Chapitre 3
À l’abri d’un clan puissant
p. 57-82
Texte intégral
1Plus que son activité médicale, c’est sa rencontre avec Gabrielle Raffin qui fut déterminante dans la décision de Jean-Pierre Françon de rester à Saint-Clément. On ne sait combien de temps ils se fréquentèrent avant de se marier, le 21 janvier 1828. Comme pour beaucoup, ce fut son mariage qui lui ouvrit les portes d’une réussite sociale et professionnelle d’abord modeste puis bien réelle. D’emblée on imagine le scénario classique dans lequel notre jeune ambitieux sans fortune aurait séduit la fille d’une famille de notables bien enracinés dans le village, tirant leur puissance de leurs propriétés foncières et régnant sur le conseil municipal. La réalité, totalement différente de ce schéma classique, a le mérite d’illustrer des mécanismes inédits non pas du pouvoir mais d’un pouvoir au village.
La force du nombre
2Jean-Pierre Françon épousa en effet le 21 janvier 1828 Gabrielle Raffin, de trois ans sa cadette. Née le 1er ventôse an X (20 février 1802)1, Gabrielle était la fille de feu Benoit Raffin (1759-1822)2, de son vivant propriétaire à Saint-Clément, et de Jeanne Caillet-Matillon avec laquelle elle demeurait. Grâce à ce mariage, Françon intégra pendant au moins dix ans un puissant clan. Le maire de 1832 qualifiait les Raffin de famille nombreuse et très à craindre3. Sur le premier point, le premier magistrat de la commune ne se trompait assurément pas. En 1836 à Saint-Clément, 10 ménages portaient le nom de Raffin et chez 5 autres, l’épouse était née Raffin. Au total, 43 personnes (avec les conjoints) portaient ce nom et 9 autres enfants avaient pour mère une Raffin4. Pour établir s’il s’agissait ou non d’une simple homonymie ou d’une seule et même famille, l’enquête a dû passer par une reconstitution des familles. Quiconque a abordé cette démarche en connaît les charmes et les poisons. Parmi les seconds, la permanente répétition et adjonction des prénoms rend les identifications difficiles. Une fois passé cet écueil, l’autre risque est de se prendre au jeu et de reconstituer toutes les familles croisées. Comme il ne s’agit pas ici de reconstituer tous les réseaux familiaux du village ni même de faire une généalogie exhaustive de la famille Raffin, on s’est limité à la branche dont la présence est déterminante à l’époque où Françon entre dans la famille. Sur les conseils de Giovanni Levi, on a choisi « de renoncer à l’exhaustivité et de ne pas suivre les individus au-delà des concentrations les plus denses et les plus probables et de décrire des indications riches de sens mais sporadiques 5». Même si elle risque les foudres des amateurs de recherches pinagotiques6, l’approche permet au moins de ne pas noyer notre héros dans une histoire villageoise.
3Le résultat de cette démarche montre néanmoins que l’omniprésence des Raffin ne relevait pas d’une simple homonymie. Tous étaient en effet issus d’une même famille, particulièrement prolifique et récemment installée à Saint-Clément. Les Raffin étaient absents des registres paroissiaux jusqu’à leur arrivée massive au milieu du xviiie siècle. Pas moins de 8 porteurs du patronyme nés entre 1701 et 1737 s’y marièrent (ou remarièrent), mais il est impossible (faute de connaître leurs lieux de naissance) d’établir avec certitude s’il s’agissait d’une seule fratrie ou, plus vraisemblablement, de cousins. Leur nombre était déjà tel que l’on distingua très vite les deux branches : les Raffin dits « Rodet » et les Raffin dits « la Perle » (descendants de Jean-Claude, né vers 1738). Chez les Raffin-Rodet, les descendants de Benoit (1701-1769) furent beaucoup plus nombreux que ceux de Claude (1723-1783) et, plus qu’eux, constituèrent un puissant réseau familial (voir la figure 2).
Benoit arriva à Saint-Clément au tout début des années 1750, et sa famille fit aussitôt une entrée remarquée dans les registres paroissiaux. Le couple enterra en 1752 un fils de 8 ans, Maurice, maria en 1754 son fils aîné Jean (né on ne sait où d’un premier mariage) et fit baptiser ses deux derniers enfants, Jean-Claude (1752-1825) et Gabriel (1753-1811). Si ce dernier, marié par la suite avec la fille d’un « tissier » du village montagnard des Sauvages distant d’une dizaine de kilomètres de mauvais chemins, ne laissa pas de descendance au village, les deux autres y firent souche. L’aîné, Jean, n’eut avec Claudine Perrin que deux fils survivants, mais le cadet Jean-Claude eut avec Jeanne Béroux 10 enfants, dont 4 « seulement » moururent en bas âge alors que tous les autres (dont 3 garçons) se marièrent au village. À la génération suivante, les descendants de Jean rattrapèrent leur retard puisque le couple formé par Claude (né en 1757) et Antoinette Sonnery-Cottet donna naissance à 7 filles et 1 garçon pendant que Benoît (1759-1822) et Jeanne Caillet-Matillon engendrèrent 10 enfants dont deux prénommées Gabrielle, la cadette épousant Jean-Pierre Françon. Pendant ce temps, les descendants de Jean-Claude étaient tout aussi prolifiques. Mariés à Jeanne-Marie Denonfoux, Marguerite Soly et Anne Triomphe, ses trois fils donnèrent la vie à... 29 enfants. Le record échut ici à Gabriel Raffin (né en 1778) et Jeanne-Marie Denonfoux avec leurs 14 enfants (dont une paire de jumeaux). Bien sûr, la mortalité infantile opéra des coupes claires et 12 enfants sur 29 périrent avant leur cinquième anniversaire. Le cas le plus tragique fut celui de la famille formée en 1815 par Pierre Raffin (né en 1795) et Anne (dite parfois « Antoinette ») Triomphe. Leur première fille mourut le jour de sa naissance (15 novembre 1816), son cadet Alphonse fit de même deux jours après la sienne (11 mai 1818). Si l’enfant suivante survécut, un deuxième petit Alphonse décéda à 3 jours (17 décembre 1820). Le couple dut encore subir la mort de Jeanne-Marie, qui avait 4 ans (25 novembre 1821-20 août 1825) avant de voir survivre ses 3 derniers rejetons.
4Le couple Françon-Raffin s’inscrivit dans la tradition de forte fécondité de leurs deux familles puisqu’il en naquit 6 enfants pendant les dix ans que dura cette union (voir la figure 1, chapitre 2). Une fille, Claudine-Marie (dite par la suite « Marie » ou « Mariette »), naquit le 6 octobre 1828, très exactement huit mois et demi après la cérémonie, délai néanmoins suffisant pour écarter l’hypothèse d’un « mariage de réparation », mais qui indique que l’enfant fut peut-être conçu entre la publication des bans (le 30 décembre 1827) et le mariage. Après la naissance précoce de sa première fille, le couple eut 5 autres enfants, tous des garçons conçus à des intervalles très réguliers. Né hors de Saint-Clément, Charles-Louis y mourut à deux ans le 14 juin 1832, deux mois à peine avant la naissance de son cadet Jean (le 10 août 1832), qui décéda le 13 juin de l’année suivante. Les enfants suivants naquirent avec une régularité quasi métronomique, entre juin et août des années paires. Après Auguste, dit « François Auguste » (31 juillet 1834), vint un nouveau Jean – dit « Jean-Pierre » – (2 juin 1836) et enfin Victor-Étienne (20 août 1838)7. Bref, le couple ne pratiquait donc pas le contrôle volontaire des naissances et alignait ses comportements sur le rythme paysan en privilégiant les conceptions d’automne8. La série ne fut stoppée que par la mort de l’épouse, qui succomba le 23 octobre 1838, deux mois après avoir donné naissance à son dernier fils. La proximité des deux dates indique qu’elle est peut-être morte des suites de couches, ce qui serait un paradoxe pour une « accoucheuse » que les soins de son mari médecin n’empêchèrent pas de mourir à 35 ans.
5Le couple se trouvait aussi englobé dans un vaste réseau familial. Ces larges fratries n’étaient pas parfaitement égalitaires et les pratiques successorales favorisaient (dans la mesure des dispositions légales) un héritier de sexe masculin choisi parmi les aînés. Aussi bien Jean-Claude (né en 1752) que son neveu Benoît (né en 1759) donnèrent respectivement à titre de préciput9 le quart de leurs biens à Jean-Claude (né en 1783) et à Jean-Baptiste (né en 1784) à l’occasion de leur mariage10. De son côté, Gabrielle l’aînée (1787-1833), sentant sa mort prochaine, avantagea son frère aîné Jean-Baptiste. Elle lui donna non seulement des bâtiments, mais elle obligea les cohéritiers à lui verser 200 francs pour les réparer. En outre, elle l’exonéra de l’importante contribution aux messes et aumônes (500 francs) et de la contribution aux 150 francs à laisser à sa belle-sœur11. Loin de se diviser en familles nucléaires, les Raffin constituaient une famille soudée, du moins si l’on en croit l’analyse des parrains, des témoins et des déclarants lors des mariages, naissances et décès. Pour ne pas multiplier les exemples, on se bornera à mentionner quelques cas. Dès 1770, on note la naissance de Jean-Claude, fils de Claude Raffin-Rodet et de Philiberte Trambouze, dont le parrain était un autre Claude Raffin-Rodet. L’embrouillamini atteint son apogée lors de la déclaration le 11 avril 1808 de la naissance de « Claude, fils de Claude... en présence de Claude Raffin neveu dudit autre Claude Raffin et de Benoit Raffin, oncle de l’enfant ». Il arrivait même que les officiers d’état civil, pourtant du cru, s’y perdissent. Lorsque le 21 mars 1809, il fallut enregistrer la naissance de Jean, fils de Jean-Claude, le maire ne sut distinguer les deux Alexandre présents alors que l’un était le frère du père (né en 1772) et l’autre le frère aîné de l’enfant (1794-1811).
6Le grand nombre de filles permit aussi de multiples alliances, parfois réitérées, avec de nombreuses familles de Saint-Clément-sous-Valsonne ou des alentours puisque l’on repère 25 patronymes différents en 4 générations. Pourtant, les descendants des deux branches de Raffin-Rodet ciblèrent quelques familles en particulier : les Denonfoux, les Soly et les Triomphe. Trois filles de Benoît Raffin cadet (1759-1822) épousèrent même les trois frères Souzy, Claude, Alphonse et Jean-Marie les 4 décembre 1813, 16 février 1825 et 20 février 1827. Ces alliances reprenaient de vieilles traditions. Sans que l’on puisse formellement les rattacher à une branche ou à une autre, deux filles Raffin (des sœurs) avaient épousé des Denonfoux dans les années 1750 et une autre un Soly. Le lien avec les Denonfoux fut renoué par Gabriel (né en 1778), petit-fils de Benoit l’aîné (1701-1769) qui épousa Jeanne-Marie sous la Révolution ; et les Raffin renouèrent avec les Soly lorsqu’un des nombreux Jean-Claude Raffin (né en 1783), également petit-fils de Benoit l’aîné, épousa le 28 novembre 1810 Marguerite Soly, dont la mère, Claudine Sonnery, était sans doute apparentée à Antoinette, femme de son cousin Claude (né en 1757).
7Bref, la famille Raffin dans ses différentes composantes constituait « un front familial » assez proche de ceux décrits par Giovanni Levi pour l’Italie du xviie siècle comme des « groupes non corésidents mais liés par des liens de parenté consanguine et par des alliances qui apparaissent comme des blocs structurés12 ». Les Raffin possédaient une des conditions nécessaires au fonctionnement de ces fronts familiaux : « l’existence d’un important potentiel démographique maintenu au cours des générations13 ». Cette parenté élargie ne fournissait pas seulement à Françon la base de sa clientèle, elle l’introduisait dans un réseau social ouvert qui légitimait sa pratique14. Autrement dit, celle-ci devenait acceptable non par son efficacité, mais par la surface sociale de ceux qui la garantissaient.
La médiocrité des biens
8Il nous reste à savoir pourquoi cette famille passait aux yeux du maire pour très redoutée. La première hypothèse qui vient à l’esprit de l’historien est de chercher du côté de la fortune, en particulier foncière, les racines de la puissance. Il n’en était pourtant rien et la famille resta à la frontière entre la médiocrité sociale et la très modeste aisance financière.
9Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, les Raffin n’étaient pas de grands propriétaires fonciers. Certes, trois d’entre eux acquirent des biens nationaux. Gabriel (1753-1811) et Claude (né en 1757 et fils de Jean) achetèrent : le premier, en 1791, pour 2 425 livres un bien appartenant à la prébende de Saint-Antoine15 ; le second, en l’an III (1794-1795), un demi-arpent de la cure de Saint-Clément16. Le beau-père de Françon avait acheté le 8 fructidor an III (25 août 1795) deux demi-arpents provenant des cures de Valsonne et de Saint-Just-d’Avray (vallée d’Azergues) pour 25 500 livres fortement dépréciées17. Pourtant, ces acheteurs de biens nationaux ne ressemblaient que très vaguement aux cultivateurs fortunés qui avaient acquis les humbles biens des cures locales pour arrondir leurs domaines18. En effet, la déclaration de succession du beau-père de Françon laissait pour 2 800 francs de biens immobiliers, comprenant une maison principale et ses abords, estimés à 1 600 francs, une autre petite maison d’une valeur de 400 francs et moins d’un hectare de terre dont plus de la moitié en bois (50 ares19). Le reste était constitué essentiellement de minuscules vignes dispersées et parfois en partie arrachées20. Comme souvent, la déclaration de succession sous-estima les biens et au moment où le cadastre fut dressé (juin 1824) le document attribuait à Benoit Raffin (dont les biens n’avaient pas encore été partagés) 2 hectares de terrain, dont près de la moitié en bois21. Le partage de ses biens faisait état quant à lui de près de trois hectares (2 ha 81 ares)22. Benoit Raffin possédait aussi en indivision une petite maison près de l’église du village avec son gendre Claude Souzy, auquel il légua dans son testament 150 francs pour les travaux que ce dernier y avait faits23. À la même époque, seul Jean-Claude Raffin (1752-1825) pouvait passer pour un vrai propriétaire terrien puisqu’il possédait un peu plus de 16 hectares. Il laissait loin derrière lui Pierre Raffin, dit « Perle », lui aussi cultivateur avec seulement cinq 5 hectares. Les quatre autres Raffin couchés sur le cadastre possédaient moins de 2 hectares et pour trois d’entre eux seulement quelques ares.
10Aussi ne s’étonnera-t-on point de la médiocrité des fortunes. Si l’inventaire des biens de Benoît Raffin cadet (1759-1822) dépassait le montant de sa déclaration de succession (2 800 francs) et estimait sa fortune à 4 780 francs24, celle-ci était grevée de près de 1 000 francs de dette25 si bien qu’il ne resta que 358 francs à chacun de ses héritiers26. Seul l’aîné, Jean, mousselinier à Tarare, avait bénéficié lors de son mariage d’une donation du quart des biens de son père27. Au total, ce maigre bilan résultait de petites opérations spéculatives et d’emprunts. Outre l’achat des biens des cures déjà signalé, Benoît avait acquis, par deux fois au moins, seul ou en association, des biens immobiliers pour les revendre. Ainsi en l’an XIII (1804-1805) avait-il acheté 750 francs la portion d’héritage de Benoîte Burricand qui consistait en une maison à Saint-Clément, bâtiment qu’il avait cédé quelques mois plus tard moyennant un bénéfice de 70 francs, intérêts compris28. Quelques années plus tard, la succession de son oncle Jean-Claude (1752-1825) était estimée à 2 500 francs de biens immobiliers et à 250 francs de mobilier, mais les dettes menaçaient là aussi d’être élevées29. En effet, loin d’être des créanciers entraînant leurs débiteurs dans leur dépendance, les Raffin de la deuxième et de la troisième génération étaient régulièrement endettés. Gabriel (1753-1811), oncle de Benoît, emprunta à Antoine Perrin des sommes tellement importantes qu’il dût lui vendre une maison sans apurer pour autant sa dette, qui se montait encore à 600 francs30. Claude (1757), le frère de Benoît, devait aussi des sommes du même ordre à Antoine Perrin et à Pierre Roure, propriétaire à Tarare31.
11Les héritiers de ces générations ne firent pas de beaux mariages, même si ceux-ci représentèrent pour eux de bonnes affaires. En effet, sauf exception, les fiancés Raffin arrivaient les mains vides à l’autel. Certes, Benoît (1759-1822) promettait de fournir chaque année 2 hectolitres de vin et 100 fagots de bois au couple formé par son fils aîné, mais le total ne dépassait pas 40 francs32. Les contrats de mariage des années 1810 et 1820 sont d’une désespérante monotonie. Les futures épouses amenaient leurs « nippes et hardes » (très rarement des bijoux), dont la valeur était estimée entre 200 et 400 francs, exceptionnellement à 600. Outre les draps, les serviettes, les couvertures (en général une en laine et une en coton), les matelas, on repère quelques meubles (garde-robes), en général en noyer et ferrés. Une épouse (Marguerite Soly) amena à son futur époux la « somme de 1 000 francs qui provient des gains et épargnes qu’elle a faits en travaillant sur la mousseline » et d’un legs fait par sa tante33. Les débuts financiers de ces jeunes couples étaient placés sous le signe de la médiocrité. Certes, contrairement à leurs parents, ils n’empruntaient plus, mais leurs opérations passées devant notaire ne dépassaient qu’exceptionnellement la centaine de francs, qu’il s’agisse de ventes de vignes (7 ares)34, de bâtiments35 ou d’héritages36. Seule la vente de 30 ares de terre d’une valeur de 360 francs d’Alphonse Souzy à Georges Triomphe sort du lot37. Lorsqu’ils moururent prématurément, les enfants de Benoît Raffin (1759-1822) n’étaient guère riches. Dans son testament, Gabrielle Raffin l’aînée (1787-1833) léguait à ses frères et sœurs une vigne, une maison, d’autres bâtiments, un mobilier et des pièces de tissu, mais les sommes que les héritiers devaient payer au curé (400 francs pour faire célébrer des messes et 100 francs pour faire des aumônes), à la belle-sœur de la mourante (150 francs) et à l’un d’entre eux (200 francs)38 rendaient la succession si complexe et inégalitaire que les bénéficiaires décidèrent de recourir à des experts39. Quant à la succession de Jean-Marie (1793-1823), elle consistait en si peu de choses et était si grevée de charges que sa mère fut tout heureuse de renoncer à ses droits moyennant la somme « royale » de 130 francs40.
Le dynamisme économique
12Les activités de la belle-famille de Françon n’étaient pas à même d’assurer sa fortune, mais peut-être une certaine influence sociale. À leur arrivée au village, les Raffin travaillaient dans le secteur du transport et du commerce ambulant. Les deux Raffin-Rodet étaient coquetier41 (Claude) et voiturier (Benoit) ou exerçaient successivement (ou simultanément) les deux activités (Claude). Aussi les deux professions étaient-elles naturellement liées. Comme le père de Louis-François Pinagot, ces voituriers étaient sans doute de ceux qui se contentaient de charrois de courte distance, mais dont l’activité pouvait procurer quelques revenus sinon une certaine aisance42. Ces deux professions déclarées conduisaient à des activités commerciales plus larges. Les voituriers tenaient souvent un cabaret, ce qui permettait de rentabiliser la carriole en l’utilisant pour le transport des tonneaux sans payer la patente de cabaretier mais celle (moins élevée) de voiturier. Aussi, le beau-père de Françon, petit-fils de voiturier, fut ouvertement qualifié de cabaretier pendant toute la Révolution avant de devenir boucher et marchand sous l’Empire ; et l’un de ses cousins, Alexandre (1772), voiturier, épousa la fille d’un cabaretier du village voisin des Sauvages le 4 frimaire an IX (25 novembre 1800)43. Quant aux filles de la première génération, elles se marièrent dans le milieu de l’artisanat rural, épousant dans les années 1760 un maître charron, un tonnelier et un charpentier.
13La deuxième génération fut celle de la diversification et de l’adaptation à une économie industrielle et commerciale frémissante. Si le lointain cousin de Benoît, Claude (1770), et son oncle Jean-Claude (né en 1752) optèrent pour l’agriculture, son frère Claude (né en 1757) fut boucher avant de s’intégrer au tissage qui se développait au début du Consulat. La génération suivante (née à l’extrême fin du xviiie siècle) fut vouée au travail de la mousseline, particulièrement chez les descendants de la branche aînée. Il semble bien que les mécanismes décrits dans d’autres régions proto-industrielles aient fonctionné en faveur des Raffin, comme de tous les aubergistes et voituriers, deux professions clés dans l’établissement d’un système proto-industriel. C’est le cas en particulier de « l’auberge, lieu des négoces en petit, des prêts et des embauches cautionnés par l’aubergiste qui peut mettre à profit l’expérience qu’il a acquise44 » dans l’industrie. Aussi n’est-il pas étonnant que nombre de Raffin se soient convertis au travail des étoffes et que, dans la totalité des cas, ce n’était pas en tant qu’ouvriers mousseliniers, mais en tant que fabricants. Certes, malgré les dénominations pompeuses de certains qui s’intitulaient « marchand mousselinier et propriétaire » ou « propriétaires et fabricants mousseliniers », comme Jean Raffin et son épouse Marguerite Soly, la réalité était sans doute plus prosaïque puisque « à Valsonne comme à Lamure le fabricant n’a souvent qu’un petit atelier de 4 à 5 métiers45 ».
14La puissance des Raffin ne reposait donc guère sur leur pouvoir économique. Ils surent néanmoins vivre en même temps dans les deux univers économiques qui se côtoyaient dans le canton de Tarare au début du xixe siècle. D’un côté, comme petits commerçants, ils s’intégraient à l’économie d’Ancien Régime qui liait ses acteurs par un complexe système de crédit46. S’il est probable que les Raffin « tenaient » une partie de leur clientèle par les microcrédits qu’ils leur faisaient au jour le jour, ils étaient aussi parfois débiteurs47. D’un autre côté, ils s’adaptèrent à la nouvelle économie préindustrielle fondée sur le tissage à domicile. Dans ce cadre, on peut imaginer que des familles à la recherche de travail dépendaient des Raffin fabricants en mousseline. Mais tout ceci était peu de choses par rapport à une autre source de pouvoir.
L’infranotabilité
15Les Raffin n’étaient donc en rien des notables tels qu’on se les représente volontiers aujourd’hui. Ils étaient fort loin de la très étroite minorité de gens fortunés. Sur la centaine d’électeurs nationaux du canton de Tarare, sept habitaient Valsonne et Saint-Clément, commune où seul le maire, Claude-Marie Pierron, qui y possédait 60 hectares, appartenait à ce club très fermé grâce à ses 300 francs d’imposition annuelle. Il s’y trouvait en compagnie de ses deux collègues de Valsonne : Grégoire Chermette (254 francs) et Paul Dubost (836 francs d’impôts, dont 675 payés sur ses propriétés lyonnaises)48. Les Raffin n’avaient bien sûr rien à voir avec les riches propriétaires de Tarare. Ainsi, lorsque Claude Peronnet épousa Jeanne Dumas, le père du marié donna à son fils 10 000 francs en avance d’hoirie (c’est-à-dire d’héritage) et la future mariée apporta un trousseau de 2 000 francs et une somme de 18 000 francs49.
16La distance était moins grande avec des notables moins fortunés, même si le fossé restait considérable. Au total, en 1824, l’emprise foncière (29 ha à peine) de tous les Raffin était inférieure à la surface possédée par le seul Jean-François Thiolayron, le futur maire de la monarchie de Juillet (32 ha), et deux fois moindre que la superficie détenue par Claude-Marie Pierron50. Il y eut bien une tentative de joindre ces deux élites lorsque Jean-Marie (1793-1823), cinquième fils du cabaretier Benoît, épousa le 28 novembre 1822 Claudine-Françoise Thiolayron (née le 18 fructidor an V – 4 septembre 1797). Si celle-ci était la petite-fille de Claude (voir la figure 3), procureur fiscal, commissaire à terrier et mari d’Anne de La Mettirie, la branche aînée dont elle était issue était entrée en décadence.
Son père, Léonard (1751-1817), propriétaire autrefois fabricant de toiles, avait été membre du conseil général de la commune en 1793-1794, mais la présence de 7 enfants avait quelque peu affaibli sa fortune, d’autant qu’un quart de celle-ci avait été cédé à son fils aîné, Jean-François (né en 1786), qui prit sa suite en devenant mousselinier. De ce fait, les cadets avaient dû travailler de leurs mains. Ainsi, Claudine-Françoise n’avait guère déchu en épousant le 22 novembre 1822 Jean-Marie Raffin, lui aussi mousselinier, puisqu’elle apportait dans sa corbeille à peine plus que les autres épouses Raffin, soit 400 francs de trousseau et 600 francs de gains et épargnes. Pourtant cette union ne dura pas puisque l’époux décéda huit mois après son mariage. Lorsqu’elle se remaria à Pierre Souzy quatre ans après, ses apports restaient modestes (800 francs) et en partie constitués d’instruments de travail (deux métiers de mousseline garnis de leurs agrets)51. Après cette tentative avortée, les Raffin ne pénétrèrent plus guère l’univers des notables reconnus, avec lesquels les rapports étaient de dépendance pour ne pas dire de soumission. Ainsi, depuis l’an VI (1797-1798), Jean-Claude Raffin (né en 1752) avait pris en bail à grangeage de Claude-Marie Perrin un domaine appelé « La Retondière », d’un revenu de 300 francs. Outre le versement de la moitié des récoltes, le preneur devait aussi livrer de véritables redevances en nature (10 poulets) ou en argent (150 francs pour la portion de basse-cour). Il n’était pas non plus libre de son exploitation puisqu’il devait garder 5 vaches mères52. Hélas curieusement absent des minutes notariales, le bail de même nature consenti au même Jean-Claude Raffin par Jean-François Thiolayron (né en 1776) n’était sans doute pas différent53.
17Le rôle politique officiel des Raffin était aussi presque nul et seul Pierre (né en 1766), fils de Jean-Claude dit « la Perle », fut nommé au conseil municipal dès l’Empire54, y siégea pendant toute la Restauration55 et fut élu de justesse sous la monarchie de Juillet en 183456. Son influence était limitée et sa parenté avec les Raffin-Rodet lointaine, voire incertaine. Avec ses faibles revenus fonciers (60 francs en 1830, 72 francs en 1837), il était loin de pouvoir rivaliser avec Jean-François Thiolayron (373 francs en 1837) et moins encore avec Claude-Marie Pierron (673 francs), qui alternèrent à la mairie de 1829 à 1846. Le premier, neveu de Léonard, était le fils de son homonyme de père, notaire à Chandon près de Charlieu (Loire) puis à Saint-Clément depuis 1771 ou 1772 jusqu’en l’an IV (1795-1796) où il fut remplacé par Antoine Chol père qui s’installa à Valsonne57. Il se qualifia par la suite de géomètre et propriétaire. Moins chargé d’enfants (4 ont été identifiés) que son frère, ce dernier avait pu conserver pour l’un de ses 2 fils les propriétés déjà mentionnées (32 ha dans le seul Saint-Clément58).
18Pourtant les Raffin-Françon appartenaient à la catégorie que l’on pourrait appeler « les infranotables ». Possédant quelques biens, il leur arrivait d’exercer des professions qui pouvaient les mettre en position d’exercer un certain pouvoir social sur les autres habitants, auxquels ils fournissaient des services (le voiturage, le soin), des biens (la vente des œufs), du travail (les mousseliniers), du crédit (les aubergistes), mais tout ceci effectué à une échelle microscopique. Passer à un stade supérieur était pour ces demi-notables de village plus difficile. Ils avaient un réseau familial et d’obligés suffisamment vaste pour être (en général de justesse) élus conseillers municipaux, mais n’avaient pas la fortune ni l’entregent pour être nommés maires ou adjoints.
Le pouvoir immatériel
19L’influence des Raffin-Françon ne reposait pas plus sur des bases économiques sociales solides que sur l’occupation de positions d’autorité reconnues ; et, plus qu’une emprise sociale et politique, les Raffin exerçaient sur le village un pouvoir immatériel fondé sur leur nombre et leur pouvoir de faire et surtout d’impressionner l’opinion. En dehors de ce que l’on vient de soupçonner, on conçoit aussi le rôle que pouvait avoir dans ce domaine le cabaretier Benoît Raffin sur sa clientèle59. Plus encore, quiconque fréquente assidûment un village et en observe la vie sociale aujourd’hui sait qu’il existe souvent de ces familles nombreuses qui inspirent la crainte, le respect et le silence bien au-delà de leur position sociale mesurable. La menace, rarement traduite en actes, ou le souvenir de violences anciennes suffit souvent à inspirer la peur du voisinage. Les Raffin étaient visiblement de cette espèce. Dès 1813, un fils de la branche cadette, Alexandre, dut faire devant notaire des excuses à Claude Dumas, adjoint au maire, pour l’avoir insulté le 14 octobre en revenant de Tarare « vers les » six heures du soir. Moyennant un don de 15 francs au bureau de bienfaisance et l’affichage des extraits de l’acte, il obtint le pardon de l’insulté60. Gabriel Raffin (1778) prit le relais de son cousin et fut condamné par deux fois par le juge de paix dans les seules années 1831 et 1832, une fois pour non-paiement d’une paire de chaussures61, une autre fois pour non-remboursement d’une dette minime62.
20Ce pouvoir immatériel éclata de façon manifeste lors des poursuites intentées en 1832 contre Jean-Pierre Françon pour exercice illégal de la médecine. Lors de leur première visite, les gendarmes avouèrent que les huit témoins entendus avaient tous été « choisis et emmenés par le sieur Françon ou par ses soins63 ». Sommés de faire une nouvelle enquête, ils durent s’y prendre à deux fois et finir par intervenir le dimanche 1er juillet avant la messe64. Ils ne réussirent qu’à entendre six autres témoins car, ajoutèrent-ils : « Nous avons été dans beaucoup d’autres maisons où il y avait eu des personnes malades et mortes mais on nous répondait qu’elles n’avaient pas eu de médecins, d’autres que c’était MM. Duthel, Pistre et Poulat qui les avaient traités. » Pas dupe, le maréchal des logis de la brigade de Tarare terminait ainsi : « Ce qui nous prouve que cela a été fait à dessein, c’est que nous avons trouvé des parents de Françon dans presque toutes les maisons et lorsque nous y étions, l’on ne voulait rien nous dire ou du moins bien peu de choses, ce qui nous donne à penser que le mot était donné de ne rien déclarer. » La conclusion était cependant terrible : « Sur ce, voyant que nous ne pouvions plus découvrir d’autres faits, nous nous sommes retirés.65 »
21On aurait tort d’accuser les gendarmes de lâcheté et il serait vain et injuste d’instruire le procès des maires. Certes, les apparences étaient contre eux. Quinze jours après son mariage, Jean-Pierre Françon reçut de Michel Pradel (né en 1774), fabricant de mousseline et maire de 1821 à 182966, un certificat de patente de chirurgien bien que l’heureux récipiendaire ne fournît pas la quittance délivrée par le percepteur67. Nommé maire en 1829, Claude-Marie Pierron fut révoqué par la monarchie de Juillet malgré les gages fournis68 et n’eut guère à s’occuper de la question. Il fut remplacé le 4 janvier 1831 par Jean-François Thiolayron, qui occupa la mairie jusqu’en 1840. Comme il avait été son éphémère parent par alliance dans les années 1820, Françon pensait sans doute n’avoir pas grand-chose à redouter du nouveau maire de Saint-Clément. Pourtant, sensible à la légalité et sans doute ému par la rumeur d’une mortalité exceptionnelle69, celui-ci le dénonça, mais plutôt que de le faire directement auprès du préfet ou du sous-préfet, il s’en ouvrit auprès de son collègue de Tarare qui transmit au préfet70. En effet, le maire de Saint-Clément eut immédiatement très peur de son initiative. Le 20 juin 1832, il supplia le procureur du roi d’avoir la bonté de l’exempter de lui procurer un procès-verbal contre Françon, arguant que « cet homme a contracter [sic] une alliance avec une femme sortant d’une nombreuse famille de qui j’aurai quelques craintes ». Il récidiva quelques jours plus tard, signalant « que le sieur Françon dépendait d’une famille nombreuse desquels je pourrais quelquefois epprouver [sic] quelques désagréments ». Il ajoutait que « s’il y a eu plus de décès depuis un an qu’à l’ordinaire, je ne puis certifier que ce soit le sieur Françon qui les ait tous traités ». Il concluait en affirmant « que le garde champêtre pourrait mieux vous procurer des renseignements que moi71 ». Le maréchal des logis de la brigade de gendarmerie de Tarare affirma que le maire « n’a voulu l’aider en rien et quand il lui a demandé des renseignements, il a répondu que cela ne le regardait pas72 ». En outre, ce que ne disait pas le maire, c’est que Françon était aussi membre de son conseil municipal, ce qui explique aussi la prudence de l’accusateur. Néanmoins, une fois Françon installé à Valsonne (1834) et alors souvent absent du conseil municipal, le maire se ressaisit en interdisant à Françon d’exercer et en le dénonçant73. Cet acte de courage ne fut certainement pas étranger aux déboires ultérieurs de Jean-François Thiolayron. En effet, la lutte entre les Pierron et les Thiolayron était intense et les Françon-Raffin surent en profiter. Adjoint à la mairie puis maire sous la Restauration et qualifié de « bien-pensant74 », Claude-Marie Pierron dut céder la place à Jean-François Thiolayron en 183175. À ce moment, on peut imaginer que les Raffin-Françon étaient favorables au nouveau maire, qui avait été fugitivement leur parent par alliance. Étaient-ils parmi ces pétitionnaires de 1830 qui reprochaient à Claude-Marie Pierron de consulter plus volontiers le curé que ses administrés et de « n’avoir arboré le drapeau tricolore que longtemps après qu’il en eut reçu l’ordre76 » ? Pourtant, après que le nouveau maire eut osé mettre ouvertement en cause Françon, il est plus que vraisemblable que les Françon-Raffin appartinssent à ces « quelques brouillons qui se flattaient que Mr Thiolayron serait chargé par des rapports qui vous auraient été adressés par des personnes qui ne voudraient que le désordre77 ». S’ils ne furent pour rien dans les insultes qui furent proférées à l’encontre du maire par Auguste Balmont, menacé de saisie78, Jean-François Thiolayron ne résista pas à cette opposition occulte. S’enfonçant dans l’ivrognerie, il se déconsidéra et perdit le soutien des autorités pour lesquelles « il n’avait aucune action morale sur ses administrés79 ». Son crédit auprès de la population déclina aussi. Très confortablement élu (deuxième meilleur score) en 1831 avec 64 voix sur 70 votants, il n’en obtint plus que 40 sur 52 trois ans plus tard80. Sans doute à la grande joie du clan Raffin-Françon, il fut remplacé en 1840 par... Claude-Marie Pierron. Celui-ci était aussi enclin à l’ivrognerie et insultait volontiers les membres du conseil municipal largement acquis à l’ancien maire (qui y siégeait toujours), ainsi que l’instituteur lorsqu’il venait toucher son traitement81. Redoutant l’alliance de Thiolayron avec le desservant (le curé), l’administration espéra l’amendement du maire en place82, avant de se résoudre à le remplacer en 184683.
22Sans considération pour le fond, chaque camp s’empara de l’affaire comme d’un prétexte pour affirmer son pouvoir. À l’évidence, le cas Françon était devenu l’occasion de règlements de comptes politiques, ce qui faisait passer au second plan la question de l’exercice illégal et de ses conséquences. Dans ce jeu politique local, Françon choisit (ou fut choisi par) le bon camp. Il pouvait compter sur le soutien sans réserve et l’engagement en sa faveur du nouveau maire de Valsonne, son conscrit. Déjà pressenti pour la mairie en 182984, Paul Dubost, propriétaire-cultivateur, y fut nommé le 4 janvier 1831 et le resta jusqu’en 183785, année où il fut nommé percepteur à Bagnols86. Ce riche électeur censitaire (800 francs d’impôts soit 8 000 francs de revenus annuels et une fortune de 160 000 francs), qui pouvait aisément verser le cautionnement afférent à sa nouvelle fonction, était plus qu’un notable de village comme le suggèrent ses propriétés immobilières lyonnaises et ses séjours à Paris87. Enfin, Françon sut obtenir le soutien d’Étienne Matagrin, conseiller général du canton de Tarare entre 1833 et 183988, qui fit porter par Françon lui-même une lettre dans laquelle il demandait ouvertement au sous-préfet de protéger le contrevenant89.
23Outre leurs positions locales plus puissantes, les partisans de Françon optèrent pour la tactique propre à lui obtenir la bienveillance des autorités supérieures. Ils choisirent en effet de faire passer leur protégé pour un vrai notable. Si à l’évidence il ne l’était pas encore à l’époque, l’argument était décisif pour les autorités de la monarchie de Juillet qui n’avaient guère les moyens de vérifier leurs allégations et encore moins la volonté de les mettre en doute.
La légèreté de la peine
24Grâce à son enracinement dans une famille et à ses contacts avec les notables, c’est seulement en 1832 que Françon fut accusé d’être responsable du fait que « 24 grands corps sont morts cette année dans cette petite commune et qu’il en est mort trois dans la même maison. Ces personnes ont été presque toutes saignées jusqu’à extinction par ce charlatan90 ». Prié par le préfet d’ouvrir une information91, le procureur du roi auprès du tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône, Émile Sain-Rousset de Vauxonne, chargea la gendarmerie de « se transporter à Saint-Clément pour y recueillir les renseignements les plus précis et les plus détaillés non seulement sur les faits d’exercice illégal mais encore sur les funestes résultats de ses soins92 ». Fils d’André-Paul (1759-après 1830), maire d’une division de Lyon puis président du conseil municipal de la ville sous le Consulat et l’Empire93, le procureur venait juste d’atteindre une étape dans une carrière commencée en 1825 comme juge auditeur au tribunal de Saint-Étienne. Après avoir occupé des postes semblables à Nantua puis à Villefranche, il fut nommé procureur du roi dans cette même ville le 29 septembre 1830. Après quatre ans à ce poste, il fut promu juge d’instruction à Lyon (25 juillet 1834), où il mourut le 25 mars 1853 comme conseiller à la cour d’appel94 et membre de la commission municipale nommée pour aider le préfet Vaïsse à administrer la ville de Lyon à partir de mars 185295. Ce profil ne le prédisposait en rien à la complaisance vis-à-vis de Françon, dont l’univers devait lui être parfaitement étranger, mais l’affaire ne lui parut sans doute pas assez importante pour qu’il lui accorde beaucoup d’attention. Quoi qu’il en soit, et malgré les lacunes déjà mentionnées de cette enquête, le procureur du roi ne la poussa pas plus loin et qualifia les faits de délit. Il jugea les renseignements « tels que je les désirai et l’affaire en état d’être portée à l’audience sans autre information. [...] Lorsqu’il s’agit de simples délits, ajoutait-il, je remplace l’information préparatoire par des renseignements précis et recueillis avec soin96 ».
25Après cette enquête rapide, le procureur se hâta de porter l’affaire devant le tribunal correctionnel où elle arriva le 21 juillet 1832, un mois et demi seulement après la dénonciation des faits. La composition du tribunal était aussi favorable à Françon. Il était présidé par Joseph Antoine Claude Perraud, juge d’instruction à Villefranche depuis 1829, poste qu’il occupa jusqu’à sa retraite en 1852. Plus encore, il était secondé par un notable local, Perret (dit aussi « Peyré »), ancien notaire à Villefranche, juge dans la même ville de 1830 à 1847, élu conseiller général du très conservateur canton d’Anse en 183397. Originaires de Villefranche et / ou bien installés dans la ville, ces juges ne tenaient certainement pas à s’aliéner les notables locaux dont ils faisaient pleinement partie. Enfin, le juge suppléant Guillot, nommé l’année précédente, ne devait guère avoir de poids98. Outre cette composition du tribunal et la célérité de l’enquête, plusieurs faits jouèrent en faveur du prévenu. Dans le cas de Françon, comme dans beaucoup d’autres, l’audience, comme l’enquête menée par le procureur, fit une grande place à la question du paiement des services, ce qui ne pouvait que servir le prévenu car, comme en matière d’exercice illégal de la pharmacie, la distribution gratuite ou à bon marché était souvent invoquée comme circonstance atténuante. Les déclarations contradictoires des témoins ordinaires (voir l’annexe 6), largement subornés par le prévenu, lui étaient plutôt favorables. L’attitude des notables pencha en faveur de l’accusé. Son dénonciateur Thiolayron se cacha et son défenseur Dubost afficha son soutien. À lire ce dernier, non seulement « la manière dont il [Françon] a exercé sa profession ne peut donner lieu à aucune plainte contrôlée », mais c’était « un homme probe, à l’abri de reproches depuis huit ans qu’il est établi à Saint-Clément où il a toujours exercé la même profession et y a fait ses affaires ». C’était, selon lui, cette seule raison qui avait fait des jaloux qui l’accusaient99. À l’issue du procès, le procureur déclara que les débats avaient montré
d’un côté que cet individu ne recevait que de très légères indemnités [...], donnait souvent ses soins gratis et recommandait de faire appeler un docteur en médecine aussitôt qu’une maladie lui paraissait grave, d’un autre côté qu’il jouissait de l’estime et de l’attachement de ses concitoyens qui l’ont appelé aux fonctions d’officier de la garde nationale et de conseiller municipal100.
26Pourtant, le soutien des notables ne fut pas aussi déterminant que l’on pourrait le croire dans la faible peine infligée à Françon. Celle-ci était tout à fait conforme au droit. Dans son article 36, la loi de ventôse prévoyait en cas d’usurpation de titre (de docteur, d’officier de santé, de sage-femme) :
[que] l’amende pourra[it] être portée jusqu’à mille francs pour ceux qui prendraient le titre et exerceraient la profession de docteur ; à cinq cent[s] francs pour ceux qui se qualifieraient d’officiers de santé et verraient des malades en cette qualité [...] l’amende sera doublée en cas de récidive et les délinquants pourront en outre être condamnés à un emprisonnement qui ne dépassera pas six mois101.
En revanche, dans son article 35, la loi ne fixait pas la peine punissant le simple exercice illégal de la médecine. Dans des cas semblables, les tribunaux correctionnels devaient se conformer au droit et à la jurisprudence, qui disposaient que lorsqu’une amende restait indéterminée elle devait être « renfermée dans les limites de l’amende de police fixée par l’article 466 du Code pénal102 ». Contrairement à ce qu’ont écrit tous les historiens, les tribunaux ne faisaient pas preuve de laxisme mais appliquaient seulement un principe juridique. Françon, qui se disait médecin ou chirurgien sans usurper les titres de docteur ou d’officier de santé, rentrait dans ce cas de figure. Dans ces conditions, le procureur réclama logiquement l’application des articles 35 et 36 de la loi de ventôse, mais « s’en rapporta [au tribunal] sur la modération de la peine ». Celui-ci retint l’exercice de la médecine sans être pourvu de diplômes, mais qualifia le fait de contravention et condamna le prévenu à une peine légère (50 francs) et aux dépens (84,25 francs)103. On pourrait donc penser que Françon ne bénéficia d’aucune faveur particulière et que le procureur avait raison de dire que « le jugement a été ce qu’il devait être et qu’il n’y a point lieu d’appeler104 ». Il reste néanmoins un fait troublant qu’on ne sait trop à qui imputer. La version originale de la cédule d’assignation à comparaître s’adressait à « Françon se disant dentiste et chirurgien demeurant en la commune de Saint-Clément, canton de Tarare, prévenu d’exercer la médecine et la chirurgie sans être muni de diplômes et se qualifiant d’officier de santé105 ». Sous cette forme, l’inculpation pouvait valoir la somme de 500 francs d’amende à l’intéressé. Or l’expression « officier de santé » fut barrée et remplacée par « se qualifiant de médecin et chirurgien », ce qui le mettait à l’abri de l’article 35. Le coup passa donc très près et, pour la deuxième fois de sa vie, Françon bénéficia d’une chance insigne. On ne peut pourtant croire que cette rature d’importance ait pu être le fait d’un scribe distrait106. L’hypothèse selon laquelle le procureur aurait lui-même changé la qualification du délit est évidemment la plus vraisemblable. La pression des notables locaux relayée par le puissant Paul Dubost avait fait son œuvre.
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27L’alliance avec un clan familial nombreux et redouté fut surtout déterminante au début de la carrière de Françon, puisqu’elle lui offrit un noyau de clientèle et une respectabilité sociale qui contrebalançaient son absence de légitimité officielle. Il ne faut cependant pas exagérer ce qui ne fut qu’un épisode. Son séjour à Saint-Clément ne lui offrit qu’un niveau de vie très médiocre et sans doute loin de ses ambitions. C’est pour les satisfaire qu’il quitta ce cocon protecteur, d’abord pour la commune voisine, puis pour une autre plus éloignée. C’est là qu’il atteignit vraiment son apogée social, signe qu’il n’avait plus besoin d’un réseau familial pour réussir. Il sut alors très bien tirer profit des dispositifs législatifs et réglementaires qui régissaient la médecine et en particulier la profession d’officier de santé.
Notes de bas de page
1 ADR, 4 E 4109, Commune de Saint-Clément, Acte de naissance de Gabrielle Raffin, 2 ventôse an X.
2 ADR, 4 E 4110, Commune de Saint-Clément, Acte de décès de Benoit Raffin, 12 mai 1822.
3 ADR, 5 M 36, Lettre du maire de Tarare au préfet, 8 juin 1832.
4 ADR, 6 MP 24, Recensement de Saint-Clément-sous-Valsonne, 1836.
5 Giovanni Levi, Le Pouvoir au village : histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviie siècle [1985], Monique Aymard (trad.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 1989, p. 54-55.
6 Jean-Luc Mayaud (dir.), « Recherches pinagotiques : à propos du Monde retrouvé de Louis-François Pinagot », Ruralia, nº 3, 1998.
7 ADR, 4 E 4111 et 4266.
8 Gilbert Garrier, Paysans du Beaujolais et du Lyonnais (1800-1970), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1973, vol. 1, p. 77.
9 Le préciput est la part d’héritage (qui ne peut être supérieure à 25 %) dont le testateur peut disposer librement.
10 ADR, 3 E 32 633, Contrat de mariage Jean-Claude Raffin et Marguerite Soly ; ADR, 3 E 33 819, Contrat de mariage Jean Raffin et Jeanne Gabriel du 16 mai 1816.
11 ADR, 3 E 32 657, Testament de Gabrielle Raffin, 18 juin 1833.
12 Giovanni Levi, Le Pouvoir au village, op. cit., p. 65.
13 Ibid., p. 78.
14 On utilise ici l’hypothèse utilisée dans un tout autre contexte pour expliquer la diffusion des idées scientifiques au xviie siècle : David S. Lux & Harold J. Cook, « Closed Circles or Open Networks: Communication at a Distance during the Scientific Revolution », History of Sciences, nº 3, juin 1998, p. 179-211.
15 ADR, 1 Q 381, Adjudication du 27 août 1791.
16 ADR, 1 Q 394, Bref de vente nº 108.
17 ADR, 1 Q 394, Brefs de vente nº 104 et 106.
18 Gilbert Garrier, Paysans du Beaujolais et du Lyonnais, op. cit., vol. 1, p. 121.
19 Un are représentant 100 m2.
20 ADR, 3 Q 48/403, Déclaration du 2 novembre 1822.
21 ADR, 3 P 202/1, Cadastre de Saint-Clément-sous-Valsonne.
22 ADR, 3 E 32 646, Partage des biens, 25 novembre 1822.
23 ADR, 3 Q 48/648, Table des testaments, Tarare (1811-1825).
24 ADR, 3 E 32 646, Partage du 25 novembre 1822.
25 ADR, 3 E 32 653, Liquidation des cohéritiers de Benoit Raffin, 3 janvier 1829.
26 ADR, 3 E 32 646, Partage des biens, 25 novembre 1822.
27 ADR, 3 E 33 819, Contrat de mariage Jean Raffin et Jeanne Gabriel, 16 mai 1816.
28 ADR, 3 E 32 628, Actes des 29 pluviôse [18 février] et 22 floréal an XIII [12 mai 1805] ; 3 E 32629, acte du 26 brumaire an XIV [17 novembre 1805].
29 ADR, 3 E 32 633, Contrat de mariage Jean-Claude Raffin et Marguerite Soly, 3 novembre 1810.
30 ADR, 3 E 32 628, 633 et 635, Actes du 18 pluviôse an XIII [7 février 1805], 17 mai 1810 et 12 avril 1812.
31 ADR, 3 E 32 637, Acte du 12 août 1813.
32 ADR, 3 E 33 819, Contrat de mariage Jean Raffin et Jeanne Gabriel, 16 mai 1816.
33 ADR, 3 E 32 633, Contrat de mariage Jean-Claude Raffin et Marguerite Soly, 3 novembre 1810.
34 ADR, 3 E 32 658, Acte du 29 juillet 1834. Vente par Alphonse Souzy à Jean-Marie Souzy de 7 ares de « vigne en très mauvais état ayant besoin d’être arrachée pour que le fond puisse être en état de produire quelque chose ».
35 ADR, 3 E 32 660, Vente J. B. Raffin à Étienne Denonfoux, 19 janvier 1836 : « Un mauvais bâtiment dont la porte d’en bas sert d’écurie et le dessus de fenil. »
36 ADR, 3 E 32 659, Quittance Raffin / Denonfoux, 4 juin 1835.
37 ADR, 3 E 32 658, Acte du 29 juillet 1834.
38 ADR, 3 E 32 657, Testament du 18 juin 1833.
39 ADR, 3 E 32 658, Partage entre les héritiers de Gabrielle Raffin, 11 février 1834.
40 ADR, 3 E 32 650, Traité Claudine Thiolayron / Jeanne Caillet-Matillon, 13 février 1826.
41 On sait que le coquetier est celui qui collecte, dans les fermes, les œufs et les produits de basse-cour pour les vendre en ville ou sur les marchés.
42 Alain Corbin, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot : sur les traces d’un inconnu (1798-1876), Paris, Flammarion, 1998, p. 107-109.
43 ADR, 3 E 4109, Commune de Saint-Clément, Registres des actes d’état civil, an X [1801-1802].
44 Jean-Marc Olivier, Une industrie à la campagne : le canton de Morez entre 1780 et 1914, Salins-les-Bains, Musée des techniques et cultures comtoises, 2002, p. 53-54 et 86.
45 Gilbert Garrier, Paysans du Beaujolais et du Lyonnais, op. cit., vol. 1, p. 280.
46 Laurence Fontaine, L’Économie morale : pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, Gallimard, « NRF Essais », 2008, passim.
47 ADR, 7 UP 2277, Audience de la justice de paix de Tarare, 5 août 1831. Gabriel Raffin fut condamné pour n’avoir pas remboursé un prêt de 9,50 francs.
48 ADR, 3 M 10, Liste générale du jury pour 1835 [lire « liste électorale »], 19 août 1834.
49 ADR, 3 E 32 641, Contrat de mariage Claude Peronnet et Jeanne Dumas, 29 mai 1817.
50 Tout le passage est construit sur le dépouillement du cadastre de 1824 : ADR, 3 P 202/1.
51 ADR, 3 E 32 651, Contrat de mariage Pierre Souzy et Claudine Thiolayron, 15 avril 1827.
52 ADR, 3 E 32 633, Bail du 10 janvier 1810.
53 ADR, 3 E 34 218, Répertoire chronologique des actes d’Antoine Chol, père et fils, notaires à Valsonne.
54 D’après ADR, 2 M 45, Tableau général des conseillers municipaux de l’arrondissement de Villefranche (sans doute dressé en 1830).
55 ADR, 2 M 72, Délibérations du conseil municipal de Saint-Clément, 12 mai 1823 et 17 mai 1825.
56 Le 28 octobre au deuxième tour avec seulement 20 voix : ADR, 3 M 1618, Tableau des conseillers municipaux de 1837 à 1840. Jean-François Thiolayron fut élu la même année avec 40 voix sur 52 votants.
57 ADR, 35 L 33, Pétition de l’administration communale de Saint-Clément, 15 avril 1791 et séance du tribunal du district de Villefranche, 26 vendémiaire an IV [18 octobre 1795].
58 Mais aucune propriété à Valsonne.
59 Jacques-Olivier Boudon, Le Plancher de Joachim : l’histoire retrouvée d’un village français [2017], Gallimard, « Folio », 2019. L’auteur insiste à juste titre sur l’intérêt des aubergistes pour la politique, p. 100.
60 ADR, 3 E 32 637, Acte du 20 octobre 1813.
61 ADR, 7 UP 2277, Jugement du 12 janvier 1832.
62 ADR, 7 UP 2277, Jugement du 5 août 1831.
63 ADR, Uv 1210, Procès-verbal de gendarmerie, 17 juin 1832 (voir l’annexe 4).
64 ADR, Uv 1210, Lettre du maréchal des logis de la brigade de Tarare au procureur, 30 juin 1832.
65 ADR, Uv 1210, Procès-verbal de gendarmerie, 1er juillet 1832 (voir l’annexe 5).
66 ADR, 2 M 72, Maires et adjoints de Saint-Clément. Il dut démissionner à la suite de sa faillite : ADR, 2 M 81, Lettre du maire de Tarare au sous-préfet, 8 janvier 1829.
67 ADR, Uv 1210, Certificat de patente du 15 février 1828.
68 ADR, 2 M 72, Pétition du 29 septembre 1830 et réponse du sous-préfet au préfet, s.d.
69 En réalité, malgré les 24 morts attribués à Françon, la mortalité de 1832 ne fut pas exceptionnelle. Il y eut 28 décès dans la commune contre 30 en moyenne entre 1823 et 1832 et 25 entre 1833 et 1842. D’après ADR, 4 E 4113, Tables décennales de décès, Commune de Saint-Clément-sous-Valsonne (1823-1842).
70 ADR, 5 M 36, Lettre du maire de Tarare au préfet, 8 juin 1836.
71 ADR, Uv 1210, Lettres du maire de Saint-Clément au procureur, 21 et 28 juin 1832.
72 ADR, Uv 1210, Lettre du lieutenant de gendarmerie au procureur de Villefranche, 24 juin 1832.
73 ADR, Z 56/123, Lettre du maire de Saint-Clément au sous-préfet, 6 avril 1834.
74 ADR, 2 M 72, Lettre du sous-préfet de Villefranche au préfet, 10 juillet 1817.
75 ADR, Z 56/111, Arrêté préfectoral du 4 janvier 1831. Il fut reconduit après le vote de la loi municipale : ADR, Z 56/107, Arrêté préfectoral du 2 janvier 1832.
76 ADR, 2 M 72, Lettre du sous-préfet de Villefranche au préfet, 5 octobre 1830.
77 ADR, Z 56/107, Lettre des conseillers municipaux au sous-préfet, s. d. [1837].
78 ADR, Uv 1018, Tribunal correctionnel de Villefranche, séance du 15 juillet 1837.
79 ADR, 2 M 72, Lettre du préfet au sous-préfet, 9 novembre 1841.
80 ADR, 2 M 45, Tableau préparatoire à la première nomination des maires et adjoints conformément à la loi du 21 mars 1831 ; ADR, 3 M 1618, Tableau des conseillers municipaux de Saint-Clément de 1837 à 1840.
81 ADR, 2 M 72, Lettre de l’instituteur au préfet, 5 octobre 1842.
82 ADR, 2 M 72, Lettre du sous-préfet au préfet, 28 octobre 1841.
83 ADR, Z 56/110, Arrêté préfectoral du 17 septembre 1846.
84 ADR, 2 M 81, Lettre du maire de Tarare au sous-préfet, 8 janvier 1829.
85 ADR, 3 M 1652, Tableau des conseillers municipaux de 1837 à 1840. Il fut élu avec une très large majorité, réalisant le deuxième meilleur score en 1834, avec 80 voix sur 88 votants (et 134 inscrits).
86 ADR, Z 56/107, Lettre de P. Dubost au sous-préfet, 6 février 1837. Sur les percepteurs, voir aussi Jean Le Bihan, Au service de l’État : les fonctionnaires intermédiaires au xixe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, en particulier p. 148-149.
87 ADR, Z/56/107, Lettre de Dubost au sous-préfet, 6 février 1837.
88 ADR, 3 M 1378, Élections cantonales, renouvellement de 1839 : il fut sèchement battu par Orsel l’aîné par 56 voix contre 28. Il était fabricant de mousseline à Tarare : Gilbert Garrier, Paysans du Beaujolais et du Lyonnais, op. cit., vol. 1, p. 306.
89 ADR, Z 56/123, Lettre de Matagrin au sous-préfet, 12 mai 1834.
90 ADR, 5 M 36, Lettre du maire de Tarare au Préfet, 8 juin 1832.
91 ADR, 5 M 36, Lettre du 9 juin 1832.
92 ADR, 5 M36, Lettre du procureur du roi au préfet, 24 juin 1832.
93 Notice sur la vie et les travaux administratifs de M. André-Paul Sain-Rousset, baron de Vauxonne, Lyon, Vingtrinier, 1853.
94 ADR, 2 U 1/37, Magistrats, table alphabétique, cour d’appel et tribunaux du ressort (1800-1852).
95 ADR, 2 U 1/37, Notice individuelle.
96 ADR, 5 M 36, Lettre du procureur au préfet, 5 juillet 1832.
97 Gilbert Garrier, Paysans du Beaujolais et du Lyonnais, op. cit., vol. 1, p. 306.
98 Sur les juges : ADR 2U 1/37, Répertoire alphabétique des nominations.
99 ADR, Z 56/123 et Uv 1210, Lettres du maire de Valsonne au procureur du roi et au sous-préfet, 18 juin 1832 et 25 février 1834.
100 ADR, 5 M 36, Lettre du procureur au préfet, 21 juillet 1832.
101 Loi du 19 ventôse an XI, article 36, citée dans Georges. Ichok (éd.), Recueil des textes concernant la protection de la santé publique, Paris, Imprimerie nationale, 1938, vol. 1, p. 127 (voir l’annexe 1).
102 Artur Marais de Beauchamp, Recueil des lois et règlements sur l’enseignement supérieur comprenant les décisions de la jurisprudence et les avis du Conseil de l’instruction publique et du Conseil d’État, Paris, Delalain frères, 1880, vol. 1, p. 99 : décision de la Cour de cassation du 9 juillet 1853.
103 ADR, Uv 1016, Tribunal correctionnel de Villefranche, jugement du 21 juillet 1832.
104 ADR, 5 M 36, Lettre du procureur au préfet, 21 juillet 1832.
105 ADR, Uv 1210, Cédule d’assignation, 15 juillet 1832.
106 Sylvain Laurens, « Les agents de l’État face à leur pouvoir : éléments pour une micro-analyse des mots griffonnés en marge des décisions officielles », Genèses, nº 72, 2008, p. 26-41.
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