La coexistence en milieu urbain : échanges, conflits, transaction1
p. 183-202
Texte intégral
Les pages qui vont suivre reprennent et prolongent une conférence prononcée à l’Université catholique de Louvain lors d’un colloque organisé en hommage à Jean Remy2. Le paradigme de la transaction sociale guide depuis longtemps les travaux de Jean Remy. Placée sous le signe de cette thématique, la rencontre invitait des chercheurs s’inscrivant dans d’autres mouvances à relire la question de la transaction sociale à partir de leurs propres travaux et des approches qu’ils privilégient. C’est donc un ensemble de réflexions personnelles et sans doute passablement périphériques que l’auteur esquisse, en prenant pour fil conducteur l’intérêt qu’il partage avec Jean Remy pour les questions touchant à la ville.
1Pour cadrer mon propos, je partirai d’un jeu de mots, ou plutôt de jeux sur un mot, celui de « composition ». Ne peut-on pas dire, en effet, que la ville est, par excellence, un lieu de composition, dans les divers sens que ce terme revêt ?
2La composition peut d’abord s’entendre comme coprésence, comme configuration associant des éléments différents qui sont, en suivant l’étymologie, « posés ensemble » et agencés entre eux.
3Coprésence, déjà, de structures bâties, de réseaux de communication, d’objets matériels, de formes urbaines. Certaines de ces réalités physiques peuvent d’ailleurs porter témoignage de projets explicites de mise en ordre, de « composition » au sens où l’on compose un tableau, par exemple. Mais avec cette différence que l’espace urbain est le produit sédimenté d’intentionnalités multiples, concurrentes ou successives, qu’il est de l’histoire accumulée et réinterprétée. C’est un thème qui était particulièrement cher à l’historien Bernard Lepetit, trop tôt disparu : le temps des villes est à la fois histoire et mémoire ; à la fois temps des choses, temps des hommes et temps des signes ; à la fois mosaïque de traces anciennes et mise au présent de ces traces.
4Coprésence aussi, bien entendu, de populations plus ou moins hétérogènes dont les habitats, les réseaux relationnels et les pratiques se distribuent selon certaines règles au sein de l’espace de la ville. Dans ce « gigantesque mécanisme de tri et de filtrage » (Park, 1979) dont est faite la grande agglomération, de multiples processus s’enchevêtrent. Le devenir des villes est inséparable du mouvement des hommes. Mais ces mouvements sont très largement canalisés par divers ordres de déterminants, qui sont en partie imputables au cadre urbain lui-même. La structure du parc de logements, sa distribution territoriale, la conjoncture de l’offre immobilière et locative, la configuration des activités et des emplois, les interventions des pouvoirs publics commandent de multiples manières le jeu des migrations, des mobilités et des immobilisations dans l’espace urbain. En partie aléatoires, ces mouvements sont aussi en partie régulés par les acteurs professionnels publics ou privés qui interviennent de diverses manières dans les appariements entre les personnes et les lieux, dans la composition sociale des espaces résidentiels : architectes et urbanistes, opérateurs de réhabilitation, gestionnaires du parc locatif social, agents immobiliers et administrateurs d’immeubles dans le secteur libre, etc.
5La combinaison de tous ces mouvements et de toutes ces actions se traduit tant dans les structures matérielles de la ville que dans la distribution territoriale des activités, des groupes sociaux et des pratiques. Ainsi entendue, l’idée de composition urbaine rejoint le programme durkheimien d’analyse des morphologies, c’est-à-dire des formes relativement stabilisées, voire « cristallisées », de la vie sociale.
6Les configurations socio-spatiales qui résultent ainsi du jeu combiné de multiples actions individuelles ne coïncident pas forcément avec ce qui était voulu par les acteurs. Quand on l’entend non plus comme résultat mais comme processus, la notion de composition peut être considérée comme un équivalent de celle d’agrégation, au sens précis que lui donne le paradigme de l’individualisme méthodologique. C’est d’ailleurs bien cette terminologie que Raymond Boudon privilégie en définitive, de préférence à des expressions plus restrictives ou plus connotées comme celles d’« effets inattendus », d’« effets non voulus » ou d’« effets pervers »3. Qu’ils procèdent par simple sommation de décisions ponctuelles ou qu’ils résultent de structures d’interaction plus complexe, les effets de composition marquent l’écart entre les logiques qui animent les actions individuelles et celles qui découlent de l’interdépendance entre ces actions.
7Par vocation, la sociologie urbaine est familière de cette gamme particulière d’effets de composition où les espaces – produits, aménagés, habités, pratiqués – s’interposent en tiers, avec leurs contraintes et leurs rigidités, entre les intentions des individus et les résultats agrégés de leurs interactions. C’est ainsi, par exemple, que les processus de ségrégation combinent en proportion variable la mise à l’écart délibérée de l’autre, la recherche du semblable, mais aussi les inégalités de ressources dans l’accès au logement. Le célèbre modèle de Thomas Schelling simplifie les choses à l’extrême, en ne prenant en compte que les propriétés géométriques de l’espace (Schelling, 1980). Mais il illustre de façon exemplaire l’idée selon laquelle l’effet combiné d’exigences minimales en matière de voisinage peut, sous certaines conditions, engendrer des configurations ségrégatives qui contredisent la relative mixité résidentielle dont chaque individu pris en particulier aurait accepté de se satisfaire. Plus précisément, dès lors que les choix résidentiels engagent des « perceptions discriminatoires », qui distinguent les voisins souhaités de ceux qui sont seulement tolérés dans certaines limites, s’amorcent des processus en chaîne dont les effets collectifs peuvent outrepasser de beaucoup les intentions des agents. Le modèle de Schelling propose ainsi une version formalisée de schémas d’analyse que l’on retrouverait aisément dans de nombreux travaux empiriques qui, de l’école de Chicago à nos jours, se sont intéressés aux processus d’« invasion », de « succession », de « ghettoïsation », de « gentrification », etc., qui scandent le devenir des espaces urbains.
8Le terme de composition renvoie enfin à un troisième registre sémantique, celui du compromis, de la négociation, ou encore – faut-il le dire ? – de la transaction. Dans la mesure où la ville est un espace partagé, elle est un milieu de vie qui amène tout un chacun à « composer » avec autrui et peut-être, du coup, avec soi-même. Et ce d’autant plus que la ville-milieu est aussi un objet d’enjeux, lesquels structurent de multiples façons les relations entre les citadins, les institutions et les groupes sociaux. Les rapports de coopération, de concurrence ou de conflit diffèrent selon la nature de ces enjeux : propriété du sol ou du bâti, appropriation matérielle ou symbolique des territoires urbains, protection de l’intimité domestique ou de l’entre-soi social, accès aux services collectifs ou aux espaces publics...
9La question du compromis se trouve engagée, déjà, dans les diverses formes d’actions sur la ville : compromis entre État central et collectivités locales, entre élus, fonctionnaires, experts et porte-parole des habitants, chacune de ces catégories d’acteurs étant porteuse d’intérêts, de rationalités, en tout cas de points de vue différents. La figure du compromis est sans doute inhérente à la mise en œuvre de tout projet urbanistique, car, dans le temps même où il se « réalise », le projet compose nécessairement avec les objets urbains qui lui préexistent et avec tous les autres projets individuels ou collectifs auxquels il se trouve confronté (Grafmeyer, 1994 b).
10C’est un aspect qui ne sera pas développé ici. Mais, de façon analogue, la problématique de la composition, entendue dans ce dernier sens, peut tout aussi bien être mobilisée pour comprendre les manières de cohabiter qui s’instaurent, au quotidien, entre des populations hétérogènes amenées à partager un même espace de vie.
11À bien des égards, ce troisième halo de sens qui entoure la notion de composition occupe pour notre propos une position centrale. D’abord, parce que le compromis est l’une des modalités à retenir pour analyser les processus d’agrégation des actions individuelles. Ensuite, parce que ce sont bien ces processus qui commandent la genèse et le devenir des configurations socio-spatiales qui « composent » la ville. Réciproquement, ces configurations sont autant de cadres qui structurent les formes de coprésence entre les citadins et contextualisent leurs interactions.
12Puisqu’il sera plus particulièrement question ici des coexistences en milieu urbain, on peut d’abord se demander quelles sont les grandes catégories selon lesquelles sont habituellement énoncés les principes constitutifs de l’hétérogénéité des populations urbaines. Dans un deuxième temps, quelques travaux empiriques seront pris comme autant d’illustrations de la diversité des contextes locaux au sein desquels se structurent concrètement les différences et s’organisent les coexistences. Dans un troisième temps, ces considérations seront prolongées par une réflexion plus théorique sur la question de la transaction, à partir d’un commentaire libre d’un texte fondateur dont l’auteur fait partie du Panthéon de Jean Remy, puisqu’il s’agit de Max Weber.
Distance sociale et altérité : deux dimensions imbriquées dans l’hétérogénéité urbaine
13La ville, selon la célèbre formule de Louis Wirth, peut être définie comme « un établissement relativement important, dense et permanent d’individus socialement hétérogènes » (Wirth, 1979). Selon quels critères doit-on apprécier, voire mesurer, cette hétérogénéité ? En quoi des individus ou des groupes simultanément présents dans un même contexte d’habitat ou dans un même espace public peuvent-ils être dits différents, distants, hétérogènes les uns aux autres ?
14Les réponses données par les sciences sociales sont dominées par une distinction récurrente entre deux ordres de distances, deux dimensions principales de l’hétérogénéité.
15Au sens strict, la distance « sociale » renvoie aux places occupées dans la division du travail, aux hiérarchies socio-économiques qui en découlent. Les ressorts et les manifestations de cette forme de distance peuvent être considérés à partir de points de vue théoriques forts différents, selon que l’on adopte une approche en termes de rapports de classes, ou que l’on privilégie la description empirique de milieux socioprofessionnels ou de niveaux de stratification. Mais, dans tous les cas, prévaut l’idée d’une différenciation fonctionnelle entre des positions sociales complémentaires et interdépendantes.
16En un deuxième sens, la distance renvoie aux différences liées à la nationalité, à l’origine géographique ou « ethnique », aux références culturelles, à la religion, etc. Ces différences se traduisent par des écarts plus ou moins marqués dans les visions du monde, dans les manières d’être et les manières d’agir. Peut-être en va-t-il aussi de même, dans une certaine mesure, pour les groupes sociaux. Mais les différences de ce deuxième type n’en sont pas moins d’une autre nature. En tant que telles, elles n’impliquent ni complémentarité ni hiérarchie. Elles sont bien plutôt de l’ordre de l’altérité intrinsèque, de l’extériorité mutuelle entre des univers étrangers les uns aux autres. La discipline anthropologique s’est très largement construite autour de cette dimension-là de la diversité humaine, comme le rappelait récemment Carmen Bernand : « La reconnaissance de différences culturelles irréductibles – ainsi que la mise sur un pied d’égalité de toutes les cultures humaines – sont les deux grands postulats de l’anthropologie. » (Bernand, 1994, p. 73).
17Cette vision dualiste de la problématique des différences est assumée plus ou moins explicitement par de très nombreux auteurs. La question à laquelle ils se trouvent dès lors confrontés est celle des rapports qui s’instaurent entre les deux dimensions ainsi distinguées. Comment doit-on les articuler théoriquement l’une à l’autre ? Comment interfèrent-elles et se combinent-elles en pratique dans les logiques de peuplement, dans les processus ségrégatifs, dans les catégories de perception et les relations interpersonnelles ?
18De telles questions sont bien au cœur des pages que Max Weber consacre, dans la deuxième partie d’Économie et société, à la notion de communauté ethnique (1971)4. Weber, on le sait, éprouvait une grande méfiance vis-à-vis du concept d’ethnie, dans lequel il voyait « un fourre-tout inutilisable pour une recherche véritablement exacte ». « Le concept de communauté “ethnique”, ajoute-t-il, se volatilise lorsqu’on tente de le conceptualiser avec précision. » Sans pour autant l’évacuer, il s’attache à le relativiser de deux manières. D’une part en considérant que, à bien des égards, le concept de nation apparaît sociologiquement plus pertinent. Mais aussi en confrontant méthodiquement la logique de l’appartenance communautaire avec celle de l’appartenance à un statut social. L’honneur ethnique, explique-t-il, doit être tenu pour « tout à fait analogue » à l’honneur d’un groupe social, car l’un et l’autre se fondent en définitive sur « les mêmes objets de différences spécifiques ». Ils se distinguent cependant sur deux points.
19D’abord, les statuts sociaux sont nécessairement distribués selon une échelle verticale qui hiérarchise des rangs sociaux, alors que les oppositions ethniques n’impliquent pas, dans leur principe, une subordination : derrière les oppositions ethniques se trouve, d’une manière ou d’une autre, « l’idée de “peuple élu” qui est simplement, transféré sur le plan horizontal, le pendant des différenciations sociales ». En tant que telle, chaque communauté ethnique est intrinsèquement distincte d’une autre : elle est à côté, en dehors, mais non point au-dessus ou au-dessous.
20Du coup, et c’est le second point, les relations entre les personnes qui diffèrent au regard de l’appartenance ethnique tendent à être marquées par une distance plus forte que celle qui sépare les divers degrés de l’honneur social. Le plan « horizontal » est celui de l’altérité radicale, si bien que « la répulsion ethnique se cramponne à toutes les différences imaginables en matière de “convenances” et, en fait, de conventions ethniques ».
21Mais, une fois posée cette distinction idéaltypique, l’essentiel aux yeux de Weber consiste à analyser en sociologue comment ces deux principes de distance se répondent, interfèrent et s’imbriquent dans tel ou tel contexte sociohistorique particulier. D’un côté en effet, c’est bien parfois une distance de type quasiment ethnique qui peut régir les rapports entre de simples groupes sociaux : aussi la communauté ethnique peut-elle être considérée comme « la limite de la communauté de relations sociales ». Réciproquement, la logique de l’honneur ethnique est souvent prise dans des rapports de subordination socio-économique, comme l’illustre l’exemple nord-américain sur lequel Weber s’appuie.
22Un mouvement comparable d’aller-retour et de retraduction mutuelle entre ces deux dimensions de la distance sociale est également présent dans les écrits de Park, de Burgess et de leurs collaborateurs à l’Université de Chicago.
23La ville de Chicago, dont la croissance rapide reposait en grande partie sur l’immigration, était à leurs yeux un « laboratoire social » privilégié pour l’étude des relations entre les groupes sociaux, mais aussi entre les communautés de diverses origines. Nombre de leurs travaux ont cherché à comprendre comment la grande ville se nourrit des différences d’origines et de cultures qui lui préexistent, réaménage ces différences et les redistribue continûment dans son propre système de lieux, de métiers et de statuts sociaux. Contre les interprétations culturalistes, voire biologisantes, qui invoquaient le poids des spécificités raciales, ils se sont attachés à étudier sur le terrain les conditions de vie des différents groupes issus de l’immigration, la diversité des parcours individuels au sein de la société américaine, le renforcement des tensions interculturelles par les inégalités économiques.
24Pour autant, les sociologues de Chicago ne considéraient nullement que le milieu urbain fonctionnait à sens unique comme une sorte d’immense machine à résorber les différences de cultures dans un système de groupes socioprofessionnels.
25Certes, la plupart d’entre eux ont adhéré aux thèses assimilationnistes selon lesquelles les générations successives issues de l’immigration sont appelées à perdre une bonne partie de leurs traits distinctifs et, surtout, à participer activement au fonctionnement de la société d’accueil. Mais ils ont aussi insisté avec force sur l’importance des institutions communautaires et des regroupements territoriaux qui assurent aux migrants, au moins à titre transitoire, une fonction de relais sur la voie de l’intégration.
26Plus fondamentalement, ils ont développé l’idée selon laquelle les distances qui séparent les citadins ne sont pas qu’une affaire d’hétérogénéité sociale ou d’inégalités économiques. Même lorsqu’il y a communauté de statut ou identité de profession, cette proximité objective n’abolit pas les écarts tenant aux parcours individuels, aux manières de vivre, aux projets d’avenir, etc. La multiplicité même des occasions de contacts est source d’une réserve ordinaire dans les interactions, si bien que la figure emblématique de l’étranger en vient pour ces auteurs, à la suite de Simmel, à fournir des cadres d’analyse pour l’ensemble des relations entre citadins, fussent-ils proches culturellement et socialement.
27Sous une forme encore bien différente, c’est toujours ce même chassé-croisé entre la problématique de la stratification sociale et celle de l’altérité culturelle (ou « ethnique ») que l’on retrouve dans l’œuvre de Maurice Halbwachs. En effet, on ne peut manquer d’être frappé par le contraste entre d’une part la lecture que fait l’auteur des travaux de ses collègues de Chicago (Halbwachs, 1932) et, de l’autre, sa propre théorie des niveaux de vie et des rapports entre classes5.
28Dans le premier cas, son souci dominant est de substituer une analyse proprement sociologique de la hiérarchie des groupes sociaux à la description superficielle des diversités ethniques. « Lorsque, écrit-il, on inscrit des noms de races ou de nationalités sur les différents quartiers, Chicago ressemble en effet à une mosaïque. Effaçons ces noms, et disons qu’il y a ici beaucoup de manœuvres, attachés à la grande industrie, là, des artisans, des ouvriers qualifiés, des commerçants, des clercs, des employés, etc. Au lieu d’une série de quartiers juxtaposés, nous apercevons une succession de couches sociales superposées. »
29Pourtant, cette priorité qu’Halbwachs accorde aux divisions sociales sur les différences culturelles, à la « superposition » sur la « juxtaposition », se trouve en partie relativisée par ses écrits sur la classe ouvrière française. La notion de « mentalité ouvrière » suggère en effet que les inégalités de positions dans le système des métiers sont au principe de degrés inégaux de participation à la vie sociale et, au bout du compte, d’un écart d’ordre culturel, et non pas seulement socio-économique, entre le monde ouvrier et la bourgeoisie. Étranger dans sa propre société, exclu du monde civilisé, l’ouvrier est à peu près conçu, selon le mot de Michel Verret, « comme le primitif des sociétés occidentales » (Verret, 1972, p. 329).
30Cet entrelacs entre les deux dimensions de l’hétérogénéité urbaine a souvent été gommé par l’empirisme des techniques qui visent à en saisir les manifestations par une mesure chiffrée des distances spatiales ou des distances relationnelles. En effet, ces mesures peuvent être appliquées indifféremment aux stratifications socioprofessionnelles ou à des groupes définis par l’origine nationale, l’ethnie ou la religion. La remarque vaut par exemple pour les indices de dissimilarité ou de ségrégation, qui peuvent se fonder tour à tour sur divers critères de partition pour évaluer les proximités et les distances résidentielles entre les sous-populations ainsi distinguées. Elle vaut, tout autant, pour les diverses échelles d’attitude qui ont cherché à apprécier le degré d’acceptation ou de rejet (comme conjoint, comme ami, comme voisin, comme collègue, etc.) de personnes appartenant à des groupes sociaux, religieux ou ethniques différents de ceux auxquels appartiennent les enquêtés. Là encore, la procédure technique aboutit à placer sur le même plan les différences tenant au statut socio-économique et les différences d’ordre culturel ou ethnique, exactement comme le font de leur côté les mesures de la distance spatiale.
31Pour autant, l’accumulation de ces dispositifs empiriques n’a pas conduit à évacuer les questions plus théoriques que posaient, chacun à sa façon, les quelques auteurs cités plus haut. Ces questions trouvent même aujourd’hui un regain d’actualité, comme en témoignent aussi bien les controverses nord-américaines autour des concepts alternatifs d’underclass et d’enclave ethnique, ou encore les analyses qui visent à cerner les rapports entre les processus de désinsertion économique et les mécanismes de discrimination.
32Par-delà la diversité des mouvances intellectuelles, des objets de recherche et des terrains d’étude, certaines affinités se font jour dans la manière même d’énoncer les questions. En particulier, on ne peut qu’être frappé par la récurrence de la métaphore spatiale qui distingue deux plans orthogonaux, le vertical et l’horizontal6. Jusqu’à quel point sommes-nous prisonniers de ce qui n’est après tout qu’une image, certes commode, mais qui n’est sans doute pas sans effets sur notre manière de penser la question des différences, des distances et des coexistences ?
La structuration locale des différences et des formes de coexistence
33Même quand elles ne sont pas théorisées de manière aussi explicite que dans les textes classiques qui viennent d’être mentionnés, ces catégories de pensée demeurent à l’œuvre quand il s’agit d’analyser concrètement comment se construisent les identités, les distances et les tensions entre des citadins qui se trouvent en situation de coprésence au sein d’un même espace de vie. Mais les rapports qui s’instaurent localement entre les habitants ne sont pas la pure réplique de ceux qui peuvent être conceptualisés à un niveau plus abstrait ou à une échelle sociétale plus large. Le savoir accumulé au fil d’innombrables études de cas met en évidence la très grande diversité des enjeux et des modalités de la coexistence en milieu urbain. Selon les contextes locaux, selon les échelles d’observation, des éléments très variables interviennent dans la structuration des perceptions mutuelles, des évitements, des tensions, des conflits, mais aussi des ajustements, des négociations, des compromis.
34À titre d’exemple, revenons un instant sur l’opposition tourainienne entre le centre et la périphérie, les in et les out. Elle peut s’entendre en fait de diverses manières et apparaît souvent surdéterminée dès lors qu’on cherche à en cerner le contenu et les manifestations dans un contexte précis.
35Cette opposition, qui renvoie à des processus socio-économiques très généraux, peut instaurer localement des lignes de partage et de tension au sein des habitants d’un même quartier. Lignes de partage en fonction des positions objectives, mais aussi en fonction des perspectives d’avenir que chacun attribue à soi-même et aux autres habitants de son voisinage. Ces tensions risquent d’autant plus de se développer lorsque le lieu d’habitation est, globalement, placé sous le signe de l’out, de la marginalisation sociale et spatiale : « Ce qu’on appelle du terme symbolique la banlieue, c’est justement cette zone de grande incertitude et de tensions où les gens ne savent pas s’ils vont tomber du côté des in ou des out. » (Touraine, 1991, p. 8)
36Même si l’exclusion du marché du travail ne frappe qu’une minorité des habitants, des processus cumulatifs se développent et aggravent globalement les fragilités économiques, les difficultés scolaires, les tensions entre voisins et l’image négative de soi. Soucieux de marquer leur distance avec un lieu de vie auquel ils refusent de s’identifier, beaucoup vivent difficilement l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent de le quitter. Par-delà l’homogénéité apparente des conditions de vie, les relations locales sont dès lors altérées par diverses formes de microdistinctions, de répulsions mutuelles et de repli sur l’intimité du foyer domestique. Paradoxalement, l’action des pouvoirs publics peut avoir pour effet d’alimenter et même de conforter ces phénomènes. D’une part, en délimitant des quartiers, des zones, des périmètres qui deviennent officiellement étiquetés comme cibles privilégiées des politiques sociales. D’autre part, en suscitant des formes spécifiques de distance et de discrédit mutuel entre des habitants qui, à un moment donné, se trouvent placés à des étapes différentes de la « carrière morale d’assistés » (Paugam, 1994).
37Ces processus n’engagent pas, dans leur principe, des écarts d’ordre proprement culturel. Bien au contraire, il a souvent été dit que les processus d’exclusion socio-économique sont d’autant plus douloureusement ressentis qu’ils frappent des populations qui, pour l’essentiel, adhèrent aux idéaux et aux modèles de consommation valorisés dans l’ensemble de la société (Dubet & Lapeyronnie, 1992). L’opposition in / out n’en interfère pas moins, dans bien des situations d’habitat, avec des différences d’origine supposées refléter des différences de « cultures ». D’une façon très générale, les clivages entre « ceux d’ici » et « ceux d’ailleurs », entre les installés et les nouveaux venus, jouent un rôle souvent décisif dans la structuration des perceptions et des interactions dans les espaces de proximité. Plus précisément, dans les contextes d’habitat qui se caractérisent par une hétérogénéité des origines géographiques ou nationales, la question de l’exclusion sociale ne peut être dissociée de celle des perceptions et des pratiques discriminatoires qui la redouble et, dans bien des cas, l’exacerbe.
38Mais, réciproquement, la concentration des processus d’exclusion et de marginalisation au sein de territoires stigmatisés n’est pas sans effets sur les nouvelles manières de percevoir et de décrire un monde populaire en train de se défaire. La fragilisation du rapport au travail et des liens sociaux peut en venir à alimenter des réinterprétations en termes d’altérité radicale, quand le regard porté sur les populations désaffiliées en fait des quasi-étrangers à leur propre cité. L’immigré n’est alors que la figure emblématique autour de laquelle se cristallisent des thèmes plus généraux, tels ceux de la « fracture sociale », de la « dualisation », ou de l’émergence de « nouvelles classes dangereuses » (Dubet & Lapeyronnie, 1992).
39Selon les espaces de vie, les deux composantes majeures de la distance sociale s’agencent diversement et interviennent de façon variable dans la production des dimensions qui sont localement pertinentes pour comprendre les systèmes d’attitudes et la dynamique des relations entre groupes. Les différences liées d’une part aux statuts socio-économiques et de l’autre aux origines nationales ou aux références culturelles, se réfractent toujours peu ou prou à travers le prisme des structures matérielles et des configurations sociodémographiques qui dessinent la physionomie de l’immeuble, de l’unité de voisinage, du quartier...
40Pour ne prendre qu’un exemple, la structure des âges peut conduire, selon les cas, à brouiller ou au contraire à amplifier les contrastes tenant à d’autres principes de différenciation. Le deuxième cas de figure peut être illustré par l’analyse bien connue que Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire ont conduite sur les grands ensembles d’habitat social de la région parisienne, à la fin des années soixante (Chamboredon & Lemaire, 1970). Ils montrent, en effet, que les logiques administratives qui commandent le peuplement de ces quartiers ont pour effet que les adolescents appartiennent pour l’essentiel aux familles les plus défavorisées. Deux mécanismes se conjuguent pour produire cette distorsion des classes d’âge : d’une part, les ménages aux salaires les plus modestes n’ont pu accéder au grand ensemble que s’il s’agissait de familles nombreuses, bénéficiant d’allocations familiales suffisantes ; d’autre part, elles ont généralement obtenu cette accession à un moment plus tardif de leur cycle de vie, et sont donc plus souvent en âge d’avoir de grands enfants. Cette surreprésentation statistique des jeunes d’origine populaire est rendue encore plus visible et plus sensible en raison de leur forte présence physique dans le quartier. Du coup, les différences sociales se trouvent étroitement associées à des différences d’âge, si bien que les conflits entre générations sont souvent des conflits entre adultes des classes moyennes et jeunes des classes populaires.
41Le raisonnement vaudrait, mutatis mutandis, pour une très large gamme de contextes d’habitat où la structure des âges n’est pas indépendante de celle des positions sociales ou encore des origines nationales : quartiers centraux anciens en cours de réhabilitation, cités d’habitat social où les familles issues de l’immigration coexistent avec des ménages à la fois plus âgés et plus anciens dans le quartier.
42En elle-même, l’ancienneté dans le logement ou dans le quartier est d’ailleurs bien souvent un fil conducteur utile pour comprendre la manière dont se construisent localement les liens interpersonnels, les engagements associatifs, tout autant que les évitements ou les exclusions réciproques. Si l’on suit les conclusions de beaucoup d’observations monographiques, l’ancienneté d’installation paraît bien exercer un effet plus décisif que ne le laissent supposer les données statistiques décontextualisées. Ces divergences d’appréciation sont sans doute en grande partie imputables à des différences de méthode. En effet, le traitement statistique d’un échantillon national conduit en général à utiliser une mesure standardisée de l’ancienneté. Mais beaucoup d’études localisées confirment que l’opposition entre « anciens » et « nouveaux » habitants, qui souvent structure fortement l’espace local, ne correspond pas aux mêmes durées objectives d’un site à l’autre, et peut aussi faire l’objet d’évaluations subjectives qui fluctuent selon les groupes d’habitants en présence. Indépendamment de divers facteurs liés à l’histoire et à la mémoire des lieux, les rythmes de peuplement et de rotation suffiraient déjà à expliquer l’existence de variations sensibles dans la définition de l’ancienneté selon que l’on a affaire, par exemple, à un quartier central ancien, à un périmètre réhabilité, à un grand ensemble d’habitat social ou encore aux habitants d’une ville nouvelle.
43Le statut juridique d’occupation fait aussi partie de ces données de contexte autour desquelles sont susceptibles de s’organiser des lignes de partage et des vecteurs d’interconnaissance. Ainsi, une enquête quantitative de grande envergure conduite sur l’ensemble des ménages habitant dans trois secteurs de la ville nouvelle de Melun-Sénart (Grupposo & Lellouch, 1993) montre que la propriété du logement s’y accompagne d’une sociabilité sensiblement plus développée, qui tend parfois à créer de véritables cercles d’affinité entre propriétaires. Cette variable interfère d’ailleurs avec les autres dimensions de la situation résidentielle : d’une part, propriété et habitat pavillonnaire sont ici très souvent associés et cumulent en ce cas leurs effets pour favoriser un « enracinement » propice à la constitution d’espaces relationnels ; d’autre part, la propriété renforce le sentiment subjectif d’ancrage local et tend du même coup à fonctionner, pour reprendre le mot de Claire Bidart, comme « une sorte d’ancienneté consentie par anticipation à cause du gage de stabilité qu’elle implique » (Bidart, 1988, p. 634).
44À d’autres égards, la propriété du logement est aussi, dans bien des cas, une source de désaccords et de conflits. Certaines tensions découlent, en particulier, des enjeux spécifiquement liés à la gestion d’une copropriété ; mais elles sont aussi un révélateur de tout ce qui peut se jouer dans la coexistence au quotidien de voisins plus ou moins dissemblables. Ce point a été bien mis en évidence par Marie-Pierre Lefeuvre dans une enquête pilote portant sur des copropriétés très récentes, mais déjà confrontées à une dégradation précoce du bâti (Lefeuvre & Clerc, 1996). Produite par des modes d’accès eux-mêmes différenciés, l’hétérogénéité sociale des copropriétaires se marque par leurs écarts de ressources, mais peut-être plus encore par la diversité de leurs origines, de leurs trajectoires et de leurs attentes. Cette hétérogénéité joue simultanément dans les deux champs relationnels que définit la situation de copropriété : celui de la cohabitation entre voisins et celui de la cogestion de l’immeuble. Les habitants eux-mêmes sont conscients de l’interférence entre ces deux registres lorsqu’elle devient source de tensions fortes, c’est-à-dire « lorsqu’ils jugent que les désaccords stratégiques empêchent les relations de bon voisinage, ou que les alliances et les conflits de l’ordre du voisinage brouillent la rationalité des stratégies ». La structuration en majorités et minorités plus ou moins stables, essentielle à la dynamique de l’action collective, se constitue à l’intersection de ces deux ordres de relations. On voit ainsi se polariser des différences sociales qui se traduisent non seulement par l’inégale capacité des ménages à faire face aux charges de copropriété, mais aussi par des alliances et des désaccords sur la définition même des problèmes à traiter et des modèles d’habitat qu’ils impliquent.
45Quant à l’opposition entre propriétaires et locataires, elle constitue un principe de distinction qui se révèle être très inégalement pertinent selon les contextes d’habitat. Ce point m’était apparu nettement lorsque j’avais comparé deux secteurs du centre de Lyon, qui pouvaient être jugés pourtant fort proches tant par leur localisation géographique que par leur commune image de quartiers plutôt aisés et « résidentiels » (Grafmeyer, 1991).
46Dans le premier cas, il s’agit d’un secteur ancien, caractérisé par une forte diversité des structures bâties. D’une façon générale, il n’y a pas de correspondance bien lisible entre la taille du logement, son emplacement dans l’immeuble, la position sociale de celui qui l’occupe, son ancienneté de présence dans l’immeuble, et son statut d’occupation. Ici, certaines familles aisées, ayant en quelque sorte « pignon sur rue », sont depuis longtemps locataires de grands appartements ; tout à côté, des ménages beaucoup plus modestes occupent des logements qui sont peut-être moins spacieux et moins confortables, mais dont ils ont fait l’acquisition – ce qui était parfois une condition nécessaire pour en conserver la jouissance quand les anciens propriétaires avaient mis en vente leur bien. Du coup, la distinction entre propriétaires et locataires est fort peu mobilisée par les habitants comme critère de qualification sociale d’eux-mêmes et de leurs voisins. Les différences objectives tenant au statut d’occupation apparaissent ici passablement indifférentes au regard des perceptions mutuelles et des interactions entre voisins.
47Le second site est constitué d’immeubles construits dans les années 1950. D’un immeuble à l’autre, d’un étage à l’autre, la structure du bâti est très répétitive. Elle n’est pas sans évoquer la sérialité des grands ensembles périphériques d’habitat social dont la première génération a vu le jour à peu près à la même époque, au point que certains habitants n’hésitent pas à parler d’« HLM de luxe ». Les logements sont à peu près interchangeables, sauf bien sûr en ce qui concerne leur taille. Et comme la taille du logement se trouve très fortement corrélée au statut d’occupation, à l’âge des occupants et au taux moyen de leur rotation, c’est finalement autour de l’opposition entre propriétaires et locataires que se structurent ici des qualifications mutuelles, voire des conflits latents, qui mettent en jeu moins des différences de positions sociales que des écarts entre générations. Plus mobiles, plus jeunes et généralement locataires, les occupants de petits logements sont souvent suspectés de menacer les manières d’habiter et de cohabiter qui prévalent dans l’immeuble – alors même que leurs origines sociales, leurs réseaux relationnels et leur avenir probable ne les distinguent guère des ménages plus anciens et plus « installés ».
48Inégalités socio-économiques, différences d’origine, écarts d’âge, ancienneté d’installation, statut d’occupation : chacun de ces éléments n’exerce pas en soi d’effets à sens unique. Il intervient très inégalement, et souvent de façon ambivalente, dans la structuration locale des formes de coexistence. C’est dire que la recherche d’indicateurs « tous terrains » est sans doute une entreprise vouée à l’échec. Il est préférable de lui substituer une comparaison méthodique de contextes singuliers, qui est mieux à même de faire apparaître des régularités (Authier & Grafmeyer, 1997).
49Cette circulation entre les observations monographiques ouvre en même temps la voie à une meilleure compréhension des modalités selon lesquelles les espaces urbains sont diversement travaillés par tels ou tels des grands processus qui contribuent aujourd’hui à redéfinir la distribution territoriale des populations et les rapports entre les citadins. Parmi ces processus, il me semble que quatre au moins doivent retenir plus particulièrement l’attention :
50a) La précarisation de l’emploi, l’exclusion sociale et la désaffiliation, déjà évoquées plus haut. Ces processus marquent profondément certains territoires stigmatisés qui en deviennent en quelque sorte les emblèmes, mais ils produisent aussi leurs effets dans d’autres contextes de la vie urbaine.
51b) La requalification économique et symbolique de quartiers centraux anciens, qu’elle s’accompagne ou non d’une intervention des pouvoirs publics. La rénovation des quartiers anciens à dominante populaire a souvent pour conséquence de désarticuler les liens d’interconnaissance entrecroisant le voisinage, la parenté, l’amitié et les relations de travail. Ceux des anciens habitants qui sont restés sur place doivent partager leur espace de vie avec de nouvelles populations qui apportent avec elles d’autres manières d’habiter et de cohabiter, d’autres modèles de consommation, d’autres modes de définition du public et du privé. Le phénomène d’embourgeoisement ou de « gentrification » fonctionne rarement selon le modèle simple de l’invasion / succession, du remplacement intégral des anciennes couches populaires par de nouveaux habitants tous implantés durablement. Le jeu combiné des mobilités, des stabilisations, des rotations, aboutit bien souvent à inscrire dans l’espace des divisions sociales tranchées et durables, des microdifférenciations locales qui alimentent des conduites d’évitement entre les diverses populations en présence (Authier, 1997).
52c) La diversification des inscriptions territoriales et le développement des mobilités, qui sont sans doute les traits les plus marquants d’une définition sociologique du processus d’urbanisation (Remy & Voyé, 1982 ; 1992). La capacité à maîtriser les distances, à jouer sur plusieurs espaces, reste inégalement distribuée selon les groupes sociaux. Elle est plus affirmée dans les milieux les mieux dotés en ressources économiques et culturelles. Mais, d’une façon générale, les espaces de proximité résidentielle apparaissent de moins en moins pertinents pour saisir les nouvelles lignes de partage qui se dessinent au sein des populations urbaines. C’est progressivement en tout lieu de la ville que coexistent des personnes qui tendent à se différencier non plus seulement par leur position professionnelle, leur niveau de ressources ou leur lieu d’habitat, mais aussi par leurs usages de l’espace et du temps.
53d) L’intellectualisation du travail et son corrélat, le développement de l’enseignement supérieur. La décohabitation liée aux études occupe désormais une place importante dans les mouvements migratoires intra-, voire interrégionaux, ainsi que dans la physionomie sociale des villes universitaires. Parallèlement à son développement numérique, le monde étudiant s’est fortement différencié. La localisation et le mode de logement des étudiants décohabitants varient selon les ressources matérielles, scolaires et relationnelles présentes dans le milieu d’origine, et aussi, plus largement, selon les logiques familiales qui président à la construction du rapport que l’étudiant entretient avec ses études (Bensoussan, 1994). L’insertion résidentielle varie aussi, tant dans ses modalités que dans ses effets sur la vie sociale, selon les implantations des établissements d’enseignement supérieur et des logements destinés aux étudiants (cités, campus, foyers, etc.). À l’intersection de ces deux ordres de déterminants – les trajectoires individuelles et les territoires universitaires –, les étudiants se trouvent distribués dans un très large éventail de contextes urbains ou périurbains qui amènent beaucoup d’entre eux à expérimenter des situations de coprésence relativement inédites : quartiers centraux anciens propices aux sorties et au spectacle de la vie urbaine ; résidences-services pour célibataires, où les étudiants côtoient des adultes qui diffèrent d’eux par leurs trajectoires, leurs modes de vie et leurs attentes en matière de sociabilité ; communes périphériques situées à proximité des campus ; ensembles d’habitat social où l’insertion d’étudiants a parfois pu être orchestrée par les organismes bailleurs à titre de vecteur de requalification sociale, etc.
Compromis d’intérêts, transactions autour des valeurs ?
54Au total, c’est donc selon des modalités très diverses que se construisent et se réaménagent, au fil du temps, les rapports entre des populations urbaines qui sont toujours plus ou moins hétérogènes par leurs origines, leurs positions, leurs trajets et leurs projets. Les quelques exemples qui précèdent n’avaient pas d’autre but que d’illustrer cette diversité, et de montrer en particulier comment le jeu des proximités et des distances qui s’instaure dans un contexte d’habitat donné se trouve placé au carrefour de plusieurs ordres de déterminants : d’abord les grands principes de différenciation qui ont été évoqués dans la première partie, mais aussi les lignes de partage dans lesquelles ils se réfractent et avec lesquelles ils se combinent localement, en fonction des structures du bâti, des rapports entre les âges, des mobilités différentielles, des statuts d’occupation, etc.
55De nombreuses études pourraient servir d’appui pour dresser un inventaire systématique des points de désaccord et de friction autour desquelles se cristallisent les difficultés de la cohabitation au quotidien : nuisances sonores, propreté, usages des parties communes, styles éducatifs, rythmes de vie, etc. Ce qui vaut pour les espaces de proximité vaut aussi, d’une façon plus générale, pour les espaces publics : comment les groupes s’y ajustent-ils et éventuellement s’y ordonnent-ils les uns par rapport aux autres ? Sur quelle base se produisent les interactions et les évitements ? La question ainsi posée est, au fond, celle des conditions locales de mise en forme spatio-temporelle du thème simmélien de la réserve, de la distance dans les interactions en milieu urbain. Selon les contextes, on observe que la coprésence tend à se réguler plutôt par une invisibilisation des différences, ou plutôt à l’inverse par une « mise en scène des différences » (Bozon, 1984 ; Simon, 1995).
56Des travaux consacrés à ces sujets, plusieurs constats de portée générale se dégagent.
57Le premier est que le jeu des consensus et des tensions, des alliances et des conflits, des tactiques de mise à distance ou, au contraire, de réduction des distances, est non seulement complexe, mais aussi fondamentalement instable. Toutes ces formes d’interaction s’enchaînent et se combinent dans des processus de type « semi-aléatoire », pour reprendre une expression chère à Jean Remy. Aussi est-il fort difficile de définir a priori les éléments qui seront les plus décisifs dans la dynamique des relations locales. Certains, insignifiants au premier abord, peuvent à un moment donné se révéler porteurs de ruptures, de bifurcations, de processus cumulatifs qui font basculer toute la vie sociale d’un quartier dans un sens ou dans l’autre.
58Le deuxième constat, qui est un corollaire du précédent, est que les « points de friction » évoqués plus haut sont inégalement susceptibles d’être retraduits en catégories de jugement étendues indistinctement à l’ensemble d’un groupe social, d’une classe d’âge ou d’une communauté. C’est par exemple ce qui ressort de l’analyse comparative que Francine Dansereau a conduite sur une quinzaine d’ensembles HLM québécois caractérisés par une forte multi-ethnicité (Dansereau, 1998). Certains problèmes de cohabitation sont volontiers ethnicisés par ceux qui s’en plaignent, d’autres sont plutôt imputés à l’ensemble des adolescents, d’autres au contraire restent davantage associés aux singularités individuelles des perturbateurs.
59Enfin, et c’est le troisième constat, les diverses sources de tension sont prises de façon souvent ambivalente dans le jeu des interactions locales. La gestion des nuisances sonores fournit une bonne illustration de ces ambivalences. En effet, ce sont non seulement des clivages et des conflits, mais aussi des alliances et des liens d’interconnaissance qui peuvent se nouer autour du traitement collectif d’un incident mettant en cause le comportement de tel ou tel voisin (Amphoux et al., 1989). D’autre part, les nuisances sonores ne donnent pas nécessairement lieu à une plainte en bonne et due forme. Dans l’étude qu’elle consacre aux cités HLM de la région nantaise, Élisabeth Pasquier montre comment ce sont aussi des compromis tacites et de véritables « termes de l’échange » qui peuvent s’instaurer entre cohabitants, chacun acceptant dans une certaine mesure le bruit de son voisin en échange de son propre bruit (Pasquier-Merlet, 1993).
60Quelles sont, en définitive, les différentes formes de rapport à autrui qui sont engagées dans ces situations de coprésence et dans ces formes d’interaction ? Certaines relèvent plutôt de l’intérêt bien compris. Tel est bien le cas, par exemple, quand des voisins font alliance pour faire face à un problème de copropriété ou de nuisance sonore, ou quand ils passent entre eux des compromis tacites ou explicites autour de ces mêmes enjeux. Mais il est clair que ce ne sont pas uniquement des intérêts qui se trouvent ainsi en jeu. Pour s’en tenir au simple exemple du bruit, Chamboredon et Lemaire avaient fort bien noté que les tensions de voisinage qui se développaient à ce propos étaient l’un des points de fixation où se confrontaient en réalité deux univers normatifs différents, celui de la « morale petite-bourgeoise » et celui de la « morale populaire » (Chamboredon & Lemaire, 1970). En extrapolant cet exemple ponctuel, il faut donc se demander dans quelle mesure les désaccords, mais aussi les compromis qui rendent possibles les coexistences, peuvent mettre en jeu d’autres registres que celui de l’intérêt.
61Il m’a semblé que la curieuse anomalie décelable dans un très célèbre passage d’Économie et société pouvait permettre de prolonger la réflexion et, peut-être, d’apporter un éclairage indirect sur la problématique de la transaction sociale.
62Rappelons d’abord que Max Weber définit la relation sociale comme étant « le comportement de plusieurs individus en tant que, par son contenu significatif, celui des uns se règle sur celui des autres et s’oriente en conséquence ».
63La relation sociale est de l’ordre de la « communalisation » (Vergemeinschaftung) lorsque « la disposition de l’activité sociale se fonde [...] sur le sentiment subjectif (traditionnel ou affectif) des participants d’appartenir à une même communauté ». Par définition, ce type de relation est circonscrit aux membres de la communauté. S’il y a relations avec des personnes externes, celles-ci ont d’autres fondements que ce sentiment de commune appartenance. En tant que telle, la relation de communalisation produit donc de la mise à distance, de l’altérité, de l’exclusion réciproque. La communauté ethnique (fondée sur la croyance partagée en une origine commune) en fournit un exemple emblématique. Selon Weber, l’activité communautaire fondée sur l’ethnicité « est, d’ordinaire, purement négative : elle s’exprime par la ségrégation et le mépris ». Parce qu’il est « honneur de masse », l’honneur ethnique est particulièrement propice à la séparation des masses, qui est à peu près la définition étymologique de la ségrégation. Aussi la répulsion apparaît-elle comme « l’attitude primaire et normale » dans les rapports entre communautés ethniques.
64À l’opposé, les activités sociales orientées rationnellement par rapport à des objectifs ouvrent clairement un espace de relations entre des individus qui, quelles que soient leurs appartenances, trouvent un avantage à échanger ou à s’associer pour satisfaire au mieux les intérêts qui sont propres à chacun d’eux. Cet espace est notamment celui de toutes les formes de coopération, mais aussi de transaction et d’échange au sens marchand de ces termes.
65Est-ce là pour autant le seul registre d’accord et de relation possible entre des populations qui se perçoivent par ailleurs comme différentes et plus ou moins étrangères les unes aux autres ?
66Reste le cas de la dernière forme de relation, celle qui est orientée par une rationalité fondée en valeur. Dans quelle mesure cette forme de relation sociale est-elle de nature, elle aussi, à engager des transactions ?
67La réponse apportée par Weber est quelque peu ambiguë, si l’on en juge par la présentation qu’il propose de la « sociation » (Vergesellschaftung), c’est-à-dire des deux formes de relations sociales orientées rationnellement (Weber, 1971, p. 41).
68Dans un premier temps, Weber envisage explicitement deux fois deux cas de figure, puisque selon lui la relation sociale est une sociation quand la disposition de l’activité sociale se fonde
- sur un compromis (Ausgleich) d’intérêts, motivé rationnellement
- en valeur (A)
- en finalité (B)
- ou sur une coordination (Verbindung), une entente, dit-il plus loin, d’intérêts motivée rationnellement
- en valeur (C)
- en finalité (D)
69Or dans ce qui suit immédiatement, quand Weber passe de la stricte combinatoire logique à la présentation des types idéaux censés leur correspondre, trois types seulement sont exposés :
- l’échange marchand, type idéal du cas B ;
- l’association à but déterminé (Zweckverein), correspondant à D ;
- l’association à base de conviction (Gesinnungsverein), qui correspond au cas de figure C.
70Il manque donc un type, comme si Weber hésitait à soumettre à la construction idéaltypique ce que pourtant son raisonnement prévoit sans ambiguïté : un compromis motivé en valeur. Comme s’il y avait quelque difficulté forte (théorique, peut-être, mais pas strictement logique) à penser un compromis de ce type. Au niveau de la présentation idéaltypique, le compromis n’est plus envisagé que dans le cas où il se fonde sur la recherche de fins déterminées satisfaisant des partenaires « opposés et complémentaires ». La seule figure idéaltypique du compromis est alors le marché. Il n’y a donc pas dualité des types comme dans le cas de l’entente (dualité Zweckverein / Gesinnungsverein). Serait ainsi écartée l’idée d’un compromis entre des convictions (« opposées mais complémentaires »). Ou plutôt, si on suit la lettre du texte, il y aurait difficulté à penser le compromis comme quelque chose qui relève de la conviction, quelque chose qui puisse être « motivé rationnellement en valeur ». Il serait essentiellement de l’ordre de la rationalité instrumentale, de la Zweckrationalität. Les deux choses sont sans doute liées : difficulté à penser le compromis entre les valeurs, parce que difficulté à considérer le compromis lui-même comme une valeur.
71Et pourtant, la première partie du texte prévoit bien ce cas de figure paradoxal et dénié ensuite (au moins par omission). Elle lui accorde même la première place dans l’ordre d’exposition de la structure logique. On note d’ailleurs que l’illustration idéaltypique non seulement gomme ce cas A, mais modifie l’ordre de présentation des trois autres en commençant par les deux relations sociales commandées par la motivation en finalité. Le type C, qui vient en dernier, est concédé comme « très particulier ». Comme si, au bout du compte, les catégories du compromis et même de la coordination trouvaient plus facilement leurs référents idéaltypiques dans l’ordre de la rationalité instrumentale.
72Il m’a semblé que cette particularité d’un texte tout à fait fondateur pouvait aider à cadrer théoriquement une forme de relation sociale au statut problématique, qui est ici à la fois désignée et expulsée, et qui n’est sans doute pas sans affinité avec les réflexions concernant le concept de transaction sociale.
73Ce concept renvoie en effet à toute une gamme de processus qui sont générateurs d’accords au moins provisoires et qui pour autant sont d’un autre ordre que la simple transaction marchande. Dans le cas particulier de ce qu’on appellera, pour faire vite, les compromis de coexistence en milieu urbain, l’idée avancée plus haut est bien que ces compromis ne se fondent pas uniquement sur des rationalités instrumentales (le « commerce », l’échange d’intérêts bien compris, l’association de défense ou de promotion d’un intérêt commun), mais engagent aussi d’une certaine façon une éthique qui transcende les différences (de mœurs, d’identités, de convictions...) dans un principe commun, acceptable par tous.
74Cette commune acceptation est à la fois ordinaire en pratique et difficile à penser théoriquement, puisqu’elle implique des transactions autour de ce sur quoi l’on est le plus naturellement porté à se montrer intransigeant. Une telle difficulté théorique expliquerait peut-être l’étrange statut de la transaction valorielle7 à la fois présente et absente dans ce texte de Weber. Or, par-delà l’hétérogénéité des systèmes de valeurs et les multiples « points de friction » autour desquels peuvent se cristalliser les difficultés de coexistence, c’est bien en définitive la commune reconnaissance de la légitimité de chacun à « être là » qui rend possible toute vie urbaine, aussi bien dans les unités de voisinage qu’à l’échelle de la ville.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Publié dans Recherches sociologiques, Louvain-la-Neuve, 1999, vol. 30, nº 1, p. 157-176.
2 « Incertitudes et transactions : expériences urbaines et expériences religieuses », Louvain-la-Neuve, 8 et 9 novembre 1996.
3 « Pour toutes ces raisons, il est peut-être préférable d’utiliser un terme plus neutre et de parler d’effets de composition, d’effets émergents, d’effets d’agrégation ou encore d’effets de système. » (Boudon, 1992, p. 46)
4 Les citations qui suivent sont extraites des p. 411 à 427 de cette traduction (2e partie, chap. iv, « Les relations communautaires ethniques »).
5 Voir, sur ce sujet, Y. Grafmeyer (1994 a), M. Verret (1972), M. Amiot (1991).
6 Au titre des illustrations récentes, on retiendra notamment le propos d’Alain Touraine, souvent cité : « Nous vivons en ce moment le passage d’une société verticale, que nous avions pris l’habitude d’appeler une société de classes avec des gens en haut et des gens en bas, à une société horizontale où l’important est de savoir si on est au centre ou à la périphérie. » (Touraine, 1991, p. 8)
7 Ou, si l’on préfère, de la « négociation valorielle », pour faire écho au thème développé par Olgierd Kuty (1998).
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La Jeune sociologie urbaine francophone
Retour sur la tradition et exploration de nouveaux champs
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin et Marie-Pierre Lefeuvre (dir.)
2014