Chapitre III. Les travers de la réécriture
p. 71-89
Texte intégral
Ces vices de langage : palimpsestes et « mécompréhension1 »
L’influence, telle que je la conçois, signifie qu’il n’y a pas de texte en soi, mais une relation entre les textes. Cette relation s’appuie sur un acte critique, une erreur de lecteur ou méprise (« misprison »), qu’un poète formule à l’égard d’un autre, et cela ne diffère en rien de ces autres actes critiques essentiels lorsqu’un fin lecteur découvre un nouveau texte2.
1Le poète, selon Harold Bloom, est d’abord un lecteur de poèmes comme les autres. Il craint de commettre les mêmes « actes » que son prédécesseur, d’être victime des mêmes impairs, de pécher par excès de mimétisme ou de se laisser appâter par les promesses d’une fausse originalité d’écriture. Seule ligne médiane entre deux niveaux d’incompréhension, l’écrivain doit savoir réconcilier, dans le cadre étroit de ce que Bloom nomme son « inter-poème », sa propre frustration et celle qui hante sa poésie. Il vacille dès lors entre l’éveil « tardif » (« belatedness ») de sa conscience littéraire et la timidité de son génie, ainsi qu’entre les fantômes de ses précurseurs et ceux de son double critique. Forts de ces reconstructions et de ces « translations » fortuites ou de ces « translittérations3 » qui sont au cœur du palimpseste des lectures keatsiennes, nous découvrons la dynamique créative d’un poète en droit de s’approprier l’« angoisse des mots » qu’il déchiffre et des morts qu’il dépeint. Dans cet espace de « l’obscure parole » dite et lue, où le désir d’intériorisation n’aurait d’égal que la force des « déchargements4 » poétiques, ce serait donc l’art de l’écoute et de la persuasion qui permettrait à un auteur d’en comprendre un autre. Sur cette noirceur du verbe quelque peu dispersée par le refus de la lecture facile, ajoutons que le monde de la fiction et de la poésie prend forme autour d’un écrivain mélancolique, « vrai lecteur » car aussi impatient de lire que de finir ses lectures. Entre la librairie des chimères d’un Montaigne inquiet de « s’arrester et rasseoir en soy » à quelques pages de la fin d’un ouvrage, et une Madame Bovary, dangereuse lectrice5, dont la « vie, au sens le plus brûlant, le plus dévastateur, est formée par les livres6 », Keats, lecteur réel et fictif à la fois, aurait également cédé à ce « plaisir qui tue7 ». Ce mythe du poète-lecteur trahi, s’appuyant sur la force du memento mori, est amené à perdurer. Loin de la raison tuberculeuse, les lecteurs de Keats se délectent soit d’une mort toujours plus romanesque, soit d’une histoire romantique sans fin. Celle-ci est telle qu’ils se demandent encore si leur héros mourut de n’avoir pas lu les dernières lettres de sa bien-aimée ou, au contraire, d’avoir lu des critiques friands de vexations et d’inimitiés.
2Keats a péri en poète non lu ou partiellement lu, selon les confessions des membres du Quarterly pris de paresse à mi-lecture de ses œuvres. Fier de ses failles, ce lectorat est allé jusqu’à avouer de son plein gré un manque évident de rigueur et de professionnalisme à cet égard, et s’est alors contenté d’une opinion tronquée et de textes méconnus :
À cette occasion, nous anticipons ici les doléances de l’auteur, en lui avouant, en toute honnêteté, que nous n’avons pas lu son œuvre […] ; or, même en déployant pleinement les ressources de notre persévérance, nous sommes contraints d’avouer également que nous n’avons pas été capables de lutter jusqu’au bout et de poursuivre notre lecture au-delà des quatre premiers livres que contient sa Romance poétique8.
3Quand après « l’angoisse de lire » vient celle de ne pas être lu, ou quand mourir de ses lectures prend la forme d’un certain « bovarysme » critique, nous voyons se dessiner les traits d’un lecteur typique, auteur de rêves, inspiré par ses modèles mais sacrifié sur l’autel de leur trop grande adulation. Le parallèle littéraire semble couler de source entre le rêveur romantique et les amants italiens, Paolo et Francesca, condamnés à brûler en enfer. Keats lit puis écrit leurs mésaventures en se souvenant qu’ils sont eux-mêmes le fruit de lectures qui leur ressemblent, celles des romans de la Table Ronde qui nous contaient l’infortune amoureuse d’un Lancelot et d’une Guenièvre.
4Dans ce métacontexte des figures et des récits imbriqués, le poète sait parfaitement se mettre en scène en train de rêver, comme il sait se représenter en train de lire et d’écrire :
This pleasant tale is like a little copse;
The honied lines do freshly interlace,
To keep the reader in so sweet a place,
So that he here and there full hearted stops;
And oftentimes he feels the dewy drops
Come cool and suddenly against his face,
And by the wandering melody may trace
Which way the tender-legged linnet hops.
Oh! What a power has white simplicity!
What mighty power has this gentle story!
I, that do ever feel a thirst for glory,
Could at this moment be content to lie
Meekly upon the grass, as those whose sobbings
Were heard of none beside the mournful robbins9.
5Keats rédige ce sonnet-palimpseste en forme de poème-effusion, dont il ne changera pas « un seul mot », sur la même page que « The Flower and the Leaf10 », dans la copie des poèmes de Chaucer que possédait à l’époque Charles Cowden Clarke. Si à l’origine, nous retrouvons un entrelacement d’images fraîchement régénérées, vient ensuite la douceur de ce conte treillagé où chaque ligne écrite par un poète aux doigts couverts de résine se fond dans la suivante comme deux gouttes de miel. Quand il a ouvert pour la première fois l’Homère de Chapman, Keats a également découvert les joies d’une certaine ironie de la traduction. En incluant l’histoire de ses vers recopiés et taillés sur mesure dans le jardin des jouissances chauceriennes, il peut enfin s’ouvrir à la richesse de l’accumulation poétique :
Auteur (auctor) en latin cela veut dire celui qui augmente quelque chose. Dans la librairie médiévale on passe son temps à recopier le texte sacré. Autour de lui, comme il y a des problèmes, on va faire des commentaires. À côté du copiste, il y a le commentateur, et un troisième personnage prend de l’importance, c’est celui qui ajoute quelque chose à l’ensemble des textes dont on disposait auparavant11.
6Du point de vue de ce double thème de la lecture et du recopiage – qui s’ajoute à une courbe littéraire déjà croissante –, le rôle de l’auteur va de pair avec les espaces grandissants de la tradition des poètes. De même, si le nouveau poème imprimé tend à élargir l’éventail de ses références passées, il ne manque pas d’effacer certains traits du poète-père et du « poème souche ». Helen Vendler parle de « gommages » (« erasures12 ») qu’il nous appartient de prendre en compte pour une meilleure lecture des odes et des échos polyphoniques d’une grammaire complexe de l’influence. En empruntant à Keats sa rhétorique de poète-médecin, nous pourrions parler d’une vision presque chirurgicale du vers. Ces opérations de changements esthétiques, entre brouillons et polissages, définissent le « texte-palimpseste13 » en fonction de ce qui entoure ou bien précède le poème. Il s’agit, chez Keats, de transcriptions et d’annotations, de ratures et de rajouts « inter-poétiques » que nous lisons dans chaque pli, creux ou sillon du nouveau visage de son art.
Le poète-traducteur comme vecteur d’influence culturelle
Rien n’est mieux approprié aux projets de grandes productions qu’une maturation très graduelle des pouvoirs de l’intelligence. – En guise d’exemple de cela – voyez – je me suis assis hier pour relire une fois de plus Le Roi Lear et la chose me parut demander le prologue d’un Sonnet, je l’écrivis et me mis à lire14.
7Nous savons, depuis l’avènement d’On Sitting Down to Read King Lear Once Again, que Keats, conscient des imperfections du poète-lecteur et de l’importance du modèle shakespearien, trouve son salut non plus seulement dans la lecture mais dans la relecture. L’acte performatif du poème défini par les conditions physiques et intellectuelles de sa genèse correspond au moment où le poète prend d’abord le temps de s’asseoir sans sa plume et de fermer « un volume vieilli » pour en rouvrir un autre. Ayant défini l’espace de la relecture, Keats doit faire taire cette mélodieuse « Romance15 » d’autrefois s’il veut invoquer la présence de Shakespeare à ses côtés pour s’abandonner exclusivement à son drame préféré. Car le palimpseste du poème ne souffrirait aucune interférence abusive de sons antérieurs à la seule superposition des voix du maître et de l’élève :
O golden-tongued Romance, with serene lute!
Fair-plumed syren, queen of far away!
Leave melodizing on this wintry day,
Shut up thine olden pages, and be mute.
Adieu! For once again, the fierce dispute
Betwixt damnation and impassion’d clay
Must I burn through16 […]
8Il appartient au jeune romantique d’explorer les méandres de l’écrit passé puis de faire le choix d’« un mot ou deux » pour le dire. Mais Keats ne fait pas que relire une fois les pièces qui l’intriguent. Il n’hésite pas à reposer jusqu’à « quarante fois » les ouvrages du dramaturge sur sa table de lecture. Il semble que pour mieux les comprendre, il faille les voir « constamment » « apparaître sous un jour nouveau » ou, en des termes plus proches de ceux de Bloom, veiller à ce que l’illusion de l’originalité, chez le jeune auteur, naisse toujours de l’illusion d’une nouveauté en relisant l’ancien :
Je vais te dire – Shakespeare est né le 23 – alors si je recevais une lettre de toi et une autre de mes frères ce jour-là ce serait une rudement bonne chose. – Chaque fois que vous écrirez dites un mot ou deux sur quelque passage de Shakespeare qui a pu vous apparaître sous un jour nouveau ; ce qui doit se produire constamment, même si nous lisons la même pièce quarante fois – par exemple, le passage suivant de La Tempête ne m’a jamais frappé aussi vigoureusement que maintenant : « Les oursins,/ Pendant cette vaste nuit offerte à leur travail,/ S’exerceront sur toi – » Comment m’empêcher de te rappeler le Vers : « Dans le sombre recul de l’abîme du temps – » Je m’aperçois que je ne peux vivre sans poésie – sans poésie éternelle – la moitié de la journée ne suffit pas – il me la faut tout entière17.
9Remède contre l’oubli quand la vision des mots fait le bonheur des sens, la « deuxième lecture » assurerait un renouvellement de ces nourritures essentielles aux « amoureux de la Poésie » : « les images sont si nombreuses qu’on en oublie beaucoup qui paraissent neuves à la seconde lecture : susceptibles de nourrir une semaine de flânerie en été18.» Mais si, pour d’autres, un livre clos est synonyme d’inquiétude, voire de vacuité, existentielle, Keats fait en sorte d’échapper à ce désespoir névrotique en mettant tout son espoir dans une relecture permanente de ses pères. Le poète ne semble plus vivre tragiquement le moment de la perte liée à cette impasse qui suit la fin du livre lu et relu.
10Alors que, chez Proust, le temps de lire se termine souvent par des nuits d’insomnie, transportant le lecteur dans les paysages de l’enfance disparue, là où sont enfouies les scènes primitives du « premier vrai plaisir de lecture19 », le malaise, chez Keats, prend corps avec la peur de l’échec. Le doute ronge un artiste « mécontent » à l’heure où surgissent les angoisses de sa propre relecture : « Je suppose d’après ta recommandation de ne pas m’abandonner à des pressentiments que George t’a fait part de ce que je lui ai dit récemment dans mes Lettres – c’est vrai que je me suis trouvé dans une disposition d’esprit qui me poussait à détester mes Vers que je relisais20. » À cet instant de dédoublement qui crée une autre forme de distinction entre la reconnaissance et le mépris de son effort d’écriture, le poète découvre ses mots comme s’ils étaient ceux d’un autre. L’épiphanie de la relecture des palimpsestes comme phénomènes de « spécularité narcissique » pose dès lors la question de l’autodestination et de la réappropriation du mot :
Et maintenant je vous en donne cette copie, car je sais qu’il y a grand profit, en effet, à relire son propre travail dans une écriture étrangère : on en tire bien des aperçus nouveaux. Lisez ces vers comme s’ils étaient d’un inconnu : vous sentirez au plus profond de vous-même à quel point ils sont vôtres21.
11Mystérieux et incompris, l’auteur écrit pour se relire ainsi que pour renouer avec soi dans une quête de « continuité perdue » entre des définitions présentes et futures. Comprendre sa part d’étrangeté en corrigeant la myopie du lecteur, voilà donc les enjeux du poète, critique de ses textes, puis narrateur et récepteur des univers cryptés de leur relecture. Preuve « d’une communication [qui] s’établit en circuit fermé », faite d’interruptions et de reprises, l’euphorie de se relire, nous informe Rousset lorsqu’il réfléchit sur le cas particulier du journal intime, naîtrait de la confusion des rôles de l’écrivain et du lecteur en un être parfois étranger à son art, parfois « miroir de son texte22 ». Théoricien des grilles de ressemblance et de différence, de culture et de langage qui sous-tendent ses écrits, le poète, traducteur de signes volontairement illisibles, serait l’unique bon interprète de ses vers. Personne d’autre ne peut compenser les risques d’erreur qu’il a accumulés en relisant ses pères. Se défaire lentement de la forme imposante du livre écrit pour mieux traduire la lecture de son contenu en s’identifiant passionnément aux principes qu’il véhicule, tel est le « loisir » d’un romantique que la langueur et la nostalgie ont rendu soucieux d’ignorer le poids des méprises pour retrouver une certaine légèreté dans la création :
Et Keats, c’est en effet d’abord cela : cette sensibilité frémissante, cette imagination vive, cette aptitude à l’identification de tout, et avec tout, ce qui se présentait à lui. Lui-même en est le premier conscient, et c’est ce don qu’il s’emploie à cultiver par une pratique assidue de l’indolence, de l’oisiveté même, autant que par celle, passionnée dès son plus jeune âge, de la lecture, retrouvant ainsi en profondeur, lui l’autodidacte, le sens étymologique du beau mot d’école : le loisir et l’étude, indissolublement liés, au seuil d’un siècle qui, déjà, glorifiait le travail23.
12En travaillant dur à la qualité de son oisiveté, Keats fera de son don de l’indolence, un don de l’influence. Jeune critique attentif aux beaux mots, il sera le « premier conscient » de ce génie de l’identification rendu populaire, mais à mauvais escient, par le mythe d’Adonais et son culte de la « mécompréhension » chez des poètes-lecteurs à jamais trompés.
13Également récréatif tout en restant sacrificiel, le passe-temps de la traduction en poésie se substitue, chez un Keats « volontairement » doué, à la glorification de ses relectures : « Pendant deux ou trois demi-années, il obtint le premier prix pour son travail personnel ; et il consacrait ses matinées et ses soirées à la traduction de textes latins ou français, parfois même, si on lui permettait, au sacrifice de son temps libre24. » À l’origine d’une « constellation identique » d’inventions, traduire vivement va au-delà d’une conception inerte de la phrase-mosaïque pour s’adonner au jeu « organique » des filiations du langage, là « où chaque mot reçoit l’appui de tous les autres et, de proche en proche, tire bénéfice de la familiarité avec la langue entière25 ». Sur les traces du Keats traducteur, un traducteur de Keats, Yves Bonnefoy, nous confirme d’ailleurs que la « table » des traductions mise en valeur par des effets de sens, d’éclairage et d’« écoute », est bien aussi le lieu de ces transferts ludiques d’une autre langue à la nôtre, puis d’un grand poème à un autre :
La grande poésie des autres langues que la nôtre est faite pour s’allumer comme une lampe sur la table où se cherchent nos propres mots, et même si la fenêtre devant nous est ouverte sur une nuit d’ici, avec ses propres rumeurs, ses propres chants qui s’éloignent. Elle a pour bienfait parmi nous de permettre à nos vocables de se porter plus près des choses du monde, elle est un enseignement qu’il faut entendre, et quelle meilleure écoute que la traduire26 ?
14Traduire en se dirigeant vers ses propres contrées linguistiques pose notamment la question de la survie de l’original : « Till I heard Chapman speak out loud and bold:/ Then felt I like some watcher of the skies/ When a new planet swims into his ken27 […] » Si, pour un lecteur critique, la parole du traducteur contre celle de l’auteur ne suffit pas toujours, pour Keats, « un veilleur [de] cieux » entièrement altérés et recréés par Chapman, le poète ne doit guère s’inquiéter que ce « haut et fier langage28 » traduit supplante le texte d’origine. De même que « la tâche du traducteur » n’est pas de servir le lecteur mais de communiquer « l’insaisissable, le mystérieux, le poétique » et de « faire œuvre de poète », les figures de la mauvaise traduction nous plongent dans « la transmission inexacte d’un contenu inessentiel29 ». De traducteur à traducteur, l’exactitude d’une poésie de l’entre-deux-temps (ou cultures) serait de jouer, à son tour, de toutes les « mécompréhensions » que pourraient revivre des lecteurs confus. Sur ce terrain-là, ce n’est d’ailleurs pas un hasard que le mode de « translation » préféré des romantiques, et de Keats en particulier, puisse se résumer à un détournement « ironique » des originaux :
La traduction transplante donc l’original sur un terrain – ironiquement – plus définitif, dans la mesure du moins où l’on ne saurait plus le déplacer de là par aucun transfert, mais seulement, vers ce terrain, l’élever toujours à nouveau et en d’autres parties. Ce n’est pas pour rien que le mot « ironique » peut évoquer ici certaines pensées des romantiques. Ils ont eu, avant d’autres, une connaissance de la vie des œuvres dont la traduction est un des témoignages les plus éminents30.
15De son côté, Shelley est plus connu pour avoir dénoncé la « vanité » des traducteurs. Défendant l’humilité de la poésie, il regrette un certain délaissement des textes aux dépens de ces phénomènes de transfusions stériles qu’il compare au « sort de Babel31 ». À défaut de crouler sous le fardeau de la traduction, le poète doit se ressourcer au sein de sa propre langue sans chercher à traduire les nuances et les synesthésies d’une œuvre. En faveur d’une uniformité de l’art, l’essai de Shelley cherche à rétablir l’ordre du langage. Il prêche pour le maintien du cycle naturel de la poésie sans que l’hybris du poète ne vienne lui porter préjudice – une théorie qu’il ne mettra pourtant pas toujours en pratique, notamment dans Adonais, œuvre d’une mémoire retravaillée par la traduction. De manière tout à fait paradoxale, les lectures par transfusion « d’Homère, Virgile, Eschyle, Dante, Pétrarque, Le Tasse, Arioste, et les autres32 » sont autant d’éléments nécessaires à la survie d’un grand romantisme. Traducteur des élégies de Bion et Moschus – nous pensons surtout à « La Mort d’Adonis » –, Shelley cultive l’art de la transition entre l’hellénique et l’idiomatique, en s’attachant de près aux qualités orales du poème-conversation qu’il a appris à mettre en valeur chez ces anciens modèles du genre. Respectueux du rythme de la traduction, l’effort de Shelley n’est pas vain quand il cherche à incorporer les digressions de l’original grâce à l’énergie ramassée de ses propres vers :
I mourn Adonis dead—loveliest Adonis—
Dead, dead Adonis—and the Loves lament.
Sleep no more, Venus, wraped in purple woof—
Wake violet-stoled queen, and weave the crown
Of Death,—’tis Misery calls,—for he is dead.
The lovely one lies wounded in the mountains,
His white thigh struck with the white tooth; he scarce
Yet breathes; & Venus hangs in agony [there].
The dark blood wanders o’er his snowy limbs,
His eyes beneath their lids are lustreless,
The rose has fled from his wan lips, and there
That kiss is dead, which Venus gathers yet.
A deep, deep wound Adonis...
A deeper Venus bears upon her heart.
See, his beloved dogs are gathering round—
The Oread nymphs are weeping—Aphrodite
With hair unbound is wandering thro the woods,
Wildered, ungirt, unsandalled—the thorns pierce
Her hastening feet & drink her sacred blood.
Bitterly screaming out, she is driven on
Through the long vales; and her Assyrian boy,
Her love, her husband, calls—the purple blood
From his struck thigh stains her white navel now
Her bosom, and her neck before like snow33.
16Ici les palimpsestes de traductions deviennent, pour Shelley, des palimpsestes de corrections, vestiges d’une réconciliation périlleuse, celle du mouvement satirique de ses poèmes avec les variations du malheur dans l’élégie grecque et le poids de ses tragédies sous-jacentes. Les formes novatrices de cette écriture sont bien le fruit de mutations textuelles en traductions mûries. Aussi Shelley nous fournit-il quelques bons exemples de transfusions réussies sous forme de notes (« Hellas Notebook »), de premières ébauches (« Eton College Drafts ») ou de petits fragments hâtivement griffonnés dans son édition des poèmes d’Euripide (« “An archer stood upon the Tower of Babel”, “The warm sun is failing” [are] scribbled stirrings of what would become “Autumn: A Dirge”34 »). L’ensemble des altérations suggère une lecture améliorée de ces hymnes, en vue d’une implication plus subjective du poète-traducteur. De transcriptions en annotations, à lui donc de faire son deuil puis ses adieux aux codes esthétiques de cet ancien chant en trompe-l’œil, qu’il s’agisse du sien ou de celui d’un autre.
La grammaire de l’influence : d’annotations en marges d’erreurs
So thy great gift, upon misprision growing,
Comes home again, on better judgment making
Thus have I had, thee as a dream doth flatter:
In sleep a king, but waking no such matter35.
17Dans ce sonnet-métaphore, célébré par la critique pour avoir défini en premier la notion d’erreur (« misprison ») en poésie, Shakespeare nous confie les secrets de cette histoire de duperie quand un objet d’affection trop précieux pour son bénéficiaire est renvoyé à « sa source première ». Le symbolisme, ici féroce, est celui d’un poète-roi ayant touché de près ce « rêve flatteur », pour n’y voir rien paraître aussitôt réveillé. Du « trésor » et « riche don36 » de valeurs moins inestimables que surestimées, l’élu d’un soir ne tirerait qu’une satisfaction éphémère, victime de cet art des déceptions entretenu par une fortune erronée. Le poète d’expérience, qui ne s’est pas laissé méprendre par ces tromperies, doit chercher sa voie en corrigeant ses erreurs. Chez Keats, le « docte ermite » de The Eve of St. Mark est un lecteur attentif aux richesses cachées du sous-texte. Adepte des « [pieux] » palimpsestes, il sait passer outre ces leurres de surface afin de déterrer quelques vérités durables dans une poésie fragmentée par sa « rime éparpillée » :
Sometimes the learned eremite,
With golden star, or dagger bright,
Referr’d to pious poesies
Written in smallest crow-quill size
Beneath the text; and thus the rhyme
Was parcel’d out from time to time37 […]
18« En dessous du texte », nous sommes guidés par les lumières d’une interprétation nouvelle, autrement dit par un art situé à la jonction de son passé narratif et de ses commentaires présents. Mais c’est à côté du texte, en marge des quelques fautes de goût, qu’apparaissent les lignes de correction et de restauration des poètes, relecteurs scrupuleux travaillant pour que tout auteur soit, d’une génération à l’autre, apprécié à sa juste valeur. Les « annotations » de Keats dans ses éditions des œuvres de Shakespeare et de Milton témoignent de son implication passionnelle dans une métalecture redéfinie par son propre mode de perception38. Il s’agit notamment de rectifier les méprises de ces « Commentateurs » égarés dans le vacarme des anciennes voix. Pour que Keats puisse respecter la teneur du travail de Shakespeare, il lui faut conserver l’image de certains mots et la profondeur des figures de style qui ornent les pages de sa première poésie. Le nouveau poète-lecteur, fort de ses intransigeances, ne s’autorise aucune marge d’erreur :
J’ai lu cette copie assez rapidement et pourtant j’ai quand même eu le temps d’y trouver des défauts ; cependant, il est clair que les Commentateurs ont fait en sorte de transformer certains beaux passages en des lieux communs, comme ils l’ont fait avec le mot « mépris » [« scorn »] qui est devenu, comme par magie, « orage » [« storm »], détruisant ainsi la profondeur de la comparaison – ignorant également toute l’Atmosphère qui enveloppe l’Imagerie pour ne laisser qu’une description inappropriée et vide de sens. Shakespeare est rarement coupable d’une telle dérive. Il n’aurait guère pu se contenter d’un « soleil qui couvre de lumière un Orage », mais nous parle plutôt de l’acte d’Apollon, la tête penchée en arrière, se forçant à envoyer un sourire au monde : « le Soleil nous couvre de lumière comme par mépris »39.
19Converti à l’« universalité innée » du père des poètes, Keats se fait également le porte-parole d’une « conception des ultimes40 » accomplissements d’un être hors de ce monde. Il annote ses prédécesseurs avec tout le souffle de son admiration, en anticipant les tâches futures d’un auteur en pleine force de l’art. Le corps penché sur des pages écrites par « une main de géant », Keats fait revivre ces palimpsestes lorsqu’il renoue pleinement avec sa nature shakespearienne – une nature que nous voyons à chaque fois réapparaître quand sifflent les brises vengeresses d’une divinité trahie. L’encre d’un autre temps s’écoule, comme la sève et le sang, en hommage à la mémoire des textes, là où trône l’emprise d’un écrivain-roi sur ses créations :
Nous avons là une ébauche admirable de la défense du personnage de Lear, au cœur de cette assemblée. C’est à partir de cet instant que Shakespeare l’incite à se détacher de sa puissance majestueuse qui l’ancre malgré lui – « l’orgueil en épi qui a atteint sa maturité doit être fauché dès à présent ». L’art de Shakespeare, en effet, se disperse au-delà des frontières, porté par les vents de la Passion, et laisse ses germes prendre lentement racine dans l’air orageux, pour que la foudre en aspire la sève ou qu’ils deviennent de vociférants dragons ; la volonté, l’orgueil et la colère sont saisis au vol par cette main de géant et renvoyés vers les Cieux, pour qu’à jamais ils y restent et grondent comme le tonnerre de son râle éternel […]41.
20S’il est parfois une âme seule dans la tempête, le lecteur romantique s’impose également comme un juge sans merci, œuvrant en marge de l’art institutionnel pour la sauvegarde d’une poésie authentique. Nous nous souvenons, à ce propos, des invocations, en forme de parodies, d’un Keats à l’écoute du sort de l’auteur et de son passé. Chez le poète, l’éloge de l’un aux dépens de l’autre ressemble fortement à l’effacement subjectif de ce qu’il considère comme de graves inexactitudes. En annotant Shakespeare contre le Dr. Johnson, lui-même éditeur du dramaturge, Keats ne manque pas d’humour dans la censure. Après avoir violemment raturé le commentaire de Johnson sur les Contes d’hiver, il n’hésite pas à intervenir dans cet échange, ici ravivé, entre ces deux maîtres de la théorie et du langage. Puis, libre à lui de chercher dans les tréfonds de la méthode shakespearienne, là où l’écriture critique renoue avec le tour d’esprit et le sous-entendu, les meilleurs moyens de défendre aussi bien la cause de son modèle que la sienne :
[Sur une] page, de taille réelle, dans sa collection neuve en sept volumes des œuvres de Shakespeare que Keats avait emmenée avec lui à l’Île de Wight en 1817, [nous constatons] qu’il n’a jamais vraiment apprécié le Dr. Johnson et son édition qui servit de modèle pour cette autre réédition ; et il citait des passages directement extraits des pièces de Shakespeare – dans ce cas, le commentaire de Paulina sur Léonte – pour se moquer de lui42.
21Ce schéma d’un romantisme de la discrimination textuelle, nous le retrouvons dans des anecdotes plus familières. En période de crise, Charles Brown, lecteur et censeur de Keats, sauve ses poèmes en récupérant des morceaux de manuscrits délaissés. Le sort de certaines odes est conjuré par un ami, talentueux copiste qui vient à la rescousse de Keats en mettant à profit sa sensibilité littéraire et ses instincts d’autocensure. Capable de parfaitement estimer les valeurs d’une poésie à l’abandon par-delà ses éparpillements, il sait aussi localiser le travail de l’imagination lyrique pour pouvoir le libérer de ses contraintes :
J’ai constaté qu’il [Keats] griffonnait chacun des courts poèmes qu’il tentait de composer sur le premier morceau de papier qu’il avait sous la main, qu’il glissait ensuite entre les pages d’un livre ou qu’il mettait aussitôt de côté dans un endroit quelconque. Au printemps 1819, un rossignol avait construit son nid près de ma demeure. Keats écoutait, avec joie, son chant tranquille et constant ; et, un matin, il prit sa chaise et quitta la table, pendant le petit-déjeuner, pour aller s’installer sur le gazon sous le prunier, où il resta assis pendant deux ou trois heures. Quand il rentra à la maison, je m’aperçus qu’il tenait dans sa main des petits bouts de papier et qu’il était en train de discrètement les glisser dans sa bibliothèque, derrière les livres. Après avoir mené mon enquête, j’ai finalement retrouvé ces petits bouts de papier. Il y en avait quatre ou cinq et ils décrivaient les sentiments que le poète avait éprouvés en écoutant le chant du rossignol. L’écriture était à peine lisible ; et il était difficile de reconstituer les strophes à partir de tous ces fragments. Avec son aide, j’y suis parvenu, et c’est devenu l’Ode au rossignol, un poème que tout le monde a très vite apprécié. Juste après cela, je me suis mis à chercher d’autres de ces morceaux de poésie (en réalité) fugitive avec l’aide de Keats à qui j’avais demandé de m’assister dans cette tâche. J’ai ainsi pu sauver cette ode ainsi que d’autres courts poèmes de valeur, qui, dans d’autres circonstances, n’auraient jamais vu le jour. Après cela, Keats me donna la permission de copier tous les vers qu’il écrivait, et je le fis volontiers. Il s’en souciait si peu lui-même, qu’une fois les poèmes écrits et l’imagination du poète libérée de leur influence, il me sembla que ce dernier avait besoin d’un ami à portée de main pour les préserver43.
22Nous sommes, avec Keats, redevables aux conseils et à la spontanéité de Brown qui se félicite d’être le seul à avoir su conserver un art obsédé par ses erreurs, à l’image de ces courts segments :
But on the viewless wings of Poesy,
Though the dull brain perplexes and retards […]
But here there is no light,
Save what from heaven is with the breezes blown
Through verdurous glooms and winding mossy ways44.
I cannot see what flowers are at my feet,
Nor what soft incense hangs upon the boughs,
But in embalmed darkness, guess each sweet
Wherewith the seasonable month endows
The grass, the thicket, and the fruit-tree wild;
White hawthorn, and the pastoral eglantine;
Fast fading violets cover’d up in leaves;
And mid-May’s eldest child,
The coming musk-rose, full of dewy wine,
The murmurous haunt of flies on summer eves45.
23Jeune créateur aveuglé par la complexité des « effets palimpsestuels46 » et de l’autonomie de son lyrisme, l’auteur des odes a toujours dû compter sur l’intelligence de quelques lecteurs pointilleux, sollicités pour leur aptitude à anatomiser en détail la composition de ses poèmes. Comme Keats le fit pour d’autres avant lui, il leur appartiendra de ne donner qu’un sens à la sémantique de son romantisme, de contenir la fugitivité de ses images et de réguler, à chaque strophe, sa grammaire de l’influence :
Where are the songs of spring? Ay, where are they?
Think not of them, thou hast thy music too,—
While barred clouds bloom the soft-dying day,
And touch the stubble-plains with rosy hue;
Then in a wailful choir the small gnats mourn
Among the river sallows, borne aloft
Or sinking as the light wind lives or dies;
And full-grown lambs loud bleat from hilly bourn;
Hedge-crickets sing; and now with treble soft
The red-breast whistles from a garden-croft;
And gathering swallows twitter in the skies47.
24La clé du palimpseste chez Keats se trouve bien dans cette superposition « architectonique » des « formes [shapes] » droites ou ascendantes, pointues ou « paraboliques48 », de l’ode moderne, lorsqu’une dialectique s’instaure entre matérialité et poéticité à chaque début et fin de vers.
25À partir d’une graphie qui réussit à créer un emboîtement grammatical et structurel des interprétations multiples, Michel Butor revient sur les échos que l’ensemble sous-entend en matière de prosodie. Au fil de ce travail des mises en abyme utiles aux poèmes de la mémoire superposée, il met en place, dans toute sa spectralité, le schéma des polyphonies du vers : « Dès que nous avons polyphonie, aux rencontres horizontales se superposent des rencontres verticales. Dans un chœur à quatre voix, certains mots vont être dits par quatre voix à la fois. Nous avons des déplacements tels que lorsqu’une voix dit tel texte, une autre va la reprendre beaucoup plus lentement. Ce qui était avant peut alors se présenter après49. » D’une rencontre à l’autre, l’héritage d’un palimpseste passe par l’alignement réussi d’un texte et d’un poète à la fois. Mais si, chez Keats, les efforts de « translation » sont dictés par des lectures homériques et shakespeariennes, les effets de recréation semblent prendre fin au terme d’un glissement vers une dialectique bien plus trouble. Mythifié par voie de fausse fraternité et de narcissisme, le poète se heurte à des dérives qui prolifèrent et qui, à force de « mécompréhension » ou de « mauvaise influence », viennent hanter, sous d’autres formes, le lecteur contemporain.
Notes de bas de page
1 Nous empruntons ce néologisme de « mécompréhension » à Paul Ricoeur qui nous propose ainsi une solution de traduction pour les concepts bloomiens et spécifiquement anglais de « misreading » ou de « misinterpretation ». Voir P. Ricoeur, La Métaphore vive, Paris, Le Seuil, 1975, p. 101.
2 H. Bloom, A Map of Misreading, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 3.
3 E. de Sélincourt, « Recent Keats Literature », The Athenaeum, 11 mars 1905, p. 297.
4 M. Blanchot, L’Espace littéraire, Paris, Gallimard, 1995, p. 170.
5 « Un enfant américain s’est jeté du septième étage parce qu’il avait envie de voler comme Superman. On peut dire de la même façon que Mme Bovary est morte d’avoir lu des livres. » R. Barthes, « Textes, 1979 », Œuvres complètes, É. Marty (éd.), 3 vol., Paris, Le Seuil, 1993-1995, vol. 3, p. 986.
6 Ibid., p. 986.
7 A. Compagnon, « L’angoisse de lire », Le Magazine littéraire, hors-série no 8, dossier « Les écrivains et la mélancolie », octobre-novembre 2005, p. 22.
8 J.W. Croker, « Endymion: A Poetic Romance. By John Keats. London. 1818 », The Quarterly Review, vol. 19, no 37, avril 1818, p. 204. Shelley, selon Agnes R. Weekes, n’aurait pas non plus pris la peine de lire, dans le texte, ces critiques qu’il juge pourtant si sévèrement et se serait contenté de propos rapportés pour introduire son élégie. Voir P.B. Shelley, Adonais: An Elegy on the Death of John Keats, A.R. Weekes (éd.), Londres, W.B. Clive, 1910, p. 20.
9 J. Keats, « This pleasant tale is like a little copse », dans J. Stillinger, John Keats: Complete Poems, p. 57.
10 « Another example of his promptly suggestive imagination, and uncommon facility in giving it utterance, occurred one day upon his returning home and finding me asleep upon the sofa, with my volume of Chaucer open at “The Flower and the Leaf”. After expressing his admiration of the poem, which he had been reading, he gave me the fine testimony of that opinion, in pointing to the sonnet he had written at the close of it, which was an extempore effusion, and it has not the alteration of a single word. It lies before me now, signed, “J.K., Feb., 1817” ». C. Cowden Clarke, « Recollections of Keats by an Old School-Fellow », Atlantic Monthly: A Magazine of Literature, Art and Politics, janvier 1861, p. 92.
11 M. Butor, L’Utilité poétique, Saulxures, Circé, 1995, p. 24. Notons ici que l’étymologie latine est également la même (« inflare, inflatum ») que l’on parle d’un poète-traducteur « inspiré par une sorte de souffle divin » ou d’un processus d’augmentation (« enfler, augmenter, exalter ») des choses et des textes. Voir F. Gaffiot, Dictionnaire Latin-Français, Paris, Hachette, 1988, p. 815-816.
12 H. Vendler, The Odes of John Keats, Cambridge, Harvard University Press, 1998, p. 4-5.
13 Sur cette question liant palimpseste et traduction, langage et « homophonie », nous pensons notamment aux mots de Genette lorsqu’il cite Keats, avec humour, et qu’il se réfère à la polyphonie d’un de ses vers les plus connus comme point de repère en termes de glissements interlinguistiques : « la transformation (“traduction”) homophonique (Nadirpher propose ici le mot-valise traducson) […] consiste à donner d’un texte un équivalent phonique approximatif en employant d’autres mots, de la même langue ou d’une autre. L’archétype oulipien de la transformation homophonique interlinguistique (de l’anglais en français) est cette exclamation de François Le Lionnais devant les primates du Jardin des Plantes, évidemment inspirée d’un célèbre vers de Keats : “Un singe de beauté est un jouet pour l’hiver”. » G. Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Le Seuil, 1982, p. 60.
14 Lettre de Keats à George et Tom Keats, 23 janvier 1818, vol. 1, p. 214, trad. p. 94.
15 On Sitting Down to Read King Lear Once Again, v. 1, p. 165. Traduction de P. Gallimard dans J. Keats, Poèmes et poésies, op. cit., p. 76.
16 « Poésie Romanesque, langue d’or, luth serein !/ Sirène au beau plumage, toi, Reine des lointains,/ Cesse en ce jour d’hiver tes chants mélodieux,/ Referme ton ancien grimoire et sois muette./ Adieu ! car, à nouveau, du farouche conflit/ Entre la damnation et l’humaine passion/ Je dois subir le feu […] » Ibid., v. 1-7, p. 165, trad. p. 203.
17 Lettre de Keats à John H. Reynolds, 18 avril 1817, vol. 1, p. 133, trad. p. 38-39.
18 Lettre de Keats à Benjamin Bailey, 8 octobre 1817, vol. 1, p. 170, trad. p. 58.
19 A. Compagnon, « L’angoisse de lire », Le Magazine littéraire, hors-série no 8, dossier « Les écrivains et la mélancolie », octobre-novembre 2005, p. 23.
20 Lettre de Keats à Benjamin R. Haydon, 10 mai 1817, vol. 1, p. 141, trad. p. 44.
21 R.M. Rilke, lettre de Rome, 14 mai 1904, Lettres à un jeune poète, G. Roud (trad.), Paris, La Bibliothèque des arts, 1990, p. 80.
22 J. Rousset, « Le journal intime, texte sans destinataire ? », Poétique, no 56, 1983, p. 438.
23 R. Davreu, « La correspondance de Keats et le sens de l’œuvre poétique », dans A. Suberchicot (dir.), Perdre et trouver le sens, Clermont-Ferrand, Université Blaise Pascal Clermont-Ferrand ii, Centre de recherche sur les littératures modernes et contemporaines, 1994, p. 27.
24 W.M. Rossetti, Life of John Keats, op. cit., p. 14.
25 P. Ricoeur, La Métaphore vive, Paris, Le Seuil, 1975, p. 103.
26 Y. Bonnefoy, Keats et Leopardi, Paris, Mercure de France, 2000, p. 7.
27 « Avant d’ouïr de Chapman la voix haute et hardie./ Je me sentis alors comme un guetteur de cieux/ Quand un astre nouveau se découvre à sa vue […] » « On First Looking into Chapman’s Homer », v. 8-10, p. 34, trad. p. 65.
28 Ibid., v. 8, p. 34. Traduction de P. Gallimard dans J. Keats, Poèmes et poésies, op. cit., p. 32.
29 W. Benjamin, Œuvres, M. de Gandillac, R. Rochlitz & P. Rusch (trad.), 3 vol., Paris, Gallimard, 2000, vol. 1, p. 245.
30 Ibid., p. 253.
31 A Defence of Poetry, p. 484.
32 M. O’Neill, « Headnote to Rough Drafts and Fragments: Shelley and Translation », dans P.B. Shelley, Fair-Copy Manuscripts of Shelley’s Poems in European and American Libraries, D.H. Reiman & M. O’Neill (éd), New York, Garland Pub, 1997, p. 255.
33 Bion, « The Death of Adonis », traduit par Shelley, British Library, MS Ashley 5031 ; et la transcription de D.H. Reiman et M. O’Neill dans P.B. Shelley, Fair-Copy Manuscripts of Shelley’s Poems in European and American Libraries, op. cit., p. 263-265.
34 M. O’Neill, « Headnote to Rough Drafts and Fragments: Shelley and Translation », dans Ibid., p. 255.
35 « Ainsi, ton grand présent, fondé sur une erreur,/ Revient, à mieux juger, à sa source première./ Comme un rêve flatteur, tu fus mien en sommeil ;/ Endormi, j’étais roi : rien de tel au réveil. » W. Shakespeare, « Sonnet 87 », v. 11-14, The Complete Works, W.J. Craig (éd.), Londres, Magpie Books, 1993, p. 1124. Traduction de H. Fluchère dans W. Shakespeare, Œuvres complètes, 2 vol., Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1959, vol. 1, p. 113.
36 Ibid., v. 11, p. 1124, trad. p. 113.
37 « Quelquefois le docte ermite,/ Avec une étoile d’or, ou la flèche indicatrice,/ Renvoyait à de pieuses poésies/ Écrites avec la plus fine plume de corbeau/ En dessous du texte, de telle sorte que la rime/ Était éparpillée de temps en temps […] » The Eve of St. Mark, v. 93-98, p. 242. Traduction de P. Gallimard dans J. Keats, Poèmes et poésies, op. cit., p. 176.
38 « Certainly the marginalia can yield a number of insights into Keats’s personality and habits of mind, into the nature of Milton’s impact on Keats, and into the dynamics of literary influence and the reading process. » B. Lau, Keats’s Paradise Lost, Gainsville, University Press of Florida, 1998, p. 68.
39 « Marginalia to the Shakespeare Folio », A Critical Edition of the Major Works, E. Cook (éd.), Oxford, Oxford University Press, 1990, p. 334.
40 Annotation de Troylus and Cressida, ibid., p. 334-335.
41 Annotation de King Lear, ibid., p. 334.
42 T. Hilton, Keats and his World, New York, Viking, 1971, p. 41. Keats n’est pas le seul romantique anglais à avoir pris la défense de Shakespeare contre les « méprises » du Dr. Johnson. Coleridge a reproché notamment au Dr. Johnson ses mauvais choix en termes de censure, dus selon lui à une certaine « mécompréhension » d’Hamlet. Voir S.T. Coleridge, Lectures of Shakespeare, A Critical Edition of the Major Works, H.J. Jackson (éd.), Oxford, Oxford University Press, 1985, p. 658-659.
43 C.A. Brown, Life of John Keats, D.H. Bodurtha & W.B. Pope (éd.), Folcroft, Folcroft Press, 1937, p. 53-54.
44 « Mais sur l’aile invisible de la Poésie/ Malgré le doute et les lenteurs du cerveau lourd […]/ Mais ici n’est d’autre lumière/ Que la clarté soufflée du ciel avec les brises/ À travers l’ombre verte et les lacis de mousse. » Ode to a Nightingale, § 4, v. 33-34 et 38-40, p. 280, trad. p. 375.
45 « Je ne puis voir quelles sont les fleurs à mes pieds,/ Ni quel suave encens flotte sur les rameaux,/ Mais dans l’ombre embaumée, devine les senteurs,/ Propres à la saison, dont ce mois a doté/ Et l’herbe et le fourré et l’arbre aux fruits sauvages,/ L’églantine rustique et la blanche aubépine,/ La violette, tôt fanée, enfouie sous les feuilles,/ Et, fille aînée de la mi-mai,/ La rose musquée, emplie d’un vin de rosée,/ Séjour murmurant des mouches aux soirs d’été. » Ode to a Nightingale, § 5, v. 41-50, p. 280-281, trad. p. 375.
46 H. Vendler, The Odes of John Keats, op. cit., p. 12.
47 « Où sont les chansons du printemps ? oui, où sont-elles ?/ N’y songe pas ! N’as-tu point ta musique aussi/ Quand meurt, paisible, un jour fleuri de longs nuages/ Qui colorent en rose les chaumes dans la plaine ?/ Alors, chœur plaintif, gémissent les éphémères/ Parmi les saules de la rivière, soulevés/ Ou retombant selon que souffle ou meurt la brise ;/ Aux confins des collines, les agneaux grandis bêlent ;/ Les grillons chantent dans les haies ; le rouge-gorge/ En doux trilles siffle au jardin clos, et dans les cieux,/ Pour leur vol assemblées, les hirondelles trissent. » To Autumn, § 3, v. 23-34, p. 360-361, trad. p. 439.
48 H. Vendler, The Odes of John Keats, op. cit., p. 12.
49 M. Butor, L’Utilité poétique, Saulxures, Circé, 1995, p. 47-48.
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