Chapitre 3
La médecine, ou l’art humaniste de concilier antique et moderne
p. 171-208
Texte intégral
1Jusqu’au début de l’époque moderne, l’étude de la médecine est très peu considérée, voire négligée, au sein des universités situées au nord des Alpes. Héritières et continuatrices de Salerne, les universités italiennes de Bologne et de Padoue constituent les principaux centres européens dans ce domaine, concurrencés seulement par Paris et Montpellier1. Ce n’est que progressivement que les universités germaniques, sous la pression de nouvelles élites davantage soucieuses de leur santé, prennent conscience qu’il leur faut offrir une solide formation dans cette discipline et éviter ainsi aux aspirants médecins la nécessité d’un long voyage d’étude en Italie ou en France. Tübingen d’abord, puis Leyde, aux marges de l’Empire, haussent au xvie siècle la réputation de leur faculté de médecine. Ailleurs, la discipline s’affirme lentement, mais demeure toujours loin derrière la théologie et le droit en termes de préséance et de nombre de chaires consacrées2. La médecine pourtant affiche une réelle vitalité et surtout une forte originalité au sein des universités au tournant des xvie et xviie siècles : des quatre facultés, elle est en effet la seule où l’enseignement est officiellement partagé à équité entre la théorie et la pratique3. Avec l’absorption de la chirurgie, longtemps interdite d’entrée dans les universités au Moyen Âge, puis le développement de la recherche anatomique et des dissections, la médecine de l’époque moderne s’est donné de nouveaux objets et s’est ouvert de nouvelles perspectives4. Plus vite et avec moins de réticence que les autres disciplines, elle s’ouvre aux innovations, lorsqu’elle ne les produit pas elle-même. La dernière des trois hautes facultés sera d’ailleurs la seule à échapper en partie aux critiques acides des Lumières au xviiie siècle contre la sclérose des établissements supérieurs. Cette situation particulière explique également l’intérêt qu’a suscité la médecine chez les historiens des sciences, mais aussi des universités. Pour ne parler que de l’aire protestante germanique, plusieurs études ont été menées, notamment sur Helmstedt, qui se sont penchées sur l’histoire et la place des dissections, ou bien encore sur les disputes et examens qui ont eu lieu tout au long des xviie et xviiie siècles5. Néanmoins, les cours tels qu’ils peuvent être reconstitués à partir des archives manuscrites n’ont encore guère fait l’objet d’une étude particulière. Toujours en considérant la seconde partie du xviie siècle et en suivant l’ordre des chaires, les pages qui suivent proposent une description et une réflexion sur les contenus et les méthodes des cours publics de médecine à Helmstedt.
Le poids des règles officielles et la spécificité des acteurs
2Comme la faculté de droit, sa devancière, la faculté de médecine fait l’objet d’un traitement séparé au sein des statuts de 1576 ; comme elle, les articles qui la concernent laissent entrevoir deux approches et deux styles, ce qui amène à une conclusion similaire : rédigée d’abord par Chytraeus, la partie des statuts concernant la médecine a été ensuite complétée par un spécialiste, sans doute le médecin personnel du duc Julius et le premier professeur de l’établissement, Johann Bökel6. Dans ce cas pourtant, les deux rédacteurs ne se contredisent pas frontalement. Tout imprégnés de théologie melanchthonienne et inspirés directement des textes des statuts de Wittenberg et surtout de Rostock, les premiers articles tentent avant tout de fixer un cadre à la médecine7. Derrière les généralités pointe en effet une crainte, celle de voir la médecine se laisser pénétrer par certaines innovations, et plus encore par l’influence de l’alchimie. Ainsi, l’introduction rappelle que l’observation du corps correspond à l’observation de l’œuvre de Dieu, qu’elle prouve à chaque pas son existence. La médecine a donc pour objet le corps humain dans ses aspects et ses fonctions, ses maladies et leurs remèdes, mais au-delà, elle doit également se préoccuper des éléments et de la nature – le ciel, l’air, l’eau, la terre, les métaux, les plantes, etc. –, afin de chercher à mieux décrire la Création dans son ensemble et ses interactions. Autrement dit, Dieu a voulu la médecine pour qu’elle célèbre en permanence son œuvre, mais aussi afin qu’elle forme des médecins capables de prolonger la vie des chrétiens pour leur permettre de mieux se préparer à l’Au-delà. Plutôt que le grec Esculape, l’ancêtre de tous les médecins est donc à rechercher du côté des grandes figures bibliques comme Adam, Abraham ou Isaïe8. Trois hommes et leurs ouvrages constituent les seules autorités et les repères en matière d’enseignement : Hippocrate9, Galien10, Avicenne11 – et très explicitement, l’œuvre et la méthode de Paracelse sont violemment rejetées12. Assez habilement, la plume de Chytraeus veille donc à rattacher et à soumettre la médecine à la théologie. Son propos n’empêche cependant pas les médecins de s’intéresser aux récentes évolutions en matière de dissection ou de botanique, mais il dresse de solides garde-fous contre l’innovation et les critiques récentes adressées aux ouvrages classiques hérités du Moyen Âge.
3Après cette introduction très théologique, une seconde partie traite de l’organisation concrète de la faculté et des enseignements. Sans doute rédigée, ou du moins inspirée, par le médecin et professeur Johann Bökel, une série d’articles succincts précise que trois chaires ordinaires doivent constituer la faculté, chaque professeur devant avoir le souci de n’enseigner que des choses utiles et de faire le tour de son domaine réservé dans l’espace de quatre années13. Les étudiants ayant achevé leur formation initiale au sein de la faculté de philosophie assistent aux trois différents cours quotidiens et doivent pouvoir achever leurs études de médecine au bout de ces quatre années. Dans l’ordre, une première chaire de physiologie est consacrée à l’enseignement de la physique dans son rapport avec la médecine, mais aussi de l’anatomie, de l’hygiène et de la préparation des médicaments d’après les textes de Galien et de Dioscoride14. Le « physiologiste » de la faculté est également chargé des deux à trois excursions annuelles en vue de récolter des plantes médicinales ; surtout, il doit diriger deux dissections par an afin d’illustrer ses cours d’anatomie15. Le second professeur ordinaire est quant à lui prié de traiter de pathologie, c’est-à-dire de l’étiologie et de la sémiotique – soit l’étude des causes des maladies, des symptômes et de la façon de dresser un diagnostic16. Enfin, une dernière chaire est consacrée à la thérapeutique, avec à charge pour son titulaire d’enseigner la chirurgie, mais aussi l’application pratique de la pharmacie, à partir une fois encore des écrits de Galien17. Au sujet de ce dernier auteur, les enseignants sont priés de sélectionner dans son œuvre immense les passages les plus appropriés, le pragmatisme devant dominer le désir d’exhaustivité. Par ailleurs, il est également demandé aux professeurs de conduire les étudiants les plus avancés auprès des malades lors de leurs visites18.
4Sans grande originalité, cette seconde partie des statuts se conforme aux canons de l’époque, répétant une organisation et des prescriptions contenues notamment dans les statuts des universités de Wittenberg ou de Rostock, dont l’influence a déjà été soulignée dans le cas des autres facultés de Helmstedt19. De nombreux autres articles réglementent l’obtention des diplômes ou le recrutement des professeurs ; un passage indique que les étudiants doivent participer financièrement lors de l’organisation des dissections, et que les autorités doivent mettre à disposition de l’université des cadavres de condamnés à mort20. Cinq articles rappellent aussi que le pharmacien de la ville est membre de la corporation universitaire et qu’il doit à ce titre aider les professeurs dans la préparation des remèdes, tandis que son échoppe se voit contrainte de subir une visite de contrôle annuelle21 : visiblement, les rédacteurs des statuts se méfient encore une fois de l’influence que pourrait avoir en marge de la faculté un spécialiste influencé par les recettes empiriques ou le savoir-faire des barbiers, autrefois confondus avec les chirurgiens.
5De façon très convenue, un bref passage des statuts invite aussi les professeurs au respect de la plus stricte assiduité, sous peine de sanctions financières. Une phrase précise néanmoins que les absences des professeurs ordinaires pourront être excusées si elles sont liées à leur pratique professionnelle22. Autrement dit, les médecins apparaissent, de même que les théologiens et les juristes, comme des hommes pour qui l’enseignement ne représente qu’une activité parmi d’autres. Tous possèdent un cabinet médical et une clientèle, lorsqu’ils ne sont pas officiellement médecins d’un des princes welfes. À ce propos, attacher de grands médecins au service de l’université revêt pour les ducs welfes un intérêt tout personnel, sans compter l’avantage diplomatique et l’honneur qu’il peut y avoir à adresser un de ses médecins à un autre souverain en mauvaise santé. Dans une moindre mesure que leurs collègues juristes, les professeurs de médecine peuvent donc, malgré tout, jouir de revenus très corrects. Surtout, il n’est pas rare qu’ils multiplient les absences, notamment lorsqu’il s’agit d’aller au chevet d’une personnalité importante, ou bien encore lorsqu’ils partent à la recherche de plantes médicinales, travaillent en compagnie du pharmacien, ou bien s’occupent de préparer un cadavre avant une dissection de plusieurs jours.
6À propos de cette dernière activité, il convient de souligner à quel point elle crée un climat particulier autour des enseignants de la faculté. Ces derniers réclament en effet toujours plus de cadavres aux autorités afin de satisfaire les besoins de leurs cours d’anatomie, et il n’est pas rare qu’ils tentent de récupérer des corps, non pas de condamnés, mais de pauvres23. Dans la petite ville de Helmstedt, de nombreuses histoires circulent à propos de ces hommes qui manipulent sans cesse les morts et les empêchent de disposer de funérailles normales. Certains professeurs admettent en outre eux-mêmes qu’ils emportent partout avec eux en ville l’odeur pestilentielle des corps décomposés qu’ils entreposent, puis dissèquent plusieurs fois par an24. Une anecdote survenue un siècle après la période considérée ici permet de réaliser combien les tensions sont grandes autour des professeurs : l’un d’entre eux, Johann Traugott Adolph, trouve ainsi un jour de 1768 que le prix demandé par les croque-morts pour emporter un corps venant d’être disséqué est trop élevé. Décidé à ne pas s’acquitter d’une somme indue, Adolph décide, avec l’aide de quatre étudiants, de s’occuper lui-même de la levée du corps et de l’enterrement. Ensemble, ils jettent les restes du cadavre dans un tonneau ayant servi à stocker des harengs et le déposent sur un tas de fumier ; puis, en plein après-midi, ils transportent le tonneau à travers la ville avant de le vider dans une fosse du cimetière. Profondément choquée, la population manifeste sa colère, et Adolph doit démissionner et quitter la ville25.
7Au nombre seulement de trois, les professeurs ordinaires de médecine enseignent leur discipline à un petit groupe d’étudiants, lesquels sont souvent aussi leurs pensionnaires : en moyenne, la faculté enregistre une dizaine de nouveaux inscrits par an, tandis que la durée moyenne des études de médecine tourne autour de quatre années26. Par leurs activités – consultations, herborisations, contrôle de la pharmacie, dissections –, les professeurs de médecine marquent pourtant la vie de la petite ville universitaire et paraissent bien plus enracinés localement que leurs autres collègues : pour toute la seconde moitié du xviie siècle, seuls sept professeurs se succèdent sur les trois chaires ordinaires, chacun menant une carrière d’au moins vingt ans à Helmstedt27. Moins riches sans doute que les théologiens et les juristes, certainement moins bien considérés, les professeurs de médecine sont des figures de la vie locale et des hommes qui mêlent ostensiblement la pratique à la théorie. Aux yeux de la postérité, ils ont en outre laissé un héritage bien plus intéressant que celui de la plupart de leurs collègues.
L’art de l’innovation mesurée
8Comme il est d’usage dans toutes les facultés à l’époque moderne, les médecins ne sont pas spécialisés et ils profitent des départs ou décès de leurs collègues pour accéder à la chaire située au-dessus de la leur dans l’ordre de préséance. En médecine, où les chaires sont tournées vers des domaines très différents, ce fonctionnement a des conséquences particulières. Mais le plus intéressant, c’est qu’en observant l’organisation de la faculté en 1650 à Helmstedt, il apparaît clairement que l’ordre des chaires, tel qu’annoncé dans les statuts, a été inversé. En d’autres termes, le primat se consacre à la thérapeutique, tandis que le dernier dans l’ordre de préséance est chargé de la physiologie28. Sans doute cette inversion a-t-elle été décidée en raison de l’importance des tâches dévolues au physiologiste – excursions botaniques, dissections... –, que le primat, le plus souvent un homme âgé, ne pouvait pas assumer au mieux. La conséquence n’est pas anodine, puisque cette modification implique que tous les professeurs, au début de leur carrière, commencent par un enseignement qui les oblige à pratiquer des dissections. Puisqu’elle semble revêtir un caractère particulier et qu’elle est au cœur d’un changement qui marque la seconde partie du xviie siècle, c’est avec cette chaire, que les statuts voulaient voir considérée comme la première, que l’exploration des enseignements débute.
La physiologie face aux évolutions
Tradition et respect des instructions officielles
9En 1650, la faculté ne possède que deux professeurs ordinaires de médecine, mais les autorités tiennent sans doute déjà un candidat à qui confier la troisième chaire. Élevé au grade de docteur cette même année 1650 par le grand Conring, Valentin-Henri Vogler est un pur produit de la famille universitaire qui paraît destiné à effectuer sa carrière dans sa ville d’origine29. Peut-être est-il convenu que le jeune homme doit accumuler de l’expérience avant d’occuper une chaire, et Vogler part donc après la remise de son diplôme ouvrir un cabinet médical à Francfort-sur-le-Main. En 1653, il revient déjà à Helmstedt pour être officiellement nommé professeur ordinaire de médecine, et pour épouser Sophie-Elisabeth Hornejus, fille et sœur de professeurs au sein de l’Academia Julia30. Plutôt qu’une nomination, il s’agit pour Vogler de rentrer en possession d’un bien que toute la famille universitaire considère comme le sien. Reste que le jeune enseignant n’imagine certainement pas qu’il va demeurer en charge du même enseignement de physiologie jusqu’en 1676 ; malade, il cesse alors les cours et décède moins d’un an plus tard, en mars 1677, sans avoir jamais pu changer de chaire ni évoluer dans la hiérarchie de la faculté31 : la longévité de ses aînés fige en effet l’ordre et le fonctionnement de la faculté pendant presque un quart de siècle32.
10Durant toutes ces années, Vogler remplit sa charge sans dévier d’un même modèle, c’est-à-dire du strict respect des préconisations des statuts, lesquels commandent au professeur de physiologie de s’occuper d’anatomie, d’herboristerie, mais aussi de physique et d’hygiène. Il faut préciser cependant que ses débuts sont assez difficiles à reconstituer précisément, même si quelques allusions éparses montrent qu’il a abordé tous ces domaines entre 1653 et 165833. Durant la même période, il a aussi dirigé plusieurs dissections, qui lui ont servi à illustrer ses cours d’anatomie appuyés sur le célèbre ouvrage de Vesling34. La suite, après une interruption en 1657 due à une épidémie de peste, est beaucoup mieux documentée. Entre le début de l’été 1658 et la fin du mois de septembre 1662, Vogler a ainsi mené à terme un cycle entier, respectant parfaitement l’exigence officielle d’exposer tout le contenu de sa spécialité en quatre ans35. Mais le plus intéressant, c’est que Vogler se met à rédiger des rapports très soignés, ce qui permet de faire plusieurs constats précis.
11D’abord, Vogler donne l’impression de ne pas chercher à équilibrer spécialement les différentes parties de la physiologie, et surtout de passer de l’une à l’autre de façon brutale, presque improvisée. À sa décharge, l’étude de l’anatomie repose assez clairement sur la disponibilité en matière de cadavres, et Vogler profite des rares occasions qui s’offrent à lui pour procéder à des dissections, interrompant la leçon en cours avant de la reprendre. Au passage, notons qu’il ne parvient à faire que deux dissections en quatre ans, faible nombre compensé en partie par l’intérêt que Vogler semble tirer de l’occasion de récupérer un cadavre de femme – chose évidemment rare36. Sinon, il ne dit rien de plus précis sur sa façon d’exploiter les dissections dans son enseignement. Par ailleurs, pendant ces quatre années, il consacre une faible part de son temps de cours à la confection des remèdes et à la présentation des vertus des plantes médicinales 37. À l’inverse, il fait en sorte de traiter très longuement de la doctrine d’Hippocrate sur les humeurs et les tempéraments38. De la même façon, il expose de façon détaillée la doctrine d’Aristote sur les éléments, présentant aussi des passages entiers des Météorologiques39. Tout le fonctionnement du corps humain est donc expliqué à partir de ces théories antiques, auxquelles il raccroche également tout l’enseignement de la diététique40. Bien qu’il ne les cite jamais, il est probable que Vogler lise et commente dans ses cours des parties des ouvrages d’Hippocrate et de Galien41.
12Mais surtout, il semble qu’il parte aussi des théories de Galien lorsqu’il évoque la question de la circulation du sang : en 1662, il est presque certain qu’il présente le foie comme l’organe jouant le rôle majeur dans cette circulation, dans le droit fil de la doctrine des Anciens42. Ce que l’on devine entre les lignes de ses rapports pour le semestre d’été 1662 est confirmé dans un rapport de novembre 1667, lorsque Vogler mentionne à nouveau la façon dont il a traité de la digestion, puis de la circulation sanguine – Galien, alors, est explicitement nommé comme la référence utilisée43. Or le fait est suffisamment important pour être noté : Conring, auprès de qui Vogler a obtenu son doctorat et qui le devance dans la hiérarchie de la faculté, a pris position dès 1640 en faveur des théories de l’anglais Harvey44. Pour ce dernier, la vision traditionnelle du rôle du sang est fausse, et le cœur doit être considéré comme l’organe imprimant au sang un mouvement de circulation continu dans tout le corps. Tandis que son maître, l’une des principales autorités de l’université, défend ouvertement cette théorie alors révolutionnaire, Vogler semble garder un silence prudent devant ses étudiants. Conteste-t-il les positions de Harvey et de Conring, ou bien considère-t-il que son rôle est uniquement de transmettre le contenu défini par les statuts ? Difficile question, qui trouve peut-être un début de réponse si l’on songe à un dernier détail concernant Vogler : petit-fils du professeur de grec Boëthius, il était réputé comme étant un très fin helléniste et un grand connaisseur de l’histoire, notamment antique45. Comme le montre un de ses ouvrages, philologie et médecine se trouvaient profondément liées dans son esprit et sa réflexion, la seconde procédant en grande partie de la première46. Même si ses différents rapports écrits ne sont pas suffisamment précis pour permettre d’établir une certitude, il y a tout lieu de supposer que la plupart de ses cours s’approchaient de ce que devaient être des cours de grec ou de latin, les textes d’Hippocrate, Galien et Avicenne faisant l’objet d’un intérêt philologique, sans que leur véracité ou leur cohérence par rapport aux récentes découvertes scientifiques constituent des questions en elles-mêmes. À l’arrivée en tout cas, Vogler ne s’aventure guère au-delà des prescriptions officielles et des théories conventionnelles.
13Une ultime caractéristique, qui se vérifie tout au long de la carrière de Vogler, mérite d’être mentionnée : travailleur inlassable, le professeur de physiologie n’est que très rarement absent, et jamais il ne manque à ses multiples obligations qui l’amènent à battre la campagne à la recherche de plantes, à inspecter minutieusement la pharmacie ou bien encore à s’occuper de récupérer tant bien que mal des cadavres. La lecture de ses nombreux autres rapports jusqu’au mois de juin 1676 n’apporte que peu d’informations nouvelles : tout le reste de sa carrière, Vogler, qui ne parviendra jamais à changer de chaire, poursuit son activité en suivant la manière de faire et en usant des références qui sont visibles durant la période 1658-1662. En dehors de Vesling et des ouvrages déjà évoqués, il s’attache à commenter les aphorismes d’Hippocrate47. Professionnel sérieux et assidu, Vogler respecte ainsi jusqu’à son décès une routine établie dès ses débuts, et parfaitement en accord avec la tradition et les statuts de l’université.
Rajeunissement et évolution : la nomination d’Henri Meibom (1663)
14Si Vogler poursuit ses cours de manière imperturbable tout au long des années 1660 et 1670, l’équilibre et le fonctionnement de la faculté sont en revanche remis en cause par l’arrivée d’un quatrième professeur en 1663, suivie de la création d’une quatrième chaire ordinaire en 166548. Comme dans le cas de la faculté de droit, la gestion de la faculté de médecine entraîne des débats internes et des manœuvres complexes qui ont un impact sur les enseignements. Reste que les raisons qui ont conduit les princes welfes à inaugurer une nouvelle chaire, et pas seulement à rétribuer un professeur extraordinaire, ne sont pas évidentes à saisir, même si des hypothèses peuvent être avancées. En premier lieu, il faut rappeler qu’Hermann Conring, second dans l’ordre de préséance de la faculté et presque sexagénaire, est très régulièrement absent, et qu’il préfère le plus souvent se consacrer à ses cours dans la faculté de philosophie lorsqu’il en a le temps. Par ailleurs, le primat Tappen, né en 1603, apparaît au tournant des années 1660 lui aussi comme un homme âgé, en outre peu versé dans la chirurgie, laquelle constitue pourtant une des attributions de sa chaire49. Enfin, l’arrivée à maturité d’un jeune médecin particulièrement brillant et issu du sérail, Henri Meibom, ne pouvait que suggérer aux princes de faire un geste afin de se l’attacher. En clair, c’eut été un gâchis immense, et un mauvais choix de gestionnaire à long terme, que de ne pas laisser le jeune Meibom s’installer au sein de la faculté au début des années 1660, même s’il fallait pour cela jouer avec la lettre des statuts.
15Qu’on ne se trompe pas en effet : l’homme qui devient ainsi, après plusieurs étapes, le quatrième professeur de la faculté en 1665, est vraiment digne d’attention. D’abord, Henri est un Meibom : son grand-père et homonyme, Henri l’Ancien, fut l’un de ceux qui participèrent au premier âge d’or de l’Academia Julia50. Professeur d’histoire et de poésie à partir de 1583, il a laissé une œuvre remarquable, et il est même couronné « roi des poètes » par l’empereur Rudolph II lors d’une mission diplomatique qu’il accomplit en 1590 à Prague pour le duc de Brunswick. À Helmstedt, il fonde une véritable dynastie : de son mariage avec Sophie Bökel, fille de médecin et nièce du premier professeur de médecine de Helmstedt, Johann Bökel, naît un fils, Jean-Henri, qui fut professeur de physiologie entre 1619 et 1625. Retiré à Lübeck au moment de la fermeture de l’université pendant la guerre, Jean-Henri abandonne ensuite l’enseignement, mais il oblige son propre fils à effectuer de solides études à Helmstedt. Après avoir suivi les cours de Tappen, Conring et Vogler, ce dernier fait même bien mieux : une vaste pérégrination le conduit aux Pays-Bas, en France, en Angleterre et en Italie, où il se constitue un solide réseau et devient un médecin hors pair. Lorsqu’il revient enfin à Helmstedt en 1663, le vieux duc Auguste de Wolfenbüttel est à ce point impressionné par le jeune homme qu’il lui demande sans délai de devenir son médecin personnel – et dans le même élan, il commande qu’Henri le Jeune devienne professeur extraordinaire au sein de la faculté de médecine ; deux ans plus tard, il crée pour lui une quatrième chaire sur mesure.
16Pour autant, le plus intéressant à propos d’Henri Meibom est qu’il n’est pas seulement un fils obéissant revenu à Helmstedt pour récupérer un dû. Certes, il est un héritier, et l’assume même : en 1678, déjà bien installé comme professeur ordinaire de médecine, il réclame de pouvoir cumuler sa chaire avec celle d’histoire et de poésie au sein de la faculté de philosophie51. La demande est polie mais ferme, et il ne s’agit pas de satisfaire un goût personnel ou bien seulement d’augmenter ses revenus : pour Meibom, la chaire en question fut pour la première fois occupée par son grand-père, et il est donc évident qu’elle doit lui revenir – et de fait, elle lui revient. Mais s’il est un héritier, il est aussi bien plus que cela, lui dont le nom reste aujourd’hui encore attaché à des découvertes anatomiques. Avant d’évoquer son activité d’enseignant, il convient en effet de rappeler que Meibom fut l’un des premiers spécialistes d’anatomie à utiliser le microscope dans ses recherches52. Pionnier, il a ainsi découvert les glandes de la paupière ou glandes tarsiennes (« Glandulae torsales Meibomii ») et le trou aveugle de la langue (« Foramen Meibomii »), tandis que ses expériences sur les valves vasculaires ont permis de renforcer la théorie de Harvey sur la circulation du sang, dont il était un ardent défenseur53. Installé dans une vaste demeure à Helmstedt qui lui sert aussi de cabinet médical et de laboratoire, Meibom assume, au cours de sa carrière, six fois la charge de vice-recteur et douze fois celle de doyen de la faculté de médecine. Chercheur, enseignant et praticien à la renommée européenne, il joue un rôle majeur au sein de l’institution durant tout le dernier tiers du xviie siècle.
17Mais si la nomination de Meibom est évoquée dans cette partie consacrée à la chaire de physiologie, c’est qu’elle impose aux autorités de dessiner les contours d’une nouvelle chaire. Or, sans doute sur la suggestion de ses collègues, le nouvel arrivant est chargé d’une partie de ce qui constitue le domaine de la physiologie, mais aussi de certaines attributions de la chaire de thérapeutique. L’opération est menée avec beaucoup d’habileté, puisqu’aucun des trois anciens ordinaires ne se voit explicitement dépouillé de ses attributions ou contraint de modifier son enseignement, tandis que Meibom peut se consacrer à son domaine de prédilection. En d’autres termes, il est chargé de donner des cours de chirurgie, ce qui l’amène à traiter d’anatomie et à pratiquer des dissections ; en outre, il est prié de s’intéresser aux propriétés des plantes et à la confection des remèdes, ce qu’il fait en instaurant les premiers cours de chimie au sein de l’université – un domaine dans lequel Helmstedt était restée longtemps en retrait54. Le quatrième ordinaire s’occupe donc de ce qui intéresse le moins ses collègues, et il fait souffler un vent de nouveauté sur la faculté. Tandis que Vogler pratique de rares dissections et expose la doctrine de Galien, son jeune collègue découpe et ausculte des cadavres avec ses étudiants pour mieux les initier aux dernières avancées scientifiques. Dans le détail, ses rapports entre 1664 et 1677 montrent en effet qu’il s’est notamment penché sur les différents types d’opérations chirurgicales les plus complexes55 ; bien qu’il ne le précise pas explicitement, il semble évident qu’il a évoqué et défendu aussi les théories de Harvey56. Quant à la chimie, elle n’est traitée que lors de cours privés à son domicile, difficiles à reconstituer57.
18Avec le décès de Vogler en 1677, la situation change : la faculté compte à nouveau trois professeurs ordinaires et la quatrième disparaît, preuve ultime qu’elle n’avait pour vocation que d’accueillir temporairement Meibom. Officiellement donc, le partage prévu par les statuts peut être réinstauré, Meibom devenant le troisième ordinaire ayant la charge de s’occuper de tous les attributs du physiologiste. Mais, autant le préciser immédiatement, les conditions ne sont pas réunies pour que la faculté reprenne un fonctionnement aussi simple : les deux premiers ordinaires, Tappen et Conring, sont désormais septuagénaires et ils ne cachent pas dans leurs annonces de cours qu’ils ne sont plus en état de garantir une activité régulière. Qui plus est, l’un et l’autre se succèdent au poste de vice-recteur dans les semestres qui suivent, ce qui freine d’autant plus leur capacité à faire cours. Tappen annonce qu’il évoquera éventuellement avec quelques étudiants des cas particuliers et intéressants, Conring proclame qu’il va se consacrer à l’édition de son ouvrage d’introduction à la médecine, et qu’il est prêt à en parler avec les étudiants qui le souhaitent – et tous deux d’ajouter que ces annonces dépendront de leur santé58. En d’autres termes, Meibom se retrouve pratiquement seul au sein de la faculté, seul enseignant en tout cas capable d’assurer des cours régulièrement. Il lui est donc impossible de poursuivre sur la voie qu’il a ouverte durant les années précédentes, pas plus que de se cantonner dans les attributions du physiologiste qui sont théoriquement devenues les siennes.
19Pour contenter sans doute les étudiants et garantir le bon fonctionnement de la faculté, Meibom est contraint de s’adapter, voire de se sacrifier. À partir du semestre d’été 1677, il propose ainsi des cours publics sur la médecine en général, et des cours privés sur la physiologie, la pathologie et la pratique concrète de la médecine. Il poursuit sur cette voie dans les semestres suivants, offrant aux étudiants de divers niveaux des cours sur presque toutes les parties de la médecine59. Cependant, la contrainte qui le pousse à couvrir tous les champs de la médecine aboutit à une évolution. Au début de l’année 1679, Meibom commence à proposer des cours publics où il mêle physiologie et pathologie : de façon méthodique, il présente des parties du corps humain, éventuellement en pratiquant des dissections, puis il précise immédiatement les maladies qui peuvent toucher ces parties décrites. Il débute ainsi avec l’abdomen, envisagé d’un point de vue anatomique et physiologique, puis du point de vue des pathologies ; de la même façon, à la fin de l’été 1679, il présente longuement le foie et son fonctionnement, avant d’évoquer, au cours des mois d’octobre à décembre, tous les types de maladies qui peuvent toucher cet organe60.
20Avec beaucoup d’habileté et sans prendre ouvertement possession des domaines réservés à ses collègues, Meibom fait évoluer sa pratique d’enseignant afin d’offrir une formation aussi complète que possible aux étudiants qui ne peuvent quasiment plus compter que sur lui. Ajoutons d’ailleurs que dans ses cours privés, il veille à l’organisation régulière de disputes, et qu’il propose également aux étudiants de l’accompagner et de l’observer lorsqu’il reçoit des malades61. Presque seul, Meibom porte le poids de la faculté sur ses épaules. Conscientes sans doute qu’elles ne peuvent le laisser poursuivre ainsi, les autorités finissent par admettre la nécessité de recruter un nouvel enseignant, même si elles rechignent à restaurer une quatrième chaire, sans doute pour des raisons financières. À la fin de l’année 1679 cependant, Meibom est enfin soulagé d’une partie de ses tâches grâce à la nomination de Schellhammer comme professeur extraordinaire.
Une nouvelle génération aux commandes (après 1679)
21En attirant à elle le jeune Günther Christophe Schellhammer, l’Academia Julia a une fois encore mis la main sur un talent prometteur62. Fils d’un professeur de médecine de l’université d’Iéna, le nouveau venu a commencé ses études dans cette même ville avant d’effectuer une longue pérégrination entre 1672 et 1677 à travers l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Angleterre, la France et l’Italie, au cours de laquelle il s’est passionné pour la botanique mais aussi pour la chimie : comme Meibom quelques années avant lui, Schellhammer a rencontré Robert Boyle en Angleterre, mais surtout Sylvius à Leyde – de son vrai nom Franciscus de la Boë, pionnier de la chimie clinique qui tenta de refonder l’approche médicale sur des bases physiques et chimiques63. Une fois devenu docteur en 1677, Schellhammer aurait dû se fixer à Iéna avec l’espoir d’y entamer une carrière. Mais les responsables de Helmstedt, qui se trouvent dans une situation délicate, ont visiblement su trouver les mots pour le convaincre et le recruter. Une coïncidence est frappante : lors de son passage à Paris, Schellhammer avait brièvement rencontré Leibniz, lequel est devenu en 1676 bibliothécaire et conseiller du duc de Wolfenbüttel ; sans doute est-ce le philosophe qui a lancé l’offensive afin d’attirer le jeune et brillant médecin. Mais c’est Conring qui fait pencher la balance, lui qui est directement concerné par le bon fonctionnement et la pérennité de la faculté de médecine : il offre ainsi une de ses filles en mariage à Schellhammer et lui permet de s’installer confortablement, presque en futur héritier et maître des lieux, dans sa vaste demeure de Helmstedt. Pour le jeune docteur, l’occasion d’entrer avec de tels atouts dans une faculté réputée et vieillissante constitue une véritable aubaine : il épouse donc Maria Sophia Conring le 15 juillet 1679, avant de débuter officiellement ses cours trois mois plus tard64. De Leibniz à Conring, il a donc fallu moins de deux ans pour parvenir à faire entrer l’un des plus brillants médecins de sa génération au sein de l’institution et de la famille universitaire de Helmstedt, lui qui paraissait promis à un avenir dans son université d’origine. Répétons-le : après Meibom, l’Academia Julia réussit un joli coup. En effet, de sa vaste pérégrination, Schellhammer a conservé des liens avec l’élite européenne de la médecine, et notamment avec les enseignants de Padoue ; il s’est initié aux dernières méthodes de recherche et s’impose comme l’un des grands botanistes du monde germanique de son époque65. Au tournant des années 1680, il incarne avec Meibom un véritable changement de génération, mais aussi de vision de la médecine : pour ces nouveaux piliers de la faculté, les théories de Harvey, l’usage du microscope ou encore les efforts de classification des plantes et des maladies comptent bien davantage que le commentaire des autorités de l’Antiquité.
22L’arrivée de Schellhammer, qui plus est d’abord en tant que professeur extraordinaire, ne change pourtant rien à l’organisation de la faculté. Officiellement, Tappen et Conring occupent toujours au début de l’année 1680 les deux premières chaires ; ce que permet l’installation de Schellhammer en revanche, c’est de décharger Meibom du poids et du devoir de traiter de pratiquement tous les aspects de la médecine. Fort intelligemment, et en tenant compte de leur spécialité respective, Meibom et Schellhammer se partagent ainsi les attributions de la chaire de physiologie, de façon même à déborder légèrement sur les autres chaires et à combler les enseignements qui ne sont, en pratique, plus délivrés par les deux premiers ordinaires. En ce qui concerne Meibom, il poursuit ses cours où il veille à lier ensemble l’anatomie et la pathologie. Durant les semestres d’été 1680 et d’hiver 1680-1681, il présente ainsi longuement l’anatomie féminine avant d’évoquer les différentes maladies propres aux femmes, puis plus largement celles qui touchent l’abdomen66. Dans ses cours privés, il trouve enfin le temps de revenir à ses deux disciplines de prédilection, la chimie et la chirurgie, qu’il avait dû laisser de côté depuis 167767. Vice-recteur une grande partie de l’année 1681, il revient à partir de janvier 1682 avec des cours d’anatomie fondés sur une dissection, puis des cours sur le problème de la contagion de certaines maladies68. Quant à Schellhammer, il propose, en parallèle à Meibom, des cours sur l’usage des plantes et des métaux en médecine. Surtout, il multiplie les sorties avec ses étudiants afin d’herboriser et d’étudier plus largement les plantes – sans oublier bien sûr de traiter de la confection des médicaments et autres remèdes69. Pendant le semestre d’hiver 1681-1682 – lorsque Conring décède peu après Tappen et que Meibom commence à ne traiter que de pathologie et de maladies contagieuses –, il s’adapte aussi en récupérant le procédé instauré par Meibom : abandonnant les herborisations, il se lance dans une série de cours sur l’anatomie du thorax, puis évoque les maladies concernant cette partie du corps70.
23Aussi brève soit-elle, la collaboration entre Meibom et Schellhammer montre à quel point les enseignants sont capables de réagir à une situation complexe, liée au vieillissement et à la quasi-retraite des principaux professeurs ordinaires. Profitant de l’étendue des tâches dévolues au titulaire de la chaire de physiologie, les deux plus jeunes professeurs se répartissent équitablement le fardeau, avant d’empiéter sans bruit sur les attributions de leurs aînés, dont les ombres mêmes ne se laissent plus voir dans les salles de cours. Meibom n’hésite pas ainsi à traiter de pathologie, tandis que Schellhammer pousse l’étude des plantes jusqu’à traiter de pharmacie et de thérapeutique. Dernier constat, lourd de sens : brillants et tournés vers les évolutions récentes de la médecine, Meibom et Schellhammer profitent également de la situation pour abandonner les parties de la physiologie traditionnelle qui les gênent vraisemblablement. Hippocrate et Galien, avec leur diététique et leurs théories sur les humeurs et la circulation sanguine, disparaissent des enseignements, sans doute avec la bénédiction tacite du vieux Conring et celle, plus lointaine, du savant Leibniz. Le vieillissement et les vides au sein de la faculté ont fourni une opportunité, dont a su s’emparer une nouvelle génération mûrie dans les grandes capitales intellectuelles des Pays-Bas, d’Angleterre, de France et d’Italie. À terme, et sans heurter frontalement les statuts, la physiologie traditionnelle s’est trouvée au cœur d’une division et d’une recomposition qui ont bouleversé son caractère originel.
24Alors que le tandem Meibom-Schellhammer s’occupe de porter la physiologie et davantage encore, l’inéluctable et l’attendu se produisent : à un an de distance, Tappen et Conring meurent, libérant deux chaires ordinaires au sommet de la faculté. Décédé le 10 octobre 1680, Tappen laisse ainsi le poste de primat à son vieux collègue Conring, déjà cantonné chez lui, et qui bientôt décède à son tour, le 12 décembre 168171. Il y avait trop longtemps que la faculté et les deux derniers professeurs de médecine se préparaient pour que le choc, même double et rapproché, déstabilise l’institution. Pendant un temps cependant, Meibom et Schellhammer se retrouvent seuls et contraints de s’adapter à cette situation de sous-effectif. Finalement, la nomination rapide d’un troisième ordinaire et son arrivée au début de l’année 1683 rétablissent l’équilibre et permettent à la faculté de retrouver un fonctionnement conforme aux statuts. En attendant, du semestre d’été 1682 au semestre d’été 1683, Meibom s’installe comme primat dans la chaire de thérapeutique, tandis que Schellhammer voit s’offrir à lui les domaines de la pathologie et de la physiologie.
25Tout porte à penser que les deux collègues, désormais seuls maîtres à bord, se sont alors parfaitement épanouis, malgré la nécessité d’assumer l’ensemble des charges. Schellhammer instaure ainsi durant deux semestres un fonctionnement qui mêle ses centres d’intérêt à l’héritage de Meibom. Afin de couvrir le champ des deux chaires de pathologie et de physiologie, il poursuit la méthode initiée par son collègue et déjà pratiquée durant l’hiver 1681-1682 : partant de la présentation de l’anatomie, il traite des pathologies. Son activité durant l’été 1682 l’illustre parfaitement : la description anatomique du thorax entraîne des observations sur les pathologies propres aux poumons et surtout au cœur, lesquelles à leur tour amènent à présenter le fonctionnement de cet organe et la circulation du sang – d’après Harvey, cela va sans dire72. Mais Schellhammer ne renonce pas à sa passion pour autant : il accumule les sorties pour réaliser des herborisations et jette même les fondations d’un nouveau jardin botanique à Helmstedt, dont il imprime le catalogue73. Pour le semestre d’été 1683, il annonce explicitement qu’il va mettre un terme à ses cours de physio-pathologie74, afin de laisser le champ libre à son successeur fraîchement nommé75. Officiellement désormais, Schellhammer se cantonne à la chaire de pathologie et se voit même contraint de renoncer dans ses cours publics à la botanique.
26Le croira-t-on ? Le nouvel arrivant, chargé de la troisième chaire de médecine, né à Helmstedt, est fils et petit-fils de professeurs d’université. Frédéric Schrader est en effet le fils de Christophe Schrader, longtemps primat de la faculté de philosophie de Helmstedt, bibliothécaire de l’université, abbé de Marienberg et inspecteur général des écoles du duché de Brunswick76 ; quant à sa mère Margaretha, elle est la fille du professeur de théologie à Helmstedt, Ernst Stisser77. Bien évidemment, le jeune Frédéric, né en 1657, a commencé ses études sous l’œil de son père au sein de l’Academia Julia78. Dès 1674 cependant, il se rend à Wittenberg, puis à Leipzig et à Leyde, université où lui est décerné en 1679 le titre de docteur en médecine79. Dès lors, il s’agit d’obtenir une chaire, de préférence bien sûr dans sa ville natale, où son vieux père malade promet de lui léguer une magnifique demeure à quelques rues des bâtiments de l’université. Malheureusement, il y a foule au sein de la faculté de médecine en 1679, puisque Schellhammer vient d’être nommé. Néanmoins, tous les espoirs sont permis, si l’on tient compte du fait que deux des quatre professeurs sont très âgés et malades ; surtout, Schrader n’a pas à prouver son appartenance à la famille universitaire. Il n’y a donc qu’une stratégie à suivre : il faut se tenir prêt, en embuscade, et mettre toutes les chances de son côté. À peine docteur, Schrader quitte donc les Pays-Bas pour se rendre à Göttingen où il ouvre un cabinet médical80 ; installé à cent kilomètres de Wolfenbüttel et à cent cinquante kilomètres de Helmstedt, il attend. Lorsque son père meurt en avril 1680, il prend possession de son héritage à Helmstedt et est bien sûr présent lors des funérailles qui rassemblent tous les membres éminents de la corporation et peut-être même des représentants des princes81. Il épouse la fille d’un juge auprès du tribunal de la cour à Calenberg – il correspond avec Leibniz82. Enfin, la décision tombe, au bout de l’année 1681 : le jeune Schrader est officiellement nommé professeur ordinaire de médecine à Helmstedt. L’essentiel est acquis, au prix d’une attente finalement brève. Schrader ne songe pourtant pas à débuter son enseignement : docteur à 22 ans seulement, il s’est précipité pour ne pas être pris de vitesse par les décès de Tappen et Conring, au point que son jeune âge et ses brèves études en font un enseignant fragile. C’est ce qui explique qu’il n’apparaisse finalement dans le catalogue annonçant les cours qu’au début de l’été 1683. Dans l’intervalle, pendant deux ans, il a repris ses études, voyageant en Belgique, et s’arrêtant surtout à Heidelberg et Gieen83. À 26 ans, au milieu de l’été 1683, il emménage enfin dans la vaste demeure héritée de son père et débute les cours. Jamais plus il ne quittera Helmstedt.
27Dès ses premiers cours, Schrader entend marquer son territoire et prendre clairement possession de tous les domaines traditionnellement à la charge du professeur de physiologie. Il annonce dès sa première apparition dans le catalogue imprimé pour le semestre d’été 1683 qu’il traitera de la composition du corps humain et des principes vitaux, des plantes médicinales et de leurs effets, mais aussi qu’il pratiquera, selon les possibilités, des dissections afin d’étudier l’anatomie84. Un point pose davantage question qu’un autre, c’est bien sûr celui de la botanique, spécialité de Schellhammer qui travaille en cette même année 1683 à la mise en place d’un jardin sur le terrain de sa maison. Il semble pourtant, d’après les rapports manuscrits des deux professeurs, que Schellhammer ait accepté de céder la place, et même qu’il ait aidé Schrader à débuter dans la discipline : les 21 et 22 mai 1683 en effet, alors que Schrader vient à peine de débuter son enseignement, les deux professeurs organisent ensemble une sortie pour herboriser85. Apparemment, la sortie n’a pas lieu chez Schellhammer : celui-ci a-t-il déjà constitué son jardin privé et cherche-t-il à en éloigner son nouveau collègue ? Ou bien, plus certainement, a-t-il associé Schrader et les étudiants à une opération visant à récupérer des plantes pour ce même jardin ? Dans ce cas, le plus probable, Schellhammer s’efface donc sans difficulté et initie même son jeune collègue à l’art de soigner le jardin qu’il a imaginé et financé86. Lorsqu’il mentionne à nouveau l’étude des plantes dans ses cours des années suivantes, Schrader ne dit pas clairement en tout cas s’il s’est rendu dans le jardin de Schellhammer, mais ce fut certainement le cas87. Il est presque étonnant de voir le second ordinaire de la faculté, un botaniste reconnu, céder ainsi la place à un nouveau venu, accompagner son installation et peut-être même lui laisser l’accès à son jardin privé, qu’il a constitué en songeant vraisemblablement qu’il pourrait s’en servir dans ses propres cours. Aucune trace cependant ne subsiste d’une quelconque tentative de Schellhammer pour conserver ses attributions de botaniste, ni d’un conflit entre les deux hommes. La suite, pourtant, et le départ de Schellhammer quelques années plus tard, suggèrent qu’il a dû céder à contrecœur ; c’est donc bien une victoire qu’a remportée Schrader en 1683, appuyé sur la lettre des statuts, mais bien plus encore sans doute sur son statut de membre éminent de la « famille universitaire » : contre un Schrader, un ordinaire venu d’Iéna, même marié à une Conring, doit s’incliner.
28De surcroît, Schrader parvient dès 1683 à être nommé professeur ordinaire de physique au sein de la faculté de philosophie, cumulant ainsi deux chaires88. Le jeune et ambitieux professeur s’assure par ce biais de confortables revenus financiers, tout en parachevant le redressement de la faculté de médecine : longtemps fragilisée par le manque de professeurs réellement actifs, la faculté rassemble au milieu des années 1680 trois ordinaires et fait même entrer concrètement dans son orbite une quatrième chaire, officiellement toujours rangée parmi les chaires de philosophie. Si Schrader veille toujours à ne pas confondre son enseignement de physiologie avec celui de la physique, certains aspects suggèrent que ce dernier est pensé pour préparer les étudiants à l’enseignement de la médecine89. Pour le reste, il ne fait guère preuve d’originalité : suivant le livre de Vesling lorsqu’il traite d’anatomie, débattant des vertus des plantes, de diététique ou encore des éléments, il évoque la circulation du sang comme une évidence90.
29Après bien des vicissitudes, la faculté retrouve à partir de 1683 un équilibre conforme aux prescriptions des statuts, ce qui autorise le nouveau physiologiste Schrader à réclamer un rayon d’action correspondant à celui de son lointain prédécesseur Vogler. Entre les deux, pourtant, bien des choses ont changé, et les cours délivrés par Schrader permettent de mesurer l’écart. Le professeur de physiologie ne s’appuie plus autant désormais sur les théories de Galien et d’Hippocrate, dont les ouvrages ne sont plus cités, et le principe de la circulation du sang est admis comme allant de soi. Enfin, après avoir longtemps été le pilier de toute la faculté et la porte d’entrée des innovations, la chaire de physiologie a évolué : plutôt que de prendre en charge certaines attributions des deux autres chaires, elle est dorénavant tournée davantage vers la faculté de philosophie, son lien étroit avec l’enseignement de la physique garantissant une préparation des étudiants aspirant à la médecine et facilitant leur passage d’une faculté à l’autre.
L’ombre d’Hermann Conring
30D’après les statuts de 1576, le titulaire de la seconde chaire a pour mission d’enseigner l’étiologie et la sémiotique, autrement dit de présenter les causes des maladies, d’en décrire les symptômes et la nature, et de former les futurs médecins à l’art de dresser un diagnostic91. Explicitement, le texte des statuts commande au « pathologiste » de s’appuyer sur les textes d’Hippocrate, de Galien et de Dioscoride – et il est certainement aussi visé par l’article qui recommande aux professeurs de mener les étudiants avec eux auprès des malades92. Si l’on se fie au décret de visite de 1650, la première et la troisième chaire ont été interverties, mais la seconde est demeurée à sa place93. Notons pourtant que durant plusieurs dizaines d’années, aucun professeur ne fait suivre son nom du titre de pathologiste, et surtout que beaucoup de titulaires d’autres chaires déclarent délivrer des cours de pathologie – on l’a vu, déjà, à propos des physiologistes. L’explication en est simple : de 1650 à 1680, le second professeur dans l’ordre de préséance, celui qui doit en toute logique traiter de pathologie, n’est autre qu’Hermann Conring : or, et c’est là que l’exposé se complique, Conring déborde de tous les cadres habituels. Personnalité exceptionnelle, savant de renommée européenne, sans doute le professeur, avec Calixte, le plus connu de toute l’histoire de l’université, Conring occupe effectivement la chaire de pathologie, mais d’une manière singulière.
Un professeur hors cadre
31Du fait de son importance, Conring a déjà fait l’objet de nombreuses études, et il n’est pas utile de reprendre ici le détail précis de sa vie ni de son œuvre94. Rappelons seulement quelques éléments pour mieux saisir la personnalité de l’un des plus grands savants du siècle : né en 1606 en Frise orientale, Hermann Conring a gardé toute sa vie de profondes séquelles physiques après avoir été touché par la peste. Chétif et fragile, il débute tardivement sa scolarité, mais fait immédiatement preuve de dons exceptionnels, au point qu’il attire l’attention du professeur Martini à Helmstedt. Hébergé et formé par les plus grands enseignants de la cité, Conring fuit cependant le duché lors des troubles qui accompagnent la guerre ; poursuivant ses études à Leyde, il se laisse difficilement convaincre de revenir à Helmstedt, où il se réinstalle tout de même en 1633. Trois ans plus tard, il se voit offrir simultanément le titre de docteur en philosophie et en médecine, et il épouse la fille d’un professeur de droit renommé ; l’année suivante, il obtient une chaire ordinaire de médecine.
32Entre 1637 et 1650, Conring participe pleinement à la renaissance de l’université. Titulaire de la chaire de physiologie, il traite d’anatomie à partir de multiples dissections, mais aussi de l’usage des plantes et de pharmacie. Dès 1638, il est suffisamment célèbre pour que l’université de Wittenberg lui offre une chaire – mais la tentative de débauchage échoue95. Parallèlement à ses cours, Conring développe un cabinet médical dont la renommée passe rapidement les frontières : en 1649, il devient médecin et conseiller personnel de la princesse de Frise orientale, puis l’année suivante, médecin et conseiller de la reine de Suède. Depuis Stockholm où il s’est rendu pour accepter cette charge prestigieuse, il fait mine d’ailleurs de ne pas rentrer à Helmstedt, jusqu’à ce que le duc consente à rehausser substantiellement son salaire. Toujours avide de reconnaissance et de prébendes, il récupère une seconde chaire au sein de la faculté de philosophie en 1655, devient correspondant de Colbert en 1664, lequel obtient pour lui une pension annuelle du roi de France, et il accepte enfin d’être nommé conseiller d’État du Danemark en 1669. Bien entendu aussi conseiller personnel du duc Auguste, il contribue à la fondation et à la réorganisation de la bibliothèque de Wolfenbüttel96. Riche propriétaire foncier, installé dans une immense demeure au cœur de Helmstedt, Conring correspond avec les plus grands qui réclament presque tous ses conseils, médicaux ou juridiques.
33Car si la personnalité de Conring a fait l’objet de critiques de la part de certains historiens, qui ont vu en lui un courtisan servile et versatile, à la vénalité insatiable, ses talents ne font aucun doute97. Cela a déjà été évoqué, Conring fut l’un des plus importants penseurs du droit dans l’espace germanique au xviie siècle, en même temps qu’un savant fécond dans le domaine de la science politique, de la statistique ou de l’histoire. Si l’on s’en tient à la médecine, il faut également souligner l’étendue de ses connaissances et la finesse de son jugement : précocement, il reconnaît la justesse des théories de Harvey et les défend ouvertement. Il comprend assez tôt aussi l’intérêt de la chimie et les perspectives qu’elle ouvre, notamment dans le domaine de l’élaboration des médicaments, mais il s’affiche comme un farouche pourfendeur de l’alchimie98. Incontestablement, et bien que cet aspect retienne moins l’attention aujourd’hui, Conring a pesé sur les grands débats entre médecins en Europe et sur l’évolution de la discipline en général, comme sur celle de la faculté de Helmstedt.
34À partir des années 1650 et jusqu’à sa mort en 1681, il fut pourtant un professeur de médecine quelque peu particulier : pour la plus grande part, l’activité d’enseignant en médecine de Conring a cessé presque totalement, au moins de façon régulière, à partir du milieu du siècle. Son nom apparaît toujours dans les catalogues imprimés annonçant les cours à venir, mais c’est la plupart du temps pour mieux affirmer sans détour qu’il ne fera pas cours de médecine, ou bien seulement si ses autres activités lui en laissent le temps. Très explicitement, il expose que ses cours de science politique lui importent avant tout, et qu’il entend s’y consacrer prioritairement99. Mieux : avant d’obtenir officiellement la chaire de politique au sein de la faculté de philosophie, Conring décide de son propre chef d’annoncer dans sa rubrique de professeur de médecine des cours publics de philosophie100. Si l’on se penche sur ses rapports manuscrits entre 1652 et 1681, le constat est identique : sur l’ensemble des archives, il mentionne trois fois la médecine, et encore n’est-ce que pour préciser qu’il s’est occupé d’organiser des disputes. Ce qui est clair, c’est que, sans complexe, Conring se moque des règles officielles d’organisation de l’institution, et n’entend pas qu’on lui impose les matières qu’il doit enseigner. Il est de ceux qu’on prie de rester, son nom donnant à lui seul du lustre à toute l’institution – et il profite de ce statut pour se détourner en grande partie de la médecine et se consacrer aux sujets qui l’intéressent. À moins que son retrait presque total des salles de cours de médecine soit à considérer autrement.
35Plusieurs observations conduisent en effet à nuancer ce premier bilan. Profitant de sa renommée, Conring a d’abord attiré à Helmstedt de nombreux jeunes étudiants, et poussé sans doute aussi à la nomination de plusieurs jeunes professeurs. Hébergeant de nombreux inscrits à la faculté de médecine dans sa vaste demeure, il a certainement veillé à donner de rares cours, dont la fréquence et le contenu réel n’ont jamais filtré dans les catalogues ou ses rapports manuscrits. Organisant de nombreuses disputes et examinant les candidats, il a présidé vingt-neuf promotions au titre de docteur en médecine en l’espace d’un demi-siècle101. Enfin, il a aussi édité et réédité sans relâche ses propres ouvrages, comme son manuel servant d’introduction à l’art de la médecine ou, de façon plus intéressante encore, son ouvrage contre Paracelse102. Après une première parution en 1648, Conring reprend entièrement son texte en 1669 pour tenir compte des travaux les plus récents comme ceux de Robert Boyle, et ajoute un index et une attaque en règle contre le professeur de botanique et alchimiste danois Ole Borch103. Alors même que Meibom vient d’installer un laboratoire à son domicile – en face de chez Conring – et propose pour la première fois des cours privés de chimie à Helmstedt à la fin de 1668, son ancien maître et collègue juge utile d’effectuer un rappel précis et argumenté des limites à ne pas franchir. Craignant sans doute que la barrière entre la chimie et l’alchimie ne se révèle poreuse, il dénonce cette dernière plus vigoureusement encore qu’en 1648, en s’appuyant sur l’histoire, la philologie, la théologie, mais aussi sur Aristote – l’origine antique de l’alchimie, ses théories du microcosme et du macrocosme, ainsi que celles sur la matière étant rejetées avec virulence. Dès le printemps 1669, il propose des cours sur l’ouvrage en cours de réécriture104. Dans les années suivantes, il persiste dans sa vigilance et dans son rôle de contrôleur des études en présidant personnellement plusieurs disputes sur la chimie105.
36Ainsi est-il possible de mettre au jour un portrait différent de Conring, du moins d’émettre une hypothèse : après s’être investi pleinement dans la médecine, tant sur le plan pédagogique qu’éditorial, pendant les quinze premières années de sa carrière, Conring a commencé au début des années 1650 à prendre un certain recul. Loin de négliger la médecine par manque de temps ou d’intérêt, il a plutôt profité de sa renommée pour agir comme agissaient alors les primats des facultés de théologie et de droit : bien qu’il ne soit que second dans la hiérarchie de la faculté, il s’est arrogé le droit d’encadrer et de superviser les étudiants et les choix de ses collègues, faisant passer la défense de la réputation de l’université et le travail éditorial avant ses cours publics. Il faut reconnaître qu’avec l’arrivée de Vogler en 1653, Conring s’était vu contraint de cesser de pratiquer l’anatomie ; promu au rang de pathologiste, il était certainement peu motivé à l’idée d’enseigner la façon de sentir les urines ou de réciter les textes de Galien et d’Hippocrate. Sa finesse d’esprit et son intelligence passionnée le faisaient aspirer à des missions plus nobles : ses autres centres d’intérêt, le droit et la politique, mais surtout la lecture des ouvrages récents et la réflexion théorique sur l’évolution de la médecine l’intéressaient bien davantage. Il a finalement permis à la faculté d’attirer un public nombreux et de muter lentement et sereinement, en intégrant de jeunes savants pétris d’idées nouvelles, mais priés de ne pas rejeter l’héritage aristotélicien. Après son décès s’ouvre une période d’évolutions plus rapides, mais aussi de tensions entre professeurs.
Schellhammer et la réflexion moderne sur la nosologie
37Conring décédé, son gendre Schellhammer hérite mécaniquement de la seconde chaire, en même temps que de la vaste demeure de son beau-père. Mais bien entendu, il ne peut prétendre assumer la position de ce dernier et se conduire comme lui. D’abord seul enseignant de la faculté avec Meibom, il jouit jusqu’à l’été 1683 d’une relative marge de manœuvre et pratique autant la botanique que la physiologie reliée à la pathologie. Avec l’arrivée de Schrader, Schellhammer se trouve en revanche rejeté dans les limites officielles de sa chaire et contraint de ne traiter que de pathologie. Pour la première fois depuis longtemps, la faculté retrouve un équilibre conforme aux statuts : pris en étau entre ses deux collègues qui se réclament des textes officiels, Schellhammer n’a guère le choix. Voici enfin un titulaire de la chaire de pathologie forcé d’être présent et de s’occuper de pathologie.
38Loin de se dérober, Schellhammer montre à partir de 1683 qu’il a de la ressource et du caractère, et il aborde l’enseignement de la pathologie avec autant d’intelligence que d’originalité. En moins de sept ans, il innove profondément en proposant plusieurs cycles différents structurés autour de réflexions originales sur sa discipline et ses évolutions récentes. Au moment d’entamer réellement ses cours de pathologie à la fin de 1683, il propose ainsi une discussion à ses étudiants sur le problème du classement des pathologies, avant de se pencher sur les différents types de maladies106. Dans les deux années qui suivent, il poursuit sur cette voie en traitant à la fois de sémiotique et d’étiologie107. Galien et la théorie des humeurs ne se voient consacrer que quelques heures à peine en deux années, à la fin du semestre d’été 1684. Il faut dire que Schellhammer ne cache pas qu’il s’appuie d’abord sur une autre autorité, celle du médecin anglais Sydenham108. Alors même que l’« Hippocrate anglais » est très critiqué dans son pays en raison de son approche novatrice des pathologies, Schellhammer épouse sa démarche, qui envisage les maladies comme des phénomènes naturels qu’il est possible d’ordonner méthodiquement pour en avoir une connaissance plus précise et en faciliter l’identification. Surtout, il cite pour la première fois Sydenham dans ses cours l’année même de la première publication d’un de ses ouvrages en Allemagne, en 1683109. Si Schellhammer ne s’étend pas davantage dans ses rapports sur la façon dont il ordonne et développe son propos en cours, il effectue indéniablement des choix forts. Plutôt que de commencer par Hippocrate et Galien, il cherche la manière d’ordonner les maladies, d’abord en les envisageant selon les parties du corps – sans doute est-ce là l’héritage de la démarche physio-pathologique de Meibom –, puis en les abordant par leurs causes et leurs effets. Ainsi, il traite la nosologie selon les deux approches encore en vigueur aujourd’hui, et alors seulement émergentes. S’il retombe ensuite dans l’exposé classique des méthodes permettant d’établir un diagnostic, sa réflexion initiale et son souci d’exploiter des travaux récents et encore mal établis démontrent son ouverture d’esprit, mais surtout plus généralement la rapidité avec laquelle l’enseignement de la médecine à Helmstedt est capable de se questionner et de se lancer sur des voies nouvelles.
39Parvenu au bout de ce premier cycle de cours en tant que pathologiste à l’automne 1685, Schellhammer ne répète pas la formule dans les semestres qui suivent, préférant emprunter un nouveau chemin. Ainsi, il fait paraître au début du mois d’octobre 1685, en marge du catalogue imprimé de l’université, un opuscule précisant le programme de ses cours à venir110. Il s’agit d’un texte qui présente Hippocrate et l’origine de ses aphorismes célèbres : dans ce qui ressemble à une brève dissertation argumentée, Schellhammer défend la valeur des jugements émis par le savant grec, notamment en soulignant qu’ils sont le fruit d’une longue expérience personnelle, validée et confortée par les siècles écoulés. Dans les semestres qui suivent, il consacre tous ses cours publics à la lecture suivie et commentée des sept sections des Aphorismes, achevant l’ouvrage au début du semestre d’été 1687111. Ce retour assez brusque à des cours uniquement centrés sur l’œuvre d’Hippocrate n’est pas en soi surprenant : le médecin grec demeure une autorité, même pour ceux qui tentent de faire évoluer la médecine. Le geste consistant à publier un programme, qui constitue en réalité une longue introduction à son cours, peut quant à lui s’expliquer : sans doute Schellhammer a-t-il fait preuve ici d’un souci pédagogique, les douze pages de son opuscule étant censées fixer l’essentiel de ce que les étudiants devaient savoir sur la principale autorité en matière de médecine, l’homme et l’auteur encore au cœur de toutes les disputes au sein de la faculté112. En outre, depuis les décès de Vogler et de Tappen, plusieurs années s’étaient écoulées sans qu’aucun cours directement appuyé sur Hippocrate n’ait été donné. Il fallait conférer les moyens à tous les étudiants, même les plus avancés, de rattraper leur retard et d’apprendre l’essentiel sur Hippocrate. Par ailleurs, le « retour à Hippocrate » figurait parmi les recommandations de Sydenham113, sans doute une fois encore aux sources de la démarche de Schellhammer.
40Enfin, à partir de l’été 1687, Schellhammer revient à l’enseignement de la pathologie, mais en suivant encore une fois une voie nouvelle. Comme point de départ, il se donne ainsi pour but d’étudier le phénomène de la fièvre. Ayant présenté rapidement le sujet et ce qu’en dit Galien, il consacre ensuite plusieurs mois jusqu’en décembre 1687 à passer en revue tous les auteurs qui ont évoqué ce problème, et il débat de leurs théories en les confrontant114. Après la tentative de dresser un tableau raisonné des maladies, Schellhammer essaie, à partir d’une pathologie, d’élaborer le tableau de toutes les théories émises à son sujet, bibliographie à l’appui. Les ouvrages et théories de Paracelse, Sydenham, mais aussi de Pompeo Sacco, Jacobus Sylvius et John Jones sont ainsi présentés et passés au crible115. Schellhammer s’appuie donc sur des références très récentes : les quatre derniers noms cités sont en effet tous des savants vivants en 1687, dont les ouvrages, publiés à Genève, Londres et Dublin, n’ont pas plus de quatre ans – sauf en ce qui concerne Sydenham. Le pathologiste de Helmstedt prouve ainsi qu’il est en contact permanent avec les savants britanniques et italiens, sans doute par le biais de ses liens avec Padoue et Leyde116. Il n’hésite pas en tout cas à soulever des débats dans ses cours publics autour des théories les plus controversées comme celle de Paracelse, ou bien autour de celles de savants contemporains.
41Après avoir achevé l’étude de la fièvre au début de l’année 1688, Schellhammer change à nouveau sa pratique pédagogique. Désormais, il aborde chaque maladie – la variole, le scorbut, l’épilepsie – en débutant par son histoire, puis en exposant ses symptômes117. Il semble qu’il parte de l’idée qu’il est possible de faire une histoire générale de toutes les maladies, associée à un classement des symptômes. Démarrant avec Galien, il suit ainsi un déroulement chronologique pour présenter chaque pathologie. Il poursuit de la sorte en évoquant aussi les maladies du foie, les ulcères et les calculs rénaux, jusqu’à la fin du mois de décembre 1688118. Au début du mois de janvier 1689, il cesse son activité afin d’occuper la fonction de vice-recteur pour la première fois119. Il revient en août de la même année pour expliquer aux étudiants comment établir un diagnostic, puis se lance dans une présentation de la sémiotique d’un point de vue universel, avant de faire une histoire générale de la médecine de Galien à Paracelse, puis de présenter les principes de base de la chimie – cours qu’il interrompt en janvier 1690 pour observer longuement les astres120. Alors que l’hiver 1690 se termine, Schellhammer semble parvenu au bout de toutes les tentatives pour traiter de pathologie d’une manière qui le satisfasse. De façon assez brutale, il choisit alors d’accepter une proposition venue de sa ville natale : alors qu’il est confortablement installé à Helmstedt, il quitte définitivement la ville pour prendre possession d’une chaire d’anatomie, de chirurgie et de botanique à Iéna, associée à la direction du jardin botanique de l’université.
42En 1683, les règles fixant la hiérarchie au sein de la faculté, ainsi que les définitions des chaires par les statuts, ont pesé d’un poids bien plus lourd que les personnalités concernées. Sans qu’il soit tenu compte de ses goûts et de sa spécialité, Schellhammer a été contraint d’accepter la logique d’une promotion hiérarchique qui l’a enfermé dans le rôle d’un professeur de pathologie. La chaire dont il s’empare alors est comme un champ en friche : depuis des décennies, personne, et surtout pas Conring, n’a traité véritablement et uniquement de pathologie. Appuyé sur son expérience, elle-même forgée essentiellement aux Pays-Bas, sur la bibliothèque de son beau-père dont il a hérité en même temps que de sa demeure, et sur son propre réseau de correspondants qui lui donne accès aux ouvrages les plus récents, Schellhammer retourne la situation en inventant plusieurs manières de traiter de pathologie. Botaniste dans l’âme, il tente d’appliquer sa passion du classement à ce domaine particulier qu’est la pathologie, changeant les règles à maintes reprises, mais toujours en intégrant la nécessité, commandée par les statuts, de traiter de sémiotique, d’étiologie, de Galien et d’Hippocrate. Puis, c’est vers l’histoire qu’il se tourne, comme si la dynamique chronologique, après l’effort rationnel de mise en tableau, devait lui fournir la clef pour s’approprier enfin et parvenir à exposer clairement sa discipline. Loin d’avoir échoué, Schellhammer a ouvert des voies, organisé la rencontre entre des méthodes et des pratiques différentes. Sans relâche, il a travaillé à faire entrer les travaux les plus récents et les plus variés dans un enseignement que les Anciens peuplaient de moins en moins. Mais la radicalité de ses choix, de même que ses références assumées à Sydenham et Paracelse, ont dû choquer la plupart de ses collègues, marqués par l’héritage intellectuel de Conring, et plus largement par l’aristotélisme. Il n’est pas impossible, d’ailleurs, que ce soit ce qu’ait cherché Schellhammer, dans une affirmation de sa liberté autant que de son dépit : pour ce passionné de sciences naturelles et de chimie, admirateur de Franciscus de la Boë dont il avait suivi l’enseignement121, faire le dos rond tant que son beau-père était en vie fut sans doute inévitable. En revanche, accepter de voir un jeune héritier peu formé, Schrader, l’évincer de son propre jardin botanique, puis récupérer la chaire de physique, dans une alliance des disciplines dont il aurait rêvé pour des raisons intellectuelles et financières, fut sans doute aussi frustrant qu’humiliant122. Dans ce contexte, on comprend qu’il ait accepté facilement de retourner à Iéna afin de poursuivre sa brillante carrière dans une faculté de médecine particulièrement réputée. Mais son départ fut certainement aussi un soulagement pour l’institution : en permettant de confier la pathologie à Schrader, et de nommer un enfant du pays et de l’institution à la troisième chaire, il signa la fin des débordements trop visibles au-delà des traditions intellectuelles de l’université123.
Une approche conventionnelle de la thérapeutique
Entre tradition et pratique
43Une troisième chaire, initialement la dernière dans l’ordre hiérarchique, mais qui est en 1650 de fait entre les mains du primat, est consacrée à la thérapeutique. Son titulaire doit s’appuyer sur Galien afin d’enseigner la méthode médicale, c’est-à-dire la façon de guérir toutes les maladies. Un tel champ d’action implique tout autant l’enseignement de la façon de guérir les fractures que l’évocation des remèdes pharmaceutiques et leur utilisation124. De la chirurgie à la pharmacie, le thérapeute doit achever de faire des étudiants des praticiens accomplis. Presque quinquagénaire et figure emblématique de la faculté et même de l’université entière, Tappen occupe cette chaire en 1650. À vrai dire, sa position doit plus aux circonstances qu’à ses talents personnels125. Après avoir fait quelques années d’études à Helmstedt et en être parti, Tappen est revenu dans la cité en 1628, au moment où celle-ci se remettait à peine des ravages de la peste et de la guerre. Seul capable de fournir une aide à l’unique professeur de médecine qui tente de faire redémarrer la faculté, il obtient un doctorat et, par défaut, se voit proposer une chaire en 1632. Après avoir même été, durant une brève période, le seul enseignant en médecine, il accueille Conring dès 1637 et, l’institution ayant retrouvé un fonctionnement normal, devient inamovible jusqu’à son décès en 1680. Notons que, s’il n’a pas la réputation et la carrure de la plupart de ses collègues, Tappen reste une figure essentielle de la vie et du fonctionnement de l’université, et pas seulement en raison de son passé de serviteur irréprochable. Très proche de Georges Calixte, il a offert une de ses filles en mariage au fils de son collègue Conrad Hornejus, lui-même professeur126. À défaut d’être appelé par les monarques et les universités étrangères, il est un des piliers de la « famille universitaire » de Helmstedt, voire même son médecin : lorsque le 20 septembre 1658 au matin, la fille de Frédéric-Ulrich Calixte tombe malade, c’est Tappen que l’on va quérir en urgence ; celui-ci interrompt alors précipitamment le cours public qu’il a commencé afin de courir au chevet de la jeune enfant127.
44Concrètement, les premiers rapports manuscrits qu’il rédige à partir de 1652 montrent qu’il s’acquitte de sa charge de thérapeute d’une façon prévisible128. Il ne cesse d’affirmer qu’il se concentre sur la « methodo curandi » – la méthode pour guérir – en envisageant les diverses parties du corps humain. Il s’occupe également d’enseigner la manière de composer des remèdes et médicaments, ainsi que de la façon d’en user, par exemple en appliquant des emplâtres129. Dans les périodes où il s’intéresse aux questions de pharmacie, il n’hésite pas d’ailleurs à pratiquer des herborisations, mais dans le cadre de ses cours privés, afin sans doute de ne pas empiéter sur les prérogatives de son collègue Vogler130. Néanmoins, une observation s’impose si l’on considère l’ensemble des années 1650 : sans doute par habitude de posséder un large champ d’action, plus sûrement afin de combler, en partie au moins, les absences et la faible activité de Conring, Tappen délivre progressivement des cours qui touchent autant à la thérapeutique qu’à la pathologie. Pour être plus précis, il oriente de plus en plus ses cours publics en vue d’évoquer les causes et les types de maladies, tout en maintenant un enseignement privé et en organisant des disputes qui concernent la façon de traiter les pathologies. Au détour de certaines annonces des catalogues imprimés, on devine que Tappen agit ainsi afin que les étudiants, durant ces années 1650 où Conring s’éloigne de l’enseignement, puissent tout de même acquérir des notions essentielles dans le domaine de la pathologie131. Entre l’été 1659 et l’été 1660, il se penche ainsi sur différentes maladies, détaillant leurs causes et leurs manifestations132. Évoquant parfois les théories d’Aristote, il s’appuie systématiquement et toujours très longuement sur Galien. Lorsqu’il mentionne d’autres auteurs – Ercole Sassonia, Plater ou Godfried Versteeg notamment à propos de la catalepsie –, il semble tirer ses rares références de l’ouvrage d’introduction à la médecine de son collègue Conring133. Si Tappen n’hésite pas à prendre en main par séquence l’enseignement de la pathologie à mesure que Conring s’efface, les traces qu’il a laissées dans ce domaine permettent d’insister une nouvelle fois sur l’écart existant avec la façon de procéder de Schellhammer, presque trois décennies plus tard. Les rares auteurs cités ne provenant pas de l’Antiquité sont tous vieux de près d’un siècle et correspondent aux médecins qui ont dû inspirer les maîtres de Tappen, dans sa jeunesse. De façon assez claire, le primat n’a pas le souci de suivre l’évolution contemporaine de la médecine, ni de se pencher sur les ouvrages parus plus récemment.
45Dans la première moitié des années 1660, l’étude de la pathologie cède de plus en plus la place à la thérapeutique. Mais là aussi, la pratique de Tappen se révèle très conventionnelle. Des références à Aristote, parfois critiqué, permettent de lancer des réflexions sur le mouvement des animaux ou les états de conscience ; pourtant, c’est toujours à Galien que la parole est ensuite donnée, et le grand médecin grec sert d’autorité incontestable et inattaquable. Hippocrate et Avicenne sont également convoqués, avec la même stature d’autorités134. Plus précisément, il veille toujours à débuter ses cycles de cours par une grande introduction générale fixant le cadre théorique dans lequel il se situe – soulignons d’ailleurs que Tappen montre en permanence le visage d’un pédagogue bien organisé, soucieux de se faire comprendre et illustrant abondamment son propos. Il affirme sans détour que les maladies, pour être soignées correctement, doivent être considérées d’après la théorie des humeurs et des tempéraments, sans oublier le rôle de la géographie, de l’astrologie et du calendrier135. À partir de cas concrets, il insiste donc sur la nécessité de chercher toujours des remèdes qui permettent de rééquilibrer les humeurs. Si les cours sont très orientés vers la pratique, l’évidence est là : tout l’enseignement est organisé sur la base de la théorie hippocratique, admise sans débat comme le fondement évident de toute thérapeutique. Les traditions et les prescriptions des statuts sont suivies sans nuance ni concession à la moindre évolution de la médecine – mais elles le sont avec rigueur et méthode. Jusqu’à son retrait des salles de cours à partir de l’été 1679, quelques mois avant son décès, Tappen enseigne la médecine comme ses maîtres la lui avaient enseignée : à partir de la vision des Anciens, et de manière pratique.
Meibom, primat et thérapeute
46Le décès de Tappen, qui précède d’un an celui d’un Conring déjà âgé et malade, ouvre une période de flottement. Le nouveau nommé, Schrader, n’a rien de plus pressé en 1681 que de partir pour parfaire sa formation, laissant Meibom et Schellhammer se partager l’ensemble des enseignements et des charges de la faculté136. Au bout de deux ans d’interruption, l’enseignement de la thérapeutique renaît finalement au début de l’été 1682, lorsque Meibom, devenu primat, annonce qu’il se concentre désormais sur les missions de la première chaire137. Pour la première fois, la thérapeutique échoit donc à un homme qui est également la figure dominante de la faculté, avec tout ce que cela implique. Alors qu’il est déjà titulaire d’une chaire d’histoire au sein de la faculté de philosophie et qu’il doit assumer plusieurs fois la charge de vice-recteur, Meibom s’impose après Conring comme le médecin et le conseiller que les princes welfes n’hésitent jamais à appeler auprès d’eux138. Souvent en déplacement, soignant collègues et étudiants, évaluant ces derniers ou bien assistant à des mariages divers, Meibom est donc très souvent absent139. Bien qu’il demeure toujours méthodique et s’acquitte avec sérieux de sa tâche jusqu’à son décès en 1700, son activité au cours des deux dernières décennies du siècle est assez discontinue.
47Si l’on cherche à comparer concrètement ses cours avec ceux de son prédécesseur, quelques observations s’imposent. D’abord, Meibom organise sa progression en abordant successivement les grandes parties du corps : après la tête et les muscles, il se concentre sur les maladies du thorax, puis sur celles du ventre par exemple, consacrant environ trois mois à chaque grande partie140. Si possible, il part de l’anatomie, avant d’évoquer les traitements possibles, pharmaceutiques ou chirurgicaux ; dans ce dernier cas, il n’hésite pas à montrer longuement la manière de pratiquer des opérations complexes comme la trépanation, à l’aide d’instruments présentés en détail141. Lorsqu’il évoque en revanche la fièvre, son approche passe d’abord par l’histoire de la médecine, appuyée sur des références à des auteurs français et italiens, avant de présenter la méthode contemporaine qu’il qualifie d’empirique142 – sans doute l’influence de Sydenham se fait-elle ici une fois encore sentir. Enfin et surtout, il insiste beaucoup sur la théorie de Harvey sur la circulation du sang et rechigne assez clairement à passer du temps à décrire les différentes formes d’intempérance en suivant les textes de Galien et d’Hippocrate. Pour autant, la correction du déséquilibre des humeurs est présentée comme un principe essentiel de la thérapeutique, et des semestres entiers peuvent être consacrés aux techniques de la saignée ou aux moyens d’administrer la purge143. Si un changement par rapport à la période précédente est visible, la rupture n’est pas flagrante et les prescriptions des statuts sont respectées. Toujours autant tourné vers sa dimension concrète, l’enseignement de la thérapeutique s’est un peu éloigné des bases hippocratiques pour intégrer davantage la pharmacie et en particulier la chirurgie.
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48Si l’on regarde de près l’activité des professeurs ordinaires de médecine dans la seconde moitié du xviie siècle, plusieurs observations peuvent être faites. Comme le souligne Michaëla Triebs dans son ouvrage qui considère les médecins de Helmstedt sur toute la durée d’existence de l’université, la faculté de médecine de l’Academia Julia est très étroitement repliée sur elle-même, du moins en ce qui concerne le recrutement de son personnel144. Vogler, Meibom, Schrader sont des enfants et petits-enfants de professeurs de Helmstedt, tandis que Tappen et Conring ont fait l’essentiel de leur formation, puis toute leur carrière, au sein de l’institution. Seul Schellhammer a fait du chemin pour arriver à Helmstedt, mais ce fut aussi pour épouser la fille du grand Conring et s’installer dans sa maison. Surtout, Schellhammer est le seul parmi les enseignants étudiés ici qui ait finalement quitté l’université pour poursuivre sa carrière ailleurs – et il n’y a là sans doute pas de hasard. Certes la plus petite de toutes, la faculté de médecine est un monde clos, une petite famille au sein de la grande famille universitaire, et ce, encore plus que les autres facultés. D’ailleurs, un regard jeté sur les ouvrages d’auteurs contemporains cités en cours par les enseignants confirme ce constat : à de rares exceptions près, la plupart des professeurs citent leur collègue Conring ou bien leur prédécesseur Duncan Liddel145. Toujours le vase clos, même si tous ont amplement voyagé durant leurs études. Le seul, d’une certaine manière, à se distinguer et à déroger à la règle est encore une fois Schellhammer : lui aussi a voyagé, il a hérité de la bibliothèque de son beau-père, mais il a surtout conservé des liens avec d’autres savants ailleurs en Europe – en Italie, aux Pays-Bas, peut-être en Angleterre – et il n’hésite pas faire entrer cet air frais dans son enseignement.
49En ce qui concerne le rapport des enseignants de ces années 1650-1680 aux changements et aux travaux récents de la médecine, il faut cependant concéder que Schellhammer n’a pas le monopole de l’innovation et de la modernité. En la matière, l’examen détaillé des cours dessine à première vue une opposition entre deux générations. Tappen et Vogler d’un côté, vieillissants défenseurs de la tradition toujours cramponnés aux textes et théories antiques, et les jeunes de l’autre : Meibom, Schellhammer et Schrader, convaincus par Harvey, séduits par les possibilités nouvelles de la chimie, adeptes du microscope et de la classification des plantes ou des maladies – le cliché est peut-être facile, mais il contient une part de vérité. Entre les deux, le placide Conring, presque invisible dans les salles de cours, mais dont l’action en coulisse et l’ascendant intellectuel forgent un cadre et des règles. Précoce défenseur de Harvey dès les années 1640, Conring jouissait probablement d’une véritable aura auprès de ses jeunes étudiants et collègues, aux regards tournés vers les foyers hollandais et anglais en pleine ébullition. Cependant, aristotélicien convaincu et pourfendeur de l’alchimie, il en imposait également à ses collègues plus âgés, rassurés par son conservatisme. Ce positionnement double mais cohérent a permis de faire émerger un consensus tacite et d’ouvrir un espace au renouvellement de l’enseignement, sous certaines conditions : celle, entre autres, de ne jamais réfuter frontalement la théorie des humeurs et le concept de maladie qui en découle, ni de faire entrer dans la pratique de la chimie des considérations inspirées par l’hermétisme paracelsien – ni dérive théologique, ni contestation d’Aristote, en somme. Ce fut assez pour Meibom, sans doute prêt à des concessions et à des contorsions pour demeurer au sein d’un monde qui était le sien ; ce fut trop peu, à long terme, pour son proche ami Schellhammer146. Conring avait sans doute fondé de grands espoirs sur son gendre, confiant dans ses qualités intellectuelles et son intégration dans la famille universitaire par son mariage avec sa fille ; il avait toutefois sous-estimé sa capacité à se plier et à s’intégrer au sein d’un groupe exigeant que soient respectées certaines normes de pensée.
50Cette forme d’intransigeance a certainement privé la faculté d’un brillant savant et de sang neuf, mais elle explique également comment cette dernière a pu conserver une parfaite sérénité, alors même que la vision de la science et de la médecine qui avait commandé des siècles de tradition paraissait soudain brouillée par les nouvelles découvertes et théories. Quand la lettre des statuts a cessé de fournir en permanence une ligne crédible et des règles d’arbitrage universellement admises, les médecins de Helmstedt ont répondu en resserrant les liens qui les unissaient, au-delà des rapports de personne. Insistons sur cet aspect : s’il y a bien des opinions et des tendances divergentes entre les titulaires des chaires, ce qui surprend le plus, c’est le calme étonnant qui règne pendant presque un demi-siècle au sein de la faculté de médecine. Les liens du sang, des alliances matrimoniales, le fait d’avoir été formé par les plus âgés avant de devenir soi-même professeur, tout cela a dû peser. Pourtant, il y a matière à s’affronter, au moins à se mépriser entre collègues, même si on laisse de côté le cas de Schellhammer. De Vogler à Meibom puis Schrader, ou bien de Tappen à Meibom, les changements de titulaires sur les différentes chaires font apparaître des évolutions très sensibles, presque des virages. De l’un à l’autre pourtant, les différences ne mènent pas aux différends : après leur décès, Vogler et Tappen voient même certains de leurs travaux édités ou réédités par leurs collègues. C’est ainsi que l’original discours de Tappen de 1652 mettant en garde contre les dangers du tabac ressort plusieurs fois des presses de l’université, longtemps après sa mort147 ; quant à Vogler, Meibom lui rend également un hommage posthume en rééditant ses travaux – ceux qui intéressent l’histoire et non la médecine, il est vrai148...
51Cette remarque en amène une dernière, liée à un constat frappant. Quelle que soit la génération à laquelle ils appartiennent, presque tous les professeurs de médecine sont simultanément des philologues, du moins des savants versés dans les humanités : après avoir hésité entre médecine et théologie, Tappen a vécu toute sa vie auprès de Georges Calixte et semble heureux de commenter Aristote et Platon en même temps qu’Hippocrate ; Conring est l’homme qui, aujourd’hui encore, est considéré comme l’inventeur de l’histoire du droit allemand ; Vogler a écrit sur la Passion du Christ et laissé des travaux prouvant ses talents d’helléniste ; Schrader et Meibom, enfin, ont cumulé tout au long de leur carrière une chaire de médecine avec une chaire au sein de la faculté de philosophie. Quant à Schellhammer... il a certes commenté les Aphorismes d’Hippocrate, mais en insistant sur les raisons strictement médicales qui le motivaient, et il se distingue une nouvelle fois. Pour le dire plus simplement, cet unique enseignant à ne pas être un enfant de Helmstedt est aussi le seul qui ne soit pas autant marqué que ses collègues par la culture humaniste. Tous sauf lui marient la médecine avec un intérêt, inspiré par le siècle précédent, pour l’Antiquité et ses ouvrages, qui dépasse de beaucoup la connaissance des Anciens que réclame l’état de médecin au xviie siècle. Au-delà du cadre forgé à un moment par Conring, il existe une véritable culture commune qui, entretenue avec soin, a soudé le groupe des médecins et rendu possible la cohabitation entre les générations, et c’est elle aussi qui caractérise le mieux la faculté de Helmstedt.
52Monde sociologiquement clos, la faculté de médecine aime d’ailleurs s’enfermer dans sa propre histoire, teintée d’humanisme. Chacun des membres s’en trouve marqué par une culture spécifique et aborde la médecine à travers un prisme original. Les innovations qui ne contredisent pas la lecture des Anciens et surtout celles qui procèdent de l’anatomie, des dissections de cadavres, sont assez facilement assimilables, du moins acceptables par tous. De là semble même découler une certaine idée de la médecine et de sa pratique : maître ès élégance littéraire et anatomie, le médecin est d’abord un homme sensible à la réalité qui l’entoure et qu’il est capable de relier avec une immense érudition aux sources antiques. Parallèlement, il est aussi un praticien qui tient compte des théories hippocratiques, mais surtout de l’observation permise par les dissections, et qui tente de faire concorder les deux. Enfin, la culture humaniste dans laquelle il évolue lui confère une certaine ouverture d’esprit, une disponibilité à recevoir, ou du moins à débattre, des innovations, mais sans jamais tourner le dos à la tradition et à l’histoire de l’institution.
Notes de bas de page
1 L. Brockliss, « Lehrpläne », art. cité, p. 451-494, 486. Pour l’histoire des facultés de médecine françaises à l’époque moderne, voir l’étude ancienne, mais très détaillée, de Paul Delaunay, La Vie médicale aux xvie, xviie et xviiie siècles, Paris, Éditions Hippocrate, 1935. Sur l’importance de Montpellier, voir Daniel Le Blevec (dir.), L’Université de médecine de Montpellier et son rayonnement (xiiie-xve siècles), actes du colloque des 17-19 mai 2001, Turnhout, Brepols, 2004. Pour une vue plus large sur l’évolution de la médecine à l’époque moderne, voir notamment Mirko D. Grmek (dir.), Histoire de la pensée médicale en Occident, 2. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Éditions du Seuil, 1997.
2 L. Brockliss, « Lehrpläne », art. cité, p. 486.
3 Ibid., p. 487-489.
4 Olaf Pedersen, « Tradition und Innovation », dans Walter Ruëgg (dir.), Geschichte der Universität in Europa, 2. Von der Reformation..., op. cit., p. 363-390 et 363-367.
5 Voir notamment M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., qui étudie la faculté à partir des sources concernant les disputes et les promotions. Sur la pratique de la dissection, voir Karin Stukenbrock, Der Zerstückte Cörper: zur Sozialgeschichte der anatomischen Sektionen in der frühen Neuzeit, 1650-1800, Stuttgart, Steiner, 2001. Du même auteur, sur Helmstedt en particulier, voir l’article : « Über die Grenzen der Universität hinaus. Die Helmstedter Anatomie », dans J. Bruning & U. Gleixner (dir.), Das Athen der Welfen..., op. cit., p. 210-217. Pour une réflexion plus large sur la pratique de la dissection, voir aussi Roger French, Dissection and Vivisection in the European Renaissance, Aldershot, Ashgate, 1999. Enfin, voir Claudia Kauertz, Wissenschaft und Hexenglaube: die Diskussion des Zauber- und Hexenwesens an der Universität Helmstedt (1576-1626), Bielefeld, Verlag für Regionalgeschichte, 2001.
6 C’est la thèse défendue par Peter Baumgart dans l’introduction de son édition des statuts de 1576 ; voir Die Statuten, p. 37. À propos des statuts de la faculté de médecine, voir également M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 24-33. Pour ce qui concerne Johann Bökel, voir sa biographie par S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 25-26.
7 Die Statuten, art. 125-134 (p. 106-108). Voir le commentaire de P. Baumgart et E. Pitz (éd.), Die Statuten, p. 37-39 ; et M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 24-25.
8 M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 24-25.
9 Hippocrate (v. 460-v. 370 av. J.-C.) est considéré comme le fondateur de la médecine grecque antique. Pour une présentation du personnage et de ses travaux, voir Jacques Jouanna, Hippocrate, Paris, Fayard, 1992. Ses œuvres sont rassemblées en français dans l’édition d’Émile Littré : Hippocrate, Œuvres complètes d’Hippocrate : traduction nouvelle avec le texte grec en regard, collationné sur les manuscrits et toutes les éditions, accompagnée d’une introduction, de commentaires médicaux, de variantes et de notes philologiques, suivie d’une table générale des matières, 10 vol., Paris, J.-B. Baillière, 1839-1861, en ligne : www.bium.univ-paris5.fr/histmed/medica/cote?34859 (décembre 2016). Voir également Johann Ludwig Heiberg (éd.), Hippocratis Opera, Leipzig / Berlin, Teubner, 1927.
10 Galien (129/131-201/216) eut une influence considérable sur la médecine et la pharmacie, de son temps et dans les siècles suivants. Voir l’édition en français de ses œuvres par Charles Daremberg : Claude Galien, Œuvres anatomiques, physiologiques et médicales de Galien, 2 vol., Paris, Baillière, 1854-1856, en ligne : www.bium.univ-paris5.fr/histmed/medica/cote?34857 (décembre 2016). Mais l’édition de référence pour le texte original demeure celle de Karl Gottlob Kühn (éd.), Claudii Galeni Opera Omnia, 49 vol., Hildesheim / Zurich / New York, Georg Olms, 2001 (d’après la première édition de Leipzig, 1821). Sur Galien lui-même et son influence, voir Luis Garcia-Ballester, Galen and Galenism, Aldershot, Ashgate, 2002 ; Mark Grant, Galen on Food and Diet, Londres, Routledge, 2000, notamment l’introduction, p. 1-13.
11 Ibn Sina ou Avicenne (980-1037) est un philosophe musulman d’origine perse. Marqués par Aristote, ses écrits eurent une influence majeure dans le monde musulman et dans la Chrétienté médiévale. Dans son principal ouvrage médical, le Canon, divisé en cinq livres, il commente et approfondit Hippocrate et Galien. Le Canon fut traduit en latin par Gérard de Crémone dès le milieu du xiie siècle. Voir l’ouvrage ancien de Lucien Leclerc, Histoire de la médecine arabe, Paris, E. Leroux, 1876, 2 vol., ici vol. 1, p. 466-477 ; Étienne Gilson, Avicenne en Occident au Moyen Âge, Rome, Fondazione Volta, 1971 ; Maurice Tubiana, Histoire de la pensée médicale : les chemins d’Esculape, Paris, Flammarion, 1995, p. 61-66.
12 Die Statuten, p. 108 (§ 134). Paracelse (1493-1541) est un médecin suisse-allemand resté célèbre pour son utilisation des produits chimiques et des minéraux en médecine, mais aussi pour sa critique de la médecine universitaire fondée sur les seules autorités de l’Antiquité. Pour sa biographie, voir Hugo Delff, « Hohenheim, Philipp Theophrast von », ADB, vol. 12, 1880, p. 675-683 ; et Müller-Jahncke & Wolf-Dieter, « Paracelsus », NDB, vol. 20, 2001, p. 61-64 ; voir également, en français, Paracelse, Œuvres médicales, Bernard Gorceix (éd.), Paris, Presses universitaires de France, 1968.
13 Die Statuten, p. 109-116 (§ 135-171) ; voir aussi M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 26-30.
14 Die Statuten, p. 109-110 (§ 137). Le professeur en charge de cette chaire devra également présenter l’ouvrage de Melanchthon, Commentarius de anima. L’ouvrage contient en effet une première partie consacrée à la psychologie et une seconde à la physiologie (voir Philipp Melanchthon, Commentarius de anima, Viterbergae, Seitz, 1540, in-8°).
15 Die Statuten, art. 138-139 (p. 110).
16 Ibid., art. 140 (p. 110-111).
17 Ibid., art. 141 (p. 111).
18 Ibid., art. 142 et 144 (p. 111).
19 M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 24.
20 Ibid., p. 25-30. À propos des dissections, voir Die Statuten, art. 158-162 (p. 114).
21 Die Statuten, p. 114-115 (§ 163-168). Un parallèle peut être établi ici avec les observations faites dans un autre contexte par Laurence Moulinier-Brogi, « Médecins et apothicaires dans l’Italie médiévale : quelques aspects de leurs relations », dans Franck Collard & Evelyne Samama (dir.), Pharmacopoles et apothicaires, les « pharmaciens » de l’Antiquité au Grand Siècle, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 119-134 ; p. 122 notamment, l’auteur note qu’à Pise à la fin du xvie siècle, la tutelle des médecins sur les apothicaires fut formellement instaurée.
22 Die Statuten, p. 112 (§ 147).
23 K. Stukenbrock, Der Zerstückte Cörper..., art. cité, p. 214-216. Jusqu’au début du xviiie siècle, les cadavres utilisés sont cependant presque uniquement ceux de condamnés à mort. Traitant des universités françaises, Paul Delaunay souligne également les difficultés des médecins à se procurer des cadavres, et il cite de nombreuses anecdotes montrant les actes illégaux et les tensions que la « chasse aux macchabées » (sic) suscitait (P. Delaunay, La Vie médicale..., op. cit., p. 75-82).
24 Ibid.
25 Ibid.
26 M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 75. Il s’agit d’estimations concernant la seconde moitié du xviie siècle.
27 D’après les relevés qui servent de base à la présentation détaillée qui suit. Voir également le tableau de tous les professeurs avec le détail de leur carrière dans M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 38-39.
28 Ibid., p. 35. Ce changement est entériné par le décret qui suit la visite de 1650 et se fait donc avec l’aval des autorités.
29 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 240. Valentin-Henri est né à Helmstedt en 1622. Son père était professeur ordinaire et médecin personnel du duc de Wolfenbüttel, et sa mère était la fille d’Henri Boëthius, helléniste, professeur de théologie et pasteur de l’église Saint-Stéphane. En dehors d’un bref séjour à Altdorf, Valentin-Henri n’a jamais vraiment quitté Helmstedt, où il a effectué toute sa formation.
30 Ibid. Conrad Hornejus enseignait la théologie et était le meilleur ami de Georges Calixte. Son fils Johannes était professeur d’histoire et de poésie.
31 Ibid.
32 Primat en 1650, Tappen décède en 1680 seulement, suivi par Conring en 1681. Les deux hommes sont évoqués plus loin dans l’étude.
33 Il y a des lacunes dans les archives pour cette période, mais aussi une tendance de Vogler à n’évoquer que son assiduité. Voir, dans l’ordre chronologique : NSA, 37 Alt Nr. 204 H1 f°147, 120 ; HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4169 (I) f°2 ; NSA, 37 Alt Nr. 4162 f°234 ; NSA, 37 Alt Nr. 204 H2 f°97 ; HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4168 f°97, 122, 91, 90, 171, 170.
34 HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4169 (I) f°2 (janvier 1654). Johann Vesling (1598-1549) est un des plus célèbres médecins de la première moitié du xviie siècle. Né en Westphalie, il se forme à Vienne, puis s’établit en Italie et devient professeur à Padoue en 1632. Son ouvrage le plus célèbre, mentionné par Vogler dans son rapport, est son manuel d’anatomie : Syntagma anatomicum publicis dissectionibus in auditorum usum diligenter aptatum, édité en 1641 à Padoue et la même année à Francfort. Pour la biographie de Vesling, voir Julius Leopold Pagel, « Vesling, Johann », ADB, vol. 39, 1895, p. 648-649. Pour l’édition de Francfort de 1641, voir Syntagma anatomicum publicis dissectionibus in auditorum usum diligenter aptatum, Francofurti, Beyer, 1641, in-12°.
35 Durant ces quatre ans et demi, Vogler s’est absenté six mois en 1660 afin d’assumer la charge de vice-recteur.
36 NSA, 37 Alt Nr. 2492 f°123-125. Entre le 25 novembre et la fin décembre 1659, Vogler consacre treize séances à la dissection d’un corps féminin qu’il est allé chercher à Wolfenbüttel. L’autre dissection a lieu en décembre 1660 (NSA, 37 Alt Nr. 2493 f°121).
37 Voir notamment les quelques cours pendant le semestre d’été 1659 : NSA, 37 Alt Nr. 2492 f°117-122.
38 Ibid.
39 NSA, 37 Alt Nr. 2491 f°114-120 ; Nr. 2492 f°114-116. Sans qu’il ne soit nommé clairement, Vogler lit et commente pendant l’hiver 1658-1659 la quatrième partie du livre des Météorologiques d’Aristote, où le philosophe traite de l’action du chaud et du froid, et des modifications subies par la sécheresse et l’humidité – et où il évoque également la putréfaction. À propos de cet ouvrage d’Aristote, voir David Ross, Aristote [1953], Paris / Londres / New York, Gordon & Breach, 1971, p. 151-156, notamment p. 155. Une version bilingue (français / grec) du texte des Météorologiques est disponible en ligne : http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote (décembre 2016). La comparaison systématique du texte avec les thèmes et mots mentionnés par Vogler montre que ce dernier restitue à ses étudiants le contenu de l’ouvrage.
40 NSA, 37 Alt Nr. 2494 f°62-65 ; HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4168 f°347.
41 Vogler appuie sans doute sa présentation de la théorie des humeurs sur une partie du traité d’Hippocrate, De la nature de l’homme ; voir Hippocrate, Œuvres complètes d’Hippocrate..., op. cit., vol. 4, p. 15-17. De même, ses cours de diététique semblent suivre une partie au moins de l’ouvrage de Galien, De alimentorum facultatibus ; voir l’édition traduite et commentée en anglais par Owen Powell (éd.), Galen, On the Properties of Foodstuffs, Cambridge, Cambridge University Press, 2003. Sur la relation établie par Galien entre la théorie des humeurs et des tempéraments, la diététique et les causes des maladies, voir M. Grant, Galen on Food and Diet, op. cit., p. 14-61.
42 NSA, 37 Alt Nr. 2496 f°169-174. Selon Galien, le foie transforme la nourriture en sang, qui irrigue ensuite tout l’organisme. Arrivé dans le ventricule droit, le sang se divise, une partie se dirige vers les poumons et une autre vers le ventricule gauche, où il se mélange à l’air et se charge en esprits vitaux. Sur la pensée de Galien dans ce domaine, voir M. Tubiana, Histoire de la pensée médicale..., op. cit., p. 139-140. Pour une vue précise des théories hippocratiques sur ce sujet, et notamment leur rapport avec les idées d’Aristote, voir Marie-Paule Duminil, Le Sang, les vaisseaux, le cœur dans la collection hippocratique, anatomie et physiologie, Paris, Les Belles Lettres, 1983. Voir aussi Mirko D. Grmek & Raffaele Bernabeo, « La machine du corps », dans M. D. Grmek (dir.), Histoire de la pensée médicale en Occident..., op. cit., p. 7-36.
43 NSA, 37 Alt Nr. 2501 f°182.
44 William Harvey (1578-1657) est un médecin anglais qui s’est formé à Cambridge et à Padoue. Dans une célèbre leçon de 1616, il présente un schéma de la circulation sanguine où le cœur joue le rôle d’une pompe qui refoule le sang dans les artères et l’aspire dans les veines. Il précise sa théorie, violemment décriée par les tenants de la doctrine de Galien, dans son ouvrage de 1628, Exercitatio Anatomica de Motu Cordis et Sanguinis in Animalibus, Francofurti, Fitzerus, 1628, in-4°. Le texte a été réédité, accompagné d’une traduction en français et d’une introduction éclairante par Charles Laubry : Guillaume Harvey : étude anatomique du mouvement du cœur et du sang chez les animaux, Paris, Doin, 1950 (voir p. 11-54). Une autre réédition de Loris Premuda, en italien, comprend également une longue introduction qui met les travaux de Harvey en perspective et souligne leur opposition avec ceux de Galien : Guglielmo Harvey, De Motu cordis, Milan, Il Giardino di Esculapio, 1957, notamment p. 5-49. Voir également M. Tubiana, Histoire de la pensée médicale..., op. cit., p. 139-145. En ce qui concerne Conring et sa défense précoce des théories de Harvey, voir Harry Bresslau, « Conring, Hermann », ADB, vol. 4, 1876, p. 446-451. En 1643, Conring fait paraître à Helmstedt son De Sanguinis Generatione Et Motu Naturali, Helmestadi, Rixner / Muller, 1643, in-4°, ouvrage qui reprend et défend la vision du médecin anglais.
45 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 240 et F. Koldewey, Geschichte der klassischen Philologie..., op. cit., p. 85. Ce dernier auteur évoque notamment un ouvrage de Vogler qui servait encore au début du siècle suivant de manuel d’histoire littéraire dans la faculté de philosophie : Introductio Universalis In Notitiam Cuiuscunque Generis Bonorum Scriptorum, Helmestadi, Muller, 1670, in-4°.
46 Valentin Heinrich Vogler, Physiologia Historiae Passionis Jesu Christi, Helmestadi, Muller, 1673, in-4°. Dans ce texte, Vogler invite son lecteur à examiner tous les détails d’ordre physiologique contenus dans le récit de la Passion (les blessures et la sueur du Christ, mais aussi les mouvements des étoiles et le tremblement de terre) afin de mieux méditer sur la réalité et la portée du récit évangélique.
47 Voir les rapports manuscrits concernant les semestres d’été 1674 et d’hiver 1674-1675 : NSA, 37 Alt Nr. 2507 f°90-92, 187.
48 CL 1663B, f°2v°. Voir également la biographie d’Henri Meibom le Jeune par Peter Johanek, « Meibom, Heinrich », NDB, vol. 16, 1990, p. 631. Voir aussi, dans l’annexe 2, le tableau nº 2 qui résume une partie de la généalogie de la famille Meibom.
49 L’activité pédagogique de Conring et celle de Tappen sont évoquées plus loin dans ce chapitre.
50 Henri Meibom l’Ancien (1555-1625) était fils de pasteur et fit ses études à Helmstedt où il devint professeur au sein de la faculté de philosophie puis de théologie. Surtout connu de son temps comme poète, son travail d’historien est remarquable par son souci de travailler et de citer les sources originales. Voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 153-154.
51 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit.
52 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit. ; P. Johanek, « Meibom, Heinrich », art. cité.
53 Ibid.
54 Michaela Triebs, dans Die Medizinische Fakultät... (op. cit., p. 80-81), souligne l’importance de ces premiers cours de chimie, mais note qu’une chaire consacrée à la chimie a été instituée dès 1609 à l’université de Marbourg, où le prince finance directement un laboratoire.
55 Voir notamment les cours donnés en 1666-1667 : NSA, 37 Alt Nr. 2500 f°92-100 ; Nr. 2501 f°90-92.
56 NSA, 37 Alt Nr. 2502 f°86-88 ; Nr. 2503 f°56-58 : durant l’hiver 1668-1669, Meibom présente ainsi longuement le mécanisme de la respiration, mais aussi le cœur et son fonctionnement.
57 Voir CL 1668B f°3.
58 Voir les annonces faites dans les catalogues imprimés, notamment pour les deux semestres d’été 1677 et 1678 : CL 1677A (f°2v°), 1678A (f°2r°). Conring se consacre à la réédition de son ouvrage d’introduction à la médecine datant de 1654 : Introductio In Universam Artem Medicam Singulasque Eius Partes..., Helmestadi, Muller, 1654, in-4°.
59 NSA, 37 Alt Nr. 2508 f°41-42 ; Nr. 2509 f°30-32, 86-88.
60 NSA, 37 Alt Nr. 2509 f°84-88.
61 CL 1679A (f°2r°).
62 La première mention de son nom intervient dans le catalogue annonçant les cours pour le semestre d’hiver 1679-1680 (CL 1679B f°2r°). Pour sa biographie, voir Julius Leopold Pagel, « Schelhammer, Günther Christoph », ADB, vol. 30,1890, p. 755-756 ; et surtout : S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 202-203.
63 Franciscus Sylvius ou de la Boë (1614-1672) fut professeur à Leyde et défenseur de la pensée iatrochimique. Voir Allen G. Debus, « La médecine chimique », dans M. D. Grmek (dir.), Histoire de la pensée médicale en Occident..., op. cit., p. 37-60, ici p. 54 et suiv. ; Mirko D. Grmek, « Le concept de maladie », dans M. D. Grmek (dir.), Histoire de la pensée médicale en Occident..., op. cit., p. 157-176, ici p. 163-167.
64 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit.
65 Ibid.
66 Voir le détail donné dans ses rapports manuscrits : NSA, 37 Alt Nr. 2510 f°3-6, 1 ; Nr. 2511 f°67.
67 NSA, 37 Alt Nr. 2511 f°66.
68 NSA, 37 Alt Nr. 2511 f°64-65, 72, 70, 71 ; Nr. 2512 f°16-17. Il traite notamment de la gangrène et de la peste.
69 NSA, 37 Alt Nr. 2510 f°16-19, 15 ; Nr. 2511 f°87 ; Nr. 206 H1 f°84-85.
70 NSA, 37 Alt Nr. 2511 f°85-86 ; Nr. 2512 f°14-15.
71 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 230 et 54.
72 NSA, 37 Alt Nr. 2512 f°68-69. Schellhammer ne cite pas Harvey dans ses rapports, mais son exposé laisse supposer qu’il a suivi les théories du médecin anglais. Pour le semestre suivant, voir NSA, 37 Alt Nr. 2512 f°106-107 ; Nr. 2513 f°10-11.
73 NSA, 37 Alt Nr. 2512 f°106-107 ; Nr. 2513 f°10-11. Voir également les remarques de S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 203, et la version imprimée du catalogue de ce nouveau jardin botanique : Catalogus Plantarum Maximam partem rariorum, Quas per hoc biennium in hortulo domestico aluit..., Helmestadi, Hamm, 1683, in-4°, 19 f°.
74 Le terme de « physiopathologie » (en un seul mot) désigne habituellement la partie de la médecine qui s’occupe des dérèglements de la physiologie ; la notion employée ici (« physio-pathologie », en un mot composé) a un sens un peu différent qui renvoie à la pratique initiée par Meibom à partir de 1679.
75 CL 1683A f°2r° ; voir également les rapports manuscrits pour ce semestre : NSA, 37 Alt Nr. 2513 f°51-52, 68-71.
76 Christophe Schrader (1601-1680) fait l’objet d’une étude plus approfondie dans le chapitre suivant. Voir sa biographie par S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 212-213.
77 Ernst Stisser (1595-1636) fut professeur à Helmstedt de 1628 jusqu’à son décès. Voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 226.
78 Pour la biographie de Frédéric Schrader, voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 213.
79 Ibid.
80 Ibid.
81 Voir l’oraison funèbre prononcée au moment des funérailles de Christophe Schrader, qui contient plusieurs brèves élégies avec la signature des participants : Andreas Fröling, Unsers Heylandes Inbrünstiges Verlangen umb die Gläubigen in seiner Herrligkeit bey sich zu haben..., Helmstedt, Lüderwalt, 1681, in-4°.
82 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 213.
83 Ibid.
84 CL 1683A f°3r°.
85 NSA, 37 Alt Nr. 2513 f°37v° (Schrader) et f°51v° (Schellhammer).
86 Le catalogue édité par Schellhammer et évoqué plus haut précise clairement que le jardin botanique est installé sur le terrain privé de Schellhammer. Voir les remarques sur le sujet de M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 80. Ce n’est qu’en 1705 que l’université a acheté sur ses fonds propres un jardin destiné à l’étude de la botanique.
87 Voir notamment NSA, 37 Alt Nr. 2515 f°7-8.
88 Il apparaît pour la première fois au sein des deux facultés dans le catalogue imprimé pour le semestre d’hiver 1683-1684 (CL 1683B).
89 Voir, dans le chapitre suivant, la description de la chaire de physique.
90 Sur ce dernier aspect, voir les cours du semestre d’été 1686 : NSA, 37 Alt Nr. 2516 f°96-97.
91 Die Statuten, art. 140 (p. 110-111). Voir également le commentaire détaillé de M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 26.
92 Die Statuten, art. 144 (p. 111).
93 M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 135.
94 Voir notamment Patricia Herberger (éd.), Hermann Conring, 1606-1681, ein Gelehrter der Universität Helmstedt, AMichael Stolleis & Günter Schöne (collab.), catalogue de l’exposition organisée du 12 décembre 1981 au 31 mars 1982 à Helmstedt, Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, 1981 ; Michael Stolleis (dir.), Hermann Conring (1606-1681): Beiträge zu Leben und Werk, Berlin, Duncker & Humblot, 1983. Les remarques biographiques qui suivent s’appuient quant à elles davantage sur S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 54-55 et H. Bresslau, « Conring, Hermann », art. cité, p. 446-451.
95 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 55.
96 Ibid.
97 H. Bresslau, « Conring, Hermann », art. cité, p. 450-451. Rédigé en 1876 dans un climat de nationalisme exacerbé, cet article insiste avec excès sur les défauts du caractère de Conring et lui reproche d’avoir été pensionné par Louis XIV. Voir aussi Constantin Fasolt, The Limits of History, Chicago, The University of Chicago Press, 2004, p. 139 et suiv.
98 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit.
99 Après 1653, presque toutes les notices des catalogues comportent des formules allant dans ce sens ; voir notamment CL 1672B f°3v°.
100 Alors qu’il n’obtient une chaire en philosophie qu’en 1655, Conring annonce déjà dans le catalogue pour l’été 1654 des cours sur les différents types de gouvernement et leur origine. Voir CL 1654A f°3r°.
101 Le chiffre est assez exceptionnel, compte tenu du fait que la faculté ne délivre après 1650 en moyenne que deux doctorats par an, et qu’il y a trois professeurs. Entre 1632 et 1680, le primat Tappen n’a, quant à lui, présidé que dix promotions. Voir M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 105.
102 H. Conring, Introductio In Universam Artem Medicam Singulasque Eius Partes..., op. cit. L’ouvrage fut repris et réédité par son gendre Schellhammer en 1687, preuve qu’il devait servir de manuel aux étudiants débutants pendant toute la seconde moitié du siècle. Pour les deux éditions du livre contre Paracelse, voir H. Conring, De Hermetica Aegyptiorum Vetere Et Paracelsicorum Nova Medicina..., Helmestadi, Richter, 1648, in-4° ; De Hermetica Medicina Libri Duo..., Helmestadi, Muller, 1669, in-4°. Pour une analyse de l’argumentaire de Conring, voir Edwin Rosner, « Hermann Conring als Artz und als Gegner Hohenheims », dans M. Stolleis (dir.), Hermann Conring (1606-1681), Beiträge zu Leben und Werk, op. cit., p. 87-120 ; Florian Ebeling, The Secret History of Hermes Trismegistus: Hermetism from Ancient to Modern Times, New York, Cornell University Press, 2007, p. 98 et suiv.
103 Ole Borch avait attaqué Conring dans un texte de 1668 ; la réponse de ce dernier constitue une brochure (« Hermanni Conringii Apologeticus adversus calumnias & infectationes Olai Borrichii ») intégrée à l’édition de 1669 : De Hermetica Medicina Libri Duo..., op. cit., p. 421 et suiv.
104 NSA, 37 Alt Nr. 2503 f°17 (rapport manuscrit pour le mois de mars 1669).
105 CL 1673A f°3v°.
106 NSA, 37 Alt Nr. 2513 f°94-95 ; Nr. 2514 f°11-12.
107 NSA, 37 Alt Nr. 2514 f°52-53 ; Nr. 206 H5 f°73-74, 115-116 ; Nr. 2514 f°105-106 ; Nr. 207 H1 f°16-17 ; Nr. 2515 f°45-46, 76-77 ; Nr. 2516 f°85 (dans l’ordre chronologique).
108 Thomas Syndenham ou Sydenham (1624-1689) est un médecin anglais qui a joué un rôle fondamental dans l’émergence du concept de maladie. Il est le premier à avoir tenté de distinguer les maladies et d’en dresser un tableau. Voir l’article « Thomas Sydenham » dans l’Encyclopaedia Britannica [édition de 1911], vol. 26, p. 278. Sur l’importance des travaux de Sydenham, voir M. Tubiana, Histoire de la pensée médicale..., op. cit., p. 146-147 ; M. D. Grmek, « Le concept de maladie », art. cité, p. 167 et suiv.
109 Le premier ouvrage de Sydenham édité en Allemagne l’a été à Francfort : Thomas Sydenham & William Cole, Dissertatio Epistolaris de Observationibus Nuperis circa Curationem Variolarum Confluentium Nec non de Affectione Hysterica, Francofurtius, s. e., 1683, in-12°. Schellhammer s’était certainement familiarisé avec les écrits du médecin anglais lors de son passage en Angleterre et aux Pays-Bas, le premier ouvrage de Sydenham traitant de la fièvre ayant été publié la même année, en 1666, à Londres et à Amsterdam : Thomas Sydenham, Methodus curandi febres..., Amstelodami, Gerbrandus Schagen, in-12°. L’édition de Londres, sans mention d’éditeur, est de format in-8°.
110 Gunther Christoph Schellhammer, Programma cum Aphorismorum Hippocratis Publicam interpretationem aggrederetur, De Eorum Ortu Et Certitudine In gratiam auditorum conscriptum..., Helmestadi, Hamm, 1685, in-4°, 6 f°.
111 Schellhammer ne donne que les numéros des sections qu’il lit et commente, sans précisions sur sa méthode ou sur l’édition utilisée. Voir les rapports manuscrits pour la période allant du début du semestre d’hiver 1685-1686 au début du semestre d’été 1687, dans l’ordre chronologique : NSA, 37 Alt Nr. 207 H1 f°130-131 ; Nr. 2516 f°85-89, 1-2, 90-91, 108-109 ; Nr. 2517 f°7-8.
112 Étudiant les sujets des disputes au sein de la faculté de médecine, Michaela Triebs souligne que, si certaines disciplines comme la chimie et la chirurgie font l’objet d’un enseignement, elles sont sous-représentées, les étudiants au moment de passer leur diplôme traitant presque toujours de thèmes classiques, appuyés sur Galien et Hippocrate (M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 107-108).
113 M. D. Grmek, « Le concept de maladie », art. cité, p. 169-170.
114 NSA, 37 Alt Nr. 2517 f°110-113 ; Nr. 2518 f°98-99.
115 NSA, 37 Alt Nr. 2517 f°7-8, 110-113. Schellhammer n’évoque aucun titre d’ouvrage, mais tous les savants cités ont écrit sur la fièvre. À propos de Paracelse et Sydenham, voir ce qui a été dit plus haut. Pour les autres personnages évoqués dans les archives, « Pompeius Sacchus » correspond vraisemblablement à Giuseppe Pompeo Sacco, Iris febrilis foedus inter antiquorum & recentiorum opiniones de febribus promettens, Genevae, Chouet, 1684 (?) (voir notamment une étude le concernant : Paolo Francesco Peloso, Modelli della mente e del corpo nell’opera medica di Pompeo Sacco (1634-1718), Venise, Istituto veneto di scienze lettere ed arti, 1996). « Sylvius Dublinensis » renvoie sans doute à Jacobus Sylvius, Novissima Idea de Febribus... Accessit dissertatio de insensibili transpiratione mechanice probata, Dublini (?), G. Norman / S. Helsham/ E. Dobson, 1686, in-8°. Enfin, « Johannes Jones » correspond à John Jones (1645-1709), Novarum dissertationum de morbis abstrusioribus tractatus primus : de febribus intermittentibus, in quo obiter febris continuae natura explicatur, Londini, Gualteri Kettilby, 1683, in-8°.
116 Schellhammer est membre de l’« Academia Recuperatorum » à Padoue et a longtemps séjourné à Leyde au début des années 1670 pour ses études. Voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 203.
117 NSA, 37 Alt Nr. 2518 f°100-105.
118 Ibid.
119 NSA, 37 Alt Nr. 208 H1 f°21, 90.
120 NSA, 37 Alt Nr. 208 H2 f°20, 52-53, 78-79 ; Nr. 2519 f°10-11.
121 Voir J. L. Pagel, « Schelhammer, Günther Christoph », art. cité, p. 755-756.
122 Notons qu’après 1683, Schellhammer est le seul professeur de médecine qui ne possède pas aussi une chaire dans la faculté de philosophie (Meibom étant également professeur d’histoire et de poésie). Ainsi, bien que second dans la hiérarchie, il est pourtant bien moins rémunéré que ses collègues.
123 En 1691, Johann Andreas Stisser est nommé professeur ordinaire de médecine après le départ de Schellhammer. Né la même année que Schrader, en 1657, Stisser avait comme lui effectué sa scolarité et ses études à Helmstedt. Après un très court voyage à Leyde, il s’était installé comme médecin à Hambourg, puis à Brunswick. Voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 227.
124 Die Statuten, art. 141 (p. 111). Le texte des statuts fait explicitement référence à plusieurs ouvrages de Galien, et notamment son Methodus medendi dédié à Glaucon. Pour une mise en contexte plus large, voir Roy Porter, « Les stratégies thérapeutiques », dans M. D. Grmek (dir.), Histoire de la pensée médicale en Occident..., op. cit., p. 199-223.
125 Pour sa biographie, voir Paul Zimmermann, « Tappe, Jacob », ADB, vol. 37, 1894, p. 394-396 ; S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 230 ; M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 66-67.
126 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 230.
127 HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4168 f°314v°.
128 Pour la période allant du semestre d’hiver 1652-1653 au semestre d’été 1659, voir, dans l’ordre chronologique, NSA, 37 Alt Nr. 204 H1 f°151, 67-68, 71-72 ; HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4162 f°230-231 ; NSA, 37 Alt Nr. 204 H1 f°105-107 ; Nr. 204 H2 f°42, 44-48, 76, 90, 74, 49, 75 ; Nr. 2491 f°97-98 ; HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4168 f°312-315 ; NSA, 37 Alt Nr. 2491 f°99-102 ; Nr. 2492 f°92-94.
129 Voir, entre autres, HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4162 f°230-231 ; NSA, 37 Alt Nr. 204 H2 f°44-48.
130 NSA, 37 Alt Nr. 204 H2 f°44v°, 47.
131 CL 1656A f°3r°.
132 NSA, 37 Alt Nr. 2492 f°95-100 ; Nr. 2493 f°92-100.
133 NSA, 37 Alt Nr. 2493 f°97v°. Tappen mentionne ainsi « Herculis Saxonia », c’est-à-dire Ercole Sassonia (1551-1607), médecin italien né à Padoue qui termina sa carrière auprès de l’empereur Maximilien II (voir sa biographie dans l’article « Ercole Sassonia », Enciclopedia Biografica Universale Treccani, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 2007, vol. 27, p. 250). « Plater » renvoie sans doute au médecin bâlois Félix Platter (1536-1614), qui est au centre de l’ouvrage d’Emmanuel Le Roy Ladurie, Le Siècle des Platter, 1499-1628, 1. Le Mendiant et le Professeur, Paris, Fayard, 1995. Enfin, Tappen évoque un « Steeghius » qui renvoie au médecin néerlandais Gottfried Steegh ou Versteeg (1550-1609), ancien étudiant des universités de Pise et Montpellier ; voir Philip Christiaan Molhuysen & Petrus Johannes Blok (dir.), Nieuw Nederlandsch Biografisch Woordenboek, 10 vol., Leyde, Sijthoff, 1911-1937, vol. 2, p. 1362. L’ouvrage de Conring est évoqué plus haut.
134 Voir notamment, pour le semestre d’hiver 1662-1663, NSA, 37 Alt Nr. 2496 f°153-155.
135 Voir les cours allant du semestre d’été 1666 au semestre d’été 1667 : NSA, 37 Alt Nr. 2500 f°142-150 ; Nr. 2501 f°137-145.
136 Voir ce qui a été dit plus haut, dans la partie consacrée à la pathologie.
137 CL 1682A f°2r°.
138 À titre d’exemple, Meibom s’absente en 1686 car il est victime d’une fracture à la main droite, puis devient vice-recteur l’année suivante, en 1687. À peine revenu en cours pendant l’hiver 1687-1688, il s’absente plusieurs fois pour répondre à l’appel du duc à Wolfenbüttel, pour aller inspecter des cadavres ou bien encore parce qu’il est malade. Voir NSA, 37 Alt Nr. 2516 f°69-70 ; Nr. 2517 f°80-81, 87 ; Nr. 2518 f°72-73.
139 Voir par exemple les rapports concernant les trois derniers mois de 1684 : NSA, 37 Alt Nr. 2514 f°107-108.
140 Voir la période 1685-1690, dans l’ordre chronologique : NSA, 37 Alt Nr. 2515 f°109-110 ; Nr. 2516 f°65-66 ; Nr. 207 H2 f°58-59, 90 ; Nr. 2516 f°71 ; Nr. 2517 f°80-81, 85, 89-90 ; Nr. 2518 f°74-76, 81, 83-84 ; Nr. 208 H1 f°19-20, 88-89 ; Nr. 208 H2 f°18-19, 50-51, 76 ; Nr. 2519 f°55-56.
141 Par exemple en 1683-1684 : NSA, 37 Alt Nr. 2513 f°96-97 ; Nr. 2514 f°13-14, 54-55.
142 NSA, 37 Alt Nr. 2513 f°13, 72-73.
143 NSA, 37 Alt Nr. 2512 f°43-44, 71-72, 108-109 ; Nr. 206 H4 f°22-23. Le principe de la circulation du sang sert même à introduire et à justifier la pratique de la saignée. Voir aussi les propositions de traitement de l’épilepsie, grâce aux purges, saignées et vomissements provoqués : NSA, 37 Alt Nr. 2515 f°47, 74.
144 M. Triebs, Die Medizinische Fakultät..., op. cit., p. 70-71. L’auteur souligne également les liens étroits que la plupart des professeurs à la fin du xviie siècle entretiennent avec les Pays-Bas, un constat qui ressort également des descriptions effectuées ici.
145 Duncan Liddel (1561-1613) est un savant écossais, professeur de mathématiques puis de médecine à Helmstedt entre 1591 et 1607. Durant sa carrière à Helmstedt, Liddel a fait imprimer un grand nombre d’ouvrages. Pour la biographie de ce lointain prédécesseur de Vogler sur la chaire de physiologie, voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 143-144.
146 De nombreuses lettres datant des années 1690, après le départ de Schellhammer, montrent combien les deux hommes et leurs familles étaient proches, et combien ils partageaient une même passion pour les innovations dans leur discipline. Voir NSA, 298 N 745, f°9 et suiv.
147 Jacob Tappe, Oratio De Tabaco Eiusque Hodierno Abusu..., Helmestadi, Hamm, 1689, in-4°, 20 f°.
148 Valentin Heinrich Vogler, Introductio Universalis In Notitiam Cuiuscunque Generis Bonorum Scriptorum, Cum Notis et Augmento Henrici Meibomii, Helmestadi, Hamm, 1700, in-4°.
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