Chapitre V. L’impossible révolution ? (vers 1900-1914)
p. 297-369
Texte intégral
1Le partage entre action syndicale et attitude politique n’a pas plus de sens au début du XXe siècle qu’il n’en avait dans les deux décennies précédentes, nonobstant les apparences. Car, sociologiquement, la confusion demeure dans les groupes comme au cœur et à l’esprit des hommes ; et, surtout, parce que le « syndicalisme révolutionnaire » est bel et bien, en dépit de la lettre d’une charte, un projet politique, au sens large du mot.
2Dans la région lyonnaise, il se rattache à une poussée globale de maximalisme que la grille des partages nationaux est inapte à décoder. Le renouveau de la lutte revendicative, qui prend racine ailleurs, la poussée syndicale qui s’ensuit permettent la rencontre, pour un temps, avec les masses ouvrières. La volonté de rupture, cet autre pôle de la sensibilité collective, l’emporte brusquement : que les grandes organisations corporatives qui l’émoussaient soient affaiblies, ou que l’âpreté de la lutte les entraîne à leur tour hors des sentiers habituels.
3La poussée de fièvre où naît le siècle nouveau ne coïncide pas non plus avec les frontières des corpus doctrinaux ou des appareils politiques et syndicaux ; la clé n’est pas du domaine de la théorie, mais de la sociologie des groupes : la formule nouvelle du message révolutionnaire est portée par les minorités, quelles qu’elles soient, puisque la pratique des majorités, quelles qu’elles soient, tend à s’anéantir dans le grand parti républicain, à un moment où la forme même du régime paraît menacée, mais où les succès électoraux laissent espérer une conquête légale et politicienne du pouvoir1. Si bien que le partage s’esquisse avant que l’affaire Millerand ne pose la question au mouvement ouvrier tout entier.
I. Le temps de l’action directe (vers 1900-1906)
1. L’effacement du politique
A. L’envers des élections
4Avant les hommes sont les mythes, plus que les théories. Celui de la « grève générale » est depuis longtemps présent, plus confusément ressenti qu’exprimé, mais avec force, avant de devenir pierre de touche d’une nouvelle orthodoxie révolutionnaire2. Il est, sans doute, l’une des rares composantes théoriques jaillies spontanément de la pratique bien avant d’être intégrée dans un ensemble doctrinal. C’est à la fois de la révélation directe de la puissance collective qui sourd de la machine morte et du désappointement lié à trop de vains combats que l’idée prend racine. Dès 1889, au-delà de l’échec des grèves partielles, pensait-on dans les syndicats lyonnais, la « ... solution des revendications ouvrières... » n’est-elle pas dans « ... la grève générale qui seule (peut amener) un changement dans la situation des travailleurs... » ; c’est-à-dire, en fait « ... la Révolution, et surtout la Révolution violente... »3. L’ambiguïté même de la notion – comment entendre le mot de « générale » ? – fait son succès : pour les uns, elle est un moyen de pression, autrement plus efficace que des mouvements partiels, forcément désordonnés ; la construction d’un syndicat de masse chez les mineurs n’a pas d’autre but chez Michel Rondet, en 1890 : « ... les ouvriers, se trouvant bien unis, seront maîtres de la situation. Ce jour là, la grève sera efficace, car elle sera générale ; alors plus de chemins de fer, plus de tramways, plus d’usines... et toutes les corporations ouvrières seront bien obligées de suivre les mineurs... »4.
5Chez les autres – et chez les mêmes, aussi – la « grève générale » fournit enfin l’instrument concret de l’espérance eschatologique : vers un monde nouveau, le moyen est là, à portée de main, autrement crédible pour les plus rassis que la Révolution apocalyptique des années 1880. Il paraît, enfin, expulser l’utopie, pour habiller le projet collectif des couleurs du concret : car l’élargissement des luttes revendicatives dans les années 1890 n’en est-il pas l’annonce5 ? A la fois, il révèle une certaine direction du devenir historique et indique les moyens pour l’accélérer. Aussi est-ce tout naturellement dans les corporations où se développent des grèves généralisées que prend corps le thème de la grève générale : c’est-à-dire chez des gens qui, précisément, se sépareront très tôt du « syndicalisme révolutionnaire » quand il en aura fait le cœur de son action.
6Ainsi, les mineurs de Saint-Etienne qui en mai 1891 votent, à 1 200, « la grève générale pour le lendemain », hors de tout contexte revendicatif précis ; et qui en restent là6. A Roanne, c’est en 1893 que l’idée s’épanouit chez les tisseurs de coton ; les dirigeants syndicaux lancent un referendum sur l’éventualité d’une grève de la profession : or, aussitôt, le projet prend de « ... grandes et inquiétantes proportions... », échappe à son intention première, déborde rapidement du cadre initial, et c’est bel et bien l’idée de la « grève générale » qui finit par s’imposer, et même auprès des dirigeants les plus proches de la classe ouvrière, guesdistes ou non, comme Edouard Mayeux, le secrétaire de la Bourse du Travail7. Quelques mois plus tard à Saint-Etienne, d’ailleurs, la question est posée clairement : et 23 syndicats sur 40 – les plus médiocres il est vrai – se déclarent prêts à l’action8. Enfin, en 1899, le parallélisme de la grève générale des mineurs et de celle des passementiers – dont on a vu l’ampleur, et le caractère de nouveauté, après une longue préparation – ne fait que renforcer l’idée : les espoirs sont sérieux, pour un certain nombre de meneurs, de les faire se joindre puis d’entraîner les métallurgistes et les autres corporations9. Quelques mois plus tard, une grève des tramways relance le projet, et l’on convoque une cinquantaine d’organisations ; il n’en est que douze à répondre, mais toutes votent la grève générale, à terme il est vrai10, et dans le même temps, Victor Darme, une des étoiles du guesdisme régional, tente le même élargissement à Lyon, car « ... la grève générale ne saurait tarder... »11.
7L’idée est donc dans l’air bien avant que ses propagandistes officiels – comme Emile Girault, qui fait une tournée en septembre 1902 –12 ne viennent l’exposer ; et elle n’est pas propre à une fraction, ou à une secte13. Le « comité » stéphanois qui doit y préparer date de 1901 : il est donc nettement antérieur aux recommandations officielles de la C.G.T., et son animateur, Benjamin Ledin – on l’a déjà rencontré, on le retrouvera – est aussi une des principales figures du socialisme forézien14. Quant à Jules Ledin et à ses amis du « parti ouvrier », tout au plus font-ils remarquer que « … les travailleurs ne sont pas prêts... » et que « ... toute Révolution doit être précédée d’une évolution... »15. Enfin, les premiers pas stéphanois d’Aristide Briand, en novembre 1901, ne vont pas bien sûr à contre-courant16. Né de la lutte quotidienne, un des concepts essentiels du syndicalisme révolutionnaire est donc en place avant même que ne se développe son action.
8Il n’est pourtant qu’un aspect du réveil marginal, mais général, d’un certain maximalisme révolutionnaire, lentement mûri depuis les années 1895, et où il serait tout à fait abusif de voir – comme au niveau national – le nouveau visage d’un anarchisme rebouilli. Car il vient d’un peu partout ; de tous les horizons idéologiques, puisqu’un peu partout l’habitude était prise d’aller avec n’importe qui et n’importe où. Cette ligne générale réformée est retour aux sources, donc à la Révolution, et passe au travers des écoles, quand elle ne prend pas la forme d’un syncrétisme nouveau.
9Son essor tient d’abord, précisément, à l’effacement d’une action propre des compagnons anarchistes après 1895. A Saint-Etienne, les groupes sont entrés en une léthargie que ne peut secouer la venue de Sébastien Faure ; on s’y borne à la vente du Libertaire, à la discussion de ses articles ; quelques réunions semi-clandestines prennent l’allure de fêtes familiales, et un essai de fusion en 1896 est plus le signe d’une baisse d’effectifs que d’un regain d’activité17. Quelques conférences dans la vallée de l’Ondaine n’ont pas grand succès, et les compagnons de la vallée du Gier sont des doctrinaires, pas des hommes d’action. En février 1901, une réunion régionale à Saint-Etienne est un échec18.
10De même, à Roanne, le groupe libertaire prend des allures de secte. A Lyon, on tente bien de lancer une revue, La Jeunesse Nouvelle, grâce à une collecte auprès des sympathisants de la ville et d’ailleurs ; le premier numéro sort en décembre 1896. Mais la surveillance étroite de la police écarte toute action de quelque envergure19 ; à tel point qu’au début de 1902, on abandonne le projet d’une tournée de propagande, à Lyon même et à Vienne, tant l’insuccès de la première réunion, à Givors, est total. Sébastien Faure lui-même paraît avoir moins d’audience, tout comme Louise Michel qui n’attire pas plus de 400 personnes à Grenoble en juin, 500 à Saint-Etienne en mars 190420. Et au Congrès que le Groupe « Germinal » de La Guillotière convoque en novembre 1903, il ne vient que 16 délégués : la Fédération des groupements anarchistes du Sud-Est qui en sort n’est qu’un réseau lâche de diffusion du Libertaire et des Temps nouveaux21.
11Car, dans l’action, les compagnons se distinguent de moins en moins d’autres minoritaires détachés progressivement des divers socialismes. Ainsi à Roanne en 1897 note-t-on qu’en pratique le clivage a disparu entre les éléments les plus résolus du guesdisme et les anarchistes : les uns et les autres se retrouvent dans un « ... noyau de propagandistes maintenus en haleine... » ; Jules Ravaté, un libertaire bien connu, et Auguste Buffin, un jeune teinturier du P.O.F., ressuscitent ensemble la « jeunesse antipatriotique » ou « jeunesse socialiste révolutionnaire », qui groupe bientôt une cinquantaine de membres. Avec Augé et la municipalité « guesdiste », les relations demeurent, mais sous le signe du conflit : quand Edouard Mayeux s’en sépare, c’est tout naturellement vers les « jeunesses » qu’il va, pour créer, avec Buffin, un nouveau « cercle d’études » ; à partir de 1900, c’est là que se tournent les militants hostiles au ministérialisme de l’« Agglomération roannaise »22.
12On retrouve semblable dissidence à Saint-Etienne : mais la « Jeunesse socialiste » de Benjamin Ledin, le groupe « Les Temps nouveaux » de La Talaudière s’affirment hautement guesdistes, puisque là, c’est le « parti ouvrier » stéphanois qui donne le ton ; c’est d’eux que naît le premier « Comité de la grève générale », dans la mouvance de P. Soulageon et de P. Argaud. Et leur action, pour la première fois, éveille dans la classe ouvrière forézienne un écho qu’ils n’avaient jamais rencontré jusque là : « … singulier phénomène... », dit-on, que cet « … état d’esprit anarchiste... vague encore, peut-être en partie inavoué, mais... réel... », et qui se traduit par « ... une critique systématique... de tous les actes relevant des pouvoirs publics... » ; il inquiète tant que « ... les milieux socialistes bien intentionnés (songent) à provoquer un compte rendu de mandat des conseillers municipaux... »23.
13Les uns et les autres rencontrent l’action des groupes de la Jeunesse blanquiste lyonnaise qui, eux, sont en lutte ouverte contre le P.O.F.! Dès le début de 1897, des contacts ont été noués, à Roanne, avec des groupes de « jeunesse » d’obédience diverse à Vienne, à Lyon, à Givors ; et en juillet, un congrès régional tente de créer une « Fédération de la jeunesse socialiste révolutionnaire du Sud-Est », en présence de 130 délégués venus de Lyon, de L’Arbresle, de Sain-Bel, d’Oullins, de Saint-Chamond, de Charlieu et de Chazelles24. Les relations d’Ed. Mayeux avec les blanquistes deviennent de plus en plus étroites, et l’on pense un instant qu’il va adhérer au Comité Central révolutionnaire qui, de Lyon, envoie matériel de propagande et orateurs. Une nouvelle rencontre, à Vienne, fait aboutir le projet d’organisation régionale en août 1898 ; et l’Union socialiste révolutionnaire de la jeunesse fixe son siège à La Croix-Rousse. Son rôle est d’ailleurs médiocre, car ses diverses composantes retournent vite à leurs formations d’origine où le problème Millerand pose désormais la définition d’une ligne générale en termes tout à fait nouveaux25.
14Enfin, dans tout le reste de la région, c’est l’offensive du guesdisme orthodoxe à partir de ses places-fortes dauphinoises qui incarne l’offensive des révolutionnaires. A Grenoble et ailleurs, sous l’influence d’A. Zevaès, la ligne du P.O.F. est claire, intransigeante, et, bientôt, violemment hostile à la participation ministérielle26. Sur les pas de Zevaès naissent donc des groupes guesdistes là où n’avait que médiocrement pénétré un socialisme édulcoré : à la fin de 1898 et au début de 1899, il fait une tournée dans l’Ardèche, met en place une série de formations à Vais, à Privas, à Vallon et paraît même attirer à lui Joseph Pleinet et les « socialistes indépendants » d’Annonay27 ; au début de 1901, c’est en compagnie de Lucien Rolland qu’il parcourt la Drôme, et une douzaine d’organisations nouvelles apparaissent, à sa suite, sans que l’effort se relâche en Isère même28. Enfin, dans l’Ain, un congrès des « jeunesses » à Bourg en janvier 1900 marque lui aussi la volonté de renouveau, et réunit des délégués de Nantua, de Tenay et de Bellegarde ; et l’année suivante, une scission dans le groupe de Bourg va dans le même sens, tandis que Sébastien Faure est reçu par celui d’Oyonnax et par les principaux dirigeants de Nantua29.
B. L’échec de l’unité socialiste (1899-1905)
15Par un apparent paradoxe, on retrouve les mêmes gens dans la tentative d’unification du socialisme, pourtant marquée par l’influence modératrice et ambiguë du jauressisme. A nouveau, la formulation doctrinale est un leurre : l’unité est fortement ressentie par tous comme une nécessité correspondant à un fort sentiment de classe qui transcende toutes les constructions théoriques. Aussi est-elle accueillie avec enthousiasme par les uns comme par les autres : pour la masse ouvrière stéphanoise, elle signifie la disparition des « sectes » qui ont jusque là divisé le mouvement, et elle se prononce avec une « ... unanimité qui ne s’est peut-être trouvée nulle part ailleurs pour applaudir des deux mains à l’œuvre entreprise et travailler à sa réalisation... »30 ; pour les autres, elle signifie la création d’une organisation de classe authentique, désormais capable de refuser les compromissions. Et partout, c’est de ces groupes qui prétendent retrouver la voie de la Révolution que partent les initiatives.
16Dans la Loire en effet, c’est autour de « L’Avenir » des guesdistes stéphanois, d’un groupe analogue de Chazelles et de « L’Avant-Garde » dirigée par Edouard Mayeux que se constitue, en mars 1898, une « Fédération socialiste de la Loire » ; E. Mayeux lui-même en devient secrétaire général, assisté, entre autres, de P. Darancy31. Sans doute les débuts sont-ils difficiles, et un second Congrès, en octobre, à Balbigny, permet surtout de constater les divergences. Mais en septembre 1900, d’une nouvelle rencontre à Saint-Etienne naît une « Fédération Socialiste » qui rallie les groupes du « parti ouvrier » de Saint-Etienne et de ses environs, puisque 34 organisations y adhèrent32. Sans doute se dit-elle « autonome » et refuse-t-elle de choisir entre Jaurès et Guesde, mais c’est un leader éminent du P.O.F. roannais, Michel, qui en assume la présidence ; et le ralliement des Stéphanois représente un progrès considérable, pour des gens qui depuis toujours tenaient « … Guesde et ses amis (pour) exclusivement... responsables des déchirements intérieurs qui empêchaient le développement du Parti... », « ... par tradition, pourrait-on dire, ... adversaires du guesdisme... » et rebelles à une « ... phraséologie à panache et à tournure violente et démagogique... »33. En février 1901 d’ailleurs, enfin, P. Argaud, devenu adjoint de Jules Ledin à la mairie, peut créer une formation authentiquement guesdiste qui soit autre chose qu’un groupuscule éphémère, et rallie même Joannès Sagnol, une des grandes figures du « parti ouvrier » local ; dix-huit mois plus tard, une tournée de J. Guesde lui-même paraît attirer plus de monde qu’à l’accoutumée, 300 au moins à Firminy, un bon millier à Saint-Etienne34.
17Dans l’Isère, la question de l’unification ne se pose pas vraiment, puisque le P.O.F. est pratiquement seul, en Bas-Dauphiné comme à Grenoble et à Vienne. Dans la Drôme, un congrès tenu à Saint-Donat en mars 1901 crée une « Fédération socialiste » du département, et un mois plus tard, c’est au tour de l’Ardèche de s’organiser, à Viviers, en liaison étroite avec les socialistes du Gard35. En Bugey, une rencontre départementale à Nantua, en août 1900, a créé une « Fédération socialiste de l’Ain », qui, à partir de février 1903, s’étend au Jura et aux deux Savoies36.
18A Lyon et dans le Rhône, l’unité paraît d’emblée, plus difficile à réaliser. En effet, guesdistes et blanquistes y sont depuis longtemps à couteaux tirés, et les conditions locales mettent très tôt au premier plan la question du ministérialisme sur laquelle, dans l’ensemble de la région, l’unité finit par achopper. Dès février 1900, l’« agglomération lyonnaise » du P.O.F. prononce l’exclusion de ses deux députés H. Palix et Ph. Krauss, qui avaient voté à Japy en faveur de la participation gouvernementale ; mais elle laisse dans l’affaire ses faibles forces37 : pratiquement, voilà deux ans que la Fédération départementale ne fonctionne plus, et, malgré les succès électoraux de ses candidats, le reflux guesdiste est patent depuis 1895-1896.
19Or, les blanquistes, malgré le rôle qu’ils ont eu dans le regroupement des révolutionnaires régionaux, se révèlent incapables de jouer un rôle unificateur : bien au contraire, ils éclatent en plusieurs factions. En effet, leurs députés E. Bonard et Florent ont une attitude ambiguë dans l’affaire Dreyfus : en mars 1899, quelques-uns des plus vieux militants menés par le verrier Philippe Clausse s’en séparent pour créer l’« Alliance Communiste Révolutionnaire » ; tandis que s’organisent, à part, un certain nombre de syndicalistes dans un « Comité central communiste révolutionnaire », autour de B. Besset, en dissidence de fait depuis une bonne année déjà. Si bien que le blanquisme est désormais tricéphale, le C.C.R. originel de E. Bonard mêlant maximalisme verbal et compromissions nationalistes, et ses « jeunesses », autour de Giray, agissant de plus en plus d’une manière autonome38. Après des négociations difficiles, l’Union socialiste révolutionnaire finit par voir le jour en janvier 1902, avec les guesdistes, les amis de B. Besset, désormais reconnus par le Comité Central parisien et Vaillant et l’Alliance communiste ; la « Fédération révolutionnaire départementale » a pour secrétaire le guesdiste Voillot, et elle adhère aussitôt au Parti socialiste de France : elle rassemble 16 groupes du P.O.F. et 9 d’obédience blanquiste, constituée en « parti socialiste révolutionnaire »39. Mais presqu’aussitôt, c’est l’éclatement sur des litiges électoraux ; et le P.S.R. reprend son indépendance sous la direction de B. Besset. L’échec est donc total, à la mesure des espoirs mis en lui ; et il contraste, déjà, avec l’élan de la « Fédération autonome socialiste du Rhône », née en 1899, et qu’ont rejoint, outre Krauss et Palix, toutes les personnalités du « socialisme indépendant » lyonnais comme le député Francis de Pressensé, le maire Augagneur, l’avocat M. Moutet ; en 1905, à son 6e congrès, ne participent pas moins d’une trentaine de groupes40.
20Or, entre temps, comme à Lyon, l’élan unitaire s’est partout brisé. Après le premier « haut le cœur » qu’avait provoqué la présence de Gallifet, la nécessité de la défense républicaine l’a emporté, sous l’incontestable pression de la base, favorisée de surcroît par le sectarisme des fractions révolutionnaires enlisées dans les querelles de doctrines et de personnes. « On est obligé, à certains moments, de tenir compte de la notion de solidarité des classes... » : dans cette déclaration d’un responsable lyonnais, beaucoup finissent par se reconnaître41.
21Et à Saint-Etienne d’abord, où les premiers incidents sont presque contemporains de l’unité. Dès le mois de mai 1901, Viviani, venu tenir meeting à l’invitation de la municipalité, est très vivement pris à partie par les « guesdistes » menés par B. Ledin, J. Sagnol, J. Piger et P. Argaud, qui prennent le contrôle de la salle pour conspuer « les politiciens » ; P. Argaud, premier adjoint à la police, est aussitôt révoqué de ses fonctions par Jules Ledin42. C’est le début d’une incessante guérilla, où celui-ci est accusé de trahir ses engagements, de ne plus consulter le « Comité de vigilance » créé en 1898, et que mènent les « Jeunesses socialistes révolutionnaires » et la « Fédération des deux Suds » où se sont regroupés les partisans de l’Union socialiste révolutionnaire43. En 1904, malgré l’unanime enthousiasme que suscite l’orateur, c’est un meeting de Jaurès, à l’occasion du Congrès du P.S.F., qui se termine par des bagarres où le maire est violemment pris à partie44. A l’inverse commence à monter l’étoile d’un Aristide Briand transformé, triomphalement reçu à Saint-Chamond par Jules Ledin – il y aurait 3 000 personnes – et à Roanne, par J. Augé45.
22Car le bastion roannais se désagrège lui aussi : après avoir approuvé la participation ministérielle avant Japy46, la majorité du P.O.F. vire de bord, et désigne E. Mayeux – qui est parti s’installer à Paris – pour le Congrès de Wagram en 1900, avec pour mandat de s’opposer à « ... toute motion tendant à admettre la présence d’un député socialiste dans un ministère bourgeois... »47. J. Augé réussit pourtant à reprendre l’avantage, d’autant que les antiministérialistes créent un cercle à part, les « Coopératives socialistes » que dirige son adjoint, P. Darancy. Le Congrès d’Issoudun le dissout, en même temps que l’« agglomération roannaise », qui devient un groupe socialiste indépendant, tandis que P. Darancy essaie de reconstituer une section du Parti socialiste de France ; pour l’un comme pour l’autre, c’est le déclin qui s’amorce48. Et, surtout, dans l’Isère, la crise est encore bien plus grave : A. Zevaès crée un groupe scissionniste, exclu en juillet 1902 ; la Fédération résiste, mais au prix de coupes sombres, et l’idée unitaire est d’autant plus gravement atteinte que les deux factions se livrent une lutte sans merci49. Dans l’Ardèche et dans la Drôme à peine unis, les groupes socialistes adhèrent – à quelques rares exceptions – au Parti socialiste français, formant une Fédération commune, sous la direction de Jules Nadi qui rallie les formations nouvelles de Cruas, du Teil et du Pouzin ; les liaisons demeurent avec A. Zevaès, et le Congrès du Teil, en mars 1903, consacre « l’autonomie » ; dans l’Ain, la Fédération « révolutionnaire » n’a pas d’existence réelle, et les correspondants parisiens de celle des Deux Savoies siègent depuis longtemps avec les amis de J. Jaurès50. Affiliation de facilité, puisqu’elle signifie un certain éclectisme : sous prétexte d’indépendance, ou « d’autonomie », dans toute la région lyonnaise, c’est le triomphe des vieilles tendances longtemps abusivement qualifiées de possibilistes ; et, pour des raisons diverses, l’unité socialiste est un fiasco. Par force, les énergies sont détournées du politique vers un mouvement syndical qui contraste par un dynamisme généralisé.
2. La percée du mouvement syndical
A. L’élan du nombre
23A l’inverse de la médiocrité des formations politiques, et même, un temps, à contre-courant de l’agitation revendicative qui retombe un moment en 1900, le mouvement syndical part soudain de l’avant. Dès 1898 et 1899, le nombre des créations double – de 21 à 41 et 49 –, puis quadruple en 1900-1901 – à 80 et 79 ; l’allant ne retombe pas, atteint un premier sommet en 1902, avec 89 syndicats nouveaux, puis un autre en 1906, avec 8851.
24Aussi la courbe du nombre total des chambres syndicales existantes se retourne-t-elle à la hausse jusqu’en 1908 avec une rigueur qui n’est d’ailleurs pas propre à la région lyonnaise ; on n’en comptait que 310 en 1899, il y en a 662 au début de 1908 : la progression est donc de 113,5 %52. Mais dans le même temps, le nombre des syndiqués est allé encore plus vite puisqu’en hausse de 139 %, de 34 957 à 83 711. L’essentiel était d’ailleurs acquis dès 1903 : alors que la courbe nationale présente une hausse régulière jusqu’en 1908, avec un léger ralentissement à partir de 1903, celle de la région est nettement plus cahotique entre 1903 et 1906, et même affectée, pour une année, d’un léger recul. La rapidité du développement syndical n’en contraste pas moins fortement avec l’atonie globale de la décennie antérieure ; mais elle ne va pas à l’encontre des grandes tendances déjà perceptibles dans les années 1890.
25Si. l’on reprend l’analyse par grands ensembles géographiques, à l’aboutissement du mouvement, en 1907-1908, la répartition géographique se présente ainsi53 :
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES SYNDICATS OUVRIERS EN 1908

26La comparaison terme à terme avec 189954 montre d’abord la généralité de la progression : le nombre des syndicats a presque doublé à Lyon, mais toutes les autres villes les ont vu aussi se multiplier ; surtout, alors que celui des syndiqués n’a augmenté à Lyon que de 130 %, il a quasiment triplé dans le bassin stéphanois, presque quintuplé à Givors, et à Romans-Bourg-de-Péage, sextuplé à Valence, et les progrès sont aussi considérables dans les villes à l’Est du Rhône, comme les deux chefs-lieux savoyards. Cependant, au total, la part des centres urbains est en régression, à 77,9 % du nombre des syndicats, à 78,9 % de celui des cotisants.
27Or le mouvement de syndicalisation est encore plus important en dehors d’eux : en moins de dix ans, le nombre des organisations et des adhérents a globalement triplé. Les centres textiles du Beaujolais sont repartis de l’avant – c’est-à-dire Thizy, Tarare, Amplepuis, et aussi Villefranche – après une contraction qui paraît désormais conjoncturelle. Surtout, on retrouve, accentuée, cette percée savoyarde et dauphinoise déjà sensible dans nombre de villes. Rien d’étonnant à cela : on sait l’éveil à l’action revendicative de régions jusque là un peu à la traîne : en se retirant, la vague a laissé un réseau serré d’organisations. En Bugey et en Vivarais, pour être moins sensible, le progrès pourtant net du mouvement achève de dessiner sa généralisation : c’est au cours de ces 8 années que l’organisation syndicale est devenue la règle pour la plupart des groupes ouvriers, selon une ligne seulement esquissée dans la décennie précédente54.
28A l’évidence, la mutation géographique recouvre la pénétration de secteurs nouveaux de la vie industrielle, eux aussi secoués, pour la première fois, par les grandes grèves des années 1904-1906. Sans doute, est-ce la totalité des domaines de l’activité économique qui voit surgir militants et syndicats ; comme le montre le tableau suivant, qui reprend les rubriques de 1890 et 1899, tout en faisant leur place aux fabrications plus récentes, comme la papeterie et l’industrie chimique :
RÉPARTITION SECTORIELLE DES SYNDICATS OUVRIERS EN 1908

29Tous les secteurs, ou presque, ont connu un essor rapide et des organisations, et du nombre des adhérents. Particulièrement remarquable est celui des industries textiles, qui ont d’ailleurs perdu le caractère semi-artisanal qui avait été longtemps le leur ; il traduit, lui aussi, la syndicalisation d’une fraction nouvelle de la grande industrie, celle des tissages mécaniques et des usines d’apprêt ou de teinture. Les activités rénovées de la tradition régionale représentent désormais 27 % du nombre des syndiqués, groupés en organisations puissantes puisque là leur part s’est affaiblie à 17,3 %.
30De même, si, d’une manière générale, la part des autres industries de grandes unités – à 22 % des syndicats et 29,4 % des adhérents – est en recul relatif, elle recouvre des reclassements internes tout aussi significatifs : alors que les plus traditionnelles d’entre elles s’affaiblissent en nombre absolu – il y a moins de carriers syndiqués – ou n’augmentent qu’avec parcimonie – il n’y a pas tellement plus de mégissiers et de corroyeurs ; et si l’on excepte même les nouveaux postes de la classification, qui ne sont pourtant pas négligeables, il y a trois fois plus de métallurgistes organisés, et deux fois plus de mineurs, pourtant déjà nombreux en 1899.
31Cette avance absolue rapide rejette finalement au second plan l’affirmation renforcée des activités urbaines liées à la demande locale, 60,6 % des organisations, 43,6 % des syndiqués ; et même l’avance des « services », qui sont allés aussi vite que les métallurgistes et représentent le quart des unes (24,9 %) et des autres (23,7 %), tous secteurs d’emploi confondus. Car sans que la poussière des petits syndicats du livre, du bâtiment, du meuble, ait cessé de proliférer, l’entrée dans la lutte revendicative de toutes les catégories professionnelles de la classe ouvrière a amené la création de nouvelles et puissantes organisations qui, désormais, dépassent les vieux syndicats de métiers caractéristiques de la période précédente. Comme le démontre le classement par l’ampleur des effectifs55.
32Si l’on retient, comme en 1890 et en 1899, la barre de 250 adhérents, il est désormais 64 syndicats pour la dépasser ; c’est-à-dire plus du double de 1899. Parmi eux, on retrouve les puissantes organisations minières, ce qui n’est pas une nouveauté : à lui seul, le vieux « Syndicat des mineurs de la Loire » a 3 800 adhérents à Saint-Etienne, celui de Firminy 900, celui de La Talaudière 600 ; à Sain-Bel et Sourcieux, la chambre syndicale des mineurs de pyrites a 600 militants entre 1904 et 1909, celle de La Motte d’Aveillans, en Mateysine, plus de 30056. Et les grandes organisations des années 1880 sont elles aussi gagnantes : dans les cuirs – la chambre syndicale des mégissiers d’Annonay a encore 658 adhérents –, la verrerie, où la reprise est éclatante, voire la ganterie et la chaussure.
33Mais des « services » aussi commencent à surgir des syndicats de grande envergure en un milieu urbain où, désormais, il n’est plus guère de secteurs à l’écart. A Lyon même, le syndicat des employés du commerce et de l’industrie, né en 1898, est, de loin, le premier de toute l’agglomération, avec 1 400 adhérents ; l’effectif de la « Chambre syndicale des employés de tramways » atteint 983, celui des « garçons bouchers » 780, et la vieille Chambre syndicale typographique – elle est née en 1861 – 515 ; et parmi les autres, on compte 500 adhérents au « personnel civil de l’artillerie », 380 « ouvriers et ouvrières aux Tabacs », 250 chez les ouvriers boulangers et chez les garçons coiffeurs.
34Enfin, la grande industrie nouvelle accède, d’emblée, au syndicalisme de masse. Dans la métallurgie, où la chambre syndicale du Chambon-Feugerolles à elle seule rassemble 924 cotisants, où l’« Union des ouvriers métallurgistes de Saint-Etienne » en a 470 et, surtout, l’« Union syndicale du personnel civil de la Manufacture d’armes » plus de 1 000 ; dans la papeterie et le nouveau textile, même si les organisations les plus fortes correspondent, dans ce dernier cas, à l’épanouissement d’un mouvement plus ancien, puisque la chambre syndicale des travailleurs de l’industrie textile de Saint-Etienne a, à elle seule, 4 910 cotisants. Mais le nouveau syndicat des tisseurs de soieries à Voiron en a lui aussi 2 000. Et la coupe masque un peu cet extraordinaire élan qui, au lendemain des grandes vagues de grèves du siècle nouveau, fait accéder à l’organisation des secteurs et des régions où elle était jusque là inconnue.
35Ainsi le tissage mécanique. A partir de Lyon, les délégués de l’Union du textile – et parmi eux, le secrétaire de son Comité, Charles Auda – multiplient leurs initiatives dans la diaspora de la Fabrique, de 1902 à 1907. Tandis qu’à partir de Roanne, presque toute la zone cotonnière retrouve son dynamisme – à Bourg-de-Thizy (1900), à Tarare (1902, 1907), à Panissières (1903), à Cours et à Amplepuis –, les « missi dominici » lyonnais font surgir les syndicats dans toute la région du Pilat, à Bourg-Argental, à Violay, à Bussières. Mais leur zone d’élection est ce Bas-Dauphiné resté longtemps si rebelle : à Vizille en 1902, d’emblée, ils rassemblent plus d’un millier d’adhérents sur 1 700 tisseurs et tisseuses de soie ; puis c’est au tour de Montalieu (1903), de Saint-Jean-en-Royans (1904), de Moirans, Voiron et Allevard (1905), de Saint-Geoire en Valdaine, Les Abrets, Vinay (1906), de Tullins, Saint-Bueil, Saint-André-du-Gaz, Pont-de-Beauvoisin et Crest (1907)57. Mieux, ils ont réussi à pénétrer le Vivarais des moulineuses, en deux vagues successives, en 1902 à Vais, à Boulieu-les-Annonay, à Tournon, à Antraigues, puis en 1907 à Jaujac, à Largentière, à Satillieu et à Privas, avec, une fois encore, Charles Auda58.
36Enfin, tout à fait comparable est l’implantation dans la papeterie et les industries électrotechniques des Alpes. En 1905, s’organisent les ouvriers de l’aluminium en Maurienne – aux usines de La Praz, de La Saussaz et de la Calypso ; après quelques semaines, ils se retrouvent à 300 et s’attaquent aux papetiers de Matussière, à Saint-Michel59 ; à peu près en même temps, les ouvriers de l’usine électrique du Giffre, en Haute-Savoie, créent le premier syndicat du Faucigny60. Puis, en 1906, c’est au tour d’Ugine, de Bozel ; de Chedde, où l’on y pensait depuis 2 ans : 280 des 306 ouvriers adhèrent presqu’aussitôt ; en 1907, d’Allevard, de Vizille et des usines de la Romanche... Dans les papeteries, le mouvement s’étend de proche en proche, de Domène et Brignoud (1903) à Rioupéroux, Venthon, Voiron, Entre-Deux-Guiers et Annonay (1906- 1907). La soudaine percée à Pont-de-Chéruy – en quelques jours de mai 1902 se rassemblent 627 des 1 100 ouvriers de l’entreprise de constructions électriques Grammont – ; la prolifération rapide des syndicats d’horlogers de Cluses et dans les communes environnantes (1901-1904) ; l’apparition des premières formations chez les ouvriers des cimenteries en Dauphiné, et au Teil des Lafarge (1907-1908) achèvent le tableau et marquent la pénétration dans des secteurs et des régions jusque là intactes, que les activités y soient récentes ou que, pour des raisons diverses, on soit resté jusque là à l’écart61.
37C’est la jeunesse de ces formations qui les rend perméables aux influences révolutionnaires, au moment même où s’effondre, avec l’échec de l’unité socialiste, l’organisation politique de la classe ouvrière ; ou, du moins, quand ses différentes factions perdent de leur crédibilité. D’autant plus que l’autre visage de l’élan syndical est la réussite (longtemps espérée) du regroupement interprofessionnel ; de fait, c’est bien dans les Bourses du travail que se déploie, d’abord, le renouveau du maximalisme ; mais pas seulement.
38L’idée des Bourses du Travail était fort ancienne, et commune aux militants de toutes les tendances62 ; mais en tant que service au profit de la classe ouvrière. C’est donc autour d’un bureau de placement que naissent les premières d’entre elles, à Saint-Etienne d’abord, en 1888, puis à Lyon en 1891, à Roanne (1892) et à Grenoble (1893). Jusqu’en 1896, les délégués régionaux se bornent à participer régulièrement aux travaux des congrès nationaux, sans y tenir, semble-t-il, une très grande place63. Mais, par la force des choses, les Bourses tendent progressivement à incarner l’esprit de rassemblement interprofessionnel que n’avaient pas réussi à promouvoir les rares tentatives de fédération locale ; et elles profitent donc, elles aussi, de la poussée générale de syndicalisation. A Vienne et à Valence en 1896, à Bourg en 1902, à Rive-de-Gier en 1904, à Annecy en 1905 naissent de nouvelles Bourses du travail ; l’Union locale de Chambéry s’organise comme telle en 1900, imitée l’année suivante par celles de Romans et de Saint-Chamond.
39En même temps, celles qui étaient déjà en place voient se gonfler leurs effectifs : la Bourse de Saint-Etienne, qui avait stagné pendant 10 ans autour de 3 à 4 000 adhérents pour une trentaine de syndicats bondit à 8 000 en 1900, de 12 000 à 14 000 pendant les années suivantes. A Lyon, on dénombre plus de 13 500 syndiqués en 1901, et 102 organisations, contre moins de 9 000 dans les années 1895, et plus de 15 000 à la fin de 1904 ; à Valence, on triple entre 1896 et 1905, de 440 à 1 210 ; à Roanne, on quadruple, ou presque, entre 1900 et 1905, de 800 à plus de 2 500. Et le succès est immédiat dans les Bourses fraîchement créées64.
B. La greffe de la Révolution
40Or, c’est dans le droit fil de la pratique corporative et des orientations politiques des grandes organisations syndicales qu’étaient apparues les premières Bourses du Travail. Elles ont été, longtemps, un simple local mis à la disposition du mouvement ouvrier par les municipalités ; en aucune façon elles n’ont créé de rupture.
41La première d’entre elles, à Saint-Etienne, était née à l’initiative de Girodet, le maire radical ; inaugurée en juillet 1888, elle avait commencé à fonctionner au début de 1889, sous son étroit contrôle, autour d’un service de statistique ouvrière, et de cours professionnels65. Son premier secrétaire, Louis Ranvier, dirigeant du syndicat des maçons, avait été aux côtés de Girodet et de Michel Rondet candidat à la députation en 1885, et c’était un vieux militant du « parti ouvrier stéphanois » ; Jules Ledin, en lui succédant, n’avait pas modifié l’orientation, et en 1895, la Bourse s’était fait représenter au Congrès de la Fédération des syndicats organisé à Limoges par les allemanistes. Si, à compter de 1896, elle paraît avoir été tiraillée entre le clan « modéré » et les « révolutionnaires » groupés autour d’Argaud, Soulageon, B. Dumas et G. Cotte, c’est par simple osmose des débats internes du « parti ouvrier », qui demeurent dans le cadre d’un réformisme pratique ; l’élection de G. Cotte au secrétariat général en décembre 1895 n’avait donc pas eu de sens politique, et Ranvier était demeuré son adjoint : quant au gonflement rapide des adhérents à partir de 1898, il avait traduit, tout simplement, celui du syndicat des mineurs66. Au début du siècle, comme en 1891, « ... l’anarchie y est à peu près inconnue... »67.
42Il n’en a pas été autrement dans les autres Bourses de la région. On sait les débuts de celle de Lyon, qui a continué la Fédération des syndicats, le « Conseil local » et l’emprise persistante, à ses débuts au moins, des militants guesdistes68. A Roanne, c’est le conseil municipal radical qui avait fait la proposition : son secrétaire, Edouard Mayeux, n’est plus à présenter, et là aussi, c’est tout naturellement que l’embryon de « fédération locale » avait pris l’affaire en main ; la rapide montée des effectifs en 1895 avait correspondu à celle de l’Union des tisseurs, devenue l’épine dorsale de la Bourse comme elle avait été celle de la Fédération69. A Saint-Chamond, en 1892, elle n’a pas d’autre réalité que le local où se réunit l’Union des Chambres syndicales du canton, née en même temps qu’elle ; à Romans (1896) on n’y voit rien d’autre que la nouvelle appellation de l’Union fédérative des syndicats du cuir, tout comme à Valence (1896) où le Conseil municipal offre gîte et argent. Et toutes se comportent comme de simples bureaux de placement70. Enfin, c’est à Grenoble que l’identification au syndicalisme traditionnel apparaît la plus forte : née en 1894, la Bourse s’est effondrée presqu’aussitôt, avec le syndicat des gantiers, pour s’installer dans la même médiocrité les années suivantes ; et, surtout, elle a été le doublet de la Fédération des mégissiers, puisqu’y avaient été admises 7 organisations étrangères à la ville, mais regroupant toutes des travailleurs du cuir71.
43C’est à la Bourse du Travail de Lyon que sont apparus les premiers signes d’une mutation ; ils viennent des compagnons anarchistes, dont le rôle s’était affirmé dès 1892, mais surtout des blanquistes, qui vont être les maîtres-d’œuvre. Le Comité de solidarité aux grévistes de Carmaux devient vite un champ clos de la querelle avec les guesdistes maîtres de la direction ; et son action se borne à des querelles internes. Puis arrive le 1er Mai 1897, où l’on pose le problème de la liaison avec les partis politiques. Du débat sort une « Commission d’organisation » qui, très vite, se pose en « Union des syndicats lyonnais » destinée à remplacer un Conseil local moribond72. Surtout, l’opposition à la domination guesdiste est prise en mains par un nouveau venu, Bernard Besset : c’est un blanquiste militant, créateur d’une « chambre syndicale des cordonniers », en 1887, en réaction contre l’influence possibiliste, et ancien secrétaire, puis trésorier de la Fédération nationale des Bourses73. Et c’est sous sa direction que la « Commission d’organisation » survit à mai 1897, et prend le nom, à son tour, de « Fédération des syndicats lyonnais » puis, en 1900, « des syndicats du Sud-Est74 ».
44Avec lui et son entourage blanquiste, les thèmes que commence à populariser la C.G.T. – celui de la grève générale notamment – pénètrent à la Bourse du Travail. Les orateurs socialistes sont progressivement écartés des meetings, et c’est en compagnie de Jérôme Boriasse, fils d’un des condamnés du procès de 1883 et, comme lui, anarchiste, qu’il préside le meeting du Premier Mai 1893, faisant acclamer la « ... République Sociale sans Dieu ni Maître... »75. Les contacts sont de plus en plus étroits avec la C.G.T., et on y adhère en 1901, à l’occasion de son Congrès de Lyon76. Pendant ce temps, la direction de la Bourse conserve ses leaders guesdistes, comme B. Péronin, V. Darme, des traminots, et surtout J. Thozet, son secrétaire depuis 1893. Mais à partir de 1900, la propagande révolutionnaire s’y donne libre cours sur le thème de la grève générale, ses partisans y jouent un rôle grandissant tandis que les rapports commencent à se tendre avec la municipalité77. Enfin, en 1903, les blanquistes en prennent le contrôle ; un des leurs, Simon Boisson, un ouvrier robinettier, remplace Thozet, à la tête d’une équipe nouvelle où s’intègrent quelques anarchistes, comme Jules Chazeaud ; depuis 1898, leur action se développait rapidement à la Bourse, et c’est à leur initiative qu’en 1903 elle crée un « sous-comité de la grève générale » que J. Chazeaud, J. Boriasse et le compagnon Jutty prennent aussitôt en mains78. Peu après, J. Chazeaud lui-même accède au secrétariat de la Bourse, et le « Comité d’action de la journée de 8 heures » qui en devient le fer de lance est totalement dominé par les libertaires79.
45A Grenoble, l’évolution est plus tardive. La Bourse du Travail associe radicaux et guesdistes jusqu’en 1896-1897, avec une forte prépondérance du P.O.F. Les véritables inspirateurs sont François Dognin, un ouvrier tailleur promis à un brillant rôle politique, et surtout Pierre Béraud, un ouvrier mégissier qui occupe les fonctions de secrétaire permanent : il « ... l’oriente à son gré... », et « ... il ne surgit pas un grief, tant léger soit-il, entre ouvriers et patrons qu’il ne se mette immédiatement en mouvement... »80. A sa suite, les guesdistes prennent totalement le contrôle de la Bourse, après quelques mois de conflits avec les « modérés » et jouent ainsi, mais sans rupture, le rôle qu’ont, dans le même temps, les blanquistes lyonnais ; mais « ... on n’y connaît pas... l’élément anarchiste... : à Grenoble, les compagnons « ... forment un camp spécial... » et ne fréquentent pas les syndicats81. Et quand P. Béraud se retire en 1900, il cède la place à Théophile Fay, l’un des principaux dirigeants du P.O.F. de la ville.
46La situation évolue très vite : car les guesdistes de la Bourse, fortement antiministérialistes, poussés vers la gauche par l’affaire Zevaès, couvrent une propagande libertaire apparue autour de 1900, à l’occasion d’une grève des maçons, et qui rencontre un certain succès dans les syndicats du bâtiment82. En trois ans, quelques hommes imposent leur propre orientation, que les anciens dirigeants ne puissent pas s’y opposer ou qu’ils les suivent : une trentaine de guesdistes se regroupent d’ailleurs – comme ceux de Roanne en 1898 – autour d’un propagandiste expulsé de Genève, Pierre Dumas, qui n’a plus rien à voir avec « … les anarchistes de l’ancienne manière... » et de son journal, « L’Aube nouvelle83. A la Bourse même, en 1903, l’élection d’Eugène David, un plâtrier-peintre de 28 ans, pour remplacer Fay, signifie la victoire de la ligne révolutionnaire. Autour de lui, une poignée de responsables, mais qui se révèlent vite de remarquables entraîneurs d’hommes : comme Alphonse Layat, des tailleurs d’habits, Henri Vizioz, des ouvriers boulangers, tous deux libertaires, et Séraphin Telmat, secrétaire du syndicat des mégissiers, un socialiste, mais partisan de l’action directe ; et surtout le menuisier Louis Sorrel, venu du Canada, dont l’influence est prépondérante : c’est lui qui imprime un caractère d’extrémisme exacerbé à toute l’action de la Bourse de Grenoble pendant les années 1905 et 190684.
47Ailleurs, la pénétration du syndicalisme révolutionnaire est moins totale, même si aucune Bourse ne reste totalement à l’écart. A Saint-Chamond, par exemple, dès avril 1901, il imprègne la pensée et l’action de ses dirigeants, même s’il paraît abusif de la dire aux mains des anarchistes85. Et un véritable bureau « fantôme » s’installe à Saint-Etienne en 1903, parallèlement à l’administration « socialiste », s’appuie sur une dizaine de syndicats, dont celui des garçons de café, mais aussi divers cercles de mineurs et de passementiers, de traminots et d’armuriers de la Manufacture nationale ; l’antagonisme devient si fort qu’il entraîne, en août, des affrontements physiques !86.
48Car les thèmes du syndicalisme d’action directe sont partout présents, quelle que soit l’affiliation théorique de ceux qui les portent. Ils ont le mérite de la simplicité, et de l’efficacité immédiate dans bien des cas. Par là, ils répondent aussi bien à l’attente des militants des grandes organisations corporatives, – ils y voient l’aboutissement logique de leur longue préparation – qu’à l’impatience des nouveaux venus à la vie syndicale. Si bien qu’il est difficile de trouver une logique à l’implantation du syndicalisme révolutionnaire : il réincarne trop bien cette tendance de la sensibilité collective qui s’était reconnue déjà dans l’anarchisme des années 1880.
49Il est donc, d’abord, la nouvelle jeunesse des vieilles organisations, ici remède flamboyant à l’irrémédiable déclin, là couronnement de deux décennies de luttes. Et, parmi les premières, bascule le vieux syndicat des mineurs de la Loire.
50En effet, dès le lendemain de la reconnaissance du Comité fédéral par les Compagnies houillères, c’est la cassure. Gilbert Cotte et la Fédération nationale hésitent à suivre le bassin de Montceau-les-Mines dans une grève générale des mineurs. Le recul est d’autant plus vivement ressenti que l’on s’y préparait depuis plusieurs années ! En février 1901, G. Cotte doit céder le secrétariat de la Fédération départementale à Marin Beauregard87, et en mars, on envisage, comme en 1890, de ne point se rendre au Congrès national d’Alais pour convoquer une réunion propre à Saint-Etienne88. A la fin de l’année, l’action de G. Cotte est officiellement désavouée, et en juin 1902, il ne parvient pas à se faire entendre d’une assemblée où E. Merzet avec l’assistance d’Escalier et de M. Beauregard – ses anciens amis – le met violemment en accusation et prêche l’adhésion à la C.G.T.89. Et en octobre, quand le viol de la convention Jaurès-Grüner par les compagnies déclenche la grève générale du bassin, son nom est hué par les manifestants et lui-même n’échappe aux coups que de justesse.
51Le Comité fédéral est en fait profondément partagé en deux clans irréconciliables. Mais les « révolutionnaires » qui ont pris le contrôle de la lutte en octobre et novembre, ont le vent en poupe, et ils reprennent à leur compte l’intransigeance qui avait été, en son temps, le nerf du redressement opéré par G. Cotte. Ils sont majoritaires au vieux « syndicat des mineurs de la Loire », et en mars 1903, ils tirent leçon du demi-échec de la grève, provoqué par le « ... gaspillage de l’argent... par les délégations auprès des pouvoirs publics... », en quittant la Fédération nationale, « ... parlotte ministérielle (qui) délaisse le terrain économique pour faire de la politique et entraîner de ce fait les syndicats à la dérive... ». Les mots ne trompent pas, et l’on adhère tout naturellement à la C.G.T. après avoir abandonné et la Fédération nationale, et le Comité de la Loire90.
52La scission est consommée : Bouchard, un ami de G. Cotte, remplace M. Beauregard au secrétariat régional, en compagnie de Blachier, un ancien compagnon de Rondet ; et le Comité fédéral entérine le départ des révolutionnaires en prononçant leur exclusion91. La séparation tourne vite à la lutte ouverte, à tous les niveaux. G. Cotte, devenu permanent national, est mis à l’index par la C.G.T., engage avec elle une violente polémique et renonce à l’adhésion un moment envisagée de la Fédération des mineurs. Tandis que sur place, on s’organise. Le Premier Mai 1903, un Congrès se tient à Grand-Croix, en présence d’E. Merzet et de P. Delessalle, envoyé par la Confédération ; il en sort une Union fédérale « rouge » qu’anime M. Beauregard, et à laquelle adhèrent, outre les organisations extérieures à la région, le syndicat « de la Loire », ceux de La Talaudière, de La Ricamarie, de Terrenoire et de Grand-Croix92 ; et de fortes minorités s’agitent dans les autres formations du bassin93.
53Et hors du bassin forézien, la Chambre syndicale des ouvriers mineurs de Sain-Bel, liée depuis sa création, en 1896, à la Fédération de la Loire, paraît porter au paroxysme l’orientation révolutionnaire. En plein essor – elle passe en quatre ans de 50 à 600 adhérents, – elle entretient une agitation permanente ; la moitié au moins de ses membres seraient prêts à l’action directe, et à la veille du Premier Mai 1906, on le soupçonne même de vouloir occuper les locaux de la mine et de prendre ses ingénieurs en otages94.
54A Roanne, on devine le même processus. Les syndicats du tissage, places-fortes du P.O.F., sont dès les années 1894-1895 dans la mouvance d’Ed. Mayeux, dont on sait les positions marginales95. L’éclatement du guesdisme correspond aussi à un affaiblissement numérique de l’organisation professionnelle et une tentative d’Augé et de ses amis pour les rattacher ouvre la voie aux libertaires. Leur principal leader, Jules Ravaté, devient secrétaire du syndicat des tisseurs en 1902. Si bien que par un retournement de situation, l’Union du textile et la chambre des teinturiers deviennent minoritaires à la Bourse du Travail, et mènent contre elle une incessante guerilla ; réduits à 600 militants pour les uns – sur plus de 11 000 ouvriers du coton à Roanne – et à 95 – sur 500 – pour les autres, ils n’en estiment pas moins que s’ils se sont reconstitués, c’est parce qu’ils ont « ... évincé toute politique... », affirment la nécessaire primauté « ... de l’action directe... » et s’en prennent vigoureusement aux compromissions des autres syndicats avec les parlementaires socialistes96.
55Parmi les nouveaux secteurs, la métallurgie est le domaine de prédilection de l’action directe ; avec le bâtiment, si l’on en juge par la conduite des grèves : mais ne s’agit-il pas de l’habillage théorique d’une violence habituelle dans une corporation assez rude ? Il est difficile de le préciser, car l’action des syndicats du bâtiment, à Lyon, à Grenoble ’ notamment, se distingue mal de celle des Bourses, et leur fluidité les empêche de laisser des traces bien nettes.
56A Lyon donc, le Comité d’action de la métallurgie est incontestable- . ment l’un des bastions révolutionnaires : dès 1901, on note à la fois la cohésion de ses syndicats et leur ouverture aux idées nouvelles, notamment à un mot d’ordre éventuel de grève générale97. En 1903, l’ensemble des travailleurs du cuivre – on sait leur passé – s’affirment « écœurés de tous les mensonges des politiciens, si socialistes soient-ils... » et « ... s’engagent à ne lutter, à l’avenir, que sur le terrain économique et par l’action directe... ». L’un d’entre eux, d’ailleurs, Marius Blanchard, devient en 1905 secrétaire régional de la Fédération de l’Est de la métallurgie98. A Saint-Chamond, c’est dans la même ligne que s’organisent des grandes usines sidérurgiques, et Benjamin Ledin y est l’un des principaux meneurs99 ; dans la vallée de l’Ondaine, une nouvelle génération libertaire prend en main les vieux syndicats des ouvriers en limes, des boulonniers – ils datent de 1888-1892 –, leur donne un nouvel élan, les fait fusionner à partir de 1905 ; et il est significatif que plusieurs des nouveaux leaders, comme François Patouillard, et surtout Jean-Marie Tyr et Laurent Moulin aient été d’abord tentés par le socialisme100.
57Enfin, les nouveaux venus des vallées alpines n’ont pas à se dégager d’une tradition. D’emblée, ils se rattachent, souvent directement, à la Fédération de la métallurgie de la C.G.T., et en adoptent instinctivement ligne et méthodes, quand ils ne les exagèrent pas. En Faucigny, la fusillade de Cluses – où, en juillet 1904, un patron tire sur des grévistes – marque d’un sceau tragique les débuts de l’organisation collective dans l’horlogerie101 ; d’un coup, on bascule dans le maximalisme révolutionnaire, et l’on accueille l’envoyé de la C.G.T. « comme le Messie... », après l’avoir « ... attendu... tous les jours à la gare » ; dans les années qui suivent, Merrheim vient régulièrement, y rencontre le plus grand succès, et doit même, à plusieurs occasions, donner des conseils de prudence102.
58Et sans que les liens apparaissent aussi directs, on ne peut pas ne pas noter qu’un des thèmes préférés de la propagande cégétiste, le sabotage, semble rencontrer un certain écho dans le Dauphiné et les Savoies en pleine floraison syndicale. Car si le conseil semble peu suivi en ville, où il demeure prétexte à rhétorique103, les attentats se multiplient dans les grandes usines électrotechniques ou à leur voisinage, et souvent hors du contexte immédiat de la grève. En août 1905, on démolit les barrages de l’Arc, et l’usine de Saint-Michel-de-Maurienne doit arrêter le travail, alors que ses cuves sont pleines d’aluminium en fusion : les dégâts sont considérables104 ; en janvier 1906, on recommence à Modane105. Quelques semaines plus tard, c’est la demeure d’un surveillant, puis celle d’un chef mineur de La Motte-d’Aveillans que détruit une cartouche de dynamite106 ; puis, aux plâtrières de Maurienne, les câbles du téléphérique sont limés, et une benne chargée de rochers est lancée contre sa gare en mai 1906107. En septembre, c’est la conduite forcée de l’usine de la Calypso qui saute, au lendemain d’un essai de mise à pied108 ; et en 1911 encore, des wagonnets sont sabotés à Lovagny, aux mines d’asphalte109.
59Sans qu’il soit possible, comme pour les groupes politiques, d’en donner une représentation exacte – et l’action, d’ailleurs, prime l’organisation aux yeux de ses tenants –, le syndicalisme révolutionnaire imprègne donc, peu ou prou, tous les secteurs de l’activité ouvrière, qu’ils soient anciennement rompus à l’organisation corporative ou qu’ils viennent d’y accéder avec la percée des années 1900. Le meilleur des signes c’est, bien sûr, la vague revendicative de 1906, marquée, on le sait, par la généralisation d’une violence encore jamais vue ; et, hors d’elle, cette journée du Premier Mai qui fait renaître la grande peur de 1890.
C. Le sens du Premier Mai 1906
60Depuis longtemps en effet, elle avait cessé d’effrayer. Et la manifestation de 1901 à Grenoble constitue l’exception : derrière A. Zevaès, près de 6 000 personnes parcourent la ville, lapident la police, se font charger par la cavalerie, et il faut des renforts de troupe pour rétablir l’ordre, tard dans la nuit ; mais l’émeute n’est, au total, qu’une excroissance des grèves qui secouent alors l’agglomération110. Puis on retombe dans l’apathie. L’année 1905 marque le réveil : à Saint-Etienne, Piger et les socialistes révolutionnaires se heurtent aux soldats devant la manufacture d’armes, et l’on se bat devant le siège de la Loire républicaine ; à Roanne, 2 000 personnes font fermer magasins et usines, détellent les tramways, vont huer le « ministérialiste » Augé : et c’est gourdin en main qu’on reconduit les voitures au garage111.
61Puis vient 1906, dans un contexte d’agitation qui rend de plus en plus crédible la venue prochaine de la grève générale. Aussi la journée sort-elle du cadre strict de l’événement – qui en lui-même ne présente pas grand intérêt – pour devenir étape nouvelle d’un processus en cours et, qui sait, décisive. Aussi est-elle préparée avec soin, et partout. A Saint-Etienne, ils sont – peut-être – 15 000 dans la rue, avec M. Beauregard, J. Piger, Escalier, B. Ledin, qui font fermer les usines ; comme à Firminy, à Rive-de-Gier, à Saint-Chamond, où la verrerie Richarme est envahie, et les Aciéries de la Marine assiégées par plusieurs milliers de personnes qui parcourent la totalité du bassin. A Roanne, le chômage est quasi général, et J. Chazeaud est là...
62A Lyon, la tension est vive depuis plusieurs semaines, et « on ne peut s’empêcher d’avoir les craintes les plus sérieuses... » ; et le 30 avril au soir, on rafle les principaux meneurs. Le soir du 1er Mai, 6 000 personnes, à la sortie du meeting, brisent les vitres des tramways et des usines à La Guillotière, se battent avec la police et les cuirassiers ; et jusqu’au 4 Mai, près de 10 000 ouvriers continuent à chômer. Dans le reste de la région, les points forts de l’agitation sont aussi ceux où le syndicalisme d’action directe a gagné les esprits : à Grenoble, E. David et L. Sorrel défilent à la tête de 3 000 personnes, malgré les charges de police ; à Voiron, – où le tissage est en grève – le cortège ne peut se former, à cause des charges de cavalerie ; mais il y a autant de monde dans la rue. Cluses est le seul centre ouvrier de Savoie à organiser une manifestation, et l’on s’y rend, à plusieurs centaines, sur la tombe des morts de 1904 ; mais d’autres ont lieu, sans incidents, à Bellegarde en Bugey, à Oullins, à Argentière, près de Chamonix, à Givors, à L’Arbresle, à Tarare, à Amplepuis, à Sain-Bel, à Villefranche112.
63Ainsi la journée est-elle l’occasion d’une véritable revue de ses troupes par le syndicalisme d’action directe ; mais c’est une revue d’adieu. Car elle ne débouche sur rien, et la déception est à la mesure de l’espoir qu’avait suscité avec la mobilisation grandissante de la classe ouvrière, avec le mordant retrouvé de son action, la résurgence du messianisme révolutionnaire qui est en filigrane dans la percée syndicale du début du siècle. Très vite, la flamme retombe, avec autant de brusquerie qu’elle avait surgi. De proche en proche, de 1906 à 1908, les feux s’éteignent en même temps que retombe la vague revendicative.
II. Un reflux de la conscience collective ?
64Le printemps de 1906 serait donc un tournant. De fait, à partir de là, le déclin du syndicalisme révolutionnaire est aussi rapide que son succès avait été soudain ; et la retombée suit celle de la vague revendicative qui l’avait porté. Il serait vain de minimiser son importance : il est bel et bien une rencontre profonde entre quelques militants et une large fraction de la classe ouvrière. Mais s’il était un moment éphémère, voire à contre-courant d’une évolution plus profonde ? Le syndicalisme et la grève qui guident sa percée sont marqués du sceau de l’ambiguïté, même s’ils se teintent, après coup, d’un certain romantisme révolutionnaire.
65D’autre part, au-delà des événements tapageurs qui tiennent le devant de la scène, trop de faits concourent à tracer les lignes d’un retournement de tendance plus ancien, qui, simplement, l’emporte partout après 1906. Il existe, aussi, une image en creux du mouvement ouvrier, fort difficile à cerner puisque, précisément, elle est dessinée par ceux qui ne se reconnaissent pas en lui, et s’expriment rarement. Paradoxalement, il faut revenir à l’action de ses organisations et de ses militants pour saisir les résistances qu’ils rencontrent. Or, jusqu’à la guerre, celles-ci paraissent bel et bien s’accentuer, comme si le fossé se creusait entre la masse ouvrière et ceux qui s’en veulent l’avant-garde.
1. Le mouvement syndical : retour à la normale ?
66Le Premier Mai 1906 échoue : mais qu’en attendait-on au juste ? La déception, le découragement sont d’autant plus forts. Partout, la greffe révolutionnaire du syndicalisme se dessèche, les orientations majeures de la C.G.T. sont mises en sommeil bien avant que les événements de Draveil et de Villeneuve Saint-Georges n’entraînent en août 1908 une crise de la Confédération113.
A. Les Bourses du Travail : un nouveau cours
67A Lyon, la scission était esquissée depuis le mois de février 1905, quand la majorité des syndicats avait accepté les conditions municipales pour rester à la Bourse du Travail. Dans les faits, les deux groupes se disputent la classe ouvrière lyonnaise même s’ils conservent l’organisme commun du « Comité d’action pour la journée de 8 heures ». Les délégués de la Fédération des syndicats, qui regroupe les éléments modérés, cessent d’y participer en même temps que s’affirment leur hostilité au thème de la grève générale et leur méfiance vis-à-vis des mots d’ordre de la C.G.T.114. Pour l’Union des syndicats, qui a fait scission le 20 février 1905, c’est au contraire le fer de lance, et elle a emmené avec elle le sous-comité de la grève générale. Toujours sous la direction de Jules Chazeaud, elle compte parmi ses membres « ... la plupart des éléments révolutionnaires et anarchistes qui ont pris la tête du mouvement dans l’agitation ouvrière des dernières années... »115. Très largement d’ailleurs, la commission exécutive de l’U.L., le sous-comité et le comité d’action se confondent, et outre Chazeaud lui-même, on y retrouve le tailleur François Faure, Claude Legouhy, Louis Jacquet, un manœuvre, le cordonnier Louis Chaulant, l’ouvrier jardinier Jean-Louis Rossiaud et le bijoutier Gabriel Michaud, tous également bien connus pour leur affiliation libertaire et leur action antimilitariste116. L’antagonisme éclate au grand jour lorsque le Congrès d’Amiens refuse de recevoir les 13 délégués de la Fédération sous la pression de Chazeaud117.
68A vrai dire, il semble que l’Union locale soit en perte de vitesse, dès le lendemain de mai 1906 où elle a joué un rôle considérable. Nombre de syndicats réintègrent la Bourse du Travail qui n’en comptait que 25 au printemps contre 45 à l’U.L. ; or, deux ans plus tard, celle-ci n’en a plus que 27 pour 3 300 adhérents environ, dont seulement 1 650 paient régulièrement leurs cotisations. Les ardeurs révolutionnaires de Chazeaud – qui a été tour à tour poursuivi à Roanne et à Dijon pour excitation au meurtre et à Lyon pour complicité dans la fabrication d’explosifs – sont devenus excès aux yeux de beaucoup, et il est chassé du secrétariat, au début de 1907, abandonné par presque tous les syndicats118. Un rapprochement commence à s’esquisser avec la Fédération, dans la perspective de création d’une Union départementale où le secrétaire général de la Bourse joue un rôle essentiel. En avril, les trois organisations fondent une « Commission des quinze » où siègent leurs délégués et notamment C. Legouhy, le nouveau dirigeant de l’U.L.119. Les années suivantes voient le déclin rapide de l’Union des syndicats ; en 1912, elle n’exerce plus « ... aucune influence sur les milieux ouvriers lyonnais... »120. Les dirigeants du moins car, en accord avec l’organigramme de la C.G.T., la plupart des syndicats y sont désormais affiliés, en même temps qu’à la Bourse du Travail. Le hiatus paraît total entre la direction et la base, reproduisant sur place celui qui a longtemps existé entre la Fédération nationale des Bourses et un grand nombre de Bourses elles-mêmes. Le préfet assure : « … les tendances dominantes (du prolétariat lyonnais)... sont réformistes », et hormis en quelques rares occasions l’action des révolutionnaires est « ... endiguée par les réformistes, et même annihilée par l’indifférence avec laquelle la majeure partie des travailleurs accueille leurs projets... »121. La division formelle des deux organisations demeure, qui se livrent à une incessante guérilla ; mais, dans les faits, la question est tranchée depuis longtemps.
69A Grenoble, c’est au lendemain des émeutes de septembre 1906 que s’annonce le retournement. Les principaux dirigeants de la Bourse du Travail, dont Louis Sorrel et Eugène David, ayant été condamnés pour le rôle qu’ils y avaient joué, la municipalité la transforme en régie directe : elle redevient un simple bureau de placement, et les syndicats en sont expulsés, manu militari, le 9 décembre 1906122. Les syndicalistes révolutionnaires se réfugient dans une Union des syndicats de Grenoble et de l’Isère, qui tient son premier Congrès en avril 1907, en présence de Griffuelhes ; E. David demeure secrétaire, l’affiliation à la C.G.T. est renouvelée, et l’Union prend le relais de la Bourse dans l’agitation et la propagande antimilitariste123.
70Mais, déjà, des failles sérieuses apparaissent. Il semble bien qu’un certain nombre de syndicats veuillent demeurer à la Bourse, donc, rompre, en fait, avec la ligne suivie depuis 1903. Au congrès d’avril, E. David ne l’a emporté que par l’appui de V. Griffuelhes, face à l’offensive de S. Telmat, du syndicat des mégissiers et, derrière eux, du socialisme unifié ; et ceux-ci songent à susciter un « Comité fédéral départemental » qui romprait avec la C.G.T., comme vient de le faire le syndicat des gantiers124. On en reste là, mais l’influence de l’Union s’amenuise vite, et une tournée de V. Griffuelhes, au printemps de 1908, à Grenoble, à La Motte-d’Aveillans, à Vienne et à Voiron ne paraît pas attirer grand monde, malgré les affaires de Draveil et de Villeneuve-Saint-Georges. L. Sorrel devenu secrétaire de l’Union a du mal, à la fin de l’année, a obtenir « la fusion des syndicats professionnels en fédérations d’industrie... »125. Au début de 1909, la Fédération du Livre demande son adhésion, dans le but avoué de « ... mettre Sorrel et ses amis politiques en minorité et les remplacer par des réformistes... »126. C’est chose faite en décembre. Louis Sorrel s’en va, ne peut imposer son ami Louis Ferrier, un serrurier, à sa succession. Sans que les libertaires soient totalement exclus, c’est un des dirigeants du syndicat des typographes qui le remplace, Jean-Baptiste Badin, « … travailleur sérieux et membre de la S.F.I.O.127 ». Depuis plusieurs mois d’ailleurs, l’influence du socialisme unifié était devenue prépondérante, grâce à S. Telmat et à P. Béraud, l’un des fondateurs de la Bourse revenu à l’action corporative ; la plupart des organisations se réunissaient à nouveau dans les locaux municipaux et l’Union des syndicats ne tarde pas à les imiter. A la veille de la guerre, si les deux organisations demeurent distinctes l’inspiration est la même puisque les secrétaires de l’une et de l’autre appartiennent à la S.F.I.O.128.
71Dans les autres Bourses, l’adhésion à la C.G.T. est toute formelle, quand elle n’a pas été suspendue. A Tarare dès septembre 1905, le secrétaire avait démissionné après « ... avoir vainement tenté d’imposer à ses camarades un programme de revendications impossible à réaliser (journée de 8 heures, etc...)... », et, depuis, toutes relations ont été supprimées avec la Confédération129. Et un tableau d’ensemble révèle qu’en 1907 déjà, c’en est fini de la domination qualifiée, par commodité, d’anarchiste. On y note avec satisfaction la situation à Lyon ; mais elle n’est pas différente ailleurs. La Bourse de Saint-Etienne – la seconde de la région, avec 58 syndicats et 16 000 cotisants – continue bien à accueillir les conférenciers de la C.G.T. et, surtout, une « jeunesse syndicaliste » ardente ; mais celle-ci est un peu marginale, se consacre surtout à la propagande antimilitariste et tous les dirigeants sont socialistes ; la seule influence politique à s’y exercer est celle du P.S.U.– S.F.I.O., avec lequel les relations sont très cordiales, comme, aussi, à la Bourse de Rive-de-Gier, qui vit dans la mouvance stéphanoise. A Saint-Chamond, les « unifiés » sont minoritaires, mais face aux « indépendants » et aux « républicains socialistes » de Briand.
72A Vienne, à Romans, les Bourses paraissent de simples doublets de la S.F.I.O., et l’on y bannit même l’antimilitarisme qui est en passe de devenir un des chevaux de bataille de la C.G.T. ; tous les dirigeants de Valence se rattachent au radicalisme, et ils n’entretiennent aucune véritable relation extérieure ; comme ceux de Roanne ; malgré la présence d’un secrétaire « unifié », on n’y décèle aucun rapport avec la S.F.I.O., et quelques éléments révolutionnaires – chez les tisseurs, toujours, – sont totalement isolés. Enfin, la Bourse du Travail de Bourg se veut exclusivement corporative, aux mains d’un bureau qualifié de « modéré », sans autre précision, et celle d’Annonay n’adhère même pas à la C.G.T. Somme toute, un tableau très neutre qui prouve le déclin rapide du syndicalisme révolutionnaire ; et pour longtemps130.
73Car à la veille de la guerre, les traits ne changent point, même si de nouvelles Bourses sont apparues, à Firminy (1907), à Oullins (1909) et à Givors (1911). La domination des socialistes unifiés est devenue quasiment générale. A Romans, à Valence, à Rive-de-Gier, à Roanne, à Saint-Chamond, à Lyon, à Tarare, à Firminy, à Saint-Etienne, à Oullins, à Givors et à Bourg, les relations sont étroites, permanentes, et on retrouve bien souvent les mêmes militants à la tête des Bourses et à la direction des sections de la S.F.I.O., comme le Ripagérien Pierre Blanc, le Roannais Félix Burnichon, Georges Gagnat à Saint-Chamond, J. Guerry et Ch. Auda à Lyon. Paradoxalement, ici et là, pourtant, paraissent s’être enracinés de forts noyaux de libertaires : à Saint-Etienne, à Rive-de-Gier et à Firminy, et, plus discrètement, à Givors et à Oullins ; à Lyon même, leur place est clairement délimitée, mais elle n’est pas négligeable. Il est vrai que les thèmes colportés par les Bourses de la S.F.I.O. ne diffèrent souvent guère des leurs ; on verra pourquoi131. Enfin, dans les syndicats de mineurs, le mouvement de balancier est revenu encore plus loin vers la modération.
74Dans la Loire – c’est-à-dire, pour l’essentiel –, l’adhésion aux thèses cégétistes est un feu de paille : malgré la puissance du mouvement collectif qui l’avait imposée, elle prend figure d’accident tout à fait exceptionnel132. La rançon de la cassure avait été la baisse très rapide des effectifs, quel que soit le choix des organisations ; aussi la réunification est-elle très tôt dans l’air, et en décembre 1906, 10 syndicats de la Loire et 5 autres venus des bassins du Sud-Est se retrouvent à Saint-Etienne pour en parler. L’unité se fait sur les positions des « modérés », dont l’un des dirigeants stéphanois, Casimir Bartuel, devient secrétaire régional, bien que l’initiative soit venue des « rouges », confinés à Grand-Croix, à la Compagnie de la Chazotte et à un « Syndicat des Mineurs de Loire », désormais connu sous le nom de « Syndicat Beauregard »133.
75L’accord de principe n’est pourtant pas la fusion, et les désaccords demeurent : on achoppe sur le mode de renouvellement des conventions passées avec les Compagnies en avril 1906. Le Comité fédéral veut négocier, Beauregard et ses amis voudraient une grève générale que repousse massivement un vote à bulletin secret ; en août 1908, une nouvelle convention est signée par les deux parties, au moment même où la Fédération nationale entre à la C.G.T.134. Or, le « Syndicat Beauregard » refuse de se réunir au Comité fédéral, et obtient son rattachement à la Fédération cégétiste des ardoisiers ! C’est le Comité confédéral qui doit prendre l’affaire en mains, et qui, après un échec d’arbitrage, l’écarte et de la C.G.T., et de la Bourse du Travail.
76Beauregard s’obstine pourtant. Il invite Broutchoux, lance un appel, en février 1909, à constituer une autre « Fédération des travailleurs du sous-sol » ; vainement135. En avril 1910 – bien tardivement – le « Syndicat des mineurs de la Loire » se fond dans le « Syndicat des mineurs de Saint-Etienne » ; l’échec était patent depuis longtemps, et il ne pouvait plus compter que sur une quarantaine de militants. C. Bartuel, qui avait mené la contre-offensive, s’était appuyé sur l’attachement quasi viscéral des mineurs à l’unité corporative ; et en 1911, au Congrès de Commentry, il est le troisième Stéphanois à accéder au Secrétariat général de la Fédération nationale. Quant au syndicat de Sain-Bel, il s’est brisé dans plusieurs grèves mal menées qui ont suscité une très puissante action patronale et souffre de la baisse des effectifs qu’entraîne le recul de l’extraction. Et il n’est plus hors de l’unité minière que le Syndicat de la vallée du Gier entré en dissidence depuis avril 1910 sous la direction des frères Garin, deux anarchistes136. Ce retour à une ligne qui est déjà une tradition rend compte d’un succès qui va à l’encontre du mouvement général.
B. Les syndicats ouvriers : reculs et reclassements
77Car le recul du syndicalisme révolutionnaire tient aussi à la disparition, ou à l’effacement d’un grand nombre de formations surgies avec la vague des années 1900, attirées d’emblée par ses thèmes, mais qui ne survivent pas au reflux de l’action revendicative. En effet, à partir de 1909, le nombre des organisations régionales tend à se rétrécir ; et en 1914, il n’y a plus que 543 syndicats, soit 117 de moins qu’en 1908 ; la perte est donc de 17,3 %, presque d’ 1 sur 5, et va à l’encontre du comportement national qui demeure orienté à la hausse, avec régularité, jusqu’à la guerre137. De même, il n’y a que 408 syndiqués de plus, soit 84 119, après une marche annuelle en dents de scie qui en avait porté le nombre, un instant – en 1913 – à 91 345 ; la courbe régionale s’écarte moins du modèle français que pour les syndicats, puisqu’après une vive contraction en 1909, celui-ci tend à l’étale dans les années d’avant 1914. Même en tenant compte de certaines fusions qui expliquent, en partie, le recul du nombre des organisations, le contraste est donc total avec l’élan de la décennie antérieure ; d’autant plus qu’on a pris en compte des formations tout à fait marginales, comme les amicales de représentants de commerce et la Compagnie des guides de Chamonix ; si on les écarte, l’effectif des adhérents eux-mêmes est en recul très net.
78Répartition géographique et partage sectoriel en 1914 démontrent à l’évidence la fragilité des organisations les plus récentes. En effet, si la part des villes demeure à peu près égale pour les syndicats eux-mêmes – 77,8 % contre 77,9 % en 1908 –, elle progresse à nouveau à 83,2 % des cotisants, en gain de près de 5 points. Si l’on détaille l’implantation en 1914, on obtient le tableau suivant138 :
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES SYNDICATS OUVRIERS EN 1914

79Si la baisse atteint également villes et campagnes pour le nombre de syndicats, celles-là gagnent pourtant 5 850 adhérents quand celles-ci en perdent 2 996. Et les petits centres urbains sont les plus touchés, que ce soit Chambéry, Bourg, Romans, Bourg-de-Péage, et même Roanne. A l’inverse, la résistance est forte dans les grandes agglomérations qui, toutes, progressent en effectifs et accaparent ainsi la totalité – et bien plus, par le jeu des compensations – de la montée d’ensemble : si Lyon perd 29 organisations, elle gagne 4 252 syndiqués, et le bassin de Saint-Etienne autant, ou presque (3 658). La seule exception est celle de Grenoble où le recul est du tiers – de 1 407 personnes –, et où 18 syndicats ont disparu : avec les centres savoyards, elle traduit les difficultés des implantations nouvelles.
80Que confirme le comportement des régions rurales : toutes les pertes y viennent du Dauphiné – qui a laissé 18 syndicats et 2 324 adhérents dans l’affaire –, et des deux Savoies, venues au syndicalisme ouvrier avec le siècle. Le Vivarais retourne à l’insignifiance ; quant à l’avance du Bugey, elle n’a pas grande signification et s’explique par la percée isolée du syndicat des ouvriers en peignes d’Oyonnax. La tradition, et le cadre urbain, secondairement, demeurent donc les conservatoires de l’organisation qui, soutenue par le réseau syndical, résiste mieux qu’ailleurs à la baisse du militantisme et à la raréfaction des initiatives.
81En effet, disparus, les rares syndicats de la chimie et de l’électrotechnique139 ; amoindris des 5/6 ceux de la papeterie ; stagnants ceux de la métallurgie, et même des mines, du verre et des textiles. Mais, toujours, d’autres continuent sur leur lancée ancienne ; par secteurs en effet, la répartition s’inscrit ainsi :
RÉPARTITION SECTORELLE DES SYNDICATS OUVRIERS EN 1914

82Si bien qu’à la veille de la guerre, le syndicalisme régional est, à la fois, celui des ouvriers de la petite industrie urbaine, semi-artisanale et restée à l’écart de toute mutation technologique véritable et des « employés » des • grands services collectifs que suppose l’essor des échanges lié aux progrès de l’industrialisation. D’une part en effet le livre, le bloc du vêtement – en y mettant ganterie, chapellerie et fabrication des chaussures –, le bâtiment surtout rassemblent plus de monde qu’en 1908, même si les organisations y sont moins nombreuses. Mais, surtout, il y a eu un véritable bond des « services », dans la ligne accentuée d’une tendance ancienne : l’effectif des cotisants y a augmenté de plus de 25 %, et ils deviennent ainsi, et de loin, le premier poste du classement, à une place que les textiles leur disputaient quelques années auparavant ; et, à eux seuls, ils rassemblent près du tiers des syndiqués ouvriers de la région. Ce n’est donc pas totalement un retour en arrière, puisqu’à un syndicalisme pénétré par une tradition ancienne se joint un mouvement tout à fait neuf, obligé de définir des formes nouvelles d’actions par les conditions concrètes où il se déploie. Entre les deux, la grande industrie ne tient qu’une place médiocre, contractée après un essor manqué. Que cette répartition reflète en partie les modes du développement économique régional, donc celle de la mutation professionnelle c’est certain. Il n’en reste pas moins que le syndicalisme ouvrier se présente à la veille de la guerre comme un mouvement de compagnons et de fonctionnaires, même si la plupart des services publics demeurent aux mains d’entreprises privées. A nouveau, le premier plan est occupé par de grandes organisations qui retrouvent, peu ou prou, la ligne des syndicats corporatifs des années 1880.
83Dans la grande industrie, les syndicats de mineurs tiennent, plus que jamais, le devant de la scène, après la forte reprise qui a suivi leur réunification. Bien que dans les bassins secondaires, ceux qui étaient apparus avec la vague des années 1900 n’aient pas mieux résisté que dans d’autres branches : une Chambre syndicale des ouvriers mineurs et similaires de Sainte-Foy-Largentière rassemble pendant quelques mois une centaine de personnes en 1908 pour se dissoudre dès l’année suivante ; et aux mines de fer vivaroises de Veyras, on n’a pas eu le temps d’adhérer à la Fédération de la Loire. De même, à Sain-Bel, à Sourcieux, à l’extraction des pyrites, l’affaiblissement se creuse depuis 1909 avec l’épuisement des puits et de 580 adhérents l’effectif tombe à 300 en 1912 et 140 au moment de la guerre140. Mais à La Mure, l’année 1910 a marqué un nouveau départ, et de 300 adhérents, on remonte à 450 puis 540 en 1914141.
84Dans la Loire, surtout, sans progresser de manière considérable, le syndicalisme minier demeure cette organisation de masse qu’avait su construire G. Cotte dix ans auparavant. Les chiffres mêmes de 1914 semblent un peu inférieurs à la réalité, puisqu’un comptage précis et détaillé de 1912 attribue 9 198 adhérents aux différentes organisations du bassin, presque toutes affiliées à la Fédération nationale par le canal du Comité fédéral de la Loire. En effet, le syndicat « du Gier » n’a que 320 membres, paraît sur le point de se rallier, et deux formations « indépendantes » n’en ont pas 50 au total. Pascal Duranton a succédé à C. Bartuel au secrétariat fédéral qu’il cumule avec la direction du « Syndicat des mineurs de la Loire et de Saint-Etienne réunis » et qui rassemble à lui seul 4 309 cotisants en 1912, 3 999 en 1914. A Firminy, on en compte 1 215, puis 1 350 ; à La Ricamarie, 900 ; à Roche-la-Molière, 730, puis 1 010 ; à La Talaudière, 575. Au-delà de ses adhérents, la Fédération peut compter sur l’appui, en cas de besoin, de 15 000 à 17 000 des 20 000 mineurs du bassin. A nouveau, son poids pèse donc très lourdement sur l’orientation de l’organisation régionale142.
85Car elle développe une forme d’action qu’elle a eu le mérite d’inventer, mais qui devient peu à peu la règle pour les autres : c’est-à-dire la négociation d’ensemble avec le patronat, hors de toute revendication sauvage, et, au-delà, l’appel à une législation protectrice du travail. Celui-ci avait été, déjà, une des idées essentielles de M. Rondet. Dès octobre 1882, il avait pris contact avec les ingénieurs des mines, organisé des rencontres avec eux, et l’une d’elles devant plus de 1 200 personnes143. Puis, en décembre, il s’était adressé au Parlement : après une série de consultations avec les députés gambettistes, dont Waldeck-Rousseau, il avait présenté un programme législatif minimum résumé en 4 points. On conçoit l’intérêt qu’avait suscité une démarche tout à fait nouvelle, et qui devait rester longtemps exceptionnelle. Si diverses propositions de loi sur les caisses de secours et de retraites, sur les délégués à la sécurité, sur les conseils de prud’hommes miniers n’avaient pas abouti dans l’immédiat, M. Rondet n’en avait pas moins attaché le grelot144. Et les textes votés entre 1890 et 1894 sortaient directement de ses propositions, même s’ils s’en écartaient145.
86Quant à ses successeurs et rivaux, ils étaient restés dans la voie qu’il avait tracée. En décembre 1893 notamment, G. Cotte et A. Philibert s’étaient retrouvés à ses côtés pour éclairer le Sénat occupé à préparer la loi sur les caisses de retraites146. Et quand l’agitation avait repris, c’est pour les présenter au gouvernement et aux députés socialistes qu’ils avaient fait rédiger des cahiers de revendications, en un questionnaire sur « … les réformes à demander aux pouvoirs publics et la marche à suivre pour les obtenir... »147. Sans doute les relations avec les autorités gouvernementales ont-elles cessé d’être directes avec l’élargissement de la Fédération nationale. Mais à la tête de celle-ci, G. Cotte puis C. Bartuel continuent à hanter les antichambres ministérielles148, et une bonne partie de l’action s’intégre dans les luttes nationales de la corporation au cours des années qui précèdent la guerre149.
87Sur place, après le bref intermède Beauregard, on reprend la politique de conventions collectives avec l’ensemble des compagnies qui se trouvait en germe dès la fin du Second Empire. Et, de plus en plus, on en fait la théorie, avec celle d’un syndicalisme réformiste conscient de son orientation et qui s’affirme clairement à contre-temps de la ligne cégétiste, même après l’entrée à la Fédération nationale150. La réussite vient, à trois reprises, justifier la justesse du choix : en avril 1906, un accord est signé entre le comité fédéral et les compagnies et prévoit, pour les deux années à venir, l’augmentation des salaires ; il est renouvelé en juillet 1908, et envisage en outre la durée et les conditions du travail, puis au printemps 1910, pour 3 ans, enfin en juillet 1913151. Toutes les fois, les clauses sont discutées avec âpreté, et les demandes s’appuient sur une mobilisation de la base, toujours très vigilante : il ne s’agit en aucune manière d’une affaire d’état-major152.
88Donc, avec la dernière décennie d’avant-guerre, le syndicalisme minier maintient et précise cette vocation d’« organized labour » face au patronat organisé, à l’anglo-saxonne ; on sait qu’elle n’est pas nouvelle, même si c’est alors seulement qu’on la perçoit. Mais n’y a-t-on pas vu l’exception ? Voire. Sans doute correspond-elle à une spécificité de la profession, que l’appel aux pouvoirs publics renforce : il y a toujours eu chez les mineurs l’idée d’une propriété éminente de l’Etat, au-delà de la concession aux Compagnies ; la législation conforte ce sentiment, et il est donc logique de s’adresser aux pouvoirs publics par dessus la tête d’entrepreneurs précaires. Mais, dans une certaine mesure, la vie syndicale s’intégre désormais dans un projet plus vaste : la décision est ailleurs, les syndicats de mineurs deviennent les simples rouages d’une vaste machine. Par là, ne sont-ils pas, au contraire, un archétype ? Il y a, à la veille de la guerre, une sorte de dépossession générale du mouvement régional au profit des organisations nationales ; dans une certaine mesure, c’est un progrès, puisque l’étroitesse de l’horizon local est dépassée ; mais ne s’ensuit-il pas une difficulté plus grande à coller à la classe ouvrière peu soucieuse, hors des moments de revendication aiguë, de rejoindre des syndicats plaqués de l’extérieur, et mal ancrés en elle parce qu’ils n’ont pas jailli de son sein ?
89Or, toutes les organisations de la grande industrie apparaissent en retrait certain à la veille de la guerre. Sans doute celles du nouveau textile mécanisé demeurent-elles parmi les plus importantes d’entre elles153 : comme le « Syndicat général des tisseurs » (avec 4 245 adhérents) et la « Chambre syndicale des travailleurs de l’industrie textile » de Saint-Etienne : elle compte 1 498 cotisants, mais elle en avait 4 910 en 1906, 6 235 en 1903 ; l’« Union syndicale de l’industrie textile » de Vienne, forte de 763 adhérents : contre 2 940 en 1905 ; la « Chambre syndicale des ouvriers et ouvrières en soierie de Voiron et des environs », avec ses 1 200 tisseurs au lieu de 2 100 en 1906 ; à Thizy, à Lyon, les effectifs sont en baisse sur 1908, et s’ils progressent à Roanne, et Tarare, c’est pour atteindre des nombres très inférieurs à ceux des années 1890 ou 1900, lors des grandes poussées. Seuls font exception les syndicats de la teinture et de l’apprêt, mais ils sont portés par la mutation économique : l’« Union des travailleurs de la teinture et similaires » de Lyon se hausse de 250 à 700 adhérents en 6 ans, celle des apprêteurs de Tarare de 338 à 750. Mais, à Lyon au moins, ce n’est pas non plus atteindre le niveau de 1891 où, dans la lancée des grandes organisations de la Fabrique, l’Union rassemblait – pour peu de temps il est vrai – 880 adhérents154.
90De même, dans la métallurgie, la plus importante formation est une « Union amicale des ouvriers de la Compagnie des fonderies et forges de Saint-Etienne », un syndicat-maison de 850 membres. Malgré leurs progrès, la Chambre syndicale des ouvriers mécaniciens de Saint-Etienne (passée de 250 à 377) celle des métallurgistes de Rive-de-Gier (de 191 à 450) demeurent à des niveaux médiocres ; et à Saint-Chamond, c’est l’effondrement, à 124 cotisants, contre 1 125 en 1903 ! Ailleurs c’est, au moins, un recul prononcé, à Scionzier – de 438 à 279 entre 1908 et 1914 – ou au Chambon-Feugerolles – de 924 à 658.
91Chez les mégissiers, chez les verriers, aucune organisation ne parvient à conserver sa force d’autrefois, ou à la retrouver. A Annonay, les travailleurs du cuir sont divisés depuis 1907, un syndicat des manœuvres a fait scission ; la fédération locale avec d’autres corporations, en 1909, dans une Union des syndicats d’Annonay et de sa région, n’entrave pas leur déclin : en 1914, il n’y a plus que 350 palissonneurs et 450 mégissiers de rivière syndiqués, donc la moitié, au total, des effectifs des années 1900. Quant aux verriers, ils avaient eux aussi profité de la poussée des premiers temps du siècle : d’un coup, 4 nouvelles organisations avaient surgi de leurs cendres, puis une cinquième en 1903. Et elles survivent jusqu’à la guerre. Mais elles demeurent médiocres et n’ont pas plus de 325 cotisants en 1914. A Saint-Etienne, deux syndicats végètent, avec 250 membres, et la chambre syndicale des verriers à vitres de Givors, ressuscitée en 1902, en a une quarantaine. Dans l’agglomération lyonnaise, la « Chambre syndicale des verriers réunis », jamais dissoute, retrouve un moment 500 cotisants entre 1908 et 1912 avant de retomber, et quelques étroits groupes de spécialistes – à Oullins, notamment – ne comptent pas. Et, bien sûr, malgré la création en 1906 d’une « Fédération du Sud-Est de la verrerie », sise à Givors, aucun des syndicats régionaux ne joue plus aucun rôle d’animation régionale ni, à plus forte raison, nationale155. Seule fait exception l’« Union syndicale des ouvriers en chapellerie » de Chazelles, qui retrouve le succès des années 1870 ; elle n’avait pas 75 membres en 1908, en a 800 en 1912 et, avec 1 043 en 1914 rassemble à peu près la moitié des travailleurs en chapeau de la ville et des environs ; mais seules les circonstances locales expliquent cette poussée, encadrée par une vigoureuse revendication salariale156.
92En face, très nettement, donc, les syndicats des « services » tiennent, même pris individuellement, la première place ; comme la « Chambre syndicale des garçons bouchers de la ville de Lyon », qui réunit 780 d’entre eux ; et l’« Union fraternelle des employés de commerce de la ville de Lyon » – ils y sont 800 – et le « Syndicat des employés de commerce et de l’industrie », qui compte 500 adhérents, bien que l’un et l’autre soient en forte baisse depuis 1908157. L’un des tout premiers syndicats lyonnais est celui des « employés de tramways et similaires » – avec 2 000 membres –, avec ceux du « personnel civil des établissements de l’artillerie » – un bon millier – et des 700 « travailleurs municipaux ». De même, à Saint-Etienne, l’« Union syndicale du personnel civil de la Manufacture d’armes » rassemble 1 400 personnes, la « Chambre syndicale des mécaniciens de tramways » 380 conducteurs et le « Syndicat du personnel civil des deux sexes des établissements militaires » domine de ses 365 adhérents l’organisation professionnelle à Valence.
93C’est donc bel et bien dans les secteurs publics ou semi-publics que pointe, dans le recul d’ensemble, un nouveau syndicalisme de masse. Par nature, il emprunte les voies ouvertes par les mineurs ; avec le même double visage : c’est la vive résistance des autorités gouvernementales qui lui donne une « aura » révolutionnaire ne correspondant aucunement à ses tendances profondes et qui le projette au premier plan. Les grandes heures du syndicalisme, désormais, sont inscrites par les combats des fonctionnaires et des cheminots : dans la psychologie collective, leur place dépasse de loin l’importance numérique de leurs organisations.
94La lutte des employés des P.T.T., ou des instituteurs échappe, dans une certaine mesure, à notre propos : on sait, d’ailleurs, la longue et profonde méfiance de la classe ouvrière à l’égard de catégories jugées proches de la bourgeoisie, ou au moins participant de son essence. On en verra le sens. Mais l’organisation syndicale des cheminots, et les péripéties de son évolution sont exemplaires. Et, dans une certaine mesure, elles résument les problèmes qui se posent alors au mouvement syndical tout entier.
C. Une évolution exemplaire ? Les syndicats de cheminots
95L’organisation n’est pas une nouveauté pour les travailleurs du chemin de fer, dans la région lyonnaise comme ailleurs ; et d’emblée, elle avait pris une importance que seul le dynamisme plus accentué d’autres catégories avait rejetée au second plan. Mais l’existence antérieure d’un syndicat national lui avait conféré ses voies propres, puisque les premiers groupes de cheminots s’en étaient voulus de simples sections.
96La naissance, à Paris, le 3 août 1890, de la « Chambre syndicale des ouvriers et employés des chemins de fer » était survenue dans des circonstances particulièrement favorables à Lyon, centre de toutes les initiatives régionales dans les deux décennies suivantes158. Ou, plus justement, à Oullins, aux grands ateliers du P.L.M., où depuis la fin de 1889, la Direction signalait une certaine agitation et des réunions avec les métallurgistes socialistes et les verriers blanquistes159. Un instant, on avait même pensé se rattacher, tout simplement, aux instances locales de la métallurgie, qui d’ailleurs le souhaitaient160. Mais trois mois après sa naissance, en novembre 1890, au lendemain de contacts étroits avec Prades, secrétaire général de la Chambre syndicale de Paris, l’organisation d’Oullins s’en constituait section locale.
97Le succès avait été très vif, et rapide : en novembre 1891, on comptait 1 017 adhérents, en 32 groupes d’ateliers, sur 1 500 ouvriers, et plus de 600 d’entre eux assistaient avec régularité aux assemblées ; en décembre, on était à 1 300. Le secrétaire, un certain Saint-Marc, s’était révélé un organisateur remarquable161. Avec l’aide de Prades, revenu au printemps de 1891, il avait créé d’autres groupes à Lyon même, où la section avait 330 adhérents en avril 1891, dont 200 à La Mouche et 120 aux ateliers de Perrache. Si le service de « l’exploitation » demeurait réticent, les ouvriers de la Compagnie de l’Est lyonnais étaient sur le point d’adhérer, Vaise comptait déjà 130 syndiqués et malgré quelques rivalités internes et une tentative de la direction du P.L.M. pour susciter un « Syndicat autonome », les progrès s’étaient accélérés dans l’été de 1891 : de nouvelles sections avaient surgi à La Part-Dieu, avec des hommes d’équipe, surtout, à La Guillotière et à la gare de Perrache où les employés eux-mêmes avaient été touchés162.
98En même temps, les cheminots militants de Lyon, profitant « … de leurs congés et de leurs jours de repos pour aller faire de la propagande auprès des autres gares de la région grâce aux permis de circulation délivrés par la Compagnie... » avaient envoyé de véritables « missions » à Badan, à Chagny et à Chasse, où se trouvait une importante installation d’agglomérés163. Et le « Syndicat général professionnel des mécaniciens et chauffeurs », un peu plus ancien – il datait de 1885 – avait commencé à s’implanter solidement : Vaise et les différents dépôts lyonnais comptaient 190 militants en 1890, et c’est leur adhésion qui avait contribué à donner une coloration ferroviaire à une formation destinée, au départ, à tous les mécaniciens, quel que soit leur secteur d’emploi164. Enfin, à la veille du Premier Mai 1891, l’agitation syndicale avait gagné les gares stéphanoises165.
99Mais à peine installée, l’organisation avait sombré après une crise fort complexe, faite de divergences d’appréciation, d’hésitations à passer à l’action, de rivalités régionales et de répression patronale. L’occasion avait été la grève manquée de juillet 1891. A Lyon, on n’avait même pas compris ce qui la motivait, et Saint-Marc avait recommandé de « ... ne pas se laisser induire en erreur et... mener par une poignée d’hommes travaillant à Paris... »166. Réélu secrétaire général à Oullins, il avait pris la tête de l’opposition à la direction nationale accusée en outre de prévarication, et convoqué, en août, avec le soutien des sections de Lyon, de Vaise, d’Ambérieu, de Givors et de Saint-Etienne, un congrès du réseau P.L.M.167. La rencontre avait eu lieu à Chagny les 15 et 16 août 1891 : on s’y était prononcé pour une structure fédérale du syndicat national, considéré comme une réunion des organisations de réseau. Et il en était sorti une organisation des « Travailleurs du P.L.M. », dont le siège était fixé à Lyon, sous la haute main de Saint-Marc168.
100La victoire avait été de courte durée. Très tôt, des oppositions étaient apparues à la domination d’Oullins, traduisant la « ... rivalité entre les ouvriers des ateliers et les employés de l’exploitation et de la traction... » et Vaise s’était rallié à une conception unitaire169. Surtout, la Compagnie du P.L.M. avait profité de ces querelles pour tenter de casser le syndicat, malgré la modération des propos tenus au Congrès de Chagny. Dès la fin d’août 1891 avait couru le bruit d’une prochaine et forte compression d’effectifs aux ateliers d’Oullins ; l’émotion avait été très vive, on avait temporisé, et un certain nombre de syndiqués avaient même accepté de signer une lettre d’allégeance au P.L.M., avant de quitter l’organisation. En septembre, on avait eu du mal à renouveler le bureau de réseau, en présence des seuls délégués de Lyon et d’Oullins, le successeur de Saint-Marc, Charenton, avait été aussitôt déplacé à Chatillon-sur-Seine, avant d’être révoqué sur son refus de s’y rendre. Puis, dans les jours suivants, tous les responsables avaient été dispersés à travers l’ensemble du réseau. Les effectifs avaient fondu aussi vite qu’ils avaient grandi, dans une ambiance de délation et de découragement170.
101Le succès de la position unitaire au 2e congrès national à Paris, en octobre 1891, avait marqué la fin de la scission lyonnaise et entraîné une nouvelle hémorragie de cotisants. Saint-Marc disparu de la scène – on ne sait rien d’autre de lui –, Charenton démissionnaire, son successeur avait reconnu l’échec, condamné la position fédéraliste et dissout le syndicat de réseau. Les éléments centralistes devenus majoritaires, les sections – plus exactement, leurs décombres – avaient rejoint ce qu’on appelait désormais le « Syndicat Guérard ». L’unité avait triomphé, mais avec des effectifs infimes et de l’aventure était sortie une longue période de langueur pour le mouvement cheminot dans toute la région171. En somme, la première tentative s’était faite dans un cadre relativement étroit – autour de Lyon –, et dans un esprit de particularisme régional, malgré les liaisons nationales, qui ne l’avait pas distinguée de toutes les autres organisations syndicales.
102Puis, des tournées de Guérard en 1892 et 1894 ici, de ses adjoints ailleurs avaient aidé à la reprise de la propagande, à nouveau irradiée depuis Lyon. A leur appel, des groupes s’étaient reconstitués à Chasse et à Givors, à Saint-Etienne, à Ambérieu, à Modane, à Chambéry, à Bellegarde, à Annemasse et à Genève172. Parmi les plus actifs, les plus nombreux aussi, on citait celui de Grenoble, fort de 300 adhérents – soit 7 cheminots de la ville sur 10 –, malgré la dissidence récente du personnel de la traction, et né en 1896 à l’instigation des mécaniciens de Lyon et de Valence173 ; celui de Roanne, qui avait 159 militants à la voie et au dépôt, « … centre d’où partirait en cas de grève le mot d’ordre recueilli à Paris même... »174 ; celui de Vienne, créé par des agents déplacés en 1891175 ; ceux de Terrenoire, de Saint-Chamond, d’Annecy176. Surtout un peu partout, le syndicat Guérard avait des cotisants isolés et s’assurait par là une emprise régionale dont aucune autre formation syndicale ne pouvait se targuer. Même si dans le personnel roulant, le « Syndicat Gimbert » semblait exercer une influence certaine, à Roanne et à Grenoble notamment177.
103Une nouvelle fois, le projet manqué d’une grève générale des chemins de fer avait brisé l’élan. Si les effectifs s’étaient renforcés à mesure que l’action revendicative se déployait, si les préparatifs militaires du gouvernement avaient mécontenté la plupart des cheminots, ceux-ci n’étaient pourtant pas prêts à se lancer dans un mouvement de cette ampleur, et de répondre à l’appel du syndicat Guérard à son 9e congrès, en avril 1898. Si bien qu’aucune mobilisation n’avait répondu aux affiches placardées dans les gares de la région à partir de juin178 ; bien au contraire, la consultation entreprise par la direction nationale avait été partout négative : à Roanne, on ne cachait pas que « ... le moment est mal choisi », que « ... la grève générale est impossible pour le moment... »179. A Saint-Etienne, à quelques exceptions près, les syndicats des autres corporations, dont on avait sollicité le soutien, s’en étaient tenus à des réponses vagues. Aussi – comme dans le reste de la France – la grève avait été un échec total : sur tout le réseau du P.L.M., on avait signalé 8 grévistes, à la Croix-Rousse, aussitôt révoqués180.
104De nouveau, les démissions s’étaient multipliées, et Guérard avait été accueilli avec froideur. Il avait fallu bien deux ans pour qu’on revienne au syndicat et, à Saint-Etienne, rien ne s’était fait avant 1902181. La reconstitution s’était faite lentement : il était bien entendu qu’il ne serait plus question de grève générale. Et dès 1901, dans l’Ardèche, où le syndicat Guérard avait résisté assez bien au reflux – avec 200 adhérents à La Voulte, et 470 au dépôt du Teil – on estimait que l’idée avait totalement disparu de l’esprit des militants182. Une seconde fois, l’essai, tenté de l’extérieur cette fois-ci avait échoué ; et si la grève manquée de 1898 avait suscité une très vive émotion, le syndicalisme cheminot n’y avait que médiocrement survécu pour demeurer un peu à l’écart du grand élan du syndicalisme révolutionnaire.
105Au contraire, dans les dernières années de l’avant-guerre, les syndicats de cheminots – et leur action – occupent le devant de la scène. D’une part, leur succès s’affirme ; d’autre part, ils incarnent, mieux que quiconque, ces voies nouvelles annoncées par les mineurs d’une globalisation de la revendication, d’une maîtrise de l’action devenue elle-même moyen privilégié de négociation, d’un dialogue, enfin, avec les pouvoirs publics de tutelle.
106Pourtant, c’est autour du projet d’une nouvelle grève générale – des seuls cheminots, il est vrai, et les mots eux-mêmes ont perdu leur charge messianique – que leurs syndicats prennent un nouvel élan à partir de 1909. En quelques mois, il se tient 205 réunions de propagande dans la zone du P.L.M., après la décision que les « révolutionnaires » ont imposée au nouveau secrétaire général Bidegaray en avril 1910, à l’occasion du 21e congrès du « Syndicat Guérard ». Toutes les grandes gares, tous les grands dépôts sont visités et organisés : il n’y a pas moins de 10 réunions à Lyon, 5 à Oullins, 9 à Ambérieu, 6 à Annemasse, 7 à Grenoble, 5 à Grigny et d’autres à Annonay, à Givors, à Roanne, à Saint-Etienne183. A Chasse, les 200 ouvriers de la fabrique d’agglomérés ont leur carte ; à Saint-Etienne, 564 des 1 408 cheminots adhèrent au « Syndicat Guérard »184, et la nouvelle Fédération des mécaniciens, qui s’est alliée à lui, est solidement implantée à Roanne et dans tout le bassin minier : à Firminy, elle rassemble la quasi-totalité du personnel roulant ; et 35 des 76 employés de l’exploitation sont syndiqués ; à Rive-de-Gier, il y en a une quinzaine185. A l’Est du Rhône, Annemasse paraît l’un des principaux pôles d’impulsion : en juin 1910, plus de 100 cheminots sont affiliés, on a doublé l’effectif en 2 mois, et l’on s’attend au ralliement prochain des 70 mécaniciens de la Fédération186 ; des groupes satellites fonctionnent au Fayet, à Genève – 180 militants pour 400 cheminots – à Culoz (une cinquantaine), à Ambérieu (148), à Bellegarde (92 sur 267) et à Thonon, Evian et Saint-Julien. Et au printemps 1910, Annemasse convoque une réunion d’ensemble pour préparer la fusion des différents groupements : 360 personnes y assistent dont un certain nombre d’inorganisés187. En Savoie, sans avoir de nombres précis, on estime que le Syndicat Guérard rassemble à peu près le tiers des cheminots et que 4 mécaniciens sur 5 sont à la Fédération188 ; en Ardèche, si Le Teil et son dépôt demeurent la principale concentration à la fois de la Fédération – forte de 150 chauffeurs – et du Syndicat Guérard, d’autres groupes fonctionnent à Voguë, à Annonay et à La Voulte. Et au total, il y aurait 6 786 adhésions nouvelles dans les premiers mois de 1900 sur l’ensemble du réseau P.L.M.189.
107Tout l’été est occupé par une intense agitation revendicative : en juillet et août, les responsables d’Annemasse parcourent Ain et Savoie ; L. Baud, secrétaire du groupe, H. Totti, de Thonon, reçoivent l’aide de Le Guennic et rencontrent une audience d’autant plus grande que les bruits de grève générale circulent depuis le début de juin et que « … tous semblent... décidés à revendiquer par tous les moyens, tout au moins l’augmentation des salaires... »190. Dès le 26 juillet, une réunion secrète des responsables se tient à Genève, et on envisage la grève immédiate à Annemasse, à Bellegarde, à Culoz, à Chambéry et dans les autres centres de Savoie et du Bugey après le déplacement d’un militant genevois ; un meeting la suit, en présence de 400 personnes, et on y décide d’obéir à un mouvement éventuel : en attendant on disperse ou on enterre les archives191. A Lyon aussi, on est sur le qui-vive depuis juin : le 5 s’est réuni le Comité de réseau P.L.M., qui a constitué sa caisse de grève, reçu l’alliance de la Fédération des mécaniciens et pris ses dispositions pour le 1er juillet, à minuit, où doit éclater un mouvement « ... brusque des bras croisés... », illimité, jusqu’à ce que les Compagnies acceptent toutes les exigences192.
108On sait que la grève ne démarre, dans le désordre, qu’entre les 8 et 12 octobre 1910. La médiocrité contraste, une fois de plus, avec l’ampleur des préparatifs militaires, bien que le mouvement, pour la première fois, entraîne un certain nombre de militants ; et les manœuvres des autorités y ont contribué autant que les hésitations des cheminots193. En Ardèche, la grève ne rencontre aucun écho : quelque incidents ont lieu au Teil, où une sentinelle répond par un coup de feu à blanc à un jet de pierre nocture194. A Chambéry et en Savoie, on se borne à quelques réunions, et on n’arrête le travail que le 17, quand le mouvement se brise ailleurs : « ... il y a eu... plutôt reflet de la grève que grève proprement dite... » ; après un cortège médiocre, la reprise est totale dès le 19, les deux principaux responsables sont révoqués sans heurts195. A Annemasse, Laurent Baud a été arrêté dès le 13 octobre, pour tentative de débauchage ; la grève est cependant totale, comme à Genève ; mais les mécaniciens ne suivent pas ; le 18, tout est fini, et la Compagnie prononce 14 révocations196. A Culoz, rares sont ceux qui ont arrêté le travail, comme à Bellegarde, où le groupe s’est cassé en deux ; seul Ambérieu a suivi massivement, il y a eu plus de 200 participants, mais là aussi le mouvement est brisé par 32 révocations définitives, et le soutien des mécaniciens a manqué197. Leur abstention explique, semble-t-il, le calme de l’Isère, où quelques sabotages se sont produits, à Vénissieux, au Péage-de-Roussillon. Vienne et Chasse notamment sont restés en dehors de l’affaire malgré les sollicitations d’Oullins198.
109C’est à Saint-Etienne, semble-t-il, qu’on a créé le plus de désordres ; moins à cause de la grève – là aussi, infime : elle n’a guère touché que 104 cheminots – que des manifestations dont elle a été l’occasion, et de la présence d’Henri Totti, déplacé peu avant de Thonon et Ambert et qui a su provoquer la solidarité des autres corporations. Les Jeunesses syndicalistes et les libertaires se joignent aux cheminots ; 5 à 600 manifestants – d’autres disent 2 000 – se proposent, à la sortie du meeting, d’envahir la gare ; des échauffourées très dures se produisent avec la police et les dragons dans une ville en état de siège, on dresse des barricades, à l’internationale se joignent des slogans hostiles au gouvernement ; dans les jours qui suivent, Totti et plusieurs responsables locaux sont arrêtés199. Mais les cheminots ont été finalement très minoritaires dans la manifestation. Et, comme ailleurs, l’échec est à la mesure des espoirs nés dans une action mûrie de longue date et qui avait provoqué une mobilisation et une exaltation exceptionnelles.
110Une troisième fois, donc, l’organisation syndicale retombe et les effectifs s’effondrent ; à Annemasse, les révoqués refusent tout contact avec le syndicat, tombé à une vingtaine de membres à la fin de 1910 ; à tel point qu’on envisage de dissoudre la section pour se rattacher à Genève200. Partout, la situation financière est critique, la torpeur générale ; au Congrès de réseau P.L.M. participent encore 29 groupes en 1911 : en 1912, 19 seulement201, dont toute l’énergie est détournée vers la nécessaire solidarité aux révoqués202. En même temps renaît la tentation de l’autonomie : en octobre 1911, Dayre, secrétaire général de la Commission exécutive du Comité de réseau propose de revenir à une « Fédération » des réseaux, et l’on craint un moment une scission du P.L.M. Bidegaray est violemment pris à partie au Congrès régional et par Dayre et par H. Totti qui lui reprochent le gâchis d’octobre 1910 ; la rupture paraît quelque temps consommée203.
111Il n’en est rien, et les sections se reconstituent l’une après l’autre. H. Totti joue un rôle considérable, conférencier infatigable qui parcourt toute la région, tente même de toucher les cheminots des réseaux secondaires, restés en dehors du mouvement204. Beaucoup hésitent pourtant à revenir : on ne croit plus au syndicat qui a été incapable de s’imposer en 1910 et se révèle encore plus impuissant à protéger ceux de ses militants qui s’étaient compromis pour lui205. La campagne électorale d’octobre 1912 pour les élections aux Commissions de réforme est une occasion nouvelle de propagande ; à Saint-Etienne, la reprise se fait dans l’été 1912, sous l’impulsion de militants socialistes206. A Annemasse, il faut attendre le début de 1913 pour que se « ... manifeste un regain d’activité... », un premier essai échoue, on doute, on se heurte à l’indifférence des uns, aux sarcasmes des autres, et les rares sympathisants se bornent à la lecture et aux commentaires de La Tribune de la voie ferrée, le journal du syndicat207. Au début de 1914, il n’y a que 4 sections dans la Loire et au Congrès national qui se tient à Saint-Etienne, les 12 et 13 juin ne participent que 13 groupes implantés dans la région lyonnaise ; et on y retrouve les mêmes noms que dans les années 1900208.
112En même temps se réunit le Congrès de la Fédération des mécaniciens et chauffeurs du P.L.M., dont le siège central est d’ailleurs fixé à Saint-Etienne, avec son secrétaire général Michel Bazin. Celui-ci et ses collaborateurs ont, semble-t-il, pu faire remonter la pente avec plus de facilité. Si au lendemain de 1910, les défections avaient été nombreuses, le fondement plus étroitement corporatif de la Fédération avait ramené plus vite les militants. M. Bazin a reconstitué la plupart des sections lors d’une longue tournée dans l’Ain, en Savoie et en Haute-Savoie à la fin de 1912, puis autour de Lyon au printemps 1913, avant de mener une action vigoureuse, avec l’appui d’A. Briand, pour obtenir la réintégration des cheminots révoqués. A la veille de la guerre, la Fédération reprend langue avec les autres organisations syndicales du rail pour tenter la fusion esquissée en 1909. Mais, partout, les plaies de 1910 sont loin d’être pansées209.
113L’évolution, et le destin provisoire, des syndicats de cheminots sont exemplaires. Longtemps au second plan, ils n’échappent pourtant pas aux grands courants du mouvement syndical tout entier : la tentative de 1891, autour des ateliers d’Oullins et de l’organisation de réseau rappellent celles des formations corporatives des années 1880, mal à l’aise en dehors des problèmes immédiats. Puis essor du nombre et projet de « grève générale » rythment le quart de siècle suivant, selon un balancement décennal. Or, beaucoup plus encore que chez les mineurs – qu’ils rappellent en partie – la dichotomie est éclatante entre une certaine pratique réformatrice et la violence des sentiments – d’espoir pour les uns, de crainte pour les autres – devant une action qui pouvait susciter la paralysie totale de l’économie.
114A trois reprises en effet, les préparatifs de la grève corporative ont entraîné une véritable mobilisation des pouvoirs publics, un branle-bas de combat, hors de proportion avec la menace. Les dossiers préfectoraux sont bourrés de liasses volumineuses ; celles-ci, assez pauvres sur les cheminots eux-mêmes, reflètent la panique qui s’empare des autorités, dans une ambiance de complot apocalyptique où ne manquent ni les fausses identités, ni les messages codés, ni les automobiles mystérieuses d’un roman-feuilleton de pacotille. Les préparatifs de 1910 n’échappent pas à la règle, dans une agitation des esprits qui occulte le recul général du syndicalisme et de ses capacités d’action globale, et paraît déjà anachronique.
115Or, paradoxalement, ces syndicats sont – sauf exception minoritaire – les points d’appui affirmés d’un réformisme sans honte. Dès le début, ils font preuve d’un modérantisme exceptionnel. Prades, le père fondateur, rejetait en février 1891 toute idée de « chambardement » (sic), condamnait la grève en soi pour prôner une action purement et étroitement corporative210. Il ne pouvait qu’être entendu à Lyon : en août 1891, au Congrès de Chagny, Charenton faisait rapport en ces termes d’un entretien avec Noblemaire, directeur général du P.L.M., auquel il était allé exposer les « … espérances des ouvriers... » : « Le syndicat sera composé surtout d’honnêtes gens et de travailleurs – ceux qui seront bannis par lui ne pourront être conservés par la Compagnie... en somme, ils voulaient former une espèce de Légion d’Honneur... » ; avant d’inviter « ... fortement les syndiqués à faire tout leur possible pour mériter sa bienveillance... », car « ... le syndicat n’a pas été créé pour entrer en lutte avec la Compagnie, mais bien pour lui venir en aide et recueillir les fruits du travail commun... »211. On sait la réponse du P.L.M.
116Quelques années plus tard, le préfet de la Loire insistait : on a affaire à « ... des syndicalistes intelligents... », « … capables de surmonter des impulsions... », et une éventuelle grève serait « ... un mouvement calme et réfléchi, s’appuyant sur la force réelle de l’argent que pourrait mettre en ligne le syndicat... », toute idée de sabotage étant à écarter212. Et dans l’Isère, à l’heure de l’action, la puissante section de Grenoble conclut à « ... l’inopportunité de la grève générale pour faire aboutir les revendications... »213. Enfin, à l’approche du mouvement de 1910, toutes les autorités locales s’accordent sur la même appréciation nuancée des tendances profondes du syndicalisme ferroviaire : en Savoie, son caractère est « ... généralement pacifique… » et s’il y a « ... quelques syndicalistes militants, on n’y rencontre pas les tendances révolutionnaires qui fomentent l’agitation violente... des grands centres... » ; d’ailleurs, la « ... presque totalité des employés de la Compagnie est hostile à toute idée de grève... »214. Et il est significatif qu’à Annemasse, le seul meneur capable de sabotage soit dénoncé comme provocateur par ses camarades215. A Saint-Etienne, à Firminy, malgré l’ardeur de l’esprit syndicaliste, à Ambérieu, à Bellegarde, à Genève, aucun militant n’est jugé dangereux, et il semble que les seuls incidents de 1910 aient été le fait de gens extérieurs à la profession216. Au Teil enfin, où, cependant, « ... la surexcitation d’esprit est grande... », les mécaniciens de la Fédération pensent « … qu’ils peuvent défendre leurs intérêts professionnels et corporatifs sans recourir à l’élément révolutionnaire qu’ils estiment être compromettant... » ; et les cheminots du « Syndicat Guérard » « ... se déclarent décidés à faire valoir leurs griefs auprès de leurs chefs sans se départir de leur calme et sans recourir à des moyens extérieurs... »217.
117Au niveau national d’ailleurs, le syndicalisme cheminot est, comme celui des mineurs, un modèle de pratique contractuelle, dont les conquêtes légales ne sont pas négligeables dans le quart de siècle qui précède la guerre : le travail est réglementé par une série de textes en novembre 1899, puis en octobre 1901 ; depuis février 1901, sur le réseau de l’Etat, des Comités du Travail veillent au respect de la législation, avec participation élue des ouvriers ; en mars 1907, les cheminots obtiennent la protection des Prud’hommes ; et le régime des retraites est organisé par une loi de juillet 1909 et amélioré en décembre 1911218.
118En même temps, les syndicats de cheminots demeurent largement des corps étrangers au syndicalisme et à la classe ouvrière régionaux, restés méfiants à toute tentative extérieure. A aucun moment leur mouvement – dont on sait pourtant la résonance – n’a éveillé ou n’éveille de solidarité réelle. La tentative la plus nette, en 1898, s’est terminée par de vaines paroles. Quant aux militants responsables, ils paraissent parfaitement étrangers au mouvement ouvrier de la ville où ils résident, puis s’effacent totalement dans l’oubli malgré leurs qualités. De Saint-Marc, il n’est plus question nulle part après 1891. A l’approche de la grève de 1898, on dispose d’un échantillon assez large de dirigeants, tels ceux de Grenoble, dominés par Frédéric Laurent, un ancien gantier de 26 ans, qui a du bien ; or, aucun d’entre eux, ni à Vienne, ni à Terrenoire, ni à Chambéry, ni à Lyon n’apparaît en d’autres occasions dans la surveillance étroite où est tenue le mouvement ouvrier local219. La remarque vaut encore plus en 1910 : des 4 responsables de Roanne, des 7 de Saint-Etienne, des 8 du Teil et des autres, on ne sait que le nom et une vague mention de leurs idées politiques : ils sont républicains !220.
119En trois cas seulement, il semble qu’il y ait liaison avec le reste du mouvement ouvrier : Lauclair, secrétaire du syndicat Guérard à Roanne de 1898 à 1902 devient administrateur de la Bourse du Travail221 ; Laurent Baud, responsable d’Annemasse en 1910 milite par la suite à la S.F.I.0.222 ; et surtout, Henri Totti, figure de tout premier plan, est, aussi, l’un des animateurs du mouvement libertaire à l’échelle régionale : sa stature est exceptionnelle, et son rôle grandira d’ailleurs après la guerre223. Mais des dizaines d’autres dirigeants cités ici et là, aucun ne déborde du cadre corporatif. Les syndicats de cheminots se posent en organisation parallèle, sans lien avec le mouvement ouvrier régional. Cette coupure, elle aussi, paraît exemplaire : elle reproduit celle qui sépare, dans les années 1910, la plupart des groupements professionnels de l’organisation nationale de la C.G.T.
D. La C.G.T. : une organisation extérieure
120Avant 1908 en effet, l’adhésion à la Confédération s’était faite par adoption des thèmes et des mots d’ordre plus que par affiliation réelle. Or, désormais, la rupture avec sa ligne générale n’est pas compensée, loin de là, par la mise en place des institutions dont elle se dote, articulées autour des Unions départementales et des fédérations d’industrie ; d’autre part, les nouvelles directions de sa propagande paraissent trop éloignées des soucis du quotidien pour pénétrer profondément – comme naguère l’idée de la grève générale – les hommes et les groupes.
121Si les fusions en syndicats d’industrie paraissent se faire sans trop de réticences – mais avec des effectifs amoindris –, la naissance des Unions départementales est en effet lente et laborieuse. Enfermés dans leurs perspectives propres, les syndicats accueillent sans enthousiasme une forme de fédération qui vient d’en haut ; et la méfiance de beaucoup d’entre eux s’accroît quand les U.D. deviennent le refuge des militants libertaires écartés des Bourses du Travail. Il ne faut pas moins de 4 ans pour que l’ensemble de la région soit couvert. La première à voir le jour est, au printemps 1907, l’Union des Syndicats du Rhône (U.S.R.) ; mais dans l’esprit de ses créateurs elle est, avant tout, un moyen de freiner la concurrence qui oppose Union locale et Bourse du Travail, et ses débuts ne sont pas brillants. Par la suite, elle prend, dans les faits, la succession de la première, et son audience ne paraît guère dépasser les Limites de l’agglomération où elle s’appuie à la fois sur les syndicats du bâtiment et ceux des services publics224. A sa tête, on retrouve C. Legouhy, et surtout, Chabert, un ouvrier mécanicien de la Buire et Royer, un scieur mécanique, secrétaire de 1911 à 1914, plus attachés que les syndicalistes révolutionnaires de 1906 à l’organisation elle-même, mais restés fidèles à la violence des mots. A partir de 1912, la compétence de l’U.S.R. est étendue au Bas-Dauphiné et à une partie de l’Ain ; pourtant, en 1914, elle ne rassemble que 73 syndicats sur les 225 que compte le seul département du Rhône225.
122A peu près en même temps s’est constituée une « Fédération interdépartementale des syndicats ouvriers des Deux Savoies », à Chambéry, et qui prend en 1910 seulement le titre d’Union départementale. Puis, en septembre 1908, c’est au tour de l’Ain, associée à la Franche-Comté jusqu’en 1913, où elle s’en sépare, le siège étant fixé longtemps à Saint-Claude ; et de l’Isère, qui, elle, englobe les Hautes-Alpes226, il faut attendre octobre 1911 pour que les syndicats de la Loire emboîtent le pas, non sans mal : le congrès constitutif, à Saint-Etienne, est réuni à l’initiative des libertaires qui réussissent à s’imposer au Conseil d’administration et tentent d’en faire une machine de guerre contre les socialistes unifiés ; jusqu’en 1914, la lutte ne faiblit pas227. Enfin, en octobre 1912, une réunion à Romans met sur pied une Union départementale Ardèche-Drôme ; en fait, sur une trentaine de syndicats représentés, il n’y en a que 3 du Vivarais, dont celui des instituteurs ; et malgré une active propagande dans l’été 1913, Annonay demeure à l’écart228.
123A la veille de la guerre, les U.D. ne rassemblent, finalement, qu’une minorité d’organisations syndicales : pas plus d’une quinzaine dans l’Isère – où l’Annuaire en dénombre 83 ; 77 dans la Loire, où il y en a 130 ; 34 dans la Drôme et l’Ardèche, pour un total d’une cinquantaine ; 16 dans les deux Savoies, sur 35, et, on l’a vu, moins du tiers dans le Rhône. La plupart des dirigeants sont des éléments un peu marginaux, militants révolutionnaires avant d’être des responsables corporatifs, et, sauf dans les départements où il n’y a pas de tradition syndicale, les nouvelles Unions paraissent, pour l’heure, des cadres un peu vides.
124On ne peut qu’être frappé, par ailleurs, de la médiocrité des auditoires qu’attirent les orateurs nationaux de la C.G.T. Merrheim lui-même, le plus apprécié d’entre eux, parle devant 150 personnes seulement à Saint-Etienne en mars 1907, et celles-ci seraient tout à fait déconcertées par son discours ; à Grenoble en mars 1908, il en a 250, au plus, et l’échec est total à Vizille et à Voiron ; à Annecy, en juillet 1909, il n’y en a pas 70229. Dans le bassin forézien notamment, l’accueil est uniformément glacial, et, en 1911, on remarque l’abstention des grands ténors de la C.G.T. : Jouhaux et Yvetot ont parlé devant des banquettes vides230. Enfin, en dehors des grands centres, l’émotion est médiocre au moment des fusillades de Villeneuve et de Draveil : à Grenoble, ne doit-on pas annuler un concert en faveur des victimes, faute d’assistants ? Et à Saint-Etienne, seuls les rares mineurs du syndicat Beauregard tiennent quelques réunions de quartier231.
125Pour une bonne part, cette indifférence tend à une incompréhension des thèmes de la propagande cégétiste, pour l’essentiel étrangers aux questions corporatives. Le commissaire de police de Voiron traduit, en mars 1914, l’ébahissement des auditeurs de L. Jouhaux dont tout l’exposé tourne autour de la « ... nécessité d’une éducation nouvelle chez l’enfant, basée sur les sentiments de solidarité et d’amour... », avant de conseiller « ... à l’ouvrier la vie saine de famille... »232. De plus en plus en effet, les organisations cégétistes entendent se consacrer à une éducation de la classe ouvrière, où anti-alcoolisme et propagande néo-malthusienne tiennent au moins autant de place que l’action syndicale propre ; que ce soit à Saint-Etienne233, à Roanne234, ou ailleurs235, le succès est toujours médiocre ; parce que ce sont là des thèmes parfaitement étrangers à l’univers mental de la masse ouvrière ; et particulièrement significatif est l’échec des campagnes contre l’école laïque qui tombent totalement à plat quand elles ne suscitent pas des réactions hostiles236.
126La crise est donc d’abord à l’intérieur du mouvement syndical. La stagnation globale de ses effectifs masque le reflux de son influence chez les travailleurs de la grande industrie et d’importants reclassements internes qui l’empêchent de coller parfaitement à la répartition professionnelle de la classe ouvrière. D’autre part, le développement de l’organisation confédérale se fait sur des thèmes trop étrangers à la tradition revendicative pour qu’ils rencontrent plein succès. Dans une certaine mesure, il y a divorce entre l’appareil et la masse ; et il est significatif que pour la première fois, des courants qui tournent le dos à plusieurs décennies d’action collective parviennent à s’implanter dans la classe ouvrière, pour, bien sûr, accentuer ses divisions.
2. A contre-courant : un autre mouvement ouvrier ?
127Les circonstances de leur apparition ou de leur développement placent sous le même signe deux grands types d’organisations ; les unes naissent des formes nouvelles de l’action catholique, les autres de l’abandon, par un certain nombre de transfuges, de la ligne générale du mouvement ouvrier. Quelle que soit leur inspiration, elles se situent à contre-courant et suscitent la même hostilité. Pour relatif qu’il soit, leur succès n’en traduit pas moins le refus, ou la lassitude, de certains secteurs de la classe ouvrière.
A. Une tradition multiforme
128La découverte de la question sociale datait pour quelques catholiques, prêtres ou laïcs, « des lendemains de la Commune » ; comme ailleurs s’était imposé à eux l’impératif du double devoir de connaissance et d’assistance. En avril 1872, un jeune abbé, Percié, avait ouvert à Annonay, un cercle pour former les ouvriers « à la pratique des devoirs religieux et moraux... » et les « occuper par des distractions honnêtes237 », quelques semaines avant celui de La Croix-Rousse, à Lyon, tenu généralement pour la première création provinciale238. Des contacts avaient été pris alors avec Albert de Mun, et d’autres cercles étaient apparus à Romans en 1875239, puis à Grenoble en avril 1876, « … à la fois centre de réunion et... maison de famille (pour) les ouvriers de bonne volonté... »240. En 1878, Lyon était devenu le siège d’un Comité régional de l’Oeuvre des Cercles, d’autres ayant surgi entre temps à Dieulefit, à Albertville, en 1877, et à Roanne241. A Annecy enfin, l’« Association de Saint-François de Sales », une société de secours mutuels catholique née en 1863 s’était adjointe dans les années 1880 un bureau de placement pour « … aider les enfants de la classe ouvrière à trouver des familles et des ateliers où ils puissent persévérer dans la pratique de leur foi... »242.
129Mais le mouvement n’avait pas vraiment mordu sur la classe ouvrière. Les initiatives lui étaient trop étrangères – comme celle du Comité grenoblois où 4 prêtres et 5 officiers côtoyaient un professeur de droit, quelques négociants et deux fabricants de gant, dont Perrin ; aussi le Cercle avait-il disparu en 1886 pour devenir un simple patronage des jeunes apprentis ; depuis longtemps déjà, son local de la rue Haxo n’accueillait plus que des joueurs de billard243. A Romans, à Annonay, tout était fini depuis 1880, on n’avait jamais rassemblé plus de quelques dizaines de jeunes gens ; à Albertville, on n’avait jamais dépassé le nombre de 25 adultes et adolescents. Comme dans le reste de la France presque tous venaient des patronages religieux.
130L’intervention ardente de Léon Harmel, à partir de 1885, pour tracer aux « cercles » d’autres voies que celles de la distraction et de la piété, n’avait pas pu les sortir de leur médiocrité244. Depuis 1878, il avait pris langue avec quelques manufacturiers de la région, comme Eugène Déchelette, d’Amplepuis, Neyrard et Camille Thiollière, deux fabricants de lacets de Saint-Chamond ; à l’enquête qu’il avait lancée en 1883 sur la condition du prolétariat avaient en outre répondu un petit moulinier ardéchois et Auguste de Pavin de Lafarge245. Mais seuls E. Déchelette, Neyrard et C. Thiollière avaient créé des « cercles » distincts de leur usine246 ; et, au total, la faiblesse des résultats d’ensemble avait contrasté avec la vigueur de l’action, marquée, en 1885, par une tournée dans le bassin stéphanois et une « réunion d’études » à Lyon. En 1893, il y avait des « cercles » ou des « comités de patronage » dans une dizaine de villes seulement et où les ouvriers faisaient défaut247. Le patronat catholique était demeuré fidèle aux œuvres d’usine, dont on a vu l’importance, l’efficacité, et l’ambiguité finale.
131L’échec de l’« Œuvre des Cercles » masque donc la réussite locale de certaines initiatives, et n’exclut pas un succès partiel. Ainsi, à Roanne, le « cercle » aurait compté 250 adhérents vers 1895 ; à plusieurs reprises, il avait organisé des conférences d’Albert de Mun et de l’abbé Garnier et, en 1891, pris l’initiative d’une assemblée générale des Cercles catholiques ouvriers de France ; Eugène Déchelette présidait en son sein une importante coopérative de consommation, « La Ruche », et des filiales avaient été créées’ à Montbrison et et à Charlieu248. A Saint-Etienne, l’œuvre des jardins ouvriers avait été organisée en 1895 par le Père Volpette, un Jésuite professeur au Collège Saint-Michel ; en quelques années, son succès s’était affirmé ; en 1899, elle louait.230 000 m2 à 380 familles, contre une centaine de lots et 54 000 m2 à ses débuts ; une « Caisse de prêts » à la construction en était sortie249, et on retrouvait le Père Volpette dans un « Comité ouvrier du quartier de Côte Chaude » qui avait su attirer, depuis 1896, une cinquantaine de jeunes mineurs. A Valbenoite, c’est plus de 200 passementiers qui fréquentaient le patronage des Frères des Ecoles chrétiennes250. Au printemps de 1897, le bassin stéphanois comptait 9 Comités catholiques où prêtres et enseignants des établissements religieux encadraient plus de 2 500 membres, dont un grand nombre de rubanniers ; l’édifice était coiffé par un « secrétariat du Peuple », chargé de la gestion de divers services d’assistance, et qui se ramifiait à Saint-Chamond, à Rive-de-Gier, au Chambon Feugerolles, et à Saint-Genest-Malifaux251. La région de Saint-Etienne était donc fortement pénétrée par un catholicisme populaire et pratique, dont la réussite contraste avec l’échec des organisations lyonnaises, plus riches de réflexion doctrinale et porteuses d’un avenir brillant. Car, comme les « Cercles chrétiens d’études sociales », creusets de la démocratie chrétienne, les « Comités du Sud-Est » groupés, à partir de 1892, autour de Marius Gonin étaient restés affaire d’intellectuels, malgré l’aide d’un « secrétariat du peuple », d’une caisse de maladie et d’un économat, et, surtout, en dépit de l’intérêt – tout à fait neuf – porté à l’idée d’un syndicalisme chrétien252.
132Or, quelle qu’en ait été la forme, l’action catholique s’était voulue radicalement antagoniste des grandes tendances du mouvement ouvrier. Quels qu’aient été ses motifs, elle s’était toujours placée dans la mouvance de fait de la droite cléricale et anti-républicaine, dont elle avait adopté toutes les hantises. A Voiron, en mai 1889, à Annonay en octobre 1893, au nom d’un « socialisme chrétien », Léon Harmel lui-même s’en était pris violemment aux Juifs et aux Francs-maçons253. En 1896, les dirigeants du Cercle de Roanne tendaient la main aux « socialistes révolutionnaires » pour les inviter à « ... s’affranchir du joug des juifs capitalistes... »254. A côté d’une « … petite feuille de propagande socialiste chrétienne... » éditée par un vicaire de la paroisse Sainte-Anne, les Déchelette, comme d’autres manufacturiers roannais, faisaient distribuer gratuitement La Croix des Assomptionnistes, dont on sait les obsessions, à 1 500 exemplaires dans l’arrondissement, dont 500 à Roanne et 600 à Perreux. Le Comité catholique qui coiffait le Cercle lui-même dirigé par un contremaître des Chamussy, rassemblait « ... tout ce que la ville (comptait) de réactionnaires... », et antisémitisme ou antimaçonnisme y étaient des thèmes quasi quotidiens255. A Saint-Chamond, « Notre-Dame du Travail » était l’émanation directe d’une association de patrons catholiques mal débarrassés de nostalgies monarchistes et camouflait, en 1896, « ... toutes les arrières-pensées du parti réactionnaire intransigeant... »256. Quant au Comité ouvrier de l’abbé Volpette, il était sorti d’une initiative de l’Union catholique stéphanoise, et c’est aux compagnies houillères qu’il devait la location à prix modeste de ses jardins.
133Inextricablement s’étaient donc mêlés parfois chez les mêmes hommes, à un évident souci évangélique, une volonté tout aussi forte de défense de l’Eglise assimilée à la lutte antirépublicaine et un idéal de réconciliation des classes trop conforme aux intérêts des possédants pour n’être pas suspect, particulièrement dans la bouche de certains de ses tenants, comme les Déchelette et les Chamussy, patrons cotonniers honnis du prolétariat roannais. « Cercles » et œuvres diverses étaient apparues comme des doublets des organisations cléricales et réactionnaires, voire comme de simples coupes-feu d’inspiration patronale.
134La politique anti-cléricale du Bloc des gauches, soutenue par la quasi totalité des organisations politiques et syndicales de la classe ouvrière, ne peut qu’accentuer cette communauté de fait. Or la crise du syndicalisme révolutionnaire, très précoce dans la région lyonnaise et la généralisation de la contre-offensive patronale coïncident avec l’apparition de nouvelles formes de l’action catholique, plus proches de la tradition originale du mouvement ouvrier : le syndicalisme chrétien commence à occuper les brèches que les organisations révolutionnaires n’avaient pas su garnir ou qu’elles sont obligées d’évacuer.
135On n’en continue pas moins, toujours, dans les lignes anciennes, selon les mêmes perspectives, avec des implications sociales et politiques inchangées. A Saint-Chamond, « Notre Dame du Travail » se dote d’un bureau de placement et d’un service de renseignements fiscaux et militaires ; l’œuvre de l’abbé Volpette continue à se développer, après avoir été prise en mains par les Assomptionnistes : en 1907, elle loue 700 jardins, entreprend directement la construction de logements à bon marché, et elle inspire des institutions analogues dans l’agglomération lyonnaise, en Dauphiné et en Savoie257. Un « cercle d’études » de Chazelles mêle dans ses « cours sociaux » le commentaire de Léon XIII, l’exaltation du travail et la lutte contre l’union libre et la dépopulation nées du « matérialisme socialiste » ; puis il se fait à son tour bâtisseur : 5 immeubles collectifs sont construits pour un système de location-vente258. A Saint-Chamond, les « Chevaliers de Jeanne d’Arc », créés en 1893 par Joseph Laurent, le fondateur de La Croix du Forez se bornent à gérer un jeu de boules, et leur action est plus proprement politique, et farouchement anti-républicaine259. Marius Gonin et ses amis poursuivent leur propagande et, tour à tour, Chazelles et Rive-de-Gier accueillent leurs Congrès ; mais la greffe demeure plus difficile : en 1905, il n’y aurait que 120 ouvriers dans un mouvement qui compte déjà 228 groupes, et une tournée dans la vallée de l’Ondaine en 1912 éveille peu d’échos260, malgré la multiplication des initiatives261.
136A Grenoble, le relais est repris par Emile Romanet, directeur d’une usine de chaudronnerie. La « Maison populaire Saint-Bruno » compte parmi ses bienfaiteurs tout le Gotha du monde des affaires dauphinois, le banquier Charpenay, le fabricant de pâtes alimentaires Cartier-Millon, le papetier Matussière, les Grands Magasins Paris-Grenoble et la Société électro-chimique de Froges, aux côtés de tous les ecclésiastiques qui comptent dans la région. Il dispose d’un secrétariat social et d’un bureau de placement ; sa mutuelle, la « Ruche Populaire », fournit secours, prêts et primes au berceau. Mais ses liaisons sont tout aussi étroites avec l’« Association catholique et patriotique de Saint-Bruno » qui publie, à 15 000 exemplaires, La Réponse du Sud-Est, une feuille destinée à dénoncer les francs-maçons262. On retrouve des groupes semblables, plus dispersés, en Bugey, inspirés à la fois par Marius Gonin et la pensée de Marc Sangnier, et qui tiennent congrès à Ambérieu, en 1905263. Et, dans les années qui précèdent la guerre apparaissent quelques – rares – « conseils du travail » chargés d’attributions consultatives et arbitrales : chez Joya, à Grenoble, la firme d’E. Romanet, dans un tissage stéphanois et une mégisserie d’Annonay264.
137Enfin, chez les travailleurs des chemins de fer, l’action catholique prend une ampleur qui dépasse de loin la somme des initiatives individuelles et rencontre un exceptionnel accueil. A ses débuts, en 1898, le mouvement paraît n’avoir rencontré qu’indifférence chez les cheminots, à l’exception de ceux qui avaient été élevés dans des établissements religieux. On signale, en novembre 1900 la propagande à Grenoble, d’un certain abbé Sage, qui se révèle parfaitement vaine, et il existerait un petit groupe à Chambéry. En mars 1909, on parle d’un groupe à Rive-de-Gier, avec 32 adhérents ; c’est tout. Même si le silence des sources ne signifie pas l’absence totale des groupes de cheminots catholiques, il rend compte au moins de leur inertie. Or, deux ans plus tard, en 1911, on les trouve partout : bien que l’Union catholique du personnel des chemins de fer n’en fasse pas partie, elle se rattache pourtant au courant tout à fait nouveau d’un syndicalisme dit « indépendant », et dont les formations chrétiennes ne sont qu’un rameau.
138Au début au moins, il est assez difficile de débrouiller dans ces organisations, qui, sous les noms divers de « corporative », « libre », « indépendante », « professionnelle » ont en commun la volonté de rompre avec la branche principale du syndicalisme ouvrier tout en en prenant la forme.
139Incontestablement, les premières d’entre elles s’étaient expressément rattachées au christianisme social. La « Corporation des tisseurs lyonnais », notamment, née en décembre 1885 au lendemain d’une visite de Léon Harmel, à l’initiative de 72 chefs d’atelier appuyés par quelques fabricants. Les violences du « tarif » de 1885 avaient brusquement gonflé ses effectifs à 500 au début de 1886, à 800 dans le printemps suivant ; pendant toute la décennie suivante, le nombre de ses adhérents avait avoisiné les 500, et en décembre 1893, elle avait conquis 2 sièges de conseillers prud’hommes265. En 1887, sur le même modèle s’était constituée une « Corporation chrétienne des tisseurs stéphanois », « ... basée sur la fraternité... (et) l’esprit de justice et de charité... » ; malgré la création d’une « Société coopérative » annexe, le succès avait été moindre qu’à Lyon, et les effectifs avaient oscillé de 100 à 150 selon les années266 ; là non plus, le soutien du patronat n’avait pas été marchandé, et la corporation était considérée, malgré ses statuts, comme une œuvre cléricale ; quant à celle de Lyon, elle avait fortement contribué à rompre le front canut à partir de 1886 en acceptant le travail en dessous du tarif, et, en 1903, Le Nouvelliste n’hésitera pas à expliquer par son heureuse influence la retombée du mouvement revendicatif dans la décennie suivante267. D’autres tentatives, par contre, avaient été d’inspiration exclusivement patronale : chez les mégissiers de Lyon, en oc tobre 1890, sous le nom d’« Union indépendante des chevriers-maroquiniers268 » ; à L’Arbresle, en 1891, où le « Syndicat libre » et son « fourneau économique » sont considérés par les tisseurs de soie comme des œuvres de la Société de Saint-Vincent de Paul269 ; à Lyon surtout, où la direction du P.L.M. avait tenté, au même moment, de former un « syndicat autonome » pour contrer l’organisation des ateliers d’Oullins270. Mais aucune n’avait réellement abouti.
140Or, dès 1894, les deux « corporations » de tisseurs s’étaient en partie émancipées de l’influence patronale : celle de Lyon avait accordé son appui à une grève du tissage mécanique ; à Saint-Etienne, les fabricants avaient été écartés de la direction, et son journal, Le Tisseur, rencontrait un succès certain chez les passementiers271. Puis, en 1899, c’est à Lyon qu’apparaissent de nouveaux syndicats chrétiens ; les « Dames employées de commerce » et les « Ouvrières de l’aiguille », sous la direction de Marie-Louise Rochebillard, jeune ouvrière issue d’une famille ruinée de la petite bourgeoisie ; un peu plus tard, elle suscite un syndicat des ouvrières de la soie, et dote en 1903-1904 les trois organisations d’une société de secours mutuels et d’une coopérative de consommation, projette une caisse de retraites272 ; entre temps, la Corporation stéphanoise s’était transformée en un « syndicat indépendant des tisseurs ». Mais ces premiers essais sont vite éclipsés par la poussée du syndicalisme « jaune ».
B. La pression patronale et le syndicalisme « jaune »
141Jusqu’en 1902, l’action des syndicats jaunes est assez discrète, malgré la proximité du bassin de Blanzy et du Creusot où ont surgi ses premières manifestations273. P. Biétry et P. Lanoir sont à Givors en novembre 1901 : ils sont conspués et brutalement reconduits274. Mais à Saint-Etienne est née, au lendemain de la grande grève des passementiers, une « Fédération des syndicats de chefs d’atelier du tissage » qui, avec l’ancienne Corporation, fait pièce à la « Ligue pour le relèvement des salaires »275 ; à Lyon, en août 1901, la Compagnie des tramways essaie (en vain) de susciter un « syndicat maison » par la promesse d’avantages particuliers276 et, surtout, les patrons lyonnais poussent à la création d’une « Bourse de Travail indépendante » sur le modèle de celle de Paris, à laquelle certains d’entre eux demandent des briseurs de grève277 : elle ouvre le 8 octobre 1902278. Ceux de Vienne les imitent en mars 1903 après une grève très dure279 et, à Firminy, un « syndicat n° 2 » des métallurgistes révèle sa présence en multipliant les incidents avec les militants « rouges »280. La « Bourse de Lyon », qui publie un bimensuel, L’Indépendance ouvrière, rassemblerait 20 syndicats et 600 adhérents en 1904281 ; mais il n’existe pas encore d’organisation régionale, et les nombres avancés sont sujets à caution. La confusion demeure avec les « syndicats chrétiens » de Mlle Rochebillard qui rassemblent alors 550 femmes et jeunes filles, contre une quarantaine à leurs débuts282.
142Le véritable essor du mouvement date de 1906, en contre-point de la poussée « rouge ». En avril apparaît une nouvelle formation, l’Union prolétarienne, qu’animent d’anciens anarchistes ; liée à la Ligue antimaçonnique, elle serait financée par le Comité de l’Action libérale283. Et en décembre, on estime que les efforts de P. Biétry pour relier les syndicats « jaunes » entre eux et faire de Lyon un centre régional de ses activités sont en passe d’aboutir. La Bourse indépendante y aurait 1 900 adhérents ; son secrétaire Biojou, un ancien carrier désigné par les patrons fondateurs, vient de mettre sur pied un « Comité du Sud-Est ». A la fin de l’année, les réunions se multiplient à l’appel du Nouvelliste, le journal lyonnais de la droite cléricale, et Biojou reçoit l’appui des personnalités qui « … dirigent l’action anti-socialiste et anti-républicaine... » et avec lesquelles P. Biétry était depuis longtemps en relation. Et Biojou paraît être parvenu à contrôler la majeure partie des syndicats hostiles à l’action révolutionnaire, bien que le syndicalisme jaune n’apparaisse « … qu’une adaptation nouvelle du nationalisme aux nécessités sociale de l’heure... ». En mars 1907, il peut annoncer un Congrès pour faire le point de l’implantation régionale284.
143L’action des syndicats indépendants revêt un double visage. D’une part, l’Union prolétarienne, « Comité ouvrier de propagande antirévolutionnaire » qui a son siège à Lyon, rue Rabelais, paraît avant tout un instrument d’actions ponctuelles et brutales. Les créations ne sont qu’occasionnelles, pour fournir un cadre aux briseurs de grève qu’elle fournit à un patronat systématiquement prospecté. En mars 1906, elle compterait 500 membres répartis en 18 sections dans l’ensemble de la région lyonnaise, et le préfet de l’Isère s’accorde avec son collègue du Rhône pour dénoncer en elle l’antenne ouvrière du nationalisme. Des missions partent de Lyon pour organiser la résistance à la grève et la reprise du travail. Ses militants sont, pour l’essentiel, des éléments marginaux du mouvement ouvrier « rouge », dont beaucoup ont été longtemps fichés comme « anarchistes » : « ... une bande d’apaches sans vergogne... », estime le préfet de l’Isère en septembre 1906, en déplorant la violence de leur langage et de leurs méthodes « ... tout à fait semblables à celles de la C.G.T.285 ». Leur action se développe notamment dans la région de Voiron, quand les patrons sont bousculés dans l’automne 1906 par une grève des tisseurs de soie d’une ampleur et d’une dureté jamais vues : à leur demande, un groupe vient de Lyon, dirigé par un certain Marius Dray, entreprend la diffusion de son journal, Le Cri d’Alarme et tente de créer une « Association des Indépendants pour la reprise du travail » ; il pratique, dit-on, « ... le racolage au revolver… », et, pendant plusieurs semaines, on retrouve l’Union prolétarienne à l’origine de toute une série d’incidents, quand ils prétendent amener des briseurs de grève de l’extérieur286.
144Elle est aussi présente à Grenoble, où sa « section du Dauphiné » placarde une affiche incendiaire dans une ville secouée par la grève générale de l’été 1906 ; son local est saccagé, et les provocations de ses hommes seraient à l’origine de l’émeute du 17 septembre287. En juin 1907, elle offre aux papetiers Pelerin et Nicolet, de Pontcharra, de se mêler à leurs grévistes pour dévoyer le conflit : le souvenir de leur action à Grenoble est tel que la police s’alarme aussitôt288. Quelques années plus tard, c’est à Davezieux-les-Annonay qu’elle se manifeste, pendant la grève des papeteries de Vidalon, en mars 1911 : avec 3 ouvriers de l’usine responsables d’un « bureau des ouvriers indépendants » et qui servent de caution locale, 2 délégués lyonnais ouvrent permanence dans un café « ... pour recevoir les adhésions des ouvriers désirant reprendre le travail... », l’affaire se termine encore une fois en émeute, et ils doivent regagner Annonay avec une escorte de gendarmerie289.
145Les syndicats qu’anime Biojou ont des visées plus ambitieuses ; ils prétendent créer une organisation permanente, en viennent à récuser, officiellement, l’appui patronal, voire l’adjectif de « jaune » tenu pour infâmant. Et dès octobre 1906, leur puissance expliquerait que « ... les grèves de Sain-Bel, de Saint-Etienne, de Voiron et de Grenoble n’aient pu atteindre les objectifs attendus... ». Car ils prolifèrent peu à peu dans la région tout entière. L’une de leurs places-fortes est Sain-Bel, aux mines de pyrite de Saint-Gobain : dès juillet 1905, un cortège de 600 personnes y avait suivi le corps d’un des leurs tué dans une rixe avec les « rouges », et en octobre 1906, le banquet annuel du « Syndicat n° 2 » a réuni 300 convives qui ont défilé ensuite dans les rues de la bourgade, en présence de Biétry et de notables et délégués lyonnais et stéphanois : l’organisation prospère d’ailleurs par la faveur affirmée de la direction290. En même temps, Biojou vient créer à Grenoble un syndicat de boutonniers, qui s’ajoute à l’« Association ouvrière des métallurgistes dauphinois » et à l’« Association ouvrière des menuisiers et similaires »291.
146Dans la Loire, c’est au cours de l’année de 1907 que se déploie l’activité des « jaunes ». Après plusieurs tournées de propagande dans le bassin, P. Biétry inaugure le 15 décembre une Bourse du Travail indépendante à Saint-Etienne qui vient coiffer une « Union des syndicats jaunes » en gestation depuis avril et qui rassemble une dizaine d’organisations, avec la bénédiction de quelques-uns des principaux industriels locaux comme Arbel et Claudinon292. En mars 1908, on parle d’une « Fédération départementale des syndicats indépendants de la Loire » ; ceux-ci seraient une vingtaine à y adhérer ; parmi eux, des organisations de passementiers, de mineurs et de métallurgistes du bassin stéphanois, des verriers de Veauche, les ouvriers des sources de Saint-Galmier ; le recrutement ne dépasse cependant pas les horizons immédiats de Saint-Etienne, et le succès paraît avoir été finalement médiocre, malgré l’appui d’un certain patronat métallurgique. Derrière la multiplicité des titres, il n’y a qu’une poignée d’adhérents, et le secrétaire de la Fédération et de la Bourse, un certain Louis Chaland, qui vient des cercles catholiques ouvriers, n’a aucune influence dans la classe ouvrière293. A Côte-Chaude, un orateur parisien n’attire pas plus de 30 personnes, et ne fait guère recette, malgré son antiparlementarisme, en demandant la suppression du Ministère du Travail, « ... coûteux et inutile... »294. Biétry fait en février 1909 une nouvelle tournée, parle à Roanne, à Saint-Chamond, à Saint-Etienne, et tente de s’allier à l’œuvre des « jardins ouvriers »295. En mars se réunit un 4e congrès des Syndicats indépendants du Sud-Est, dont Biojou est le rapporteur ; parmi les délégués, les représentants de la « Fédération syndicale des chefs d’ateliers de Lyon », et de la corporation des tisseurs lyonnais, ceux des boutonniers grenoblois, des syndicats stéphanois et d’une « Union professionnelle indépendante des métallurgistes de Firminy », d’une « Chambre syndicale indépendante de la chaussure de Romans » et d’une association de Villefranche qui n’avaient pas eu jusque là grande activité296. Mais en octobre 1909, le mouvement « se fige dans une immobilité presque complète... » ; à Saint-Etienne, son éclat s’est bien atténué, pour reprendre les termes du préfet, et sa contraction touche l’ensemble de la région, malgré une participation au dernier Congrès de la Fédération syndicaliste des jaunes de France qui se tient en novembre297.
147Si le syndicalisme « jaune » retombe dans la région lyonnaise avec l’ensemble du mouvement, il y laisse une pratique qui réapparait à chaque poussée revendicative ; et le syndicalisme « indépendant » est devenu, à la veille de la guerre, une constante qui peut, ici et là, prendre une réelle importance, quand il ne devient pas, localement, majoritaire.
148Ainsi, en mars 1911, c’est au Chambon-Feugerolles que s’amorce un nouveau mouvement qui dénonce « ... le joug odieux des révolutionnaires sans vergogne... » accusés d’avoir provoqué un lock-out général de la boulonnerie ; en juin, il reçoit des subsides de la Bourse libre du Travail de Paris et des orateurs lyonnais, et joue en juillet un rôle essentiel dans la tentative de reprise du travail qu’organisent les patrons298. En juillet 1912, c’est à Lyon que naît un syndicat libre des plâtriers-peintres, après un essai infructueux chez les terrassiers au cours de l’automne précédent ; il est repris en mai 1914 : de vifs incidents éclatent sur un chantier qui vient de congédier 15 ouvriers syndiqués pour les remplacer par des gens qu’a fournis la Bourse libre du travail ; derrière elle se trouvent une vingtaine d’entrepreneurs qui viennent adhérer à une organisation parisienne dite « La Liberté du Travail », « ... laquelle aurait donné déjà de bons résultats dans la capitale... » ; et deux délégués sont venus, en avril, pour monter l’affaire : la Ligue (« rouge ») du bâtiment parle d’un véritable complot, se plaint de la présence, au tunnel de La Mulatière, de contremaîtres armés de revolvers, et d’un plan de recrutement d’ouvriers espagnols. De fait, pendant une grève partielle de ferblantiers-zingueurs, la Bourse libre a fourni des ouvriers à la demande, malgré la menace de « crever les ventres jaunes »... ; et en juin 1914, l’entreprise de travaux publics Leblanc, chargée des travaux de I’Exposition, n’hésite pas à renvoyer sur le champ 37 terrassiers dont le rendement est insuffisant quand elle a reçu l’assurance de recevoir une équipe de « jaunes » pour les remplacer. Le bâtiment paraît être d’ailleurs un secteur privilégié d’implantation, le patronat y étant alors décidé à briser à tout prix les organisations ouvrières traditionnelles299, même si un essai semblable échoue à Saint-Etienne au début de 1913 : là, les entrepreneurs ne tiennent pas leur promesse d’une embauche privilégiée et de plus hauts salaires, et les quelques 80 maçons qu’on avait pu entraîner s’en vont rapidement, le mouvement n’a pas tenu 3 mois300. Mais dans le même temps, Lucien Picard, président de l’Union française du Commerce et de l’Industrie cite Le Chambon-Feugerolles comme une réussite typique des syndicats jaunes, qui ont réussi à chasser les « … mineurs révolutionnaires les plus exaltés... » et rend hommage à l’action de Biojou301.
C. Un nouveau syndicalisme ouvrier ?
149Quant au syndicalisme chrétien, il s’était détaché assez tôt de sa liaison avec les « jaunes »302. Malgré quelques difficultés, les syndicats féminins lyonnais poursuivent leur action. Et, surtout, l’année 1906 voit naître un mouvement semblable à Voiron : en juin, c’est un syndicat des ouvrières en soie, en août celui de « L’Aiguille », et tous deux essaiment dans les autres communes du Dauphiné soyeux ; bien qu’ils assurent la reprise du travail, ils refusent de fusionner avec le « syndicat jaune » de Biojou et avec l’« Association des indépendants » de l’Union prolétarienne. Puis le mouvement s’étend aux ouvrières des papeteries et aux employées, avant de faire boule de neige : en 1907, c’est au tour de Grenoble, avec des syndicats de la ganterie, de l’Aiguille, de la métallurgie et, jusqu’en 1912, de nouvelles organisations du tissage et du vêtement à Vizille, à Chabons, à La Tour-du-Pin. Les « syndicats libres féminins de l’Isère » constituent très vite une force réelle, sous la direction de véritables militants, comme Cécile Poncet : de 1909 à 1913, ils ne tiennent pas moins de 9 congrès, à Voiron et à Grenoble. A l’image des Lyonnais, ils créent en 1912 une école d’apprentissage pour le tissage qui assure une scolarité à plein temps pendant six semaines, et des cours professionnels de français et de comptabilité. Tout en désirant « ... miner dans les esprits l’idée de lutte des classes et substituer à cette théorie révolutionnaire la doctrine de l’entente nécessaire entre tous les membres d’une même profession... », ils prennent en main certaines revendications ouvrières : en 1913, ce sont eux qui présentent un nouveau « tarif » aux fabricants gantiers, et mettent sur pied, en 1914, une caisse de chômage. Avec ’ s organisations d’employés catholiques de Lyon, – « Corporation des employés de la soierie » et « Syndicat professionnel » – et de Grenoble, ils représentent à la veille de la guerre un authentique syndicalisme d’inspiration chrétienne dans des secteurs où l’influence de la C.G.T. ou des organisations traditionnelles ne parvenait pas à mordre303.
150Enfin, le succès des cheminots catholiques vient à la fois de l’action pastorale, de la pression patronale et de l’échec de l’organisation syndicale. En effet, c’est au lendemain du combat perdu en 1910 que le mouvement profite de la torpeur du « Syndicat national des travailleurs des chemins de fer », le « Syndicat Guérard, » aux encouragements non déguisés des agents supérieurs de la Compagnie du P.L.M. En juin 1911, l’« Union catholique » révèle son emprise par deux grands rassemblements régionaux : à Annemasse, le 25, elle réunit une centaine de délégués pour suivre la messe, défiler devant l’évêque d’Annecy et recevoir bannière des mains du Comte de Menthon Saint-Bernard ; ils représentent 18 groupes, dont ceux d’Ambérieu, de Chambéry, de Grenoble et de Modane ; dans la ville même, on compte 70 adhérents, après deux années seulement d’existence, sa fondation par le sous-chef de gare ayant rencontré « ... l’approbation de la Compagnie... »304. A Saint-Vincent-de-Rheins, en Roannais, ce sont les délégués de Voiron, de La Mouche, de Saint-Paul, Valence, Oullins, Tarare, L’Arbresle, Saint-Etienne, Rive-de-Gier, Le Coteau et Roanne qui défilent et banquettent après l’office avant de recevoir leur drapeau, béni par Mgr Déchelette, évêque auxiliaire de Saint-Etienne305. La démonstration se renouvelle en janvier 1912 à Rive-de-Gier, avec des cheminots de Givors, de Lorette, de Trèves-Burel, où l’on recommande la lecture du Nouvelliste ; à Vienne en février – où 22 des 65 travailleurs de la gare sont adhérents – ; à Saint-Etienne surtout, en avril 1913 en présence de Denis, responsable du réseau P.L.M., et du chanoine Reymann, directeur national ; aux groupes déjà présents en 1911 se sont joints ceux de Valbenoite, de Saint-Chamond, de Grigny, de Balbigny, de Thizy, du Teil, d’Annonay, de Villefranche, de Montbrison et de Firminy, au total, 300 participants pour 32 formations dans le seul diocèse de Lyon ; à Saint-Etienne même, on en compte 3, dont la plus importante, sous l’invocation de Saint-François, réunit 200 cheminots et le chef de gare de Chateaucreux306.
151C’est parmi eux que la Compagnie a suscité des candidatures ouvrières aux élections des commissions mixtes de réforme en septembre 1912307, et elle contrôle l’Union par l’intermédiaire d’Abrial, un de ses dirigeants qui en assure le secrétariat général308. En mai 1913, d’ailleurs, tout l’état-major du P.L.M. assiste à la fête régionale de Saint-Chamond ; et la préfecture elle-même commence à s’inquiéter d’une influence et d’une action qui semblent avoir été détournées de leurs buts premiers ; le Congrès de réseau du Syndicat Guérard en août 1912 avait déjà dénoncé des pratiques309 que le commissaire spécial de Chateaucreux décrit et signale à ses supérieurs à la fin de 1913 ; les questions politiques sont fréquemment agitées dans certains cercles de cheminots catholiques, et d’autres jouent le rôle d’une police occulte de la Compagnie prompte à dénoncer les agents restés réfractaires à leurs avances310.
152Malhabile à faire passer auprès de la classe ouvrière ses nouvelles orientations, bouleversé par les mutations internes de son recrutement, abandonné par ceux qui venaient à peine de le rejoindre, le mouvement syndical est donc également attaqué de l’extérieur. Sa perte de substance n’est pas simple déperdition d’énergie, mais aussi transfusion de forces vers des organisations rivales que favorisent les circonstances et l’aide qui leur vient d’ailleurs ; peu importe leur inspiration, d’ailleurs mêlée, l’important est dans leur succès relatif.
3. « Compléter la démocratie politique »
153Or, cet amoindrissement du syndicalisme n’est pas compensé par une percée des organisations politiques propres à la classe ouvrière : le transfert qui s’était accompli entre 1900 et 1905 des socialismes affaiblis et dispersés vers l’organisation corporative ne change pas de sens quand, à partir de 1905-1906, l’unité socialiste se réalise enfin alors que retombe le syndicalisme révolutionnaire. La création de la S.F.I.O. réunit pourtant, dans la région lyonnaise comme ailleurs, les rameaux dispersés. Mais si elle répond à la mystique unitaire des militants, il n’est pas certain que la classe ouvrière se reconnaisse dans le visage qu’elle y prend.
A. L’unité socialiste et l’alliance cégétiste
154Car aussi bien à Lyon que dans la Loire, c’est-à-dire dans les principales concentrations ouvrières de la région c’est, très vite, l’échec, et la S.F.I.O. se retrouve sur la défensive face à un puissant « socialisme indépendant » qui refuse l’unité.
155Dans un premier temps, personne ne semble devoir se tenir à l’écart de l’unité. La Fédération S.F.I.O. du Rhône se constitue dès le mois de juin 1905 avec « l’agglomération lyonnaise » du Parti Socialiste de France et la plupart des groupes indépendants, avec leurs responsables déjà prestigieux, comme les avocats Joannès Marietton et Marius Moutet, Georges Lévy et Francis de Pressensé311. Dans la Loire, la jonction s’opère entre les rares groupes guesdites et ceux, majoritaires, qui avaient choisi la voie de l’autonomie312 ; en Dauphiné, le Comité fédéral du guesdisme maintenu après la scission de Zevaès est rejoint par certaines formations dissidentes, comme celle de « l’Evolution socialiste »313. L’indépendant Jules Nadi réorganise la Fédération autonome de la Drôme et de l’Ardèche et, en se ralliant à l’unité, attire ceux qui s’étaient tenus à l’écart314 ; celle de l’Ain suit le même chemin, sous la direction de René Nicod et des organisations socialistes d’Oyonnax315. Enfin, à l’instigation d’Edgar Milhaud professeur à l’Université de Genève et des militants qui l’entourent, la Fédération des Deux Savoies renonce elle aussi à l’autonomie316. Donc, dans l’ensemble, la création de la S.F.I.O. paraît, dans la région lyonnaise, tout à fait conforme au modèle national : l’unité se fait partout sur la ligne « révolutionnaire » imposée par le Congrès d’Amsterdam, et le ralliement des multiples groupes indépendants est d’importance.
156Il n’est pas mis en cause dans la décennie qui suit, du moins là où ils étaient majoritaires avant 1905 ; et l’organisation de la S.F.I.O. ne se modifie pas jusqu’à la guerre, si l’on met à part, en 1911, la création d’une Fédération de l’Ardèche, séparée de la Drôme. Dans les Deux Savoies, la S.F.I.O. bénéficie du prestige d’E. Milhaud et d’une pléiade de militants genevois et annemassiens, comme Emile Argence et Alphonse Hug, un cheminot, avant que le relais ne soit pris, en 1907, par l’instituteur chambérien Jules Dumollard. Mais jusqu’en 1908, la Fédération n’est qu’une excroissance du groupe de Genève, où réside son bureau et où l’on tient Congrès ; et la seule section ouvrière est celle d’Annemasse, chez les cheminots du dépôt317. A partir de 1911, son dynamisme s’accroît, et ses dirigeants s’identifient souvent aux responsables syndicaux, comme Francis Gaidioz, un employé des P.T.T. et Philippe Navarro, délégué permanent à la propagande ; un journal, Le Travailleur savoyard, a 500 abonnés à sa naissance, 645 en 1913, et il y aurait à la veille de la guerre 230 cotisants dans les deux départements, pour une dizaine de groupes ; mais leur implantation, à Aix, à Annecy, à Pont-de-Beauvoisin, à Seyssel, à Moûtiers, à Saint-Jean-de-Maurienne est loin de coller à la géographie ouvrière, et malgré quelques traces d’activité à Bonneville et à Modane, le Faucigny de l’horlogerie et les grandes vallées de l’électrotechnique sont absents318. La S.F.I.O. apparaît comme une organisation d’employés ou d’ouvriers privilégiés, et les instituteurs y jouent un tel rôle – ils sont une quarantaine – qu’ils s’y sont dotés d’une organisation spéciale, avec « … une certaine indépendance d’allure... »319. Quant à la Fédération de l’Ain, sa vitalité ne déborde pas véritablement de sa place-forte d’Oyonnax, bien qu’un groupe très actif fonctionne à Bellegarde et qu’elle publie, elle aussi, depuis 1907, un journal, L’Eclaireur Socialiste320 ; celle de l’Ardèche est présente dans une dizaine de communes à la veille de la guerre, et obtient quelque succès municipaux au Teil, où réside son secrétaire, le cheminot A. Mazellier321. Somme toute, un peu partout, le socialisme unifié a chaussé les bottes du socialisme indépendant, même s’il mène une action un peu plus vigoureuse.
157Mais ailleurs, c’est l’échec, très rapide. Dans l’Isère, A. Zevaès demeure en dehors de l’unité et conserve une certaine audience : à partir de 1906, l’énergie retombe dans tout l’arrondissement de Saint-Marcellin, où plusieurs groupes sont en voie de désagrégation ; par contre, il semble qu’il y ait progrès à Vienne et dans la région de Voiron en 1907 et 1908, surtout à cause de la popularité de Charles Auda ; et le succès de J. Jaurès est considérable à Grenoble en mars 1910 – mais ce n’est pas une preuve, loin de là322. Quant aux succès électoraux, ils demeurent médiocres jusqu’en 1910 et traduisent, au moins, une stagnation de l’influence S.F.I.O.323. Surtout, dans le Rhône et la Loire, à peine née, l’unité se brise, et le socialisme bascule vers les nouveaux « indépendants ».
158A Lyon, dès mars 1905 s’étaient manifestées les premières divergences, et la Fédération du Rhône est une des rares organisations à se prononcer pour le maintien de la Délégation des gauches324 : sous l’influence de Victor Augagneur, maire de Lyon depuis les élections municipales de mai 1900, député du Rhône à compter de septembre 1904 ; au printemps 1905, celui-ci entraîne dans la dissidence la majorité de l’ancienne « Fédération autonome » ; et P. Colliard son collègue à la Chambre des Députés. Après une éclipse de quelques années – V. Augagneur est jusqu’en 1910 gouverneur général de Madagascar – le « socialisme autonome » redevient une force avec laquelle il faut compter325.
159Enfin, dans la Loire, la création de la S.F.I.O. apparait, après coup, comme une simple péripétie. Dès les lendemains de l’unité, les groupes foréziens refusent la discipline collective, et le Conseil national du P.S.U.-S.F.I.O. doit prononcer leur dissolution. Dix-neuf organisations se constituent alors en « Comité central » pour « … poursuivre la politique de gauche définie par M. Briand... »326 ; le premier Congrès d’une « Fédération socialiste autonome de la Loire – Union socialiste et parti ouvrier » se tient à Saint-Etienne le 23 septembre 1906, avec une profession de foi fort nette : le refus de s’affilier au socialisme unifié, c’est celui de « ... la méthode facile de pure critique et d’affirmation doctrinale... », pour des gens restés « … fidèles à la tradition socialiste qui a toujours eu le souci fondamental de rattacher la République au socialisme, de compléter la démocratie politique par la démocratie sociale... »327. Le socialisme autonome est, dans la Loire, une nouvelle incarnation du vieux « parti ouvrier » stéphanois.
160De fait, on y retrouve Jules Ledin, mais aussi un vieux militant comme Laurent Crozier, dont l’adhésion est significative328. Et si leur influence ne déborde guère du bassin houiller, chacune des communes y a son groupe, sauf dans la vallée de l’Ondaine329. Car, au contraire de la « Fédération autonome du Rhône », qui demeure un simple Comité électoral allié aux radicaux et soutenu par Le Progrès, celle de la Loire se dote d’une organisation vigoureuse. Dès 1909, elle rassemble 2 500 adhérents répartis en 23 sections, qui tiennent congrès régulier ; et en 1910, c’est elle qui prend l’initiative, avec l’appui de V. Augagneur, d’un rassemblement national des nouveaux « indépendants »330.
161En entraînant 9 adhérents sur 10 au moment de la scission, A. Briand et ses amis saignent à blanc la jeune Fédération S.F.I.O. de la Loire, qui se retrouve avec moins de 200 cotisants. Y demeurent les guesdistes de la première heure, comme P. Soulageon, vite dépassés par une nouvelle génération de responsables plus soucieux de rigueur doctrinale, mais moins liés à la classe ouvrière : si Ambroise Baisson est passementier et Laurençon typographe, H. Ducerf est employé de commerce et Jean Pons négociant ; et le premier secrétaire de la Fédération, Ferdinand Faure, délégué au Congrès national, est un clerc d’huissier, ancien secrétaire de la mairie de Saint-Genest-Lerpt331. La médiocrité des débuts – en 1906, on n’attire pas plus de 200 à 350 personnes en réunion publique, malgré le renfort de Jean Bouveri, de Montceau-les-Mines, un député-mineur – contraste avec le succès des amis de Briand332.
162Deux ans plus tard, la situation semble nettement améliorée : on compte 11 sections dans la Loire ; mais il n’y a qu’un groupe dans tout l’arrondissement de Roanne, où il ne subsiste aucune trace de l’implantation des années 1890, à l’exception du chef-lieu, qui réunit une cinquantaine de militants ; à Chazelles, un nouveau groupe en a 47, et celui de Panissières moins de 20. Toutes les autres sections sont du bassin stéphanois : les plus importantes à Saint-Etienne (215 membres), au Chambon-Feugerolles (95), à La Ricamarie (150, sous la direction de Benjamin Ledin) ; à Izieux, à Rive-de-Gier, à Firminy, à Grand-Croix et à Saint-Chamond. Au total, 800 adhérents sur les 900 du département333. Si l’estimation est juste, elle marque un redressement considérable, après le très gros effort de propagande mené en 1907334 ; mais elle demeure inférieure de moitié, au moins, à celle des effectifs « autonomes » ; et quelques mois plus tard, le Congrès fédéral de Panissières se plaint du manque général de dynamisme, sauf à Rive-de-Gier et au Chambon ; il faut renoncer à publier Le Socialiste de la Loire, lancé un an auparavant et, en 1909, quand H. Ducerf prend la tête de la Fédération, elle marque le pas335.
163Il s’ensuit que dans la Loire comme dans le Rhône et dans l’Isère, l’unité socialiste se fait à gauche, alors qu’au plan national, elle masque sous le ralliement à la motion d’Amsterdam l’expansion à l’intérieur de la S.F.I.O. du socialisme indépendant jaurésien d’avant 1905336. On a vu, déjà, la mainmise sur une bonne fraction du mouvement syndical ; et, minoritaire, la S.F.I.O., par la force des choses, agit en étroite liaison avec la C.G.T. : dans l’action quotidienne s’esquisse à la veille de la guerre une manière de syncrétisme révolutionnaire qui n’est pas sans rappeler la confusion des années 1880.
164Ainsi, à Saint-Etienne, Ferdinand Faure est le véritable organisateur des meetings de la C.G.T., à tel point qu’on le juge – avec quelque anachronisme de vocabulaire – « à mi-chemin entre le P.O.F. et l’anarchie »337 ; et l’alliance est précoce avec la « jeunesse syndicaliste » où se regroupent certains libertaires, une première fois à la fin de 1905, puis en 1908, bien que celle-ci prétende combattre « ... la déviation politique... »338. C’est la S.F.I.O. qui invite Sébastien Faure à Saint-Chamond en septembre 1907339 ; c’est P. Soulageon qui préside en avril 1908 un meeting de V. Griffuelhes, malgré ses attaques contre le « ... prolétariat stéphanois... », accusé de faire « trop de politique et pas assez de syndicalisme... »340 ; c’est le Comité socialiste unifié et B. Ledin qui reçoivent Yvetot au Chambon-Feugerolles en février 1909341 ; enfin, au lendemain des affaires de Draveil et de Villeneuve, P.S.U. et syndicalistes révolutionnaires sont les seuls à dénoncer, ensemble, « Briand le rouge », « valet-ministre »342. Et en janvier 1908, c’est Le Socialiste de la Loire et F. Faure qui mènent campagne contre le Comité fédéral des mineurs et soutiennent ce qui reste du « syndicat Beauregard »343.
165A partir de 1910, l’unité d’action devient la règle dans le bassin stéphanois, et, en pratique, il y a confusion entre l’action des socialistes et celle des libertaires des « groupes d’action syndicaliste » qui surgissent à Saint-Etienne, à Rive-de-Gier, à Grand-Croix, sous des appellations de circonstances, puis du Comité de défense sociale créé à l’occasion de la lutte antimilitariste ; il est des situations où « ... tous les militants révolutionnaires, quelles que soient leurs conceptions de la lutte, doivent s’unir » : c’est Benoît Liothier, l’une des grandes figures à la fois de l’Union départementale de la C.G.T. et des milieux libertaires344. Partout, en toutes occasions, on les retrouve côte à côte, à Chazelles, à Grand-Croix, à Saint-Chamond et même à Vienne345. Mais aussi dans l’Ain, à Oyonnax, où, en 1911, la « jeune garde » naît sous le double patronage de R. Nicod, secrétaire fédéral de la S.F.I.O. et de Klemczynski, dirigeant de l’Union départementale de la C.G.T.346 ; à Grenoble, où Raffin-Dugens, étoile montante du socialisme unifié dialogue avec Sébastien Faure, devant 800 personnes, sur « l’inexistence de Dieu »347 ; à Roanne, où H. Totti et E. Lafond, maire « unifié » de Firminy tiennent meeting comme en décembre 1912348 ; à Annemasse, où c’est au cercle socialiste que parle Totti349 ; à Lyon enfin où la lutte antimilitariste finit par réunir ceux qui se combattent encore à la Bourse ou à l’Union des Syndicats.
B. La classe et la patrie
166Thème central et complexe de l’action socialiste et cégétiste, dans les dix années qui précèdent la guerre, que celui de l’antimilitarisme ; et modulé au gré des circonstances et des hommes. Plus que d’autres, il est rupture avec un certain univers psychologique commun, surtout quand il se transforme en antipatriotisme, dans un pays où le sentiment national avait été longtemps l’apanage d’une gauche dont le mouvement ouvrier ne s’est jamais séparé. Il ne s’agit pas d’épiloguer sur des mots350, mais de décrire un accueil dont le sens est perçu clairement, sur le moment : dans une certaine mesure, avec son arrière-plan de violence et son arrière-pensée d’insurrection prolétarienne, l’antipatriotisme est, après l’échec de la « grève générale », la nouvelle incarnation du messianisme révolutionnaire. Là non plus, tout ne commence pas autour de 1908.
167Comme ailleurs, c’est autour de 1890 qu’étaient apparues les premières manifestations antimilitaristes. Jusque là, quelques cas avaient été trop rares et trop sporadiques pour avoir la moindre signification351. Mais même après Fourmies, les attaques contre l’armée étaient demeurées affaire de militants, parmi les plus engagés. En décembre 1891, Le Réveil des Mineurs et G. Cotte avaient bien été poursuivis pour « injures envers l’armée » : mais c’était pour avoir pris à partie le Colonel directeur de la Manufacture d’Armes de Saint-Etienne sur une question étroitement corporative ; et, à l’audience, ils avaient pris soin de répudier « ... toute solidarité avec le parti anarchiste... »352. En mars 1892, c’est Quay-Cendre, rédacteur à l’Action de Lyon qui avait écopé de 4 mois de prison pour avoir dénoncé le rôle de l’armée dans les grèves, au lendemain d’incidents à la caserne de La Part-Dieu353. Un an plus tard, un début d’émeute avait prouvé qu’une partie de l’opinion au moins accueillait avec sympathie la propagande antimilitariste naissante : place Bellecour, la foule s’en était prise à un adjudant, à la suite d’une altercation banale, et il avait fallu une compagnie d’infanterie pour le dégager ; parmi ceux que l’on avait condamnés pour l’avoir malmené, plusieurs ouvriers354 ; en juillet 1894, c’est à Valence que des travailleurs – « pas des anarchistes », précisait-on – avaient attaqué une batterie d’artillerie qui passait par là355. Mais c’est à Roanne seulement que le sentiment antimilitariste s’était incarné dans une formation spéciale : depuis 1885, chaque départ de « classe » était marqué, en juin, par un banquet ; or, celui de 1891, tenu au restaurant d’Augé, le dirigeant du P.O.F., avait été accompagné de chansons et de slogans hostiles, et il en était sortie cette « jeunesse antipatriote » déjà rencontrée et inspirée par Ed. Mayeux, le secrétaire de la Bourse du Travail356.
168Mais jusqu’à l’affaire Dreyfus ces incidents étaient demeurés somme toute isolés, et très limités. Les premiers signes d’un changement étaient apparus en 1898 : à Roanne, grâce à l’intervention des anarchistes locaux et de Jules Ravaté, les réunions s’étaient multipliées, et, tout en insistant sur l’alliance des nationalistes, du clergé et de l’armée, on avait commencé à glisser vers l’antipatriotisme pur et simple357. Et, ailleurs, le thème avait cessé d’être l’apanage des seuls anarchistes pour être pris en charge par l’ensemble du mouvement ouvrier, même si les compagnons demeuraient ses plus ardents propagandistes. Peu à peu s’était imposée l’idée d’une armée rempart principal du capitalisme et de la bourgeoisie, dont l’idéal patriotique était l’alibi. Supprimer l’armée devenait donc une condition essentielle pour renverser la société : devenue partie intégrante de la lutte « économique », comme on disait, l’action antimilitariste s’était donc développée en même temps que le syndicalisme révolutionnaire358, selon une logique tout à fait évidente.
169Dès lors, elle était devenue de tous les jours. A Saint-Etienne, depuis 1901, les incidents s’étaient multipliés aux portes des casernes : on y distribuait régulièrement les tracts de la « Ligue anticléricale et antimilitariste » ; un régiment avait reçu huées et pierres au retour des manœuvres359 ; chaque départ de la « classe » était marqué par des meetings dans le bassin minier, animés par les « socialistes guesdistes », comme P. Argaud et B. Ledin360 ; on vendait l’édition spéciale de La Voix du Peuple, l’organe de la C.G.T., à la sortie des conseils de révision361. La propagande antimilitariste était devenue le thème préféré des orateurs nationaux : d’Yvetot, au cours d’une tournée en novembre 1903, sous l’égide des cependant fort modérés syndicats de mineurs362 ; de Sébastien Faure en octobre 1904363, et à Firminy fonctionnait depuis lors une « section antimilitariste internationale » en relation avec Almereyda et Francis Jourdain bientôt ramifiée à Rive-de-Gier et à Saint-Etienne à la fin de 1905364. A Roanne, après diverses péripéties, le groupe des « jeunesses » s’était transformé, s’appuyait désormais sur le syndicat des tisseurs, et il s’était illustré, en 1906, à l’occasion d’une condamnation de G. Hervé365.
170Celui-ci avait d’ailleurs obtenu un succès considérable à Lyon en 1904, où la Bourse du Travail était devenue le centre d’une agitation intense366. Elle avait culminé à l’LInion des syndicats en décembre 1907 par un tract intitulé « L’Armée antimilitariste » et qui invitait la troupe à tirer sur ses officiers, au lendemain de l’affaire languedocienne du 17e de ligne. Son principal signataire, Jules Chazeaud – déjà bien connu – s’était retrouvé devant les assises du Rhône avec Pierre Dumas – dont on sait le rôle à Grenoble – et plusieurs libertaires notoires. Les témoignages de G. Hervé et de Pierre Martin, le célèbre « Bossu de Vienne » des années 1880, sorti pour l’occasion de sa retraite, avaient entraîné grand concert de foule, et l’acquittement des accusés, défendus par Marius Moutet au cours d’une séance houleuse et troublée par des incidents multiples, avait été fêté par un cortège à travers les rues de la ville367, A Grenoble, toute l’équipe dirigeante est mise en 1907 au nombre des plus dangereux antimilitaristes du département mais c’est Le Droit du Peuple, le journal de la S.F.I.O. qui est condamné après un article au vitriol ; la Cour d’Assises acquitte aussi son gérant, P. Béraud, après une très vive agitation et un meeting qui a réuni près de 2 000 personnes368. A Vienne, les groupes libertaires369, à Roanne J. Ravaté et ses amis poursuivent leur action370. Dans l’Ain, on signale depuis 1906 que les affiches antimilitaristes sont régulièrement apposées à Tenay et à Oyonnax, où L’Eclaireur de l’Ain, socialiste, fait une large place à la question, sous la plume de René Nicod, qui est aussi son rédacteur en chef371 ; et un peu partout, comme celui du Chambon-Feugerolles, les syndicats rappellent à leurs membres sous les drapeaux, avec une pièce de 5 francs, les principes de l’internationalisme que ne saurait oublier le prolétaire sous l’uniforme372.
171Or, à partir de 1909-1910, la retombée du mouvement revendicatif et l’affaiblissement de l’organisation font passer au premier plan ce qui n’avait été, jusque là, qu’un aspect marginal de l’action, malgré le succès du thème antimilitariste qu’attestent, ici et là, de nombreux incidents373. C’est le moment où la C.G.T. lance ses grandes campagnes contre les « crimes des bagnes militaires » et « Biribi », à l’occasion de l’affaire Rousset.
172A Lyon, l’agitation se développe dès décembre 1910, et le « Comité de Défense Sociale » entraîne 600 personnes devant le gouvernement militaire le 3 avril 1911, où éclatent de vives bagarres ; le 2 octobre 1912, ils sont 1 500 devant la Bourse du Travail pour entendre Henri Totti, qui est un des principaux animateurs du mouvement374 ; on sait que le thème en lui-même ne pouvait qu’éveiller un certain écho375. Une tournée de l’ex-sergent Bonnafous devenu rédacteur au Libertaire obtient un très vif succès : à Lyon, en présence des frères de Rousset, avec plus de 500 auditeurs, à Rive-de-Gier, en présence de Blanc, le secrétaire de la Bourse du Travail, à Saint-Etienne, à Valence, à Vienne376. Dans le bassin forézien, on retrouve à la pointe de l’agitation tous les meneurs locaux de la C.G.T., comme Benoit Liothier, lui-même ancien disciplinaire, Urbain Malot, Jean-Baptiste Rascle, Nicolas Berthet et Jean-Marie Tyr, le principal dirigeant des boulonniers du Chambon-Feugerolles377 ; ailleurs, à Oullins, à Rive-de-Gier, à Firminy, à Givors, à Grenoble, à Lyon, c’est des Bourses du travail que part l’impulsion378.
173Mais l’émotion retombe assez vite, et la campagne n’a, dans toute la région, absolument rien de la lame de fond parisienne qui permet à la C.G.T. de mobiliser plusieurs dizaines de milliers de manifestants dans les rues de la capitale379. Par comparaison, les quelques centaines de gens que l’on réussit à déplacer prouvent plutôt l’indifférence de la majorité. Si bien que la lutte contre les bagnes militaires, malgré son appel à la sensibilité collective, est à mettre au rang de ces actions qui, lancées d’en haut, ne collent guère aux masses. Et le commissaire spécial de Saint-Etienne note, en octobre 1911, que l’antimilitarisme est loin d’avoir pénétré dans la classe ouvrière, surtout pas chez les mineurs ; que craindre une grève générale en cas de mobilisation relève de la plus haute fantaisie380.
174Pourtant, c’est chez les ouvriers des houillères de la Loire que la grève de décembre 1912 rencontre le plus de succès381. A Saint-Etienne, ils sont les seuls à arrêter le travail – au nombre de 2 235, comme au Chambon-Feugerolles, et à Grand-Croix, où 750 d’entre eux refusent de descendre. Mais ce succès partiel met d’autant mieux en relief l’échec global du mouvement dans la région lyonnaise, qui préfigure l’apathie de l’été 1914. Dans le bassin forézien, la C.G.T. n’entraîne en dehors d’eux que les verriers à vitre de Rive-de-Gier – un peu plus de 400 –, quelques dizaines de métallurgistes, des ouvriers isolés dans le bâtiment ; et au Chambon-Feugerolles, le plus solide bastion resté fidèle au syndicalisme révolutionnaire, il n’y a que 1 200 grévistes sur plus de 8 000 travailleurs dans les diverses usines de la ville ; partout, des meetings sans passion sont tenus devant des auditoires clairsemés382. Ailleurs, c’est le fiasco : à Grenoble, il n’y a pas plus de 200 grévistes, 150 à Voiron, et les réunions qui suivent n’attirent pas grand monde383. A Oyonnax, 150 ouvriers arrêtent le travail, sur 5 000, et c’est un maigre cortège qui défile ; à Bellegarde, on ne compte pas 50 chômeurs sur un millier ; à Bourg, on renonce vite à toute action384.
175Seules font exception les localités où l’affaire a été prise en main, parallèlement, par la S.F.I.O. Et d’abord à Lyon, où, après quelques hésitations de la Bourse du Travail, 40 secrétaires de syndicat ont lancé l’appel à la grève contre 18 refus ; s’il ne semble pas que le mouvement ait vraiment atteint les grandes usines – on ne dispose pas d’évaluation du chômage ce jour-là – meeting et manifestation attirent la grande foule, en présence d’un Merrheim enthousiaste385. De même, à Vienne, 1 200 ouvriers arrêtent le travail dès le matin du 16 décembre, avant d’être rejoints, l’après-midi, par 5 000 travailleurs du textile et par la totalité de ceux du bâtiment ; le soir, ils sont plus de 1 500 à écouter, ensemble, Ch. Auda, N. Berthet et J. Brenier, maire socialiste de la ville depuis 1906386 ; à Chazelles, le travail est totalement arrêté dans la chapellerie387 ; à Roanne, toutes les usines d’apprêt sont fermées, et un grand nombre d’ateliers de tissage partiellement désertés : 2 000 personnes défilent en ville avec H. Totti et les dirigeants locaux de la S.F.I.0.388 ; à Firminy enfin, s’il n’y a pas de chômeurs, E. Lafont préside à une réunion de plus de 600 personnes389.
176Car, insensiblement le thème antimilitariste est en train de changer de contenu, de passer d’une dominante cégétiste de lutte contre l’idée de patrie à la lutte contre la guerre qui menace. Or, la première s’était heurtée, indiscutablement, à l’absence d’un réel sentiment internationaliste. Au moment même où la Confédération déployé sa propagande, la réaction des masses ouvrières sur la question très concrète des ouvriers étrangers offre une image tout à fait différente, déjà perceptible à travers ses réticences à l’action cégétiste.
177On sait l’extrême sensibilité, fort ancienne, à la concurrence qu’ils représentent et aux menaces qu’ils peuvent faire peser sur l’emploi. Or, à partir, des années 1895-1900, les ouvriers étrangers sont à leur tour entraînés par la prise de conscience collective, et il leur arrive de précéder leurs camarades français dans l’organisation syndicale et même politique.
178Dès 1884, il existait à Saint-Etienne un syndicat des plâtriers-peintres destiné aux seuls Italiens : il est vrai qu’il se définissait surtout par une rivalité avec celui des ouvriers français390. Et en 1887, lors d’une grève très dure des ouvriers maroquiniers de Lyon, en février, les éléments les plus violents avaient été des Italiens d’ailleurs rapidement expulsés391 ; de même, un mouvement revendicatif à La Bridoire, en Savoie, avait été dirigé au début de 1889 par un contremaître transalpin nommé Paturello, et qui semble avoir été en liaison avec les syndicats lyonnais392. En avril 1896, c’est un sujet allemand, un certain Gloeckler, socialiste dit-on, qui avait déclenché l’agitation à la brasserie Georges : il aurait déjà été renvoyé de chez Rinck pour des raisons analogues, et retenu un moment à la frontière d’Espagne, où il avait passé plusieurs années, sur présomption d’anarchisme393. En mai 1905, à Moûtiers, ce sont les Italiens qui fondent le premier syndicat du bâtiment auquel ils fournissent le gros de la troupe et les cadres394 ; en avril 1906, avec leur leader Costa, ils mènent la grève de la fabrique de pâtes alimentaires Léger, à Chambéry395 ; à Rive-de-Gier en septembre 1911, ils provoquent une demande d’augmentation de salaires à l’usine Marrel396, si bien qu’en Savoie, on signale déjà des cas de discrimination patronale contre « ... ces étrangers qui se montrent si peu dignes de l’hospitalité qu’ils trouvent dans notre pays... »397.
179En Haute-Savoie et à Grenoble, l’action des travailleurs étrangers semble avoir nettement dépassé un rôle épisodique. Dans le Haut-Faucigny notamment, ce sont eux qui mettent en place les premières organisations ouvrières de la région, en 1906, après un meeting du 1er Mai qui réunit plus d’un millier d’ouvriers à Chamonix et à Argentières : avec les horlogers de Cluses, ils sont d’ailleurs les seuls travailleurs du département à manifester ce jour-là. Leur cortège parcourt les rues de la ville sous la direction d’un certain Egidio Carletti, qui multiplie depuis quelques semaines les causeries « ... de propagande et aurait organisé un groupe révolutionnaire italien », …, avec l’aide de Francesco Mariotti, tenancier de leur cantine à Vallorcines et ardent militant socialiste. Quelques jours plus tard, on envisage l’expulsion de Carletti, devenu secrétaire d’un « Syndicat des maçons et manœuvres d’Argentières » ; mais en juin, il est la cheville ouvrière d’une nouvelle organisation aux usines électrochimiques de Chedde, qui ne parvenait pas à éclore, après 3 ans d’hésitations ; puis il y cède la place à un de ses compatriotes, Cypriano Cibrario, venu comme lui de Chamonix, avant de gagner le canton suisse de Vaud398. A Grenoble, c’est une organisation plus proprement politique qui a été constituée : sous l’égide de Pierre Béraud, secrétaire de la Bourse du Travail, est tiré en 1900 un numéro spécial du « 1° maggio » qui se veut l’organe (éphémère) d’une « sezione socialista di lingua italiana » de Grenoble et fait mention d’un « gruppo socialista » à Vienne, d’un « circolo socialista italiano » à Saint-Laurent-du-Pont, et d’une « sezione italiana » de Chambéry. La création du groupe grenoblois semble dater de 1899, et le secrétaire en est un ouvrier cordonnier, Rovero, dont on ne sait rien d’autre ; il aurait compté une quarantaine de membres. A Vienne en 1906 existerait une « fédération italienne » qui attire une cinquantaine de personnes à son meeting mais semble d’orientation plus extrémiste, voire anarchiste, en tout cas en relation avec Martin, le « bossu de Vienne » ; il semble qu’il y ait eu confusion avec un groupe socialiste révolutionnaire que dirige un certain Vitale Granino, lié aux milieux antimilitaristes italiens de Marseille et qui diffuse « Il Riscato dei lavoratori » : c’est lui qui organise en partie l’agitation du bâtiment et du textile à la fin du mois de mai 1906, dont les 800 travailleurs italiens de la ville constitueraient le fer de lance. En 1914 en tous cas, le groupe existe toujours, et des syndicalistes italiens viennent y parler de la « semaine rouge » et de la grève générale en compagnie de militants syndicalistes révolutionnaires français et espagnols. Et à Grenoble s’est créée en 1908 une section socialiste directement rattachée au P.S.U.-S.F.I.O. ; son secrétaire, Alberico Joachim Zanetto, originaire de Novare, avait d’abord organisé le syndicat des plâtriers-peintres, après avoir marqué de son activité militante les différentes étapes de son séjour français, à Albertville en 1895 et 1896, à Saint-Laurent-du-Pont puis à Grenoble à partir de 1906 ; ami d’Eugène David et du libertaire Sorrel de la Bourse du Travail, il est expulsé en novembre 1908 pour son rôle de propagandiste antimilitariste. Après lui, le groupe semble avoir eu moins d’activité ; mais il n’avait pas disparu à la veille de la guerre, puisqu’un de ses tracts, en italien mais sous sigle de la S.F.I.O., appelait à un meeting, en juin 1914, contre la politique du gouvernement italien399.
180Or, cet engagement ne semble avoir en aucune manière entamé l’hostilité portée aux travailleurs étrangers. De 1895 à 1914, les incidents, les signes de l’antagonisme national ne diminuent pas de fréquence ; mieux, ils s’étendent à de nouveaux secteurs, à de nouvelles régions à mesure que s’élargit la place de la main-d’œuvre immigrée. Chez les verriers, la hargne ne désarme pas : en juillet 1896, une trentaine de jeunes verriers français avaient attaqué, le gourdin à la main, une maison de la rue des Culattes à Gerland, où vivaient deux familles italiennes, déjà chassées de La Mulatière où la xénophobie se donne libre cours depuis qu’un restaurateur y a été tué par un ouvrier étranger400 ; et Philippe Clausse, dirigeant syndical de premier plan prend la plume pour dénoncer l’embauche des ouvriers allemands : malgré quelques nuances finales, il n’hésite pas à invoquer le patriotisme et à évoquer la langue « teutonne »401. Chez Permezel, à Voiron, en juin 1895, les 800 tisseuses de soie exigent le renvoi de 18 Italiennes : elles ont dansé avec des Français ! On fait bon poids en y joignant le veilleur de nuit, leur compatriote402. A Rive-de-Gier et à Grand-Croix, en août 1900, c’est le délégué mineur et le secrétaire de la société de secours qui exigent le départ des mineurs italiens du puits Saint-Louis : 96 sont renvoyés, on les attend à la sortie des cafés, et on échange des coups de couteau ; ils partent en entraînant un grand nombre de concitoyens employés dans d’autres secteurs403 ; et à Firminy en octobre 1912, c’est aux Grecs – une cinquantaine d’entre eux viennent d’être embauchés par les Aciéries – que l’on s’en prend : menaces, coups obligent la société à les encaserner pour les protéger404 ; le tableau n’est pas différent à Cruas, où une carrière a fait venir une trentaine de Portugais405.
181Mais c’est en Savoie surtout et en Dauphiné que la xénophobie ouvrière se donne libre cours : à ses fondements économiques s’ajoute le mépris typique des régions frontalières, dans des villes où, de surcroît, la progression du prolétariat étranger a été beaucoup plus rapide et forte qu’ailleurs. En avril 1897, la simple annonce de l’arrivée d’un Italien déclenche la grève à la chaudronnerie Joya, le patron s’incline et s’engage à ne pas récidiver406 ; en juin 1898, c’est au tour des maçons d’imposer des quotas et un peu plus tard c’est à la biscuiterie Brun que l’on s’agite pour les mêmes raisons407. Aux ardoisières de Saint-Alban-les-Villards, c’est l’effervescence en avril 1899, qui dégénère en bagarres avec menaces de mort et appels aux armes408 ; en février 1900, c’est à Saint-Julien-de-Maurienne qu’éclate une rixe sanglante : un Italien est tué à coups de bâton, un autre blessé grièvement dans une querelle après boire409.
182Pourtant, c’est à La Mure en juin 1901 que le mouvement trouve sa plus grande ampleur. La totalité du bassin – 2 000 mineurs sur 2 100 – arrête le travail sur la seule revendication d’expulser tous les Italiens qui résident depuis moins de six mois : à cause de « leur attitude insolente et tapageuse... » qui vient de se concrétiser par une tentative de meurtre ; c’est à cette occasion que l’on se dote d’une organisation syndicale solide, qui mène le conflit avec fermeté et sortira grandie de sa demi-victoire : après 15 jours de grève, les compagnies acceptent un numerus clausus de 10 à 15 %. Plusieurs centaines d’ouvriers italiens ont dû quitter le bassin ; car le mouvement s’est accompagné de véritables émeutes ; dès le début, on a dévasté les maisons qu’ils occupaient, et le 13 juin, des bandes armées de 800 à 900 personnes ont fait la chasse à l’homme, malgré l’intervention apaisante du député Lamendin venu négocier le compromis ; l’affaire se termine par 25 condamnations assez bénignes. Elle avait suscité assez d’émotion pour attirer l’attention de la presse étrangère, et le Times lui-même met en relief le racisme qu’elle a révélé en écartant toute motivation économique ; de fait, on n’a invoqué celle-ci à aucun moment, pour ne dénoncer que ces gens « encombrants, violents, et sans égards pour la population... »410. On revient aux sentiments des tisseuses de Permezel exigeant, en décembre 1899, des dortoirs et un réfectoire séparés parce qu’il y a « ... incomptabilité de goûts et de mœurs avec les ouvrières étrangères... »411.
183L’affaire de La Mure ne marque d’ailleurs pas la fin d’une époque : en février 1904, les maçons d’Aix-les-Bains ne s’embarrassent pas de circonspection pour dénoncer « … cette vermine qui empoisonne toute la France entière... » (sic)412 ; en 1905, on chasse les Italiens de Chedde413. Et à la veille de la guerre demeurent intactes les vieilles habitudes de hainés et de violence, en Maurienne où l’hostilité est latente aux ardoisières et dans les usines électrochimiques et électrométallurgiques414 ; à Ugine415 ; aux mines de Communay, où l’on reproche aux Italiens d’avoir provoqué l’échec de la grève d’août 1908416 ; à Aix-les-Bains, où le syndicat des ouvriers du bâtiment refuse de soutenir leurs revendications dans un conflit du travail417. En aucun autre domaine peut-être ne trouve-t-on cette continuité des attitudes, et des modes d’action qui privilégient la violence physique contre les personnes ; quelques soient les motivations économiques des ouvriers, leur souci de préserver un emploi qui demeure longtemps primordial, elles occultent largement une xénophobie, voire un racisme avec toute la part d’irrationnel qu’il comporte, qui affleure souvent dans un vocabulaire emprunté à des idéologies ou des groupes totalement étrangers au mouvement ouvrier et contamine militants et responsables. Dans nombre de cas, la conscience de classe s’arrête aux frontières ; au mieux, elle demeure une abstraction qui ne résiste pas aux réflexes quotidiens.
184Dès lors, le soudain gonflement des troupes « antimilitaristes », déjà sensible au moment de la grève de décembre 1912 n’est pas l’aboutissement d’une évolution linéaire, une étape nouvelle dans la prise de conscience collective, et cette fois-ci, décisive. Simplement, il s’agit d’autre chose ; contre la guerre d’ailleurs, la classe ouvrière n’est pas seule.
185La pression des événements internationaux – élément exogène s’il en est – fait redescendre le thème antimilitariste de la lutte idéologique vers l’action politique. Pour celle-ci, la S.F.I.O. est mieux armée, par nature. Libertaires et syndicalistes cégétistes ne disparaissent pas de la scène, d’autant plus que le partage, on le sait, n’est pas toujours fait entre les hommes ; mais ils sont désormais réduits à constituer une force d’appoint ; et ils ne rencontrent plus guère d’échos quand ils engagent la lutte sur les thèmes qui leur sont propres418.
186Depuis le début de 1911 d’ailleurs, la place de la S.F.I.O. dans la lutte s’est considérablement accrue, et son intervention en décembre 1912 n’est pas un commencement. Dès l’automne 1911 la lutte contre le danger de guerre est un thème fondamental de sa propagande en Dauphiné, à Grenoble, à Voiron, où, devant des auditoires nombreux, il est exposé par ses principaux dirigeants419 ; en Savoie, elle s’associe à une affiche qui prône le « ... soulèvement unanime de la classe ouvrière de tous les pays... » et, en décembre 1912, Emile Argence et Edgar Milhaud font une tournée de compte-rendu du Congrès de Bâle, où ils ont été délégués420. Dans le bassin stéphanois, le journal L’Action ouvrière est poursuivi pour les articles d’Ambroise Baisson421, et Gustave Hervé connait un très vif succès à Grenoble, à Voiron et à Vienne dans l’automne de 1912422.
187Si bien que tout naturellement, c’est le socialisme unifié qui prend en mains la lutte contre la loi des 3 ans423. Dans la Loire, il ne tient pas moins de 25 meetings entre mars et juin 1913, avec l’aide des « Comités de défense sociale » où se sont regroupés les libertaires ; parmi eux, 6 à Saint-Etienne, et l’assemblée du 22 juin, en plein air, réunit 2 500 personnes dans l’unité de toutes les organisations ouvrières ; à Firminy, 3 meetings, à Unieux 5, à Saint-Chamond, 2. Toutes les localités ouvrières du bassin, Fraisses, Grand-Croix, Le Chambon-Feugerolles, Saint-Paul-en-Jarez, Villars, Izieux, La Ricamarie, Lorette, Rive-de-Gier sont tour à tour visitées ; et à l’autre bout du département, Roanne est un centre actif d’agitation. Si les ténors cégétistes ne sont pas absents de la campagne – H. Totti, U. Malot, Mongour, que vient un moment appuyer Yvetot –, les dirigeants de la S.F.I.O. sont omniprésents, tels E. Lafond, A. Baisson, Ferdinand Faure, et surtout Benjamin Ledin qui paraît être le véritable organisateur du mouvement424.
188Dans l’Isère, la S.F.I.O. de Grenoble rassemble 1 200 personnes le 16 avril, avec ses orateurs habituels, quand la C.G.T. n’en attire que 500 ; ses militants parcourent tout le Bas-Dauphiné, prennent la parole à Izeaux, à Pontcharra, à Gières, à Laffrey, à Claix. A Vienne, en juin, J. Brenier réunit plus d’un millier d’auditeurs, avec Ch. Auda et H. Totti, toujours425. Car l’action du socialisme unifié a un caractère de généralité que la C.G.T. n’est point capable d’atteindre, ses organisations étant trop clairsemées : au contraire, les sections de la S.F.I.O. sont partout, même si elles sont médiocres. Ainsi J. Nadi est à Valence le 17 mai devant plus de 1 200 assistants, à Romans le 1er juin ; simples étapes d’un périple qui le mène aussi à Vais, à Viviers, à Bourg-Saint-Andéol, à Villeneuve-de-Berg en Vivarais, au Teil, à Annonay. Dans l’Ain, c’est R. Nicod qui prend l’affaire en mains, rassemble, avec Marius Moutet, 350 personnes avant de prendre la parole, à Nantua, à Culoz, à Ambérieu ; ses adjoints sont à Bellegarde et dans quelques bourgs pourtant fort modestes où ils répandent en tracts le manifeste des députés socialistes426.
189En Savoie et en Haute-Savoie, A. Hug, E. Argence et E. Milhaud sont, de mars à juin, à Ugine, à Saint-Jean-de-Maurienne, à Bozel, à Aix, à Annecy et à Annemasse, où la section S.F.I.O. affiche le manifeste de protestation des parlementaires français et allemands. A Annecy, 800 personnes viennent écouter V. Dejeante, député de la Seine, et J. Isard, secrétaire de la Bourse du Travail, et en mai se produisent des incidents au 11e B.C.A. et au 30e R.I. « contre le maintien de la classe » : 6 caporaux sont cassés, et l’émotion est très vive ; à Chambéry, ils sont plus de 1 500 au meeting de la S.F.I.O. et de P. Navarro, le dirigeant de l’U.D.-C.G.T., et l’on se bat à la sortie avec des perturbateurs de l’Action libérale, puis avec les camelots du roi427.
190Lyon seul fait exception, où l’initiative paraît demeurer aux « syndicalistes révolutionnaires », à leurs successeurs de la C.G.T. du moins. Ce sont eux qui lancent la campagne, et leur premier grand meeting, le 1er juin, réunit plus de 3 500 personnes, avec Merrheim, qui fait pâlir les médiocres réunions S.F.I.O. puisque quelques jours auparavant, F. de Pressensé n’avait pas eu plus de 800 auditeurs à Lyon, et 400 à Villeurbanne. En fait, l’action propre du socialisme unifié se dissout très tôt dans celle de la « Ligue de défense républicaine » qui rassemble radicaux et « socialistes indépendants » sous la direction de V. Augagneur et d’Ed. Herriot, qu’il paraît inutile de présenter ; une dizaine de jours plus tard, ils ont autant de monde que Merrheim428.
191La campagne contre la loi des 3 ans frappe donc par une ampleur jamais vue : c’est la première fois que, sur un thème purement politique – avec, il est vrai, un arrière plan humanitaire – l’agitation a été aussi systématiquement menée ; jamais le succès ne semble avoir été aussi grand, bien que la part des curieux soit difficile à faire dans nombre d’auditoires. Mais, paradoxalement, le succès de la S.F.I.O. signifie une réintégration dans le concert national, et un coup de barre à droite qui brise souvent les liens noués avec les cégétistes : en effet, il se fait sur la rupture avec l’antipatriotisme, dont les tenants sont désormais isolés, tout à fait marginaux, et déjà étrangers à la majorité du mouvement ouvrier, aux masses à plus forte raison ; partout, les orateurs socialistes tiennent à se démarquer des idées, même s’ils côtoient les hommes. Ipso facto, on se retrouve sur les positions du grand « parti républicain » de gauche et des rivaux d’hier ; et si c’était, aussi, sur les lignes jamais abandonnées de la majorité de la classe ouvrière ?
C. A la veille de la guerre, quel socialisme ?
192Significative est l’évolution, depuis 1906, de la journée du Premier Mai, journée exclusive du prolétariat où celui-ci se retrouve et fait la revue de ses troupes. Or, dès 1907, elle est d’une médiocrité insigne. A Lyon, toutes les grandes usines sont au complet429, et aucun centre ouvrier ne retrouve les grandes heures de 1906, loin de là : à Romans, il n’y a pas 200 chômeurs pour se rendre à un médiocre meeting430 ; à Roanne, ils sont 350 à 400, presque tous des tisseurs et des teinturiers : et 18 autres syndicats de la ville annoncent « leur confiance dans le Parlement pour voter les réformes nécessaires !431 » A Givors, les manœuvres d’un chantier temporaire du chemin de fer fournissent les maigres troupes de la réunion, avec quelques fondeurs432 ; à Rive-de-Gier, où se rend pourtant J. Chazeaud, on ne dénombre que 300 cotisants, dont une centaine seulement pour le suivre dans la rue à la sortie433, et, hors des « Cercles d’études sociales » locaux, la journée passe tout à fait inaperçue à Saint-Chamond et à Grand-Croix434. Seules font exception la ville même de Saint-Etienne et la vallée de l’Ondaine : à Firminy, 2 000 mineurs arrêtent le travail, et le chômage parait total au Chambon-Feugerolles, où le cortège a plus de 600 participants ; au chef-lieu, ils ne sont que 400, mais le meeting qui l’a précédé a rassemblé 2 000 personnes pour écouter Merrheim435.
193En fait, l’analyse des ombres et des lumières de 1907 trace, pour les six années à venir, les lignes de ce qui se mue déjà en rituel : de journée de lutte, le Premier Mai devient fête chômée, éventuellement symbole de militantisme syndical par la présence aux réunions, ou, tout simplement, par le passage aux permanences où l’on fait viser sa carte ; quand il retrouve l’allure révolutionnaire de ses débuts et de 1906, c’est parce qu’il se greffe sur un mouvement revendicatif local ou une agitation ouvrière particulière.
194L’arrêt de travail, massif ? C’est Lyon en 1909, où il y aurait 12 000 ouvriers pour ne pas se rendre à l’usine ou à l’atelier : mais ils ne sont pas plus de 3 000 au meeting – la police dit un millier – et tout juste 500 à la manifestation, qui prend des allures de monôme436 ; dans le bassin forézien, il y a peut-être 10 000 chômeurs, à Saint-Etienne, et la majorité de ceux de Rive-de-Gier, mais on ne signale aucun meeting d’envergure437 ; en dehors de ceux de Grenoble – avec 400 assistants – , de Givors – 200 –, il n’y a souvent pas 100 personnes à ceux qui se tiennent à Voiron, à Roanne, dans le reste de la région stéphanoise, à Oyonnax où Yvetot s’en prend violemment à l’indifférence de la classe ouvrière438. L’année précédente, la journée avait attiré des auditoires squelettiques439, elle ne vaut pas mieux en 1910 et 1911, où le chômage n’atteint que les grands centres, et où les réunions sont si médiocres qu’on ne juge pas utile d’en rendre compte de manière détaillée440. Et en 1912, pour une prévision de 5 000 chômeurs seulement, les dirigeants syndicaux eux-mêmes « considèrent que les deux-tiers d’entre eux iront jouer aux boules... » ; malgré un très gros effort de propagande, il n’y en a pas un millier pour assister aux réunions syndicales, et guère plus de 2 000 s’en vont l’après-midi conspuer le Cercle Militaire441. Enfin, en 1913 – où se tiennent quelques meetings, le Premier Mai tombant le jour de l’Ascension – et en 1914, la journée s’intégre dans la lutte plus générale contre la loi des 3 ans et la guerre ; sans grand succès442 sauf à Lyon, où elle coïncide avec la grève du bâtiment, et le cortège – plus de 3 000 personnes – défile dans une ville en état de siège443 ; la simultanéité avait déjà assuré le succès en 1911 dans la ville, où terrassiers et menuisiers avaient fait le tour des chantiers, sous la direction d’Yvetot et d’Henri Totti, et dans la vallée de l’Ondaine, secouée par l’agitation des métallurgistes du Chambon-Feugerolles444 ; et, en 1912, à Saint-Etienne, en pleine grève générale des mineurs, et en présence de formidables concentrations militaires445. Mais, dans les trois cas, plus qu’à la journée elle-même, c’est à l’effervescence revendicative qu’il faut attribuer le retour occasionnel des masses ; la retombée de la conscience collective est nette ; elle s’inscrit encore plus nettement dans les choix électoraux de la classe ouvrière.
195Les élections législatives de 1906 marquent, pour la première fois, la netteté de la coupure entre un socialisme qui, dans les principales zones ouvrières de la région se veut révolutionnaire – le P.S.U. – S.F.I.O. – et l’aile avancée du parti républicain, soit radicale, soit socialiste « indépendante. Or, l’hésitation n’est pas de mise, semble-t-il.
196Dans la Loire446, les « unifiés » n’ont même pas jugé utile d’opposer un candidat à Briand qui, dans le canton Nord-Est de Saint-Etienne et à Saint-Chamond, – la Ie circonscription – écrase facilement le candidat réactionnaire, avec 12 164 voix contre 6 945 et 48,7 % des inscrits. Mais dans le reste de la ville, où l’alternative existe, les ouvriers stéphanois donnent très nettement la préférence à l’« indépendant » Jules Ledin : dans la 2e circonscription en effet, cantons sud et sud-ouest, il obtient au premier tour 4 100 voix et 18,7 % des inscrits, très loin devant le candidat de la S.F.I.O., J. Sagnol, qui n’en a que 1 349, donc 6,2 %, et 2 728 autres voix (12,3 %) se sont portées sur un candidat radical ; enfin, dans ce quartier des passementiers et des armuriers, c’est la progressiste qui arrive en tête, avec 5 911 voix (26,9 %) au total, et dans 10 sections sur 12. Au second tour, J. Ledin l’emporte avec 27,3 % des inscrits, et P. Soulageon, qui a maintenu les couleurs de la S.F.I.O. recule en nombre absolu (1 312 voix).
197Charpentier, qui se dit encore « unifié », n’a pas de mal à l’emporter dès le premier tour dans les cantons miniers et métallurgiques de Rive-de-Gier, de Saint-Héand et de Saint-Etienne Nord-Ouest, bien qu’il soit minoritaire dans 2 sections urbaines sur 6 ; et rares sont les communes ouvrières à lui faire défaut, comme Sorbiers et Saint-Paul-en-Jarez. Mais un certain Bourgeat n’a que 55 voix comme P.S.U. dans la 4e circonscription – la vallée de l’Ondaine et le Pilât – et Soulié, « socialiste », 3 185, donc 12 % des inscrits ; encore est-il distancé par le radical – 28,6 % et 7 529 suffrages. Là encore, c’est le « progressiste » Claudinon, un patron métallurgiste, qui l’emporte, avec 9 966 voix et 37,8 % ! Or, son succès est tout à fait net dans les cantons prolétariens : il est en tête au Chambon-Feugerolles, et tout juste distancé par le radical à Firminy ; dans la commune même du Chambon, dont il est maire, il obtient plus de la majorité absolue des votants – 1 449 voix sur 2 530 et 44.9 % des inscrits ; à La Ricamarie, il en a autant que Soulié – 643 contre 645 –, arrive nettement en tête chez les mineurs de Roche-Ia-Molière, de Chazeau, et avant le « socialiste » à Firminy-ville – qui donne sa préférence au radical – et à Saint-Genest-Lerpt. Au second tour pourtant, le radical Vidon l’emporte, grâce à la concentration des forces républicaines.
198A la veille de la guerre, les élections législatives de 1914 ne modifient pas les grands traits du comportement électoral447. Sans doute Ernest Lafond, socialiste unifié, l’emporte-t-il dans la vallée de l’Ondaine et dans les communes du Pilât : mais au second tour, et lui-même est un notable local avant tout, maire de Firminy. Or, au premier, s’il est arrivé en tête – avec 9 346 voix et 33,6 % des inscrits –, un « républicain socialiste » de la fédération briandiste en avait recueilli 3 202 et 11,5 % –, et il ne récupère pas la totalité de ses voix. Dans la vallée du Gier – la 3e circonscription, sans Saint-Chamond – Le Griel, candidat de la S.F.I.O., n’a que 5,8 % des inscrits pour lui – 1 385 –, alors que Charpentier, devenu « républicain-socialiste », en a 3 764 et 16,2 %, Vinay, le dirigeant de la coopérative ouvrière des verriers, 3 016 et 12,9 % sous la même étiquette, le radical Vernay 1 077 et 4,6 %, et que tous sont distancés par le « progressiste » Neyret, un autre grand patron métallurgiste, sur lequel se portent 7 953 suffrages, donc 34,1 % des inscrits ; à l’exception de la ville même de Rive-de-Gier – où Vinay l’emporte : parce qu’il en est le maire ? –, de Grand-Croix, il n’est pas une seule commune ouvrière de la vallée où il ne soit en tête. Et au second tour, il bat Charpentier.
199Les résultats de la S.F.I.O. ne sont pas plus brillants à Saint-Etienne et à Saint-Chamond. Dans la 2e circonscription – les cantons Sud-Est et Sud-Ouest – Jourjon n’emporte pour elle que 4,3 % des inscrits, et 1 010 suffrages, et le radical Durafour est élu député dès le premier tour. Dans la 1e – cantons Nord-Est de Saint-Etienne et de Saint-Chamond. A. Briand retrouve son siège avec la même facilité, 9 129 voix et 36,4 % : face à lui, Ferdinand Faure, l’un des leaders de la fédération unifiée n’en a que 1 885, soit 11,4 % et arrive après Prénat, un troisième grand nom du patronat forézien, classé « réactionnaire » par le préfet, d’assez loin (5 140 suffrages et 20,4 %), et qui est même en tête à Saint-Julien-en-Jarez.
200A Lyon, les législatives de 1906 révèlent elles aussi l’attachement global de la ville à la République militante et anticléricale qu’avait incarnée le Bloc des gauches448 ; dès le premier tour, 4 des circonscriptions urbaines se donnent un député qui s’en réclame, dont deux radicaux, et deux autres viennent les rejoindre au second ; seule la 2e circonscription donne alors la préférence à un progressiste, élu de justesse – 5 518 voix contre 5 424 – à Ainay et à Bellecour. Parmi eux, un socialiste unifié, Marietton, mais qui ne doit d’être élu qu’à la discipline républicaine, puisqu’il n’a précédé au premier tour que de 25 voix le candidat du Bloc ; et au second, quelques électeurs « de gauche » du premier tour lui font défaut. Mais ailleurs, l’échec de la S. F. LO. est total, et surtout dans le vieux bastion prolétarien de La Croix-Rousse, dont la composition sociologique s’est, il est vrai, bien modifiée. Sur ses pentes méridionales et aux Terreaux, elle ne recueille que 305 voix et 2,7 % des inscrits, contre 5 173 et 46,7 % aux candidats « blocard » et radical dont l’un d’eux, Justin Godard, futur historien des « canuts » est élu huit jours plus tard ; sur le plateau, la défaite est moins forte, mais elle est nette : 1 862 voix et 23,6 %, et avec deux fois plus de voix, le « blocard » l’emporte. Mais aux Brotteaux, on retombe à 6,3 % pour 882 voix, quand le Bloc républicain en a 6 434 et 45,7 % ; seule La Guillotière répond à l’appel avec 15,2 % des inscrits et 2 145 voix dans les quartiers de La Part-Dieu, de Montplaisir et autour de la Grande Rue (la 3e circonscription) et 20,5 % et 2 698 voix dans ceux de Gerland, de Saint-Louis, de La Villette et de la rue de Marseille (la 4e circonscription) ; mais à chaque fois, c’est un radical qui est élu, dès le premier tour, avec, respectivement, le triple et le double de suffrages, environ.
201Par contre, le vote de la nouvelle banlieue ouvrière paraît montrer la pénétration, d’emblée, du nouveau socialisme révolutionnaire, puisque le candidat unifié sort vainqueur du premier tour, avec 6 128 voix et 37,1 % des inscrits dans la circonscription de Villeurbanne et de Neuville ; son succès est plus fort que la moyenne à Villeurbanne même (40,1 %) et surtout à Saint-Fons (52,4 %) mais il est médiocre à Caluire (25,5 %) où le radical se place avant lui, et le nouvel élu, Francis de Pressensé vient, comme Marietton d’ailleurs, de l’ancienne Fédération autonome d’Augagneur. Et à Oullins (10,2 % des inscrits), à La Mulatière (16 %), à Pierre-Bénite (4,8 %), le résultat est médiocre, traduisant la préférence de la banlieue sud pour le « socialiste indépendant » Normand avec, respectivement, 46,2, 31,1, et 50,4 %, qui l’emporte aussi nettement à Givors (40,4 % contre 10,6 % au candidat « unifié ») et à Grigny (44,4 % contre 7,9 %) et sort vainqueur dans la 9e circonscription.
202En 1914, la situation est un peu différente, après la campagne menée en commun entre socialistes unifiés,449 « indépendants » et radicaux, et où des accords de désistement sont passés pour le second tour. Encore une fois, le seul 2e arrondissement fait exception, où le candidat réactionnaire l’emporte avec 40,9 % des inscrits, nettement. La S.F.I.O. présente partout des candidats au premier tour. Sur les pentes de La Croix-Rousse et aux Terreaux, c’est à nouveau le fiasco, puisque son candidat n’a que 406 voix et 3,5 % ; Justin Godard l’emporte avec 42,5 %, facilement, mais au second tour : au premier, il n’avait obtenu que 1 820 voix sur 5 892 votants, et 23 % des inscrits – au niveau de 1906 – et profite de la division des radicaux. De même, Marietton n’est réélu qu’au second tour sur la rive droite de la Saône : au premier, il a eu 27 % des inscrits, mais le socialiste « indépendant » M. Vial, bien que distancé, en a eu encore 15,7 % et le candidat de la droite était arrivé nettement en tête (31 %) ; il est vrai que la circonscription mêle les vieux quartiers de Saint-Paul et Saint-Paul et Saint-Georges, Vaise et la colline cléricale de Fourvière.
203Et aux Brotteaux, de nouveau, teinturiers et apprêteurs donnent la préférence à l’« indépendant » Colliard (31,3 % des inscrits), élu ensuite au 2e tour, alors que Victor Darme, le militant traminot n’en a que 9,7 %, soit 1 694 (sur 13 714 votants) contre 5 441 et à La Part-Dieu, Augagneur finit par prendre le meilleur sur le socialiste unifié, qui s’est maintenu, après l’avoir, dès l’abord, nettement distancé (33,2 % contre 22 %) ; Gerland et le sud de La Guillotière, constituent la seule circonscription où la victoire de la S.F.I.O. soit éclatante, puisque Rognon l’emporte avec 41,9 % des inscrits. Il faut un second tour pour que son camarade Voillot soit élu à Villeurbanne -Neuville : au premier, le radical a tout de même obtenu 17,1 %, contre 30,8 % pour le futur vainqueur, dont le succès a été très fort à Villeurbanne même (34 %), mais moindre à Saint-Fons (29 %) et, à Caluire, il est arrivé en 3e position, la première étant solidement tenue par le progressiste. Le succès à Oullins (38,1 %), à Pierre-Bénite (27,9 %), et à Grigny (27,3 %), où le Docteur Lévy arrive bon premier n’empêche pas le radical de prendre une forte avance (28,2 % contre 17,3 % au socialiste unifié) dans l’ensemble de la 9e circonscription, avant de passer au second tour ; mais à La Mulatière comme à Givors, c’est le candidat de droite qui avait obtenu le plus grand nombre de suffrages ! Si bien qu’au total, il semble qu’il y ait, depuis 1906, dans les quartiers ouvriers de Lyon comme dans sa nouvelle banlieue industrielle proche ou lointaine, un léger glissement du radicalisme et du « socialisme indépendant » vers la S.F.I.O. ; mais les conditions un peu particulières de la joute électorale incitent à la prudence des conclusions.
204Le comportement des centres ou des diasporas ouvrières en dehors de l’agglomération lyonnaise et du bassin stéphanois traduit, outre cette réserve devant le socialisme unifié, un recul pur et simple du socialisme lui-même. Et, d’abord, dans l’ensemble textile du Roannais et du Beaujolais, à la ville comme à la campagne. Dans la première circonscription de Roanne, J. Augé, dont on sait l’évolution, perd son siège en 1906 au profit d’un progressiste ; il est distancé dans le canton même de Roanne, avec 37 % des inscrits contre 41,2 % à son adversaire, qui arrive à 30,5 % dans la section du faubourg Mulsant, bastion du prolétariat cotonnier de la ville. Dans la 2e de Roanne, celle des cantons du tissage, de Charlieu, de Belmont, de Perreux, le candidat socialiste, avec 854 voix sur 20 451 votants, atteint tout juste 3,6 % des inscrits ; et le « républicain » devance à peine – avec 9 760 suffrages – le « réactionnaire », un Déchelette, de la grande famille roannaise, qui en a 9 660. Ferdinand Faure, qui porte les espoirs de la S.F.I.O. dans la 2e circonscription de Montbrison en recueille 300 sur 18 268 votants, dont 222 chez les chapeliers de Chazelles : ceux-ci n’en ont pas moins donné 1 222 à ses adversaires. Dans le Beaujolais textile – la 2e circonscription de Villefranche – la plupart des bourgs et des villages de l’essaimage textile confirment leur orientation de gauche en votant pour Palix, dont on sait les variations, et qui représente le radicalisme et le socialisme indépendant : dans le canton de Thizy, il obtient 3 130 voix et 48,4 % des inscrits contre 2 138 et 33 % à son adversaire progressiste ; au chef-lieu, il atteint même 53 %, 57,2 à Bourg-de-Thizy et 51,3 % à Cours. Dans celui du Bois d’Oingt, le succès est plus court, 42,2 % contre 39,1 %. Mais il mord la poussière dans ceux d’Amplepuis – 39 % contre 45,4 % – et de Tarare – 34,7 % contre 48,7 % –, en minorité dans 17 communes sur 21 ; et il perd finalement son siège.
205En 1914, le virage vers la droite s’est encore accentué, Laurent Bonnevay est réélu dès le 1er tour, avec 41,2 % des inscrits, et il est très nettement en tête dans les cantons d’Amplepuis (42,4 %), de Tarare (42,2 %) et de Thizy (37,7 %) ; ailleurs aussi. Dans l’ensemble de la criconscription, Jean Lorris n’a que 17,4 % pour la S.F.I.O., et s’il talonne le progressiste dans la ville même de Tarare (1 125 voix contre 1 137), et arrive en tête à Bourg-de-Thizy (499 contre 475), il est partout ailleurs fortement distancé, surtout à Cours (327 contre 766) et à Amplepuis (106 contre 827) où il vient, de surcroit, après le candidat radical. Dans le Roannais rural du tissage – la 3e circonscription – G. Raimond et la S.F.I.O. n’ont que 1 254 voix et 5,5 % des inscrits, J. Déchelette est à nouveau en tête au premier tour (37,5 %) et c’est finalement le radical (37,1 %) qui prend le meilleur au second ; la médiocrité est la même dans la première de Roanne – qui comprend la ville – et élit un progressiste, le candidat de concentration radicale-socialiste ne fait pas mieux que 19,7 % et celui des unifiés, 16,3 % ; c’est l’ensemble de la gauche, toutes nuances confondues, qui accentue son recul. Enfin, Ambroise Baisson fait moins bien, à Montbrison que F. Faure, puisqu’il n’obtient que 165 voix !
206Enfin, en Dauphiné, se reproduit la poussée vers le radicalisme et le « socialisme indépendant » déjà remarquée à Lyon et dans le bassin stéphanois450. En 1906 en effet, la S.F.I.O. n’obtient que 4,4 % des inscrits, 884 voix seulement dans la première circonscription de Grenoble, quand A. Zevaès, l’homme de la scission, en a 7 343 et 36,9 % dans les communes industrielles du Graisivaudan. Dans la deuxième, où se trouve la ville elle-même, l’échec est moindre, puisque Brizon, le socialisme unifié, arrive à 11,8 % ; mais Cornand, l’autre leader de la « fédération autonome » ne l’en distance pas moins nettement, puisqu’il parvient à 23 %. A l’intérieur de Grenoble, les quartiers ouvriers du Cours Berriat, au-delà de la voie du chemin de fer, où poussent les usines, lui donnent nettement la préférence, à 34,8 % contre 13,7 à Brizon, outre 12,8 % à un radical. Et à la veille de la guerre, dans l’ensemble de la circonscription, si Mistral est élu au second tour par le jeu de la discipline républicaine, les deux candidats radicaux font jeu égal au premier, avec 24,3 % des inscrits contre 25,4 % à la S.F.I.O. ; en Graisivaudan, Raffin-Dugens devient député dans les mêmes circonstances après n’avoir eu que 24,8 %, contre 35,3 % aux socialistes indépendants. Quant au succès précoce et renouvelé de Brenier à Vienne, il est délicat à interpréter : comme E. Lafont à Firminy, Marietton à Lyon, c’est un notable, de surcroit maire de la ville ; et le socialisme unifié demeure fortement minoritaire en 1906 comme en 1914 face au radicalisme dans l’ensemble du Bas Dauphiné textile.
Conclusion
207Le siècle naît donc dans la rencontre exceptionnelle d’une forte poussée revendicative et syndicale, et d’un projet révolutionnaire, qui prétend faire table rase. Celui-ci vient à point nommé : au moment où s’effacent les grandes organisations corporatives auxquelles la classe ouvrière avait consacré l’essentiel de ses soins dans les quarante années d’avant ; où, au contraire, de nouveaux secteurs, restés jusque là à l’écart, nés de la reconversion de l’industrie régionale qui se déploie depuis les alentours de 1890, accèdent à la vie syndicale ; où, enfin, l’échec de l’Unité révèle les faux-semblants de « socialismes » qui ne se sont jamais incarnés qu’en comités électoraux. Il y a donc un vide momentané de l’organisation corporative et politique où se glisse le syndicalisme d’action directe. Fondé sur un projet global de transformation de la société, il transcende la traditionnelle division du politique et du social – « de l’économique », pour parler avec lui – et ne peut rencontrer qu’un écho favorable dans une classe ouvrière où la distinction n’a jamais été vraiment ressentie ; soucieux d’une rupture totale avec les formes d’action ou d’organisation du passé, il reprend en compte les rêves millénaristes qui n’avaient jamais cessé de flotter et annonce la cité nouvelle en plantant les citadelles du futur ordre prolétarien que sont les Bourses du Travail ; propagandiste de la « grève générale », il fournit enfin le levier concret qui fera basculer le vieux monde, quand chaque grève partielle indique à la classe ouvrière les moyens réels d’un pouvoir spécifique. Pendant quelques années, il incarne la conscience collective et l’identifie à la Révolution qui vient.
208Mais la retombée est précoce et le syndicalisme révolutionnaire s’effondre quand reflue avec la vague revendicative, l’espoir d’une transformation prochaine : les organisations anciennes qu’il avait pénétrées, comme celle des mineurs, s’en écartent ; et les autres, nées en même temps que lui, et avec lui, disparaissent rapidement, trop fragiles, pour résister à la pression patronale, à l’échec – ou au succès ! – d’une grève, à la désillusion qui suit l’impatience. Le recul du mouvement syndical – de son implantation, de son attraction – parait plus rapide et plus profond qu’ailleurs ; les Bourses du Travail redeviennent, dans la grande majorité des cas, des bureaux de services communs ; et l’on reste relativement indifférent à l’action de la C.G.T. ; parce que ses mots d’ordre partent d’ailleurs et ne collent guère à la réalité quotidienne, parce que de plus en plus elle donne la priorité à des campagnes extra-corporatives auxquelles elle finit par s’identifier et qui paraissent étrangères, hors de quelques grandes villes, aux préocupations pratiques de la classe ouvrière provinciale. Et, à la veille de la guerre, employés du tertiaire et fonctionnaires sont déjà fortement organisés que le nouveau prolétariat des gràndes usines métallurgiques et électrotechniques, des papeteries et des cimenteries n’en est encore qu’au balbutiement syndical. Pire, pour la première fois, une attaque vient de l’extérieur qui emprunte les propres voies du mouvement ouvrier pour arracher des rameaux entiers au tronc principal : le « syndicalisme jaune » ne représente pas grand-chose, globalement, mais ici et là, il contribue fortement au recul ; et la découverte de l’organisation corporative par un petit groupe de militants chrétiens est l’occasion de mordre sur des secteurs jusque là rebelles qui accèdent ainsi à la vie syndicale selon des modes parfaitement étrangers à la « coutume ouvrière ».
209Enfin, l’unité socialiste laborieusement réalisée ne recueille pas l’adhésion de ceux qu’avait tentés un moment le syndicalisme d’action directe. Le visage « maximaliste » que fait prendre à la S.F.I.O., par force, l’échiquier socialiste régional écarte de lui la majorité de la classe ouvrière. Plus que jamais, celle-ci se reconnaît dans un « socialisme indépendant » qu’animent sur place des personnalités prestigieuses, comme Aristide Briand, Victor Augagneur, Alexandre Zevaès, qui trouve ses places-fortes dans les principales concentrations prolétariennes de la région où il recrute militants et suffrages. Le réflexe républicain demeure la dominante des conduites politiques, en 1914 comme en 1848 : avait-il jamais cessé de l’être ? Dans les années qui précèdent la guerre, c’est en se rapprochant des autres formations qui l’incarnent que la S.F.I.O. peut mordre plus fortement sur le corps électoral. La tension extérieure déporte à nouveau la ligne de clivage vers la droite, concrétisée par le débat sur la loi des 3 ans ; le vote de 1914, s’il montre, une fois de plus, l’attachement global à une République radicale et socialiste n’en révèle pas moins quelques reculs, en dehors des villes. Preuve que la classe ouvrière, malgré ses organisations et les idéologies qui l’encadrent, n’échappe pas totalement aux grands courants de pensée qui traversent la nation tout entière : l’internationalisme proclamé n’empêche pas la permanence d’une xénophobie latente. En août 1914, le balancier des conduites collectives accentue simplement un mouvement amorcé depuis une huitaine d’années.
Notes de bas de page
1 Cf. Perrot (M.) et Kriegel (A.), Le socialisme français et le pouvoir, p. 49 et suiv.
2 Sur la « préhistoire » de la grève générale, et sur l’ensemble de la question, cf. Brécy (R.), La grève générale en France, p. 9 et suiv. et p. 24 et suiv. ; c’est en 1888 que le thème est abordé pour la premère fois dans un congrès ouvrier.
3 A.D.R., M., grèves, 1888-1891, préfet, s.d. (12.3.1889).
4 A.D.L., 93 M 21, police, s.d. (1890).
5 Cf. Supra, chap. 2.
6 A.D.L., 92 M 40, police Saint-Etienne, 13.5.1891.
7 A.D.L., 92 M 49, Commis, spéc. Roanne, 17 et 23.9.1893 ; déjà, anarchistes et « socialistes révolutionnaires » paraissent jouer un rôle essentiel dans la préparation du referendum ; bien que positif – 1 297 oui contre 1 129 non –, il n’est suivi d’aucun effet.
8 A.D.L., 92 M 51, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 15.9.1893.
9 A.D.L., 92 M 82, police Saint-Etienne, 1.12.1899 ; 92 M 90, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 1.4.1899 et 92 M 92, Ministre Intérieur à préfet Loire, 6.1.1900 : l’émeute du 5 janvier 1900 suscite de très vifs espoirs, et un « comité parisien » de la grève générale serait sur le point d’envoyer une mission pour faire échouer toute conciliation chez les mineurs comme chez les tisseurs et associer au mouvement celui des mineurs de Montceau-les-Mines.
10 A.N., BB 18 2184, d. 351, proc. gal Lyon, 10.12.1900 et A.D.L., 92 M 97, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 2.12.1900.
11 A.D.R., M., grèves 1901, police Lyon, 9.11.1900.
12 A.N., BB 18, 2201-2202, proc. gal Lyon, 12.9.1902 ; avant, une tournée de Tortelier dans la vallée du Gier n’avait pas éveillé d’écho.
13 A noter la place des Guesdistes, alors que depuis 1894, au Congrès de la Fédération nationale des syndicats, leur position d’hostilité est affirmée avec éclat (cf. Brecy (R.), ouvr. cit., p. 25 et suiv.)
14 A.N., BB 18 2201-2202, d. 1995, proc. gal Lyon, 22.10.1901.
15 A.D.L., 92 M 104, police Saint-Chamond, 7.10.1901.
16 A.D.L., 13 M 5, police Saint-Etienne, 9.11.1901 et 12.9.1902 ; en novembre 1901, A. Briand parle au théâtre de la ville, sous les auspices de la Municipalité et de la Ligue pour le relèvement des salaires ; il fait voter une motion où « ... les travailleurs socialistes de Saint-Etienne... approuvent entièrement ses déclarations au sujet de la grève générale, s’engagent à propager cette idée par tous les moyens... », avant de lever la séance aux cris de « Vive la Révolution sociale...! ».
17 A.D.L., 10 M 110, police Saint-Etienne, 30.11.1895 et 10 M 113, id., juillet 1896 ; 19 M 13, id., 7.4.1895 et 19 M 14, id., 1.6.1896.
18 A.D.L., 19 M 14, police Chambon Feugerolles, 21.9.1896 et préfet Rhône, septembre 1896.
19 Les attaches foréziennes de Ravachol, l’attentat de Caserio expliquent la vigilance policière ; de 1891 à 1898, perquisitions et arrestations préventives sont incessantes à tel point qu’à Roanne, en 1898, on envisage de « ne plus débattre ensemble d’affaire sérieuse... », toute question importante devant être « ... traitée entre les compagnons les plus sérieux seulement... », et « ... toute résolution... communiquée aux autres individuellement, dans l’oreille... » (A.D.L., 19 M 18, police Roanne, 2.10.1898).
20 A.N., F 712496, sûreté générale, 12.3.1902 ; A.D. L, 75 M 9, police Grenoble, 7.6.1902 ; A.D.L., 13 M 5, police Saint-Etienne, s.d. (juin 1902) et 6.3.1904, et A.D.H.S., 11 M, grèves et chômage, 1872-1902, police Annemasse, 9.10.1902.
21 A.D.R., M., grèves 1901-1904, police Lyon, 23.11.1903 et Maitron (J.), Histoire du mouvement anarchiste en France... p. 416.
22 La première « Jeunesse révolutionnaire », à laquelle Mayeux était déjà lié, avait disparu en 1896 ; celle de 1897 a d’ailleurs, par la suite, une évolution complexe, marquée de scissions et de réconciliations, et quand la rupture est consommée avec Augé, celui-ci suscite pour un temps une « Jeunesse unioniste » ; mais au fur et à mesure que la décantation se fait, la vocation unitaire de la J.S.R. s’affirme : en avril 1901, c’est elle qui reçoit Sébastien Faure, en présence de J. Ravaté, d’A. Buffin, mais aussi de P. Darancy, chef de file des antiministérialistes au Conseil municipal (cf. A.N., F 7 12499, police Roanne, 18.11.1900 et A.D.L., 19 M 16, id., 7.2.1897 ; 19 M 18, id., 24.3.1898 ; 10 M 113 bis, id., 25.3.1898 et 13 M 5, id., 10.4.1901 ; Willard (C.), Les Guesdistes..., p. 102, notes 5 et 6.
23 A.D.L., 10 M 108, police Roanne, 2.7.1897 ; 13 M 5, police Saint-Etienne, 7.8.1901 et 92 M 97, id. 5.12.1900.
24 A.D.L., 10 M 115, police Roanne, 2.2.1897 et 10 M 119, id., 4.7.1898.
25 A.D.L., 10 M 113 bis, police Roanne, 1.8.1893 ; 10 M 118, id., 28 et 30.6.1898 ; 10 M 119, id., 13.8.1898.
26 Cf. Barrai (P.), Le département de l’Isère sous la IIIe République..., p. 428-431 ; « … nous sommes un parti de classe à qui sa mission historique commande de se maintenir sur le terrain de la lutte de classe... », déclare Dognin ; la Fédération de l’Isère condamne l’entrée de Millerand au Ministère par 26 voix contre 4.
27 A.D. Ar., 15 M 55, police Annonay, 12.4.1899.
28 A.N., F 7 12498, préfet Drôme, 2.3.1901.
29 A.N., F 7 12497, préfet Ain, 22.1.1900 et A.D.A., 8 M 1303, police Bourg, 26.4.1901 et police Nantua, 21.5.1901.
30 A.N., F 7 12499, police Saint-Etienne, 24.10.1900, et A.D.L., 10 M 125, police, 24.10.1900.
31 A.N., F 7 12886, police Saint-Etienne, 12 1898. A.D.L., 10 M 113 bis, id., 4.3.1898 ; 10 M 118, préfet Loire, 30.6.1898 et 10 M 49, police, 2.10.1898.
32 A.N., F 7 12499, police Saint-Etienne, 2.11.1900 et A.D.L., 10 M 125, 17.9 et 2.11.1900 ; cf. aussi Willard (C.), ouvr. cit., p. 280 et suiv. ; à noter que la mort de Girodet en avril 1898 a facilité le rapprochement.
33 A.D.L., 10 M 125, police Saint-Etienne, 24.10.1900.
34 A.N., F 7 12499, police Saint-Etienne, 5.2.1901 et A.D.L., 13 M 5, id., 19.9.1902.
35 A.N., F 7 12498, préfet Drôme, 2.3.1901 et Datasse (A.), Le socialisme dans l’Ardèche..., p. 3 et 4 ; quant à la Fédération de l’Isère, elle vient, en 1900, au second rang dans le P.O.F., après celle du Nord, avec 1 155 cartes prises (cf. Willard, ouvr. cit., p. 500 et suiv.).
36 A.N., F 7 12497, police Nantua, 27.8.1900.
37 Cf. Willard, C., ouvr. cit., p. 508 et suiv. ; en 1900, la Fédération du Rhône, avec 345 cartes, n’arrive qu’au 9e rang des départements, et aux cantonales de 1901, elle perd la moitié de ses voix de 1898.
38 A.D.R., 4 M 4/515, police Lyon, 27.3.1899 et 28.11.1899 et Le Peuple, 7.9.1899 ; et divers rapports 1899-1902 sur le parti blanquiste, série M, non classés au moment de leur consultation (6.6.1900, 19.8.1901, 12.4.1902,...) ; cf. aussi Bouquier (S.), et Regaudiat (B.), Le parti blanquiste à Lyon des années 1880 à 1903, M.M., Lyon, 1971, p. 224 et suiv.
39 A.N., F 7 12501, police Lyon, 16.1.1902.
40 A.N., F 7 12501, préfet Rhône, 3.2.1904 et F 7 12889 La Petite République, 23.6.1901 ; depuis 1901, c’est F. Krauss qui la représente au Comité général du P.S.F.
41 Comme le déclare Georges Lévy, d’Oullins, au Congrès, en décembre 1905, de la « Fédération socialiste » du Rhône (A.N., F 7 12500, police Lyon, 10.12.1905).
42 A.D.L., 13 M 5, police Saint-Etienne, 30.5.1901 : « ... l’unité socialiste s’est révélée éphémère… ».
43 A.N., F 7 12889, La Petite République, 11.6.1901 ; A.D.L., 10 M 133, police Saint-Etienne, 21.7.1903 ; 13 M 5, id., 1.12.1903 et 13 M 6, id., 25.1.1904.
44 A.D.L., 13 M 6, police Saint-Etienne, 13.2.1904.
45 A.D.L., 13 M 5, police Saint-Etienne, 8.5.1903.
46 A.D.L., 10 M 122, police Roanne, 17.11.1899.
47 A.N., F 7 12494, id., 14.9.1900.
48 Cf. Willard (C.), ouvr. cit., p. 507 et suiv.
49 Sur le déroulement de la crise, Barral (P.), ouvr. cit., p. 430-431, et Willard (C.), ouvr. cit., p. 502 et suiv.
50 A.N., F 7 12889, La Petite République, 23.6.1901 et F 7 12499, police Vienne, 20.11.1905 ; Darasse (A.), ouvr. cit., p. 4 et suiv.
51 Cf. graphique annexe n° 87 ; sur l’ensemble du paragraphe, Annuaire des syndicats, 1899-1908.
52 Cf. graphiques annexes n° 88etn° 89.
53 Pour un total de 647 syndicats et 81 131 syndiqués ; donc légèrement inférieur, au comptage, à la récapitulation de l’Annuaire.
54 Cf. supra, chap. IV, p. 244-245.
55 Cf. tableau hors-texte n° 54 ; dans ce cas précis, l’analyse ne porte que sur 636 syndicats, puisque 11 d’entre eux n’ont pas donné le nombre exact de leurs adhérents en 1908.
56 Et presque tous les autres centres miniers de la région se dotent de syndicats : Flaviac, Saint-Cierge et Veyras en Vivarais (1906-1908), Lovagny, près d’Annecy (1906), Allevard (1907), Sainte-Foy-Largentière (1908).
57 Outre l’Annuaire des syndicats, A.N., BB 18 2243, d. 319, proc. gal Chambéry, 22.1.1903 et BB 18 2334, d. 739, proc. gal Grenoble, 28.4.1906 ; A.D.I., 162 M 9, sous-préfet La-Tour-du-Pin, 18.4.1907 et 166 M 6, Petit Dauphinois, s.d. (1902) ; cf. aussi Baud, Lucie, Les tisseuses de soie de la région de Vizille, Le Mouvement socialiste, 1.6.1908, p. 418 et suiv.
58 Reynier (E.), L’organisation syndicale dans l’Ardèche..., p. 11.
59 A.D.S., 33 M VI/ 3, police Modane, 28.5.1905 et 5.8.1905.
60 A.D.H.S., 11 M, grèves et chômage, 1904-1906, préfet, juin 1905.
61 A.D.I., 52 M 76, police Grenoble, 10.4.1907 et 166 M 6, sous-préfet Vienne, 13.5.1902 ; A.D.S., 33 M VI/4, préfet, 7.2.1906 ; A.D.H.S., 11 M, grèves et chômage 1904-1906, Commiss. spéc. Annemasse, 16 et 26.6.1906 ; Reynier (E.), ouvr. cit., p. ll et suiv. et Serret (C.) Chaux et ciments de Lafarge. Monographie sociale... p. 19.
62 Et l’idée avait été notamment émise à Saint-Etienne, en 1882, par les passementiers : aux enquêteurs parlementaires, ils avaient déclaré que « … les bourses au travail (sic) sont d’une urgence extrême, les chambres syndicales ne (pouvant) les organiser vu le manque de finances (A.N., C 3353, Enquête parlementaire... 1882, réponse tisseurs Saint-Etienne).
63 Le Premier Congrès se tient d’ailleurs à Saint-Etienne, en Février 1892 (cf. A.N. F 7 12493, police, 8.2.1892), B. Péronin y représente la Bourse de Lyon, L. Crozier et P. Soulageon les syndicats stéphanois ; sur la participation régulière des délégués régionaux aux Congrès jusqu’en 1896, A.N., F 7 12493, police, 13.2.1893, 8.7.1894, et comptes rendus des travaux (1896 et 1897, p. 8 et p. 12) ; à noter pourtant qu’à chaque fois, on y retrouve les militants mêlés au renouveau révolutionnaire, comme E. Mayeux, Escalier, P. Soulageon, etc...
64 Cf. Annuaire des Syndicats..., 1895-1908.
65 Sur la Bourse de Saint-Etienne, A.N., F 7 12491, police Saint-Etienne, 4.7.1895 ; 10 M 93, police, 3.9.1891 et 110, id., 17.12.1895 ; 93 M 37, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 19.11.1896 et 93 M 56, id., 2.3., 23.6., 4. et 8.11.1893 ; Office du travail, Annuaire des Syndicats professionnels, 1891-1899.
66 En 1899, le nombre des adhérents est passé soudain de 3 143 à 7 857, puis, à 12 504 en 1900.
67 A.D.L., 13 M’2, police Saint-Etienne, 22.12.1891.
68 Cf. supra, chap. IX, p. 235 et suiv.
69 Tout en conservant une dizaine de syndicats, le nombre des syndiqués s’est gonflé de 1 228 en 1893 à 2 123 l’année suivante puis à 6 690 en 1895 (cf. A.D.L., 93 M 5 commiss. spéc. Roanne, 22.1.1894, et Office du travail, Annuaire..., ouvr. cit., 1893, p. LXVII et 1895, p. 209.
70 Office du Travail, Annuaire, ..., ouvr. cit., 1895, p. 210 et 1896, p. XLVI.
71 A.D.I., 52 M 69, Commiss. central Grenoble, 15.9.1896 ; outre 25 syndicats locaux, la Bourse rassemble ceux des gantiers dans les communes environnantes, et 7 chambres syndicales de la mégisserie à Paris, Chaumont, Annonay, Millau, Angers ; en 1896, gantiers et mégissiers y étaient 1 830 sur 3 274 adhérents ; gonflé à 5 994 en 1897, l’effectif est tombé à 2 061 en 1899 (cf. Office du travail, Annuaire..., ouvr. cit., 1891- 1899.
72 A.D.R., 10 M, 1er 1897, police Lyon, 28.3.1897.
73 Sur B. Besset, cf. Maitron (J.), Dictionnaire biographique..., t. 10, p. 286.
74 A.D.R., 10 M 53, police Lyon, 6.6.1897.
75 A.D.R., 10 M, 1er Mai 1898, id., 1.7.1898 ; sur les Boriasse (ou Borréas), Maitron (J.), Dictionnaire biographique..., t. 10, p. 339-340.
76 Le Peuple de Lyon, 13.9.1903 et Leschiera (J.), Les débuts de la C.G.T. à Lyon, 1890-1914, M.M. Lyon, 1970, p. 32.
77 A.D.R., 10 M 53, police, 2.7.1897 et Leschiera (J.), ouvr. cit., p. 33 et suiv. ; de 1896 à 1899, la Bourse avait d’ailleurs suspendu son adhésion à la Fédération des Bourses, jugée « possibiliste ».
78 A.N., F 7 12493, C.G.T. Rapports des Comités..., Bourges 1904, p. 53.
79 A.D.R., 10 M, divers, Commiss. spéc. Lyon, 24.5.1906.
80 A.D.I., 52 M 69, Commiss. central Grenoble, 15.9.1896.
81 A.D.I., 52 M 69, id., 7.9.1896.
82 Sur le contexte politique grenoblois, cf. Barrai, ouvr. cit., p. 430-431.
83 A.D. L, 75 M 35, police Grenoble, 1.12.1903.
84 A.D.I., 52 M 69, police Grenoble, 10.4.1907 ; tous sont secrétaires de leurs syndicats, et il faudrait y ajouter Joseph Robert-Barillon, des palissonneurs, Henri Gauthier, des cordonniers, Jean-Pierre Legros, des maçons, et quelques autres, presque tous inscrits à l’état des anarchistes et militants professionnels.
85 A.D.L., 13 M 5, police Saint-Chamond, 15.4.1901.
86 A.D.L., 10 M 133, police Saint-Etienne, 2.9.1903 ; 13 M 5, id., 23.8.1903 et 93 M 57, Commiss. spéc. id., 22.9.1903.
87 A.D.L., 92 M 104, préfet Loire, 21.11.1901 et 93 M 22, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 25.2.1901 : le principe de la grève générale avait d’ailleurs été adopté dans la Loire par 6 689 oui contre 1513 non (sans compter les votes de la vallée du Gier) ; et dans l’ensemble de la France, par 29 790 voix contre 20 525 (A.D.L., 92 M 103, Commiss. spéc. 6.5.1901 et 92 M 104, préfet, 3.10.1901).
88 A.D.L., 93 M 49, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 9 et 18.3., 3.4.1902.
89 A.D.L., 93 M 22, id., 2.6.1901.
90 A.N., F 7 12771, préfet Loire, 7.2.1903 et F 7 12781, id. 1.3.1903 ; A.D.L., 93 M 22, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 2.2.1903.
91 A.D.L., 93 M 49, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 23.3.1903.
92 A.N., F 7 12770, police, 13.5.1903 et A.D.L., 93 M 49, police, 2.5.1903 ; sur le contexte national, et la question de l’adhésion de la Fédération des mineurs à la C.G.T., Julliard (J.), Jeune et vieux syndicat chez les mineurs du Pas de Calais, Le Mouvement social, n° 47, avril-juin 1964, p. 8 et suiv., l’idée d’une Fédération « rouge » avait été lancée en 1902 par les minoritaires d’Alais.
93 A.D.L., 93 M 110, police Rive-de-Gier, 6.10.1902.
94 A.D.R., M, grèves 1902, préfet 2.12.1901 et, id., 1906, Commis, spéc. Lyon, 9.10.1906.
95 A.D.L., 10 M 107, police Roanne, 4.4.1895.
96 A.D.L., 10 M 93, id., 1.5.1907, et Archives C.G.T. Roanne, P.V. du Comité de l’Union des tisseurs, 3.8. et 8.10.1904, 8.4.1905 ; A.N., F 7 12767, préfet Rhône, 4.10.1905.
97 A.D.R., M, grèves 1902, Commiss. spéc. Lyon, 16.10.1901 et id., 1904, police, 2.6.1904.
98 A.N., F 7 12765, police Lyon, 5.4. et 15.12.1905 ; A.D.R., M, grèves 1901-1904, id., 19.12.1903.
99 A.D.L., 93 M 11, police Saint-Chamond, 10.5.1901.
100 A.D.L., 10 M 158, police Chambon-Feugerolles, 18.6.1913, et Faure (P.), Le Chambon rouge. Histoire des organisations ouvrières et des grèves au Chambon-Feugerolles.
101 Sur la fusillade, où les fils Crettiez tuent 3 personnes et en blessent 36, cf. Lequin (Y.), Aux origines de l’organisation ouvrière en Haute-Savoie. La grève des horlogers de Cluses en 1904, 89e congrès des Sociétés Savantes, Lyon, 1964, Section d’Histoire Moderne et contemporaine, t. II, p. 823 et suiv.
102 A.D.H.S., 11 M, grèves et chômage, 1904-1906, sous-préfet Bonneville, 25.6.1904 et 2.4.1905 ; id., 1907-1908, Commiss. spéc. Cluses, 19.7.1907 et préfet, s.d. (1907).
103 Sur le sabotage comme moyen annexe de la grève générale « … pour arriver à la transformation de la société... » et la propagande à Lyon et à Grenoble, cf. A.D.R., M, grèves 1903, Commiss. spéc. Lyon, 13.12.1903 et A.N., F 7 12785, police Grenoble, 15.12.1906 ; de fait en dehors des actions de terroristes des vallées alpines, on trouve peu d’attentats ou de violences systématiques en dehors des mouvements de grève (Cf. Julliard J., Théorie syndicaliste révolutionnaire et pratique des grèves, Le Mouvement social, n° 65, oct.-déc. 1968, notamment p. 60.
104 A.N., BB 18 2297, d. 489, proc. gal Chambéry, 23.8.1905.
105 A.N., BB 18 2328, d. 307, id. 27.1.1906.
106 A.D.I., 52 M 74, préfet Isère, 3.2.1906.
107 A.N., BB 18 2328, d. 307, proc. gal Chambéry, 17.5.1906.
108 A.D.S., 33 M VI/ 4, sous-préfet Saint-Jean-Maurienne, 14.9.1906.
109 A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, sd., gendarmerie, 16.7.1911.
110 A.N., F 7 12529, préfet Isère, 5.5.1901.
111 A.D.L., 10 M 92, police Roanne, 1.5.1905.
112 A.N., F 7 12531, police Bellegarde, 1.5.1906 et police Lyon, 2.5.1906 ; A.D.R., 10 M, 1er Mai 1906, police et préfet, divers, 23.4, 1 et 2.5.1906 ; A.D.L., 10 M 92, préfet Loire, 1.5.1906 et police Roanne, Rive-de-Gier, etc. ; A.D.I., 52 M 76, préfet, 1.5.1906 et A.D.H.S., 6 M, affaires politiques, dossier « 1er Mai 1906 » ; sur l’ensemble de la région (et du reste), Dommanget (M.), Histoire du Premier Mai, chap. XI, p. 201-229.
113 Cf. Julliard (J.), Clémenceau briseur de grève..., p. 194-196.
114 A.D.R., 10 M, non cotée, police, 2.4.1906 et préfet Rhône, 24.5.1906.
115 A.D.R., 10 M, non cotée, police Lyon, 24.5.1906.
116 A.N., F 7 12773, préfet Rhône, 4.5.1906 et A.D.R., 10 M, non cotée, police Lyon, s.d. (1906).
117 A.N., F 7 12493, police Lyon, 4.8.1906 et A.D.R., 10 M non cotée, commiss. spéc. Lyon, 11.4.1906.
118 J. Chazeaud avait notamment prononcé un discours d’une extrême violence à Dijon, et pris la tête du cortège du 1er Mai ; cf. A.N., F 7 12531, police Dijon, 20.5.1906 et 12.532, préfet Rhône, 29.4.1907 ; A.D.R., 10 M, 1er Mai 1906-1907, police, 9 et 24.4, 12.7.1906 ; A.N., F 7.12493, police, 12.7.1907.
119 A.D.R., 10 M, 1er Mai 1907-1909, police Lyon, 10.4.1901.
120 A.D.R., 10 M, grèves 1912, Commiss. spéc. Lyon, 29.4.1912.
121 A.D.R., 10 M, 1er Mai 1907-1919, préfet, 23.4.1913 ; cf. aussi, id., 10 M, 19, police, 21.11.1913 et 10 M, grèves 1913-1914, s.d. (1913) ; on s’ignore le plus possible, en évitant de faire appel à des orateurs de l’autre organisation.
122 A.D.I., 52 M 69, Commiss. central Grenoble, 10.4. et 24.10.1907 ; L. Sorrel avait été condamné à 6 mois de prison pour violation de domicile, et plusieurs des secrétaires de syndicats avaient été poursuivis pour violences et entraves à la liberté du travail.
123 A.D.I., 52 M 69, Commiss. central Grenoble, 5.11.1907 ; peu après, Sorrel est à nouveau poursuivi pour une violente intervention dans une conférence de Marc Sangnier (id., 52 M 74, 13.5.1907).
124 A.N., F 7 12499, police Grenoble, 26.4.1907 ; A.D.L., 52 M 76, id., 18 et 27.4.1907.
125 L’Union des syndicats ne survivrait alors que par la cohésion du syndicat des plâtriers-peintres ; cf. A.D.I., 52 M 87, préfet, 9.2.1909 et 162 M 9, La Dépêche dauphinoise, 16.6.1908.
126 A.D.I., 162 M 9, police Grenoble, 25.10.1909.
127 C’est un autre socialiste, Léon Bernard, qui devient secrétaire adjoint, mais les deux trésoriers, Louis Chalouin, un employé de ganterie, et Louis Ferrier, sont des libertaires ; en 1911, ceux-ci ont à leur tour disparu (A.D.I., 162 M 9, police Grenoble, 7.12.1909 et 52 M 69, id., septembre 1911).
128 A.D.I., 52 M 69, Commiss. central Grenoble, s.d. (9.1911) et 52 M 88, préfet, janvier 1911 ; en 1911, un autre socialiste unifié, Trouiller, succède à Badin à l’Union des syndicats ; mais celui-ci revient en 1913, quand Trouiller devient secrétaire de la Bourse du Travail (A.N., F 7 13567, police, s.d. (1912) et 13568, id. (1913).
129 A.D.R., 10 M, non cotée, police Lyon, 17 et 27.4.1905.
130 A.N., F 7 13567, sûreté générale, avril 1907.
131 Pour l’ensemble, A.N., F 7 13567, police, divers, s.d. (1912) (un rapport pour chaque Bourse) ; cf. aussi A.D.L. 93 M 66, police Rive-de-Gier, 25.9.1911 ; 93 M 65, sous-préfet Roanne, 26.9.1911, etc...
132 A.D.L., 93 M 22, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 14.8.1903.
133 L’Union fédérale des syndicats des ouvriers mineurs, qui réunit les « rouges » sous la direction d’E. Merzet, décide la fusion dès juillet 1906 et le 18 novembre 1906 prononce sa propre dissolution (A.N., F 7 12771, police Montceau-les-Mines, 20.11.1906) ; pour la Loire, A.N., F 7 12771, police Saint-Etienne, 7.1.1907, 93 M 23, id., 3.11.1907, et 93 M 24, id., 6.1.1908 et 25.1.1908.
134 A.D.L., 10 M 139, préfet Loire, 1.6. et 4.8.1908 et 93 M 32, id., 24.7.1908 : sur 12 262 votants, 7 603 mineurs acceptent la convention qui vient d’être signée ; mais il en est encore 4 587 pour la refuser. Sur les conditions d’entrée de la Fédération des mineurs à la C.G.T., cf. Julliard (J.), Clémenceau..., ouvr. cit., p. 106 et suiv.
135 Sur l’action et la place de Broutchoux dans le Pas-de-Calais et l’affiliation aux ardoisiers, cf. Julliard (J.), art. cit., Le Mouvement Social, n° 47, avril-juin 1964, p. 7 et suiv. ; A.N., F 7 12781, préfet Loire, 11 et 20.1.1909 ; A.D.L., 93 M 24, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 13.11.1908 et 93 M 25, id., 20.1.1909.
136 Entre-temps, Fédération nationale des mineurs et Fédération des ardoisiers ont fusionné en une seule « Fédération du sous-sol » ; cf. A.D.L., 14 M 11, police, 10.7.1911 ; 93 M 30, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 19 et 30.10.1911 ; 93 M 34, Loire républicaine, 11.11.1909, 93 M 35, Tribune Républicaine, 31.1.1912.
137 Cf. graphiques hors texte n° 88 et 89 ; Annuaire des Syndicats, 1908-1914
138 Pour un chiffre global de 83 985 syndiqués, obtenu par addition des effectifs donnés par chaque organisation.
139 Sur les difficultés des syndicats de l’industrie électrotechnique, et les vains efforts pour les ranimer, A.N., F 7 12765, police Ugine, 23.7.1909 et F 7 12734, Commiss. spéc. Albertville, 6.8.1919 ; A.D.S., 33 M VI 5, police Chambéry 18.3.1910 et 28.7.1914 ; A.D.H.S., 6 M, Affaires politiques, 1900-1909, préfet, s.d. (1909), sur les syndicats d’horlogers du Faucigny.
140 A.N., F 7 12764, commiss. spéc. Privas, 16.1.1909, et Annuaire des syndicats, 1908-1909.
141 A.D. L, 166 M 10, préfet, 18.3.1912.
142 A.N., F 7 12780, enquête générale sur les mineurs de France, 1912, et A.D.L., 92 M 200, note police, s.d. (1912).
143 A.D.L., 93 M 21, police Saint-Etienne, 10.10.1882.
144 Sur les contacts parlementaires de M. Rondet et les initiatives législatives (avortées) qu’ils entraînent, cf. Sorlin (P.), Waldeck-Rousseau, p. 261-273.
145 Gras (L.J.), Histoire économique des mines de la Loire, t. 2, p. 543 et p. 553 et suiv. ; Sorlin (P.), ouvr. cit., p. 272, sur les divergences entre les textes et les propositions initiales des mineurs de la Loire ; par contre, le projet de loi sur les prud’hommes n’a pas eu de suite.
146 A.D.L., 93 M 22, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 9.12.1893.
147 A.D.L., 92 M 48, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 26 et 30.9.1893.
148 Sur les relations de G. Cotte et de Waldeck-Rousseau devenu président du Conseil, cf. Sorlin (P.), ouvr. cit., p. 472 et 479.
149 En février 1912 notamment, quand la Fédération déclenche une agitation nationale sur le taux de la retraite, la journée de 8 heures et le minimum des salaires ; tous les bassins de la région sont touchés, et la Loire bien sûr, plus que les autres (cf. A.D.L., 92 M 197, police Saint-Etienne, 25.3.1912, et 93 M 35, Tribune républicaine, 31.1.1912.
150 En 1907 notamment, Bouchard polémique avec Dumoulin pour opposer anarchisme et syndicalisme (cf. A.N., F 7 12770, Réveil du Nord, 14.4.1907), et en 1908 défend la représentation proportionnelle des Fédérations au Comité confédéral, que C. Bartuel reprend au Congrès de Marseille ; en février 1909 enfin, il salue l’élection de Niel, et y voit le « ... triomphe du syndicalisme sur l’anarchisme, de l’action méthodique et raisonnée sur les soubresauts spasmodiques du sabotage... » (A.D.L., 93 M 24, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 31.8.1908 et 93 M 25, id., 27.2.1909).
151 A.D.L., 10 M 139, préfet, 1.6.1908 et police Saint-Etienne, 4.8.1908 ; 93 M 24, tract Fédération de la Loire, 1908 et 93 M 32, préfet, 24.7.1908 ; Gras (L.J.) Histoire... des mines..., t. Il, p. 839, 842, 846 et 852. A noter qu’en 1908, négociations et accords se font dans l’effervescence créée par les événements de Draveil et de Villeneuve.
152 En 1908, en outre, un referendum approuve l’accord et ils sont 12 262 mineurs à voter sur les 16 506 inscrits ; 7 603 approuvent. En 1910, il y a 5 697 oui sur 10 276 suffrages exprimés.
153 Cf. tableau hors texte n° 55, et pour l’ensemble du paragraphe, Annuaire des syndicats, 1908-1909.
154 Un premier « Syndicat professionnel des apprêteurs réunis » avait été créé à Lyon en 1884, suivi de quelques formations éphémères. Les années 1890 avaient marqué la véritable apparition du syndicalisme dans l’apprêt et la teinture, avant un premier effondrement à compter de 1896, lui-même suivi d’une reprise après 1898, avec l’ensemble de la classe ouvrière. (A.D.R., M, grèves 1888-1891, police Lyon, 20.1.1890, et 7.1.1891 ; id., 1896, police, 2.6.1896 et Office du Travail, Les Associations professionnelles ouvrières, t. 2, p. 326 et suiv).
155 Malgré la réunion, à Lyon en 1903, à Rive-de-Gier en 1905 des Congrès de la Fédération nationale (cf. A.N., F 7 12766, préfet Rhône, 8.10.1903 et A.D.L., 93 M 112, police, 31.8.1905).
156 A.D.L., 93 M 91, police Chazelles, 31.3. et 27.4.1912.
157 Sur les syndicats de traminots, dont la place est considérable à Lyon et à Saint-Etienne, cf. A.D.L., 93 M 111, police Saint-Etienne, 3.8.1910 et A.D.R., M, grèves 1906, Commiss. spéc. Lyon, 24.1.1906 et id., 1er mai 1907-1919, préfet, 24.4.1909 ; cf. Pessieux (A.), Etude monographique des créations syndicales. Les créations syndicales dans la région lyonnaise, 1907, p. 320-324. A noter en outre que Saint-Etienne est, depuis 1901, le siège de la « Fédération nationale du personnel civil des établissements militaires de la guerre », qui réunit 27 syndicats en 1912 ; (cf. Gras, L.J.), Historique de l’armurerie stéphanoise..., p. 112 et suiv. ; à Lyon est fixé celui de la « Fédération nationale des travailleurs municipaux » (A.N., F 7 13568, L’organisation ouvrière en France, s.d. – 1912), depuis le Congrès de 1904, qui a entraîné la fusion des diverses fédérations de métiers (A.N., F 7 12734, préfet Rhône, 5.7.1904).
158 Sur la naissance du Syndicat national, cf. Chaumel (Guy) Histoire des cheminots et de leurs syndicats, 1948, p. 52 et suiv. ; en 1895, le titre devient « Syndicat national des travailleurs des chemins de fer de France et des colonies » ; plus communément, on parle de « Syndicat Guérard », du nom de son 2e secrétaire général élu en novembre 1891.
159 A.D.R., M, grèves 1891, police Lyon, 19.11.1889, qui parle de « … menées et de tentatives d’insubordination... (de) bruits de grève de l’atelier d’ajustage… ».
160 A.D.R., M, grèves 1891, police, 16.12.1880 : « Le bureau du syndicat des ouvriers mécaniciens et similaires de Lyon, adhèrent au Conseil local de la Fédération, ayant appris que les ouvriers de la Compagnie P.L.M. à Oullins avaient dans l’intention de se former en syndicat, a nommé une délégation qui serait chargée de proposer à ceux-ci d’adhérer purement et simplement au Syndicat de Lyon au lieu d’en créer un nouveau... ».
161 A.D.R., M, grèves, 1891, police Oullins, 10.11., 23 et 30.12.1890, Le Nouvelliste, 11.11.1890 ; pour 1 017 cotisants, les groupes les plus nombreux sont ceux de la fonderie (177), des ateliers de serrurerie (101), de peinture (84) et de chaudronnerie (94).
162 A.D.R., M, grèves, 1891, police Lyon, 17.4. et 11.7.1911 où l’on constate que « ... les employés des différentes gares de Lyon adhèrent de plus en plus nombreux au syndicat ; quant aux ouvriers des ateliers et des dépôts, ils sont tous ou presque syndiqués... »
163 A.D.R., M, grèves 1891, police, 13.6. et 1.8.1891.
164 A.D.R., M, grèves 1891, police, 25.11.1891, qui pense même que c’est une création lyonnaise ; en fait, le « Syndicat des mécaniciens... » veut rassembler tous les conducteurs de machines à vapeur, même si c’est un cheminot qui l’a créé, en mars 1885.
165 A.D.L., 93 M 38, police Saint-Etienne, 18.4.1891.
166 D’après Lyon Républicain, 18-19.7.1891 ; cf. aussi A.D.R., M, grèves 1891, police, 22.7.1891 ; l’ordre du jour voté à Oullins le 18 juillet commence ainsi : « La section... est opposée à la grève générale pour les considérations suivantes, qu’elle n’en connaît pas les motifs... » ; la direction nationale avait tenté le 14 juillet de généraliser une grève entérinée le 7 à la Compagnie d’Orléans où 2 responsables venaient d’être révoqués après une campagne pour la reconnaissance du syndicat (cf. Chaumel G., ouvr. cit., p. 53- 54).
167 Le premier point du programme étant « organiser dans chaque compagnie un Conseil d’administration particulier ». Cf. police Lyon, 11.8.1891, A.D.R., M, grèves, 1891.
168 A.D.R., M, grèves 1891, Dossier « Compagnie PLM », 1889-1892.
169 A.D.R., M, grèves 1891, police Lyon, 11.8.1891.
170 A.D.R., M, grèves 1891, police Oullins et Lyon, divers, août 1891 à avril 1892 : la pétition déclarait, notamment, « ... nous regrettons les actes d’insubordination, tous nous nous déclarons satisfaits de la situation actuelle... ».
171 A.D.R., M, grèves, 1891, police Lyon, 10.3. et 5.4.1892.
172 A.D.L., 93 M 38, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 6.9.1891 et 30.9.1894 ; A.D.S., 33 M VI, police, divers et préfet Savoie, 31.7.1894 : une tournée régionale, très large, est faite notamment par Faivre et Pierson, 2 agents révoqués par la Compagnie de l’Est.
173 A.D.I., 166 M 4, police Grenoble, 26.5., 13 et 18.10.1898.
174 A.N., F 7 12775, préfet Loire, 19.6. et 7.8.1898 ; cf. aussi A.D.L., 93 M 38.
175 A.D.I., 166 M 4, Sous-Préfet Vienne, 21.10.1898.
176 A.D.L., 92 M 78, police, 13 et 14.10.1898, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 13.10.1898 ; A.D.S., 33 M VI, préfet Savoie, 14.10.1898, et A.D.H.S., 11 M, grèves Ier Mai, 1898-1940, Commiss. spéc. Annemasse, 14.10.1898.
177 A.D.I., 166 M 4, police Grenoble, 13.10.1898 et A.N., F 7 12775, préfet Loire, 19.6.1898 ; le syndicat Gimbert est, du nom de son secrétaire général, le « Syndicat général professionnel des mécaniciens » devenu en 1894 « Fédération générale française professionnelle des mécaniciens et chauffeurs des chemins de fer et de l’industrie » ; le PLM est son principal bastion, (cf. Chaumel (G.), ouvr. cit., p. 48) ; et d’après le commissaire de police de Grenoble, elle est « ... assez docile... » et vue « … d’un bon œil par les compagnies... ».
178 Cf. A.D.A., 58 M 1, police Bourg, 23.7.1898.
179 A.D.L., 92 M 78, Commiss. spéc. Roanne, 28.6. et 12.10.1898.
180 A.D.L., 92 M 78, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 4.9.1898 A.D.H.S., 11 M, grèves 1898-1940, préfet, 14 et 15.10.1898 ; A.D.R., M, grèves, 1895-1899, police, s.d.
181 A.D.I., 166 M 4, police Grenoble, 23.4.1899 et 6 26.1900 : Guérard ne réunit que 50 à 60 personnes en avril 1899, et 130 à 150 18 mois plus tard ; mais le zèle s’est refroidi, on ne veut plus que 19 exemplaires du journal syndical contre 50 en 1898 ; A. Zevaès joue un certain rôle dans l’agitation syndicale, tout comme Jules Ledin et A. Briand dans la Loire où ils président en octobre 1902 un meeting de Guérard qui réunit 450 assistants (A.D.L., 13 M 5, police, 8.10.1902).
182 A.D.A., 477 M, police Privas, 19.10.1901 ; outre 140 adhérents au syndicat Gimbert.
183 A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, s.d., rapport Conseil administration du Syndicat Guérard, copie, août 1911 ; 22 villes ou gares ont été visitées dans la région lyonnaise, y compris la Saône-et-Loire (Montchanin, Chagny...).
184 A.D.I., 52 M 87, Sous-Préfet Vienne, 5.6.1909 ; A.D.L., 93 M 38, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 2.8.1910.
185 A.D.L., 93 M 38, préfet, 8.6.1910 et Commiss. spéc. Sud-Est, 29.7.1910. En septembre 1900, les mécaniciens du dépôt de Lyon-Vaise s’étaient séparés du Syndicat Gimbert pour former la Fédération des mécaniciens et chauffeurs du P.L.M., noyau, à compter de 1905, d’une « Fédération générale des groupements des mécaniciens et chauffeurs des chemins de fer de France et de ses colonies » qui, après quelques divergences, marche de pair avec le syndicat Guérard dans la préparation de la grève de 1910 (cf. Chaumel (G.), ouvr. cit., p. 49).
186 En fait, la section d’Annemasse passe de 14 adhérents au premier trimestre 1910 à 44 au second et à 148 dans l’été suivant, à peu près également partagés entre la traction la voie et l’exploitation (A.D.H.S., 11 M, grèves et chômage, 1910, Commiss. spéc. Annemasse, 4.3.1911).
187 A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, s.d., commiss. spéc. Annemasse, 1. et 10.6.1910 et, id., grèves, 1er Mai 1898-1940, préfet, 27 et 30.6.1910 ; A.D.A., M 1128, police Bellegarde, 27.6.1910.
188 A.D.S., 33 M VI/ 5, police Chambéry, 28.10.1910.
189 A.D. Ar, 480 M, police Privas, 26.6.1910, et préfet, 11.6.1910.
190 A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, s.d., Commiss. spéc. Annemasse, 10.6.1910 ; cf. aussi, du même, rapports du 21 et 29.7., 12 et 22.8.1910 ; Le Guennic est alors, face à Bidegaray, l’un des leaders de l’aile « révolutionnaire » du Syndicat national.
191 A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, s.d., Commiss. spéc. Annemasse, 29.7.1910 ; dans le même temps, un mouvement semblable se prépare aux chemins de fer suisses du canton de Genève.
192 A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, s.d., Commiss. spéc. Annemasse, 10.6.1910.
193 Ainsi, le préfet de Savoie signale comment il a intercepté, le 13 octobre, le télégramme « Arrêt de suite » envoyé de Lyon à Caussignac, le secrétaire de la section de Chambéry, laissant les responsables pendant 4 jours en plein désarroi (A.D.S., 33 M VI/ 5, préfet, 23.10.1910).
194 A.D. Ar, 477 M, préfet Ardèche, s.d. (novembre 1910).
195 A.D.S., 33 M VI/ 5, préfet Savoie, 23.10.1910.
196 A.D.H.S., 11 M, grèves et chômage, 1910, Commiss. spéc. Annemasse, 22.10.1910.
197 A.D.A., M 1128, police, 18.3.1911.
198 A.D.I., 166 M 10, dossier « Grève cheminots 1910 ».
199 A.D.L., 92 M 164, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 15.10.1910 et 20.10.1910.
200 A.D.H.S., 11 M, grèves et chômage, 1910, Commiss. spéc. Annemasse, 4.3. et 6.4.1911.
201 A.D.H.S., 11 M, grèves et chômage 1910, Commiss. spéc. Annemasse, 24.1.1911 et 14.8.1912.
202 A.D.H.S., 11 M, grèves et chômage, 1910, circulaire n° 32 du Syndicat National..., Comité exécutif réseau P.L.M., Lyon, 2.6.1911.
203 A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, s.d., Commiss. spéc. Annemasse, 24.1. et 3.10.1911 ; les reproches sont d’ailleurs assez mêlés, puisque Totti, à la fois, traite Bidegaray de réformiste et lui reproche d’avoir accepté Jouhaux (et aussi Albert Thomas, il est vrai) aux réunions du Comité national de grève.
204 Au début d’octobre 1911, notamment, en 10 jours, Totti visite Bourg, Lons-le-Saunier, Pontalier, Genève, Annemasse, Bellegarde, Culoz, Grenoble, Bourg-de-Péage ! (A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, Commiss. spéc. Annemasse, 3.10.1911 et 14.8.1912).
205 A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, Commiss. spéc. Annemasse, 14.8.1912.
206 A.D.L., 93 M 39, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 16.8.1912.
207 A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, s.d., Commiss. spéc. Annemasse, 15.12.1913.
208 A.D.L., 93 M 40, préfet, 26.1.1914 et Lyon Républicain, 13.6.1914.
209 A.D.L., 93 M 51, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 24.4.1913 et 13.6.1914 et 93 M 39, id., 22.6.1912 ; A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, s.d., Commiss. spéc. Annemasse, 11.10.1912 et 15.1.1914.
210 A.D.R., M, grèves, 1891, police, 15.2.1891 : à l’occasion d’un meeting à Lyon, Prades aurait déclaré : « … on nous traite de révolutionnaires ; nous ne sommes ni révolutionnaires, ni grévistes ; nous ne voulons pas faire de grève ; nous ne sommes pas non plus de ceux qui ne veulent plus de patrons, car ce serait irréalisable ; tout ce que nous demandons, c’est notre pain assuré et une retraite pour nos vieux jours... » ; et de poursuivre : « ... La grève a toujours porté préjudice à l’ouvrier. Je ne veux pas de fusils, pas de barricades ; nous avons nos bulletins de vote, nous devons nous en servir... ».
211 A.D.R., M, grèves, 1891, police, 18.8.1891.
212 A.N., F 7. 2775, préfet Loire, 19.6.1898.
213 A.D.I., 166 M 4, police Grenoble, 13.10.1898.
214 A.D.S., 33 M VI/ 5, police Chambéry, 28.10.1910, 8 et 22.6.1910.
215 A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, s.d., Commiss. spéc. Annemasse, 29.7.1910.
216 A.D.L., 93 M 38, préfet Loire, 8.6.1910 et Commiss. spéc. Saint-Etienne, 29.7.1910 ; A.D.A., M 1128, police Bellegarde, 27.6.1910.
217 A.D. Ar., 480 M, préfet, 11.6.1910.
218 Cf. Chaumel (G.), ouvr. cit., p. 83 et suiv.
219 A.D.I., 166 M 4, police Grenoble, 18.10.1898 et Sous-Préfet Vienne, 21.10.1898 ; A.D.L., 92 M 78, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 13.10.1898 ; A.D.S., 33 M VI/4, préfet Savoie, 14.10.1898.
220 A.D. Ar, 480 M, police Le Teil, 26.6.1910 ; A.D.L., 92 M 164, police, s.d. (1910) ; A.D.S., 33 M VI/ 5, police Chambéry, 11.10.1910 ; A.D.H.S., 11 M, grèves, divers, s.d., Commiss. spéc. Annemasse, 15.12.1913.
221 A.N., F 7 12775, préfet Loire, 19.6.1898 et A.D.L., 93 M 38, police, s.d. (1902).
222 A.D.H.S., 11 M, grèves, 1er Mai, 1898-1940, préfet, 30.6.1910.
223 Henri Totti, après 1918, sera un des leaders nationaux des cheminots révolutionnaires, de tendance anarchiste et l’un des dirigeants de la jeune C.G.T.U. (cf. Brécy, R., Le mouvement syndical en France..., p. 115 et suiv. et Kriegel A., Aux origines du communisme français, t. 1, particulièrement p. 471-472, p. 491 et p. 532.
224 En 1912, parmi les 15 syndicats qui prennent plus de 1 000 « timbres » de l’U.S.R., celui des maçons en demande 11 700, et plâtriers, plombiers, terrassiers, menuisiers et autres organisations du bâtiment, ensemble, 9 900 ; les traminots, 9 100, les « travailleurs municipaux » 4 900 et les employés de banque 2 300 ; d’après Leschiera (J.), ouvr. cit., p. 92.
225 Sur l’ensemble du paragraphe, cf. A.N., F 7 13568, police, s.d. (1914) et F 7 13570, id., août 1913 et février 1914 et A.D.L., 93 M 52, note synthèse sûreté générale sur l’organisation ouvrière, s.d. (1914).
226 Cf. aussi A.D. L, 52 M 69, Commiss. central Grenoble, 16.3.1914.
227 A.D.L., 93 M 69, police Saint-Etienne, 25.10.1911.
228 A.D. Ar., 15 M 59, préfet, octobre 1913 et Reynier (E.) ouvr. cit., p. 7 et p. 30 ; créée en 1909 par les mégissiers et les papetiers, l’Union des syndicats d’Annonay et de la région est indépendante de toute affiliation et regroupe plus de 1 300 ouvriers.
229 A.D.L., 93 M 52, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 22.3.1907 ; A.D.I., 162 M 9, police, s.d. (3.1908) ; A.D.H.S., 6 M, Affaires politiques, 1900-1909, police Annecy, 24.7.1909.
230 A.N., F 7 12533, préfet Loire, 30.3.1908 ; A.D.L., 10 M 140, police, divers, 1908-1910 et 93 M 57, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 6.11.1911 ; en 1906, les syndicats textiles de Roanne avaient refusé un orateur de la C.G.T. pour leur fête annuelle (A.D.L., 14 M 8, police, 16.11.1906).
231 A.N., F 7 12788, préfet Loire, 14.8.1908 ; A.D.L., 13 M 7, police Saint-Etienne, divers, 1908.
232 A.D.I., 52 M 69, police Voiron, 17.3.1914, qui affirme que « ... cette conférence n’a pas été goûtée par l’assistance peu habituée à ces mots de solidarité, tempérance, amour du prochain qui sans cesse reviennent sur les lèvres de l’orateur... ».
233 A Saint-Etienne, Liothier, Malot et Mongour, les 3 principaux dirigeants de l’U.D. font organiser en 1911 par le syndicat des métallurgistes une conférence privée sur la limitation des naissances ; en 1913, on les retrouve dans une campagne pour « la procréation consciente », et contre l’alcoolisme, l’alcool étant dénoncé comme « ... une arme de la bourgeoisie... » et le bistro comme un « repère de mouchards ». A.D.L., 14 M 11, police Saint-Etienne, 5.3.1911 et 93 M 58, id., 8.2.1913.
234 Arch. C.G.T. Roanne, P.V. réunions Union Textile, janvier 1910, qui décide l’achat et la diffusion de brochures d’information anticonceptionnelle.
235 A.D.I., 53 M 19, police Grenoble, 7.3.1914, et A.D.L., 14 M 10, brochure « La cherté des vivres », Lyon, 1910, p. 20 où l’Union des syndicats du Rhône lie abondance de population et montée du coût de la vie.
236 Comme à Lyon en 1902, où J. Escalier, des mineurs « rouges » stéphanois suscite une vive réprobation pour s’en être pris à l’obligation scolaire, parce que « ... l’enfant ne rapporte rien en allant à l’école et enlève de ce fait un peu du bien-être qu’il pourrait apporter à la famille en allant à l’usine... » (A.D.R., M, grèves 1902, police, s.d.) ; ou lorsqu’Yvetot attaque l’enseignement public en invitant « ... les pères de famille à faire eux-mêmes l’éducation de leurs enfants et à prendre conseil dans les groupements syndicaux... » (A.D.R., M, grèves 1900-1904, police, 11.12.1903.
237 A.D. Ar, 15 M 44, Statuts du cercle catholique de la jeunesse ouvrière d’Annonay, mai 1872 et Filhol (Abbé) Histoire religieuse et civile d’Annonay, t. IV, 1882 p. 506 et suiv.
238 Rollet (H.), L’action sociale des catholiques en France, t. 1, p. 21 ; L’œuvre des Cercles catholiques ouvriers nait en mai 1873.
239 A.D.D., M 1542, police Romans, 26.1.1880.
240 A.D.I., 52 M 56, Réglements du Cercle catholique ouvrier 1.4.1876.
241 A.D.S., 9 M 11/5, sous-préfet Albertville, 1.1.1877 et Rollet (H.), ouvr. cit., t. 1, p. 21 et suiv.
242 A.D.H.S., 6 M, Affaires politiques, 1880-1889, police Annecy, 8.12.1882, 12.2.1885 et 17.2.1888.
243 A.D.I., 52 M 56, police Grenoble, 19.2.1887.
244 Les statuts du Cercle des ouvriers de Grenoble (cf. note précédente) définissaient ainsi ses buts : 1° sauvegarder leur foi et leurs mœurs. 2° trouver des aliments salutaires pour leur activité intellectuelle et des enseignements pratiques au point de vue de leurs professions. 3° nouer et entretenir des amitiés chrétiennes. 4° apprendre à honorer le travail et l’atelier et à se respecter eux-memes.
245 Rollet (H.), ouvr. cit., t. 1, p. 81 et p. 286.
246 A.D.L., 92 M 21, préfet Loire, 30.4.1883 et Rollet (H.) ouvr. cit., t. 1, p. 286.
247 La mission de 1885 avait mené Léon Harmel à Roanne, Saint-Etienne, Saint-Chamond et Annonay, et il était revenu en mars 1886 avec Albert de Mun ; à la « réunion d’études ouvrières » de Lyon en décembre 1885 assistaient 25 délégués dont ceux de Vienne et Bourg, et des 5 cercles lyonnais ; en 1893, il existait des « comités » à Lyon, Saint-Chamond, La Talaudière, Roanne, Saint-Denis-de-Cabannes, Bourg, Belley, Ternay, Voiron, Vienne et Albertville (Rollet H., ouvr. cit., t. 1, p. 247 et p. 454-455, notes 1 et 2).
248 A.D.L., 10 M 111bis, police Roanne, 29.5.1896 ; 10 M 112bis/ 3 ; id., 3.2.1896 ; 10 M 144, id., 10.10.1896 et 10 M 115, préfet Loire, 12.3.1897.
249 A.D.L., 10 M 144, police Saint-Etienne, 23.12.1896 et Rollet (H.), ouvr. cit., t. 1, p. 527-530 : la location exigeait la régularité du travail au jardin, l’observation du repos dominical et l’engagement de ne rien dire ni faire « ... contre la religion... ».
250 A.D.L., 10 M 144, police, 1.11.1896 et 10 M 115, id., 23.2.1897.
251 A.D.L., 10 M 155, préfet Loire, 12.3.1897.
252 Rollet (H.), ouvr. cit., t. 1, p. 357 et p. 414 et suiv.
253 A.D.I., 55 M 1, police Voiron, 9.1.1889 et A.D. Ar, 15 M 53, sous-préfet Tournon, 27.10.1892.
254 Au cours d’une réunion de l’Union nationale de l’abbé Garnier, à l’approche des élections municipales ; en pratique, son comité roannais coïncidait avec la direction du Cercle ouvrier (A.D.L., 10 M 112 bis, police Roanne, 24.4.1896).
255 Cf. supra, note 246 et A.D.L., 10 M 107, sous-préfet Roanne, 2.3.1895.
256 A.D.L., 10 M 113, police Saint-Chamond, 25.7.1896 et 10 M 115, id., 13.1.1897.
257 Rollet (H.), ouvr. cit., t. 2, p. 140-142 ; en 1909, sur 15 145 « jardins » en France, la Loire en compte 812, le Rhône 759 et l’Isère 326 ; et A.D.L., 10 M 137, police, 7.4.1897.
258 A.D.L., 10 M 157, Mémorial de la Loire, 14.11.1913.
259 A.D.L., 10 M 146, police Saint-Etienne, 12.6.1912.
260 A.D.L., 10 M 147, police, 17.9 et 7.10.1912, et Rollet (H.), ouvr. cit., t. 2, p. 30.
261 Le « secrétariat social » de la Chronique mène en effet une campagne intense pour les jardins ouvriers, le repos du dimanche, la protection des travailleurs à domicile ; il a créé des Sociétés de crédit immobilier à Lyon, Bourg, Saint-Chamond et Saint-Etienne, et une « ligue sociale d’acheteurs » (Rollet, H., ouvr. cit., t. 2, p. 59-60).
262 A.D.I., 52 M 74, La Maison Populaire Saint-Bruno..., brochure, octobre 1912 et Barral (P.), ouvr. cit., p. 266.
263 Janin (L.), Le département de l’Ain de 1871 à 1914... p. 260.
264 Un décret du 17.9.1900, inspiré par Millerand et précisé par une loi du 17.7.1908 avait prévu ce genre de création qu’avait déjà préconisé Léon Harmel ; mais il n’avait été suivi que de très rares réalisations ; sur les « conseils du travail » dans la région, cf. Guerry (E.), Les syndicats libres féminins de l’Isère, ... p. 41-42 et p. 92. D’autres part, quelle a été l’implantation régionale de l’Association catholique de la jeunesse française, et surtout de la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France, créée en 1898 pour « … préparer au pays des défenseurs vaillants, des soldats modèles, des ouvriers honnêtes et vigoureux... » ? Elle tient en 1901 à Lyon son premier Congrès régional, et l’on devine son action, dans la Loire au cours des années 1910 (cf. Rollet H., ouvr. cit., t. 2, p. 165 et suiv.).
265 La « Corporation » avait repris la tradition de « séries chrétiennes » antérieures (1873) ; cf. Office du Travail, Les associations professionnelles ouvrières, t. 2, p. 313 et suiv., id., Annuaire des syndicats, 1889-1913.
266 Office du Travail, ouvr. cit., t. 2, p. 358-359.
267 A.D.R., M, grèves 1903, Le Nouvelliste, 26.12.1903.
268 A.D.R., M, grèves, 1891, police, 23.9.1891.
269 A.D.R., M, grèves 1888-1891, police Lyon, 7.1.1891.
270 A.D.R., M, grèves 1891, police Lyon, 5.7.1891.
271 Gras (L.J.), Histoire de la rubannerie..., ouvr. cit. p. 226-227.
272 Rochebillard (M.L.), L’action syndicale féminine, C.R. Soc. Eco. Po. Lyon 1903-1904, p. 63-69 ; Marcieu (de), Les syndicats catholiques du commerce et de l’industrie, p. 45 ; Rollet (H.), ouvr. cit., t. 2, p. 228 et suiv.
273 Cf. Gras (M.), Etude du mouvement syndical en France : syndicats « jaunes » ou indépendants, 1904, p. 122 et suiv. ; Mangematin, le créateur du mouvement au Creusot est, en 1904, sous-chef de gare à Lyon.
274 A.N., F 7 12793, police, 28.11.1901. Sur la naissance du syndicalisme « jaune » et les débuts de Pierre Bietry, Warin (R.), Les syndicats jaunes, 1908, p. 7 et suiv. ; Maitron (J.), Dictionnaire biographique..., ouvr. cit. t. 10, p. 297-298 ; sur l’ensemble et le destin du mouvement, et ses relations avec Paul Lanoir, Brécy (R.), Le mouvement syndical en France, ouvr. cit., p. 12-13.
275 Gras (L.J.), Histoire de la rubannerie..., p. 228-229 et Lorcin (J.), Chefs d’atelier et compagnons dans la grève des passementiers de Saint-Etienne en 1900, Mélanges Fugier, p. 192-194.
276 A.D.R., M, grèves 1901, police Lyon, 16.8.1901.
277 A.D.R., M, grèves 1903, Commiss. spéc. Lyon, 27.10.1903.
278 A.N., F 7 13567, police, s.d. (avril 1907).
279 A.N., F 7 12499, police Vienne, 29.3.1903.
280 A.D.L., 93 M 71, police Firminy, 13.9.1903.
281 Au début de 1903, il y aurait eu 47 syndicats « jaunes » dans le Rhône, 17 dans la Loire, 6 dans l’Isère et 9 dans le reste de la région (d’après Gros, M., ouvr. cit., p. 293) ; plusieurs délégués lyonnais, stéphanois et viennois participent au Congrès national en novembre 1904 (A.N., F 7 12793, Le Jaune, 26.11.1904).
282 Rochebillard (M.L.), art. cit., C.R. Soc. Eco. Po. Lyon 1903-1904, p. 47-55 ; mais des contact sont bien pris avec P. Biétry, qui préside une réunion des syndicats féminins (Rollet, H, ouvr. cit., t. 2, p. 228.
283 A.N., F 7 12531, préfet Rhône, 28.4.1906.
284 A.N., F 7 12793, id., 17.11. et 27.12.1906, qui estime que patronat et milieux cléricaux ont pris des engagements matériels.
285 A.D.I., 166 M 9, préfet Isère, 27.9.1906.
286 A.N., F 7 12785, Commiss. spéc. Voiron, 28.4.1906, qui dénonce l’action de M. Dray et de Jean-Baptiste Rivière, secrétaire régional de l’Union prolétarienne : l’un et l’autre ayant été des anarchistes dangereux, longtemps soumis à surveillance ; cf. aussi A.D.I., 166 M 9, police Voiron, s.d. (fin 1906) ; les archives de la Société des forges d’AUevard contiennent des circulaires et des offres précises de service de l’Union prolétarienne.
287 A.N., F 7 12785, Le Droit du Peuple, 16.9.1906 et A.D.I., 166 M 9, préfet Isère, 27.9.1906, qui reproduit le texte de l’affiche : « ... à dater d’aujourd’hui, nous porterons les armes et nous nous défendrons contre les malfaiteurs que la municipalité et les pouvoirs publics semblent protéger... ».
288 A.D.I., 166 M 10, police, 21.6.1907.
289 A.D. Ar, 480 M, gendarmerie, 7.3.1911.
290 A.N., F 7 12793, Commiss. spéc. Sain-Bel, 8.10.1906 et A.D.R., M, grèves 1906, police, 27.7.1906.
291 A.N., F 7 12785, préfet Isère, 23.10.1906.
292 A.D.L., 93 M 71, police, 17.12.1907.
293 A.N., F 7 12793, police Saint-Etienne, 23.3.1908 et Le Jaune, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 26.11.1908 ; 93 M 24, id., 17.8.1908 et 93 M 71, police, 17.12.1907.
294 A.D.L., 13 M 7, police Saint-Etienne, 18.4.1909 ; un certain Alix, venu de Paris, a surtout développé la doctrine du parti propriétiste animé par P. Bietry.
295 A.D.L., 10 M 140, préfet, 17.2.1909 ; à Chazelles sur Lyon le « Cercle chrétien d’études sociales » paraît d’ailleurs accueillir favorablement l’idéologie « propriétiste » diffusée par P. Biétry.
296 A.D.L., 14 M 9, police Saint-Etienne, 17.3.1909.
297 A.N., F 7 12793, préfet Loire, 4.10.1909 et Le Jaune, 4.10.1909 ; A.D.L., 14 M 9, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 4.10.1909.
298 A.D.L., 92 M 183, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 1.6.1911.
299 A.D.R., 10 M, grèves 1912, Commiss. spéc. Lyon, 11.12.1911 et 12.7.1912, id., grèves 1913-1914, Commiss. spéc. Lyon, 14.4.1913, 28.4., 14.5., 2. et 27.6.1914 ; la première Bourse libre semble avoir disparu en 1910-1911 avec la déconfiture nationale du syndicalisme jaune ; aussi se reconstitue-t-elle en avril 1914 sous l’égide des terrassiers. Le 2.6.1914, un rapport de police montre l’inquiétude des ouvriers du bâtiment devant l’offensive patronale : les entrepreneurs emploient « … tous les moyens pour briser les organisations ouvrières, sauf les syndicats jaunes auxquels ils accordent une sympathie et un appui dans le but de détruire les syndicats rouges avec lesquels ils refusent même de discuter... ».
300 A.D.L., 93 M 84, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 7.4.1913.
301 A.D.L., 93 M 71, Le Nouvelliste, 9.1.1913 ; en 1912, Le Chambon avait été le théâtre de violents affrontements, où un « rouge » avait perdu la vie ; et l’acquittement de ses meurtriers par les Assises de la Loire avait suscité une très vive émotion (A.D.L., 19 M 30, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 11.8.1912).
302 Bien que certaines organisations aient joué un rôle de briseurs de grève tout à fait semblable : en février 1909, « l’œuvre de l’abbé Sandol » (un orphelinat lié à certains milieux patronaux du P.L.M. et à P. Biétry) a fait venir une vingtaine de jeunes pensionnaires d’institutions catholiques italiennes pour remplacer les grévistes d’un tissage de tulle à Serrières-de-Briord, en Bugey (A.D.A., 58 M 2, préfet Ain, 12.2.1909).
303 Guerry (E.), ouvr. cit., p. 17, p. 53-54, p. 76, p. 129-138 et 320-321 ; Rollet (H.), ouvr. cit., t. 2, p. 228 et suiv.
304 A.D.H.S., 11 M, grèves et chômage, Commiss. spéc. Annemasse, 3.5. et 26.6.1911 ; le groupe socialiste d’Annecy envisage une contre-manifestation qui se réduit à une simple réunion au siège de la section devant le manque de conviction et la faiblesse du nombre des participants.
305 A.D.L., 14 M 9, police Rive-de-Gier, 16.3.1909 et 13 M 43, Le Nouvelliste, 1.7.1911.
306 A.D.I., 52 M 74, Sous-préfet Vienne, 17.2.1912. A.D.L., 10 M 146, Le Nouvelliste, 14.1.1912 ; 93 M 43, id., 14.4.1913 et Le Mémorial de la Loire, 26.5.1913, et 93 M 72, police, 9.11.1913 ; dans les mois qui précèdent la guerre, d’autres rassemblements ont lieu à Montbrison, à Terrenoire et Grenoble ; cf. aussi A.D.I., 52 M 74, police Grenoble, 14.6.1914.
307 A.D.H.S., 11 M, grèves diverses s.d., Commiss. spéc. Annemasse, 15.9.1912.
308 A.D.L., 93 M 43, Le Mémorial de la Loire, 26.5.1913.
309 A.D.H.S., 11 M, grèves diverses, s.d., Commiss. spéc. Annemasse, 14.8.1912.
310 A.D.L., 93 M 72, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 9.11.1913.
311 A.N., F 7 12562, police Lyon, 1.3.1905 et A.D.R., série M, non classée, dossier « parti ouvrier », s.d. ; A.N., F 7 12501, police, 18.9.1906.
312 A.D.L., 13 M 6, police Saint-Etienne, 29.9.1905.
313 A.D.I., 80 M 2, police Grenoble, 13.1.1905 et Barral (P.), ouvr. cit., p. 432.
314 A.N., F 7 12498, préfet Drôme, 16.10.1906 et Darasse (A.), Le socialisme dans l’Ardèche, p. 4 et suiv.
315 A.D.A., 8 M 1343, police Oyonnax, 7.11.1911.
316 A.D.H.S., 6 M, Affaires politiques, 1900-1909, police Annemasse, 12.10.1908.
317 A.D.H.S., 6 M, id., 26.12.1909.
318 Le Travailleur savoyard, 9.9.1911, 12.10.1912, 22.3. et 15.11.1913.
319 A.D.H.S., 6 M, Affaires politiques 1910-1913, Commiss. spéc. Annemasse, 8.2. et 8.4.1911.
320 A.D.A., 8 M 1343, police Oyonnax, 17.10.1907 et 7.11.1911 ; police Bellegarde, 23.3.1913.
321 Darasse (A.), ouvr. cit., p. 4 et p. 8.
322 A.D.I., 52 M 74, Le Droit du Peuple, 8.5.1909 ; 55 M 3, préfet, 17.10.1909 et police Grenoble, 6.3. 1910 ; 52 M 87, sous-préfet Saint- Marcellin, 8.3.1910, et sous-préfet Vienne, id. ; 53 M 19, s.d. (1907-1908).
323 Barral (P.), ouvr. cit., p. 432-433.
324 A.N., F 7 12562, police, 1.3.1905.
325 Cf. ’Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes, t. 11, p. 493-503 et A.N., F 7 12501, police Lyon, 18.9.1906.
326 A.D.L., 14 M 8, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 10.12.1906.
327 A.N., F 7 12499, police Saint-Etienne, 4.11.1907 et A.D.L., 14 M 8, Commiss. spéc., 19.11.1907.
328 A.D.L., 10 M 158, police, 29.3.1913.
329 A.D.L., 10 M 140, police Saint-Etienne, 30.3.1909.
330 A.D.L., 10 M 142, id., 7.10.1910.
331 A.D.L., 10 M 139, police Saint-Etienne, 20.7.1908.
332 A.N., F 7 12499, police, 10.9.1906 et A.D.L., 13 M 6, préfet, 2.9.1906.
333 A.D.L., 10 M 139, police Saint-Etienne, 20.7.1908.
334 A.D.L., 10 M 6, police, s.d. (1907).
335 A.D.L., 14 M 9, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 30.9.1908 et 17.3.1909.
336 Cf. à ce propos les remarques de Perrot (M.), Les Guesdistes : controverse sur l’introduction du marxisme en France, Annales E.S.C., mai-juin 1967, p. 703 et suiv.
337 A.D.L., 19 M 24, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 9.5.1907.
338 A.D.L., 13 M 6, police Saint-Etienne, 15.12.1905 ; 19 M 24, 20.1.1908 et 93 M 52, Commiss. spéc. 6.2.1909.
339 A.D.L., 13 M 6, police Saint-Chamond, 23.9.1907.
340 A.D.L., 93 M 81, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 23.4.1908.
341 A.D.L., 13 M 7, police Chambon Feugerolles, 17.2.1909.
342 A.D.L., 14 M 9, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 19.9.1908.
343 A.D.L., 93 M 24, id., 25.1.1908.
344 A.D.L., 19 M 29, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 9.11.1912.
345 A.N., F 7 12792, préfet Loire, 14.8.1908 ; A.D.L., 10 M 144, police Saint-Etienne, 29.6.1911 ; 19 M 26, s.d., 3.3.1911 ; 19 M 33, id., 10.12.1912 et 22.6.1913 ; 19 M 35, id., 2.4.1913. L’un des épisodes les plus remarquables de cette action commune est, en avril 1910, « l’émeute » menée à Saint-Chamond contre Aristide Briand par les socialistes, à la sortie d’un meeting présidé par Ferdinand Faure et Gagnat, secrétaire de la Bourse du Travail, avec l’aide de 150 à 200 libertaires venus de toute la région et de quelques membres du Sillon ! (A.D.L., 10 M 142, police Saint-Chamond, 14.4.1910).
346 A.D.A., 8 M 1343, police Oyonnax, 16.10.1911.
347 A.D.I., 162 M 9, police Grenoble, 17.12.1911 et 162 M 9, id., 22.1.1912.
348 A.D.L., 10 M 150, police Roanne, 16.12.1912.
349 A.D.H.S., 6 M, Affaires politiques, police Annemasse, 8.11.1909.
350 Y a-t-il, pour la masse ouvrière, distinguo subtil entre « antimilitarisme » et « antipatriotisme » ? C’est fort douteux : ne faut-il pas plutôt y voir deux moments successifs d’une même hostilité à un univers militaire global qui incarne, mieux que toute autre institution, cette société bourgeoise contre laquelle on lutte ? Cf. à ce propos les remarques pertinentes de Kriegel (A.), Août 1914 : Nationalisme et internationalisme ouvriers, in Le Pain et les Roses, p. 135 et suiv.
351 A.N., BB 18 1471 d. 6702, proc. gal Lyon, 25.11.1848, qui signale de violents incidents à Belley, dans l’Ain, où l’on délivre un jeune soldat qui, en état d’ivresse, avait insulté un officier ; en 1851, dans les rues de Lyon et de Saint-Etienne, bien avant le Coup d’Etat, on avait bousculé à plusieurs reprises des officiers (A.N., BB 30 379, proc. gal Lyon, 2.6.1851) et en 1854, les ouvriers d’un chantier sur le Rhône, à Montluel, avaient pris, par la force, la défense d’un jeune canonnier emprisonné (A.D.D., M 1344, commandant état de siège Drôme, 14.1. 1864).
352 A.N., BB 18 1843, d.417 A 91, proc. gal Lyon, 29.3.1892 ; on y avait notamment écrit : « ... le bon officier, c’est celui qui ignore tout sentiment d’humanité, qui n’a plus de conscience. Le galon a tué l’homme » (Le Réveil des Mineurs, 27.6.1891) ; en novembre 1888), il semble qu’il y ait déjà eu des poursuites, pour le même genre de remarques, contre la Loire socialiste (A.D.L., 21 M 17, police, 27.11.1888 ; Gilbert Cotte est condamné en appel, en mars 1892, à un mois de prison, Laurent Crozier à 2 mois et Mouret à 15 jours ; en décembre 1891, ils avaient eu, par défaut, un an de prison et 100 francs d’amende devant les Assises de la Loire.
353 A.N., BB 18 1888, d. 958 A 92, proc. gal Lyon, 8.9.1892 et A.D.R., 10 M, 1er Mai 1892, L’Action, 31.3.1892 ; Quay Cendre avait dénoncé « ... ce qu’il y a de monstrueux... dans les grèves comme au 1er mai... à mettre en face des prolétaires en blouses les prolétaires en pantalon rouge... » et lu une lettre de 18 soldats décidés à refuser de tirer « ... Nous ne voulons pas être des bourreaux et renouveler le massacre de Fourmies… ».
354 A.N., BB 18 1932, d. 730 A 93, proc. gal Lyon, 21.2.1893.
355 A.N., BB 18 1978, d. 2046 A 94, proc. gal Grenoble, 7.7.1894.
356 A.D.L., 19 M 2, police, 21.9.1891 et id., 10 M 100, police, 6.2.1893.
357 A.D.L., 19 M 18, police, 30.1.1898 et id., 13 M 4, id., 6.10.1898 : deux réunions sont poursuivies pour les cris de « A bas la Patrie ! A bas les frontières ! Vive la suppression des armées permanentes ».
358 A.D.L., 10 M 90, police Saint-Etienne, 1.5.1895 ; où l’on affirmait « ... la propriété bourgeoise a pour soutien ses baïonnettes mercenaires. L’armée disparaissant, la bourgeoisie doit s’évanouir à tout jamais... Aussi baillonne-t-on, muselle-t-on le prolétaire à la caserne par l’idée du patriotisme... ».
359 A.D.L., 21 M 17, police, 6.2. et 8.11.1901.
360 A.D.L., 13 M 5, police, 6.11.1901.
361 A.D.L., 21 M 17, police, 8.3.1902.
362 A.D.L., 13 M 5, police, 8.11.1903 et 11.11.1903.
363 A.D.L., 13 M 6, police, 16.10.1904.
364 L’anarchiste Pierre Dumas et Frimat, de la Bourse du Travail de Paris, parlent devant 350 à 400 personnes, comme Yvetot 2 ans auparavant ; l’organisation du meeting revient à une section locale de l’Association internationale antimilitariste – l’A.I.A. – fondée en juin 1904 par le congrès anarchiste d’Amsterdam et dont Yvetot et M. Almereyda assuraient le secrétariat français, avant d’être inculpés avec 26 autres dirigeants et condamnés, en décembre 1906, à 3 ans de prison.
365 A.D.L., 14 M 8, Commiss. spéc. Roanne, 13.11.1905 et 6.2.1906.
366 Avec environ 600 personnes à la Bourse, aux cris de : « Vive l’Humanité. A bas l’armée ! » (A.N., BB 18 2268, d. 128, A 04, proc. gai Lyon, 17.6.1904.
367 A.N., F 7 12909, préfet Rhône, 11.12.1907, Pierre Martin, et Louis-Paul Champalle sont tous d’anciens accusés du procès lyonnais des anarchistes de janvier 1883.
368 A.D.I., 76 M 1, police Grenoble, 27.11. et 22.12.1908.
369 A.N., BB 18 2211 A 2, proc. gai Grenoble, 10.4.1902 et A.D.I., 76 M 1, police, 17.10.1907.
370 A.D.L., 19 M 24, police Roanne, 15.5.1907 : en effet, le groupe renaît en mai 1907, avec tous les antimilitaristes et les anarchistes dispersés.
371 A.D.A., 8 M 1343, police, 8.1. et 20.2.1906 et 26.10.1907.
372 A.D.L., 19 M 25, police Chambon, 6.7.1909 ; en novembre 1911, l’un des premiers actes du Congrès fondateur de l’Union régionale de Roanne – Thizy est la création d’un « Sou du soldat » de 5 francs tous les 3 mois pour les appelés militants « à jour de leur cotisation » : la solidarité ne semble pas s’assortir d’une propagande politique (Archives C.G.T., Roanne, sans cote).
373 Ainsi, en avril 1903, un « sous-officier de cavalerie accompagné d’un vieux monsieur décoré... » est hué par des zingueurs au sortir d’une réunion syndicale à Lyon (A.D.R., M, grèves 1903, Commiss. spéc. Lyon, 27.4.1903.
374 A.N., F 7 12908, préfet Rhône, 31.12.1910 et 3.4.1911.
375 A.N., F 7 12900, préfet Rhône, 3.10.1912.
376 A.N., F 7 12909, police, 8, 11, 14 et 17.6.1911.
377 A.N., F 7 12909, police, divers, février 1912 et A.D.L., 19 M 25, Commiss. spéc. Saint-Etienne, qui propose 8 noms pour le carnet B ; cf. aussi A.D.L., 13 M 8, police 11.2.1912.
378 A.D.L., 19 M 27, police Saint-Etienne, 11.2.1912 et 19 M 32, Sûreté générale, Note d’information, L’antimilitarisme et l’antipatriotisme en France, 1.12.1912 ; dans la France entière, on estime qu’ils gangrènent 93 Bourses sur 153.
379 A.N., F 7 12908, police Grenoble, 28.12.1910 et F 7 12909, Commiss. central Vienne, 23.3.1912 et préfet Drôme, 11.2.1912 ; A.D.I., 76 M 1, police, 15.6.1910.
380 A.D.L., 93 M 32, Commiss. spéc. Saint-Etienne, 19.10.1911.
381 Sur la grève du 16 décembre 1912, pour « l’organisation de la résistance à la guerre » au lendemain de la crise balkanique cf. Julliard (J.), La C.G.T. devant la guerre (1900-1912), Le Mouvement Social, n° 49, oct.-déc. 1964, p. 56-57.
382 A.D.L., 10 M 150, police, divers, 16 et 17.12.1912.
383 A.D.I., 52 M 74, police, 17.12.1912.
384 A.D.A. (8) M 1128, préfet Ain, 16.12.1912 ; quelques distributions de tracts avaient eu lieu, l’année précédente, aux soldats du Fort-L’Ecluse, mais l’affaire était médiocre (A.D.A., (8) M 1128, police, 18.11.1911).
385 A.D.R., 10 M 76, préfet, 3.12.1912 et Julliard (J.), art. cit., Le Mouvement Social, qui cite une lettre de Merrheim faisant état de 50 000 manifestants et d’un « meeting monstre ».
386 A.D.I., 52 M 74, Sous-Préfet Vienne, 13 et 17.12.1912 ; dans les jours précédents, J. Brenier avait multiplié les réunions préparatoires, avec l’aide et de Compère-Morel, et des libertaires de Saint-Etienne comme N. Berthet, Liothier et Paoletti, de Rive-de-Gier.
387 A.D.L., 10 M 150, police, 17.12.1912.
388 A.D.L., 10 M 150, police Roanne, 16.12.1912.
389 A.D.L., 10 M 147, police Firminy, 17.12.1912.
390 A.N., F 12 4673, préfet Loire, 2.7.1894.
391 A.N., F 12 4662, préfet Rhône, 22 et 24.2.1887.
392 A.D.S., 33 M VI/ 2, gendarmerie, 23.1.1889.
393 A.D.R., M, grèves 1896, police, 4.4.1896.
394 A.D.S., 33 M VI/ 3, police Moûtiers, 28.5.1905.
395 A.D.S., 33 M VI/ 4, police Chambéry, 23.4.1906.
396 A.D.L., 14 M 11, police, 6.9.1911.
397 A.D.S., 33 M VI/ 4, police, 14.4.1908.
398 A.D.H.S., 6 M, Affaires politiques 1900-1909, police Annemasse, 25.4.1906 et préfet, 30.4.1906 ; id., 11 M, grèves et chômage, 1904-1906, Sous-Préfet Bonneville, 18.5.1906 et Commiss. spéc. Chedde, 26.6.1906.
399 A.N., F 7 12529, Le Premier Mai (1900, Grenoble, n° unique) et F 7 12499, police, 23.4.1900, 15.8.1905 et 22.1.1906 ; A.D.I., 52 M 69, Sous-Préfet Vienne, 20.7.1914 et tract, s.d. (juin 1914), 52 M 76, Sous-Préfet Vienne, 26.4.1906 et 75 M 10, police, 12.10.1912.
400 A.D.R., M, grèves 1895-1896, préfet, 2.8.1896.
401 A.D.R., M, grèves 1895-1896, Le Peuple, 16.9.1896 ; il écrit à propos de la verrerie Mesmer, à La Mulatière : « ... depuis plusieurs mois, ces jésuites nous montrent jusqu’où va leur patriotisme en introduisant dans l’usine des ouvriers allemands au grand détriment des ouvriers français... La Mulatière n’occupe que des Italiens… Petit à petit on remplacera les Français par les Allemands et les Italiens, la langue française sera proscrite en faveur de la langue teutonne... ».
402 A.D.I., 166 M 3, préfet Isère, 23.8.1895.
403 A.D.L., 10 M 97, Ingénieur mines Rive-de-Gier, 28.8.1900.
404 A.D.L., 93 M 13, police, 15.10.1912.
405 A.D. Ar, 15 M 59, police, 4.1.1914.
406 A.D.I., 166 M 4, police, 27.4.1897.
407 A.D.I., 166 M 4, police, 3.6.1898 et s.d. (1898).
408 A.D.S., 33 M VI, gendarmerie, 14.4.1899 et Commiss. spéc. Modane, 21.4.1899.
409 A.N., BB 18 2153, d. 557, proc. gal Chambéry, 21.2.1900.
410 A.N., BB 18 2189, d. 790, proc. gal Grenoble, 4.7.1901 et F 7 12560, Times, 24.6.1901 ; 166 M 5, préfet Isère, s.d. (1901).
411 A.D.I., 166 M 5, préfet, s.d. (12. 1899).
412 A.D.S., 33 M VI, pétition ouvriers bâtiment Aix à préfet Savoie, février 1904, qui ajoute : « ... nous ouvriers du pays, nous sommes obligés de flâner dans les rues pendant que cette mauvaise race tient tous les chantiers de la ville... ».
413 A.D.H.S., 11 M grèves et chômage, 1904-1906, gendarmerie, 11.6.1906.
414 A.N., F 7 12734, Commiss. spéc. Modane, 1.9.1908.
415 A.N., F 7 12734, id., Albertville, 8.12.1909.
416 A.D.I., 52 M 87, Sous-Préfet Vienne, 5.6.1909.
417 A.D.S., 33 M VI préfet Savoie, 14.5.1914.
418 Comme à Grenoble, en novembre 1913, sur le thème rebattu des mutineries militaires : ils ne rassemblent pas 100 personnes (cf. A.D.I., 53 M 19, police, 8.2.1913 et 76 M 2, id., 16.11.1913).
419 A.D.I., 52 M 74, police Grenoble, 19.9.1911 et police Voiron 23.9.1911.
420 A.D.H.S., 6 M Affaires politiques, 1910-1913, police Annemasse, 28.9. et 9.12.1912.
421 A.D.L., 19 M 27, police, 24.2.1912.
422 A.D. I, , 76 M 1, police Grenoble, 2.11.1912.
423 L’essentiel des sources est constitué par A.N., F 7 12338, Ain, préfet, 22.3. et mai 1913, Ardèche, id., 4. et 6.4., 27 et 31.5.1913 ; F 7 13339, Drôme, préfet 17.5. et 1.6.1913 ; F 7 13340, police Grenoble, 17.4.1913 et police Vienne, 23.6.1913 ; F 7 13342, police divers, 6.3., 26.4., 1. et 14.6.1913 ; F 7 13343, Savoie, préfet, 15.3., 5.4., 18.5., 10 et 15.6.1913 et Haute-Savoie, police, 26.4., 3.5., 19.10 et 11.12.1913.
424 Pour la Loire, outre A.N., F 7, A.D.L., 10 M 158, police divers, de mars à juin 1913.
425 Dans l’Isère, cf. aussi A.D.I., 76 M 2, police 16.4. et 16.6.1913.
426 Cf. aussi A.D.A. (8) M 1343, police, 4.5., 26.6.1913.
427 A.D.H.S., 6 M, Affaires politiques 1910-1913, préfet, 31.5.1913 et 2. et 17.4.1913, 1. et 3.6.1913.
428 Quelques semaines auparavant, le C.D.S. et H. Totti avaient projeté une contre manifestation contre un meeting du commandant Driant, mais avaient dû y renoncer (A.N., F 7 13570, police, 13.6.1913 ; cf. aussi F 7 12342, préfet Rhône, 2.9.1913) ; en août, avec les libertaires stéphanois, comme Berthet, le C.D.S. n’a pas plus de 120 personnes à sa réunion.
429 A.D.R., M, 1er Mai 1907-1919, police, 1.5.1907 ; sur le déclin général de la journée dans les années qui précèdent la guerre, cf. Dommanget (M.), ouvr. cit., p. 230 et suiv.
430 A.N., F 7 12532, police Romans, 1.5.1907.
431 A.D.L., 10 M 93, police Roanne, 1.5.1907.
432 A.D.R., M, 1er mai 1907-1919, police Givors, 1.5.1907.
433 A.D.L., 10 M 93, police Rive-de-Gier, 2.5.1907.
434 A.D.L., 10 M 93, police Saint-Chamond, 1.5.1907.
435 A.D.L., 10 M 93, police Saint-Etienne et Firminy, divers, mai 1907.
436 A.D.R., 11, 1er Mai 1907-1919, préfet Rhône, 1.5.1909 ; noter aussi une réunion, assez nombreuse (500 personnes) à Oullins.
437 A.D.L., 10 M 94, préfet, 2.5.1909.
438 A.N., F 7 12534, préfet Ain, 1.5.1909 ; A.D.R., M, 1er Mai 1907-1919, police Givors, 1.5.1909 ; A.D.I., 52 M 76, police, divers, mai 1909 et A.D.L., 10 M 94, préfet, 2.5.1909.
439 A.N., F 7 12533 et 12734, divers... ; A.D.R., M, 1er Mai, 1907-1919, police Lyon, 1.5.1908 et rapports préfectoraux de circonstance dans A.D.L., 10 M 93 ; A.D.I., 52 M 76 et A.D.H.S., 6 M, Affaires politiques, 1900-1909.
440 A.D.R., M, Premier Mai, 1907-1919, préfet, 1.5.1910 : à Lyon, il se tient surtout des réunions de quartier, R. Péricat, envoyé par la C.G.T. n’attire pas plus de 1 000 personnes ; A.D.I., 52 M 72, police Grenoble, s.d., 1910 et 1911 ; A.D.L., 10 M 94, police Roanne, 1.5.1910 et 10 M 160, préfet, 6.5.1911.
441 A.D.R., 10 M, grèves 1912, Commiss. spéc. Lyon, 29.4.1912 et M, Premier Mai 1907-1919, police, 1.5.1912.
442 A.D.R., M, Premier Mai 1907-1919, préfet, 1.5.1913 et 1.5.1914 ; A.D.L., 10 M 160, id. ; A.D.I., 52 M 76, id...
443 A.D.R., M, 1er Mai 1907-1919, préfet, 2.5.1914.
444 A.D.R., 1er Mai 1907-1919, police Lyon, 1.5.1911 ; l’émotion s’étendra à Givors, où l’on déplorait la révocation récente de nombreux cheminots (id., police Givors, 1.5.1911).
445 A.D.L., 10 M 160, préfet, 6.5.1911.
446 A.D.L., 3 M 43 à 45, Elections législatives, 1906.
447 A.D.L., 3 M 55 à 62, Elections législatives (par circonscriptions), 1914.
448 A.D.R., M, non coté, Elections législatives, 1906.
449 A.D.R., M, non coté, Elections législatives, 1914.
450 A.D.I., 8 M 37 et 38, Elections de 1906 ; Barral (P.), ouvr. cit., p. 555 et suiv. ; Marie (Ch.), L’évolution du comportement politique d’une grande ville en expansion, Grenoble, 1966, p. 28 et suiv.
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