Chapitre V. La révolution pédagogique
p. 87-103
Texte intégral
1Jules Ferry assignait aux directeurs et directrices d’écoles normales la tâche de remplacer l’ancien type d’instituteur qui, selon le mot de Bréal, ressemblait à un sous-officier instructeur, par un éducateur, c’est-à-dire un maître appliquant les « méthodes qui ont pris tant de développement, ... ces méthodes qui consistent, non plus à dicter comme un arrêt la règle à l’enfant, mais à la lui faire trouver ; qui se proposent avant tout d’exciter et d’éveiller la spontanéité de l’enfant, pour en surveiller, en diriger le développement normal, au lieu de l’emprisonner dans des règles toutes faites auxquelles il n’entend rien, au lieu de l’enfermer dans des formules dont il ne retire que de l’ennui, et qui n’aboutissent qu’à jeter dans ces petites têtes des idées vagues et pesantes »1.
2Les « leçons de choses », les « méthodes excitatrices de la pensée », voilà qui doit rompre avec les routines que dénoncent les rapports adressés au ministre sur les diverses écoles. Ainsi la véhémente Madame Duplessis-Kergomard fait-elle part de ce qu’elle a observé dans les écoles qui ne s’appellent pas encore maternelles :
« Dans la grande majorité des salles d’asile nous nous trouvons en présence de machines à réciter des mots, des mots, des mots ! Dès qu’il s’agit d’observation, de raisonnement, d’un travail intellectuel, quelque élémentaire qu’il soit, directrices et élèves sont complètement déroutées... Dans 99 salles d’asile sur 100, j’ai posé la question suivante (c’était une expérience) : Que faites-vous avec votre main droite, mes enfants ? – Le signe de la croix. – Oui, avant et après la prière ; mais dans la journée, que faites-vous avec votre main droite ? – Au nom du Père ». La question « que fait ton père ? » n’obtient pas davantage de réponse : stupéfaits de cette question « hors cadre », les élèves « restent bouche béante ou regardent la directrice, espérant qu’elle leur soufflera une réponse »2.
3Il ne faut pas enseigner les droits de l’homme et du citoyen comme des Tables descendues du ciel, proclamait Condorcet. Substituer à l’étude des mots l’étude des choses, disait Diderot3. Liberté, Raison, Bonheur, telles sont les aspirations du XVIIIème siècle auxquelles il serait tentant de considérer que l’école élémentaire entr’ouve enfin la porte. Par ailleurs, on n’a pas manqué de rattacher la révolution pédagogique qu’a constitué le développement de la pédagogie réaliste (création de Realschulen en Allemagne au XVIIIème, introduction des sciences et des langues vivantes dans l’enseignement secondaire, des sciences appliquées et de l’observation dans l’enseignement élémentaire, etc.) aux initiatives de la bourgeoisie et au développement du capitalisme4. Mais d’une part il faut rappeler, après Durkheim5, que c’est dès le XVIème siècle, particulièrement dans les milieux protestants et en Allemagne, que se manifesta l’orientation vers une pédagogie réaliste ; d’autre part, il faut souligner que c’est à une éducation du jugement, à une régulation de la liberté par la « raison » que procède l’école grâce aux nouvelles méthodes. Si bien que l’école de la fin du XIXème pourrait bien apparaître comme l’une des modalités, présente dès le départ, de ce que nous avons appelé la forme scolaire et l’importance accordée aux méthodes dites nouvelles comme la prépondérance sur une autre d’une modalité d’assujettissement.
4« Nihil doceatur nisi ad usum praesentem » ; « Docendi sunt homines non e libris sapere, sed e coelo, terra, quercubus et fagis, id est nosse et scrutari res ipsas… ». C’est en rappelant ces formules de Coménius, celles de Luther s’opposant à l’enseignement existant et donnant pour objet à l’école « l’état de choses temporel », que Durkheim6 a mis en évidence le déclin de l’humanisme dans les pays protestants d’Allemagne dès la fin du XVIème siècle et la naissance de ce qu’il appelle fort bien la pédagogie réaliste. Il a montré que non seulement ces idées avaient reçu une très large adhésion (Leibniz s’en fit le défenseur) mais qu’elles étaient liées à des transformations institutionnelles : les premières Realschulen, « où l’enseignement des réalités, des choses et des sciences qui concernent ces choses, prit la place de l’enseignement littéraire »7. Le mouvement est en France plus tardif ; il se manifeste dans les projets révolutionnaires d’une « éducation nationale » et dans des réalisations comme les écoles centrales8.
5Pédagogie réaliste ou intuitive et pédagogie de la réflexion sont liées, comme le montre, entre autres exemples, celui de Felbiger, réformateur des écoles populaires de Silésie et d'Autriche au XVIIIème siècle. « Les instituteurs d'autrefois, écrit-il, ne s'occupaient que de la mémoire, et accablaient les enfants de tâches à apprendre par cœur. La nouvelle méthode cherche au contraire : a) à faire entrer dans la mémoire non pas seulement des mots, mais des choses ; b) à exercer l'intelligence, à éveiller la réflexion ; c) à expliquer la raison des choses et à la faire comprendre ; d) à exercer les élèves au moyen de demandes et de réponses.
6Aujourd'hui on s'efforce de ne rien enseigner que des choses utiles, et de les enseigner en vue de la vie pratique, de façon à préparer des gens laborieux, éclairés et moraux . . . Aujourd'hui on cherche à rendre l'étude agréable aux écoliers » (357). Appel à l'intérêt, à l'observation et à la réflexion, les trois choses vont ensemble et, on le voit, n'excluent pas la mémoire : Felbiger préconise même la méthode des tableaux, où les connaissances à acquérir sont résumées et mises en ordre, et qui guident le travail des maîtres et des écoliers. Mais la compréhension et l'explication ne sont pas réduites au minimum et considérées comme des moyens pour permettre la mémorisation, comme elles le sont, par exemple, pour J.B. de La Salle.
7Savoir se gouverner, par opposition à obéir à une règle imposée de l'extérieur, est à l'éducation morale ce que le jugement est à l'éducation intellectuelle.
8« Faire de tout enfant un homme capable et digne de se conduire », voilà une de ces idées pédagogiques dont on souligne le succès à la fin du XIXème. « L'obéissance doit être, chez l'enfant, aimante et persuade », lit-on dans les Travaux d'instituteurs français, recueillis à l'exposition universelle de 1878 (358). Or, ici encore, on trouve facilement avant même le siècle des Lumières l'affirmation et l'application d'un tel principe.
9Faire comprendre et faire aimer : on pourrait ainsi résumer ce qui sous tend les conseils donnés dans les Constitutions de Port-Royal pour la conduite des enfants des Petites Ecoles. Il faut, certes, « veiller » incessamment les enfants, petites ou grandes, obtenir Je silence, ne pas trop se familiariser avec elles (359), toutes prescriptions que l'on trouve pour les autres écoles de l'époque classique. Mais il faut aussi leur parler souvent, pour les faire réfléchir sur les intentions de leurs actes ou pour leur donner les raisons pour lesquelles on les reprynd (360). Avec les petites, il faut châtier immédiatement, afin d'éviter les mensonges d'excuses, et sans paroles de colère, mais ensuite, il est conseillé de leur dire, ou mieux de leur faire dire, pourquoi on les a châtiées. Pendant les « instructions », c'est-à-dire l'instruction religieuse faite par la maîtresse, il est permis et même ordonné aux enfants « de faire de continuelles questions sur tout ce qu'elles n'entendent pas » (361). Pour employer une distinction qu'il utilise, c'est l'intérieur et non uniquement l'extérieur, que vise le jansénisme. Les Constitutions elles-mêmes seront présentées comme des « avis pleins de lumière, qui éclairent en commandant », et non comme « une lettre sèche, qui commande simplement » (362). Et, des élèves de Port-Royal, Racine dira : « On ne se contentait pas de les élever à la piété; on prenait aussi un très grand soin de leur former l’esprit et la raison, et on travaillait à les rendre également capables d’être un jour ou de parfaites religieuses, ou d’excellentes mères de famille » 9 ;10 ;11 ;12 ;1314.
10De plus, la douceur préconisée a pour résultat de faire aimer jusqu’à la présence constante de la maîtresse surveillante. Et non seulement Lancelot est connu pour avoir, premier exemple de méthode attrayante, composé en vers français un traité des racines grecques, mais les pédagogues de Port-Royal voulaient supprimer l’opposition travail-divertissement : habituées à s’occuper sans cesse, les élèves ne subissent plus cela comme une charge et « ne trouvent rien de si long que les récréations des fêtes »15. De même faut-il qu’elles soient « dans le désir » d’aller à l’Office, ce qui leur est accordé « comme une grâce » : « ce règlement d’aller à l’office tous ces jours-là ne s’observe point comme une coutume »16.
11Enfin les exercices scolaires font certes appel à la mémoire ; le règlement des jours de fête énumère ce qui est à « apprendre par cœur » (Messe, hymnes, Théologie familière…) et il est affirmé qu’il faut « beaucoup exercer la mémoire des enfants »17. Mais cela est plutôt présenté comme un moyen : il s’agit, outre d’occuper les enfants et de les empêcher de « penser mal », de leur « ouvrir l’esprit »18. De plus, le danger d’habitude, de routine est combattu : j’ai expliqué la messe, précise l’auteur, car les élèves « n’y entendaient rien », lisant « par routine » et « sans y faire assez de réflexion »19. De même, pas de confession par routine : la pénitence doit être intérieure, et, même de la part d’enfants, il faut que, rentrant en elles-mêmes, elles voient les racines de leurs défauts et de leurs passions. Nous sommes ici à l’opposé d’une police des mœurs, qui se contente d’obtenir une obéissance extérieure et la conformité des pratiques.
12Il n’est pas étonnant de trouver chez les jansénistes, considérés, par leur mise en question des rapports de pouvoir dans l’Etat monarchique et dans l’Église catholique, comme des pré-révolutionnaires et les précurseurs de la conscience moderne, une école qui, par certains traits, est déviante par rapport à l’école dominante. On a montré que la théologie de Port-Royal traduisait un désir d’autonomie morale et que la partie de la bourgeoisie qui y adhérait voulait fonder non seulement la vie religieuse, mais la vie sociale et politique sur « une discipline plus grande mais plus imprégnée de conscience »20 ; ce qui pourrait se dire aussi de la vie scolaire. C’est encore dans les collèges des Oratoriens, soupçonnés non sans raison de jansénisme, que l’on trouve un enseignement de l’histoire de France et des sciences21.
13On comprend donc que l’on ait vu souvent dans les Réformes protestante et catholique l’origine de l’école moderne. Les nombreux protestants qui collaborèrent à l’entreprise de J. Ferry ne manquèrent pas de proclamer que si la Réforme n’inaugurait pas un nouveau contenu enseigné, elle innovait sur les méthodes pédagogiques22. Mais une telle affirmation apparaît plus comme une déduction à partir des principes du libre examen et de l’accès direct de tous aux Ecritures que comme une inférence à partir de faits historiquement constatés, et les historiens récents de la Réforme, même protestants, ont eux-mêmes souligné les ressemblances entre Académies d’une part, petites écoles et collèges d’autre part23.
14S’il en est ainsi, c’est que la question est beaucoup plus complexe. La doctrine réformée, et encore moins tel aspect de cette doctrine, n’« explique » pas plus les nouvelles méthodes que l’école dans son ensemble : savoir lire pour lire les livres sacrés ne nécessite pas une école au plein sens du terme. Par contre les Réformes participent de vastes transformations sociales, parmi lesquelles s’insèrent l’école et ses transformations. Lorsqu’il s’agit de comprendre l’apparition de la pédagogie réaliste, Durkheim, tout en la situant dans les milieux protestants allemands, est bien loin de se contenter de ce type d’explication simplifiée. Dans les sociétés européennes, dit-il, « un moment vint, ici plus tôt, ailleurs plus tardivement, où les intérêts religieux et moraux ne furent plus les seuls dont on tint compte, où les intérêts économiques, administratifs, politiques prirent trop d’importance pour qu’on pût continuer à les traiter comme des quantités négligeables, dont le maître à l’école n’avait pas à se préoccuper… Un point de vue nouveau s’introduisit en pédagogie, à côté de l’ancien, et, d’ailleurs, sans l’exclure »24. Les « fonctions temporelles » entretenant la « vie physique des sociétés » prennent plus d’importance et il faut mettre à l’avance l’enfant en état d’y satisfaire : la formation du « bon citoyen »25 s’ajoute à celle du bon chrétien. Si c’est d’abord en pays protestants que cette pédagogie se développe, c’est parce que le protestantisme était plus apte à saisir ces exigences que le catholicisme.
15En parlant de « besoins laïques » et de modifications dans l’importance respective des diverses fonctions sociales, comme, au début de l’ouvrage, en plaçant l’histoire de l’école sous le signe de la « lutte entre le sacré et le profane »26, Durkheim nous met sur la voie. Mais il ne suffit pas de dire qu’ « il y avait dans le protestantisme un sens de la société laïque et de ses intérêts temporels que n’avait, que ne pouvait avoir le catholicisme »27, puis d’ajouter que c’est seulement aux approches de la Révolution que la société française se pense sous la forme laïque et adopte la conception nouvelle de l’éducation. Il serait sans doute plus éclairant de penser les Réformes et la Révolution comme des hérésies au sens que Gramsci a donné à ce terme.
16Alors que Marx et Engels rapprochent Réforme, Révolution anglaise et Révolution française en raison de leur base sociale commune, à savoir la bourgeoisie, Gramsci, mettant entre parenthèse cette origine, voit dans la Révolution française « l’aboutissement de la lutte politique et idéologique menée depuis la Réforme »28 et l’achèvement de la crise qui place l’Église en position subalterne. Il s’agissait d’une hérésie, c’est-à-dire d’une rupture du bloc idéologique, d’une scission entre intellectuels religieux et masses. En ce sens la Révolution est achevée en 1789, car la rupture entre « pasteur et troupeau » est accomplie : « l’église comme communauté des fidèles conserve et développe des principes politiques moraux déterminés, en opposition à l’Église comme organisation cléricale »29. Hérésie religieuse encore en ce sens que cette opposition s’effectue au nom d’une conception chrétienne du monde, mais laïcisée. Alors que la Contre-Réforme, on l’a vu, avait été le point de rupture entre démocratie et Eglise, la Révolution doit être définie comme « Réforme libérale-démocratique »30.
17Gramsci souligne en effet l’aspect « national-populaire » de ce mouvement. La Réforme avait déjà un aspect national, mais il était au second plan par rapport à l’autre aspect de l’hérésie : le retour aux origines. Avec la Révolution se constitue un « bloc national-populaire » fondé sur une « réforme intellectuelle et morale »31, réforme « plus complète que la luthérienne en Allemagne, parce qu’elle mit en évidence un solide fond laïc et qu’elle tenta de substituer à la religion une idéologie complètement laïque, concrétisée dans les attaches nationales et patriotiques »32.
18Une sorte de religion nouvelle, disait Tocqueville de la Révolution33. Gramsci voit de même dans la tentative jacobine du culte de l’Etre suprême une réforme religieuse, « une tentative de créer l’identité entre Etat et société civile » et « la première racine de l’Etat laïc moderne », qui trouve dans la vie nationale « tous les éléments de sa personnalité »34.
19Ces analyses, en établissant un lien entre Réforme et Révolution et en définissant ce qui les lie, à savoir une transformation des rapports entre Eglise et Etat, pourraient nous permettre de mieux comprendre comment une sorte de variante de la forme scolaire, présente dès l’origine, a pu ensuite, plus ou moins selon les formations sociales35, se faire place. Et il ne s’agit pas seulement de la possibilité de rendre compte de la laïcité scolaire au sens étroitement juridique du terme ou au sens de la diffusion par l’école d’une idéologie nationaliste et patriotique. Il s’agit de la possibilité d’éclairer des transformations pédagogiques en les référant (sans oublier les changements d’ordre économique et ce qui dépend des conditions matérielles) à des transformations dans le domaine du politico-religieux.
20Les auteurs des réformes scolaires de 1880 se sont parfois présentés et ont été souvent considérés comme réalisant les projets révolutionnaires. On a tendance aujourd’hui, de divers côtés, à s’opposer à cette histoire légendaire en niant cette filiation ou en mettant en évidence les carences de 1789 en matière scolaire. On a ainsi récemment parlé de « déscolarisation » massive36 succédant aux progrès de l’alphabétisation. Or on pourrait prendre le terme en un sens quasi illitchien et essayer de voir comment, au début de la Révolution, le procès de socialisation tend à s’effectuer selon des formes non scolaires, comment les écoles centrales, l’une des rares créations effectives de l’époque, sont des établissements déscolarisés par rapport aux anciens collèges, comment enfin les diverses écoles nouvelles tendent à s’organiser avec un contenu nouveau et des méthodes nouvelles.
21Il y a d’abord, chez certains hommes comme Condorcet, la pensée d’un dépérissement de l’école : « Il viendra sans doute un temps… où tout établissement d’instruction publique deviendra inutile : ce sera celui où aucune erreur générale ne sera plus à craindre ; où toutes les causes qui appellent l’intérêt ou les passions au secours des préjugés auront perdu leur influence ; où les lumières seront répandues avec égalité sur tous les lieux d’un même territoire et dans toutes les classes d’une même société »37. On entendit aussi à la Convention, des déclarations du genre de celle-ci : « Citoyens, les plus belles écoles, les plus utiles, les plus simples, où la jeunesse puisse prendre une éducation républicaine, sont, n’en doutez pas, les séances publiques des départements, des districts, des municipalités, des tribunaux et surtout des sociétés populaires… N’allons donc pas substituer à cette organisation simple et sublime comme le peuple qui l’a créée, une organisation factice et calquée sur des statuts académiques qui ne doivent plus infecter une nation régénérée »38. Ces réunions, ainsi que les fêtes et jeux civiques, les évolutions militaires, les théâtres, sont conçues, dans certains décrets, comme une alternative sinon à l’école toute entière, du moins à un aspect de l’école.
22Les établissements d’instruction créés au début de la Révolution sont aussi, en un sens, déscolarisés. On a vu que l’Ecole normale – c’est même cela qui la fit très vite condamner – fut constituée moins comme une école de pédagogie que comme un établissement où les instituteurs s’instruisaient auprès des savants et s’exerçaient à retransmettre la science dans des écoles-types. Le rapport de Daunou sur la clôture de l’Ecole normale montre bien que l’on tranche sans l’avoir résolu le problème « de savoir jusqu’à quel point l’art d’enseigner une science est (...) séparable de l’enseignement immédiat de cette science elle-même »39.
23Quant aux école centrales, non seulement elles sont des établissements où l’on enseigne les sciences, mais leur organisation est réalisée d’une manière toute nouvelle. Les adversaires ne s’y sont pas trompés et lorsque, triomphants, ils obtiendront, sous le nom de lycées, la restauration des anciens collèges, leur réquisitoire sera révélateur : « les mathématiques et les sciences, écrit Fabry, y avaient la prééminence sur les langues et les lettres, le système ayant pour résultat de flétrir l’imagination, d’étouffer la mémoire, de dessécher le cœur ; les élèves âgés de seize ans pouvaient suivre tous les cours qui leur convenaient, de telle sorte que les plus studieux furent embarrassés dans le choix de leurs études et se mirent à suivre tous les cours, alors que les fainéants n’en suivaient aucun ou promenaient leur paresse de l’un à l’autre. Il n’y avait aucune peine pour la paresse, aucune récompense pour l’assiduité. Il n’y avait ni principal, ni sous-principal, ni supérieur, ni inférieur, ni régent, ni maître de quartier »40. Absence de direction et de hiérarchie, liberté d’étudier ce que l’on veut : est-ce encore, en effet, une école ?
24On trouve, plus argumentés, les mêmes reproches sous la plume de Durkheim qui voit dans l’absence de direction une des causes de la ruine des écoles centrales. Qu’il ait tort ou raison, il est intéressant de noter la façon négative dont il décrit l’organisation par cours substituée à l’organisation par classes, et la liberté de choix : « nous avons déjà fait remarquer ce qu’il y avait d’excessif dans l’incoordination des cours. Cette incoordination était encore accrue par l’absence de toute direction intérieure : l’Ecole n’avait pas de chefs. L’objet de chaque enseignement n’était même que très imparfaitement fixé, et chaque professeur le déterminait un peu à sa guise »41. Aussi intéressante est la manière dont Durkheim, devenant normatif, justifie la préférence qu’il accorde à l’organisation par classes : « un groupe d’enfants qui travaillent en commun n’a pas seulement besoin d’une certaine homogénéité intellectuelle ; il lui faut aussi une certaine unité morale, une certaine communauté d’idées et de sentiments, comme un petit esprit collectif qui serait impossible si les différents groupes n’avaient pas de fixité et de stabilité, si, d’une heure à l’autre, ils se décomposaient pour se reformer sur d’autres bases..., si les mêmes élèves... ne vivaient pas d’une même vie, s’ils ne respiraient pas une même athmosphère morale »42. Opposant classe et foule, le commentaire de Durkheim nous permet de souligner les fonctions politico-morales d’une organisation qui s’était substituée, dans les Collèges du XVIème siècle, à celle de l’Université, et dont la Révolution s’éloigna à nouveau un moment.
25Par rapport aux écoles d’Ancien Régime, la Révolution innove encore en mettant en place une pédagogie réaliste et en préconisant des méthodes qui éclairent et « développent ». Pour les élèves des écoles centrales, « on ne bornera plus leurs facultés intellectuelles à la seule étude des mots et des phrases : ce sont des faits, ce sont des choses, dont on nourrira leur esprit... Nos jeunes gens auront l’esprit meublé de connaissances utiles »43. En exerçant la seule mémoire, les anciens collèges « fatiguaient et dépravaient l’enfance »44. Dans les petites écoles, qu’il faut se contenter de contrôler faute de pouvoir créer les écoles primaires projetées, on veille non seulement sur les livres utilisés et la célébration des fêtes républicaines, mais sur les méthodes d’enseignement et sur le type de discipline exercée : des membres des administrations municipales doivent effectuer des visites mensuelles, au cours desquelles ils vérifient « si l’on donne à la santé des enfants tous les soins qu’exige la faiblesse de leur âge, si la discipline ne tend pas à dégrader le caractère, si les exercices développent les facultés »45.
26Lumières et douceur en éducation, déscolarisation, voire société sans école : comme toute Révolution, 1789 va d’abord très loin dans l’affirmation d’une société transformée et d’un système politique nouveau. Trop loin même au regard de certains et parfois pour les mêmes hommes, après un certain temps : alors l’affection et l’intérêt deviennent des moyens de capter, les lumières éclairent les lois auxquelles il faut se soumettre, la science de la nature est moins remède aux préjugés et superstitions que moyen d’endiguer la liberté, la raison, nouveau dieu intérieur, est une discipline.
27Mais en tout cas, la nouvelle éducation n’est pas seulement un moyen de perpétuer le nouveau système en modelant la nouvelle génération, elle n’est pas seulement liée au système politique : elle en fait partie. « Parce que les lumières doivent finir par être la seule puissance dominatrice de l’univers », va jusqu’à dire Boissy d’Anglas46 ; parce que le gouvernement républicain suppose que « les idées et les habitudes de la raison deviennent générales » et que la volonté soit sage, proclame-t-on lors de la rentrée des Ecoles centrales47. Non seulement donc la réapparition des anciens pouvoirs va devenir impossible (« on n’égarera point, au nom d’un pouvoir capricieux et jaloux, l’homme une fois convaincu que la nature entière est soumise à des lois générales et nécessaires »)48, mais un nouveau type de pouvoir va s’instaurer.
28L’enseignement, y compris celui d’une morale distincte de toute religion, est ce par quoi s’établit une nouvelle sorte de rapport à la loi. On le voit par l’exemple de l’armée : un homme comme Condorcet prévoyait pour les soldats-citoyens une conférence hebdomadaire, au cours de laquelle leur seraient expliqués les règlements militaires et les lois. C’est que pour lui, « l’obéissance du soldat à la discipline ne doit plus se distinguer de la soumission du citoyen à la loi ; elle doit être également commandée par la raison, par l’amour de la patrie, avant de l’être par la force ou la crainte de la peine »49.
29L’opposition contre l’arbitraire du pouvoir, qui caractérise le XVIIIème siècle, suscite l’affirmation à la fois d’une règle et d’un principe de conduite intérieur à l’homme. « Plus rien ne paraît justifier le rapport arbitraire entre l’autorité et les sujets obéissants. Comme le dira Kant, les hommes des lumières ont résolu de ne plus obéir à une loi étrangère : ils veulent être autonomes, soumis à une loi qu’ils perçoivent et reconnaissent en eux-mêmes »50. La destruction des statues, images des anciens pouvoirs, marque l’avènement d’une religion nouvelle, la reconnaissance en l’homme d’une « part divine », d’un « pouvoir intérieur qui, en chacun, éclaire et soutient sa nature d’homme, et l’unit aux autres hommes »51. Les fêtes révolutionnaires, où les seuls emblèmes sont des arbres et des êtres de chair, célèbrent cette divinité qui « surgit lorsque la foule s’assemble » : les serments signifient une communion instantanée qui s’oppose au sacre, « rite d’instauration par intervention du dehors »52.
30Mais tout le monde ne voit pas de manière si élevée la nouvelle relation des citoyens entre eux et à la loi. Le rapport de Barrère « sur la nécessité de révolutionner la langue » s’en prend au despotisme, qui ne connaît que la langue de la force et maintient la variété des idiomes. Si la démocratie exclut l’ignorance populaire et la confusion des langues, c’est parce que « les lois d’une république supposent une attention singulière de tous les citoyens les uns sur les autres, et une surveillance constante sur l’observation des lois et sur la conduite des fonctionnaires publics »53. Ici, le dieu toujours présent qui, quoiqu’invisible, voit tout manquement à la loi, est simplement remplacé par la surveillance réciproque généralisée des « citoyens ».
31Ce qu’on a appelé la révolution – pédagogique celle-là – de 1880 devrait sans doute être conçu moins comme la porte plus ou moins ouverte (moins dans l’école officielle, plus dans des écoles privées et marginales) aux Lumières, à la Liberté et au Bonheur que comme une nouvelle façon d’assujettir : cette éçole. dont nous venons de voir les antécédents historiques54 et qui, lieu d’exiger une obéissance aveugle à la règle, cherche à en faire comprendre la nécessité, qui demande une adhésion et non une pure et simple soumission, apparut à une fraction de la bourgeoisie, dès le début du XIXème siècle, comme la seule adéquate, parce que la seule capable de détourner et d’utiliser au lieu de réprimer des volontés collectives qui s’étaient manifestées avec éclat quelques décennies plus tôt. Il suffit de lire Gérando pour saisir ce qu’est le bonheur scolaire, quel sens ont le refus de la « mémoire » et de l’ancienne discipline, l’appel au « jugement » et à la libre volonté. Les besoins reconnus à l’enfant sont réglés en même temps que satisfaits et, même dans les salles d’asile où l’on accueille l’enfant à un âge tendre, il s’agit de le conduire, par le bonheur, à la sagesse55. Bien plus, dans la mesure où le bonheur est une fin, il n’est pas ce que l’être cherche et trouve spontanément. Il est supposé devoir être appris et le pédagogue prête à l’être qu’il veut éduquer une demande d’éducation. « Enseignez-nous à être heureux », sont censés dire les enfants à leurs instituteurs par la bouche du pédagogue qui forme ces derniers56.
32Enfin, cette école n’est pas le lieu où l’intelligence déploie son activité, mais celui où elle est éduquée. Elle n’est même pas essentiellement le lieu où l’ignorance, séculairement dénoncée comme cause de tous les maux, est vaincue par l’instruction : l’instruction sans éducation est déclarée dangereuse57. L’éducation intellectuelle est, avec l’éducation physique et l’éducation morale, l’un des trois axes qui définissent le champ pédagogique. Ayant perçu l’inadéquation aussi bien du vieux cadre de l’école dite chrétienne que du cadre provisoire de l’école mutuelle, des hommes comme Gérando travaillent à la mise en place de nouveaux procédés et au développement d’une science chargée d’étudier les nouvelles emprises sur l’enfant. Ils inaugurent ainsi plus d’un siècle de psycho-pédagogie.
33Attention, raison, imagination, conscience, imitation... il a été fait de ces notions un usage particulier à la fin du XIXème siècle, même lorsqu’elles ne sont pas nées à cette époque et dans cette conjonction de savoirs et d’une nouvelle école. L’avantage de livres comme ceux utilisés dans les premières écoles normales est qu’ils ne distinguent pas ce qui sera plus tard dissocié dans les programmes (la pédagogie générale, la pédagogie spéciale, la psychologie appliquée à l’éducation, etc.) et ils nous permettent de voir l’utilisation pédagogique précise de chaque notion. Par exemple les chapitres sur l’éducation intellectuelle évoquent à la fois ce que sont chez l’enfant l’imagination, le jugement, etc., et les exercices et comportements scolaires qui mettent en jeu ces « facultés » en même temps qu’ils les éduquent.
34Plus que toute autre, une pédagogie qui veut atteindre l’intérieur de l’être doit se définir en définissant une certaine image de l’enfant. Avant même qu’il y ait une psychologie génétique de l’enfant, est élaborée et enseignée aux instituteurs, sous l’étiquette de philosophie ou de psychologie, une science psychologique de l’enfant, qui porte à la fois sur ce qui est à éduquer et sur les ressorts de l’éducation. Lorsque les maîtres étaient simplement dressés à dresser les écoliers, on pouvait se contenter de leur donner des recettes assorties de quelques conseils sur la manière de procéder en fonction des caractères enfantins : ainsi la Conduite des Ecoles chrétiennes58 recommandait-elle d’observer les écoliers, de distinguer ceux qui ont l’esprit doux et timide, etc., et d’user différemment de la correction selon les cas. Mais lorsqu’il s’agit de former des éducateurs, il faut les former intelligemment et les doter de savoirs complexes : s’appliquer « avant toutes choses à bien étudier les enfants », soit dans leurs traits communs soit dans leurs caractères particuliers, voilà le premier conseil qui est donné aux futurs instituteurs59.
35L’enfant tel qu’on le représente en fonction d’un nouveau type d’entreprise éducative est doté des mêmes facultés que l’adulte, mais présente toujours par rapport à ce dernier à la fois une distance et un écart (qui justifient l’entreprise). D’une part, en effet, ses facultés sont peu développées, ou bien même à l’état de simples virtualités : l’enfant est peu curieux, inattentif, sa conscience morale n’est pas développée. D’autre part, et surtout, son intelligence ne se fixe pas, il juge beaucoup mais selon ses impressions... ; bref, il est différent de l’adulte.
36Dans le condensé de psychologie que fournit le Dictionnaire de Pédagogie, on montre d’abord que toutes les facultés ont chez l’enfant des caractères particuliers, ensuite qu’elles existent toutes chez lui, « au moins à l’état rudimentaire »60. « C’est à tort que les pédagogues ont prétendu retrouver chez l’enfant l’équivalent de toutes les formes de l’intelligence adulte. L’attention que l’on prête à l’enfant n’est que l’ombre et le fantôme de l’attention véritable ». L’enfant raisonne, mais à sa manière. Il a beaucoup de mémoire, mais localise mal ses souvenirs. Son imagination est incohérente. Sa volonté « ne voit que les manifestations de ses désirs » ; elle est même inexistante, si on entend par là une libre détermination. Cependant toutes les facultés sont en l’enfant. Ainsi la généralisation, considérée comme le fait d’une intelligence développée, est pratiquée par l’enfant : il appellera, par exemple, « canard » l’eau et les oiseaux après qu’on lui ait désigné par ce mot un oiseau sur un étang.
37Cela justifie donc l’intervention du maître-éducateur, qui, s’appuyant sur des virtualités, pourra utiliser des méthodes non cœrcitives, aider un développement, appeler l’élève à coopérer, mais qui devra cependant redresser, corriger, réduire des différences. Il ne s’agit plus de dresser, mais il faut régler. A cela contribuent non seulement les matières enseignées, mais la manière de les enseigner, le cadre de l’école, les manières de se comporter à l’égard de l’écolier, etc.
38Considérons d’abord l’éducation intellectuelle et les facultés correspondantes : il faut, selon Gérando, faire naître l’attention, cultiver l’imagination en la réglant par la mémoire, former le jugement et développer la raison. L’attention, la plus importante des facultés intellectuelles, n’existe pas en effet chez l’enfant : « les jeunes intelligences qu’on lui confie (à l’instituteur) ont été jusque là abandonnées au hasard, recevant mille impressions confuses, … errant sans dessein, ... ne se fixant sur rien, redoutant tout effort, fuyant tout ce qui paraît sérieux »61. Fixer une intelligence vagabondant selon son désir : voici donc ce que doit d’abord faire l’école. Mais elle ne le fera plus en supprimant tout plaisir : il faut, au début du moins, rendre l’étude attrayante, quitte à amener progressivement l’élève à accepter l’effort que demande tout travail. A point nommé, les psychologues appelleront attention volontaire62 ce qu’il s’agit de créer ainsi chez l’enfant.
39Cette opposition écolier attentif / enfant dissipé, qui définit l’un des axes principaux de la pédagogie, n’a pas que des aspects intellectuels : celui qui ne sait pas écouter avec attention « sera négligent et relâché dans l’exécution » des conseils et des ordres qu’il recevra plus tard dans la vie, « commettra des oublis, des bévues, des fautes »63. Aussi le futur maître reçoit-il une série de directives et d’éclaircissements, qui doivent lui permettre de reconnaître l’attention chez les élèves, en la distinguant de l’apparence d’intérêt que savent donner certains, et surtout lui permettre de l’obtenir : rester en place et exiger que tous les yeux soient tournés vers lui, détecter la « tenue penchée » ou les « yeux vagues », parler doucement, adresser des questions à l’ensemble de la classe, exposer avec ordre, précision et un air d’intérêt, sans chercher à amuser…
40La fixation de l’écolier est également le but à atteindre par l’éducation de l’imagination. A la différence de l’attention, l’imagination n’est pas à susciter, car l’enfant n’en manque pas. On ne doit pas non plus l’étouffer, car elle est nécessaire à l’industrie de l’homme, à sa prévoyance64. Mais cette faculté se « dérègle » voire même se « déprave ». L’instituteur sera donc « un gardien préposé pour garantir de tout danger cette faculté précieuse, mais aveugle »65. Elle sera contre-balancée par la mémoire et réglée par la raison.
41L’instituteur devra encore veiller à ce que le jugement des élèves « procède avec rectitude »66. Car, là encore, les enfants pèchent par excès : ils jugent beaucoup, et sans savoir. Il va donc falloir réprimer : « ne lui faites jamais grâce, quand vous le voyez parler sans savoir ce qu’il dit ; contraignez-le alors par vos questions à se l’avouer à lui-même... Il apprendra à s’abstenir »67. C’est ici qu’intervient la raison comme régulatrice, et aussi l’observation des choses. N’entretenir l’enfant que de notions simples, ou du moins toujours partir du simple en procédant par enchaînement progressif d’idées, donner une formule sensible, un corps aux idées par des exemples et de nombreuses applications, c’est faire en sorte qu’on ne se paie pas de mots et qu’on n’avance rien à la légère. La raison est encore développée grâce aux nouvelles méthodes : écrire en déduisant les formes composées des formes simples, lire avec la nouvelle épellation exercent l’intelligence, alors que l’on procédait autrefois de façon mécanique. De plus l’instruction comprend désormais d’autres matières.
42Le défaut de jugement, « mille fois pire que l’ignorance »68, doit être combattu par l’observation portant sur les faits. Ce sera l’un des rôles de l’histoire naturelle, et plus généralement de cette méthode intuitive préconisée par celui que l’on considère toujours comme le plus grand pédagogue de tous les temps : Pestalozzi. L’enfant est léger, mobile : il faut l’habituer à considérer un objet sous toutes ses faces, car l’esprit faux ne voit qu’un côté des choses. Les élèves doivent enfin, selon un principe rousseauiste, être amenés à observer, en matière morale, les conséquences de leurs actes.
43Il faut, d’une certaine manière laisser l’enfant expérimenter, essayer, voir par lui-même les erreurs qu’il commet, car si on le tient toujours par la main, il ne saura jamais se conduire. Ses jugements hâtifs, il vaut mieux qu’il les corrige par ses propres réflexions, au lieu que ce soit l’instituteur qui le corrige. La raison est donc ce pouvoir sur soi-même qui remplace le pouvoir d’un autre, exercé de l’extérieur. La raison des pédagogues est une discipline, plus précisément l’auto-discipline. En la développant chez l’enfant, l’école mène un combat. Contre quoi ? Gérando le dit nettement : « la raison est dans l’homme la compagne de la liberté : c’est parce qu’il est libre d’agir, qu’il doit savoir se gouverner »69.
44En matière morale, c’est par la conscience que « l’homme devient son propre régulateur ». Les sentiments nobles, les affections bienveillantes qui peuvent être développés à l’école ne suffisent pas. Exerçant un « sacerdoce moral », l’instituteur doit présider aux premiers avertissements de la conscience, « cette voix intérieure qui nous enseigne à discerner le bien et le mal et qui nous révèle la sainte autorité du devoir »70. La loi de 1882, en fixant les caractères de la méthode d’enseignement moral, ne dissimulera pas que cette voix intérieure est le résultat d’une intériorisation : « la tâche (de l’instituteur) se borne à accumuler dans l’esprit et le cœur de l’enfant qu’il entreprend de façonner à la vie morale assez de beaux exemples, assez de bonnes impressions, assez de saines idées, d’habitudes salutaires et de nobles aspirations pour que cet enfant emporte de l’école, avec son petit patrimoine de connaissances élémentaires, un trésor plus précieux encore : une conscience droite »71. Mais si ce sur quoi l’éducation s’exerce est toujours présenté comme conscience et sens, c’est que les méthodes autoritaires sont rejetées : croire que l’enfant n’a pas le sentiment du devoir et se laisse conduire uniquement par l’autorité et l’imitation est, selon Gérando, l’erreur funeste de l’ancienne école.
45Cette école fondée sur la « puissance arbitraire de la contrainte et de la force »72 est, en effet, dangereuse pour l’ordre social, plus exactement pour le nouvel ordre, où l’autorité est respectée parce qu’elle incarne la loi. La discipline scolaire ne doit plus être une domination mécanique qui irrite, mais une discipline sage, raisonnée, et comprise comme l’ensemble des règles nécessaires à l’étude ainsi qu’à l’harmonie entre élèves.
46Toute intérieure également est la force qui résiste aux séductions, le « caractère ». A l’enfant inattentif de l’éducation intellectuelle correspond, pour l’éducation morale, l’enfant « dissipé », qui manque d’« application ». On peut encore trouver de nos jours, dans les carnets de notes des élèves, des appréciations de ce type, qui révèlent moins les catégories de l’entendement de l’instituteur que celles à lui imposées par le système73. La dissipation, équivalent enfantin du dérèglement adulte74, est l’absence de maîtrise de soi ; la qualité qu’il s’agit de faire acquérir à l’élève est la modération. Ici apparaît le lien, dans la pédagogie, entre le politique et ce qu’on appelle parfois la question du désir : « au milieu de l’inégalité des rangs et des conditions que les progrès de la civilisation ont introduite dans la société humaine, c’est la modification des désirs qui préserve la paix publique »75. Obtenir que l’élève s’applique, c’est enfin développer en lui une qualité qui est le courage, nécessaire pour affronter les difficultés de la vie.
47De quels moyens dispose l’école pour cette éducation ? Il y a, bien sûr, les exercices, la gymnastique, les entretiens sur des exemples... Mais il y a surtout la discipline : arriver à l’heure, renoncer au jeu pour entrer en classe, rester tranquille et observer le silence, bien se tenir, tout cela oblige l’élève à « une série de petits triomphes sur les penchants »76. Seulement là encore, il s’agit d’obtenir une disposition interne et permanente, une acceptation volontaire. Si l’élève subit par crainte, on n’obtiendra qu’une obéissance de surface et momentanée, qui laissera vite place à l’envie, au mécontentement, au refus. Le caractère, force permettant de résister aux penchants qui sollicitent la volonté, est précisément ce grâce à quoi l’enfant ne subira pas malgré soi un ordre imposé de l’extérieur mais accomplira son devoir. Aussi la discipline ne devra pas être trop minutieuse et trop rigoureuse et il faudra accorder à l’élève une certaine liberté : seules les méthodes qui « appellent l’enfant à coopérer » peuvent produire le résultat attendu77.
48La liberté introduite dans l’école est donc ce grâce à quoi sera obtenue une soumission. Aussi ne faut-il pas s’étonner que cette pédagogie ne renonce pas aux moyens qu’utilisait l’ancienne : tout au plus les modifie-t-elle et leur donne-t-elle une place subordonnée. Ainsi le Cours normal traite de l’habitude et de l’imitation comme ressorts de l’éducation. L’utilisation exclusive de la mémoire, habitude de l’esprit, a été condamnée ; il faut que l’élève apprenne à juger (correctement, on l’a vu), car sinon il appliquera mal des principes qu’il aura simplement retenus. Mais, une fois qu’il a compris, il faut qu’il apprenne. De même la fidélité au devoir fondée sur la seule habitude n’a que les effets extérieurs de la vertu : il faut la conscience pour que l’élève soit vraiment attaché à son devoir. L’habitude doit cependant être utilisée comme auxiliaire. On en vient ainsi à une distinction, empruntée à Maine de Biran, entre habitudes passives et habitudes actives. De même la disposition qu’ont les enfants à imiter doit être utilisée par l’instituteur, qui les aidera à distinguer la fausse et la vraie supériorité, en particulier par les sanctions : l’imitation sera alors « éclairée par le jugement » et « déterminée par l’estime »78.
49La nouvelle éducation n’est donc pas en rupture totale avec l’ancienne. Les impératifs qu’elle introduit convergent toujours vers l’odre. Le Cours normal de Gérando s’achève sur un véritable hymne : s’il demande aux instituteurs d’introduire « avant tout » l’ordre matériel dans l’école, c’est que celui-ci participe de l’Ordre, qui « assigne à chaque chose son but », sa place, son temps et sa mesure, qui « classe », « distribue », « proportionne » et « règle »79. On retrouve ici les accents des prédicateurs et des moralistes du XVIIème : arranger et prévoir, ne rien faire hors de propos... Seulement c’est désormais par l’intérieur de lui-même que l’être est assujetti à l’ordre.
50De plus, comme on l’a vu avec les rééditions de la Conduite, la pédagogie du XIXème adjoint à l’ordre le travail. S’agit-il d’une autre finalité, et faut-il y rattacher certaines au moins des transformations que nous avons repérées ? La préparation du futur travailleur est, bien sûr, un souci pour les hommes qui ont formé une Société pour l’instruction élémentaire après une Société pour l’encouragement de l’industrie nationale80. « L’instituteur primaire, en donnant à son élève le goût et l’habitude du travail, lui enseignera à bien travailler, c’est-à-dire à faire chaque chose avec méthode, à opérer avec suite, à finir, à perfectionner ; il tâchera de lui rendre la main leste, de lui faire acquérir un coup d’œil prompt et juste »81. Mais cette formation du travailleur d’industrie est seconde par rapport aux effets moralisateurs du travail scolaire : l’essentiel, c’est que ce dernier protège contre la mollesse, règle une activité primitivement « incertaine et vagabonde »82, préserve de l’ennui et du désordre, enseigne à se maîtriser.
51Le travail est donc étroitement lié à l’ordre : il l’établit et le conserve, tandis que l’ordre, à son tour, apporte le succès dans le travail. Finalement, nous ne sommes pas si loin de l’impératif auquel le mode simultané permettait de satisfaire : faire en sorte que l’élève soit toujours occupé, travaille sans cesse, afin qu’il ne s’habitue pas à la dangereuse oisiveté. Seulement l’école est désormais dotée d’un maître qui parle. Aussi lui est-il recommandé de faire comprendre aux élèves les conséquences de l’oisiveté : le mendiant, le vagabond, le débauché, le criminel, ... figures-repoussoirs que l’école n’a pas fini d’exhiber.
52L’école du XIXème ne forme pas l’ouvrier productif, mais le travailleur soumis et, plus généralement, le citoyen. En tant que telle, l’école a-t-elle d’ailleurs quelquefois formé la force de travail ? Comme le montrerait l’exemple de l’enseignement professionnel, lorsque l’industrie veut des producteurs sur mesure, elle détruit l’école. S’il y a, dans la « révolution pédagogique » du XIXème siècle, une recherche d’efficacité et d’économie, elle est politique. Témoin cette conférence aux instituteurs de Brême (1882) : « Les jeunes gens dressés de la sorte » (il s’agit des anciennes méthodes) « constituent plus tard au sein de la société un élément des plus dangereux ; incapables d’une obéissance intelligente et volontaire à la loi, ils sont de fait les pires ennemis des libertés publiques ; habitués à la férule, ils sont honnêtes par crainte de la police et ils coûtent plus en frais de gendarmerie à l’Etat que ne valent les services forcés qu’ils lui rendent »83.
53Certes, les classe laborieuses sont la cible principale de l’action pédagogique dont nous venons de voir les méthodes. Gérando, à la différence de nombre de ses successeurs, qui l’imiteront en tout sauf en cela, déclare attendre des « lumières de la raison » qu’elles conduisent les futurs ouvriers à se contenter de leur sort, à ne pas attenter à la propriété, à reconnaître l’utilité des machines... Lorsqu’il analyse les facultés, il glisse souvent de l’enfant en général à l’enfant de condition peu aisée, plus rude dans ses mœurs, dépourvu de bonnes manières, plus ignorant, plus simple aussi. Mais peut-être faut-il le prendre au mot : l’enfant des classes laborieuses n’est qu’un cas-limite, et tous les enfants sont justiciables du même traitement. De toutes façons, à ceux qui voudraient voir dans les méthodes pédagogiques essentiellement un instrument de domination et d’exploitation du prolétariat par la bourgeoisie, il incomberait d’expliquer qu’elles soient si semblables et qu’elles soient réformés en même temps dans les écoles primaires et dans les lycées.
54L’un des premiers actes de J. Ferry accédant au Ministère de l’instruction fut, en effet, de réformer profondément, comme l’a montré V. Isambert-Jamati84, l’enseignement secondaire : réforme des programmes (renforcement du français et des sciences naturelles au détriment du grec et du latin), mais aussi des méthodes. Il faut « donner l’habitude de la réflexion... et fortifier le jugement », aller des exemples à la règle, « du concret à l’abstrait »85 ; la discipline est assouplie. Plus tard, de 1895 à 1905, les discours de distribution des prix montrent que « le combat laïc » se déroule aussi dans les lycées, où il se traduit « par un intense culte des lumières, et par une grande confiance dans les possibilités humaines »86.
55L’école primaire qui s’élabore entre 1830 et 1880 (en France), se définit donc par ces méthodes, mais aussi par des matières nouvelles et une nouvelle façon de pratiquer les anciennes, en particulier la lecture et l’écriture. Retracer la constitution de ce qu’on nommera assez bien des disciplines va permettre de voir en particulier si les analyses de l’idéologie bourgeoise qu’elles diffusent en épuisent le sens.
Notes de bas de page
1 Discours au Congrès pédagogique, 2 avril 1880, cité dans P. Chevallier et B. Grosperrin, L’enseignement français de la Ṛévolution à nos jours, t. II, Paris, Mouton, 1971, p. 305.
2 Rapport sur les salles d’asile, 1881, cit. ibid., p. 301.
3 Cité dans Durkheim, L’évolution pédagogique en France, Paris, Alcan, 1938, t. II, p. 150.
4 Voir par exemple H. Waldeyer, « Zur enstehung der Realschulen in Preussen im 18. Jahrhundert… », in Schule und Staat im 18. und 19. Jahrhundert, Frankfurt, Suhrkamp, 1974, p. 146-170.
5 Op. cit., p. 143.
6 E. Durkheim, L’évolution pédagogique en France, 2ème éd., Paris, P.U.F., 1969, p. 327-328.
7 Id. Ibid., p. 330. L’auteur les appelle écoles secondaires : il s’agit plutôt d’écoles moyennes et les écoles primaires supérieures françaises seront un moment conçues selon ce modèle. La première Realschule fut créée en 1706.
8 Dictionnaire de pédagogie…, op. cit., art. « Felbiger ». Prélat catholique né en 1724, s’intéressant aux premières Realschulen, Felbiger fut, à la demande du gouvernement prussien, puis de Marie-Thérèse, l’un des principaux artisans d’une réforme qui, en 1774, rendait l’école obligatoire, créait une Hauptschule prolongeant la Trivialschule, et une Ecole normale.
9 H. Marion, Le mouvement des idées pédagogiques en France depuis 1870, Mémoires et documents scolaires, 2ème série, n° 1, Paris, 1889, Imprimerie nationale, p. 29 ; Travaux d’instituteurs…, Paris, Hachette, 1879, p. 19.
10 Constitutions du Monastère de Port-Ṛoyal du Saint-Sacrement, Paris, G. Desprez, 1721, p. 434-440.
11 Op. cit., p. 440-445.
12 Op. cit., p. 474.
13 Op. cit., « Avis sur la publication » (sans pagination).
14 Abrégé de l’histoire de Port-Ṛoyal, cité par F. Cadet, L’éducation à Port-Ṛoyal, Paris, Hachette, 1887, p. 56.
15 Op. cit., p. 392 et Sainte-Beuve, Port-Ṛoyal, Paris, Bibl. de la Pléiade, t. II, p. 454.
16 Op. cit., p. 395.
17 Op. cit., p. 410. Comme dans toutes les petites écoles, les élèves apprenaient lecture, écriture, arithmétique et catéchisme.
18 Op. cit., p. 410.
19 Op. cit., p. 409.
20 P. Benichou, Morales du Grand-Siècle, Paris, Gallimard, 1948, p. 187 et p. 196.
21 Voir P. Lallemand, Essai sur l’histoire de l’éducation dans l’ancien Oratoire de France, Paris, E. Thorin, 1887.
22 Voir les articles « Protestantisme », « Luther », etc. du Dictionnaire de Pédagogie de F. Buisson.
23 Voir La Ṛéforme et l’éducation, sous la direction de J. Boisset, Toulouse, Privat, 1974.
24 E. Durkheim, op. cit., p. 325-326. Les mots soulignés le sont par nous.
25 Ibid., p. 326.
26 Ibid., p. 34.
27 Ibid., p. 327.
28 H. Portelli, Gramsci et la question religieuse, Paris, Anthropos, 1974, p. 111.
29 Cité ibid., p. 112.
30 Cité ibid., p. 111 et p. 112.
31 Ibid., p. 94-95.
32 Cité ibid., p. 113.
33 Cité ibid., p. 120. Voir aussi, sur le lien révolution politique-révolution religieuse, R. Aron, Les étapes de la pensée sociologiques, op. cit., p. 241.
34 Cité ibid., p. 115. Ce texte peut, malgré tout ce qui les sépare, être rapproché de celui où Durkheim parle du développement de l’idée d’éducation nationale et du moment où la société se pense sous sa forme laïque.
35 Par exemple l’Italie, en raison de son passé et des concordats avec le Vatican, présente, en matière scolaire, des particularités par rapport à d’autres pays même catholiques. Gramsci montre comment le monopole de l’enseignement primaire y a été laissé à l’Église.
36 L’expression est dans la préface au livre cité de R. Balibar et D. Laporte, Le français national. On ne peut que souscrire à l’intention des auteurs de débarrasser l’histoire de la scolarisation de toute téléologie et dénoncer avec eux la fonction du mythe de 89 dans l’idéologie bourgeoise de 1880. Mais nous ne pouvons faire nôtres les interprétations qu’ils donnent de la politique scolaire révolutionnaire.
37 Cité dans Le génie de la Ṛévolution considéré dans l’éducation, (par J.B.G. Fabry) t. I, Paris, Lenormant, 1817, p. 32.
38 Bouquier, cité ibid., p. 68-69.
39 Rapport de Daunou et Décret du 26 avril 1795, cité ibid., p. 220.
40 J.B.G. Fabry, op. cit., p. 205. Le titre du livre ne doit pas faire illusion : le « génie de la Révolution » est, pour l’auteur, le malin génie. Le sous-titre du Tome II est : « où l’on voit les efforts réunis de la Législation et de la Philosophie du XVIIIème siècle pour anéantir le Christianisme ». Cet ouvrage est intéressant car, le plaidoyer laissant place aux pièces à conviction, il réunit des textes mal connus et épars.
41 L’évolution pédagogie en France, op. cit., p. 348.
42 Op. cit., p. 346.
43 Rapport de Fourcroy, 13 juillet 1796, cit. dans Le Génie de la Ṛévolution..., op. cit., t. II, p. 279.
44 Daunou, cit. ibid., p. 228.
45 Cit. ibid., p. 349.
46 Cit. IWd., p. 196.
47 Ibid., p. 304.
48 Condorcet, cit. ibid., t. I, p. 25.
49 Cité ibid., t. I, p. 30. Notons en passant le paradoxe du développement du capitalisme et de la fin des armées de mercenaires.
50 J. Starobinski, L’invention de la liberté, Genève, Skira, 1964, p. 12.
51 J. Starobinski, « 1789 et le langage des principes », Preuves, n° 203, janvier 1968, p. 27.
52 Id. ibid., p. 28. Sur la fête révolutionnaire, voir également M. Ozouf, La fête révolutionnaire (1789-1799), Paris, Gallimard, 1976.
53 Cité dans Le génie de la Ṛévolution, op. cit., t. II, p. 75.
54 Le style éducatif des Jansénistes semble s’être prolongé dans des écoles comme celles des Frères du Faubourg Saint-Antoine, fondées par l’abbé Tabourin en 1712.
55 Cours normal des instituteurs primaires..., par M. Degérando, Paris, Renouard, 1832, p. 202.
56 Ibid., p. 201.
57 Ibid., p. 44.
58 Chapitre V de la 2ème partie : « Des corrections ».
59 Cours normal…, op. cit., p. 383.
60 Dictionnaire de Pédagogie…, op. cit., art. « Facultés de l’âme ». L’article « Psychologie » montre simplement l’utilité de cette science pour les éducateurs et la manière dont elle doit être enseignée dans les Ecoles normales.
61 Cours normal…, op. cit., p. 84.
62 L’exemple que donnent les psychologues de l’attention volontaire, distinguée de l’attention spontanée, est généralement celui de l’attention de l’écolier...
63 Dictionnaire de Pédagogie…, op. cit., art. « Attention ».
64 Cours normal…, op. cit., p. 95.
65 Ibid., p. 98.
66 Ibid., p. 108-115.
67 Ibid., p. 116.
68 Ibid., p. 108.
69 Ibid., p. 129.
70 Ibid., p. 227.
71 Programme des écoles primaires (Exposé préliminaire) du 25 juillet 1882, cité dans Dictionnaire de Pédagogie…, op. cit., art. « Morale ».
72 Cours normal… op cit., p. 234.
73 P. Bourdieu et M. de Saint-Martin, « Les catégories de l’entendement professoral », Actes de la recherche en sciences sociales, Mai 1975, n° 3, p. 68 et suiv. Cet article montre le lien qui existe entre les appréciations des professeurs et la classe sociale à laquelle appartient l’élève.
74 Cours normal… op. cit., p. 316.
75 Ibid., p. 315.
76 Ibid., p. 322.
77 Ibid., p. 323. Il faut évoquer ici le rôle que prendra la coopération dans la psychologie génétique et la pédagogie de J. Piaget.
78 Ibid., p. 355-356.
79 Ibid., p. 375-376.
80 Créée en 1800. Le baron de Gérando en fut aussi secrétaire général.
81 Cours normal…, op. cit., p. 369.
82 Ibid., p. 371.
83 Dictionnaire de Pédagogie…, op. cit., art. « Punitions ».
84 V. Isambert-Jamati, Crises de la société, crises de l’enseignement, Paris, P.U.F., 1970.
85 Op. cit., p. 108.
86 0p. cit., p. 323.
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