Chapitre 1. Les fondations : « couches » et biens communs
p. 25-33
Texte intégral
1Ce dont parle essentiellement ce livre, c’est de l’Internet et de ses effets sur l’innovation, qu’elle soit commerciale ou non. Les notions d’« Internet » et de « société » nous sont suffisamment familières, mais le cœur de mon argumentation repose sur deux idées assez obscures qu’il faut commencer par rendre plus claires. Il s’agit d’abord de l’idée de « biens communs », puis celle de « couches ». L’idée de biens communs, commons, est ancienne ; celle de couche, layer, utilisée par les théoriciens du réseau, est relativement nouvelle. C’est à partir de ces deux notions que je vais fonder mon analyse. Ce sont les fondations d’un raisonnement qui permettra de mettre en évidence l’impact de l’Internet sur la société.
Les biens communs
2Si vous avez déjà utilisé le terme de common, il vous évoque sans doute un parc, comme le « Boston Common ». Pour les étudiants en science politique ou en économie, il évoque immédiatement une histoire dramatique (« the tragedy of the commons »). Ces deux définitions se rapprochent de ce que je veux dire, mais aucune des deux n’est suffisante à elle seule1.
3L’Oxford English Dictionary (OED, peut-être la première entreprise de collaboration open source sur une grande échelle dans le domaine de la librairie2) décrit les « biens communs » comme une ressource détenue « en commun », c’est-à-dire une ressource « possédée ou utilisée en indivis, ayant vocation à être détenue ou utilisée de manière égalitaire par un certain nombre de personnes ». Une ressource détenue « en commun » est donc « libre » (au sens que j’ai défini plus haut) pour les personnes concernées. Le plus souvent, les biens communs sont une ressource sur laquelle n’importe quel membre d’une communauté donnée a des droits, sans avoir à obtenir de permission de qui que ce soit. Si dans certains cas une autorisation est nécessaire, elle sera accordée de manière neutre.
4Prenons quelques exemples :
Les rues sont un bien commun auquel tous peuvent accéder sans demander d’autorisation préalable. Le droit de les fréquenter n’est pas mis aux enchères ; on ne vend pas le droit d’utiliser une portion de route donnée pour une période donnée (bien entendu, il y a des exceptions). De même, aucun laissez-passer n’est requis pour avoir le droit d’utiliser les routes ou les autoroutes. Au contraire, elles sont ouvertes et libres, au sens où je définis un bien commun comme libre.
Les parcs et les plages deviennent de plus en plus des biens communs. Tout le monde peut y accéder sans avoir à obtenir d’autorisation. Leur accès n’est pas cédé au plus offrant, et aucun droit de réglementer cet accès n’est accordé à des entités privées ou publiques. Ces ressources, ou « ressources récréatives », comme les appelle Carol Rose, sont à la disposition de tous.
La théorie de la relativité d’Einstein est un bien commun. Cette ressource qui nous permet de comprendre la nature de l’univers est ouverte et libre : tout le monde peut l’utiliser. Son accès n’est pas cédé au plus offrant, le droit de l’utiliser n’est pas accordé à un organisme unique.
Les œuvres tombées dans le domaine public sont un bien commun. Elles sont une ressource ouverte et libre, que tous peuvent utiliser sans l’autorisation de qui que ce soit. Tout le monde est libre d’utiliser et de copier une édition de Shakespeare datant de 1890. Le droit d’utiliser et de rééditer ce texte publié en 1890 n’est soumis à aucune restriction.
5Chacune de ces ressources est détenue en commun. Chacune peut être utilisée « librement » par n’importe qui. Certaines sont libres et gratuites (on peut utiliser la plupart des routes gratuitement ; comme nous allons le voir, il serait inconstitutionnel aux États-Unis de faire payer l’utilisation de la théorie de la relativité). Certaines sont libres sans être gratuites (ainsi, un parc peut être libre au sens défini précédemment, même s’il faut payer un droit d’entrée, du moment que ce droit est appliqué de façon neutre et impartiale)3. Dans les deux cas, la caractéristique du système est qu’il est raisonnable et que l’accès à la ressource n’est pas soumis à autorisation. En d’autres termes, personne n’exerce ici ce qui constitue le principe même du droit de propriété : le droit exclusif de déterminer si une ressource sera laissée à la disposition des autres4.
6Les économistes objecteront cependant que ma liste fait l’amalgame entre deux situations très différentes. La théorie de la relativité d’Einstein est différente des routes ou des plages, car son emploi n’entraîne aucun détriment pour personne : elle est parfaitement « non-rivale », nonrivalrous, à la différence des routes et des plages. Alors même qu’elle est utilisée par quelqu’un, elle reste intégralement disponible pour les autres, c’est-à-dire que l’utilisation que j’en fais ne porte pas préjudice à l’utilisation que voudrait en faire quelqu’un d’autre : ses utilisateurs ne sont pas en situation de « rivalité » par rapport à elle. En revanche, le cas des routes et des plages est très différent. Quand tout le monde veut prendre la route exactement au même moment (ce qui apparemment arrive souvent chez moi, en Californie), les usagers entrent en rivalité. D’où les bouchons, et les plages surpeuplées. Même votre 4X4 ou votre radio trop forte contrarie mon plaisir de me trouver sur la route ou sur la plage.
7Les économistes ont raison. La liste des ressources détenues « en commun » assimile des ressources rivales et non-rivales. Mais notre tradition, qui ne fait pas de distinctions aussi claires que leurs analyses, a toujours considéré comme biens communs des ressources rivales aussi bien que non-rivales. Le parc de Boston, le « Boston Common », est une ressource rivale en ce sens que l’usage que j’en fais peut entrer en conflit avec l’usage que vous voudriez en faire, mais c’est un bien commun. Le langage est un bien commun, même si son usage est non-rival (le fait que je l’utilise ne vous empêche pas de le faire aussi). Ce qui définit un bien commun ne dépend pas seulement de la question de savoir si son usage est dommageable ou pas. Un bien commun se définit par la nature de la ressource et de sa fonction dans une communauté. En théorie, toutes les ressources pourraient être détenues en commun (quant à savoir si elles y résisteraient, c’est une autre question). Mais en pratique, une société doit se poser la question de savoir quelles sont celles qui devraient l’être, et comment.
8C’est ici que les distinctions des économistes peuvent commencer à être utiles, parce que les ressources communes donnent lieu à des situations et à des problèmes différents selon qu’elles sont rivales ou non-rivales.
9Pour une ressource non-rivale, le problème est de savoir si la motivation sera suffisante pour garantir son offre, et non de savoir si la demande ne sera pas trop forte. Une fois produite, une ressource non-rivale ne peut pas s’épuiser. Le problème est de savoir si les Edith Wharton5 d’aujourd’hui sont suffisamment motivées pour créer. Le problème des ressources non-rivales est de garantir qu’on puisse en tirer assez de profit pour être incité à les produire.
10Les ressources rivales présentent plus de difficultés. Il faut s’inquiéter de savoir si les gens seront suffisamment motivés pour les produire (pour autant qu’il s’agisse de ressources d’origine humaine) et si le fait d’être consommées par les uns en laissera une quantité suffisante pour les autres. La question se pose ici aussi de savoir si je peux en tirer assez de profit pour les produire, mais je dois en plus m’inquiéter de ne pas laisser les autres épuiser les ressources que j’ai créées. Si une ressource rivale est ouverte à tous, il y a un risque qu’une consommation ouverte à tous l’épuise.
11La disparition des ressources rivales est ce que le biologiste Garrett Hardin a appelé d’une formule fameuse « la tragédie des biens communs »6. « Imaginez un pâturage ouvert à tous », écrit-il, et observez le comportement des bergers qui le parcourent. Chacun peut décider d’ajouter ou non une tête de bétail à son troupeau. Si l’un d’entre eux le fait, dit Hardin, le berger reçoit le profit d’un animal supplémentaire tandis que tous les autres subissent un préjudice, car le terrain de pâture aura à nourrir une vache de plus. C’est en ces termes qu’on peut définir le problème : quel que soit le coût de l’addition d’un animal, ce coût est pris en charge par les autres. En revanche, les profits vont au seul berger qui a pris l’initiative. Le résultat sera que chaque berger sera incité à ajouter plus de têtes de bétail que ce que le pâturage peut tolérer. Cette conséquence est décrite par Hardin en ces termes :
Là est la tragédie. Chaque individu est enfermé dans un système qui le pousse à augmenter son troupeau sans limites, dans un monde dont les ressources sont limitées. Les hommes se dirigent tout droit vers leur ruine, chaque individu, dans une société qui croit que les biens communs doivent rester libres, ne recherchant que son propre intérêt. La liberté des biens communs ne peut qu’engendrer la ruine commune.7
12Cette « tragédie » résume toute la question des biens communs. On promet une ruine assurée à tous ceux qui croient au principe de « la liberté des biens communs ». On balaie d’un revers de main, dogmatiquement, tout discours en faveur des ressources communes. Seuls les rêveurs perdent encore leur temps à envisager autre chose que la réglementation généralisée sous le règne de la propriété.
13Mais de toute évidence Hardin ne décrit pas une « loi de nature » qui s’appliquerait à toutes les formes de biens communs. La tragédie ne touche pas, par exemple, les biens non-rivaux qui sont communs : on peut lire et relire un poème autant de fois qu’on veut, il restera aussi intégralement lui-même qu’avant d’en avoir commencé la lecture. La tragédie n’est pas non plus le sort de tous les biens rivaux. Comme des chercheurs ont pu le montrer pour de nombreuses situations, le problème de la surconsommation des ressources peut être régulé par des normes appropriées8. Les sociétés travaillent à cette régulation de la surconsommation. Les méthodes à employer sont assurément des questions difficiles, mais il est indéniable que certaines sont efficaces9.
14On ne peut donc pas simplement passer sans crier gare de la constatation qu’une ressource est détenue en commun à la conclusion que « la liberté des biens communs ne peut qu’engendrer la ruine commune ». Il faut au contraire raisonner empiriquement et nous intéresser à ce qui marche. Quand nous avons intérêt à laisser libre une ressource donnée, il nous faut examiner s’il y a moyen d’éviter sa surconsommation, sans laisser cette ressource tomber sous la mainmise de l’État ou des acteurs privés (c’est-à-dire du marché).
15L’argument que je défends dans tout ce livre est que des ressources détenues en commun sont source de bienfait commun, et que l’Internet en est le meilleur exemple. Comme nous allons le voir, l’Internet est un bien commun de l’innovation qui se crée à travers un certain nombre de normes, mais aussi à travers une architecture technique spécifique. Le réseau formé par ces normes et cette architecture est alors un espace qui permet l’épanouissement de la créativité. Mais nous sommes tellement aveugles à l’idée qu’un bien commun puisse être bénéfique que nous ne voyons même pas que l’Internet en est un. Et par voie de conséquence, cet aveuglement nous conduit à ne pas prêter attention au fait que les transformations de ses normes et de son architecture affaiblissent ce bien commun. C’est une autre tragédie des biens communs que nous voyons se jouer ici : c’est la tragédie qui nous conduira à perdre ce bien commun de l’innovation que constitue l’Internet10.
Les « Couches » ou niveaux
16L’idée de bien commun est peut-être un peu obscure, mais la notion de « couche » est plus facile à comprendre. Les couches dont il s’agit ici sont les différents éléments superposés qui rendent possible le fonctionnement d’un système de communication. La notion est empruntée à celui qui est peut-être le meilleur théoricien des systèmes de communication de notre génération, le professeur Yochai Benkler, de la Faculté de Droit de l’Université de New York11. La façon dont il définit cette notion permet de comprendre comment fonctionne n’importe quel système de communication. En permettant de raisonner plus efficacement, ses recherches mettent en évidence certains aspects de la question qui autrement seraient restées inaperçus.
17Par référence aux techniques de l’architecture-réseau, Benkler propose de concevoir un système de communication comme un ensemble composé de trois « couches » différentes12. À la base se trouve la couche « physique » ou « matérielle » que parcourt la communication. Elle est formée des ordinateurs et des câbles qui les relient à Internet. Au milieu se situe la « couche logique » (comme « logiciel ») ou « couche informatique » qui est le niveau des programmes permettant de faire fonctionner le matériel. On peut situer à ce niveau les protocoles qui sous-tendent l’Internet et les programmes qui les mettent en œuvre. Enfin, au sommet, se trouve la couche des « contenus », celle qui contient les éléments effectivement transmis à travers les câbles du réseau. Il peut s’agir d’images numérisées, de textes, de films en ligne, etc. Ces trois couches fonctionnant ensemble décrivent n’importe quel système de communication.
18En principe, chacune d’entre elles pourrait être soit réglementée, soit libre. C’est-à-dire que chacune pourrait donner lieu à un droit de propriété ou être considérée comme un bien commun. On peut parfaitement imaginer un système où la couche physique serait libre, mais où la couche logique et la couche des contenus ne le seraient pas. On peut aussi imaginer que la couche des contenus soit libre, mais que les deux autres soient réglementées. Toutes les combinaisons sont possibles, et quelques exemples seront plus parlants.
19Speakers’ Corner. Le Speakers’ Corner, ou « coin des orateurs », est un endroit célèbre de Hyde Park, à Londres, où n’importe qui peut aller prononcer un discours en public le dimanche. Mélangeant habituellement orateurs et badauds, c’est un spectacle qui fait partie du folklore anglais. Néanmoins, il s’agit bel et bien d’un système de communication spécifique, dans lequel la couche physique (le parc de Hyde Park) est un bien commun, de même que la couche logique (la langue anglaise), et dont les contenus sont normalement libres, puisque ces orateurs excentriques sont les auteurs de leurs propres discours. Les trois éléments de ce système sont libres, et personne ne peut réglementer le type de communication dont ce lieu est le cadre.
20Madison Square Garden. Le Madison Square Garden à New York est un autre lieu où les gens viennent prononcer des discours ou, plus fréquemment, organiser des rencontres sportives. C’est un immense stade polyvalent situé au cœur de Manhattan, appartenant à la société Madison Square Garden, L.P.13 Il faut payer pour utiliser le stade et rien n’oblige la société propriétaire à accepter toutes les demandes. La couche physique de ce système est donc réglementée, mais comme dans le Speaker’s Corner, la couche logique (le langage) et la couche des contenus (ce qui est diffusé) ne sont pas réglementées, du moins pas toujours. Elles peuvent être libres.
21Le téléphone. Aux États-Unis, le réseau téléphonique, avant son démantèlement, était un système unitaire et monopolistique. Son infrastructure physique était détenue par AT & T (« American Telephone and Telegraph Company ») et ses filiales, de même que son infrastructure logique, déterminant qui pouvait être connecté et comment. Mais le contenu des conversations transmises par le réseau AT & T était libre : on pouvait dire ce qu’on voulait (du moins sous certaines réserves)14, même si les éléments physiques et logiques qui sous-tendaient ce système de communication étaient sous contrôle.
22La télévision par câble. Ce sera notre dernier exemple. Sa couche physique est soumise à un droit de propriété (les câbles qui transportent les contenus jusqu’à votre domicile). De même pour la couche logique : seul l’opérateur du réseau peut décider de l’offre de contenus. Et c’est aussi le cas pour la couche des contenus : les émissions qui sont diffusées par le câble sont soumises à un droit d’auteur. Les trois couches sont sous la mainmise de la compagnie de télévision câblée ; aucune des couches de ce système, telles que les définit Benkler, ne peut être considérée comme libre.
23Ces exemples suggèrent qu’il existe des façons très diverses d’organiser des systèmes de communication. Aucune ne peut être désignée comme la meilleure, bien que les différences entre ces quatre exemples soient importantes. Si ce qu’on souhaite est un système de communication décentralisé, il est préférable que les couches du système ne soient pas réglementées. Si ce qu’on souhaite est un système de communication sous contrôle, il est préférable que ses éléments relèvent du droit de propriété. Mais il ne s’agit pas, à ce stade de notre analyse, de faire des prédictions. Il s’agit simplement de bien faire voir l’éventail des situations et les possibilités de compromis qui existent.
Speaker ’s Corner | Madison Square Garden | Réseau téléphonique | Télévision câblée | |
Contenus | Libres | Libres | Libres | Réglementés |
Code | Libre | Libre | Réglementé | Réglementé |
Matériel | Libre | Réglementé | Réglementé | Réglementé |
24Partant de là, et d’après ce que j’ai pu dire auparavant, on pourrait penser que l’Internet est un système de communication entièrement libre, où toutes les couches, au sens que Benkler donne à la notion, sont libres. Or ce n’est pas le cas. L’Internet est original en ce qu’il associe liberté et réglementation à différents niveaux. Sa couche physique est essentiellement sous contrôle. Les câbles et les ordinateurs qui font fonctionner le réseau sont la propriété de l’État, d’organismes ou d’individus privés. De même, au niveau des contenus, une bonne partie de ce qui circule sur Internet est réglementé. Tout n’est pas disponible librement sur Internet. Beaucoup de choses y sont dûment protégées par un droit de propriété rigoureux.
25Pourtant, la couche logique de l’Internet était initialement libre, selon des modalités qui deviendront plus claires ci-après. Il en allait de même pour beaucoup des contenus qui y étaient diffusés. L’Internet offrait donc une association de couches libres et de couches réglementées, pas seulement un ensemble d’éléments libres.
26Notre objectif est de comprendre comment cette association a pu produire l’innovation dont nous avons été les témoins jusqu’à présent, et pourquoi les changements susceptibles d’être apportés à ces équilibres détruiront ce à quoi nous sommes parvenus jusqu’ici.
Notes de bas de page
1 Dans le système de l’open field de l’Angleterre médiévale, les commons étaient des terres non cultivées, landes, friches ou forêts, sur lesquelles n’importe qui, surtout les pauvres sans terre, pouvait ramasser du bois, s’adonner à la cueillette ou faire paître ses bêtes (« droit de vaine pâture »). Le mouvement de remembrement agraire des « enclôtures », de la fin du Moyen Age jusqu’au xviiie siècle inclus, a privatisé ces terres « communes » au profit du seigneur du lieu ou des gros propriétaires, causant des situations de détresse qui ont été l’une des causes de l’exode rural. NdT.
Pour des analyses utiles sur les commons, voir J. Samuel Barkin et George E. Shambaugh, éds., Anarchy and the Environment : The International Relations of Comment Pool Resources, Albany, State University of New York Press, 1999 ; John A. Baden et Douglas S. Noonan, éds., Managing the Commons, Bloomington, Ind., Indiana University Press, 2e éd., 1998 ; Susan J. Buck, The Global Commons : An Introduction, Washington, D.C., Island Press, 1998 ; Michael Goldman, éd., Privatiging Nature : Political Struggles for the Global Commons, London, Pluto Press en association avec The Transnational Institute, 1998 ; Robert O. Keohane et Elinor Ostrom, éds., Local Commons and Global Interdependence : Heterogeneity and Cooperation in Two Domains, London et Thousand Oaks, Calif., Sage Publications, 1995 ; Terry L. Anderson et Randy T. Simmons, éds., The Political Economy of Customs and Culture : Informal Solutions to the Commons Problem, Savage, Md., Rowman and Littlefield Publishers, 1993 ; Daniel W. Bromley, éd., Making the Commons Work : Theory, Practice and Policy, San Francisco, ICS Press, 1992 ; Robert V. Anderson, éd., Commons Without Tragedy : Protecting the Environment from Overpopulation – A New Approach, Londres, Shepheard-Walwyn, et Savage, Md., Barnes & Noble, 1991 ; Glenn G. Stevenson, Common Property Economies : A General Theory and Land Use Applications, Cambridge, England, et New York, Cambridge University Press, 1991 ; Elinor Ostrom, Goveming the Commons : The Evolution of Institutions for Collective Action, Cambridge, England, et New York, Cambridge University Press, 1990.
Les biens communs classiques sont différents de ce que Henry Smith appelle des « semi-communs » : voir Henry E. Smith, « Semicommon Property Rights and Scattering in the Open Fields », Journal of Legal Studies 29 (2000), p. 131 (l’auteur définit un « semi-commun » comme un mélange de bien commun et de droits privatifs qui interagissent entre eux). Tandis que la vision classique tend à dire que les biens communs induisent une surconsommation, certains prétendent qu’ils pourraient provoquer une sous-consommation. Voir Richard A. Posner, Economie Analysis of Law, Boston, Little, Brown, 4e éd., 1992, p. 32, à comparer avec Frank 1. Michelman, « Ethics, Economics and the Law of Property », dans J. Roland Pennock et John W. Chapman, éds., Ethics, Economics, and the Law, Nomos XXIV, New York, New York University Press, 1982, pp. 25-27.
2 Voir Simon Winchester, The Professor and the Madman : A Tale of Murder, Insanity, and the Making of the Oxford English Dictionary, New York, HarperCollins Publishers, 1998.
3 Le lecteur attentif remarquera qu’une ressource qui serait offerte dans des conditions de concurrence parfaite aurait des caractéristiques proches de celles d’un bien commun, tout en étant la « propriété » de quelqu’un. La concurrence pure et parfaite contraint le propriétaire de la même façon ; c’est le droit imprescriptible de vendre ou de ne pas vendre qui distingue les deux situations.
4 C’est l’essence même du droit de propriété. Voir Guido Calabresi et Douglas Melamed, « Property Rules, Liability Rules, and Inalienability : One View of the Cathédral », Harvard Law Review 85 (1972), pp. 1089, 1092. Même les règles de conditionnalité ne parviennent pas toujours à contredire cette liberté fondamentale, quoique le système soit structuré pour y parvenir.
5 Célèbre romancière américaine (1862-1937). NdT.
6 Garrett Hardin, « The Tragedy of the Commons », Science 162 (1968), p. 1243. Évidemment, la notion de circonstances extérieures d’engorgement est antérieure à Hardin. Voir Posner, « Economic Analysis of Law », pp. 32-34, qui cite Frank H. Knight, « Some Fallacies in the Interpretation of Social Cost », Quarterly Journal of Economics 38 (1924), p. 582.
7 Hardin, ibid., p. 1244 (je souligne).
8 Elinor Ostrom, op. cit., ch. 3 ; Robert C. Ellickson, Order Without Law : How Neigh-bors Settle Disputes, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1991. Voir aussi Daniel W. Bromley, éd., Making the Commons Work : Theory, Practice and Policy, San Francisco, ICS Press, 1992, 2e partie (études de cas).
9 Elinor Ostrom offre la démonstration la plus convaincante de l’« illusion » de la tragédie des biens communs : « Ce qui rend ces modèles si dangereux – quand on les utilise métaphoriquement pour inspirer une politique –, c’est que des contraintes considérées comme fixes pour les besoins de l’analyse soient également et automatiquement tenues pour fixes dans des situations empiriques, à moins d’être modifiées par une autorité extérieure », ibid., pp. 6-7. Dans un article de 1988 par exemple, The Economist avance à propos de la pêche que « livrés à eux-mêmes, les pêcheurs vont surexploiter les stocks » et que « pour éviter le désastre, les dirigeants doivent exercer sur eux une autorité effective », ibid., p. 8. Mais cette affirmation ne peut pas être démontrée. Tout dépend du système social au sein duquel se trouve le bien commun ; souvent, comment le démontre Elinor Ostrom, une régulation est possible sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’intervention de l’État ni de privatiser.
10 Certes, beaucoup ont déjà remarqué la nature « bien commun » d’Internet. Voir par exemple Douglas S. Noonan, « Internet Decentralization, Feedback, and Self-Organization », pp. 188-89, dans John A. Baden et Douglas S. Noonan, éds., Managing the Commons, Bloomington, Ind., Indiana University Press, 2e éd., 1998 (« l’Internet est un bien commun [ou un ensemble de biens communs] »). Voir aussi James Boyle, « A Politics of Intellectual Property : Environmentalism for the Net ? », Duke Law Journal 47 (1997), p. 87. Tout le monde n’est pas convaincu que sa nature de bien commun fonde sa capacité d’innovation. Voir par exemple Noonan, ibid., p. 198 (« en dépit de sa nature de bien commun, ou peut-être à cause d’elle »).
11 Yochai Benkler, « From Consumers to Users : Shifting the Deeper Structures of Régulation », Federal Communications Law Journal 52 (2000), pp. 561, 562-63 (« ces choix s’imposent à tous les niveaux de la situation de communication : la couche infrastructurelle physique – fils, câbles, spectre des fréquences radio –, la couche infrastructurelle logique – les logiciels – et la couche du contenu »).
12 Je simplifie abusivement à partir du modèle d’architecture-réseau à sept niveaux de l’OSI : voir Douglas E. Corner, Intemetworking with TCP/IP, Upper Saddle River, N.J., Prentice-Hall, 4e éd., 2000, pp. 181-95 ; Pete Loshin, TCP/IP Clearly Explained, Boston, AP Professional, 2e éd., 1997, pp. 12-18 ; voir aussi la description en quatre niveaux de Berners-Lee’s (transmission, ordinateur, logiciel, et contenu) dans Tim Berners-Lee, Weaving the Web : The Original Design and Ultimate Destiny of the World Wide Web by Its lnventor, San Francisco, HarperSanFrancisco, 1999, pp. 129-30.
13 L.P. : Limited Partneship. NdT.
14 - Certains emplois de la langue ont toujours été réglementés au téléphone. En 1883 par exemple, une compagnie téléphonique locale résilia l’abonnement d’un client parce qu’il avait été grossier avec l’opératrice. La compagnie interdisait par contrat l’utilisation de termes « sacrilèges, indécents, ou grossiers ». Une cour de l’Ohio légitima le règlement de la compagnie et la Cour Suprême confirma cette décision. Voir Peter W. Huber, Michael K. Kellogg et John Thorne, Federal Telecommunications Law, Gaithersburg, Md., Aspen Law & Business, 2e éd., 1999, 1275-76, pp. 1288-92.
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