Chapitre IV. Benjamin Constant et l’Allemagne d’après ses « journaux intimes » (1804-1814)
p. 277-295
Texte intégral
1La publication intégrale des Journaux Intimes1 constitue sans doute le meilleur service que la critique ait pu rendre à la mémoire de Benjamin Constant. Elle a ramené notre attention vers la réalité quotidienne d’une vie qui, des années durant, s’offre à nous dans sa nudité mais aussi dans sa richesse, et communiqué par là une saveur nouvelle aux œuvres qui en sont issues. Déjà une récente édition d’Adolphe 2 a mis en évidence la complexité des expériences dans lesquelles la simple intrigue du roman a puisé sa force ; nous comprenons mieux désormais la singulière puissance de ce petit livre : derrière la forme parfaite, l’analyse rigoureuse du cas en apparence banal d’un amour qui meurt, nous apparaissent les intuitions, les incertitudes, les repentirs aussi d’un grand esprit capable de soumettre les tourments de sa propre sensibilité à une analyse intellectuelle sans défaillance. Mais les Journaux Intimes renouvellent, chez Constant, l’image traditionnelle du penseur autant que celle du moraliste. Comme son contemporain Chateaubriand placé, par sa naissance, au confluent de deux siècles, et l’un des représentants les plus caractéristiques de notre préromantisme, il s’est acquis cette originalité supplémentaire d’être l’obligé de deux cultures à un moment où, avant la publication du livre de Madame de Staël, bien rares étaient les Français qui se souciaient de ce qu’écrivaient ou pensaient leurs voisins d’Outre-Rhin. Nous voudrions essayer de suivre, au hasard des voyages, des lectures et des rencontres que nous rapportent les Journaux Intimes, l’attitude et les réactions de leur auteur en face de la littérature et de la philosophie allemandes, sur lesquelles il a longtemps réfléchi après les avoir pratiquées en détail.
2Dès sa jeunesse il avait étudié à Erlangen et vécu à Brunswick ; ses années d’université, la triste aventure de son premier mariage avec Wilhelmine von Cramm, avaient associé à sa destinée choses et gens d’un pays qu’il connaissait bien. Mais c’est la liaison avec Madame de Staël qui, à la faveur de toutes les agitations dont elle est la source, va permettre de renouveler et d’enrichir ces relations anciennes. Etroitement mêlé au cercle que l’illustre maîtresse de maison aime à réunir autour d’elle, Benjamin y rencontre notamment les Schlegel, dont la conversation constitue pour lui un instructif commentaire du renouveau intellectuel germanique. Il a l’occasion, d’autre part, de découvrir dans le pays même les auteurs et leurs œuvres : qu’il accompagne en Allemagne son accaparante amie ou qu’il cherche plus tard à l’y fuir aux côtés de sa seconde femme Charlotte de Hardenberg, il a loisir, en deux séjours prolongés, de poursuivre sur place des échanges dont les textes en notre possession marquent l’ampleur et la diversité. Pendant tout le temps où nous pouvons le suivre grâce à ses notes journalières, nous avons le sentiment que son existence s’organise quasi méthodiquement selon deux plans parallèles et pratiquement distincts. D’abord, amant reconnaissant mais désabusé, ami lassé encore que soumis, il joue sous nos yeux jusqu’à en être excédé le ridicule personnage que lui imposent ses contradictions intimes, et se bat vainement contre une fidélité moribonde, prompte à revivre dès qu’il songe sérieusement à la rompre ; les psychologues ne sauraient trouver meilleur exemple de la fonction paralysante du scrupule, ni peinture plus achevée de l’impuissance de la volonté. Cependant, entre les brouilles et les raccommodements, nous voyons à l’œuvre un amateur passionné de recherche et d’idées, à qui sa formation antérieure permet d’apprécier en connaisseur le savoir accumulé en Allemagne dans les années où les Français pressés par la tourmente révolutionnaire, ne s’étaient guère préoccupés que de politique et de guerre. On sait de reste qu’un objet précis dirige son enquête, la préparation de ce que Benjamin nomme alors son Polythéisme et qui deviendra, bien des années plus tard, le grand traité de la Religion. C’est donc en érudit autant et plus qu’en voyageur ou en curieux qu’il aborde la patrie de ses anciens maîtres.
3La première impression est excellente. Au contact des bibliothèques et des professeurs d’Outre-Rhin, Constant a le sentiment de reconquérir une quiétude et des possibilités de travail qui lui ont trop souvent manqué ailleurs. Chez ce perpétuel insatisfait, c’est un cri du cœur que cette note du 8 avril 1804 :
(Passer) l’hiver en Allemagne. Ce n’est que là que je serai encouragé à achever l’ouvrage qui fait l’unique intérêt, l’unique consolation de ma vie...3
4Pareille remarque n’est pas isolée. Quand il réfléchit sur son passé, l’ancien étudiant d’Erlangen se souvient avec faveur du temps vécu au milieu des livres, alors même que ses démêlés avec sa première femme le mettaient en fâcheuse posture devant l’opinion ; ses rêves présents se bornent au désir de retrouver, dans ce pays qui lui plaît, une paisible et studieuse retraite4. C’est ainsi qu’il abandonne Weimar avec tristesse : il vient, de son propre aveu, d’y passer « deux mois et demi assez doucement », parce qu’il a pu à la fois y travailler et y vivre en sûreté – bilan tout positif pour ce désenchanté qui « ne demande guère davantage à la vie »5. Aussi la tentation lui revient-elle souvent de se réfugier comme dans un asile dans l’une des calmes et savantes cités où sa route le mène6. Une fois rentré chez lui, et repris par les servitudes de son encombrante liaison, le souvenir de ces haltes lui paraît riche de promesses de délivrance, et jusqu’au milieu des tristes pensées que lui suggère la mort de Necker ou relève cette exclamation : « Weimar, Weimar, une bibliothèque… »7.
5A la différence de Madame de Staël, Constant est trop naturellement cosmopolite pour que l’éloignement lui pèse. Les égards que lui témoignent ses hôtes successifs, l’empressement avec lequel chacun le reçoit de ceux qu’il cherche à rencontrer, lui interdisent jusqu’à la conscience du dépaysement. Sans effort, cet habitué des salons parisiens se sent à l’aise dans un pays qu’il tient pour la terre d’élection du profond savoir ; grand voyageur, il considère que la règle de vie idéale serait pour lui de couper par de brefs délassements dans la capitale française les études poursuivies dans une paisible résidence germanique :
(12 juin 1804) J’ai recueilli de mon voyage en Allemagne cet avantage, que j’ai vu que j’y trouverais facilement le repos, la considération, des livres et une société qui m’encouragera à achever mon ouvrage. Suivons donc ma marche naturelle. Une course à Paris, et un voyage en Allemagne…8
6Le séjour en Hanovre de 1811 à 1814 sera en un sens la réalisation de ce projet. Jamais, au cours de sa carrière errante, tourmentée par les passions successives et les déconvenues politique, Benjamin n’a été si tranquillement studieux que dans ces années passées à Göttingen et au Hardenberg, pendant lesquelles il fréquente régulièrement professeurs et bibliothèques. Il faudra les événements de 1813 pour que l’actualité, de nouveau, le requière. « Travaillé » ; le mot revient dans le Journal Intime de cette période à chaque ligne ou presque, tandis que les soirées au Gelehrten Club constituent la distraction habituelle. Est-ce à dire que cette vie sans histoire ait valu à Constant le bonheur qu’il en attendait ? On constate, à le lire, que les déconvenues sentimentales et l’ennui ont encore une fois troublé sa retraite. Du moins a-t-elle été féconde pour le grand traité dont il espérait la gloire, et qui paraît bien avoir reçu alors sa forme définitive.
7Ce goût de l’Allemagne peut sembler paradoxal, chez un homme qu’on s’accorde généralement à tenir pour un typique représentant de l’esprit français. C’est que là, tout le séduit : la culture et l’ouverture d’esprit de ses interlocuteurs,
Chose remarquable : combien des idées peu répandues en France sont reçues et pour ainsi dire devenues communes en Allemagne (20 Juin 1804)9.
8comme aussi leur simplicité et leur modestie :
On trouve partout en Allemagne des hommes d’une instruction étendue et calme, sans empressement de la montrer (2 avril 1804)10.
9Tandis que Madame de Staël rassemble les traits qui lui serviront à composer bientôt, dans le livre de l’Allemagne, le portrait de l’honnête homme d’Outre-Rhin, docte, modeste et vertueux, Journaux Intimes de son ami nous suggèrent la même image à force de notations prises sur le vif, qui opposent la profondeur et le sérieux germaniques à la frivolité française. Il n’est guère que Wieland pour paraître à Benjamin, et ce n’est pas un éloge, un « esprit français, froid comme un philosophe et léger comme un poète »11. En règle générale, les moindres rencontres l’amènent à des comparaisons tout à l’avantage de ses hôtes :
(19 mars 1804). Visite de Schlichtegroll. Bon petit homme de la sixième classe des hommes de lettre en Allemagne. Tous ces hommes de lettres, quoique sans esprit, ont cela de supérieur à la classe qui fait leur pendant en France, qu’ils sont très instruits et ont des idées très libérales12.
10La société de Weimar résume les mérites que notre critique prise si fort, et c’est pourquoi, avant de la quitter, il tient à lui rendre un particulier hommage :
(21 mars 1804). Il y a, dans les conversations allemandes, même des hommes non lettrés, une sorte de bon sens et de calme qui repose et dont je sens d’autant plus le mérite que je me rapproche de la France. Je vais maintenant quitter pour tout à fait l’hospitalier territoire de Weimar. Je rentre dans un monde où je ne rencontrerai plus cette bienveillance dont j’ai contracté l’habitude. Je ne trouverai plus dans les esprits l’impartialité et l’amour du vrai, qui m’a été si agréable et si utile13.
11Il arrive aussi que la nostalgie de l’atmosphère germanique s’accompagne d’une malice où l’on sent pointer tout l’esprit d’un causeur fameux :
(28 mars 1805). Quand je cause avec des lettrés allemands, je me retrouve toujours dans mon élément, parce qu’ils connaissent ce dont ils parlent. Quand je parle avec des Français, ils me contredisent avec tant d’assurance sur des choses que je sais mieux qu’eux, qu’à la fin c’est moi que je soupçonne de ne rien savoir14.
12Sur ce point, l’opinion de Constant ne variera guère ; elle se résume dans cette remarque qui lui suggère, en août 1807, sa rencontre avec le prince Auguste de Prusse, le futur adorateur de Madame Récamier : « Combien les Allemands valent mieux que nous ! »15
13Ce goût pour les hommes est étroitement associé à l’intérêt pour les œuvres. A l’exception des poètes de l’Athaeneum, que sa formation classique ne le mettait guère en état d’apprécier16, l’auteur des Journaux Intimes fait défiler devant nous l’essentiel de la littérature, de la philosophie et de la science allemandes en ce début du dix-neuvième siècle, de Lessing et Wieland à Goethe et Schiller, de Herder à Schleiermacher et Schelling, de Heyne et Meiners à Heeren et Creuzer. Soucieux de rassembler pour l’ouvrage qu’il médite la documentation la plus large possible, il entreprend notamment une discussion en règle de tout ce qui concerne la théologie et la science de l’antiquité. Enquêteur méthodique, il a soin de s’assurer, outre les indications des frères Schlegel, le concours du proviseur du lycée de Weimar, Böttiger, dont les nombreuses relations dans les milieux littéraires font un informateur de premier rang. Les lettres que Benjamin lui adresse complètent et confirment l’impression suscitée par la lecture des Journaux Intimes 17 ; elles abondent en demandes de renseignements bibliographiques, assorties d’élogieux commentaires pour le pays capable de produire tant d’ouvrages savants. Lorsqu’il entretient ce correspondant averti des sujets qui intéressent ses recherches, le moraliste d’Adolphe paraît bien près de se confondre avec la troupe nombreuse des historiens et des « mythographes » dont il commente les travaux en connaisseur. Il finira du reste par se mêler si étroitement aux entreprises de l’érudition germanique qu’il craindra un moment que l’un de ses anciens interlocuteurs, l’historien Toelken, n’utilise sans discrétion pour son cours à l’université de Göttingen des notes qu’il lui avait communiquées avec trop de confiance. Pour préserver ses droits, Benjamin provoque alors l’intervention de son ami Villers auprès de Toelken, et le zèle qu’il déploie dit assez combien l’affaire lui tient à cœur18.
14La sympathie de Constant pour la pensée allemande explique la sévérité qu’il témoigne à certains de ses compatriotes, et par exemple cette cinglante appréciation d’une dissertation sur les voyages composée par son ancien collègue au Tribunat Mathieu de Mirampal :
(19 juin 1804). Vrai discours de Français qui regarde tout ce qui n’est pas la France comme hérissé de forêts et couvert de glace... Vrais Chinois que nous sommes dans nos connaissances des autres pays19.
15Ailleurs (23 janvier 1804), il oppose aux consciencieux et savants travaux germaniques sur l’antiquité le mémoire rédigé contre Wolff par l’Académicien Sainte-Croix :
Réfutation bien française. Il ne s’est pas donné la peine de réfléchir sur l’Iliade et l’Odyssée20.
16Lui dont nous verrons bientôt les réticences devant l’obscurité de la Naturphilosophie, s’indigne que ses amis parisiens la condamnent sans avoir pris la peine de l’étudier :
(24 décembre 1804). La précipitation et le mépris avec lesquels les Français et même les meilleures têtes, Garat par exemple, jugent la nouvelle philosophie allemande sans la connaître, me forcent à la défendre, et Dieu sait que je n’y suis pas disposé21.
17Mais les Allemands non plus ne trouvent pas toujours absolument grâce devant ce critique exigeant. Sa curiosité pleine d’estime pour les écrivains d’Outre-Rhin s’accommode d’une entière liberté de jugement, que les plus grands eux-mêmes ne désarment guère. Les notes que Benjamin confie à son Journal après chacune de ses rencontres avec Goethe sont, de ce point de vue, révélatrices. C’est d’abord, comme souvent, une première esquisse :
(23 janvier 1804). Vu Goethe. Finesse, amour-propre, irritabilité physique jusqu’à la souffrance, esprit remarquable, beau regard, figure un peu dégradée22.
18Vient ensuite un jugement où l’admiration se combine à une familiarité dépourvue d’aménité :
(16 février 1804). Souper très remarquable chez Goethe. C’est un homme plein d’esprit, de saillies, de profondeur, d’idées neuves. Mais c’est le moins bon homme que je connaisse23.
19L’hommage ne paraît qu’à la fin du séjour à Weimar, à l’heure du bilan qui précède le départ :
(28 février 1804). Je ne connais personne au monde qui ait autant de gaîté, de finesse, de force et d’étendue dans l’esprit que Goethe24.
20C’est qu’il possède l’universelle maîtrise qui, au gré de Benjamin, manque à Schiller, « homme de beaucoup d’esprit sur son art, mais presque uniquement poète »25.
21On sent, derrière ces libres propos, l’aisance d’un homme du monde que les réputations n’impressionnent guère. Que le sujet s’y prête, et le franc-parler devient de la verve. A Wurzbourg (5 mai 1804) les Journaux Intimes s’augmentent d’un portrait de Schelling qui ressemble à une caricature :
Je n’aimais pas ses ouvrages ni sa tendance, mais j’aime encore bien moins sa personne. Jamais homme ne m’a fait une impression si désagréable. C’est un petit monsieur, le nez en l’air, l’œil fixe, âpre et vif, le sourire amer, la voix sèche, parlant peu, écoutant avec une attention qui ne flatte point et qui a plutôt une ressemblance avec la malveillance, enfin donnant tout à fait l’idée, pour son caractère, d’une méchanceté active, et pour son esprit, de la fatuité française, avec la métaphysique allemande26.
22On imagine la délectation de Hegel ou de Baader s’ils avaient pu lire ce texte, qui souligne avec tant de mordant la suffisance et l’inurbanité de leur futur adversaire ! Mais c’est à propos des frères Schlegel que Constant se montre le plus critique et le plus disert. Il a eu le temps de les pratiquer à loisir, en voyage, à Coppet, à Paris, et ce sont deux portraits en pied que ses Journaux Intimes nous proposent. Au reste tout n’y est pas, tant s’en faut, négatif. Dès les premiers contacts August-Wilhelm semble à son interlocuteur « un homme d’une littérature très étendue et d’une grande facilité d’expression », un partenaire de choix pour discuter « sur la philosophie et la perfectibilité », bref un commentateur compétent de la révolution intellectuelle qui a marqué le premier romantisme allemand27. Cependant il n’est point fait pour la vie mondaine à laquelle, en bon fils du dix-huitième siècle, Benjamin continue d’attacher une particulière importance ; aimable dans le tête-à-tête, il se révèle « horriblement ennuyeux dans le monde »28. D’autre part, enfermé dans ses études, il a toutes les faiblesses du professeur que les hasards de l’existence déconcertent.
(25 août 1804). C’est un homme qui est tout en amour-propre, et qui tire de son amour-propre toutes ses bonnes ou mauvaises qualités, son enthousiasme, son irritation, sa douceur ; quand l’amour-propre l’abandonne, ce qui arrive à l’approche du danger, parce que la nature physique reprend le dessus, cet amour-propre s’en va avec toute sa famille, et il ne reste rien que le caractère d’un homme de lettres, qu’une vie de cabinet a rendu faible de corps et d’âme29.
23Ici l’écrivain bien né fait en somme le procès de l’érudit plébéien, de même qu’ailleurs (27 mai 1804) le politique ouvert aux problèmes de gouvernement critique l’intellectuel à qui ses livres ont ôté le sens des réalités30. Mais bientôt d’autres éléments plus personnels interviennent, à mesure qu’August-Wilhelm progresse dans l’amitié de Madame de Staël et que le rôle joué par lui dans la famille de ses élèves devient plus intime. La sensibilité de Constant à la qualité des relations humaines le rend particulièrement habile à saisir l’évolution qui transforme un préceptorat banal en engagement durable. C’est alors l’amant soupçonneux encore que détaché qui parle, autant que le gentilhomme dont les relations et la fortune ont assuré l’indépendance ; pour évoquer la situation nouvelle, la clairvoyance du psychologue utilise l’expérience de l’homme du monde :
(5 décembre 1804). Retrouvé Minette. Schlegel a été assez dérangé par mon arrivée. La préférence beaucoup trop manifeste de Minette pour moi, sa fatigue d’une conversation toujours littéraire et paradoxale, mille symptômes de lassitude et même de déplaisir ont dû le frapper. Il en a moins vu qu’il n’y en a. Il lui restera attaché par goût, par habitude, parce qu’il s’y trouve bien, parce qu’il ne saurait que devenir en en sortant. Mais au fond, il a perdu par ce lien qui le tire d’une carrière d’étude où il aurait pu acquérir de la réputation et une destinée stable pour en faire un être intermédiaire et subalterne, luttant inutilement contre le désavantage de cette situation par une susceptibilité qui ne remédie à rien, puisqu’il ne peut être de pair avec les autres dans la société que parce qu’ils le veulent bien...31.
24La dernière remarque est hautaine, mais, comme souvent dans les Journaux Intimes, un retour de l’auteur sur lui-même le rend proche de celui qu’il juge : le souvenir de sa propre liaison l’aide à expliquer, sinon à dissiper, l’équivoque où August- Wilhelm se complait :
... Cependant sa situation est encore plus raisonnable que la mienne. Il était né sans fortune. Il ne pouvait échapper à une sorte de dépendance. Il en trouve une assez douce, et s’il se révolte quelquefois, l’adresse et l’amitié de Minette le calment et le rendorment bientôt32.
25Frédéric Schlegel est évoqué avec le même mélange d’objectivité et de rigueur auquel peut-être quelque ironie supplémentaire. Lors de son arrivée à Coppet, le grand homme de l’Athaeneum est saisi d’un trait vif et mordant, qui nous rappelle le portrait de Schelling, – ou la typique image d’un « Philister » :
... (2 octobre 1804). C’est un petit homme rond, gras outre mesure, avec un nez pointu qui sort de deux joues luisantes, et une bouche qui sourit assez mielleusement sous ce nez pointu, de beaux yeux, un air subalterne, surtout quand il ne parle pas, et une mine de glace quand il écoute33.
26Plusieurs semaines d’entretiens et de vie quasi commune n’avaient sans doute guère rapproché les deux hommes, puisqu’au premier crayon succède cet adieu sans excessive bienveillance :
(8 novembre 1804). Départ de Fr. Schlegel. Il emporte et laisse peu de regrets. C’est un homme que je crois dissimulé, ambitieux, égoïste et ingrat, mais avec de l’esprit et une sorte de grâce dans la gaîté34.
27D’emblée, Constant avait noté que « ses principes étaient aussi absurdes que ceux de son frère »35. Il renchérit bientôt sur cette première opinion ; l’hostilité qu’il porte à toute pensée trop accueillante à la philosophie de Schelling se double ici d’une antipathie de principe contre les idées autoritaires et le catholicisme, auxquels le cadet des Schlegel commence à être gagné. Le futur théoricien libéral juge sans ménagement celui dans lequel il devine l’allié des forces oppressives qu’il passera sa vieillesse à combattre :
(2 octobre 1804). Le pays que (F.S.) préfère en Allemagne, c’est Vienne, parce qu’il n’y a point de liberté de la presse. C’est vraiment trop fou pour des gens dont toute la considération est dans leur plume et qui, malgré tous leurs principes saugrenus, ne pourraient pas écrire une ligne dans les pays qu’ils préfèrent à ceux où ils sont tolérés. Leurs idées sont si absurdes qu’ils deviennent complètement bêtes sur ce sujet, malgré leur esprit sur d’autres36.
28Parfois la raillerie devient acerbe :
(5 novembre 1804). Frédéric Schlegel veut être le chef d’une religion nouvelle. Il a plutôt l’air d’un moine dans une religion vieille et riche37.
29Finalement les deux frères sont confondus dans un même dédain où les différences sociales semblent avoir plus de part que les divergences philosophiques :
(8 décembre 1804). Lettre de Frédéric Schlegel à son frère. Le besoin d’argent presse de toutes parts cette famille d’aventuriers littéraires...38.
30Une telle attitude, où la conscience du rang social fait oublier la délicatesse, suscite à bon droit notre déplaisir. C’est le libre esprit, le chroniqueur habile à croquer les silhouettes que nous aimons dans les Journaux Intimes, et non pas le censeur dont la conduite contredit souvent la rigueur. Empressons-nous de noter du reste que ces quelques taches demeurent l’exception. L’ironie, chez Constant, se traduit généralement par un sens aigu du ridicule, et les préjugés mondains ne dégénèrent jamais en un sot persiflage. Cet homme si évidemment intelligent sait apprécier les valeurs, et sa lecture notamment est l’une des plus lucides qui soient. En plus d’un endroit, la réflexion corrige ce que les premières réactions avaient eu d’inconsidéré. Après qu’il ait vivement critiqué « l’inintelligible langage », la « fatuité philosophique » de Schelling, Benjamin se reprend lui-même et nuance sa pensée :
(6 mai 1804). Au milieu de ses rêveries, il y a sur la mort, sur le détachement de la matière, beaucoup de fierté et de bonheur d’expression. C’est certainement un homme énergique et de grande valeur, malgré ses défauts, dont je ne rabats rien39.
31 Le cas n’est pas isolé et Herder, par exemple, provoque un revirement du même ordre. La rencontre avec les Ideen manque de chaleur :
(26 janvier 1804). Lu Herder : système doux et enthousiaste. Rien d’assez positif40).
32Bientôt après, au contraire :
(29 janvier 1804). Continué Herder. C’est au fond un superbe ouvrage, écrit d’un très beau style, et qui suppose une masse énorme de connaissances41)
33On sent ce que l’hommage a gagné, à être provoqué par une lecture attentive. Le cas de Schleiermacher sera plus typique encore. La prise de contact est ici presque négative ; pour l’amateur d’idées claires que demeure Constant à cette date, l’éloquence des Discours sur la Religion, « qui ressemble à un torrent », contient « le plus singulier système qu’il soit possible d’imaginer dans un homme qui se prétend inspiré ».
(14 novembre 1804). Son Dieu est l’infini. Son immortalité de l’âme, c’est l’absorption dans l’infini, sans conscience individuelle ; avec cela, il dit qu’il ne peut pas résister à l’esprit divin qui l’inspire et qu’il doit remplir sa mission divine. Singulières gens que ces hommes qui veulent être la monnaie de Mahomet et faire un prophète en 36 parties !...42
34Que le contact, cependant, se prolonge, et le désaccord paraît tenir à la forme plus qu’au fond ; dépouillées de leur apparence « bizarre et scandaleuse », les idées de Schleiermacher se retrouvent toutes proches des conceptions de Benjamin lui-même43.
35Parfois, et notamment à propos de la littérature dramatique, les jugements des Journaux Intimes demeurent étroits, marqués par un goût dont la préface à la traduction de Wallenstein devait montrer les nostalgies classiques et la timidité. On peut regretter qu’un si bon connaisseur des choses allemandes n’ait guère su apprécier Emilia Galotti 44 ni Guillaume Tell 45, qu’il se soit montré réticent devant Iphigénie 46, et surtout qu’il aît osé un regrettable parallèle entre Faust et Candide 47. Critique littéraire timoré, Constant demeure fidèle aux idées de son milieu et de son temps, plus proche au fond de Voltaire que de la Préface de Cromwell. Qu’il s’agisse au contraire de théologie, de philosophie de l’histoire ou d’érudition antique, ses Journaux Intimes témoignent de beaucoup plus de souplesse et même d’une clairvoyance exceptionnelle à cette date. Si, en plus d’un endroit, l’embarras de la forme ou la complexité des systèmes germaniques déconcertent son goût de la clarté, il excelle à découvrir dans ces immenses travaux des ressources neuves, une étendue de science et une hardiesse dans la spéculation qui manquent absolument à la pensée française, condamnée pour lors, faute de créateur, à répéter la leçon du dix-huitième siècle. Que représentent en effet Volney ou Dupuis face à Herder, à Heyne, à Heeren, à Creuzer, à Meiners même, dont nous voyons Benjamin dépouiller minutieusement les travaux sur l’Egypte et la Perse ? C’est la meilleure Allemagne savante qui paraît ainsi sous nos yeux48, et nous sentons que celui qui l’interroge est habile à en tirer tout ce qu’elle peut lui offrir. En même temps qu’il exerce sa verve aux dépens de Frédéric Schlegel, Constant sait l’amener sur le sujet dont il recevra le plus, les littératures et les religions indiennes. Lorsqu’il débarque à Coppet, en octobre 1804, le futur auteur du traité Über die Sprache und Weisheit der Indier vient de suivre à Paris les cours de Hamilton, et rassemble avec tout son zèle les connaissances qui feront de lui l’un des principaux artisans de la Renaissance orientale49 ; Benjamin lui-même le retrouve dans la capitale, en décembre 1804, « entouré de manuscrits indiens »50 . L’occasion lui est propice pour recueillir de ce spécialiste des informations de première main. Sans doute, ici encore, observe-t-il une certaine réserve ; il sent que l’indianisme risque de devenir une mode capable de fausser les perspectives aux yeux de quiconque s’y abandonne exclusivement, qu’il vaut mieux, pour dresser un bilan sûr, attendre que « l’engouement des premiers navigateurs sur cette mer nouvelle s’apaise un peu »51. Mais cette prudence que tous n’auront pas ne l’empêche nullement d’enregistrer une suggestion utile, et de reprendre l’enquête à son compte en plaçant les Asiatic Researches au premier rang de la documentation qu’il rassemble pour son livre.
36C’est le propre de son intelligence critique de savoir ainsi déterminer les éléments valables parmi ceux que lui proposent les spécialistes. A pratiquer les chercheurs allemands, il a appris l’importance de l’érudition dont peu de textes, en ce début du dix-neuvième siècle, ont célébré aussi judicieusement les mérites que cette note du 10 décembre 1804 :
Tout ce qui exerce l’esprit est bon, et il est même dangereux à quelques égards de trop rechercher si le but est utile. A force de ne vouloir que l’utilité, on élague mille choses dont on méconnaît l’utilité indirecte. Tout se tient. Aucune vérité, aucun fait, aucune face nouvelle d’une idée n’est absolument isolée. Il est fâcheux, sans doute, de s’attacher trop exclusivement à des objets minutieux ou à des subtilités excessives ; mais cela est fâcheux plutôt pour l’individu qui commet cette faute que pour la science. Les esprits supérieurs qui viennent ensuite profitent de son travail, et arrivent, en écartant les détails, à des résultats que souvent ils n’auraient pas découverts s’ils n’avaient trouvé les matériaux réunis et les questions épuisées52.
37C’est encore l’Allemagne qui fournira à l’auteur des Journaux Intimes le meilleur exemple des savants selon son cœur, rompus aux idées générales au lieu de demeurer enfermés dans les limites de leur discipline. Il s’agit d’Alexandre de Humboldt, rencontré à Paris en février 1805. Si Benjamin conserve malgré tout quelque doute sur son aptitude à atteindre l’universalité à laquelle il aspire, il s’empresse aussitôt d’ajouter que « ses idées à cet égard sont justes et vraies ».
En tout, c’est un homme qui a fait une superbe entreprise, qui l’a exécutée avec une admirable persévérance, qui en rendra un compte très intéressant et qui aura fait avancer plusieurs sciences et fourni beaucoup de données nouvelles à la philosophie spéculative53.
38Pour la pensée germanique, une nouvelle ère est en train de naître dont les Français du temps ne soupçonnent guère la richesse. Peuvent-ils même la concevoir ? Il semble bien que, du point de vue intellectuel, la rupture entre les deux pays soit pour lors totale ; Constant le note après une promenade au cours de laquelle Sismondi et August-Wilhelm Schlegel ont poursuivi, devant lui, un dialogue de sourds :
(25 mai 1804). La philosophie française, qui ne reconnaît que l’expérience, et la nouvelle philosophie allemande, qui ne raisonne qu’a priori, ne peuvent, je ne dis pas s’entendre, mais ne peuvent pas même s’expliquer54.
39Quant à lui, il n’hésite guère entre elles et juge durement ses anciens maîtres :
(21 novembre 1804). Etrange philosophie à vrai dire que celle du dix-huitième siècle, se jouant d’elle-même et des autres, prenant à tâche de discréditer non seulement les préjugés reçus, non seulement les idées consolantes ou morales qu’on aurait pu séparer de ces préjugés, mais se moquant de ses propres principes, trouvant du plaisir à ne rien laisser qui fût exempt du ridicule, à tout dégrader, à tout avilir !55
40 Il a conscience de l’infériorité de cette métaphysique trop systématiquement claire en face du « nouveau platonisme allemand », dont il loue l’inspiration et conçoit la richesse, même s’il regimbe à l’occasion contre l’obscurité des doctrines par lesquelles il s’exprime. Cette sympathie va si loin qu’elle l’incite à témoigner une certaine indulgence aux idées de Chateaubriand qu’il n’aime guère, dans la mesure où il y découvre « quelque chose qui tient un peu de l’école allemande, quelque chose de moins sec et de plus vague que dans l’école philosophique »56.
41C’est bien sûr dans le livre de la Religion que ces préférences seront le mieux perceptibles. Entrepris à partir d’une boutade d’Helvétius pour prouver la supériorité du paganisme antique sur le christianisme57, l’ouvrage sera résolument spiritualiste une fois achevé. La transformation décisive paraît avoir été liée à une crise sur laquelle les Journaux Intimes sont relativement discrets, et qu’on suit beaucoup mieux dans Cécile ou dans les lettres à Prosper de Barante et à Claude Hochet. Certaines notes, cependant, laissent entendre que les expériences germaniques y ont eu leur part, et par exemple l’intérêt témoigné par l’auteur au luthéranisme tel qu’il le voit pratiqué dans les contrées où il voyage :
(4 février 1804). Chaque jour la religion protestante devient en Allemagne plus une chose de sentiment qu’une institution : point de formes, point de symboles, rien d’obligatoire, presque point de cérémonies, rien que des idées douces et une morale sensible58.
42Une telle foi s’accomode parfaitement des spéculations les plus hardies, et Constant ne manque pas d’opposer, avec une véhémence où la rivalité littéraire a peut-être sa part, l’auteur des Ideen à celui du Génie du Christianisme :
(4 février 1804). Herder. Son dix-septième livre (sur les origines et les progrès du christianisme) est d’une philosophie étonnante. C’est tout à fait la contre-partie de l’absurde ouvrage de Chateaubriand. Herder était pourtant un théologien, chef des églises d’une partie de la Saxe, homme pieux et presque enthousiaste. Mais la dévotion du cœur est moins exagérée que l’hypocrisie59.
43Plus tard, le contenu dogmatique du livre de la Religion reprendra pour l’essentiel le christianisme tolérant et épuré que prêchent les Landprediger dont les Journaux Intimes louent si fort l’attitude. Nous pouvons ajouter que, dès maintenant, la plupart des penseurs dont leur auteur fait le plus de cas se trouvent être protestants. L’image du théologien réformé, à la fois orthodoxe et hardi comme avait su l’être Herder, s’impose à lui comme un idéal qu’il est heureux de retrouver dans la personne de Paulus, professeur à Wurzbourg :
(5 mai 1804). Vu Paulus, théologien protestant de la classe que j’aime et que je respecte, travaillant à repousser toute religion positive et toute croyance imposée. C’est un homme d’un esprit fin, subtil, actif, dans une excellente direction...60.
44Ces sympathies expliquent les éloges décernés par Constant à l’Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther, publié par Charles de Villers ; tout le séduit dans ce travail, l’inspiration générale qui fait coïncider avec la Réforme la grande libération des intelligences, et la méthode empruntée par l’auteur aux historiens allemands ses amis. Benjamin y trouve un encouragement si vif à poursuivre ses propres travaux qu’il croit devoir en remercier Villers avec une chaleur chez lui inhabituelle :
Vous m’avez rendu le courage de continuer ; ce courage m’abandonnait à mesure que je m’éloignais de l’Allemagne, le seul pays où la vérité soit un but et où la littérature soit autre chose qu’un moyen, chez les meilleurs de briller, et chez le reste de plaire61.
45En sommes-nous pour autant autorisés à conclure que les Journaux Intimes honorent théologiens et érudits d’outre-Rhin de louanges sans réserves ? Ce serait oublier que leur rédacteur demeure l’homme de l’examen plus que de l’adhésion, et que ses éloges comportent presque toujours une certaine retenue. Jusque chez les meilleurs Allemands, il regrette un manque de rigueur et de mesure ; tous lui semblent, comme Schleiermacher, « avoir le diable au corps »62. Si neuves et fécondes que soient leurs vues, Constant cherche vainement chez eux cette clarté qui constitue sa dernière fidèlité aux maîtres du dix-huitième siècle, et qui le conduit à opposer, d’une manière pour’ nous révélatrice, Herder à Montesquieu63. D’autre part, embarrassés par l’ampleur de leur matière, les écrivains germaniques ne concluent pas assez nettement à son gré. Böttiger, par exemple, est admirable par la masse des connaissances, « mais elles ont l’air de l’empêcher d’arriver à des résultats au lieu de l’y conduire »64. Le théologien Berger, « assez profond et très libéral dans ses principes... a le défaut des ouvrages allemands, il ne prononce pas assez ses résultats »65. De même pour Frédéric Schlegel :
(31 octobre 1804). Je ne sais comment il enveloppe ce qu’il dit : on n’est jamais frappé des résultats. C’est un défaut commun à presque tous les auteurs allemands. Ils s’empêtrent dans leur longe66.
46Travers qui inspire finalement ces jolies formules, notées au sortir d’une conversation parisienne, alors que les souvenirs d’Allemagne sont encore très frais dans l’esprit de Constant :
(28 décembre 1804). Le vague des Français est d’une autre espèce que celui des Allemands. Le premier est en superficie, le second en profondeur. Ceux-ci n’y voient plus clair parce qu’ils vont trop avant sous terre ; les autres s’étourdissent à force de courir67.
47Benjamin, pour sa part, voudra se garder de l’un et l’autre excès. C’est finalement sans regret que, chassé par la guerre, il abandonne le Hanovre. « Je sens, écrit-il alors à Hochet, qu’il est bon que je m’éloigne d’une bibliothèque, qui a l’inconvénient d’offrir trop de choses qu’on voudrait employer toutes, et au milieu desquelles on se perd quand on s’abandonne à la tentative de tout parcourir et de tout connaître. C’est ce qui fait que nos savants d’ici deviennent presque tous des compilateurs. 300.000 volumes pèsent sur eux et, lorsqu’ils ont extrait de ces 300.000 volumes ce que les autres ont dit sur une chose, il ne reste ni temps pour penser ni place pour dire ce qu’ils auraient pu tirer de leur propre fonds »68.
48Cette lucide mise en garde ne doit pas faire oublier que la découverte de l’érudition allemande constitue l’une des caractéristiques des Journaux Intimes, et le principal enrichissement que leur auteur ait recueilli de ses séjours Outre-Rhin. Plus heureux dans le domaine des idées que dans celui de la littérature ou de l’art dramatique, il a su au moins aussi bien que Madame de Staël comprendre l’importance du mouvement qui, pour les sciences historiques et la théologie, bouleversait sous ses yeux les cadres anciens. Sans doute le livre de la Religion, qui aurait pu offrir au public français la synthèse de ces transformations révolutionnaires, demeure-t-il une œuvre à demi manquée, et peu lue. Mais il conserve le mérite d’avoir inauguré chez nous une nouvelle forme de réflexion sur les choses sacrées, et c’est très vraisemblablement à son inspiration germanique que l’ouvrage doit d’avoir indiqué quelques-unes des voies dans lesquelles la pensée religieuse de notre Romantisme n’allait pas tarder à s’engager.
Notes de bas de page
1 Par Alfred Roulin et Charles Roth. Paris 1952.
2 Par Jacques-Henri Bornecque. Paris, 1955.
3 Journaux Intimes, op. cit., p. 74-75.
4 Cf. ibid., p. 111, 17 juillet 1804. « C’est encore à présent le temps de ma vie dont je me souviens avec le plus de plaisir. Depuis lors j’ai eu tantôt des succès, tantôt des revers, mais le calme, mais la solitude, mais l’indépendance, je les ai perdus pour jamais ».
5 Cf. ibid., p. 63, 29 février 1804.
6 Cf. ibid., p. 64, 4 mars 1804. « Leipzig assez bon à habiter dans la solitude. Pourquoi ne pas rester en Allemagne et y travailler ! »
7 Ibid., p. 77, 14 avril 1804.
8 Ibid., p. 97.
9 Ibid., p. 100.
10 Ibid., p. 23.
11 Ibid., p. 53 (23 janvier 1804).
12 Ibid., p. 68.
13 Ibid., p. 68-69.
14 Ibid., p. 225.
15 Ibid., p. 345 (11 août 1807).
16 Il faut noter cependant la faveur avec laquelle B.C. parle, incidemment, de Tieck[Ibid., p. 153, (24 octobre 1804)].
17 Elles ont été publiées par F. Baldensperger dans la Revue Bleue (Tome IX, avril 1908, p. 481 sq). On y lit, entre autres, dans une lettre datée de Genève, le 15 août 1804 : « … La France n’a rien qui me fasse un devoir d’y rester. Tout y est tranquille ; et la main puissante qui la gouverne dispense suffisamment les individus de lui consacrer des services dont elle n’a pas besoin. Il est donc permis, s’il n’est pas ordonné, de vivre pour soi-même et pour les lettres. Or ce n’est guère qu’en Allemagne qu’on peut se livrer sans distraction à ce genre de vie. Ce n’est que là qu’on trouve une masse d’hommes que les intérêts d’ambition et de fortune n’absorbent pas exclusivement, et qui a encore un peu de temps à donner à la recherche de la vérité... ».
18 Cf. Briefe aus dem Nachlaβ Villers, éd. Isler, 1879.
19 Journaux Intimes, op. cit., p. 100.
20 Ibid., p. 53.
21 Ibid., p. 180.
22 Ibid., p. 53.
23 Ibid., p. 60.
24 Ibid., p. 63.
25 Ibid., p. 58 (10 février 1804).
26 Ibid., p. 85-86.
27 Cf. ibid., p. 81 (24 avril 1804), p. 83 (27 avril 1804).
28 Cf. ibid., p. 89 (20 mai 1804).
29 Ibid., ?. 127.
30 Cf. ibid., p. 91 (27 mai 1804). « Schlegel est un de ces hommes, qui, n’ayant jamais rien eu à faire avec la vie réelle, croient qu’on fait tout par des ordonnances et des lois... ».
31 Ibid., p. 173. Minette désigne ici, comme toujours dans les Journaux Intimes, Madame de Staël.
32 Ibid., p. 173.
33 Ibid., p. 145.
34 Ibid., p. 161.
35 Cf. ibid., p. 145.
36 Ibid., p. 145.
37 Ibid., p. 160.
38 Ibid., p. 174.
39 Ibid., p. 86.
40 Ibid., ?. 54.
41 Ibid., ?. 55.
42 Ibid., ?. 163.
43 Cf. ibid., p. 165-166 (19 novembre 1804).
44 Cf. ibid., p. 69-70 (24 mars 1804). « J’ai été bien frappé de la froideur de cette pièce, dont je n’ai vu que les deux derniers actes. Ce sont des dissertations assez fines, mais on ne peut pas plus déplacées dans la situation des personnages ».
45 Cf. ibid., p. 67 (17 mars 1804). « C’est une lanterne magique mal arrangée et avec beaucoup moins de beautés poétiques qu’il n’y en a dans les autres pièces de Schiller ».
46 Cf.ibid., p. 66 (12 mars 1804).
47 Cf. ibid., p. 59 (12 février 1804). « Faust de Goethe. C’est une dérision de l’espèce humaine et de tous les genres de sciences. Les Allemands y trouvent une profondeur inouïe. Je trouve que cela vaut moins que Candide, et en étant aussi immoral, aussi aride, aussi desséchant, il y a moins de légèreté, moins de plaisanteries ingénieuses et beaucoup plus de mauvais goût ».
48 Cf. par exemple la bibliographie indiquée p. 229 (4 avril 1805).
49 Schwab. La Renaissance Orientale, Paris, 1950, p. 75 sq.
50 Journaux Intimes, op. cit., p. 179.
51 Ibid., ?. 151.
52 Ibid., p. 175.
53 Ibid., p. 205.
54 Ibid., ?. 91.
55 Ibid., ?. 166.
56 Ibid., p. 213 (3 mars 1805).
57 Cf. Le Cahier Rouge, éd. Mistler, Monaco, 1945, p. 10.
58 Journaux Intimes, op. cit., p. 56.
59 Ibid., ?. 56.
60 Ibid., p. 85.
61 Briefe aus dem Nachlaβ Villers, op. cit., p. 5, (lettre datée de Genève, 26 mai 1804).
62 Journaux Intimes, op. cit., p. 165 (19 novembre 1804).
63 Ibid., p. 54 (28 janvier 1804).
64 Ibid., p. 54 (26 janvier 1804).
65 Ibid., p. 71 (27 mars 1804).
66 Ibid., p. 157.
67 Ibid., p. 182.
68 Lettres à un ami. Ed. Mistler. Neuchâtel, 1948, p. 241. (Lettre datée de Göttingen, 5 juin 1813).
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