Chapitre 5. « Je suis paillard, la paillarde me suit1 »
p. 251-277
Texte intégral
La paillarde
« Nine Inch Will Please a Lady »
1« Nine Inch Will Please a Lady » (« Neuf pouces suffisent pour donner du plaisir à une dame »), dont les vers 5 à 7 figurent dans une lettre envoyée à Alexander Dalziel en janvier 1789 (L1, p. 362) est une sorte de fanfaronnade à l’envers : à la place de la vantardise masculine à propos de la taille du sexe, c’est la femme qui se montre gourmande, voire gloutonne, transgressant ainsi le rôle et le comportement traditionnellement attendus de la part du sexe dit « faible ». Le genre littéraire de la vantardise était très populaire au Moyen Âge, on décèle donc l’influence des fabliaux dans cette chanson. Notons que plusieurs compositions sur ce même thème paraissent dans des recueils français, dont le Cabinet satyrique où se trouve entre autres cette « Épigramme sur Jeanne » du sieur Motin :
Ton chose, ce me dis-tu,
A si petite ouverture,
Qu’un v-- moindre qu’un festu
Y serait à la torture :
Je me ris de ce discours,
L’homme sous qui tous les jours
Tu donnes tant de secousses,
Te fait-il accorder
Qu’un gros v--de 15 pouces
Te f--t sans t’accommoder. (Cabinet satyrique, « Épigramme sur Jeanne », 1666, p. 47)
2La locutrice dans la chanson de Burns loue à la fois le corps masculin et sa force, l’effet paillard se trouvant accru par l’emploi de la voix féminine. La jeune paysanne vante les mérites de la longueur du sexe de Charlie, mais rassure Tom, de façon très habile, en lui disant qu’en fait, ce n’est pas la taille de l’engin, mais la puissance de « l’attaque » qui compte le plus :
But weary fa’the laithron doup,
And may it ne’er be thrivin!
It’s no the length that maks me loup,
But it’s the double drivin2. (MMC, « Nine Inch Will Please a Lady », v. 17-20, p. 142)
3Car il s’agit bel et bien d’un assaut militaire, au cours duquel l’homme est invité à envahir l’espace féminin, en l’occurrence le vagin, afin de conquérir la femme sexuellement, le tout dans un langage « mal embouché » :
Come nidge me, Tam, come nidge me, Tam,
Come nidge me o’er the nyvel!
Come lowse & lug your battering ram,
And thrash him at my gyvel3! (ibid., v. 21-24, p. 142)
4L’image militaire du corps de la femme comme forteresse à assiéger figurait déjà dans le premier Commonplace Book du poète :
Voulant me vanter de mes aptitudes à faire la cour, en particulier de ma capacité à écrire des Billets Doux, j’ai dû l’assiéger ; et lorsque [...] à force d’insister j’ai fini par avoir beaucoup d’affection pour elle, elle me dit, un jour, hissant le drapeau blanc, que sa forteresse avait, pendant un certain temps, déjà été la propriété légitime d’un autre. (Commonplace Book, 1965, p. 39)
5Burns se fait-il le porte-parole d’une certaine indépendance d’esprit féminine, d’une peur d’impuissance ou d’un fantasme masculin par rapport au mythe de la femme insatiable, dévoreuse d’hommes ? Il s’agit dans cette chanson d’une de ces paysannes qui copule avec un total naturel, le genre de femmes que fréquentait d’ailleurs Burns, et qui lui manifestait toujours une grande complaisance ; celle-ci s’exprime dans une langue vernaculaire à la fois drôle et obscène, à teneur plutôt masculine, qui ne pouvait manquer de surprendre et d’amuser les compagnons de beuverie pour qui Burns écrivait ces vers gaillards. Il est bien question d’un regard masculin sur la sexualité des femmes. Pour Alain Corbin, il existait dans la gauloiserie qui triomphait en France au début du xixe siècle un accord entre la métaphore guerrière et chauvine et la brutalité masculine, ce qui entre en écho avec l’œuvre de Burns :
La chanson vante le sexe gaillard inhérent à la nature du Français jouisseur. Les héros de ces pièces destinées à être hurlées collectivement poussent la vigueur jusqu’à l’anéantissement du corps de la femme. [...] Elle [la chanson] a d’abord pour fonction de faire naître l’entrain, de provoquer un réveil de la virilité. (Corbin, 2008, p. 431-432)
6L’air sur lequel cette composition se chante s’intitule « The Quaker’s Wife », ce qui est déjà ironique en soi ; il est léger et enjoué, en parfait désaccord avec l’effronterie des sentiments exprimés. Cette apparente dissonance sert à renforcer l’idée de transgression des rôles ainsi que l’image de la femme dévoreuse et dévorante, et à en intensifier le côté humoristique.
« Here’s his Health in Water »
7D’après la poétesse britannique, Ruth Padel :
Dans les poèmes écrits par les hommes à travers les époques, on a tendance à représenter les femmes de deux façons qu’elles ne doivent pas ignorer. Elles y sont présentées en tant qu’objets de l’attention masculine. [...] Les poètes masculins sont également les ventriloques de la voix des femmes [...]. Ces voix sont les versions masculines d’une femme qui dit « Je ». Être le ventriloque des femmes fait partie de l’attirail poétique des poètes occidentaux. Non seulement Homère décrit la beauté d’Hélène de Troie, mais il écrit aussi ce qu’elle dit et ce qu’elle ressent. Les hommes ont composé quelques-uns de leurs meilleurs poèmes (et de leurs meilleurs opéras et de leurs meilleures chansons populaires) en imaginant et en exprimant les sentiments des femmes. (Padel, 2004, p. 42)
8Burns, soulignons-le, montre ses talents de ventriloque partout dans son œuvre : il donne l’impression de comprendre ce que peuvent ressentir les femmes, qu’il aime d’ailleurs avec autant de ferveur qu’il aime sa patrie. Les deux passions se rejoignent dans l’image de la femme-nation véhiculée par le genre de l’aisling (rêve en irlandais) dans la littérature irlandaise et écossaise. Dans ces poèmes, une femme se manifeste au poète dans un rêve, telle une apparition surnaturelle : dans la littérature écossaise, elle symbolise la nation violée par le régime politique mis en place après la Glorieuse Révolution de 1688-1689, et qui prévoit des jours meilleurs lorsque la dynastie des Stuart montera de nouveau sur le trône et la sauvera de son malheur. La complainte jacobite sur la patrie perdue et le foyer envahi est très populaire en Écosse tout au long du xviiie siècle ; Charles Edward Stuart, le jeune prétendant, figure à la fois érotique et romantique, en devient le héros absent et dont on espère en vain le retour pour ramener la paix et le bonheur. Burns incorpore un certain nombre d’éléments de cet héritage populaire dans son œuvre, mais on trouve une seule chanson jacobite dans le recueil des Merry Muses, « Here’s his Health in Water », qui rappelle la vieille ballade émouvante et nostalgique « Lewis Gordon » (1709) :
Of no man we will stand in awe
To drink his health that’s far awa’
He is over the seas and far awa
Although his back be at the wa
We’ll drink his health that’s far awa4. (Ritson, 1794, « Lewis Gordon », p. 106)
9Pour le professeur Murray Pittock, ces chansons jacobites sont souvent intégrées à un autre sous-genre populaire, dans lequel le (pauvre) gars des Hautes-Terres rencontre la chanson de la (riche) fille des Basses-Terres. Entre les mains des chanteurs et des écrivains jacobites, un tel conte de viol ou de séduction est plutôt tourné vers une vision de libération sexuelle, personnelle et nationale. La femme des Basses-Terres, le paradigme d’une Écosse perfide, retrouve une identité réelle après avoir cédé au patriote des Hautes-Terres (Pittock, 1994, p. 141).
10Travaillant dans cette tradition, Burns reprend l’idée de la chanson ci-dessus et la modifie en la réécrivant du point de vue d’une femme séduite et abandonnée. La première strophe est publiée dans le Scots Musical Museum en 1796, dix ans après sa composition, et la version intégrale, comprenant la deuxième, de nature paillarde celle-ci, dans les Merry Muses en 1799. Burns choisit de garder l’allusion au toast jacobite, habituellement porté à « Bonnie Prince Charlie » – ses partisans tiennent leur verre au-dessus d’une cuvette d’eau, le prince se trouvant, physiquement et littéralement « over the water », en l’occurrence de l’autre côté de la Manche – mais dans la version de Burns, c’est la femme qui a le dos au mur. Celle-ci se retrouve enceinte et abandonnée, en butte aux commérages des villageois. Pourtant, elle semble décidée à braver l’opinion et à tout pardonner à son Highlander :
Altho’my back be at the wa,
An’ tho’ he be the fau’tor;
Altho’my back be at the wa’,
I’ll drink his health in water5. (MMC, « Here’s his Health in Water », v. 1-4, p. 187)
11Burns se focalise davantage sur ce que la situation a de pathétique pour la jeune femme qui, sans rancune, est prête à subir, orgueilleusement, les conséquences de la faute commise par son amant. Force est de constater que l’attirance du prince Charles Edward pour la gent féminine fait partie de la légende ; Burns en parle de la même manière dans la célèbre chanson jacobite « Charlie He’s my Darling » :
He set his Jenny on his knee,
All in his Highland dress;
For brawlie weel he kend the way
To please a bonie lass6. (CB, « Charlie He’s my Dar ling », v. 15-18, p. 904)
12Pour revenir à « Here’s his Health in Water », le prince jacobite/le Highlander représente donc le patriote, la femme, quant à elle, l’Écosse des Basses-Terres, et elle exprime sa libération sexuelle, personnelle et nationale. Jusque-là, Burns suit la trame du sous-genre populaire évoqué par Murray Pittock, mais le bouleverse dans la deuxième strophe en décrivant, de manière peu flatteuse, les ébats et la prouesse du Highlander :
He follow’d me baith out an’ in,
Thro’a’the nooks a’ Killie;
He follow’d me baith out an’ in,
Wi’ a stiff stanin p-llie.
But when he gat atween my legs,
We made an unco splatter;
An’ haith, I trow, I soupled it,
Tho’ bauldly he did blatter [...]7. (MMC, « Here’s his Health in Water », v. 11-18, p. 187)
13Le diminutif familier « p-llie » pour designer le membre viril, met en avant sa petitesse, racontée par la jeune femme sur un ton légèrement narquois. L’abnégation de la première strophe se transforme en désenchantement dans la deuxième. Burns « dégonfle » ainsi la légende, et en même temps les prétentions masculines, tout en exploitant la dimension érotique des chansons jacobites. Dans la bouche d’une femme, de telles observations sur la taille et la puissance du sexe masculin ne peuvent manquer de faire rire les compagnons de beuverie du poète, qui les connaissent bien. Toutefois, comme dans « Nine Inch Will Please a Lady », la volonté de Burns n’est pas seulement de donner la parole aux femmes mais aussi, au fond, de s’emparer de leur voix dans ses chansons polissonnes pour mieux se moquer des hommes et de leurs angoisses sexuelles.
14Le pendant de cette chanson dans l’œuvre officielle est « The Bonie Lad That’s Far Awa », incluse dans le quatrième volume du Scots Musical Museum en 1792. Burns y incorpore des éléments de la tradition des chants jacobites, mais le contexte est certainement le début des guerres révolutionnaires sur le continent européen. Rejetée par sa famille – il y a une allusion forte à la façon dont la société patriarcale traitait celles qui avaient déshonoré les siens – et malgré sa tristesse, la jeune femme semble pourtant optimiste quant à son avenir :
My father pat me frae his door,
My friends they hae disown’d me a’;
But I hae ane will tak my part,
The bonie lad that’s far awa8. (CB, « The Bonie Lad
That’s Far Awa », v. 9-12, p. 369)
« Wha’ll Mow Me Now ? »
15Dans « Wha’ll Mow Me Now ? », la voix est celle d’une jeune prostituée qui pleure sur son sort : elle est enceinte des œuvres d’un militaire qui refuse d’en assumer la responsabilité. Cependant, en même temps que sa ligne, la malheureuse risque de perdre son moyen de subsistance. Les deux premiers vers du refrain expriment sa situation fâcheuse : « Wha’ll mow me now, my jo, / An’ Wha’ll mow me now9 » (MMC, « Wha’ll Mow Me Now ? », v. 1-2, p. 178) ; mais, pour comble, elle est méprisée et insultée par les saintes femmes de la paroisse, peu charitables à son égard. Ces dernières sont pourtant tout aussi friandes des réjouissances sexuelles illicites. Burns ironise sur leur attitude hypocrite avec une certaine impertinence ; la promiscuité s’avère en effet plus facile pour les dames de la bonne société que pour les paysannes :
Now I maun thole the scornfu’ sneer
O’mony a saucy quine;
When, curse upon her godly face!
Her c--t’s as merry’s mine10. (ibid., § 2, p. 178)
16Pour l’énonciatrice, la vraie pécheresse est l’épouse insatiable, celle qui commet le péché de luxure et d’adultère, et non pas celle qui doit se prostituer pour vivre :
Our dame can lae her ain gudeman,
An’mowe for glutton greed;
An’yet misca’a poor thing,
That’s mown’ for its bread11. (ibid., § 4, p. 178)
17Burns fait rimer « bread », avec « greed », ce qui accentue le pathétique de la comparaison et sa force, et continue de filer sa métaphore dans la strophe suivante, où le « fruit » de ses amours a un goût bien « amer » dans la bouche de la jeune femme :
Alake! sae sweet a tree as love,
Sic bitter fruit should bear!
Alake, that e’er a merry a--e,
Should draw a salty tear12. (ibid., § 5, p. 179)
18Notons que le poète écossais prend la défense des prostituées ailleurs dans son œuvre. Par exemple dans « To the Memory of the Unfortunate Miss Burns, 1791 » (CB, p. 1002), poème composé pour condamner l’inculpation d’une certaine Mlle Burns. Il tient surtout à railler l’hypocrisie des juges adultères qui ne se privent pas des services de ces pauvres filles. Ainsi écrit-il au libraire Peter Hill, à propos de Mlle Burns :
Ah, les hommes ! Si vous n’aviez pas été si égoïstes, si concupiscents, si vous n’aviez pas été prêts à toutes les bassesses, alors cette beauté, et cet esprit autrefois innocent et encore ingénu, auraient peut-être brillé chez l’épouse fidèle et la mère affectueuse. (L2, p. 9)
19Le plus gros du courroux de l’énonciatrice dans « Wha’ll Mow Me Now ? » éclate à la fin la chanson où il est de nouveau question du père de l’enfant qui renie son bâtard et qui, en même temps, fait de la mère une mendiante. Les allitérations en /d/ dans cette dernière strophe traduisent la violence de ses propos, sa colère et son désespoir :
But deevil damn the lousy loon,
Denies the bairn he got!
Or lea’s the merry a--e he lo’ed,
To wear a ragged coat13! (MMC, « Wha’ll Mow Me Now ? », § 6, p. 179)
20À propos de cette strophe, John DeLancey Ferguson écrit dans l’édition de 1959 des Merry Muses : « On sera sûrement de l’avis du Professeur Hecht et d’autres, pour qui la dernière strophe de cette chanson caractérise l’œuvre de Burns plus que tout » (MMC, p. 179). La condamnation de celui qui pourrait abandonner lâchement une jeune femme s’entend très nettement dans ces vers. Burns, quant à lui, essaie, tant bien que mal, de réparer ses erreurs et errances, en respectant le code des fornicateurs avoués. En novembre 1791, alors qu’il s’est installé à Dumfries, il apprend par Agnes M’Lehose qu’une ancienne servante, Jenny Clow, qui a mis au monde un fils naturel né des relations qu’elle avait eues avec lui pendant son séjour dans la capitale édimbourgeoise, est en train de mourir dans la misère. Burns, fort contrit, répond à Mme M’Lehose ainsi :
De grâce, envoyez un portier chez cette malheureuse [...] lui remettre cinq shillings de ma part ; et, puisque je serai à Édimbourg mardi, premier du mois, faites en sorte que cette pauvre jeune femme me laisse un mot. [...] je verrai la pauvre fille, et j’essaierai de faire ce qu’il faut pour l’aider. Je lui aurais pris mon fils il y a bien longtemps, mais elle n’a jamais voulu donner son accord. (L2, p. 122)
21La décision de Burns d’épouser Jean Armour en 1788 est motivée, en partie, par des sentiments de générosité et de pitié car elle est enceinte du poète pour la deuxième fois, et se trouve alors dans des circonstances désespérées. Ainsi Burns écrit-il à James Johnson dans une lettre du 25 mai 1788 : « Je trouvais que je tenais entre les mains le bonheur ou la tristesse d’un être très cher, celle que j’aime depuis longtemps » (L1, p. 280).
22Le fait qu’il ait parlé de son mariage, tenu d’ailleurs secret au début, de cette même manière presque contrite à un certain nombre d’autres correspondants dont sa protectrice, Mme Dunlop, et à Andrew Dunlop, son fils, laisserait penser que Burns essaie de se convaincre de la sagesse de sa décision. Il ressent le besoin de se justifier à nouveau auprès de Mme Dunlop, qui ne cache pas au poète sa désapprobation : « Je ne lui avais fait aucune promesse verbale, mais c’était à moi de décider de son bonheur ou de sa tristesse, et qui pourrait prendre une telle responsabilité à la légère ? » (L1, p. 293) Burns devait écrire la même chose à Margaret Chalmers, une femme cultivée qu’il admire beaucoup, le 16 septembre 1788 : « Je pouvais décider du bonheur ou de la tristesse d’un être très cher, que j’aime depuis bien longtemps, et je n’ose pas prendre une responsabilité si importante à la légère. » (L1, p. 318) Au pasteur John Geddes, il écrit la même chose le 3 février 1789 (L1, p. 308), puis encore à son cousin, James Burness, le 9 février 1789 (L1, p. 376). Si Jean n’est ni cultivée ni raffinée, elle a tout de même d’autres qualités, car elle est « la femme la plus belle, qui possède la nature la plus douce, la constitution la plus robuste, et le plus grand cœur du pays » (L1, p. 318), et elle l’aime pour ce qu’il est.
23Le refrain vif et entraînant, qui rappelle le bruit du tambour militaire, avec la répétition des deux premiers vers et les allitérations en /b/ dans les deux suivants (« A sodger wi’his bandileers14 / Has bang’d my belly fu’15 », MMC, v. 8-9, p. 178), invite au beuglement collectif qui devait égayer les soirées des Crochallan Fencibles. Quand il s’agit d’évoquer les rapports charnels, l’accent se trouve mis sur la vigueur, l’énergie, la violence de l’homme : cette chanson en est le parfait exemple.
24Le pendant, sinon le double, de « Wha’ll Mow Me Now ? » dans la partie publique de l’œuvre est « The Rantin Dog, the Daddie o’t », une chanson peut-être écrite pour Elizabeth Paton, mère du premier enfant naturel du poète, prénommé Elizabeth comme sa mère et né en mai 1785. Burns a ajouté cette petite note dans le manuscrit du Scots Musical Museum : « J’ai composé cette chanson très tôt dans ma vie, et l’ai envoyée à une jeune femme, une amie chère, qui, à cette époque, se trouvait en disgrâce. » (CB, p. 341) La jeune femme exprime les mêmes craintes que la prostituée, mais le ton est plus optimiste et enjoué, car elle est certaine de trouver la solution à toutes les difficultés qu’elle va rencontrer en la personne de son Rob, « The rantin dog, the daddie o’t », « Ce gai luron, père de mon enfant » (CB, p. 341, PC, p. 238) tout comme la jeune femme dans « The Bonie Lad That’s far Awa », confiante dans le retour de son soldat.
25Chacune des quatre strophes de « The Rantin’Dog the Daddie o’t » est bâtie selon la même structure : le dernier vers constitue la réponse aux trois questions posées, chaque fois introduit par « Wha » (« Who »). Par contre, dans « Wha’ll Mow Me Now ? », la question posée reste sans réponse. Ces deux chansons fournissent la représentation d’un sentiment qui est en effet double : le plaisir d’amour et le chagrin. Burns a su exprimer et l’espoir et le désespoir d’une jeune mère célibataire, et ce sur deux registres, pour deux publics différents. La chanson écrite pour les compagnons des Crochallan Fencibles devait plutôt en élaborer le côté paillard et représenter la femme comme objet sexuel pour flatter l’amour-propre masculin.
26Dans « The Rantin’Dog the Daddie o’t », la jeune femme est appelée à se repentir publiquement, mais comme elle sait qu’elle n’aura pas à subir l’épreuve toute seule, son ton est enjoué ; au lieu d’être couverte de honte, elle éprouve seulement de l’amour, et plutôt que de le cacher, en parle à voix haute :
When I mount the Creepie-chair,
Wha will sit beside me there?
Gie me Rob, I’ll seek nae mair,
The rantin’dog, the daddie o’t16. (CB, « The Rantin’ Dog the Daddie o’t », § 3, p. 341)
27Bien que les audaces de Burns soient un peu moins appuyées, le poète frôle l’inconvenance dans la dernière strophe où la jeune femme parle de son amour avec candeur, sans ambages :
Wha will crack to me my lane?
Wha will mak me fidgin fain?
Wha will kiss me o’er again?
The rantin’dog, the daddie o’t17. (ibid., § 4, p. 341)
28Dans cette chanson, comme partout ailleurs dans son œuvre, Burns se justifie au moyen de métaphores érotiques, se présente de manière insolente et pleine d’assurance. En fait, c’est la voix de Burns, le ventriloque, qu’on entend parler dans cette chanson franche et directe du bonheur du péché charnel, plutôt que du malheur inconvenant. Si, en effet, il faut punir la fornication par la dénonciation publique, alors pourquoi ne pas chanter une chanson bien bruyante ? (Murphy, 1993, p. 84) En témoigne la chanson à boire « The Fornicator » qui exprime les mêmes sentiments, d’un point de vue masculin : les deux chansons font un pied de nez aux auld lichts, et, affranchi de toute idée de péché, le jeune couple revendique une insolente liberté d’aimer.
Le paillard : « Elle a mille autres/Choses précieuses encore18 »
« To Alexander Findlater »
29Alexander Findlater, ami du poète et directeur de l’administration des impôts à Dumfries de 1787 à 1797, a été le destinataire de deux morceaux paillards : « To Alexander Findlater » et « O Saw Ye my Maggie ». L’image de la femme-objet, à la libre disposition de l’homme, sous-tend ces vers, ainsi que celle du corps féminin comme une malle au trésor à découvrir – et à posséder. Les images sexuelles employées par Burns appartiennent à la tradition paillarde écossaise, dont le lexique est extrêmement varié.
30« To Alexander Findlater » est un poème de circonstance, exemple d’un genre bref, écrit sous la forme d’une lettre pour accompagner un don d’œufs frais. Burns choisit d’utiliser la strophe standard habbie, mesure d’origine aristocratique, il convient de le rappeler, que les poètes écossais depuis les makars s’approprient à des fins démotiques. Elle se prête à merveille à un usage humoristique, « ne serait-ce que parce qu’elle organise la répétition du même son à (au moins) quatre reprises, forcément tirées par les cheveux. Elle permet au poète de se lancer d’improbables défis [...] et de les relever avec brio » (Porée, 2004, p. 415). Burns l’emporte ici en employant des mots crus : il fait rimer « burdies » avec « hurdies » (la croupe), « sodger » avec « roger », et bien sûr, « flock » avec « cock », un jeu de mots pour le moins prévisible. Le terme hurdies est utilisé par le poète à plusieurs reprises dans son œuvre officielle, par exemple dans « The Mauchline Wedding », où les femmes bourgeoises sont également comparées aux poules (pondeuses ?), dans le but, cette fois, de parodier la nouvelle mode de la tournure. Burns se sert ici d’un mot rustique qui appartient à la culture populaire, afin de ridiculiser la bonne société :
Sae jimp the waist, the tail sae vast—
Trouth, they were bonie Birdies!
O Mither Eve, ye wad been grave
To see their ample hurdies
Sae large that day19!!! (CB, « The Mauchline
Wedding », v. 31-35, p. 575)
31Dans « To Alexander Findlater », avec une certaine cocasserie, Burns se compare à son coq, dont il envie la position de seigneur de la basse-cour ; en imaginant un renversement des rôles, le poète regrette de ne pouvoir jouer celui que la nature lui avait sans doute prévu, mais il est né pauvre et ne peut espérer faire fortune avec ses vers, avec son travail de douanier encore moins. On décèle en filigrane une critique ironique des great folk qui, en revanche, peuvent obéir aux lois de la nature, vivre en grand seigneur et offrir à leurs femmes les nouvelles tournures à la mode, ces « weel-knooz’d hurdies20 » (MMC, « To Alexander Findlater », v. 18, p. 148) ; le choix de la forme est donc, comme partout ailleurs dans l’œuvre du poète écossais, étroitement lié au fond. La métaphore filée de l’impôt côtoie des images sexuelles qui appartiennent à la tradition populaire, et la langue usuelle, haute en couleur, des vers en anglais néoclassique :
Dear Sir, our Lucky humbly begs
Ye’ll prie her caller, new-laid eggs:
Lord grant the Cock may keep his legs,
Aboon the Chuckies;
And wi’his kittle, forket legs,
Claw weel their dockies!
Had Fate that curst me in her ledger,
A Poet poor, and poorer Gager,
Created me that feather’d Sodger,
A generous Cock,
How I wad craw and strut and roger
My kecklin Flock! [...]
Nae cursed clerical excise
On honest Nature’s laws and ties;
Free as the vernal breeze that flies
At early day
We’d tasted Nature’s richest joys,
But stint or stay21. (ibid., v. 1-12 et 19-24, p. 148)
32Burns fait allusion ici à ses diverses fortunes, personnelles et poétiques, à la suite de sa décision de prendre un poste dans les accises. Dans « Epistle to Dr Blacklock », publié pour la première fois par le docteur Currie en 1800, il exprime les mêmes sentiments, les mêmes angoisses poétiques, mais de façon moins affranchie. Ici, c’est le bon père de famille qui parle ; c’est également le franc-maçon qui écrit à un frère à propos de l’idée de l’égalité, un des leitmotiv de la pensée maçonnique à la fin du siècle des Lumières. Or si cette égalité qui met tout le monde au même niveau, qui détruit les jeux du hasard, est reconnue à l’intérieur des loges, en dehors ce sont les critères de la société « profane » qui reprennent toute leur place :
But what d’ye think, my trusty Fier,
I’m turned a Gauger—Peace be here!
Parnassian Quines22, I fear, I fear,
Ye’ll now disdain me,
And then my fifty pounds a year
Will little gain me. [...]
I hae a wife and twa wee laddies,
They laun hae brose and brats o’ duddies;
Ye ken yoursels my heart right proud is,
I need na vaunt;
But I’ll sned besoms and thraw saugh woodies,
Before they want.
Lord help me thro’ this warld o’ care!
I’m weary sick o’t late and air!
Not but I hae a richer share
Than mony ithers;
But why should ae man better fare,
And a’ men brithers! [...]
My Compliments to Sister Beckie;
And eke the same to honest Lucky,
I wat she is a daintie Chuckie
As e’er tread clay!
And gratefully my gude auld Cockie,
I’m yours for ay23. (CB, « Epistle to Dr Blacklock », v. 19-24, 31-42 et 55-60, p. 725-726)
33Le lien entre les deux poèmes se fait également par la forme, puisque Burns emploie la strophe standard habbie dans les deux, puis par l’allusion à la « poulette Lucky ». Les vers en anglais néoclassique insérés dans cette strophe appartiennent au genre pastoral et contrastent avec la truculence de la description de la basse-cour dont rêve le poète ; ils font référence, peut-être, à la poésie que ce dernier aurait composée s’il avait pu vivre autrement. Le changement de registre de cette métaphore enchâssée sert à cristalliser l’émotion exprimée, en la doublant d’intensité. Il s’agit là d’une technique utilisée par Burns ailleurs dans son œuvre, par exemple dans « Tam o’Shanter » (CB, v. 59-66, p. 264), ou dans « To a Mouse » (CB, § 2, p. 9). Il serait aisé d’établir un parallèle contemporain avec la façon dont un morceau de musique en mineur est introduit sur la bande sonore d’un film pour prévenir le spectateur de l’imminence d’un danger ou d’un moment crucial dans le scénario.
« O Saw Ye my Maggie ? »
34« O Saw Ye my Maggie ? », dont il existe deux versions, l’une dans les Merry Muses of Caledonia de 1799 et l’autre dans le manuscrit de Burns retrouvé dans la bibliothèque de Walter Scott à Abbotsford, il est question dès le début de la propriété du corps de Maggie, avec l’emploi de l’adjectif possessif « mon », puis « votre », qui la confirme. Ensuite, on évoque le trésor caché de Maggie – son sexe – qui n’appartient qu’à son amant. Pauline Gray-Mackay, de l’Université de Glasgow, souscrit à cette interprétation, tout en admettant certaines réserves :
Il se peut en effet que la psychologie érotique de cette strophe indique le désir de posséder et une perception de la femme en tant qu’objet sexuel. Il y a peut-être un élément de vantardise masculine à propos du droit de propriété sur le corps de la femme. (Gray-Mackay, 2005, p. 12)
My Maggie has a treasure,
A hidden mine o’ pleasure,
I’ll howk it at my leisure,
It’s alane for me24. (MMC, « O Saw Ye my Maggie ? », § 5, p. 146)
35Ensuite, en même temps que s’opère le glissement linguistique de l’écossais vers l’anglais néoclassique, la sexualité s’associe au divin, comme dans l’œuvre du « divin Marquis », le Marquis de Sade :
Heavenly joys before me,
Rapture trembling o’er me,
Maggie I adore thee,
On my bended knee25!!! (ibid., § 9, p. 147)
36Ou peut-être pas : le locuteur ne s’est pas forcément mis à genoux dans un but méditatif, mais pour mieux entrevoir le trésor qu’il se réserve. Se trouve ici un clin d’œil ironique au fornicateur récidiviste qui dirige son regard dans le même sens : « But my downcast eye by chance did spy / What made my lips to water26 » (MMC, « The Fornicator », v. 13-14, p. 150). Une fois de plus, Burns marie le fond à la forme, car il s’agit bien d’une parodie de la mesure du cantique religieux.
« My Girl She’s Airy »
37Le petit miracle musical qu’est « My Girl She’s Airy », chanson composée en 1784 à propos d’Elizabeth Paton, est un chef-d’œuvre de légèreté dans lequel le poète convoite sa Betty du regard : l’idée de possession est à nouveau réitérée dans le titre, ainsi que dans le premier vers. Après l’avoir embrassée, le poète la regarde danser ; sur le rythme d’un pas de danse où on la sent tournoyer (« She’s always good natur’d, good humour’d and free : / She dances, she glances, she smiles with a glee27 », MMC, « My Girl She’s Airy », v. 3-4, p. 152), il promène ses yeux le long de son corps. Il pose enfin les yeux sur le creux des reins de la jeune femme, avant de les fixer sur sa jambe blanche :
Her eyes are the lightnings of joy and delight:
Her slender neck, her handsome waist,
Her hair well buckled, her stays well lac’d
Her taper white leg with an et, and a, c28. (ibid., v. 6-9, p. 152)
38L’idée du trésor caché entre les jambes lui rappelle les joies des longues soirées d’hiver lorsque le seul moyen de se tenir chaud, c’est de se blottir l’un contre l’autre. Le poète la déshabille des yeux, sans aucune gêne, et ne dissimule pas ses intentions à la fin de la chanson : « For her, a b, e, d, and her c, u, n, t, / And Oh, for the joys of a long winter night29 !!! » (ibid., v. 10-12, p. 152) Force est de reconnaître que les paroles de cette chanson s’accordent à merveille au rythme de la danse. Elles s’adaptent de façon heureuse à l’air traditionnel choisi par Burns, qui se nomme en effet « Black Joke30 », une allusion aux organes génitaux féminins (R. Crawford, 2009, p. 155).
39Burns, il est vrai, n’exalte pas les mêmes parties du corps féminin (les seins, par exemple) que celles traditionnellement fêtées par les poètes. S’il parle souvent des yeux des femmes dans les chansons de l’œuvre officielle, c’est davantage la jambe (voire l’entre-jambe) à laquelle il fait allusion dans la partie ésotérique. En témoigne la jambe blanche évoquée dans « The Fornicator » : « Those limbs so clean where I, between, / Commenc’d a Fornicator31 » (MMC, v. 15, p. 150), et aussi dans « Muirland Meg » : « A taper, white leg, and a thumpin thie32 » (MMC, v. 11, p. 161). Selon Alain Corbin, écrivant au sujet du corps de la femme dans la littérature érotique du xviiie siècle, la « blancheur d’albâtre des chairs de la femme constitue toujours un impératif » (Corbin, 2008, p. 369). Il convient de rappeler que la veine licencieuse dont témoignent ces vers salés des Merry Muses of Caledonia irrigue de manière souterraine la poésie officielle de Burns, comme l’atteste cette description de la muse Coila dans « The Vision » :
Down flow’d her robe, a tartan sheen,
Till half a leg was scrimply seen;
And such a leg ! My bonie Jean
Could only peer it;
Sae straight, sae taper, tight and clean,
Naneelse came near it33. (CB, « The Vision », v. 61-66, p. 63)
40Le réemploi des deux adjectifs « taper » et « clean » dans ce bouquet de chansons paillardes montre combien la jambe bien tournée de Jean Armour34, d’Elizabeth, voire celle de Meg, nourrissent l’inspiration du poète et sa façon de décrire sa muse rustique. La même image réapparaît dans « O, Were I on Parnassus Hill » dans le portrait de Jean Armour :
I see thee dancing o’er the green,
Thy waist sae jimp, thy limbs sae clean,
Thy tempting lips, thy roguish een—
By Heaven and Earth I love thee35 ! (CB, « O, Were I on Parnassus Hill », v. 13-16, p. 334)
41Burns convoite également les lèvres de Meg, dont l’incarnat et la forme rappellent la vulve : « Her rose-bud lips cry kiss me now36 » (MMC, « Muirland Meg », v. 6, p. 161), mais en général il s’arrête peu sur ce qui relève du visible, du public, mais aussi du cérébral. Comme le remarque Alain Corbin : « Le bas est domaine du caché, du privé, de l’intime. Il est lieu de vérité, celle des organes et des tissus érectiles, de la matrice. » (Corbin, 2008, p. 366)
42L’intérêt manifeste de Burns pour les organes génitaux de la femme se lit dans presque toutes ses chansons, y compris dans ses poèmes licencieux. Dans « Bonie Mary » par exemple, il s’inspire de la tradition populaire en employant la métaphore du chaume pour décrire l’aspect et le toucher des poils du pubis : « And her c--t it was theekit wi’glory37 » (MMC, « Bonie Mary », v. 16, p. 133). Sa manière de représenter cette partie de l’anatomie féminine est très crue, très réaliste, et souvent très drôle ; elle détonne par rapport à sa poésie écrite dans la veine sentimentale, avec sa vision pastorale qui remplace la vulgarité de l’amour physique par de jolies images abstraites. Ce que suggère Lucienne Frappier-Mazur au sujet du mot vulgaire pourrait se rapporter au lexique mal embouché de Burns :
En dénonçant le discours sentimental comme une sorte d’euphémisme, dont le but serait de cacher la réalité du désir sexuel, le mot obscène sert donc à démasquer. [...] il invoque une vision dualiste de la sexualité, une dichotomie entre le corps et l’âme ; c’est la même dichotomie culturelle qui sous-tend l’interdiction de parler du corps dans la bonne société. (Frappier-Mazur, 1993, p. 213)
43La poésie de Burns célèbre l’accomplissement du désir sexuel dans la partie non officielle de l’œuvre qui lui sert de soupape dans une société gouvernée par des critères de goût qui ne lui sont guère favorables et qu’il trouve inhibiteurs.
« Gie the Lass her Fairin »
44La paternité de « Gie the Lass her Fairin » a été attribuée à Burns dans l’édition des Merry Muses de 1872, approuvée par Sydney Goodsir Smith dans celle de 1959 ; d’après celui-ci, la mélodie figurait parmi les préférées du barde (MMC, p. 191).
45Il s’agit d’un point de vue masculin sur l’appétit sexuel des femmes. Cette chanson se place à la fois dans la culture populaire écossaise, avec les références aux cadeaux achetés à la fête champêtre que l’on échangeait en gage d’amour (« O gie the lass her fairin’, lad38 », MMC, « Gie the Lass her Fairin », v. 1, p. 191), et dans la tradition des fabliaux gaulois, avec leur mythe de la femme dévoreuse d’hommes et toujours complaisante. Dans le premier « Epistle to John Lapraik », Burns évoque cette même foire de Mauchline où les jeunes femmes lui donnent leurs faveurs, sans y être contraintes. On comprend aisément qu’il s’agit plutôt d’un jeu entre les deux sexes :
There’s ae wee faut they whyles lay to me
I like the lasses—Gude forgie me!
For monie a Plack they wheedle frae me
At dance or fair:
Maybe some ither thing they gie me,
They weel can spare39. (CB, « Epistle to John Lapraik », v. 97-102, p. 136)
46Des jeux de divination qui visent à percer le mystère du futur, notamment dans les domaines de l’amour et de la fortune, étaient très populaires chez les paysans écossais au xviiie siècle ; à en juger d’après le poème « Halloween », la recherche d’un amoureux ou d’une amoureuse aurait bel et bien été leur seule préoccupation. Ces pratiques divinatoires, la manière dont par exemple le feu, l’eau, les pommes, les noisettes servent à la formulation des présages, sont expliquées en grand détail par Burns dans les notes qui accompagnent son poème.
47Dans « Halloween », est enchâssé le récit sémillant des ébats amoureux entre Burns, qui est Rab ou Rob, et une jeune personne, prénommée Nelly ou Nell ; il est fort possible qu’il s’agisse de la même Nelly qui a inspiré une de ses premières compositions, « O Once I Lov’d a Bonie Lass » (CB, p. 533), ainsi que « Nell » de Leconte de Lisle. Toutefois, même si c’est bien Burns lui-même qui décide d’entraîner la jeune femme dans la grange, il n’en reste pas moins que Nell a très envie d’y retourner : « Nell had the Fause-house in her min’, / She pits herself an’ Rob in40 » (CB, « Halloween », v. 82-83, p. 77). Ensuite, c’est elle qui prend les devants :
She whisper’d Rob to leuk for’t:
Rob, stownlins, prie’d her bonie mou,
Fu’ cozie in the neuk for’t,
Unseen that night41. (ibid., v. 87-90, p. 77)
48La jeune femme de « Gie the Lass her Fairin’ » est aussi complaisante, même si elle feint le contraire au début. Dans l’œuvre de Burns, on sème, on récolte, on s’accouple avec sensualité, joie et naturel, on obéit à ses instincts, à ses pulsions sexuelles, qu’on soit homme ou femme. Pas encore prisonnières de l’image de la femme soumise, les femmes de Burns décident librement de ce qu’elles veulent faire de leur corps.
49Cette chanson est la seule des chansons paillardes écrites entièrement par Burns à avoir été traduite en français ; c’est Jean-Claude Crapoulet qui s’en est chargé en 1994 dans un recueil d’une quarantaine d’écrits, dont deux qui figurent dans les Merry Muses – l’autre, « Green Grow the Rashes O » (MMC, p. 192), est une reprise d’une vieille chanson traditionnelle. Les deux chansons grivoises traduites en partie par Auguste Angellier ne sont pas de la plume de Burns. Crapoulet justifie sa décision d’inclure ces vers ainsi :
Ces chansons ne sont ni obscènes, ni grivoises, ni malsaines, mais bien au contraire l’expression de l’éclatante bonne santé d’un homme qui chanta l’amour sous toutes ses formes et pour qui tout ce qui était physique était naturel. Il nous a paru normal d’en citer deux pour donner une image complète de sa création. (P, p. 59-60)
50Voici « Gie the Lass her Fairin’ », suivi la traduction de Crapoulet, intitulée « Donne à ta belle son dû » :
O gie the lass her fairin’ lad,
O gie the lass her fairin’,
An’ something else she’ll gie to you,
That’s waly worth the wearin’;
Syne coup her o’er amang the creels,
When ye hae taen your brandy,
The mair she bangs the less she squeels
An’ hey for Houghmagandie.
Then gie the lass a fairin’ lad,
O gie the lass her fairin’,
And she’ll gie you a hairy thing,
An’ of it be na sparin’;
But coup her o’er amang the creels,
An’bar the door wi’ baith your heels,
The mair she bangs the less she squeels,
An’hey for Houghmagandie. (MMC, « Gie the Lass her
Fairin’ », p. 191)
Ah ! donne à ta belle son dû, mon gars,
Donne-lui son dû,
Et elle te donnera quelque chose
Qui vaut bien qu’on y pense un peu ;
Et puis couche-la sur la table
Quand tu auras bu ton brandy,
Plus elle baise, moins elle crie,
Et vive la bête à deux dos !
Alors donne à ta belle son dû, mon gars,
Donne-lui son dû,
Elle te donnera une chose poilue
Qu’il faut souvent utiliser.
Alors couche-la sur la table
Ferme la porte à coups de talon,
Plus elle baise, moins elle crie,
Et vive la bête à deux dos ! (P, « Donne à ta belle son dû », p. 289)
51En français, le texte paraît somme toute assez fade, car le charme de la langue vernaculaire disparaît. En effet ne sont reproduites ni les allitérations ni les rimes qui servent à accentuer le rythme enjoué de ce quadrille écossais ; « creels », « squeels » et « heels » riment tous avec « reel », une autre manière créative de joindre le fond à la forme qui est perdue dans la traduction. Mais force est de constater que le génie de Burns, qui consiste à marier des mots d’origines diverses et à créer un rythme qui associe le fond à la forme, rend la traduction de sa poésie en français bien ardue. Par exemple, Burns parle ainsi de l’entre-jambe de la jeune femme : « She’ll gie you a hairy thing, / An’of it be na sparin’ » (MMC, « Gie the Lass her Fairin’ », v. 11-12, p. 191), poussant ainsi le jeune homme à en profiter sur le moment. La traduction de Crapoulet, « Elle te donnera une chose poilue / Qu’il faut souvent utiliser », ne laisse paraître ni le sens voulu par Burns ni le rythme de la phrase créé par la syntaxe inversée.
52Le dernier mot du poème, « Houghmagandie », est glosé par Burns lui-même dans le glossaire à la fin de la première édition de ses poèmes, comme « une espèce sexuée composée du masculin et du féminin unis » ; ceci est peut-être une plaisanterie pour initiés à propos de la grammaire latine et la nécessité de séparer les noms masculins et féminins, mais sans aucun doute s’agit-il d’un mot fertile en connotations culturelles. Burns l’emploie deux fois ailleurs dans ses vers grivois, dans « There Was Twa Wives » (MMC, v. 2, p. 153) et dans « Libel Summons » (MMC, v. 58, p. 312) ; il en fait également usage dans la partie officielle de l’œuvre lorsqu’il est question de décrire les mœurs et coutumes des gens de la campagne, dans les derniers vers de sa grande satire religieuse et sociale, « The Holy Fair » :
There’s some are fou o’ love divine;
There’s some are fou o’ brandy;
An’ monie jobs that day begin,
May end in Houghmagandie
Some ither day42. (CB, « The Holy Fair », v. 279-243, p. 35)
53Dans sa chanson paillarde, Burns raconte ce qui devait se passer un autre jour, à l’occasion d’une autre fête populaire. Il chante les amours d’une paysannerie écossaise jouissant de relations charnelles de façon spontanée et naturelle, chose qu’il ne pouvait pas faire si ouvertement dans la poésie qu’il destinait à la publication : il y fait très souvent allusion, car la vie sexuelle palpite au cœur de son œuvre, mais sans la même franchise linguistique. Comme ailleurs dans les Merry Muses, on entrevoit dans « Gie the Lass her Fairin’ » les mœurs et coutumes d’un peuple, ce qui lui confère une certaine valeur historique, voire ethnographique.
54Jean-Claude Crapoulet traduit « An’hey for Houghmagandie » par la phrase heureuse « Et vive la bête à deux dos », insistant ainsi sur l’animalité inhérente à l’être humain, et suivant la définition du mot Houghmagandie donnée par Burns. C’est en effet un choix qui s’avère fort subtil et à propos, car il se trouve que l’inventeur de cette expression française n’est autre que François Rabelais, dont le rire sain, le réalisme, l’esprit satirique et la gaieté surtout, en font l’un des grands devanciers de Burns. Rabelais avait employé ce terme en 1534 dans Gargantua pour décrire comment le héros éponyme fut conçu :
En son eage virile, espousa Gargamelle, fille du roy des Parpaillos, belle gouge et de bonne troigne, et faisoient eux deux souvent ensemble la beste à deux doz, joyeusement se frotans leur lard, tant qu’elle engroissa d’un beau filz et le porta jusques à l’unziesme moys. (Rabelais, 1972, p. 59)
55La même image réapparaît dans Othello (1604) de William Shakespeare lorsque Iago dit à Brabantio : « I am one, sir, that comes to tell you your daughter and the Moor are now making the beast with two backs43. » (Shakespeare, 1984, I, 1, v. 114-115, p. 60) Le terme a été repris par Georges Brassens en 1966 dans « Le Moyenâgeux », chanson composée en hommage à François Villon qui, comme Burns, était non seulement un grand adepte de la chanson paillarde, mais aussi un grand coureur de jupons et amateur de tavernes :
Le seul reproche, au demeurant,
Qu’aient pu mériter mes parents,
C’est d’avoir pas joué plus tôt
Le jeu de la bête à deux dos.
Je suis né, même pas bâtard,
Avec cinq siècles de retard.
Pardonnez-moi, Prince, si je
Suis foutrement moyenâgeux. (Brassens, 1993, v. 1-8, p. 206)
56Jean-Claude Crapoulet fait ainsi dialoguer Burns avec ses trois grands confrères français en gauloiserie – Villon, Rabelais et Brassens – qui ont tous, comme le barde écossais, le génie du panachage linguistique et de l’hybride stylistique. Une telle filiation semblerait donner raison à Auguste Angellier, selon qui Burns avait des frères en France. Le « double » de la chanson de Burns, qui est la traduction de Crapoulet, se dédouble donc, et retentit ainsi le rire du poète écossais et de ses doubles français, membres, eux aussi, de la confrérie des paillards, et qui lui répondent.
Conclusion : jeu, joie, jouissance
57Burns s’inscrit dans une tradition de grivoiserie écossaise franche, rabelaisienne, riche en imagerie érotique, très inventive et pour le moins incongrue, tradition qu’il maîtrise pleinement et dont il tire une grande joie qu’il sait partager avec ses lecteurs et auditeurs. Œuvre ludique avant tout, ses vers paillards procurent à tous beaucoup de plaisir textuel.
58Une première forme de jouissance des chansons et poèmes des Merry Muses naît des jeux sur la narration, les conventions génériques et onomastiques, les stratégies comiques fondées sur jeux de mots et mots d’esprit. Elle naît également du foisonnement linguistique généré par la polyphonie et l’hétéroglossie, de ces mélanges lexicaux insolites, de la multiplication des rimes mixtes ou bilingues, en croisant l’anglais et le lallans. Comme le note Marc Porée, Burns se réjouit d’avoir tant de choix linguistiques au bout de sa plume : « loin de s’en attrister, il s’en réjouit, dans la mesure où [cela] décuple son potentiel de poète, lui offrant, outre l’embarras du choix, l’occasion de souligner combien est fertile l’hybridité, et prospère la déviance » (Porée, 2004, p. 415). Déviance textuelle, cela va de soi.
59Le style de l’écriture peut aussi susciter la jouissance par le jeu subtil sur l’implicite, le non-dit et / ou sur l’excès et l’hyperbole. Le recours à l’ironie et à la parodie illustre également le double jeu du poète qui jouit de son savoir et de sa connivence avec son lecteur et auditeur, car, « l’humour, chez Burns, est affaire de complicité et de parité » (Porée, 2004, p. 414). S’il y a jouissance de la part du poète, l’énonciateur, dans la création lexicale et le jeu sur le langage et la forme, il y en a aussi chez son public, qui prend une part active dans le décodage du sens, enchâssé dans la polysémie des termes lexicaux et le « double entendre » de certains énoncés.
60Enfin, dans ses vers affranchis, Burns jouit de la liberté qu’il s’octroie pour exprimer sa profonde humanité, sa haine de toute hypocrisie, surtout sexuelle et religieuse. En même temps, il provoque les mœurs par sa plume, transgressant toute frontière hiérarchique – qu’elle soit linguistique, littéraire, générique, sociale, politique ou religieuse – à l’aide d’un verbe plus franc, plus spontané, plus libre, que dans son œuvre canonique. Chez Burns, les gros mots sont certes crus, sans être vulgaires, mais ce sont plutôt des éclats de rire. Comme le dit un autre grand « cracheur de gauloiseries44 », Georges Brassens, qui s’était attaqué avec ravissement, lui aussi, à des mots tabous que la morale hypocrite tolérait dans la vie de tous les jours, mais proscrivait dans un texte de chanson : « En somme, je crois que le plus grand service que j’aie rendu aux gros mots, c’est de leur enlever leur grossièreté. Quand je dis merde, il y a tout de même, derrière, des bouquets de fleurs. » (L’Express, 11 octobre 1976)
61Une étude des vers lestes de Robert Burns se révèle donc indispensable si on veut rapprocher le mythe de l’homme sentimental, auteur d’hymnes nobles, et celui du « libertin compulsif » (Moulin, 2004, p. 152), compositeur de chansons polissonnes, pour unir en un seul et même esprit celui qui chante le plaisir d’amour et son double, le chagrin, celui qui met les êtres à nu, en dénonçant les apparences et la vanité des puissants, mais qui sait rhabiller de paroles tendres et enjouées les vieux airs traditionnels. De même que les poèmes « officiels », ses vers gaillards ne se limitent pas à un simple divertissement : la modestie de l’aveu, « I rhyme for fun45 » (« Epistle to James Smith », CB, v. 30, p. 49), n’est que feinte, et l’auto-dénigrement, qu’une stratégie ironique. Derrière les éclats de rire, il y a bel et bien la même verve satirique et la même ironie subversive qui caractérisent ses autres poèmes.
Notes de bas de page
1 François Villon, 1723, « Ballade de la grosse Margot », v. 32, p. 77.
2 « Mais las, il tombe ce derrière mou, / Et que jamais il ne prospère ! / C’est pas la longueur qui me fait faire des bonds, / Mais la puissance de la charge. »
3 « Serre-moi fort, Tam, serre-moi fort, Tam, / Serre-moi au-dessus du nombril ! / Détache et tire ton bélier, Tam, / Et cogne-moi dans le vagin ! »
4 « Nul ne saura nous faire commandement / De ne point boire à notre cher absent, / Loin de nous et par delà des océans / Même s’il est dos au mur / Nous boirons à la santé du cher absent, au-delà des océans. »
5 « Même si je suis au mur acculée, / Et que tout cela, c’est par sa faute ; / Même si je suis au mur acculée, / Ce toast à l’eau je lui porte. »
6 « Dans sa tenue des Hautes-Terres / Il prit la jolie Jenny sur les genoux, / Car il savait très bien / Comment plaire à une jolie fille. »
7 « Il me poursuivit partout / Dans les coins et les recoins ; / Il me poursuivit partout, / Le zizi au garde-à-vous. / Mais quand il se mit entre mes cuisses, / L’éclaboussement fut énorme ; / Ma foi, je le jure, je le rendis mou, / Même s’il mitraillait dur ».
8 « Mon père m’a mise à la porte, / Mes amis m’ont tous reniée ; / Mais j’ai quelqu’un qui prendra mon parti, / Le beau garçon qui est au loin. » (PC, p. 220)
9 « Qui me baisera désormais, mon ami, / Qui me baisera désormais ».
10 « Désormais, je dois supporter le dédain / De maintes filles arrogantes ; / Mais, maudit soit leur air dévot ! / Leurs c-ns sont aussi joyeux que le mien. »
11 « Ces dames profitent de leur bon mari, / Et baisent par gourmandise ; / Mais elles rabaissent la pauvre fille, / Qui, elle, baise pour survivre. »
12 « Hélas ! Que l’arbre doux de l’amour / Puisse produire un fruit si amer ! / Hélas, qu’un c-l si plein de joie / Puisse arracher une larme si amère. »
13 « Mais au diable le pauvre type / Qui renie son bâtard ! / Ou qui laisse sa douce au c-l joyeux / Vivre de charité ! »
14 Image militaire pour les testicules : il s’agit d’une caisse contenant de la poudre pour mousquet.
15 « Un soldat, avec son engin / M’a mise enceinte ».
16 « Quand je prendrai place sur le banc de pénitence, / Qui s’assoira là à côté de moi ? / Que ce soit Rob, je n’en demande pas d’autre ; / Ce gai luron, père de mon enfant ! »
17 « Qui parlera avec moi quand je serai seule ? / Qui me rendra toute joyeuse ? / Qui me couvrira de baisers ? / Ce gai luron père de mon enfant. »
18 Brassens, 1993, « Rien à jeter », v. 19-20, p. 218.
19 « La taille si fine, les fesses si amples – / Ma parole, quelles belles pondeuses ! / Ah Ève, qu’auriez-vous dit / De voir leurs croupes si généreuses / Si grosses ce jour-là ! ! ! »
20 Ces « fesses bien pétries ».
21 « Cher Monsieur, notre Lucky vous prie / D’accepter ses œufs tout frais : / Que Dieu laisse toujours le Coq / Enjamber les poules ; / Et avec ses griffes expertes, / Bien caresser leurs croupes ! / Si le Destin, qui m’a si mal loti, / Moi, poète pauvre, et jaugeur plus pauvre encore, / M’avait fait plutôt comme ce soldat à plumes, / À la Bite généreuse, / Comme je chanterais, frimerais, et tringlerais / Mon troupeau caquetant ! [...] / Pas de taxe maudite à recueillir / Sur les lois et les liens de la Nature ; / Libre comme la brise printannière qui souffle / Au lever du jour / Sans lésiner ni arrêter, on aurait goûté aux joies / Les plus riches de la Nature. »
22 Il s’agit des neuf muses d’Apollon.
23 « Mais qu’en pensez-vous, mon fidèle confrère ? / Je suis devenu un jaugeur – La paix soit ici ! / Gueuses du Parnasse, j’en ai peur, j’en ai peur, / Vous allez maintenant me dédaigner ! / Et alors mes cinquante guinées par an / Ne m’avanceront guère. [...] / J’ai une femme et deux petits garçons, / Il faut qu’ils aient leur soupe de gruau et de quoi se vêtir. / Vous savez vous-même que j’ai le cœur très fier – / Je ne veux pas me vanter, / Mais je couperai les balais – je tresserai des branches de saule, / Avant qu’ils connaissent le besoin. [...] / Seigneur, assiste-moi dans ce monde de souci ! / J’en suis bien dégoûté du soir au matin ! / Non pas que je n’aie une part plus riche / Que beaucoup d’autres ; / Mais pourquoi un homme vivrait-il mieux, / Si tous les hommes sont frères ? / Mes compliments à votre sœur Becky, / Et ajoutez-en autant à la brave Lucky ; / Je sais qu’elle est la plus charmante poulette / Qui ait jamais foulé la terre ! / Et avec reconnaissance, mon bon vieux coq, / Je suis à vous pour toujours. » (PC, p. 290-291)
24 « Ma Maggie possède un trésor, / Une mine cachée de plaisirs, / J’y creuserai à ma guise, / Car c’est pour moi tout seul. »
25 « Que de joies venues du Ciel, / Je tombe en extase, / Maggie je t’adore, / Je me mets à genoux ! ! ! »
26 « Mais, les yeux ainsi baissés, par hasard / Ce que j’aperçus me mit l’eau à la bouche ».
27 « De bonne humeur toujours, libre et accommodante. / Elle danse, lance un regard, elle sourit, jubilante ».
28 « Dans l’éclat de ses yeux il y a joie et plaisir : / Son cou est gracieux, sa taille est bien mince, / Ses cheveux bien coiffés, son corset bien lacé, / Sa jambe blanche bien galbée et son etcetera. »
29 « Pour elle, un l,i,t et son c,o,n / Quelle joies nous réservent les longues soirées d’hiver ! ! ! »
30 Voir aussi Pope, 1896, « The First Epistle of the Second Book of Horace », v. 306-309, p. 123.
31 « Ces jambes si propres, entre lesquelles / J’ai commencé à forniquer ».
32 « Une jambe blanche, bien galbée, et une cuisse aux formes généreuses ».
33 « Sa robe, en tartan aux vives couleurs, flottait / De manière à laisser voir à peine la moitié d’une jambe. / Et quelle jambe ! Celle de ma belle Jeanne / Pourrait seule l’égaler ; / Si droite, si mince du bas, si nette, si propre / Qu’aucune autre n’en approchait. » (PC, p. 52)
34 Robert Burns épousa Jean Armour (1765-1834) en 1788.
35 « Je te vois danser sur la verdure, / Ta taille si mince, tes membres si élégants, / Tes regards séduisants, tes yeux fripons – / Par le ciel et la terre, je t’aime ! » (PC, p. 236)
36 « Ses lèvres en bouton de rose invitent au baiser ».
37 « Et son c-n, ce fut riche de plaisir ».
38 « Ah ! donne à ta belle son dû, mon gars » (P, p. 283).
39 « Il est un petit défaut qu’ils m’imputent parfois, / J’aime les filles – Dieu me pardonne ! / Car elles me soutirent bien des sous / À la danse ou à la foire ; / Peut-être me donnent-elles quelque autre chose / Dont elles peuvent disposer. » (PC, p. 113)
40 « Nell avait en tête l’aventure de la meule, / Elle se met au feu avec Rob » (PC, p. 64).
41 « Elle dit à Rob tout bas de regarder : / Rob, à la dérobée, prit un baiser sur sa jolie bouche, / En se serrant bien dans le coin pour cela, / Sans être vu cette nuit. » (PC, p. 64)
42 « Il y en a qui sont pleins d’amour divin ; / Il y en a qui sont pleins d’eau-de-vie ; / Et mainte affaire commençée ce jour-là / Pourra finir en fornication / Quelque autre jour. » (PC, p. 21)
43 « Et ! oui ; sachez que votre fille Desdémona et le Maure font à présent la bête à deux dos. » (trad. Voltaire, 1787, p. 312)
44 « Afin d’amuser la galerie / Je crache des gauloiseries » (Brassens, 1993, « Le Pornographe », v. 9-10, p. 49).
45 « Je rime pour mon plaisir » (PC, p. 43).
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