Chapitre VIII. Les relations entre Emmanuel d’Alzon et Lamennais
p. 153-175
Texte intégral
1Lorsque se nouent entre Emmanuel d’Alzon et Lamennais des liens appelés à devenir un long moment fort étroits, l’illustre auteur de l’Essai sur l’indifférence apparaît au jeune provincial comme un modèle autant que comme un maître, un aîné à la fois proche et prestigieux. Certains membres de sa famille – sa tante et son cousin Rodier – étaient en relations avec lui ; il avait lu ses livres, et les idées qu’il y avait découvertes s’accordaient pleinement avec celles que son éducation et ses goûts lui suggéraient. L’excellente biographie du P. Vailhé, les études plus récentes de Gaëtan Bernoville ou de Guy Dupré ont bien mis en évidence l’importance que le milieu familial a revêtue pour sa formation. Fils respectueux d’un père dont le loyalisme légitimiste et catholique ne s’est jamais démenti, il apparaît dans son adolescence comme le typique représentant de cette jeunesse sage, si minoritaire à l’époque dans les lycées parisiens !
2Au moment où le normalien Jouffroy se demande Comment les dogmes finissent, tandis que nombre de ses contemporains s’enthousiasment pour Béranger et brocardent la Congrégation, le jeune Emmanuel se réclame de Bonald dont il parle avec de vrais transports : « Je suis fou du système de M. de Bonald (…), sa philosophie est toute divine, sa manière de procéder est la perfection même » (17 décembre 1827)1. Cette perfection est si évidente à ses yeux qu’il éprouve le besoin de résumer le système de ce grand maître, en soulignant la fondamentale importance qu’y revêt la notion de révélation primitive2. Or celle-ci constitue, comme on sait, la clef de voûte de l’ontologie et de la théologie mennaisiennes. C’est à partir des idées bonaldiennes que d’Alzon a, sans doute, interprété et apprécié l’Essai sur l’indifférence que son père l’encourage à lire, à vrai dire en termes prudents3. Il ne semble guère avoir été marqué par Des progrès de la Révolution et de la lutte contre l’Eglise, dont il ne parle qu’incidemment dans sa correspondance, et comme par ouï-dire4. Nous le voyons en revanche se préoccuper, en août 1829, de répandre les Considérations de Gerbet sur le dogme générateur de la piété catholique parmi les curés résidant autour du château familial de Lavagnac, où il est venu pour les vacances5.
3Ainsi commence à se dessiner l’attitude qui se précisera plus tard. Dans l’entreprise mennaisienne, le futur prêtre privilégie d’emblée l’aspect proprement théologique et religieux, plutôt qu’il ne s’attache aux initiatives sociales ou politiques. La faveur marquée qu’il témoigne au Correspondant, dans lequel il publie son premier essai d’écrivain6, souligne cet état d’esprit. Bien qu’il prenne souvent soin, dès la fin de la Restauration, de marquer ses distances par rapport au strict légitimisme de règle dans sa famille, il n’est nullement pour autant l’ami du bouleversement. En janvier 1830, nous le voyons, dans une lettre au fidèle d’Esgrigny, tenir le gouvernement de Charles X pour « une machine décrépite, dont il était inutile et même dangereux de réparer les rouages7 », et l’attitude qu’il définit alors, à dix-neuf ans, annonce celle qui sera la sienne dans les années à venir : il n’y a pas plus de souveraineté au Palais-Bourbon qu’aux Tuileries ; pour agir sur une société malade, il faut savoir se séparer d’elle entièrement, afin de « peser sur elle de tout le poids de droits qu’il ne lui appartient pas de donner ».
4Encore convient-il d’acquérir ces droits, et de les mériter. Pour y parvenir, l’existence du jeune Emmanuel va se transformer, dans l’immédiat, en une longue ascèse dont Lamennais deviendra le guide privilégié. Le P. Vailhé a composé, de leur première rencontre, une relation à laquelle il n’y a rien à ajouter8. C’était le 11 avril 1828, chez l’abbé de Scorbiac, lors d’une des conférences religieuses dont le lycéen d’Alzon était l’auditeur assidu. On débattait ce jour-là du déisme, et l’un des assistants, d’Esgrigny précisément, contesta vivement la valeur théologique du critère tiré du consentement universel. C’était atteindre le système de l’Essai sur l’indifférence dans sa partie la plus vulnérable. Le maître répondit longuement, sans convaincre – semble-t-il – son contradicteur. Mais, remarque le P. Vailhé, Emmanuel ne paraît pas avoir été ébranlé par cet échange.
5Cette attitude est tout à fait compréhensible : l’orientation qu’il avait décidé de donner à sa vie l’éloignait de ces débats quasi métaphysiques, auxquels de surcroît ni ses études ni son tour d’esprit ne l’avaient préparé. Il sentait puissamment, en revanche, de quel secours ce prestigieux défenseur du catholicisme pouvait lui être pour compléter sa formation. Nous touchons ici un point, selon nous, essentiel pour comprendre la nature de leurs premières relations. On sait du reste combien la personnalité de Lamennais demeure encore difficile à définir, et que nombre des jugements portés sur lui d’un peu tous les bords manquent singulièrement d’aménité. Il semble bien, cependant, que ses liens avec d’Alzon manifestent à un degré rare trois des traits qui justifient son rayonnement et expliquent son action : une séduction faite de prestige intellectuel, de chaleur humaine et d’ouverture à autrui, un sens pédagogique hors du commun, et une hauteur de vues que bien peu d’esprits possédaient à cette époque, en France et dans l’Eglise. Cet homme accablé de besogne (nous sommes au moment où il tente d’organiser la Congrégation de Saint-Pierre) accueille à bras ouverts un jeune garçon qu’il connaît à peine, et accepte sans la moindre réticence de lui servir de mentor.
6La correspondance ainsi inaugurée fait grand honneur aux deux interlocuteurs. D’entrée de jeu, l’élève s’adresse au maître sur le ton qui convient, avec une déférente reconnaissance qui exclut l’excessive humilité comme la flagornerie. « Ce qui me manque peut-être, lui écrit-il le 2 janvier 1830, c’est un plan d’études qui me présente un ensemble complet, comme je me suis déjà tracé un plan de vie. Mais pour moi, l’un est bien plus facile que l’autre. Je connais ma position et je sais ce qu’elle peut me permettre, tandis que, sous le rapport des connaissances, je ne puis me faire qu’une idée très fautive de ce qui me reste à acquérir. C’est surtout dans la route de la science que l’on a besoin de prendre l’autorité pour guide9 ». Un moment, les choses faillirent prendre un tour plus précis encore. Le 21 janvier 1830, quand il s’imagine à Malestroît ou à la Chênaie, d’Alzon donne l’impression de révéler un projet très cher, et qu’il tient pour prochainement réalisable10. Il n’en fut rien, selon toute vraisemblance en raison de l’opposition paternelle. Mais nous avons gagné à ce refus des lettres de direction intellectuelle qui permettent de surprendre sur le vif le contenu et le style de la pédagogie mennaisienne. On y retrouve l’essentiel du programme proposé aux futurs membres de la Congrégation de Saint-Pierre, l’encouragement à apprendre l’allemand parce que cette langue constitue pour lors la première des « connaissances instrumentales », le conseil d’étudier l’histoire de la philosophie et l’histoire tout court, de pratiquer souvent les exercices de traduction qui forment le style.
7Désireux de ne rien négliger pour se rendre digne du service de l’Eglise, l’élève avait réclamé, nous l’avons vu, un plan d’études. Non content de satisfaire cette demande, Lamennais insiste sur les dispositions d’esprit qui doivent animer son « cher enfant », comme il le nomme, afin que le travail de celui-ci porte tout son fruit. « Ce qui fait la difficulté de tracer un plan d’études, souligne-t-il alors, c’est qu’il n’est ou ne doit être que le développement d’un système d’idées »11 ». On comprend dès lors qu’entre le maître et le disciple n’ait pas tardé à naître une véritable fraternité spirituelle ; à tant de disponibilité et de sagesse répond une confiance où l’affection a sa part. Le bon sens reconnaît volontiers que tout grand penseur a les disciples qu’il mérite. L’influence alors exercée par Lamennais sur ce jeune esprit promis à de si hautes destinées spirituelles représente un exemple privilégié de cette maxime commune. Elle paraît avoir été d’autant plus agissante et féconde qu’elle a su ne pas devenir envahissante ou exàgérément dominatrice12. En mai 1830, alors qu’il s’emploie à suivre scrupuleusement les prescriptions venues de la Chênaie, le jeune Emmanuel garde assez de liberté de jugement pour reconnaître à Joseph de Maistre « plus de portée qu’à l’abbé de la Mennais. Peut-être, continue-t-il, cela ne vient-il que du manque de science de l’illustre abbé, laquelle science surabonde dans le comte...13 ». Il suffit de jeter un coup d’œil sur les Soirées de Saint-Pétersbourg et les derniers volumes de l’Essai sur l’indifférence pour sentir la pertinence de cette remarque.
8Face au guide qu’il s’est choisi, d’Alzon ne se comporte nullement en vassal ; il sait, dans ce qui lui est offert, retenir ce qui lui convient le mieux pour réaliser sa propre personnalité. Après avoir refusé de parler d’élève ou de disciple, appellations qui lui paraissent à bon droit peu conformes à la réalité, Guy Dupré propose de voir dans le studieux étudiant de Lavagnac un dirigé de Lamennais14. A notre tour, nous contesterons ce terme, parce qu’il méconnaît à notre avis l’indépendance que cette vigoureuse intelligence a toujours été – sa correspondance le prouve – soucieuse de préserver. Profondément sensible aux mérites du prêtre et au charme de l’homme, Emmanuel n’a jamais adhéré sans réserve au système de pensée du maître, non plus qu’aux initiatives retentissantes dont celui-ci allait devenir l’inspirateur. Il paraît certes assez évident que les luttes menées par le d’Alzon de la maturité contre l’esprit laïc ou l’Université reprendront quelques-unes des constantes de la pensée mennaisienne de cette époque ; c’est pour l’avoir assidûment fréquentée dans sa jeunesse que le combattant sera si bien pénétré de l’importance comme de l’urgence de ces tâches qui l’occuperont toute sa vie. Mais la tactique sera différente parce que l’attitude initiale n’a pas été la même.
9On a lieu en effet de parler, pour le Lamennais de 1829, d’un primat de la politique. Beaucoup plus nettement que les Progrès de la Révolution, les deux Lettres à l’archevêque de Paris suggèrent une théorie du pouvoir civil proche des idées bientôt exposées dans l’Avenir. Sa correspondance de l’époque montre, d’autre part, combien l’auteur semble impatient de se mêler aux luttes civiques. Observateur perspicace de la montée du libéralisme dans l’opinion, sans illusion sur la décadence de la monarchie légitime, il voit le salut de la religion dans une liberté qui lui permettra de faire éclater toute sa force, et une puissance capable d’enfanter à elle seule une société nouvelle. Le bouleversement révolutionnaire devient ainsi la première condition de la régénération spirituelle. Le fondateur d’ordre qui mettait son espoir dans l’évangélisation des intelligences se prépare à être l’homme du forum, pour ne pas se dérober à ce qu’il considère comme l’appel de la Providence15.
10Combien plus mesurées, malgré son jeune âge, demeurent les réactions du studieux solitaire de Lavagnac ! En plein mois de juillet 1830, il relit son cher Bonald16 ; à la fin de juin, il a commandé les livres dont, depuis la Chênaie, on lui a conseillé la lecture. Bien que son père, député, soit directement concerné par la dissolution de la Chambre, il ne témoigne que peu d’intérêt à l’agitation pré-électorale, et tient le scrutin de Lodève pour une farce dans laquelle combinaisons et trafics occupent une place peu honorable, mais déterminante17. La victoire des insurgés parisiens lui inspire un jugement aussi sévère sur Louis-Philippe ou La Fayette que sur Charles X18.
11Pendant l’été 1830, l’affaire importante reste pour lui de pouvoir aller « un mois ou deux » travailler en Bretagne. L’arrivée de Lamennais à Paris l’empêche de donner suite à ce projet, et le contraint à demeurer chez lui. Mais l’Avenir parvient dans sa retraite. Rien ne dépeint mieux son état d’esprit que la mesure et le quasi-détachement avec lesquels il apprécie le nouveau journal. « Il a des articles assommants, écrit-il le 21 décembre 1830 à La Gournerie, (...) mais il en a d’autres qui ne sont pas dépourvus d’intérêt. Etes-vous bien sûr que (les rédacteurs) prennent pour argent comptant les éloges du National ?19 » Le cher Correspondant n’est pas beaucoup mieux traité du reste, car « il ne distingue pas assez les devoirs des catholiques de ceux des royalistes ». Au début de 1831, la critique se fait plus précise : « Je me dégoûte de l’Avenir » (9 janvier)20. « L’Avenir, à mes yeux, a raison pour le fond, sauf quelque chose, mais il a tort pour la forme » (27 janvier)21. Finalement, la sentence définitive tombe le 16 mai : « Ni l’Avenir ni le Correspondant ne me plaisent absolument. Je trouve l’un plus logique et l’autre plus généreux, l’un plus entraînant, l’autre plus habile dans la conduite de ses doctrines ; mais l’Avenir dit des sottises et des injures ; il veut trop être seul ; le Correspondant a un autre genre d’orgueil22 ». Ces propos prennent tout leur relief quand on sait que celui qui les tient est en train de pratiquer pour s’instruire le Catholique du baron d’Eckstein, au point d’en prendre une « indigestion23 »… Ce ne sera qu’après la suspension du journal, en novembre 1831, qu’il lui rendra justice. « Je ne comprends pas, écrit-il alors à d’Esgrigny, ce que vous entendez par la faiblesse de l’Avenir. Un journal qui excite autant d’enthousiasme chez ses partisans et de tels rugissements de la part de ses ennemis ne saurait être un journal faible. Il faut voir les missions données contre cette faiblesse, les visites domiciliaires dont elle a été le motif. L’Avenir a été exclusif sans doute, mais, dans sa position, s’il ne l’avait pas été, il n’aurait rien fait24 ».
12Aussi bien convient-il ici de nuancer. A l’occasion, d’Alzon n’a pas refusé de fournir quelque documentation à la publication dont son maître et ami s’était fait une tribune, quand il s’agit par exemple de relater un incident prouvant la dépendance de la justice par rapport au nouveau régime ou l’attachement de ses compatriotes languedociens à la religion catholique25. Mais la pente de son esprit l’entraîne ailleurs, et sa fidèlité mennaisienne se marque surtout, pendant cette période, dans le projet qu’il forme d’étudier les relations entre le dogme catholique et les progrès de l’esprit humain26. C’était l’un des apports les plus neufs du mouvement d’avoir emprunté à l’Allemand Lessing la notion de pédagogie surnaturelle, pour l’intégrer en France à la réflexion théologique. L’intérêt que d’Alzon manifeste, à son tour, pour une conception toute religieuse de la philosophie de l’histoire est en lui-même symptomatique. D’autant qu’il continue, d’autre part, de prêter peu d’attention à l’agitation qui ne désarme guère dans le pays.
13Nous sommes au moment où la vocation sacerdotale s’affirme en lui avec une croissante évidence. C’est par rapport à cet engagement décisif qu’il apprécie les événements dont il est témoin : devant cet absolu, tout le reste devient relatif et comme un peu mesquin. La différence est ici évidente avec Lamennais, dont l’ordination intervint dans des conditions encore mal connues mais certainement dramatiques, après une préparation bâclée ; le zèle de quelques « saints amis », comme les appelle Duine27, y avait eu plus de part que la volonté de l’intéressé lui-même, dont des témoignages poignants et précis, à commencer par la terrible lettre du 25 juin 1816 à son frère, disent assez l’état d’esprit. Dans les mêmes circonstances, Emmanuel d’Alzon connaîtra une joie dont ses confidences à divers correspondants ne nous laissent rien ignorer. C’est que cet acte solennel représentera pour lui la suprême consécration d’une décision depuis longtemps arrêtée, et que le P. Vailhé n’a sans doute pas tort d’associer au « plan général de vie » dont parlait la lettre adressée à la Chênaie le 12 janvier 183028. L’opposition est ici assez significative et profonde pour expliquer comment les deux vies ont fini par complètement diverger, après avoir paru si proches.
14Nous n’en sommes pas encore là au début de 1832 ; ce que les deux esprits sentent en eux de commun maintient entre eux de très puissants liens. Le mercredi 14 mars 1832, le jour même où il quitte le château familial pour le séminaire de Montpellier, d’Alzon confie au seul Lamennais sa résolution29. Aussi bien continue-t-il de concevoir comme lui le service intellectuel de l’Eglise. Si la famille d’Emmanuel s’est opposée à ce qu’il aille poursuivre ses études ecclésiastiques à Rome parce qu’il aurait risqué d’y retrouver son maître d’élection, l’expérience montpelliéraine a tôt fait de le convaincre du très médiocre état de l’enseignement religieux en France, et du bien-fondé des critiques formulées à son endroit : l’inconsistance de la théologie officielle, les insuffisances du corps professoral sont évoquées par lui sans le moindre détour. Pour y remédier, il lit, non sans du reste la critiquer à l’occasion, la Revue européenne où nombre d’idées mennaisiennes ont trouvé refuge30. On le voit de même abonner l’un de ses amis aux conférences de Gerbet sur la philosophie de l’histoire31. Plus profondément, il corrige une. fois de plus ses jugements sur l’Avenir en constatant le vide que le journal a laissé32. Depuis sa disparition, nul ne se soucie dans la presse de défendre le catholicisme pour lui-même ; on ne s’intéresse à la religion que pour servir la cause d’un parti.
15A l’occasion des troubles de Lyon, le futur séminariste avait noté que « la conduite des ouvriers à l’égard du clergé, opposée à la conduite des autorités et des troupes de la même ville, prouvait que la religion avait encore de fortes racines dans les classes pauvres33 ». La remarque est à rapprocher de l’importance attachée par Lamennais lui-même à la révolte des canuts, dont il souligne au début des Affaires de Rome le caractère exemplaire. En janvier 1832, d’Alzon tirait de l’événement des considérations des lesquelles les rédacteurs de l’Avenir auraient pu à bon droit reconnaître l’une de leurs idées maîtresses : « Et voilà ce qui me désespère, parce que le clergé ne comprend pas que c’est par les pauvres qu’il peut reprendre son influence, en consentant à devenir pauvre lui-même ». Il convient toutefois de noter que, dans ces regrets tempérés d’espoir, le zèle sacerdotal conserve la meilleure part.
16Lors de ses différends de cette époque avec Rome, Lamennais apparaît volontiers comme un réformateur déçu par l’incompréhension à laquelle il se heurte. Le long mémoire inséré dans les Affaires de Rome, sous le titre Des maux de l’Eglise et de la société et des moyens d’y remédier, constitue de ce point de vue le meilleur résumé de sa pensée. L’attitude de d’Alzon est sensiblement différente. La conviction qui l’anime, la question qu’il ne cesse de se poser sont assez bien exprimées dans ces lignes que nous empruntons à une lettre du 11 août 1832 : « Il m’est de plus en plus évident qu’il y a encore dans le catholicisme assez de force, assez d’énergie pour renouveler la France et l’Europe à force d’amour. Mais qui sera capable de porter cet amour parmi les hommes ? (...) Si (le monde) ne se renouvelle pas, la faute en sera aux catholiques qui seront moins bons que leur doctrine. On frémit, en pensant à la responsabilité de tout homme qui peut dire : « J’ai la foi34 ». Lamennais aurait sans doute pu se reconnaître dans ce grave avertissement, mais celui-ci est assorti, chez le jeune séminariste, d’une confiance inébranlable dans les destinées de l’Eglise qu’il s’apprête à servir. En septembre 1832 par exemple, les pittoresques débats dont le procès des saint-simoniens avait fourni l’occasion avaient, entre autres, mis en évidence la piètre qualité morale du barreau parisien. A quoi bon prendre prétexte de cette révélation pour désespérer de tout ? « Le monde est gâté, écrit d’Alzon ; il l’était bien davantage quand les apôtres entreprirent sa conquête, et pourtant ils en vinrent à bout. Plus j’envisage la position que la Providence semble m’avoir assigner, plus, je l’avouerai, elle me paraît belle. Cette lutte que je dois livrer au monde, cette régénération au succès de laquelle je dois concourir, toute cela me paraît sublime ; car, il faut bien le dire, je nourris au fond de mon âme une grande espérance, que de grands développements vont être accordés et que les lumières de la vérité croîtront en proportion des ténèbres que l’erreur répand tous les jours. Ce sera comme un grand combat du jour avec la nuit35 ». On est certes fondé à retrouver ici quelque écho des célèbres articles publiés par Lamennais dans l’Avenir à la fin de juin 1831, respectivement intitulés De l’Avenir de la société et Ce que sera le catholicisme dans la société nouvelle ; mais alors que le journaliste s’était exprimé en prophète, le séminariste parle d’abord en futur prêtre, en lévite tout brûlant de zèle qui définit peu après son idéal de vie en ces termes : « Tout jeune homme doit marcher avec son siècle. S’il est catholique, il doit le précéder (...). Plus j’y songe, plus je suis émerveillé du rôle magnifique que nous sommes amenés à remplir. La vérité a, pour ainsi dire, un second empire à fonder, et nous sommes ses soldats36 ».
17Ces dispositions expliquent que d’Alzon, au contraire de tant d’autres fidèles du maître, n’ait apparemment témoigné d’aucun trouble quand il eut connaissance de l’encyclique Mirari vos. Il juge qu’elle a produit à Montpellier « un assez bon effet », en provoquant de la part des principaux intéressés une déclaration de soumission « extrêmement salutaire, selon lui, aux amis de l’Avenir 37». Vue du Languedoc, l’affaire paraît ainsi terminée, et le disciple approuve hautement l’attitude observée par Lamennais au long de son déroulement. Il y avait quelque mérite car, à son propre témoignage, il était devenu lui-même suspect au séminaire du fait de ses relations avec le prêtre dont Rome venait de condamner les idées38. Pour celui-ci, son intérêt comme son amitié demeurent intacts ; ils semblent même bientôt croître, en raison des tracasseries dont Lamennais ne tarde pas à devenir la victime. Toujours plus conscient de l’insuffisance des cours qu’on lui inflige, d’Alzon demande de nouveau, en juillet 1833, au grand homme directives et conseils : « Il me semble qu’au temps où nous vivons, deux choses plus que jamais sont nécessaires au prêtre, l’esprit de sacrifice et la science. L’esprit de sacrifice, Dieu le donne à ceux qui le lui demandent. La science, au contraire, s’acquiert, et c’est pour l’acquérir que je sens le besoin de sortir de mon Séminaire. Veuillez, Monsieur l’abbé, m’apprendre où je la trouverai plus facilement39 ». Quand il a pris la décision de se rendre à Rome, c’est à la Chênaie qu’il écrit pour solliciter des lettres de recommandation ; il assortit sa demande de considérations prouvant que, malgré la récente encyclique, le prestige intellectuel de son illustre ami demeurait pour lui absolument intact : « Je ne puis comprendre que le jeune clergé puisse prendre la moindre influence sur la société, lorsque l’on fait tout ce que l’on peut pour l’en séparer (...). Vous (...) qui vous êtes si longtemps occupé de l’éducation universitaire, ne pourriez-vous rien pour préparer un renouvellement dans l’éducation des Séminaires ?40 ».
18A Rome même, où il arrive en novembre 1833, d’Alzon allait vivre ce que le P. Vailhé nomme sa crise mennaisienne. Nous serions tenté de corriger cette expression dans la mesure où, comme nous venons de le rappeler l’attachement à l’Eglise dominait déjà trop évidemment sa vie et sa pensée pour qu’aucun lien humain – si puissant fût-il – risquât de le mettre en question. Nous préférerions dire que, de l’affaire terminée par la publication de Singulari nos, le nouvel arrivant fut un observateur attentif et lucide, dont l’évidente sympathie allait à l’accusé, mais dont la fidèlité aux décisions de l’autorité ecclésiastique ne s’est jamais sérieusement démentie.
19Pour essayer de démêler tant d’intrigues embrouillées et encore fort mal connues, sa correspondance demeure un secours incomparable. C’est d’abord à elle que l’on doit de connaître l’atmosphère dans laquelle les événements se sont déroulés. Peu avant son départ, en octobre 1833, il dit à La Gournerie sa confiance que Lamennais, en écrivant le 4 août au pape pour lui demander le texte d’une formule de rétractation convenable, a, par cette démarche, « mis ses ennemis à ses pieds. Tout ce qu’ils pourront faire, ce sera de lui mordre les talons41 ». Au premier rang d’entre eux se distinguent les Jésuites. D’ Alzon ne les apprécie guère, à commencer par le P. Rozaven ; il a voué une durable antipathie à ce théologien préoccupé, dans un livre de circonstance, d’interdire à la multitude l’exercice de la souveraineté politique42. Mais il juge tout aussi sévèrement les autres Jésuites romains, tant pour l’outrance de leurs attaques contre Lamennais que pour les « préventions incroyables43 » qu’ils affichent contre tout ce qui vient de France, et le mépris qu’ils témoignent aux évêques et au clergé. Cependant, bien que détestés en tout lieu, ils demeurent très puissants et jouent dans l’examen de la cause mannaisienne un rôle important. Cette véhémence assez inattendue ne doit pas du reste prêter à confusion. Le jeune Français, qui se garde de condamner la Compagnie de Jésus elle-même, vit volontairement isolé dans un couvent de religieux Minimes et se borne à rapporter ce qu’il découvre ou ce qu’il entend. Manifestement décontenancé par l’atmosphère romaine mais excellent observateur, il parle d’abord des Jésuites parce que ce sont autour de lui les plus remuants.
20Il ne tarde pas non plus à mettre l’accent sur une circonstance de grande importance : la concomitance entre les révolutions italiennes et celles de Pologne et de Belgique, en faveur desquelles l’Avenir avait pris parti si hautement. Surtout, l’extrême attention prêtée par les autorités locales aux affaires françaises l’amène à réfléchir lui-même à la situation dans laquelle il a laissé le clergé de son pays. Il sait que, souvent, le pouvoir épiscopal exercé sans retenue y provoque le mécontentement des curés, et il craint que ce corps divisé ne soit promis à de graves luttes intestines44. Mais ces menaces grandissent encore la position de Lamennais à ses yeux. Simple prêtre subissant tout naturellement « les suites des désordres qu’il veut détruire45 », il bénéficie d’une indépendance qui confère à sa parole un surcroît d’autorité. Or l’élan qu’il cherche à susciter va de toute évidence dans le bon sens, celui de l’effort intellectuel et du dénuement. A mesure que d’Alzon connaît mieux Rome, il y découvre, selon ses propres termes, « des choses qui font dresser les cheveux sur la tête. Il est temps et grand temps, écrit-il en décembre 1833, de revenir à ce que les hommes du siècle demandent pour dernière preuve de la vérité, plus de conséquence entre la conduite et les principes46 ». A tout prendre, les choses lui paraissent aller moins mal dans sa patrie, et il se rallie à l’idée de la mission de la France que l’école mennaisienne avait empruntée à Joseph de Maistre : « Mon ami, écrit-il à d’Esgrigny, notre mission est grande et nous pouvons croire que Dieu veut que nous soyons placés comme un flambeau pour instruire le monde (...) Il est bon de voir (notre pays) de loin et de considérer son action sur ce qui n’est pas (lui). Cette action est immense, et tout le monde la subit, les uns en murmurant, les autres avec crainte (...). L’abbé de la Mennais fait ici plus parler de lui qu’en France47 ».
21De ce fait, son action prend aux yeux d’Emmanuel une dimension et une opportunité nouvelles. Introduit par les chaudes recommandations venues de la Chênaie auprès du Père Ventura, du Père Olivieri et du cardinal Micara dont il ne tarde pas à goûter la science théologique et la liberté d’esprit, d’Alzon découvre que, lors de la préparation de Mirari vos, les questions dogmatiques n’ont pas été seules en cause, et que certains intérêt temporels ont sans doute influencé la décision du Magistère. Fort de ces confidences, il exprime à son tour à son père, dès le 11 janvier 1834, sa conviction que « l’abbé Féli est une victime de la politique ». Il insiste encore le 17 mars sur ce point capital : « Le cardinal Micara, qui a causé avec beaucoup de bonté avec moi, m’a dit des choses incroyables et qui mettent la conscience parfaitement en sûreté, malgré les soupçons que d’autres personnes peuvent chercher à donner sur ce point48 ».
22Les réactions de la Curie devant l’évolution de la situation en Belgique confirment ces assurances. D’ Alzon, qui ne s’était guère préoccupé de la question jusqu’alors, constate la satisfaction que les cardinaux en témoignent49. Comment condamner, dans ces conditions, le prêtre dont les écrits et l’action ont si évidemment inspiré les catholiques belges ? Selon Ventura, « le germe du développement nouveau (dont la religion a besoin) se trouve dans les paroles des rédacteurs de l’Avenir », et c’est à eux, pense Olivieri, qu’appartient le futur. Simplement, « l’effet produit par (le journal) a été celui d’un tremblement de terre qui renverse quelques masures bâties avec les débris d’un ancien temple ». Pour relever celui-ci, il faut du temps et du calme. C’est pourquoi Micara conseille à l’abbé de ne pas revenir sur les points abordés dans l’encylique, mais d’attaquer sans tarder sur d’autres fronts : les incessants assauts que la religion doit subir font à tout chrétien l’obligation de devenir soldat, à plus forte raison « à ceux qui ont reçu de la Providence des talents extraordinaires50 ».
23Mais peut-être les biographes n’ont-ils pas assez pris garde à l’attention que, d’Italie, d’Alzon continue de porte à ce qui se passe dans son pays. La réunion à Rome de plusieurs légitimistes de haut rang à l’occasion de la Semaine sainte lui permet par exemple de mesurer la confusion qui règne dans ce parti51, auquel sa famille tenait par tant de liens et dont la puissance avait été longtemps considérée par l’Eglise comme un rempart. Mais le durcissement du pouvoir orléaniste que provoquent les troubles civils ne lui inspire pas davantage confiance. Il note (le 7 mai 1834) que « prendre des mesures d’exception, faire des lois d’oppression, travailler au rétablissement des privilèges est, politiquement parlant, une fameuse absurdité (…), dont le fruit sera le renversement plus ou moins prompt de la digue qui veut barrer le passage au siècle ». Un tel « système de vexation » ne peut que hâter l’épanouissement du besoin de « justice générale » ressenti par la jeunesse ; déçue par l’organisation sociale que le gouvernement s’emploie à maintenir, celle-ci se tournera vers la subversion. L’analyse s’enrichit à l’occasion de graves réflexions qui surprennent de la part de ce jeune séminariste, peu enclin jusqu’alors à observer la lutte des partis : « Si Dieu a donné à la jeunesse de cette époque une puissance étonnante de corruption, il lui a donné des passions fortes qui viennent alimenter les troubles politiques ». La sagesse consiste dès lors à bien voir que seul le catholicisme est en état d’offrir à ces intelligences ardentes, mais déçues, la réponse aux questions qu’à bon droit elles se posent.
24C’est, croyons-nous, cette commune analyse de la situation qui permet à Lamennais et à d’Alzon de demeurer très proches : en ce printemps 1834, tous deux semblent également persuadés que le dogme – tel qu’ils l’entendent – propose le seul véritable remède au trouble des esprits et, par là, aux maux qui rongent le corps social. Ainsi s’expliquent les hardiesses, d’accent tout mennaisien, que se permet le lévite si sincèrement soumis, par ailleurs, à l’autorité romaine : « Des prêtres pourront séparément concourir à cette œuvre divine, le clergé en corps, jamais. Il s’est laissé imposer tant d’entraves, il s’en est fait lui-même un si grand nombre, que je crois impossible qu’il puisse les rompre lui-même. Les prêtres, donc, qui ne portent pas le joug et qui marchent le front haut doivent moins travailler à former des apôtres parmi leurs confrères que parmi les simples catholiques. Autrefois, le clergé affranchit la société païenne ; aujourd’hui, c’est à une société catholique à affranchir le clergé qui se paganise52 ».
25Se référant à l’ Avenir sans le citer, le même passage rappelle le retentissement récent des propos qui avaient associé la religion et la liberté. C’est cette liberté qui constitue le fondement de l’ordre véritable. Mais, d’Alzon en est persuadé comme Lamennais, elle ne saurait manquer de ramener vers l’Evangile les esprits qu’elle aura affranchis. Si la question religieuse doit être présentée sous sa forme sociale, c’est parce que la société moderne n’a d’autre choix qu’entre la vérité catholique, délivrée des servitudes temporelles qui la défigurent, ou la mort. Il serait aisé de recueillir dans les textes de cette époque nombre de fragments établissant qu’en toute paix de conscience, Emmanuel d’Alzon se montre alors le typique représentant de ce qu’on pourrait nommer l’oecuménisme mennaisien et qui se définirait à peu près ainsi : la certitude que les implications intellectuelles, mais surtout politiques et sociales de la Révélation apportent la seule réponse satisfaisante aux questions que se pose l’humanité et aux maux dont elle souffre, en ce temps si fertile en révolutions.
26La publication des Paroles d’un croyant devait évidemment rompre cet accord, au terme d’une évolution dont il convient de noter soigneusement les étapes. Informé du scandale provoqué par l’ouvrage et des anathèmes dont celui-ci était l’objet, d’Alzon manifeste d’abord une curiosité dans laquelle la sympathie a sa place. Soucieux de juger sur pièces, il demande, le 15 mai 1834, qu’on lui envoie le livre après avoir pris soin d’en couper les pages afin de tromper les douaniers... Dès qu’il a pu prendre connaissance de quelques extraits, s’il constate (20 mai) que l’auteur « brise bien des vitres », il se hâte d’ajouter : « Est-ce un mal ? C’est ce que je ne puis dire, car il faut que ces questions se décident. Or, elles ne peuvent se décider que par quelque coup violent53 ». Dans les lettres à sa famille, il n’est pas loin de considérer cette œuvre controversée comme un utile révélateur, dont le seul tort serait d’attaquer le pouvoir en général et de ne s’en prendre qu’aux rois. « Aujourd’hui même, note-t-il le 14 juin, si les peuples voulaient bien le règne de Dieu, les gouvernements sont-ils assez forts pour le leur refuser ?54 ». Mais, quant au fond des choses, il est trop persuadé que l’ensemble des monarchies européennes se trouve en état de crise pour ne pas admettre les critiques mennaisiennes.
27L’affaire ne tardait pas, cependant, à prendre un tour dramatique, et sa correspondance établit qu’il fut l’un des témoins les mieux informés et les plus perspicaces de ces événements. Il note les instructions données à la police pour saisir de « produit de l’Enfer » venu de Paris, comme disait Metternich, et aussi la médiocre efficacité de ces prescriptions. Il nous aide à mesurer l’embarras de l’autorité ecclésiastique, pour laquelle ce nouveau souci s’ajoutait à beaucoup d’autres, la prudence des Jésuites, partisans d’une simple mise à l’index, ou de l’ambassadeur de France, qui recommandait d’abord de ne rien faire. Ses lettres nous permettent surtout de constater l’autorité que revêtait l’invective mennaisienne, à ce moment où, sous la pression de difficultés qu’elle n’avait su ni prévoir ni maîtriser, la cour de Rome était en plein désarroi. La réaction du Père Olivieri (devenu entre temps général des Dominicains) est de ce point de vue tout à fait significative. Les Paroles d’un croyant représentent pour lui une « terrible prophétie », d’autant plus redoutable que tout ce que l’auteur avait prédit jusqu’alors s’était accompli55. Si mal connu qu’il demeure dans le détail, le texte de l’ouvrage prend un relief extraordinaire du fait des circonstances dans lesquelles les Romains le découvrent. « Le Vésuve, écrit d’Alzon le 24 juin, n’est pas le seul volcan qui bouillonne à Naples, et les bords du lac Majeur ne seront pas toujours tranquilles56 ». Il ne partage guère, pour sa part, l’appréhension ou la colère de ceux qu’il fréquente. Après une première lecture rapide, il juge que le livre est habile, et que d’opportunes restrictions y tempèrent les plus violentes diatribes. Peu éloigné d’en approuver, en gros, le contenu, il maintient toute sa confiance à l’auteur.
28L’apparition de Singulari nos vint évidemment bouleverser ce fragile équilibre. La lettre à Lamennais du 1er juillet 1834 montre l’émotion qui s’est alors emparée de son rédacteur, et toute la douleur qu’il partage avec les amis romains du maître57. Tous sont d’accord pour recommander à celui-ci de garder le silence. Mais très vite de nouveaux éléments interviennent, qui semblent autoriser à reconsidérer la situation. « La pauvre bête est traquée d’une rude manière, lit-on dans une lettre du 14 juillet 1834 à Eleuthère Reboul. Cependant, je ne pense pas qu’on parvienne à la forcer : elle est encore dans une position superbe. Tout le mal qui peut lui être fait ne viendra que d’elle-même58 ». C’est qu’à Rome plusieurs voix n’avaient pas tardé à s’élever pour mettre en cause la portée de la condamnation décidée par Grégoire XVI. On y a fait souvent allusion, notamment à la formule expéditive du Père Olivieri : « C’est Caïphe qui prophétise sans le savoir. Le blâme, à mon avis, s’applique plus aux ennemis de Monsieur de la Mennais qu’à lui-même59 ».
29Il nous paraît plus intéressant d’étudier l’attitude personnelle de d’Alzon dans la mesure où elle traduit un effort immense pour concilier l’obéissance avec la fidèlité à la grande pensée mennaisienne de réconciliation entre catholicisme et monde moderne. Certains de ses propos laissent pressentir le combat qui se livre alors en lui, celui-ci par exemple du 28 juillet 1834 : « Le Saint-Esprit, dans l’encyclique, a devancé, si je puis le dire, le temps et la marche de la révolution. Il a vu jusqu’où devaient aller les flots de l’esprit humain, poussés par les vents qui soufflent aujourd’hui (...). Il a prononcé une seconde fois : Hic usque venies, et ces paroles, à mon gré, auront un double effet : le premier, d’apprendre aux catholiques à se défier d’un faux mouvement ; le second, de purger le mouvement régénérateur de toute force illégitime pour ne lui laisser que sa force réelle, celle de vérité60 ». Cette confidence est d’autant plus remarquable que son auteur garde les yeux bien ouverts sur les circonstances très particulières dans lesquelles avait été préparé le texte de l’encylique, et les raisons fort peu canoniques qui en avaient hâté la rédaction. Bon nombre de lettres, à commencer par celle du 19 juillet qui montre le Saint-Esprit aux ordres des « Puissances du Nord », ne laissent subsister aucun doute sur ce point61.
30Il est à l’honneur du futur prêtre d’avoir su dépasser la légitime indignation que de telles pratiques lui inspiraient, pour placer la discussion dans une perspective rigoureusement théologique. Il affirme à peu près au même moment, éprouver de la « délectation » à se plonger, « pour la septième ou huitième fois » dans les Soirées de Saint-Pétersbourg62 ; peut-être cette méditation sur le gouvernement temporel de la Providence l’a-t-elle aidé dans la minutieuse exégèse qu’il entreprend des Paroles d’un croyant. Il découvre que ce livre qui le bouleverse exagère un principe très vrai, et dont il est depuis longtemps persuadé : « L’homme est une créature trop noble pour obéir à un autre qu’à Dieu ». C’est seulement en s’appuyant sur la religion que la liberté prend son sens et parvient à se garder d’elle-même. Paradoxalement, la réflexion sur Singulari nos ramène d’Alzon à l’une des idées fondamentales de l’Avenir, formulée par Lamennais dès décembre 1829 dans une lettre à la comtesse de Senfft : « On tremble devant le libéralisme : eh bien, catholicisez-le et la société renaîtra63 ». Le 1er août 1834, une lettre d’Emmanuel à sa sœur reproduit, en termes plus mesurés, l’essentiel de cette injonction : « Les libéraux sont chargés, je crois, d’une (...) œuvre de destruction pour le passé et le présent, (...) de régénération pour l’avenir (...). La mission du prêtre est de s’emparer de ce mouvement et de le diriger64 ». En cet instant précis au contraire, dans l’article intitulé De l’absolutisme et de la liberté que publie la Revue des deux mondes, le « Croyant » accélère le mouvement qui le conduira bientôt vers un apostolat tout laïc et le service passionné de la démocratie. C’est ainsi que se trace la frontière qui les séparera désormais.
31Dans la réalité quotidienne, cependant, les choses sont moins tranchées ; on ne rompt pas sur le champ un si long et si intime attachement ; la brutalité des appréciations contenues dans l’encyclique amène d’Alzon à réfléchir sur les vraies motivations de ceux qui les ont inspirées. Sa correspondance présente un tableau évocateur, mais peu flatté, de l’atmosphère romaine, souligne l’opposition entre la Rome théologique, dans laquelle Lamennais compte quelques-uns de ses meilleurs alliés, et la Rome administrative, celle qui l’a censuré entre deux intrigues inspirées par l’ambition ou la politique65. A l’occasion, sa pensée se concentre sur la valeur qu’il convient de reconnaître à la philosophie mennaisienne et à « la preuve de l’existence de Dieu prise du témoignage universel ». Mais la discussion demeure ici assez pauvre, et ne sert guère qu’à illustrer la médiocre préparation scientifique dont le texte pontifical avait été l’objet et la faiblesse de la pensée théologique à l’époque.
32Aussi bien l’essentiel est-il ailleurs, et ce ne sont là que combats d’arrière-garde. Au terme de l’une des plus longues lettres de cette époque (qui ne semble pas du reste avoir été envoyée) apparaît la formule que les biographes du Père ont à bon droit distinguée parce qu’elle livre le sens de toute sa vie : « Pour mon compte j’étudie tous les jours et je me confirme dans quelques maximes dont mon voyage me fait comprendre l’importance. La première, c’est qu’il faut toujours travailler pour Rome, quelquefois sans Rome, mais jamais contre Rome66 ». Ces lignes sont du 23 août. Le lendemain 24, les « exagérations de Monsieur de la Mennais » sont sévèrement prises à partie, et réputées opposées à l’esprit de vérité. Il est sans doute peu d’exemples, du moins à cette époque, de soumission aussi évidemment inspirée par le devoir d’obéissance. Car, dans le moment même où il en formule l’émouvante expression, d’Alzon multiplie ailleurs les exemples de nature à prouver que la doctrine définie dans Mirari vos, et si catégoriquement rappelée dans la seconde encyclique, ne garantit nullement, tant s’en faut, l’emprise de la religion sur la société. Les pays où le catholicisme prospère avec le plus d’éclat, c’est-à-dire les Etats-Unis, la Belgique, l’Irlande, lui paraissent à bon droit ceux où la liberté de la presse existe, où les fidèles sont libres de se liguer contre le pouvoir et ne se privent pas de le malmener à l’occasion67. Et les principes d’O’Connell ressemblent fort à ceux de Lamennais... Ainsi s’explique une autre célèbre formule de ce temps, où se devine le trouble dont l’auteur ne parvient pas à se défaire : « Je me suis soumis, mais en rugissant68 ».
33Le pas, cependant, est franchi : « Lorsque le calme se fait, on se trouve plus faible, plus brisé, plus souple, plus sous la main de Dieu ; et c’est ce qu’il faut » (24 août 1834)69. Mais le choc a été rude, comme le souligne cette confidence du lendemain à son père : « Je crois que, de toutes les douleurs, la plus grande qui puisse s’emparer d’un cœur qui aime l’Eglise, c’est de voir ses intérêts compromis par ceux qui devraient la défendre70 ». Si du reste l’allégeance est rompue envers le maître, si la confiance dans sa direction n’est plus de mise, les idées qu’il avait naguère défendues, l’attitude qu’il avait définie constituent toujours pour d’Alzon de devoir de l’heure. En août 1834, le spectacle de ce qui se passe en Romagne, où seule l’armée autrichienne maintient la souveraineté pontificale, lui inspire ce commentaire : « Sans doute, l’abbé de la Mennais a de grands torts, mais je ne sais si je voudrais avoir raison comme quelques-uns de ses adversaires71 ». Plus d’une fois, le malaise politique ramène sa pensée vers le condamné : « Pourquoi donc, dans un temps comme celui-ci, lorsque la barque de Pierre semble exiger que tous les matelots soient à la manœuvre pour prévenir les suites de la tempête, le pilote repousse-t-il un de ceux qui, jusqu’à présent, s’était montré des plus intrépides contre les flots ? » (28 octobre 1834)72. On a lieu de le croire profondément attristé par les nouvelles qu’il reçoit de France où, selon Bonnetty, on fait de l’homme et de son œuvre « une hécatombe que l’on regarde comme devant être agréable à Dieu73 ».
34Désespéré de l’obstination mise par Lamennais à refuser toute réconciliation avec la hiérarchie, il continue de réfléchir sur l’exacte portée de la seconde encyclique avec ses amis romains, et imagine une interprétation susceptible d’accorder la philosophie du sens commun avec le dogme. Surtout, à la veille de commencer la retraite précédant son ordination, il éprouve encore le besoin de justifier cette décision auprès de l’auteur des Paroles, par une longue lettre au terme de laquelle il lui demande ses prières particulières74. Et, devant son ami d’Esgrigny, c’est avec des accents tout mennaisiens qu’il évoque son prochain sacerdoce : « Le prêtre qui, s’élevant au-dessus des passions et des intrigues du jour, comprenant la nécessité du développement de la liberté, ne s’opposerait pas à l’action des peuples, mais la purifierait en jetant sans cesse dans les masses les grands principes d’ordre, de justice, de charité, me paraît semblable à ces intelligences bienfaisantes, chargées de présider au développement du monde extérieur, planant sur la création et versant sans cesse sur elle de nouveaux germes, de nouveaux principes d’existence. Considérée ainsi, la place du prêtre me paraît au-dessus de tout ce que l’on peut concevoir ici-bas75 ».
35On a même parfois le sentiment que, comme inquiet de cette fidélité, il ne perd pas une occasion de se rassurer. On le voit reprendre longuement les Paroles, et, fort de l’avis du Père Olivieri et du cardinal Micara, souligner la complexité des problèmes théologiques que pose l’ouvrage, et dont en France on ne se souciait guère. Bien loin de les effacer, l’ordination du 26 décembre 1834 semble donner une force nouvelle à ces préoccupations. Il avait dû, comme on sait, et le détail en dit long sur la surveillance dont il avait été l’objet, signer une déclaration de soumission à l’encyclique pour devenir prêtre. Ce qu’il nous laisse entrevoir de ses sentiments dans sa correspondance, montre qu’il a pu souscrire à cette obligation sans la moindre réserve. C’est pourtant peu après cet engagement qu’il tient à sa sœur, le 17 janvier 1835, les propos les plus catégoriques sur cette délicate affaire : « Je ne dis pas que l’abbé soit exempt de tout reproche ; je dis que Monsieur de la Mennais n’est pas condamné d’une manière positive, et ceux qui diront le contraire sont des gens qui n’entendent pas un mot aux précédures romaines (...). J’ai tâché de me soumettre avec la simplicité d’un enfant ; j’ai ensuite essayé de prendre les paroles de l’encyclique dans le sens qui me paraissait le plus naturel. J’ai bien vu qu’elles blâmaient quelque chose, mais que ce quelque chose n’était pas grand’chose76 ». La rigueur de son caractère, et l’intransigeance de sa foi, invitent à voir dans ces lignes l’expression d’une intime conviction.
36Elle ne devait pas rester sans conséquence. On imagine, bien qu’il en dise peu de chose, qu’il a ressenti vivement les vexations infligées au Père Olivieri, contraint de donner sa démission du généralat des Dominicains. L’atmosphère romaine, d’autre part, lui devient de plus en plus pesante, et il continue de porter sur elle des jugements sévères : « La prélature est (ici) un négoce (...). Vous ne sauriez croire de combien d’horreurs j’ai été le témoin77 » (28 mai 1835). Mais ce spectacle le confirme dans sa conviction que « le christianisme doit se séparer des partis, quels qu’ils soient, pour les dominer tous et agir sur tous en répandant dans la société les germes si souvent étouffés de justice, d’ordre et de charité ». De cette charité, il n’y a guère trace dans la fureur anti-mennaisienne qui sévit à Rome, où l’on ne craint pas de répandre, contre le malheureux auteur des Paroles, telle brochure calomnieuse78. L’apaisement se fait cependant. D’Alzon a décidé de devenir prêtre au moment, à peu près, où Lamennais choisissait de quitter le service de l’Eglise. Cette simple constatation suffit pour définir leur attitude respective, et ce que pouvaient devenir les liens qui continueraient de les unir. A mesure que le temps passe, le premier nommé semble de plus en plus persuadé que l’aventure mennaisienne appartient au passé, que mieux vaut donc en tirer les enseignements que d’en contester vainement la conclusion. « Avant tout, écrit-il à la fin de janvier 1835, il faut élever la religion au-dessus des petites intrigues des rois et de la fureur des peuples79 », et plus nettement encore le 28 mars : « Tout en partageant encore sur une foule de points les idées de Monsieur de la Mennais, je m’en sépare positivement sur la politique80 ». Le grand homme avait raison d’annoncer que « la politique de l’Europe tournait à la république », mais il a eu trop peu confiance dans les forces surnaturelles que l’Eglise recèle. Le nouveau prêtre était, on l’a vu, grand lecteur des Soirées de Saint-Pétersbourg et on a le sentiment qu’il reproche en définitive à son ancien maître de n’avoir pas eu assez foi dans la Providence.
37L’exemple du cardinal Micara semble avoir joué ici un rôle important. La correspondance de d’Alzon évoque souvent la figure de ce grand prélat, dont le savoir, la simplicité, et aussi l’indifférence aux intrigues faisaient une profonde impression sur son visiteur. Le sort infligé à Lamennais, dont les idées avaient éveillé sa sympathie, le touchait personnellement. Mais ses commentaires semblent avoir été, chez son jeune ami, la cause du définitif apaisement. « Jamais, disait Micara en se fondant sur l’exemple de l’apôtre Paul, l’Eglise ne parle contre les abus du pouvoir (...). Pourquoi ne pas laisser la politique de côté, pour ne s’occuper que du salut des hommes ?81 » La leçon a été entendue. Le nouveau prêtre retourne dans son pays décidé à « tout amener sur le terrain de la religion, en ôtant aux questions du jour tout ce qu’elles ont d’irritant, de personnel82 ».
38En tout cas la sérénité que sa soumission lui valut ne semble plus avoir été durablement troublée. Persuadé d’avoir opéré le juste choix, d’Alzon est bientôt capable de porter sur l’ensemble de l’affaire mennaisienne le jugement de l’histoire ; un brouillon de lettre d’avril 1835 se présente comme une mise au point qui, par la mesure du ton et la qualité de l’information, fait honneur à son auteur. Sa conclusion devance la nôtre. Lamennais a d’abord été la victime des intrigues ourdies contre lui83. Cette conviction, et la force de leur ancienne amitié, expliquent le pressant intérêt qu’il continue de lui porter alors même qu’on l’a averti que le démocrate n’avait plus la foi. « Je lui suis dévoué au-delà de tout ce que je puis dire, écrit-il en mai 1835, et l’incertitude sur sa foi est une chose affreuse84 ». Il va jusqu’à éprouver un scrupule de conscience d’avoir pu contribuer à l’aigrir contré Rome par d’imprudentes confidences85. Mais, pour ce qui est du fond des choses, l’opposition demeure totale, et irréductible. Un autre texte de mai 1835 la formule avec beaucoup de clarté : « Combien j’ai souffert en voyant de loin la nouvelle conduite que s’est tracée celui que nous étions si fiers d’appeler notre maître ! (...) Prévoyant l’immense influence que la politique obtenait chaque jour sur la religion, il a voulu se faire de la politique une arme pour pousser le siècle à un mouvement religieux. Pour cela, il lui a fallu changer entièrement son ancien plan de campagne. Mais le nouveau qu’il a adopté est-il meilleur ? Il me paraît beaucoup trop humain pour se conformer à cette folie de la croix, par laquelle le christianisme a conquis le monde86 ».
39Homme d’action par excellence, d’Alzon n’oubliera jamais la ferveur mennaisienne de sa jeunesse. Fondateur à Nîmes, en mars 1848, d’un journal intitulé La liberté pour tous, il en résume le programme par une référence implicite à L’Avenir : « Deux choses sont faites pour s’unir, la religion et la liberté, Dieu et le peuple ». Dans certains des sermons qu’il prononcera sous le Second Empire, le souvenir de Lamennais se fera assez précis pour inquiéter et le préfet du Gard et le procureur général87. Mais l’unité et la grande passion de sa vie se trouvent ailleurs, dans le service et la fidèlité à l’Eglise que son premier maître avait choisi d’abandonner.
Notes de bas de page
1 Lettres du P. Emmanual d’Alzon, Paris, 1923,t. I, p. 8.
2 Ibid., ?. 9.
3 Ibid., p. 12, note 1.
4 Ibid., p. 20.
5 Ibid., p. 32.
6 Ibid., p. 27. Il s’agit d’un article intitulé Fête-Dieu.
7 Ibid., ?. 40.
8 Vie du P. Emmanuel d’Alzon, Paris, 1926, T. I, pp. 73-74.
9 Op. cit., p. 33.
10 Ibid., p. 35.
11 Lamennais, Correspondance générale, Paris, 1973, t. IV, p. 237.
12 Au contraire de ce que craignait d’Esgrigny : « Prenez garde aux conseils de M. de la Mennais ; (…) j’ai peur qu’ils ne tendent surtout à lui faire des instruments ; toutes les personnes qu’il dirige, il les rapporte un peu trop à ses idées » (Ibid., p. 645, 9 juin 1830).
13 Op. cit., p. 77.
14 Formation et rayonnement d’une personnalité catholique aux XIXe siècle. Le Père Emmanuel d’Alzon (1810-1880), Lille, 1975, p. 47.
15 Nous avons marqué cette évolution dans notre étude Lamennais, ses amis et le mouvement des idées à l’époque romantique, Paris, 1962, pp. 393 sq.
16 Op. cit., pp. 108-109.
17 Ibid., pp. 88-89.
18 Ibid., p. 121.
19 Ibid., ?. 176.
20 Ibid., ?. 182.
21 Ibid., ?. 189.
22 Ibid., p. 206.
23 Ibid., p. 182 ; cf. aussi p. 188, où le commentaire de d’Alzon prouve le soin porté par lui à cette lecture.
24 Ibid., p. 247.
25 Ibid., pp. 191, 215.
26 Ibid., p. 211 (1er juin 1831).
27 La Mennais, Paris, 1922, p. 56.
28 Op. cit., p. 84.
29 Cf. Vailhé, op. cit., p. 115.
30 Cf. Lettres…, op. cit., pp. 321, 350, 407…
31 Ibid., p. 294.
32 Ibid., p. 314 (10 juillet 1832).
33 Ibid., p. 260 (18 janvier 1832).
34 Ibid., ?. 324.
35 Ibid., ?. 332.
36 Ibid., ?. 345.
37 Ibid., pp. 359-360.
38 Ibid., ?. 368 (12 novembre 1832).
39 Ibid., ?. 419.
40 Ibid., pp. 433-434.
41 Ibid., p. 436.
42 Examen d’un ouvrage intitulé Des Doctrines philosophiques sur la certitude dans leurs rapports avec les fondements de la théologie, par l’abbé Gerbet, Avignon, 1831. Non content de critiquer les positions théologiques de Gerbet, l’auteur s’en prenait vigoureusement au programme de l’Avenir. Ce travail devait lui valoir les remerciements de Metternich.
43 Lettres.., p. 461.
44 Ibid., p. 473.
45 Ibid., p. 474.
46 Ibid., ?. 475.
47 Ibid., pp. 486, 509.
48 Ibid., ?. 489.
49 Ibid., p. 517.
50 Ibid., pp. 519-523.
51 Ibid., p. 536.
52 Ibid., p. 551-553.
53 Ibid., pp. 567-568.
54 Ibid., ?. 584.
55 Ibid., ?. 579.
56 Ibid., p. 593.
57 Lamennais, Correspondance générale, op. cit., t. VI, p. 683.
58 Lettres..., p. 610.
59 Ibid., p. 600.
60 Ibid., ?. 622.
61 Ibid., pp. 615-616. C’est au rôle joué par le prince Gagarin, ambassadeur de Russie, lors de la préparation du bref aux évêques polonais qu’il est fait ici allusion.
62 Ibid., p. 613 (19 juillet 1834).
63 Correspondance générale, op. cit., t. IV, p. 222.
64 Lettres..., op. cit., p. 627.
65 Ibid., ?. 652.
66 Ibid., ?. 658.
67 Ibid., p. 660.
68 Ibid., ?. 667 (25 août 1834).
69 Ibid., p. 665.
70 Ibid., ?. 667.
71 Ibid., p. 686.
72 Ibid., pp. 714-715 (28 octobre 1834).
73 Lamennais, Correspondance générale, op. cit., t. VI, p. 390.
74 Pages d’archives, nouvelle série, n° 9, août 1958, p. 334.
75 Lettres, … op. cit., p. 739 (18 novembre 1834).
76 Ibid., p. 771.
77 Ibid., p. 836.
78 Ibid., p. 782. Il s’agit d’une Biographie de Monsieur de la Mennais riche en inexactitudes tendancieuses.
79 Ibid.,
80 Ibid., p. 797.
81 Ibid., p. 798.
82 Ibid.
83 Ibid., pp. 814-819.
84 Ibid., p. 833.
85 Ibid., p. 385 (note).
86 Ibid., p. 834.
87 Guy Dupré, op. cit., pp. 113, 188.
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