammes, Pompéi en cendres : le monde n’en finit pas de s’anéantir. Mais c’est justement au lendemain du désastre que les choses sont les plus belles. Avec l’allégresse du vrai mélancolique, Robbe-Grillet aime en ces ruines la dissolution de l’être (DJC, p. 145), car l’autobiographe connaît la jouissance de la catastrophe, qui débarrasse d’un fardeau (DJC, p. 145). Quand se sont écroulés les Grands Récits peuvent se multiplier, enfin, les (petites) histoires, cet hommage en creux. Les ruines où vit Gradiva, miroir inversé de Corinthe dans sa forteresse, deviennent ainsi le « ferment d’une existence » (DJC, p. 145) et le générateur de l’écriture.
AUTO-FIXATION : LE TEMPS IMMOBILE
15Pour un naufrage exemplaire, il faut en effet une relique, ou un fétiche, car de ces mondes disparus il doit rester un témoin (Gradiva/Corinthe). L’anéantissement suppose qu’une conscience soit là, afin de raconter le jour d’après ce qui fut juste avant, et de repasser le film de la catastrophe (Les Derniers Jours de Corinthe, cela sonne en effet comme Les Derniers Jours de Pompéi).
16Mais ce sentiment de l’irréversible est tenu en lisière par une constante dénégation – du temps, de la mort et du crime. Certes, le film se déroule jusqu’au bout, mais il permet sans cesse des arrêts sur image ; et il peut également repasser à l’envers. Pompéi n’existe plus, et pourtant Gradiva est toujours là, lancée dans sa marche et cependant figée. On a souvent signalé cette pétrification et la relation qu’elle instaure entre l’instant, l’instantané et la compulsion de répétition. Mais si, comme Gradiva, les personnages sont « à tout moment arrêtés en pleine course, telle la flèche de Zénon, par la seule vertu de l’écriture » (V, p. 121), c’est qu’ils « ont la même existence douteuse et obstinée que ces trépassés sans repos qu’un charme maléfique […] oblige à revivre éternellement les mêmes scènes de leur tragique destin. » (MR, p. 21) Au lieu d’aimer ce que jamais l’on ne verra deux fois, ici l’on ne goûte que le déjà vu/déjà vécu18. La perception, ce trompe-l’œil temporel, vaut souvenir ; et l’événement, reconnaissance. L’écriture nous condamne donc à revivre ce qui se répète inlassablement, à affronter des événements déjà advenus, dans un monde sans origine ni devenir.
17Face à ce passé qui ne passe pas, on hésite. Faut-il vivre le ressassement comme un cauchemar ? Cette impossibilité à en finir comme la marque d’un échec ? L’auto-narration serait-elle à la fois inachevée et inachevable ? Ou, au contraire, doit-on voir dans cet effet de retour l’occasion merveilleuse de ne jamais répondre de ses actes ? Alors que l’examen de conscience ou les philosophies de l’engagement impliquent une responsabilité, l’assurance du recommencement permet un « dégagement » car si l’univers est voué à la répétition, et si tout est réversible, il n’y a rien d’irrémédiable. On peut bien mourir, mais comme disent les enfants, c’est pour de faux. Dans Trans-Europ-Express, l’homme viole puis étrangle sa partenaire ; mais sitôt après, les deux personnages reparaissent, enlacés, « pour adresser un gentil sourire au public et marquer ainsi la dernière image du film, comme les morts font au théâtre après le baisser du rideau19 ». Mort-vivant, le personnage s’affranchit du principe de non-contradiction, nous confrontant à cette présence-absence, à ce passé-présent qui est le propre du récit de vie. Comme chez Robbe-Grillet il n’y a rien d’inéluctable, Orphée amène toujours Eurydice à la lumière, même si, pour son bien, il a fallu l’entraver.
18Si avéré soit l’événement, je peux donc en contester la « réalité » – et par là m’en disculper. L’univers peut toujours accuser20, et les indices, proliférer (cordelettes, anneaux dans les murs…), les héros se dérobent car pour eux le crime (sexuel, évidemment) procède de ce fameux « centre vide » évoqué dans Angélique… (p. 125). Dans le combat entre trace (l’insecte écrasé) et effacement (les « gommes »), la lutte est inégale car quels que soient les éléments « objectifs » (photo du criminel, ressemblances troublantes21…), la conscience subjective les récuse : HR a sans doute assassiné Violetta, rien n’y fait puisqu’il « regard[e] sa main droite avec étonnement, comme si, coupée de son corps, elle ne lui appartenait plus » (R, p. 188).
19Une main coupée du corps, un assassin « coupé » de son crime, un désir « coupé » de son acte : le texte nous conduit au plus près, mais au dernier moment bifurque. Du coup, il faut que le « réel » insiste ; et la confrontation est toujours médusante. Le comte de Corinthe, prodigue en détails sur ses chasses très spéciales en Amérique latine, ne supporte pas le face à face (avec les sous-vêtements, avec le miroir marin). Le voilà qui défaille dès lors que le souvenir rencontre le « visage de l’autre » (le miroir marin) ou la marque de son absence (les sous-vêtements dans la lande).
20Le moi peut donc infliger les pires supplices à condition qu’un visage impassible l’autorise à nier la souffrance. Vide d’expression, l’autre doit demeurer absent à lui-même, semblable à une « poupée en celluloïd aux bras arrachés mais toujours souriante » (R, p. 74), pour que le romancier-bourreau jouisse d’un plaisir pur. Quand Christine, dans son somptueux cercueil, voit le feu s’approcher, elle « veut appeler, se débattre », mais le « roi des aulnes […] lui interdit même un clignement de paupières qui pourrait altérer, ne fût-ce qu’un instant, l’immobile beauté de son visage et de tout son corps » (STO, p. 215). Le vrai danger, on l’a compris, n’est donc ni la mort ni la souffrance, mais l’« altération ». Mais qu’est-ce que l’altération dans un monde sans altérité ? Le Je sans le Tu ? Un temps qui ne laisserait pas de trace ?
21Alors que la littérature de l’intime privilégie la différence, Robbe-Grillet annule, lui, ce qui confère au sujet sa singularité. Plus « moraliste » que mémorialiste, il préfère au fond les « types » – les épures, les topoi –, propices au fantasme. Dans une analyse du « lisse », l’auteur avoue son goût pour les corps parfaits, qui peuplent les magazines, les BD, les films pornographiques, et inspirent aussi bien David Hamilton et Guido Crepax que Leni Riefenstahl. Corps faussement fragiles puisque le temps ni les supplices ne laissent la moindre trace. Alors que les récits de vie confrontent à l’inéluctable (Monsieur Jadis22 ; Moriendo23 ; etc.), ces images de non vie mettent en scène « un monde inaltérable : objets indestructibles, chairs qui ne sont même pas effleurées par le soupçon de l’âge ». L’acharnement à entraver les jeunes filles, ou à les faire s’exhiber en tableaux vivants, pose ainsi une équivalence entre immobilité et immuabilité. Emprisonner serait le seul moyen de préserver. À rebours de Bataille – le supplice des cent morceaux et ce Chinois extatique –, Robbe-Grillet rêve, lui, sur le « visage lisse et le corps à jamais juvénile de la cover-girl », cette sainte des temps post-modernes, vouée à l’« éternité sereine de l’instant » (V, p. 123).
AUTO-FUSION : LES SIMULACRES DU MOI
22Le désir ne prend donc pas pour objet la « nature », mais son simulacre. Contre une mythologie de l’immédiateté – « Je sens mon cœur » de Rousseau ; la « maison de verre » de Nadja –, contre le mythe du désir comme vérité, cet univers privilégie l’artifice ou le kitsch : rien de spontané quand le plus séduisant est l’objet le plus éprouvé (les pires topoï) ; et rien de « vrai » dans ce goût du « faux » (une imagerie fatiguée, le culte du second degré, etc.).
23Du coup, si le désir se révèle frelaté, il n’y a de moi que « fictif », ou « autofictif ». À l’état de nature, on goûtait sans doute l’innocence, mais on ignorait les romans ; d’où, chez Robbe-Grillet, le goût de la fiction et l’horreur de la nature/du « naturel ». C’est que l’objet véritable est le fantasme, dont « seul parfois, le simulacre […] parvient à […] donner quelque approximation fugace ». La « vraie » femme est alors celle qui simule, comme ces filles de C’est Gradiva… ou de La Reprise qui, en un « musée Grévin érotique24 », composent des tableaux vivants (La Cruche cassée de Greuze) ou des scènes kitsch (L’Appât d’Édouard Manneret ; La Captive enchaînée de Fernand Cormon). Scènes qui participent de la fiction, puisque de telles images « racontent ». Orientaliste, médiéval, gréco-romain, le décor doit donc changer sans cesse, afin de masquer à quel point l’éros est « le lieu privilégié du ressassement éternel et de la reprise insaisissable25. »
24De cet éros iconique, il faut chercher l’origine dans ces livres illustrés feuilletés chez les soldeurs ou retrouvés dans les greniers de Kerangoff, qui offraient au jeune Robbe-Grillet l’horreur théâtralisée des supplices – le grenier comme grotte aux images ou caverne platonicienne. Rien d’étonnant alors à ce que les adolescentes, chargées de faire revivre ces « lectures », se tiennent « sages comme des images ». De là une perversion de l’ekphrasis puisque le « réel » joue à être une image tandis que le « simulacre » s’anime ; de là une prédilection pour les scènes immobiles26, en souvenir de ces livres où les pires horreurs (le supplice de Brunehaut ; les derniers moments de la princesse Aïcha…) se trouvaient suspendues à l’instant fatidique.
25Le fantasme se fait donc citation ; et la « confession », bibliothèque. Du coup, le sujet, et à travers lui son désir, devient « palimpsestueux » : loups sur les branches des arbres, dans la forêt des Hurles, où l’on reconnaît un « cas » illustre (AE, p. 121) ; tout comme le cri de l’héroïne, « Ne vois-tu pas, père, que je brûle ? », possède un air de déjà entendu27. Sans oublier les auto-citations, ni Gradiva, disséminée au long du texte – femme de pierre semblable à de petits cailloux qui indiquent le chemin.
26Puisque les personnages sortent des plus mauvais romans (le médecin nazi sadique, l’Inquisiteur pervers…), le style use de la pire rhétorique, comme si le moi ne pouvait se dire que de façon parodique. Dans cette écriture de l’empêchement, on écrit faux par impossibilité de parler vrai, et c’est cet écart, de soi à soi, qu’habitent les fictions du Je. Se regardant écrire, l’auteur lui-même s’interroge :
– Ici encore je vous arrête. Vous employez à plusieurs reprises, dans votre narration, des expressions comme celles-là : « petits seins naissants », « fesses charmantes », « cruelle opération », « pubis charnu » […], et même une fois : « courbes voluptueuses des hanches » (PRNY, p. 188-189).
27Quelle malédiction condamne le désir à un langage aussi kitsch ? Pourquoi l’horreur use-t-elle du « joli » ? Et pourquoi la chair n’est-elle désirable que « faite à peindre » (AE, p. 213) ? Dans les scènes érotiques, l’implicitation, le pastiche, tout convoque un tiers absent, de sorte que, ironie à part, on croise le « désir mimétique » de René Girard, pour qui le désir est toujours un objet d’emprunt (Amadis/Don Quichotte ; Henri de Corinthe/le narrateur).
28Alors que l’autobiographie avait fait de la mimesis le cœur même de son projet – peindre le moi en sa vérité –, les autofictions de Robbe-Grillet récusent une telle illusion. On pense à Guy Debord : « sans doute notre temps préfère l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité, l’apparence à l’être…28 »
AUTO-FISSION : DOUBLE JE
29Se pose du coup une question : comment penser un simulacre qui ne renverrait qu’à lui-même ? Une fiction sans la vérité ? En effet, le dédoublement narratif des Romanesques (les « souvenirs » de l’auteur/les aventures de Corinthe) a quelque chose de trop binaire, de trop structuré pour être honnête – même si le texte s’engendre justement de ce couplage (de cet accouplement ?).
30Bien avant de « s’introduire soi-même comme personnage supplémentaire dans un récit, sous son nom29 », Robbe-Grillet traverse souvent ses romans : dans Projet pour une révolution à New York où Ben Saïd, à la petite moustache, infléchit le cours de l’action30 ; et dans La Reprise, où la même fausse moustache (« semblable en tout point à celle que je portais autrefois », R, p. 14) caractérise le héros, ingénieur né à Brest. La fiction s’avère donc poreuse, mais avec les Romanesques, un degré est franchi. En effet, si les aventures du comte de Corinthe affichent sans équivoque leur dimension fictionnelle, le « récit de vie » de l’auteur suscite le trouble. On a déjà évoqué, au cœur de l’« autobiographie », de vrais-faux souvenirs reconstitués dans l’après-coup. Il en va de même à la fin d’Angélique ou l’enchantement, particulièrement perverse. Quand le lecteur, qui se souvient du Voyeur, découvre le récit de ces amours enfantines, avec une jeune fille qui aime les jeux dangereux et finit morte au pied de la falaise, il s’exclame, comme Lamiel : « C’était donc cela ! ». Selon la proclamation fameuse : « Je n’ai jamais parlé d’autre chose que de moi », qui ouvre Le Miroir... (MR, p. 10), tout n’aurait été que confession : la jeune Violetta du Voyeur, amie d’enfance du jeune Robbe-Grillet ? Et Mathias, passé par là ? Dans cette perspective, l’intime constituerait l’« horizon incontournable » de l’écriture ; le roman ne serait que l’autobiographie continuée par d’autres moyens. Voilà Robbe-Grillet brûlant ce qu’il a adoré et le Nouveau Roman redevenu un pauvre roman à clefs : c’est Roland Barthes qu’on assassine et Raymond Picard qui triomphe.
31Heureusement, les lecteurs de cette « Nouvelle Autobiographie » ont le sens du soupçon. Et le moins suspicieux s’interroge : prénommée « Angélique », la jeune fille se serait appelée « Arno » de par ses origines italiennes – « Angélique Arno » (sic), à la grâce efficace, mais peu augustinienne. Contre l’illusion biographique qui, au nom de la mimesis, fait du texte le reflet de la vie, l’auteur propose de ses romans une « restitution autobiographique » ; et donc réinvente sa vie à partir de ses fictions. Du coup, les Romanesques constituent une véritable « somme » autofictionnelle. Elles s’affichent comme une « fiction », au sens classique, quand elles usent d’un matériau purement romanesque (la chevalerie, la guerre…) ; mais en un faux contrepoint, elles opposent au « roman » des souvenirs équivoques. Tandis que les aventures de Corinthe participent de l’autofiction entendue dans son sens le plus large, les « souvenirs », eux, procèdent de l’autofiction entendue dans sons acception restreinte.
32Confronté à cet imbroglio, le lecteur se trouve prisonnier d’un piège herméneutique, sans doute parce qu’une « autobiographie consciente », trop consciente, s’expose à un effet de clôture. De son côté, l’auteur est lui aussi pris au piège : à mesure que Corinthe, ce miroir oblique, devient le maître de la parole, Robbe-Grillet n’est plus que le copiste et le commentateur d’une œuvre que signe en fait son personnage. Avec les derniers jours du dernier écrivain, l’histoire prend fin. Ou du moins le devrait si, dans ce récit de filiation, nul n’était là pour recueillir l’héritage. Fils imaginaire, l’auteur devient l’exécuteur testamentaire de son père symbolique, car il revient au fils d’achever l’entreprise et de renouer les fils. « Mettre les choses en ordre » (MR, p. 59), dit Robbe-Grillet, tout en dénonçant cette illusion, tandis que, symétriquement, Henri de Corinthe « s’acharne à relire, pour tenter de les mettre en ordre […], ces feuillets décousus de souvenirs, éparpillés devant lui » (DJC, p. 55). À l’image du temps, la mémoire est en effet sous le signe du discontinu car les instants, « nous ne pouvons ni les tenir immobiles, ni en fixer la trace de façon définitive, ni les réunir en une durée continue au sein d’organisations causales à sens unique » (AE, p. 67). Tissé de faux raccords, le récit le plus autobiographique constitue donc, inéluctablement, une « fiction de soi ».
33Faite de feuillets épars, l’autobiographie fissurée de Corinthe renvoie d’emblée au néant : Henri de Corinthe – rien de cohérent. Comme dans Le Dernier Jour d’un condamné, le comte tentera de raconter la fin, c’est-à-dire son rendez-vous avec la « fiancée de Corinthe », avant de capituler : « Le moment est donc venu. Selon ce qui a été prescrit, je signe ici mon mémoire inachevé31 ». D’une plume de cormoran (oiseau noir, corps mourant), il suspend un texte inachevable, puisque nul ne peut ici avoir le « dernier mot » – impossibilité du récit autobiographique à dire la scène ultime, dont tout le reste ne constitue qu’un souvenir écran qui légitime la « fiction ». D’où l’autofiction comme réponse à l’auto-fission (l’anéantissement du moi).
34Par effet de miroir, le livre dans lequel Corinthe met en scène sa disparition prochaine va lui-même disparaître. Au long des Romanesques, Robbe-Grillet déplore le destin du « grand livre », dont on n’a plus le manuscrit et
dont un célèbre éditeur parisien fera disparaître l’unique exemplaire final dans des conditions encore aujourd’hui controversées […], obligeant donc les héritiers à une épuisante et douteuse entreprise de reconstitution à partir de fragments disparates ou contradictoires32.
35« Grand Livre » dont on ne lira que l’écho dégradé, et dont les petits livres, ces simulacres, rémunèrent l’absence. Alors que, dans Topologie…, le personnage rejette finalement à l’eau les pages d’un livre qui flottait à la surface33, l’auteur, ici, arrache un livre au néant. Mais à se faire ainsi copiste, l’auteur signe son arrêt de mort.
AUTO-SCISSION : BARBE BLEUE/GRADIVA
36Pour ce « tombeau » que sont les Romanesques, Robbe-Grillet assemble donc les fragments démembrés d’une vie ; tout comme le comte, dans le musée secret de sa forteresse, a réuni des « fétiches » (calot noir d’un soldat allemand, ballon de plage, harpon, et chaussure de femme à haut talon, DJC, p. 211-212). Cabinet noir ou chambre obscure, dont émanent au fond les « Mémoires » du comte, ce « livre noir ».
37Ainsi, Corinthe n’aura cessé d’anéantir ses proies, mais pour mieux les préserver, enfouissant son trésor afin de le garder à disposition : voué à une jouissance de substitution, il ressemble au collectionneur qui multiplie les objets partiels en lieu et place de l’objet manquant. Au sein de la forteresse, la présence d’un reliquaire atteste que le monde est en ordre. En cela Corinthe rejoue l’histoire d’un autre grand collectionneur, lui aussi détenteur d’un musée privé : Barbe bleue, dont le fantôme hante l’œuvre : la forteresse et ses « sept idoles sacrifiées34 », les portes fermées à clef sous lesquelles s’écoule du sang35, ou bien cette « lettre bleue », qui évoque « l’histoire des sept adolescentes épousées par Gilles de Retz36 ».
38On sait que nul ne doit ouvrir le cabinet secret ; mais s’il reste hermétiquement clos, on ne lira jamais les « Mémoires » du comte. Pour qu’un récit advienne, il importe donc que les murailles comportent des fissures. Les Romanesques reposent sans doute sur le face à face de deux récits (souvenirs de l’auteur/vie du comte) ; mais plus encore sur le conflit entre secret et dévoilement, entre l’enfouissement et la présence. En d’autres termes, l’écriture de soi oppose ici Barbe bleue, figure de l’obscur, à Gradiva, métaphore du retour. Cheville à demi soulevée, Gradiva préserve une disjonction. Figure du passé dans le présent, reflet de l’image qui « manque au miroir37 », elle est ce fantôme qui hante l’écriture de soi et que son absence même conduit à proliférer. Échappées des cabinets secrets de Barbe bleue (Corinthe, le Dr Morgan), les Gradiva resurgissent de toute part : dans la Marrakech de C’est Gradiva qui vous appelle, évidemment, mais aussi quand une petite mendiante affiche une étrange démarche (pied en suspens, sur la pointe)38 ; ou quand, à l’Hôtel Lutetia, Marie-Ange pose un pied à plat sur le tapis, « tandis que l’autre, à demi soulevé sur sa pointe, s’écarte un peu de côté » (DJC, 49).
39Mais alors que Barbe bleue menace, Gradiva protège : au moment où le narrateur de Souvenirs… prépare un mauvais sort à la « Petite Temple » (le Temple d’or ? Shirley Temple ?), son pied dressé à la verticale immobilise le poignard (STO, p. 198). « Noli me tangere ! » : tandis que les poupées sont démembrées, les jeunes filles pourchassées et les communiantes crucifiées, les Gradiva demeurent hors d’atteinte – déjà dans la mort, et la chair pétrifiée.
40En cela, Gradiva vaut, sans doute mieux que Narcisse, allégorie du récit de vie – mi-pierre, mi-chair, immobile et en mouvement. Revenue d’un monde qui n’est plus, elle conjure l’inéluctable (Pompéi, la Seconde Guerre, le temps…) : grâce à elle, les Belles au bois dormant qui peuplent l’ouvre se réveillent39 et ce musée Grévin qu’est l’imaginaire reprend vie. Mais si Gradiva sauve de l’anéantissement et préserve de l’oubli, par son « arrêt sur image » elle annule simultanément le devenir ; elle anime des images fixes, mais fige le mouvement. Sous le signe de Gradiva (jamais gravide), l’autofiction est donc vouée au piétinement. Alors que la « fiancée de Corinthe » surgit pour en finir, Gradiva maintient le suspens. Au fond c’est elle qui, dans les tableaux vivants, retient la hache du bourreau sur le point de s’abattre – scènes qui, justement, prolifèrent dans C’est Gradiva... Vertige fixé, elle offre l’illusion consolante que ce qui est déjà advenu n’a pas encore eu lieu ; mais en retour elle interdit à l’événement de se faire avènement.
41Dans son texte programmatique « Du Nouveau Roman à la Nouvelle Autobiographie », Robbe-Grillet avait bien précisé que le but n’est pas d’édifier une statue en bronze sur la place du village. Or, voilà que ce Parnassien pervers place au centre une statue, surgie de Pompéi et de son histoire propre. On se souvient des poupées qu’il dit avoir torturées lors de ses « premiers exercices érotiques » (MR, p. 180-181) : ces poupées de porcelaine (porcelaine de Saxe, comme Caroline40 ? porcelaine de sexe ?), on les reconnaît bien41 à travers Gradiva – Lolita pompéienne, toujours recommencée. Rien de commun, en effet, entre l’homme de pierre, qui vient châtier le libertin et met le point final, et la femme de pierre : en faisant retour, Gradiva nous garantit que rien n’a eu lieu, que le bourreau n’a pas commis de crime, et que le monde « reste là […], têtu et chancelant tout à la fois, hésitant un pied en l’air entre son avènement éternel et sa définitive absence, depuis toujours » (AE, p. 125-126).
42Monde en suspens à l’image d’une notion titubante, l’autofiction, condamnée par son indécision même à un grand écart conceptuel.
Notes de bas de page
1 Projet pour une révolution à New York, Minuit, 1970 (noté PRNY). Sans oublier que le même auteur signe L’Homme qui ment.
2 Souvenirs du triangle d’or, Minuit, 1978 ; rééd. coll. « Points », p. 237 (excipit). Noté STO.
3 « Du Nouveau Roman à la Nouvelle Autobiographie » (1994), dans Le Voyageur, Bourgois/IMEC, coll. « Points », p. 296. Noté V.
4 Référence aux « Holzwege », cité dans Alain Robbe-Grillet, Angélique ou l’enchantement, Minuit, 1987, p. 134. Sera noté AE.
5 Les Derniers Jours de Corinthe, Minuit, 1994, p. 190. Sera noté DJC.
6 Je reprends l’opposition de l’autographie et de l’hétérographie à Philippe Forest (Le Roman, le réel, Cécile Defaut, 2006, p. 138 sq.), mais dans une acception littérale.
7 On songe à Bataille, quand il assistait, avec Corinthe, aux fameuses conférences de Kojeve sur Hegel (AE, p. 21-22).
8 Angélique ou l’enchantement, op. cit., p. 9. En référence au « Grand » et au « Petit Minou », près de Brest.
9 Le Miroir qui revient, Minuit, 1984, p. 180. Noté MR.
10 Les Romanesques peuvent donc se lire comme un tombeau de l’épopée, en écho à ce que dit Lukacs de la naissance du roman, dans La Théorie du roman (1920), trad. Gonthier, 1963, rééd. Gallimard, 1989.
11 Robbe-Grillet a souligné lui-même ce que Un régicide doit à La Nausée. Ce qui prend à contre-pied une histoire littéraire au présent qui avait souligné une rupture là où prévalait en fait une continuité.
12 Il faut savoir gré à Antoine Compagnon d’avoir reconfiguré le champ littéraire en replaçant Barthes et Robbe-Grillet dans les « anti-modernes » (Les Antimodernes. De Joseph de Maistre à Roland Barthes, Gallimard, 2005).
13 La Reprise, Minuit, 2001, p. 81. Sera noté R. Pour les résurgences mallarméennes, voir également « Rien, cette écume… bue » (DJC, p. 280).
14 STO, p. 15. Malgré l’indécence du rapprochement, on songe à la cité en ruines telle qu’évoquée au début de W ou le souvenir d’enfance.
15 1883, rééd. Flammarion 1983.
16 MR, p. 10. Compte tenu des mauvaises fréquentations de Corinthe, il fallait oser l’image, rendue inutilisable par les révisionnistes.
17 Angélique…, p. 34. La fameuse Wacht am Rhein de ce guerrier perdu s’entrelace à des réminiscences faulknériennes, qui le renvoie du côté d’autres grands maudits (ibid., p. 19).
18 Cf. Remo Bodei, La Sensation de déjà vu, Le Seuil, 2007.
19 AE, p. 189. La liste de ces morts-vivants est infinie : dans Un régicide le roi continue de régner après son « assassinat », tout comme dans Les Gommes, Dupont est et n’est pas mort. Ambiguïté poussée à son terme quand, dans Souvenirs…, des policiers interrogent Angélica sur les causes de sa mort : « Votre corps a été retrouvé, rejeté par la marée haute […]. Vous aviez les mains liées ensemble dans le dos » (STO, p. 178).
20 « Vous êtes le meurtrier fou que la police recherche ! », s’écrie Claudine dans C’est Gradiva qui vous appelle (Minuit, 2002. Noté G).
21 « “Il y a votre photo dans la dernière édition du Globe”, dit-il […]. “C’est la page des crimes sexuels”, dit l’homme. » (STO, p. 168-169)
22 Antoine Blondin, Monsieur Jadis, La Table Ronde, 1971.
23 Roger Laporte, Moriendo, biographie, P.O.L, 1983.
24 La Reprise, p. 129. À rapprocher du rôle érotique dévolu au musée et à l’opéra chez Leiris, dans L’Âge d’homme.
25 La Reprise, p. 244. D’où ces théories de « fiancées vendues », de « belles captives », de supplices exotiques et de crucifixions.
26 « L’objet du désir est toujours arrêté », Le Voyageur, p. 120.
27 Souvenirs… (p. 215), en référence au « Rêve de l’enfant mort qui brûle ». Sous une forme à peine différente, voir Angélique… (p. 120).
28 Feuerbach cité par Guy Debord en épigraphe de La Société du spectacle, Buchet-Chastel, 1967, Folio, 1996.
29 « Du Nouveau Roman à la Nouvelle Autobiographie », p. 295. Cf. « Qui raconte sa vie la transforme fatalement en roman et ne peut déléguer de lui-même à l’intérieur du récit que le faux semblant d’un personnage » (Ph. Forest, op. cit., p. 118-119).
30 Projet pour une révolution…, p. 213-214. Ben Saïd rappelle le « profil de fellagha » que Robbe-Grillet s’attribua un temps (Angélique…, p. 18).
31 Les Derniers Jours…, p. 229. En cela, il n’aura pas le « dernier mot ». Irreprésentable, la scène de la mort équivaut au fameux « centre vide » ; sauf que la page blanche, centrale dans Le Voyeur, constitue, dans le texte autobiographique, un horizon d’attente.
32 Angélique…, p. 12. Robbe-Grillet transpose ici l’affaire de la « lettre perdue ». Voir MR, p. 192-193.
33 Topologie d’une cité fantôme, Minuit, 1976, p. 151.
34 Les Derniers Jours…, p. 221. Pour ce qui est du chiffre, dont Perrault ne dit rien, on pense aux Sept Femmes de Barbe bleue, d’Anatole France.
35 Projet…, p. 124 et Topologie…, p. 138.
36 Topologie…, p. 132. En référence, bien sûr, à la tradition qui voit en Gilles de Retz le « modèle » de Barbe bleue.
37 Ph. Forest, op. cit., p. 128.
38 Souvenirs…, p. 197. On songe à Julien Gracq quand, dans « Le Roi Cophetua », le narrateur décrit la « servante-maîtresse » : « Le mouvement de la silhouette que j’avais devant moi – l’un de ses pieds touchant le sol à peine par sa pointe – avait quelque chose à la fois de vif et d’indéfinissablement suspendu, comme si un instantané l’avait surprise » (La Presqu’île, José Corti, 1970, p. 197).
39 Angélica en « princesse au Bois dormant », Angélique…, p. 223. Dans « Le Temple d’or », on peut entendre « Le Temple dort ».
40 « Caroline de Saxe », Le Miroir…, p. 21 ; « lady Caroline, née de Saxe », Souvenirs…, p. 162.
41 « la prison aux poupées de porcelaine martyrisées », STO, p. 115 ; « sans que remue le moindre trait de son visage en porcelaine », Topologie…, p. 164 ; « ses charmes à la fragilité de porcelaine », AE, p. 108…
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