Chapitre 2
Le droit, à l’ombre des princes et de l’Empire
p. 119-170
Texte intégral
1Seconde dans l’ordre de préséance, la faculté de droit est conçue dès l’origine pour jouer un rôle majeur : c’est à elle en effet que revient la tâche de former les futurs fonctionnaires de l’administration princière en plein développement. Indispensable à l’État administratif qui se met en place1, son existence a en grande partie motivé la fondation de l’université, d’ailleurs encadrée par les principaux conseillers et juristes du duc2. Cette faculté jouit donc d’un statut particulier, puisqu’elle se trouve à la fois intégrée à la corporation universitaire et surveillée par une administration tatillonne, alors même que ses membres occupent déjà, ou bien ont vocation à occuper, les plus hautes places au sein de cette même administration. Par ailleurs, l’enseignement du droit dans un ensemble de principautés comme celle du Brunswick, dans la deuxième partie du xviie siècle, s’inscrit dans un contexte délicat. Le règlement de la guerre de Trente Ans a entériné l’existence du vaste empire catholique des Habsbourg, lequel englobe officiellement les territoires protestants comme ceux des Welfs. Une superstructure politique assise sur les braises d’un terrible affrontement entend ainsi dominer des États jaloux de leur souveraineté, alors qu’une pluralité d’Églises indépendantes s’oppose à celle de Rome. Au cœur du xviie siècle, la question du droit public et du droit canon, mais aussi celle du droit féodal et international se posent de manière cruciale dans cet ensemble politique complexe où, rappelons-le, les universités sont depuis le Moyen Âge bien moins portées sur les études juridiques que leurs équivalentes italiennes ou françaises. Comment, dans ces conditions, fonctionne la faculté de droit d’une université comme celle de Helmstedt ? Qui sont ses enseignants et quels savoirs transmettent-ils – et de quelle manière ? Pour répondre à ces interrogations en apparence simples, il convient de revenir brièvement sur les règles de fonctionnement de la faculté et sur son personnel, avant de voir plus en détail la forme et le contenu des enseignements.
Entre l’Église et le tribunal
Des statuts officiels marqués par la contradiction
2Comme la faculté de théologie, la faculté de droit de Helmstedt s’est vue consacrer une partie spécifique des statuts de 1576. Plusieurs articles, qui ne furent jamais révisés par la suite, précisent ainsi ses objectifs et son organisation, sans oublier les formes et règles de pédagogie qu’elle doit suivre3. Ces prescriptions fondamentales soulèvent pourtant un problème : assez clairement, elles ont été rédigées par deux personnes différentes et opposées, ce qui donne aux statuts de la faculté une incohérence surprenante4.
3La première partie du texte des statuts est très probablement l’œuvre du théologien Chytraeus, dont le rôle dans la fondation de l’université fut très important. Dans un esprit très melanchthonien, il affirme ainsi dans de longs développements que le droit est lié à la religion, d’une manière qui lui sert indirectement à rappeler la supériorité de la faculté de théologie. En clair, les jeunes juristes formés d’abord aux langues anciennes, à la dialectique et à l’histoire, doivent toujours rester conscients de ce que les lois de Dieu sont supérieures à toutes les autres sources du droit. Sans développer davantage une réflexion sur la discipline juridique, Chytraeus poursuit en imposant que le droit romain serve de base à tout l’enseignement. En d’autres termes, les statuts commandent à la faculté entière de s’en remettre quasiment à la seule étude du Corpus juris civilis, la célèbre compilation du droit romain rédigée sous l’empereur Justinien entre 529 et 534, devenue depuis sa redécouverte au Moyen Âge l’ouvrage de référence en matière de droit dans les universités européennes5. Mais, transposant sa pratique et ses habitudes de théologien, Chytraeus fait inscrire dans les statuts la nécessité pour les professeurs de droit de se spécialiser dans une partie précise du Corpus. Comme dans le cas des chaires de théologie, les sources utilisées doivent servir à distinguer les chaires : trois sont instituées, avec pour but d’enseigner respectivement le Codex, les Pandectes (ou Digeste) et les Institutes ; une quatrième chaire est quant à elle chargée de l’enseignement du droit canon à partir des Décrétales6. Ainsi structurée, la faculté de droit de Helmstedt ressemble, à partir de 1576, à la plupart des autres facultés de droit de l’Empire7. Cette organisation, pourtant, n’a pas fait l’unanimité au sein de la commission chargée de rédiger les statuts, et ces derniers ont gardé la trace d’une opposition entre leurs rédacteurs.
4Sur le fond, ce n’est pas la domination du droit romain au sein de la nouvelle faculté qui a choqué les autres conseillers du duc chargés de l’élaboration des statuts. Autour de Chytraeus, des hommes comme le chancelier Mynsinger von Frundeck, Johannes Borcholt et Virgil Pingitzer, appelés à devenir les premiers professeurs de droit et à occuper le sommet de la hiérarchie de la nouvelle faculté, œuvraient déjà avant la fondation de l’université pour que le droit romain s’implante dans le duché8. Marqués par l’humanisme mais surtout par leur expérience concrète de la mise en application du droit, ces juristes ne pouvaient en revanche accepter la division entre les chaires proposée par le théologien Chytraeus. Borcholt et Pingitzer, notamment, étaient très proches de Matthias Wesenbeck, professeur de droit à Wittenberg9. Comme lui, ils avaient accompli une grande partie de leur formation en France, auprès des grands juristes de l’époque comme Cujas. Pour ces hommes, les grands textes du droit romain ne devaient pas être enseignés en suivant une approche exégétique et analytique, mais se mettre au service d’une approche systématique : ce n’est pas la lecture philologique qui devait primer, mais le choix précis d’extraits permettant de traiter les différents types de questions juridiques. Après Chytraeus, ils prennent la plume pour prolonger et préciser les statuts, à leur façon.
5De manière étonnante, la première partie est suivie par une série d’articles où le ton et les idées changent radicalement. En totale contradiction avec ce qui précède, cette seconde partie remet en cause la division des chaires en fonction des ouvrages utilisés, et recommande une approche thématique, citant même le principal ouvrage de Wesenbeck comme référence10. Les derniers articles des statuts de la faculté poussent les professeurs à s’écarter d’une approche trop exégétique des ouvrages juridiques, pour s’atteler à une présentation du droit orientée plus directement vers la pratique. En d’autres termes, l’exemple de Rostock et les travaux de Wesenbeck fournissent le modèle d’une organisation inspirée par la pratique française – le mos gallicus – opposée à la tradition des universités italiennes – mos italicus –, davantage attachée à la lecture commentée des ouvrages fondamentaux11. De façon déroutante pour le lecteur, les derniers articles des statuts de Helmstedt commandent ainsi aux professeurs de faciliter l’apprentissage et la compréhension du droit en pratiquant une approche systématique organisée autour de quatre thèmes, le droit des personnes et ce qui concerne les contrats, le droit de succession, le droit du plaignant (actio) et le droit féodal et procédural12.
6Les statuts de 1576 donnent ainsi à la faculté de droit de Helmstedt une grande modernité, en y introduisant les dernières évolutions issues des travaux des grands juristes français13. Prenant appui sur ces règles, les juristes de Helmstedt peuvent, à l’instar de leurs collègues de Rostock qui ont fourni le modèle, développer un enseignement relativement novateur à l’échelle de l’Empire. D’une certaine manière, la nouvelle université était la plus à même de se laisser inspirer par le mos gallicus dans son approche de l’enseignement du droit : avant tout pragmatique et soucieuse de la formation professionnelle, cette méthode rejoint le goût melanchthonien pour le parcours balisé de lieux communs à l’intérieur de vastes sommes littéraires. Reste cependant l’étrange superposition – qui n’est pas même un compromis ! – entre le discours d’un théologien et celui d’un juriste qui demeure pendant plus de deux siècles sans être remise en cause, établissant une forme de schizophrénie au niveau des règles fondamentales.
Un groupe fermé de professeurs
7Une autre caractéristique distingue la faculté de droit de Helmstedt des autres facultés de l’université, et rend son approche délicate. Il s’agit de la nature du corps professoral, lequel constitue un groupe à part au sein de la corporation universitaire.
Un collège d’experts
8À côté de l’enseignement, et même au-dessus de lui, les professeurs ordinaires d’une faculté de droit remplissent en effet une fonction capitale, celle de rendre des jugements d’experts14. Dans le vaste Empire découpé en une multitude d’entités au xviie siècle, la règle veut que les différents tribunaux fassent appel à l’avis de spécialistes dans certains cas précis, ou simplement lorsqu’une affaire paraît insoluble. Pour établir des repères au sein de l’immense constellation des droits locaux et coutumiers de l’Empire, le pouvoir impérial avait déjà tenté depuis le xve siècle de développer une jurisprudence fondée sur le droit romain. La très importante Constitution caroline promulguée par Charles Quint en 1532 a, quant à elle, marqué un tournant en imposant aux tribunaux d’avoir recours à l’avis d’experts en droit romain en cas de doute ou de litige complexe, ces experts étant évidemment les grands conseillers de la cour impériale ou les professeurs de droit des universités15. Ainsi s’établit une habitude au sein des universités de l’Empire : régulièrement, les professeurs ordinaires se réunissent pour rendre des jugements sur des cas précis qui leur sont soumis. Contre rétribution, ils répondent aux tribunaux, ou bien encore aux princes ou aux cités qui ont réclamé leur avis d’experts, en signant un avis collectif légitimé par l’emploi – tout en souplesse – du droit romain16. Parfois, ce sont des professeurs seuls qui, du haut de leur réputation, répondent individuellement à ces sollicitations. Dans le cas de Helmstedt, cette fonction prend rapidement une grande importance, pour des raisons essentiellement géographiques : seule université située pendant longtemps au nord-ouest de l’espace germanique, elle comble un vide et se voit très souvent mise à contribution. Derrière Wittenberg et Leipzig, elle devient, au xviie siècle, le troisième plus important centre d’enseignement et de constitution de la jurisprudence dans la partie protestante de l’Empire17. Seule la fondation de l’université de Halle au début des années 1690 met fin à son hégémonie dans le nord de l’Allemagne, et la condamne à un rôle plus marginal18.
9D’autres fonctions s’ajoutent souvent à celle-ci pour les professeurs ordinaires de droit. Pour le pouvoir princier, ces derniers sont en effet les plus fins spécialistes dont il dispose, et il les met bien évidemment à contribution en dehors de l’université. En clair, presque tous les professeurs sont également conseillers auprès du duc, ou bien encore juges au sein des tribunaux de l’État. Ponctuellement, et pour les mieux considérés d’entre eux, ils peuvent se voir confier des missions délicates, comme celle de représenter l’État dans une négociation diplomatique, ou bien celle de le défendre juridiquement lors des nombreuses querelles dynastiques et successorales qui émaillent l’histoire des principautés germaniques19.
10Certes, le cumul d’autres fonctions professionnelles avec celle d’enseignant à l’université est monnaie courante à l’époque et ne concerne pas que les professeurs de droit : les théologiens multiplient de même les activités annexes, tandis que tous les professeurs de médecine sont aussi des praticiens. Mais le cas des professeurs de droit demeure particulier : indiscutablement, ils sont étroitement imbriqués dans la construction et le fonctionnement de la bureaucratie étatique – ils conseillent le souverain de près, et leurs activités leur donnent simultanément un rayonnement à l’échelle de l’Empire, voire au-delà. Un exemple permet de comprendre l’aspect sensible de la question. Professeur à Helmstedt, au sein des facultés de médecine et de philosophie – où il est spécialiste de science politique –, Hermann Conring ne fait pas officiellement partie de la faculté de droit, mais sa réputation en fait un homme dont les avis et attestations sont très demandés. Dans les années 1660, il rédige ainsi, moyennant finances, plusieurs jugements d’expertise pour soutenir la reine de Suède dans son conflit contre l’Empire. L’affaire devient à ce point délicate que le duc en personne est contraint d’intervenir et oblige Conring à cesser cette activité20. Bref, les grands juristes qui officient au sein de l’université sont toujours en même temps de grands serviteurs de l’État qui occupent des positions sensibles. Leur recrutement est donc une affaire d’État, qui engage presque personnellement le souverain. Une chaire vacante ne peut être confiée trop vite à un candidat extérieur, ou bien à un juriste local encore trop inexpérimenté. Parallèlement, il va quasiment de soi que les activités non pédagogiques, au vu de leur importance, l’emportent sur la fonction d’enseignant. Pour peu que certains enseignants souffrent aussi de problèmes de santé, le résultat est inéluctable : bien plus que les trois autres, la faculté de droit est frappée par un fort absentéisme et par des vacances de chaires qui peuvent durer. Si les catalogues imprimés annonçant les cours à venir au début de chaque semestre sont remplis de noms prestigieux et de déclarations d’intention ambitieuses, ces informations sont à prendre avec maintes précautions, les salles de cours pouvant être à certaines périodes quasiment vides, ou bien entre les seules mains de jeunes professeurs extraordinaires – des renforts assurant bien souvent la continuité du fonctionnement pédagogique. Ainsi, deux professeurs ordinaires, Hahn et Gläser, décèdent à quelques mois d’intervalle en 1668. Après une année de forte perturbation, durant laquelle Werner et Eichel se retrouvent seuls en position de professeurs ordinaires, les défunts sont finalement remplacés par Clasen et Eyben. Certaines mentions des rapports individuels des professeurs à l’administration montrent, malgré ce remplacement, que le fonctionnement de la faculté dans la période qui suit n’est pas celui auquel on pourrait s’attendre à la lecture des catalogues imprimés21. Au détour d’un rapport manuscrit concernant les mois de janvier à mars 1670, Eichel se plaint ainsi à l’administration du fait que ses collègues l’ont laissé seul pour assumer la charge des cours – des cours qu’il n’a d’ailleurs pas assurés, car il a été malade pendant ces trois mois... En clair, on comprend qu’Eyben est parti plusieurs mois en service commandé, tandis que Werner et Clasen sont perpétuellement alités, tout comme le plaignant lui-même22. En l’absence des quatre ordinaires, il ne reste donc que le jeune professeur extraordinaire Georges Engelbrecht qui assure ses cours régulièrement23.
11Dernière conséquence de cette position particulière des professeurs de droit au sein de l’appareil d’État : si pour certains l’obtention d’une chaire ordinaire n’est qu’une étape permettant de gravir les échelons d’une carrière de haut fonctionnaire, pour d’autres il s’agit parfois d’une ultime consécration, ou d’une sinécure supplémentaire qui ne justifie pas de réel investissement. Ainsi, le chancelier Mynsinger von Frundeck est nommé par le duc Julius professeur et primarius (ou primat) de la faculté de droit au moment de l’ouverture de l’université de Helmstedt en 157624. Le vieux juriste et serviteur du prince en profite pour s’installer confortablement à Helmstedt, mais ne daigne pas une seule fois donner un cours au sein de l’université25. De la même façon, on constate des lacunes surprenantes dans les archives contenant les rapports manuscrits des professeurs sur leur activité. Professeur de droit à partir de 1655, Eichel rédige soigneusement et très régulièrement des comptes rendus à destination de l’administration, comme tous ses autres collègues. Devenu primat de la faculté en 1671 jusqu’à sa mort en 1688, il cesse brutalement de rendre le moindre compte à partir de la fin de l’année 1673, alors que les catalogues imprimés continuent d’annoncer tout à fait normalement les cours qu’il entend donner à chaque semestre26. Tout porte à croire qu’Eichel s’est senti délié de toute obligation de rédiger des rapports du fait de sa position et de sa proximité avec le pouvoir. En dehors du grand Georges Calixte, dans les dernières années ayant précédé sa mort, aucun autre professeur de l’université n’a jamais osé se soustraire ainsi à la procédure de contrôle instaurée par l’administration au xviie siècle. Mais les professeurs de droit ne sont pas des professeurs comme les autres, et ils se placent même, dans les faits, bien au-dessus des théologiens.
Un clan en marge du reste de l’institution
12Un autre trait différencie encore les professeurs de droit des autres professeurs : c’est leur tendance à constituer clairement un groupe presque fermé à l’intérieur du groupe social des professeurs de l’université. À l’image de la corporation singulière que constitue la faculté de droit dans la corporation universitaire, avec ses tâches annexes spécifiques et ses règles de recrutement particulières, les professeurs de droit forment une petite famille au sein de la grande famille universitaire. Il a déjà été question de la notion d’« université familiale » appliquée à Helmstedt ; il est temps de souligner à quel point les professeurs de droit se distinguent nettement dans ce domaine.
13Le constat est assez simple à dresser : la généalogie des professeurs ordinaires de droit dans la seconde partie du xviie siècle à Helmstedt parle d’elle-même27. Henri Binn, professeur à partir de 1651, épouse en 1649 la veuve de son collègue de droit Balthasar Rinck. Sa fille se marie ensuite avec son collègue Gläser, puis en seconde noce avec son autre collègue Eyben. De ce dernier, elle a une fille, qui à son tour épouse Eisenhart, professeur de droit, dont le petit-fils et l’arrière-petit-fils seront également professeurs de droit à Helmstedt au siècle suivant – une vaste famille, à laquelle s’apparente celle de Georges Engelbrecht, également professeur de droit à partir de 167128. Werner s’est marié avec la fille adoptive de son collègue de droit et prédécesseur Cludius. Quant à Eichel, il a tout simplement épousé la fille de Hahn, primat de la faculté jusqu’à son décès en 1668 ; et bien entendu, il offre quelques années plus tard la main de sa fille à son jeune collègue von Böckellen. Sans qu’il soit besoin de développer davantage, la conclusion s’impose d’elle-même : les juristes ne se marient pas seulement avec des membres de l’université, ils se marient entre juristes. Il est presque possible de parler ici de caste, tant les alliances sont commandées et presque rendues évidentes, et l’endogamie plus étouffante encore que dans les autres cas observés. Mais il y a mieux : lorsque Hahn décède en 1668, son gendre Eichel décide de faire ériger une chapelle privée à côté du cimetière de la ville. Afin de rappeler que Hahn avait épousé la petite-fille d’un des premiers professeurs de l’université, il nomme l’imposant édifice du nom de ce dernier, la « chapelle funéraire de Böckel » – « die Böckelsche Grabkapelle »29. Eichel lui-même et son gendre et collègue von Böckellen seront plus tard également inhumés dans la chapelle, avec de nombreux autres membres de la famille. Aujourd’hui encore, la charge symbolique de l’acte d’Eichel est perceptible et saisit tout visiteur : le lourd mausolée des juristes se dresse fièrement en dehors du cimetière, face à l’église Saint-Stéphane, lieu de toutes les cérémonies et sanctuaire pour l’institution et la « famille universitaire », temple dont les murs intérieurs et extérieurs sont recouverts de larges plaques rappelant les noms de tous les grands professeurs, et dont le chœur abrite le tombeau du plus célèbre d’entre eux, Georges Calixte30. On ne pouvait proclamer plus clairement la volonté de se rattacher à l’institution et à son histoire, et en même temps manifester de façon plus provocante la volonté de se distinguer.
14Pouvait-il d’ailleurs en être autrement ? Les juristes n’ont pas la même place au sein de l’État, n’ont pas le même rapport au pouvoir que les autres professeurs, même théologiens. Leur situation et leurs nombreuses tâches annexes leur procurent des compléments de revenus très substantiels, qui en font des hommes parfois très riches – Eichel est sans doute avec Conring, dans les années 1660-1680, l’homme qui gagne le plus d’argent à Helmstedt. Mais surtout, l’imbrication des juristes dans la machine étatique leur permet de fréquenter un autre milieu, et les fait aspirer à un autre modèle d’ascension que leurs collègues des autres facultés. Qu’ils demeurent professeurs ou bien qu’ils se servent de cette charge comme tremplin dans leur carrière, cherchent ainsi à acquérir un titre de noblesse. Eyben est de naissance noble, tout comme l’était Mynsinger von Frundeck ; Eichel se bat auprès des instances impériales pendant des années pour faire reconnaître et rétablir sa noblesse déchue, et il n’accepte de donner sa fille qu’à un collègue, certes, mais également noble31. Dans les générations suivantes, les descendants de ces professeurs ordinaires n’auront de cesse de maintenir, ou bien pour les autres d’acquérir ce statut nobiliaire grâce aux charges qu’ils occupent. C’est là sans doute que se joue une rupture majeure avec les autres professeurs de l’université. Certains théologiens, certains médecins peuvent à la rigueur parvenir à une grande aisance financière ; en revanche, ils demeurent davantage liés aux autres professeurs, avec qui ils partagent la prétention héritée de l’humanisme de se poser comme un groupe disposant d’une forme particulière de noblesse – la « nobilitas litteraria » –, non pas la noblesse commune, mais celle qui s’acquiert par les qualités et qui, pourquoi pas, est supérieure à l’autre. Dans ce contexte, les stratégies matrimoniales ne peuvent pas toujours s’accorder, et même l’ultime demeure ne se partage qu’avec quelques distances.
Du pragmatisme avant tout
15Traiter des enseignements délivrés par les professeurs ordinaires de la faculté de droit entre 1652 et 1690 constitue un défi assez difficile à relever, plus difficile en tout cas que celui consistant à évoquer l’activité de la faculté de théologie. D’abord, on l’a dit, les juristes n’ont pas toujours rendu de comptes systématiques à l’administration, comme le faisaient leurs collègues, et l’absentéisme était assez répandu au sein de la faculté. Appréhender la transmission des savoirs dans le détail, de préférence avec les rapports manuscrits des professeurs plutôt qu’à partir des catalogues imprimés, s’avère dans ce contexte une gageure. Mais une autre singularité doit également être évoquée d’emblée. Jusqu’à sa mort en décembre 1681, Hermann Conring est sans doute le professeur le plus célèbre de l’université, et une grande partie de sa renommée repose sur son approche novatrice du droit. Considéré aujourd’hui encore comme l’inventeur de l’histoire du droit allemand, Conring était de son vivant consulté en tant que juriste, tandis que ses ouvrages connaissaient un grand retentissement32. Cependant, il n’a jamais appartenu à la faculté de droit, puisqu’il possédait déjà une chaire en médecine et une autre au sein de la faculté de philosophie. L’université de Helmstedt a donc hébergé au xviie siècle un des plus grands penseurs du droit dans l’Empire, et elle a été le théâtre de profonds changements dans la façon de penser et d’enseigner le droit... mais tout cela s’est joué en dehors de la faculté de droit. Reste néanmoins une question, rarement posée, qui est celle de l’influence qu’a pu avoir la présence de Conring sur ses collègues juristes et leur enseignement.
16Par ailleurs, la portée de la contradiction fondamentale inscrite dans les statuts pose une question de méthode : une histoire des chaires, construites à partir des catalogues imprimés et des rapports manuscrits des professeurs, est-elle seulement possible ? Un rapide examen de ces sources, ajouté à l’examen de la grille des salaires des professeurs pour 1650, permet d’avancer une réponse positive33. Ainsi, il ressort que la faculté de droit compte quatre chaires ordinaires, partagées en fonction des ouvrages qui leur sont associés – la première partie des statuts servant donc de référence. Dans les faits, le primat de la faculté s’occupe de l’étude du Codex, le second professeur traite du droit canon et du droit féodal, le troisième du Digeste, et le quatrième des Institutes34. La hiérarchie et l’organisation sont clairement posées de la façon la plus traditionnelle, et sans que les innovations et propositions de la seconde partie des statuts ne semblent être prises en compte. Pour simplifier le bilan qu’il est possible de tirer de l’étude de ces chaires, un réagencement semble néanmoins pertinent : après une rapide présentation de l’importance du primarius et de sa chaire, l’attention se portera sur ce qui constitue le cœur de l’apprentissage demandé aux étudiants, avant d’envisager l’étonnante présence d’un enseignement de droit canon et féodal.
Ce qu’être primarius veut dire
17Au sommet de la hiérarchie de la faculté, la première chaire est officiellement consacrée à l’étude du Codex. Pour rappel, le Codex Justinianus est une compilation de « constitutiones », c’est-à-dire de lois impériales, embrassant la période allant d’Hadrien à Justinien. Divisé en douze livres, il a été publié après le Digeste et recense des lois émanant des différents empereurs, ce qui lui confère une autorité supérieure à celle des autres parties du Corpus juris civilis35. Pour cette raison, l’enseignement du Codex est, depuis le Moyen Âge, traditionnellement lié à la première chaire des facultés de droit, schéma que reproduit naturellement Helmstedt. Considéré comme le complément indispensable au Digeste pour les étudiants en droit, le Codex est aussi associé à l’ultime étape d’une carrière réussie pour les professeurs. Celui qui, en 1652, occupe cette chaire prestigieuse, se nomme Henri Hahn.
Henri Hahn : juge, directeur éditorial et inspecteur des études
18Né en 1605 à Hildesheim, Hahn débute ses études à Helmstedt en 1619. Pourvu au départ de moyens modestes, et étranger au monde universitaire, il a su faire preuve de patience et d’habileté pour s’intégrer progressivement à la « famille universitaire », puis profiter des opportunités offertes par le redémarrage de l’université dans les années 1640, après les nombreux départs de professeurs qui ont accompagné la guerre de Trente Ans36. À 45 ans, en 1650, il se hisse au sommet de la faculté et prend en charge l’enseignement du Codex, situation qui dure jusqu’à son décès en 1668. Tranchant avec la pratique de la plupart de ses collègues à la même période, Hahn livre des rapports clairs et assez détaillés à l’administration, ce qui permet de tirer un certain nombre d’enseignements sur sa manière concrète de travailler et de concevoir sa charge.
19Sans grande surprise, Hahn apparaît comme un homme pour qui l’enseignement n’est qu’une activité parmi d’autres : il ne cache pas d’ailleurs dans ses comptes rendus les nombreux jours qu’il passe au tribunal à Wolfenbüttel en qualité de juge. À cette activité annexe s’ajoutent dans son cas les conséquences d’une santé fragile : arthrose, douleurs dentaires, rhume et bien d’autres encore, Hahn est touché de façon régulière par des maux qui l’obligent à demeurer chez lui pendant des semaines, voire des mois37. Il n’est pas exclu qu’il poursuive pendant ces périodes ses cours privés, mais il n’en dit rien dans ses rapports – et surtout, il n’envisage jamais réellement de compenser ses longues absences. Mais ce qui est intéressant si l’on étudie son activité en détail, c’est la façon dont il s’interrompt à maintes reprises pour recevoir des invités. Sans donner davantage de précision, il n’est pas rare qu’il évoque ses devoirs d’hôte qui le retiennent pendant quelques jours à chaque fois, et qui ne sont certainement pas liés à des visites de parents ou d’amis38. On devine qu’en tant que premier juriste de l’université et du duché, Hahn est en devoir d’accueillir les personnalités de marque, peut-être aussi les envoyés venus demander un avis d’expert au collège des juristes de Helmstedt – ou à lui uniquement. Plus intéressant encore, le primarius consacre beaucoup de temps et d’énergie à l’édition de textes destinés aux étudiants. S’il supervise l’impression des nombreuses disputes organisées à l’occasion des promotions à l’intérieur de la faculté, il apparaît aussi dans le rôle de responsable de collection au sein des presses universitaires locales. Puisant dans les archives de la faculté ou bien dans des ouvrages déjà parus, il édite ou réédite des textes qui concernent tous les aspects des études juridiques, et non pas seulement les thèmes qu’il traite personnellement39. En écho aux nombreuses admonestations qu’il fait aux étudiants, les exhortant à réviser tel sujet ou bien à ne pas négliger les règles de rhétorique apprises dans leurs premières années, il veille à mettre à leur disposition des ouvrages facilitant l’assimilation de certains problèmes ou bien permettant de revoir les règles de méthode. Il travaille ainsi à ce que la bibliothèque contienne, en plus des ouvrages sur les sources du droit et les manuels, des œuvres plus originales, répondant à des besoins précis en matière de méthode ou d’approfondissement.
20Quant à sa pratique pédagogique, elle apparaît comme un habile compromis entre les deux tendances contradictoires des statuts : pratiquer la lecture suivie d’une source du droit ou fonder l’approche sur un thème. Notons d’emblée que Hahn laisse totalement de côté le premier livre du Codex, ainsi que les livres VII à XII, et qu’il ne prend même pas la peine d’en donner un aperçu ou bien de présenter l’ouvrage dans sa structure globale. Les seules parties qui l’intéressent sont celles qui traitent du droit privé et, dans une moindre mesure, de procédure. La façon dont sont rédigés les comptes rendus donne le ton et l’esprit : Hahn commence par expliquer aux étudiants qu’il entend se pencher sur un problème particulier, puis il commence la lecture suivie des parties du Codex qui permettent d’amener des commentaires sur ce thème choisi. Pendant plus de quinze ans, les sujets évoqués s’avèrent identiques : il s’agit de réfléchir à tout ce qui touche aux questions d’union et de succession40. En la matière, Hahn se sert des remarques très précises du Codex pour approfondir ce que ses auditeurs ont déjà abordé au cours de leur étude des Institutes et du Digeste. Il précise, ressasse, vérifie, tout cela pour parachever l’apprentissage des jeunes juristes et leur permettre concrètement de prétendre à exercer les fonctions de juge, d’avocat ou encore de notaire. À maintes reprises il le répète, en écho avec ce qui justifie son travail éditorial : il choisit et commente l’ultime partie du Corpus en vue d’être utile à des étudiants en fin de cursus, n’hésitant pas à revenir en arrière ou bien à tester son auditoire en lui soumettant des problèmes rares et complexes41. Bien évidemment, ce souci permanent va de pair avec l’organisation systématique de disputes : outil de mémorisation comme chez les théologiens, la disputatio est aussi la joute qui prépare le futur juriste à exercer son métier. Pour le professeur qui donne les thèmes et préside, elle est l’occasion de vérifier les capacités concrètes et la bonne assimilation des connaissances, une dernière fois.
21L’examen de l’activité de Hahn à travers ses rapports manuscrits permet ainsi d’entrer dans le quotidien d’un professeur qui se distingue de ses autres collègues de la faculté. Juge et conseiller des princes, hôte patenté, le primarius est aussi un directeur éditorial, un maître des études de droit et celui qui contrôle le niveau des étudiants parvenus à la fin de leur cursus. Libre de s’absenter longuement et de choisir la façon dont il traite du Codex, il s’avise en permanence des lacunes et des besoins d’une formation qui est pensée d’abord comme un apprentissage professionnel, reposant sur la maîtrise de compétences concrètes. Hahn confirme que la faculté de droit forme des techniciens, mais aussi et avant tout des praticiens, auxquels la connaissance de la rhétorique et le repérage dans les grandes sources du droit romain doivent ouvrir directement les portes des tribunaux et des cabinets de notaires.
De la désaffection au renouvellement
22Lorsque Hahn décède en février 1668, son collègue Werner, qui le suivait immédiatement dans l’ordre de préséance, se trouve en toute logique promu au sommet de la faculté. Il ne s’agit pourtant pas d’une véritable succession, puisque Werner, déjà sexagénaire, doit bientôt lutter contre une longue maladie qui l’emporte en septembre 167142. Le gendre de Hahn se hisse alors à son tour en haut de la hiérarchie : après une année de réorganisation43, Eichel apparaît enfin dans un catalogue imprimé avec la charge de l’enseignement du Codex, qu’il veut traiter « livre après livre et titre après titre44 ». Devenu primarius, Eichel cesse malheureusement assez vite de se soumettre à l’obligation de remplir des rapports sur son activité pédagogique. Jusqu’à son décès en 1688, il n’est pas possible de reconstituer cette dernière, qui doit être par ailleurs très réduite : proche serviteur des princes welfes, Eichel passe l’essentiel de son temps éloigné des salles de cours45. De toute évidence, l’enseignement du Codex n’était considéré que comme un approfondissement pour étudiants en fin de cursus, et il pouvait facilement être sacrifié en cas de nécessité.
23Reste que ce sacrifice n’est pas complet : à partir des années 1680, le second professeur dans l’ordre de préséance, déjà en charge du Digeste, élargit son champ d’activité vers l’enseignement du Codex. Face à l’absence prolongée d’Eichel et sans doute avec l’assentiment des autorités, Engelbrecht double son volume horaire, passant à deux heures de cours par jour, ce qui lui permet de traiter les deux ouvrages en parallèle. Entre 1681 et 1686, il est ainsi possible d’observer précisément la manière dont il traite du Codex. Tout en comblant un vide et en se vouant surtout à l’organisation de fréquentes disputes pour les étudiants les plus avancés, Engelbrecht impose néanmoins sa marque de façon originale et intéressante. Pour commencer, il ne traite durant ces cinq années que des livres du Codex qui étaient exclus habituellement de l’enseignement : le premier livre sur le droit ecclésiastique, le livre X sur la fiscalité, les livres XI et XII sur le droit administratif au sein de l’Empire romain. Rédigés dans l’Antiquité, ces livres paraissent en effet particulièrement inadaptés, et on comprend que Hahn ait préféré en son temps n’envisager que les autres livres, consacrés au droit pénal ou procédural.
24Mais dans le cas d’Engelbrecht, tout indique au contraire que c’est leur anachronisme même qui l’intéresse dans les livres qu’il choisit d’aborder. Si sa lecture suit l’ordre des titres au sein des livres, notons cependant qu’il avance très vite, et en choisissant de s’arrêter sur certains titres plutôt que d’autres – autre preuve que son choix est raisonné. Durant l’hiver 1684-1685, il analyse ainsi le titre 44 du livre XI qui porte sur les jeux du cirque et les gladiateurs, prétexte pour lui à un long commentaire sur la législation contemporaine sur le duel ; puis, il s’attarde sur le titre 47 sur la réglementation de l’usage des armes, pour mieux se lancer dans une discussion sur le droit de faire la guerre, différenciant la guerre défensive et la guerre offensive. Au cours du semestre suivant, il évoque le livre XII, titre 15, sur la réglementation de l’enseignement à Constantinople au ve siècle, afin de mieux légitimer les privilèges des professeurs de Helmstedt...46 De façon claire et systématique, il s’échine donc à ramener les lois antiques les plus anachroniques vers la réalité de son temps, au prix de contorsions parfois surprenantes. Cette démarche qui aboutit à de longues digressions et à des rapprochements douteux, est en fait soutenue par un double objectif : avant tout, Engelbrecht cherche à présenter et à légitimer des pans entiers de la législation impériale et surtout ducale en montrant qu’elles se rattachent à la plus ancienne tradition47. Surtout, il se positionne dans la lignée de Conring : en essayant systématiquement de démontrer l’actualité du droit romain, il donne également la mesure des adaptations nécessaires, des évolutions qui ont eu lieu et qu’il convient d’accepter. L’idéal d’un droit partant de l’esprit et de la rigueur romaine, mais tenant compte de l’histoire et de la situation locale, soutient et justifie les commentaires d’Engelbrecht. Attaché à la légitimité qui émane des lois promulguées directement par les empereurs romains de l’Antiquité, il souhaite néanmoins faire prendre conscience à son auditoire de la réalité contemporaine. Par ses choix de textes et ses digressions, il désacralise le maniement des sources traditionnelles du droit et montre comment les réglementations antiques peuvent être remodelées pour entrer au sein des tribunaux welfes et impériaux. Sans heurter la lettre des statuts ni les habitudes méthodologiques, Engelbrecht fait subir une évolution radicale à l’enseignement du Codex, longtemps resté en marge.
25Sommet d’une carrière d’enseignant et d’un parcours d’étudiant, l’enseignement du Codex ne constitue cependant pas l’essentiel du savoir dispensé. Pour les étudiants débutants, et pour ceux, très nombreux, qui ne souhaitent pas obligatoirement s’imposer un parcours exhaustif, l’étude du droit se confond presque totalement avec celle des deux ouvrages essentiels du Corpus : les Institutes et le Digeste.
Au cœur de la formation de juriste
26Suivant la pratique généralisée à l’époque, les statuts de 1576 précisent en effet que tout étudiant en droit doit débuter son apprentissage par l’étude des Institutes48. Durant au moins une année et demie, chaque nouvel étudiant dans la faculté doit se concentrer uniquement sur cet ouvrage afin d’apprendre les fondamentaux de la discipline et sa méthodologie. En la matière, l’examen plus approfondi de deux passages de l’article 50 du Digeste est également recommandé49. Ce n’est qu’après cette initiation que l’étudiant est autorisé à poursuivre sa progression en s’orientant à la fois vers l’apprentissage des autres ouvrages importants et vers l’entraînement à la pratique. Préparés par l’étude des Institutes, les jeunes apprentis juristes peuvent ainsi aborder le Digeste : à terme, ils doivent ressortir de cette seconde étape de leur formation en étant pénétrés par l’esprit général des lois romaines, par leur organisation, et ils doivent surtout être prêts à utiliser l’immense machine juridique constituée par le Digeste pour résoudre tous les cas susceptibles de surgir dans un tribunal. Absolument capital, ce double apprentissage justifie la nécessité, pour la faculté, de garantir la continuité de l’enseignement dans ce domaine.
L’enseignement des Institutes
De la lecture suivie à l’approche thématique
27Tout en bas de la hiérarchie de la faculté, la quatrième chaire est réservée à l’enseignement des Institutes ; confiée au dernier arrivé parmi les enseignants – également le moins bien rétribué –, cette chaire voit se succéder un assez grand nombre de titulaires en l’espace de quatre décennies, entre 1650 et 1690. Le premier d’entre eux, Henri Binn, occupe le poste de 1651 à sa mort en 1665, et il semble avoir ancré un mode de fonctionnement repris par la suite50. Par chance, Binn a laissé un grand nombre de rapports manuscrits, même si ces derniers sont aussi denses et ampoulés que pauvres en dates précises permettant de reconstituer sa progression. Une évolution se dessine pourtant au cours de ses quinze années d’activité. Dans un premier temps en effet, jusqu’au début des années 1660, Binn instaure une alternance très régulière : pendant environ un an et demi ou plus, il présente méthodiquement les quatre livres des Institutes, puis consacre à peu près un semestre à traiter de « droit criminel » – ce qui correspond à ce que l’on pourrait nommer le droit pénal et procédural51. En somme, il suit de façon rigoureuse la première partie des statuts de 1576 qui recommande de présenter l’ensemble des Institutes aux plus jeunes étudiants en moins de quatre semestres. Mais, dans certains rapports, des références à des œuvres de juristes attirent l’attention : dans son rapport pour le semestre d’été 1652, il cite ainsi Bachov52, dont il utilise très certainement l’ouvrage De Actionibus. Plus intéressant encore, il affirme avoir étudié le De Contractibus de Mozzi, à un moment où il présentait également les livres II et III des Institutes – consacrés notamment aux questions des testaments et des différentes formes de propriété et contrat53. Autrement dit, Binn traite successivement les grandes parties des Institutes, mais, au fur et à mesure de sa progression, il s’arrête plus spécifiquement sur des thèmes importants, pour lesquels il s’appuie sur des manuels ou bien sur des ouvrages de juristes célèbres. Lorsqu’il achève le dernier livre des Institutes, consacré en grande partie aux peines et délits, il enchaîne brièvement sur des considérations permettant d’initier ses jeunes auditeurs au droit et à la procédure pénaux.
28Au bout de quelques années, son mode de fonctionnement évolue néanmoins, Binn s’arrêtant de plus en plus longuement sur les aspects qui relèvent de ce qu’il qualifie de droit criminel. Au cœur des cycles qui se répètent, il examine ainsi toujours plus en détail ce qui concerne les délits et les peines. Mais surtout, cette étude s’appuie désormais explicitement sur les parties du Digeste et de la Constitution caroline qui complètent les parties concernées des Institutes. En d’autres termes, son approche devient progressivement thématique, et non plus seulement fondée sur un ouvrage54. Dans le catalogue imprimé pour le semestre d’été 1662, Binn assume même explicitement la démarche qu’il suit, annonçant qu’il va traiter de la procédure pénale, puis des différents types de délits et enfin des peines correspondantes – un plan en trois parties numérotées55. Les rapports rétrospectifs pour ce semestre montrent qu’il a effectivement procédé de la sorte, et on peut y lire qu’il a toujours veillé à illustrer son propos avec les passages appropriés tirés du Corpus entier et de la Constitution caroline56. Au fil des semestres, Binn s’est ainsi éloigné progressivement de la lecture suivie des Institutes, et a fusionné les deux cycles qu’il faisait alterner avant 1660. Après cette date, ce ne sont plus les parties des Institutes qui gouvernent la progression, mais bien la logique d’un praticien : tout ce qui pouvait demeurer d’approche exégétique disparaît au profit d’une présentation orientée vers la pratique concrète du droit pénal. L’approche systématique, avec le choix raisonné et adapté de loci puisés dans la masse du Corpus, triomphe et est assumée subtilement dans les dernières années d’enseignement de Binn, qui propose au semestre d’été 1664 des cours privés sur Bachov et sur Wesenbeck57 – l’auteur évoqué par les statuts de 1576, dans leur seconde partie. Enfin, après 1660, Binn intercale aussi régulièrement entre ces cycles des cours sur l’ouvrage de Lampadius : De Republica Romano-Germanico58. Publié en 1640 par les soins de Conring, cet ouvrage d’un ancien professeur de droit de Helmstedt constitue une réflexion sur le fonctionnement de l’Empire, l’auteur proposant d’établir un système fédéral où la souveraineté serait partagée entre l’empereur et les différents territoires. Binn n’explique pas clairement la façon dont il traite de l’ouvrage, ni pourquoi, et les catalogues imprimés n’en font pas mention. La seule hypothèse, c’est que l’enseignement de Binn est effectivement considéré comme une introduction destinée aux étudiants débutants, mais que l’idée que les juristes se font de cette fonction préparatoire a évolué très vite après 1650. On retrouve en effet, après 1660, la volonté de donner aux étudiants des bases en matière de droit pénal et contractuel, mais aussi de les initier à la réflexion sur le droit public, lancée au sein de l’université par Lampadius et poursuivie par Conring, en marge de la faculté. La seconde partie des statuts est ainsi prise comme seule référence en termes de méthode, et elle est même dépassée, enrichie, en tenant compte des évolutions les plus contemporaines.
29Après 1665, les successeurs de Binn paraissent reproduire le modèle qu’il a instauré. Son gendre Enoch Gläser hérite de son titre59, et les rares indications qu’il a laissées suggèrent qu’il a imité l’approche systématique inaugurée par Binn dans ses dernières années60. Mort prématurément en 1668, Gläser est remplacé, presque par défaut, par Daniel Clasen61. Pendant trois ans, ce dernier revient à un enseignement plus traditionnel, en pratiquant une lecture suivie mettant ponctuellement l’accent sur quelques articles importants62. Très souvent absent, Clasen opère un semblant de retour en arrière qui ne prend pourtant pas racine, puisqu’il quitte sa chaire dès 1672.
Un fonctionnement en tandem
30L’examen systématique des archives révèle cependant une autre caractéristique de l’enseignement des Institutes : presque toujours, ce dernier est en fait partagé entre deux professeurs. Derrière l’apparence figée de la hiérarchie et des titulatures, une organisation plus souple et plus complexe se dévoile. À partir de 1660, l’année où sa pratique se modifie, Binn partage en fait une partie de son enseignement avec son gendre Gläser. Avant même de succéder à son beau-père, ce dernier s’est vu en effet octroyer une cinquième chaire en 1660, créée spécialement pour lui. Officiellement, cette chaire est consacrée aux Novelles – le dernier pan du Corpus à n’avoir pas encore servi à nommer une chaire63. Dans les faits, Gläser comble à l’occasion les diverses absences de ses collègues, enchaînant les différents ouvrages sans constituer de cycles cohérents, mais se préoccupant surtout des plus jeunes étudiants64. Si cette étonnante cinquième chaire disparaît en 1665 à la mort de Binn, une cinquième chaire extraordinaire réapparaît dès 1669, confirmée en 1672, puis complétée en 1673 par une sixième chaire extraordinaire. Et presque systématiquement, l’habitude est prise de voir au moins deux professeurs se partager dans les faits la charge dévolue théoriquement au seul titulaire de la quatrième chaire. Avant d’aller plus loin, il convient de s’arrêter un instant sur les motifs d’une telle évolution, qui contredit profondément les statuts et les normes de fonctionnement.
31D’abord, ces manœuvres évoquées sont à resituer dans un contexte particulier : dès 1660, le vieillissement des titulaires de la faculté apparaît comme une menace. En 1668, deux ordinaires, Gläser et le primarius Hahn, décèdent en l’espace de quelques mois, tandis qu’un troisième, Werner, offre l’image d’un sexagénaire en mauvaise santé – ce à quoi s’ajoute encore, au début des années 1670, l’absence presque permanente d’Eichel, retenu par d’autres tâches65. Bref, pour les princes welfes qui se partagent la gestion de l’université et pour les professeurs influents, la survie même de la faculté de droit est en jeu. Le problème est d’autant plus grand qu’il est particulièrement délicat de trouver des candidats qui puissent prétendre au rang de professeur ordinaire, et surtout entrer au service de la famille régnante et occuper des emplois stratégiques. C’est ce qui explique certainement que l’habitude fut prise très tôt de contourner les règles officielles et de donner plus de souplesse au fonctionnement du recrutement : dès lors qu’un jeune talent paraît bien intégré dans l’institution et plaît au prince, tout est fait pour le retenir même si aucune des quatre chaires n’est disponible. Au gré d’une véritable négociation, une chaire extraordinaire ou même ordinaire peut lui être proposée, garantissant un statut et des revenus dans l’attente de mieux. Docteur en droit en 1660, gendre de Binn et brillant écrivain soutenu par l’influent Conring, Gläser a ainsi pu faire monter les enchères pour s’assurer une place confortable sans être contraint d’attendre qu’une chaire ne soit vacante. Mais les arrangements, dans des situations de crise, peuvent prendre un tour plus complexe. Le 31 mars 1669, trois professeurs sont nommés le même jour : Eyben et Clasen obtiennent chacun une chaire ordinaire, tandis que le jeune Engelbrecht se voit confier une chaire extraordinaire66. Un tel afflux de sang neuf permet à la faculté de reprendre un fonctionnement presque normal et d’éviter un départ massif des étudiants – au passage, l’institution aux abois a même réalisé un joli coup, puisqu’elle est parvenue à débaucher Eyben, juriste aguerri d’ascendance nobiliaire qui a accepté de quitter l’université de Gieen où il enseignait depuis des années. Fils d’un ancien chancelier du duc, Engelbrecht profite de la situation pour entrer très jeune au sein de la faculté67. Le dernier des trois, Clasen, offre un profil moins prestigieux mais, docteur et enseignant expérimenté, il possède l’avantage d’être un enfant du pays : vu les circonstances, il est un renfort acceptable qui, dépourvu de toute charge annexe, ne risque pas en théorie de trop s’absenter. En 1671, le décès de Werner fournit l’occasion de fixer les quatre enseignants restant sur les quatre chaires officielles. Immédiatement pourtant, la quête de jeunes au profil adéquat est lancée : en 1672, Jean-Henri Bötticher est nommé professeur extraordinaire, suivi un an plus tard par Jean-Gotthart von Böckellen68. Avec quatre ordinaires et deux extraordinaires, la faculté compte désormais six professeurs, dont trois qui ont moins de quarante ans : pour la première fois depuis longtemps, l’avenir peut être envisagé avec sérénité.
32Mais cette augmentation des effectifs, en devenant la règle, a aussi une conséquence plus concrète : en bas de l’échelle, deux enseignants se partagent l’enseignement des Institutes. Les recrutements ne font pas qu’anticiper les futurs besoins de l’institution en professeurs et juristes aguerris et fiables, ils offrent dans l’immédiat des avantages plus concrets : le surnombre assure presque mécaniquement que les absences seront comblées et que les plus jeunes étudiants recevront effectivement une formation en un minimum de temps. Si les deux enseignants créent un tandem efficace, les conditions pour les étudiants sont même grandement améliorées, comme le démontre l’examen de la période qui suit 1669. Alors que Clasen est encore en charge des Institutes, le jeune Engelbrecht offre des cours qui complètent ou reprennent en partie ceux de son collègue, et parfois même les dépassent lorsqu’il se penche sur le Digeste69. À vrai dire, la logique de sa progression semble surtout être commandée par les besoins immédiats des étudiants, peut-être est-elle même une réponse directe à leurs demandes. Lorsque ce n’est pas en même temps, il traite de l’un ou l’autre ouvrage en public ou en privé, y ajoutant parfois la présentation du manuel alors très usité de Georges Adam Struve : Syntagma Jurisprudientiae70. Professeur extraordinaire, Engelbrecht garantit le bon fonctionnement et la régularité des cours d’initiation pour les plus jeunes étudiants et il inaugure en somme un rôle non prévu par les statuts, mais hautement indispensable : celui d’un jeune enseignant toujours présent et capable de réagir avec souplesse aux demandes des étudiants.
33Devenu officiellement titulaire de la chaire des Institutes et du droit pénal en 1672, Engelbrecht, par rapport à son prédécesseur, revient à une approche plus thématique. Son organisation rappelle celle de Binn à la fin de sa vie, qu’il a certainement expérimentée lui-même en tant qu’étudiant au début des années 1660 : il donne une vue d’ensemble des Institutes en une année et demie, mais s’attarde sur des thèmes pour lesquels il renvoie aux autres parties du Corpus, puis passe à l’étude des délits et des peines, ainsi que de la procédure pénale71. Plus que ses prédécesseurs, il entre dans ce dernier cas dans les détails, n’hésitant pas à introduire des débats de nature éthique sur la torture72.
34Mais, à partir de 1672, le jeune Bötticher, fraîchement élevé au titre de docteur et nommé professeur extraordinaire, est chargé de redoubler les cours d’Engelbrecht, ce dernier changeant de rôle en endossant celui qu’occupait auparavant Clasen73. À bien des égards, Jean-Henri Bötticher se présente d’ailleurs comme l’ombre de Georges Engelbrecht : né comme lui en 1638, il est le fils d’un juriste et conseiller du duc à Wolfenbüttel, qui décède alors que Jean-Henri est encore enfant. La même année que Georges Engelbrecht, en 1658, il s’inscrit à l’université de Helmstedt et ne tarde pas, quelques années plus tard, à donner des cours privés pour financer la fin de ses études74. Lorsque Georges est nommé professeur extraordinaire en 1669, Jean-Henri devient quant à lui juge-assistant au tribunal de Wolfenbüttel. En raison de lacunes dans les sources manuscrites, il n’est pas aisé de reconstituer son activité à partir de 1672, mais il est néanmoins possible de se faire une idée de la façon dont fonctionnait le tandem Engelbrecht-Bötticher75. Ainsi, le second semble avoir méthodiquement complété l’enseignement du premier, en s’attachant à présenter les règles essentielles du droit, ainsi que le fonctionnement de la justice et des études juridiques. Il traite notamment des deux derniers chapitres du Digeste, ceux-là mêmes qui sont considérés comme des clefs de lecture de l’ensemble du Corpus. Par ailleurs, il envisage longuement la partie du livre IV des Institutes qui porte sur la procédure – le chapitre 6 : « De Actionibus ». Autre élément notable, il insiste plusieurs fois sur le fait qu’il se tient à la disposition des étudiants pour les guider et les conseiller. Quant à ses cours privés, ils portent sur le Digeste, les livres de Struve et de Wesenbeck, et sont l’occasion de nombreuses disputes servant d’entraînement. En clair, Bötticher aborde presque tous les éléments sur lesquels Engelbrecht passe plus rapidement ; il est celui qui s’occupe d’initier les plus jeunes étudiants aux études juridiques, ce qui laisse de la marge à Engelbrecht pour approfondir certains thèmes ou points de procédure précis. L’impression qui se dégage est celle d’une parfaite symbiose entre les deux hommes qui parviennent à dédoubler sans répétition ce qui relevait d’une chaire unique avant 1672. Leur âge et leur parcours presque commun d’étudiants permettent de supposer que les deux hommes se connaissaient parfaitement, même probablement qu’ils étaient amis – leur capacité à se concerter de façon efficace et intelligente est en tout cas évidente.
Un enseignement hors du cadre des chaires ordinaires
35La stratégie mise en place à partir des années 1660, qui consiste à recruter des professeurs extraordinaires pour garantir le bon fonctionnement et le renouvellement de la faculté, crée cependant un changement à long terme, et rend possible une nouvelle rupture en 1675, à l’occasion d’une nouvelle crise. Alors que le bon fonctionnement du tandem Engelbrecht-Bötticher et l’existence d’un second professeur extraordinaire, von Böckellen, semblent garantir un équilibre, du sable envahit rapidement les rouages de la faculté : au sommet de la hiérarchie, Eichel et Eyben s’absentent de plus en plus, cessant pratiquement leurs cours sur le Codex pour le premier et sur le Digeste pour le second76. Totalement happés par leurs missions au service des princes, les deux premiers ordinaires ne séjournent presque plus dans la ville. Dans les faits, la faculté est décapitée à partir de 1674, les deux premières chaires n’ayant plus qu’une existence formelle. L’université passe après les besoins pressants des ducs welfes, mais ces derniers semblent prêts à soutenir les efforts des professeurs restants pour s’adapter et trouver une solution pratique. En l’espace d’une année, une réorganisation est opérée : officiellement professeur ordinaire de droit canon et féodal, Clasen prend en main l’enseignement du Digeste, à la place d’Eyben ; le tandem Engelbrecht-Bötticher récupère quant à lui le droit canon et féodal – Bötticher obtenant d’être élevé au rang d’ordinaire – ; enfin, Böckellen s’empare des Institutes, soutenu par un nouveau professeur extraordinaire tout juste nommé, Eisenhart77. Ce bouleversement de 1675 n’est pas anodin car il crée un précédent. Les titulatures des chaires ne sont plus désormais qu’un habillage et n’ont plus forcément de relation directe avec l’enseignement des professeurs ordinaires. La réorganisation reste certes commandée par la hiérarchie strictement définie par les statuts, mais la défection des deux premiers juristes a créé un appel d’air vers le haut. En définitive, la chaire des Institutes et du droit pénal a un titulaire officiel mais qui ne s’en occupe plus, et son enseignement est devenu l’affaire de jeunes professeurs extraordinaires.
36Un autre problème se pose cependant : celui de convaincre ces deux jeunes professeurs extraordinaires de conserver leur charge, alors même que, précédés dans la hiérarchie par cinq hommes dans la force de l’âge, ils semblent promis à une ascension laborieuse. Là encore, un geste des autorités s’impose afin d’éviter que ces jeunes talents ne perdent patience et ne quittent la faculté et le duché. Ainsi, von Böckellen se voit-il offrir en 1677 une chaire ordinaire au sein de la faculté de philosophie, ce qui lui permet de cumuler deux enseignements – et deux salaires – le temps qu’une chaire se libère au sein de la faculté de droit. La même année, Eichel lui offre une de ses filles en mariage, et le jeune homme s’estime suffisamment comblé pour ne plus songer à quitter Helmstedt78. Les faits lui donnent raison, puisque le décès de Clasen en 1678 lui permet de devenir professeur ordinaire de droit canon et féodal, en même temps qu’il est nommé juge au tribunal de Wolfenbüttel. Preuve que, depuis 1675, la titulature d’une chaire n’a plus de lien concret avec l’enseignement délivré par son titulaire, il ne donne son premier cours de droit féodal qu’en décembre 1689, après que la mort de son beau-père a permis à chaque professeur ordinaire de monter d’un cran dans la hiérarchie79. Jusqu’à cette date, entre 1675 et 1689, von Böckellen n’est hiérarchiquement que l’avant-dernier des professeurs et ne s’occupe donc, malgré son titre, que des cours sur les Institutes et le droit pénal.
37Concrètement, sa pratique pédagogique est assez difficile à reconstruire avant 1681, date à partir de laquelle ses rapports manuscrits, bien conservés dans les archives, deviennent d’une grande précision. En résumé, il aborde les Institutes de façon extrêmement linéaire, proposant aux étudiants une lecture suivie et exhaustive, sans recours à un manuel ni référence à d’autres sources du droit, du moins tant qu’il progresse dans l’ouvrage – la seule allusion aux Novelles concerne l’article 118, texte pensé déjà dans l’Antiquité pour compléter les articles des Institutes ayant trait aux problèmes de succession80. En l’espace de huit ans, il offre ainsi trois cycles complets qui permettent aux étudiants de parcourir l’ensemble des Institutes en huit ou dix mois : de janvier à septembre 1682, d’avril à début décembre 1685 et de février à décembre 1687. Ces tours d’horizon réguliers et au pas de charge répondent d’ailleurs aux annonces qu’il fait dans les catalogues imprimés, où il avance presque comme un argument publicitaire la promesse de ne pas excéder huit mois dans sa présentation de l’ouvrage de base des études de droit81. Le second trait qui le distingue davantage de ses prédécesseurs est l’importance qu’il accorde à la pratique de la dispute : sachant qu’il organise très certainement déjà des disputes privées en marge de ses cours, il s’autorise pourtant à multiplier les disputes publiques sur ses heures de cours, allant jusqu’à systématiser le passage à l’oral de ses étudiants pendant plusieurs mois à la fin de l’année 1682, période pendant laquelle il se contente d’arbitrer les disputes et ne fait plus cours82.
38Ces constats témoignent d’une évolution qui semble s’être accentuée tout au long des années 1680 : professeur, Böckellen apparaît ici surtout comme un prestataire de service soumis aux exigences des étudiants. Un surprenant épisode au mois d’avril 1683 l’illustre parfaitement : Böckellen est prêt à adapter sa progression, voire à revenir en arrière, si les étudiants le commandent83. La place démesurée des disputes qui mordent sur les cours publics est sans aucun doute aussi une conséquence des demandes des étudiants, lesquels réclament des exercices oraux qui ne soient pas forcément payants – et qui sont donc organisés sur les heures de cours publics. Le bas de la faculté de droit est de moins en moins un tremplin vers le haut et l’étude des autres ouvrages du Corpus, mais devient le lieu d’une formation accélérée et pratique, au service d’étudiants pressés de pouvoir posséder des rudiments prêts à l’emploi. Ainsi, l’étude de la procédure pénale ne se fait plus à l’aide de manuels ou bien en détaillant les articles du Corpus ; le fameux article 6 du livre IV des Institutes (« De Actionibus ») sert toujours de point de départ, mais Böckellen s’intéresse moins à lui qu’aux détails de la Constitution caroline84. L’apprentissage de la procédure a quitté en grande partie l’Antiquité pour s’installer dans le présent du Saint Empire et cette évolution convient sans doute autant aux jeunes juristes soucieux de pouvoir mettre rapidement leur savoir en œuvre, qu’aux tenants du droit allemand contre le droit latin et aux princes, contents d’avoir des administrateurs précisément informés sur les règles édictées par l’empereur.
39L’enseignement de Böckellen doit cependant être vu à la lumière de deux dernières observations. Bien que son collègue Eisenhart, professeur extraordinaire et dernier dans la hiérarchie de la faculté, fasse officiellement cours sur les Novelles, il y a fort à parier que cet enseignement complète et renforce celui de Böckellen. En présentant les Novelles, Eisenhart initie vraisemblablement les plus jeunes étudiants aux méthodes de base du droit et au découpage du Corpus85. Ce travail permet ainsi à Böckellen de se passer de toute introduction avant de se lancer dans l’étude des Institutes – et c’est sans doute aussi Eisenhart qui se charge d’établir des parallèles entre les différentes parties du Corpus, en tout cas entre les articles des Novelles et ceux des Institutes, ouvrage qu’il évoque dans ses cours privés. Enfin, si Böckellen pratique une lecture suivie des seules Institutes, l’aspect de ses rapports montre qu’il n’est pas insensible à la question de l’approche thématique : sur les grandes feuilles qui lui servent à dresser des calendriers avec les jours les uns en dessous des autres, il dessine souvent des accolades pour regrouper plusieurs jours ensemble, et renvoyer à un ou plusieurs articles dont le contenu est mis en avant. Pour le dire plus simplement, Böckellen suit l’ordre des livres des Institutes, mais il ne les voit pas comme des listes d’articles, plutôt comme des ensembles traitant de quelques grands thèmes. Visiblement, dans son esprit, il n’enchaîne pas les articles, mais passe par exemple de l’évocation du problème de la succession à celle du problème de l’adoption – avec les articles qui leur sont liés. C’est d’ailleurs ainsi que l’on peut constater que, si l’ensemble des quatre livres des Institutes est évoqué, la plus grande partie du temps est toujours consacrée à parler des questions d’héritage, de contrat ou d’adoption.
40La mort d’Eichel, en août 1688, entraîne en toute logique une promotion en chaîne pour les enseignants de la faculté. Cette nouvelle répartition s’accompagne d’une diminution du personnel, puisqu’aucun nouveau professeur n’est nommé et que la faculté retrouve un équilibre fondé sur la présence de quatre ordinaires. Professeur extraordinaire en charge de l’enseignement des Novelles depuis mai 1675, Johann Eisenhart s’élève ainsi dans la hiérarchie en devenant professeur ordinaire spécialisé dans les Institutes et le droit pénal86. Fils de pasteur, né en 1643, Eisenhart a fait toutes ses études à Helmstedt avant d’être appelé en renfort par la faculté de droit en 1675, peu après avoir obtenu son doctorat87. Lorsque von Böckellen abandonne sa chaire ordinaire d’éthique au sein de la faculté de philosophie pour devenir ordinaire en droit le 3 octobre 1678, Eisenhart s’empare immédiatement de cette chaire88. Pour les mêmes raisons vraisemblablement qui les ont conduits à accepter un cumul de la part de Böckellen – une position d’extraordinaire au bas de la hiérarchie de la faculté de droit et une chaire ordinaire de philosophie –, les princes welfes offrent ainsi au jeune Eisenhart une position confortable dans l’institution, pour mieux se l’attacher et lui permettre de patienter avant de poursuivre son ascension au sein de la faculté de droit. Au passage, le procédé consacre davantage encore le lien entre la faculté de droit et la chaire d’éthique de la faculté de philosophie, qui devient une sorte d’annexe réservée au moins avancé des juristes. S’il abandonne, comme son prédécesseur l’avait fait, son enseignement d’éthique lorsqu’il devient ordinaire en droit en 1688, Eisenhart reste néanmoins marqué par la décennie où il a enseigné dans les deux facultés.
41Ses premiers cours en tant que responsable du droit pénal et des Institutes sont consacrés à la procédure, et le nouveau professeur ordinaire y mêle en effet de nombreuses réflexions tirées de sa connaissance de l’éthique. De novembre 1688 au début du semestre d’été 1690, Eisenhart n’évoque pas les Institutes mais présente longuement les règles de procédure ainsi que les formes de crimes, de délits et les peines, en s’appuyant sur la Constitution caroline89. Cet exposé s’accompagne de très longues discussions sur l’utilité et la légitimité de la torture, et sur le sens et l’efficacité des sanctions90. Plus qu’aucun autre avant lui, Eisenhart s’appuie donc sur les cours de procédure pénale pour mener une réflexion approfondie et confronter les pratiques contemporaines avec des arguments tirés de la philosophie. Mais, outre l’éthique, Eisenhart introduit également l’histoire dans son approche. À partir d’avril 1690, il se lance dans une seconde série de cours qui débute par un long prélude à l’évocation des Institutes. Pendant trois mois, il replace le droit dans une perspective historique, évoquant les ouvrages antiques mais aussi le droit féodal et le « droit saxon », puis il définit la notion de jurisprudence et disserte sur l’évolution du droit et ses causes91. Au début du mois de juillet 1690, il en vient aux Institutes, non sans commencer d’abord par rappeler les origines et l’histoire de l’ouvrage lors de sa première heure de cours92. Dans les cours suivants, il aborde enfin les Institutes dans l’ordre des livres et des articles. Cette étude exhaustive et linéaire prend fin un an plus tard presque jour pour jour : il traite ainsi du dernier article du livre IV à la fin du mois de juin 1691, et reprend au début de juillet des cours sur les différentes formes de délits et de peines93.
42L’examen des débuts d’Eisenhart permet d’observer le chemin accompli en matière d’enseignement des Institutes et du droit pénal depuis les années 1650. L’exposé méthodique des quatre livres, sans manuel ni référence à d’autres parties du Corpus, est redevenu la règle, au détriment de l’approche thématique mise en œuvre un temps par Binn et quelques-uns de ses successeurs. Qui plus est, Eisenhart semble avoir, comme Böckellen avant lui, le souci d’aller le plus vite possible dans sa présentation exhaustive de l’ouvrage. Contrairement à lui en revanche, il ne peut compter sur le secours et l’enseignement d’un autre professeur en bas de la hiérarchie de la faculté, et il s’occupe lui-même d’initier les étudiants aux études juridiques en passant plusieurs mois à introduire l’examen des Institutes. En d’autres termes : après plusieurs décennies d’évolution et de pratiques diverses, Eisenhart marque le retour à une forme d’enseignement en parfait accord avec les statuts et avec celle de Binn à ses débuts. Il accueille les étudiants débutants, leur expose la méthodologie et les définitions essentielles et leur propose une lecture suivie des Institutes, le tout en moins d’un an et demi. Ce qui a changé cependant, c’est qu’Eisenhart accorde une place très importante à l’autre volet de son enseignement : avec lui, l’étude de la procédure et des délits et des peines s’étale sur plusieurs semestres, et elle devient un moment de réflexion où les perspectives éthiques et historiques servent de lignes directrices à la progression. À la suite d’Engelbrecht, Eisenhart aborde sans détour et longuement les débats contemporains sur la torture, la place du droit allemand par rapport au droit antique, ou encore la question du droit naturel. L’impression d’un retour en arrière, suggéré par l’abandon du traitement thématique et réfléchi des Institutes, n’est qu’une illusion. L’obligation de traiter de la première partie du Corpus, qui est commandée par les statuts, est par ailleurs encouragée par l’habitude et même par un certain intérêt pédagogique. Aussi, cet enseignement ne peut-il être totalement abandonné, mais il est traité cependant de manière de plus en plus brève au début des années 1690, et est rapidement suivi de réflexions plus philosophiques et surtout davantage marquées par les questionnements contemporains.
L’enseignement du Digeste
43Au xviie siècle comme dans l’Antiquité, le Digeste est considéré comme le véritable cœur du Corpus juris civilis. Aussi appelé Pandectes, cet immense ouvrage est une compilation, effectuée entre 530 et 533, des écrits de trente-huit juristes romains94. Redécouvert au Moyen Âge, le Digeste est, aux xvie et xviie siècles, l’ouvrage essentiel par lequel le droit romain pénètre au sein des tribunaux du Saint Empire. En toute logique, une place particulière lui est réservée dans l’enseignement. Les statuts de 1576 précisent ainsi que le titulaire de la chaire, second dans l’ordre de préséance, doit prendre grand soin de faire entrer les étudiants, déjà préparés par leur apprentissage des Institutes, dans cette immense cathédrale. Ils sont censés apprendre à se forger des repères, à comprendre la structure générale de l’œuvre et la façon dont on peut en faire usage concrètement. De manière explicite, les professeurs se voient interdire d’utiliser le Digeste comme un support à des jeux abstraits visant à résoudre les problèmes les plus complexes – ceux-là mêmes que les juristes n’affrontent jamais ensuite dans leur pratique95. Véritable « océan », le Digeste justifie l’imposition de règles de navigation96 : à la suite de Wesenbeck, les rédacteurs des statuts insistent pour que le titulaire de la chaire parcoure l’ouvrage en suivant la méthode des loci dialectici97. Après avoir présenté les grandes divisions et la logique de fond de l’ouvrage, il lui revient de tracer un parcours balisé à travers l’épaisse forêt des cinquante livres, en s’arrêtant plus longuement sur les passages traitant des problèmes essentiels. Enchaîné à celui des Institutes, l’enseignement du Digeste est comme lui, et peut-être plus encore, considéré comme prioritaire, ce qui peut justifier tous les sacrifices pour que sa continuité soit garantie.
Entre vue d’ensemble et sélection de loci
44Au cours des deux décennies qui suivent 1650, les deux titulaires de la chaire procèdent concrètement d’une manière assez semblable. Après avoir été professeur extraordinaire, puis ordinaire en charge simultanément des Institutes et du Digeste, le premier, Johannes Mehlbaum, se concentre entre 1652 et 1655 uniquement sur le Digeste98. Durant cette période, interrompue par son décès, il traite les livres XVI à XL, d’une façon linéaire – alors même que les statuts poussent explicitement les professeurs à ne pas se perdre dans la masse de l’ouvrage et à procéder en sélectionnant des loci, Mehlbaum choisit inversement de tout évoquer. Une nuance cependant : le temps consacré à chaque livre – environ un mois – peut laisser supposer qu’il choisissait certains passages ou questions seulement, le tout à l’intérieur d’une progression pluriannuelle qui voulait donner une vision d’ensemble de l’ouvrage. L’hypothèse est confirmée par l’observation de la pratique de son successeur Eichel, à partir de 1658. Du mois de juin de cette année jusqu’au début de l’été 1662, Eichel parcourt entièrement les cinquante livres du Digeste, un tour d’horizon qui, si l’on tient compte de ses absences, correspond à trente mois de cours99. Tout en étalant sa lecture suivie sur plusieurs années, il procède de façon réfléchie et respectueuse de l’esprit des statuts : si chaque livre est en effet présenté dans l’ordre de la table des matières, on perçoit dans les comptes rendus manuscrits des changements, avec des phases de ralentissement ou d’accélération très nettes. Eichel est d’ailleurs clair sur sa façon de concevoir son approche : au détour d’une phrase dans une notice du catalogue imprimé pour le semestre d’hiver 1661-1662, on comprend qu’il sélectionne précisément des titres, voire des passages à l’intérieur de ceux-ci, en fonction de l’utilité qu’ils peuvent avoir100. Il ne lit et n’interprète ainsi que des loci auprès desquels les jeunes juristes sont appelés à s’arrêter, afin d’être prêts à s’y référer ensuite dans leur carrière. Passage en revue global donc, pour ne pas perdre de vue l’esprit général et le mode de pensée du droit romain ; mais une analyse en fait très sélective qui isole les parties du texte aptes à resservir. Si l’on regarde de plus près ces passages qui font l’objet d’un traitement plus approfondi, deux remarques s’imposent : les grands problèmes liés aux unions et à la succession, auxquels les étudiants ont été sensibilisés à leurs débuts par la pratique des Institutes, sont à nouveau traités et approfondis. Par ailleurs, des problèmes inédits, plus complexes, sont évoqués : ce que l’on pourrait nommer le droit des affaires – les questions liées au commerce, aux crédits, aux contrats – fait l’objet d’une attention assez précise. En toute logique en revanche, Eichel élimine de ses commentaires tous les passages traitant des charges officielles dans l’Empire romain, ou encore des problèmes mêlant la question de l’esclavage. Après avoir étudié les Institutes, les futurs juristes franchissent donc une étape supplémentaire, en consolidant et en élargissant leurs connaissances, avec le souci toujours plus grand de pouvoir les mettre en application dans leur vie professionnelle. Par la suite, Eichel poursuit sur cette voie et ne change pratiquement rien à sa démarche ni à sa méthode. Deux autres cycles se succèdent entre 1662 et 1672, dont l’allongement en durée ne tient qu’à l’augmentation du nombre d’absences d’Eichel101. Des soucis de santé, le service des princes et surtout les tensions autour des moments de réorganisation de la faculté en 1668-1671 affectent et ralentissent ainsi sa progression, mais l’esprit demeure.
45Quant à la personnalité d’Eichel, déjà évoquée à plusieurs reprises, elle mérite que l’on s’y attarde, car elle apparaît au fil de ses rapports manuscrits concernant le Digeste sous un jour original. Issu d’une famille noble de Thuringe ruinée par la guerre, Eichel a connu une jeunesse agitée et un parcours d’étudiant chaotique102. Après une vaste pérégrination, il s’est installé à Helmstedt en 1649 avec visiblement de grandes ambitions : docteur en philosophie, il obtient dès 1651 une chaire de morale dans la faculté inférieure, avant d’être nommé professeur extraordinaire de droit en 1653. La même année, en 1655, il devient docteur en droit, juge au tribunal de Wolfenbüttel et il épouse la fille du doyen Hahn103. Mais le plus étonnant survient au moment du décès de Mehlbaum : contre toutes les règles de l’université, qui veulent qu’un nouveau professeur débute au bas de la hiérarchie avec la dernière chaire, il parvient à récupérer la chaire de Mehlbaum au lieu de celle consacrée aux Institutes104. Les causes de cette faveur exceptionnelle ne sont pas claires : a-t-on voulu s’attacher et récompenser un jeune professeur de talent, possédant surtout des relations avec de hautes figures de la noblesse de Saxe et de Thuringe105 ? La compétence, mais surtout la noblesse d’Eichel semblent avoir joué en tout cas un rôle déterminant : trois ans plus tard à peine, en 1657, il devient conseiller privé et vice-chancelier du duc de Brunswick-Lunebourg. À 36 ans, l’ancien enfant pauvre, contraint de chercher constamment refuge et protection, a retourné la situation : solidement installé au sein d’une faculté dominée par son beau-père, il est parvenu à multiplier les charges prestigieuses et rémunératrices.
46Plusieurs signes montrent cependant que l’intégration d’Eichel dans la faculté en tant que professeur ordinaire en charge du Digeste n’a pas été sans heurts : jusqu’en 1657, la lecture des catalogues imprimés indique qu’il a été contraint de poursuivre les cours qu’il donnait en tant que professeur extraordinaire. Un rapport étrange datant probablement de la fin de 1656 se trouve au milieu des comptes rendus d’activité dans les archives106 : plutôt que de dresser le bilan des derniers mois, Eichel narre longuement dans ce texte les efforts qu’il a fournis, mais aussi les difficultés qu’il a rencontrées, depuis janvier 1655 jusqu’à la fin de l’été 1656. Puis, les archives deviennent soudain muettes, et on ne trouve plus trace d’Eichel jusqu’au semestre d’été 1658107. Il est difficile de préciser davantage les enjeux et le déroulement du conflit qui semble s’être développé pendant deux ans, du printemps 1655 au printemps 1657, mais quelques constats intéressants peuvent être dressés : d’abord, Eichel est le premier et le seul après 1652 à avoir usé des rapports manuscrits comme d’une forme de correspondance avec les princes, sortant du cadre trimestriel ou semestriel, pour rédiger une longue plainte et défense pro domo. Soutenu par son beau-père, doyen de la faculté, il a aussi apparemment obtenu l’aide décisive des princes welfes ; en face de lui, plusieurs hommes, difficilement identifiables, n’ont apparemment guère supporté qu’il puisse ainsi s’emparer des cours sur le Digeste, après n’avoir été que professeur extraordinaire pendant deux ans. Il est possible également que son cumul des chaires en droit et en philosophie ait été au cœur du problème : devenu ordinaire en droit, Eichel semble avoir eu la tentation de cumuler les deux postes, avant de reculer et de ne se consacrer qu’au droit108. Notons aussi que, pendant plusieurs années, Eichel se distingue en cédant aux étudiants qui sollicitent davantage d’heures de cours, voire en utilisant les mercredis et samedis pour rattraper une partie de ses absences109. Si l’on ajoute à ce souci et à toutes ces activités les nombreux cours privés qu’il continue à donner même lorsqu’il est vice-recteur, Eichel apparaît bien comme un bourreau de travail – et surtout comme un homme dont l’enrichissement a dû être rapide : dès la fin des années 1650, il fait construire une fastueuse demeure en plein cœur de la ville, avec des espaces réservés aux cours. Au fil des années, il semble d’ailleurs délocaliser une partie de ses cours publics à son domicile, arguant du fait que l’horaire qui lui a été attribué est trop matinal110...
47Indéniablement, Eichel a su attirer sur lui des faveurs particulières et se construire une position et une fortune auxquelles il a joint une attitude aristocratique de distanciation, voire de morgue, vis-à-vis de ses collègues. On l’a évoqué, il n’hésite pas, en 1670, à se lamenter auprès de l’administration du duché de ce que ses collègues lui laissent l’entière charge de la faculté : il reproche à Werner et à Clasen d’être constamment alités, tandis qu’Eyben est en déplacement111. Lui-même se plaint de migraines ophtalmiques et d’autres maux pour cesser pratiquement tout enseignement – des douleurs qui s’apaisent en même temps qu’il parvient à succéder à Werner comme primarius et à s’emparer de la première chaire consacrée au Codex en 1672112. Après quoi, on l’a dit, il s’absente de façon si régulière et prolongée qu’il disparaît presque de fait. Ainsi, il n’est pas impossible que les crises de 1668 et 1672-1675, évoquées précédemment, ne soient pas dues seulement aux nombreux décès qui ont touché la faculté. Une véritable hostilité entre ses principaux membres a entraîné une guerre larvée dès lors qu’Eichel s’est retrouvé privé du soutien de son beau-père Hahn. L’incroyable multiplication des problèmes médicaux, puis la paralysie prolongée de la faculté pourraient avoir été des produits de ces tensions, obligeant les princes welfes à rétablir un semblant d’apaisement en multipliant les nominations et en fournissant d’autres occupations aux deux aristocrates situés au sommet de la faculté, Eyben et Eichel.
Une priorité affichée
48Quoi qu’il en soit, les différentes crises et nominations qui mènent à plusieurs réorganisations de la faculté sont marquées par une constante : peu importe la solution, à long ou à court terme, celle-ci doit d’abord garantir la continuité de l’enseignement du Digeste. À peine recruté comme professeur extraordinaire en 1669, le jeune Engelbrecht partage ses cours entre les Institutes et le Digeste113. Lorsqu’Eyben succède officiellement à Eichel en 1672 sur la seconde chaire, il apparaît très vite que ses absences permanentes ne lui permettront pas d’accomplir sa charge114. Là encore, des mesures immédiates sont prises : dès l’été 1673, Bötticher propose des cours privés sur le Digeste, et surtout des disputes sur des passages précis115. Finalement, à partir de 1675, Clasen est prié de délaisser ses cours de droit canon et féodal pour prendre en main cet enseignement capital, pendant qu’Engelbrecht est censé le remplacer. Pourtant, ce dernier fait volte-face dès la fin de l’été 1675, abandonne le droit féodal et se consacre également au Digeste : instaurant un partage étrange, il traite de la première moitié de l’ouvrage dans ses cours privés, tandis qu’il évoque l’autre moitié dans ses cours publics116. Après deux années de flottement, l’absence d’Eyben aboutit à un équilibre aussi surprenant qu’inédit : sans jamais être désignés comme des professeurs en charge du Digeste, deux ordinaires se consacrent presque entièrement à l’ouvrage, le second instaurant un système reposant sur la division de ses cours publics et privés. Une fois encore, la preuve est faite en tout cas de ce que l’enseignement du Digeste est considéré comme une priorité absolue, quels que soient les vicissitudes traversées par la faculté et le nombre de professeurs disponibles.
49Le partage des attributions d’Eyben entre Clasen et Engelbrecht dure de l’été 1675 à la fin de l’été 1678, soit quelques mois avant le décès de Clasen. Pendant toute la période, ce dernier est d’ailleurs très souvent absent pour des raisons de santé117. Ce constat explique pourquoi Engelbrecht a été rapidement appelé pour redoubler les cours sur le Digeste : si Clasen, à l’inverse d’Eichel et d’Eyben, n’est pas appelé par les ducs pour se consacrer à de lourdes charges annexes, il n’en est pas moins très peu assidu, et il est surtout imprévisible. Dès lors qu’on ôtait à Eyben ses attributions, on ne pouvait faire en sorte de les donner officiellement à un autre que celui qui venait immédiatement après lui dans l’ordre de préséance. Le pragmatisme commandait cependant qu’on ne laisse pas Clasen seul avec cette charge qu’il ne semblait plus en mesure d’assumer du fait de son âge et de sa mauvaise santé. Mais l’observation attentive des quelques cours de Clasen et de ceux d’Engelbrecht révèle aussi la manière dont le partage a été organisé entre les deux professeurs. Afin d’éviter tout chevauchement, Clasen suit une approche thématique, tandis qu’Engelbrecht assume l’habituelle lecture linéaire de l’ouvrage. Concrètement, le premier s’intéresse à tous les problèmes liés au droit des affaires – les contrats, les transactions, les hypothèques –, ce qui l’amène le plus souvent à plonger dans certaines parties des livres III, V ou VI118. Quant à Engelbrecht, on l’a dit, il s’occupe de la présentation globale et de l’étude cursive de l’ouvrage, d’abord en tentant un partage entre cours privés et publics, puis en se consacrant uniquement au sujet dans ses cours publics à partir de l’été 1677.
50Le décès de Clasen, depuis longtemps déjà retiré chez lui en raison de la maladie, ne bouleverse pas le fonctionnement de la faculté, mais il place officiellement Engelbrecht dans une position nouvelle. Tandis qu’Eichel se consacre en priorité au service des princes welfes, Engelbrecht devient à quarante-et-un ans le second ordinaire dans l’ordre de préséance, et celui qui incarne au quotidien la tête de la faculté. En toute logique, il obtient le titre de professeur ordinaire en charge du Digeste. Jusqu’à la mort d’Eichel en 1688, il assure méthodiquement et avec assiduité cet enseignement clef. L’examen de ses rapports pour cette période ne révèle à vrai dire aucune surprise particulière, Engelbrecht épousant la pratique de ses prédécesseurs. Comme Eichel avant lui, il suit des cycles de plusieurs années, au cours desquels il parcourt les cinquante livres du recueil en s’arrêtant plus longuement sur les points importants, insistant toujours dans son commentaire sur l’usage contemporain qui peut être fait du contenu examiné119. En 1685 notamment, il mentionne qu’il a organisé plusieurs disputes à partir d’un ouvrage, le Compendium Juris de Lauterbach120. Si l’ouvrage du juriste de Tübingen ne semble pas servir de manuel, la référence montre qu’il est déjà connu et utilisé dès cette date, au moins pour servir de support aux exercices oraux et à la répétition121. Derrière la lecture répétée de l’ensemble du Digeste se cachent une pratique en fait très préoccupée de la capacité des futurs juristes à évoluer au sein des tribunaux de l’Empire, ainsi qu’un souci d’intégrer les ouvrages les plus récents des grands juristes du temps. Lorsqu’il commence, en 1681, à pallier systématiquement les absences d’Eichel en prenant aussi en charge l’enseignement du Codex, Engelbrecht ne dévie pas pour autant de sa route : équilibrant ses deux cours publics quotidiens à sa guise, il donne même une plus grande place encore au Digeste, ne traitant qu’irrégulièrement du Codex122. Si l’ombre d’Eichel plane encore jusqu’en 1688 sur la faculté, Engelbrecht en devient en tout cas dès le début des années 1680 le pilier central, cumulant l’équivalent des deux premières chaires.
51En conclusion, le double enseignement qui part des Institutes pour aboutir au Digeste constitue indéniablement le moment clef de la formation des étudiants, et est considéré comme la principale mission de la faculté. La continuité et la qualité des cours concernant cette partie centrale du Corpus passent avant tout : sur ce point, professeurs, responsables politiques et sans doute aussi étudiants sont d’accord. Que le titulaire de la chaire fasse preuve d’absentéisme, pour une raison ou pour une autre, et c’est toute l’organisation de la faculté qui est remise en cause, au mépris parfois des titres officiels ; lorsque le nombre des professeurs le permet en revanche, deux d’entre eux peuvent être mis à contribution simultanément. Le constat ne manque pas d’intérêt, parce qu’il met en lumière le rôle capital joué désormais par le droit romain dans l’Empire – et il y a là sans doute une des causes de l’influence de l’école des pandectistes dans les universités protestantes germaniques au xixe siècle. Par ailleurs, l’importance accordée au Digeste est probablement la raison pour laquelle les différents enseignants qui l’ont traité en cours n’ont pas réellement tranché entre les deux formes d’approches suggérées par les statuts. Avec quelques variations selon les personnalités, tous les enseignants pratiquent une lecture cursive, en même temps qu’ils tracent dans l’immense ouvrage un parcours balisé autour de loci sélectionnés pour leur importance. En définitive, c’est bien la capacité à se repérer dans l’œuvre, mais surtout à en connaître les extraits indispensables ensuite pour un praticien, qui constituent les priorités.
Droit canon et droit féodal
52Une dernière chaire mérite encore de retenir l’attention. S’alignant sur une pratique largement répandue au sein des universités de l’époque, les statuts de 1576 prévoient l’existence d’une chaire, située en troisième position dans l’ordre hiérarchique, consacrée à l’enseignement des Décrétales – c’est-à-dire du droit canon123. La survivance officielle au sein des universités protestantes d’un tel enseignement peut surprendre au premier abord, mais s’explique entre autres par le fait que le droit canon servait alors de référence en matière de procédure124. D’après les statuts, il s’agit d’ailleurs d’enseigner seulement la VIe décrétale – ou Sexte – qui contient notamment un appendice intitulé « De Regulis juris », lequel relève davantage du droit civil125. Au milieu du xviie siècle, il existe toujours un professeur ordinaire chargé du droit canon, mais son rayon d’action est étendu au droit féodal. L’existence même de cette chaire pose donc une double question : celle de l’organisation concrète de ce double enseignement confié à un même homme, et celle plus largement du degré de confessionnalisation du droit dans ce bastion luthérien.
Un équilibre difficile
53Entre le début des années 1650 et 1669, c’est Georges Werner qui occupe assez longuement cette chaire originale et qui la marque de son empreinte126. Les très nombreuses lacunes dans les archives et le peu d’informations qu’il livre dans ses rapports manuscrits obligent à une certaine prudence, mais il est possible cependant de lever le voile sur la manière concrète dont il procède. Une première observation concerne la façon dont Werner gère le double enseignement dont il a la charge. Il se plie en effet à une règle simple : lorsqu’il évoque le droit canon dans ses cours publics, il propose en parallèle des cours privés sur le droit féodal, et inversement. Le droit féodal est généralement traité en deux semestres environ, tandis que le droit canon peut l’occuper jusqu’à quatre semestres – ce décalage implique vraisemblablement que les cours privés servent parfois aussi à promouvoir d’autres thèmes, ou simplement à proposer des exercices. Ainsi, il achève un cycle sur le droit canon en avril 1654 au début du semestre d’été et entame alors des cours publics sur le droit féodal. Au début du semestre d’été suivant, en 1655, il est à nouveau en train de donner des cours sur le droit canon127. Quelques années plus tard, une brève mention dans un rapport indique qu’il débute à nouveau un cycle sur le droit canon à partir du 18 juin 1661, lequel prend fin au début du semestre d’été 1663128. Encore faut-il être prudent sur ce genre de décompte : avant même que sa santé ne se détériore dans les années 1660, Werner est régulièrement absent, le plus souvent en raison de charges annexes, et notamment de ses responsabilités au tribunal129.
54En ce qui concerne les cours publics de droit féodal, les rapports manuscrits ne font état qu’une fois, en 1654, de l’emploi d’un manuel. Il s’agit de ce qu’il nomme le Compendium Juris Feudalis, qui est également mentionné dans le catalogue imprimé pour le semestre d’été 1667, accompagné du nom de son auteur, Wesenbeck130. Werner désigne donc sous ce titre le De Feudis, un ouvrage du célèbre juriste de Wittenberg, publié pour la première fois en 1583, puis réédité notamment en 1648 et 1665131. Rédigé par Wesenbeck à partir de sa propre expérience pédagogique, l’ouvrage est ainsi considéré par Werner comme un manuel et le support de ses cours. L’examen de la période entre avril 1667 et juin 1668 permet de se faire une idée assez précise de la manière dont il procédait132. En quinze mois, Werner a ainsi donné seulement soixante-douze heures de cours, durée qui lui a cependant suffi pour mener à bien l’étude complète du droit féodal. En dehors des explications avancées parfois pour justifier ses absences133, il ne fournit que peu d’indications sur le contenu précis de ses cours. À chaque fois pourtant, les mentions qu’il effectue rappellent au mot près des titres de parties de l’ouvrage de Wesenbeck. Un rapprochement similaire peut être fait par ailleurs en lisant les autres rapports manuscrits qu’il a dressés à propos de cours sur le droit féodal – une preuve aussi de ce qu’il procède tout au long de sa carrière de la même manière134. La conclusion s’impose presque d’elle-même : âgé de 60 ans en 1668 et occupé prioritairement par d’autres activités, Werner ne s’investit que très peu dans l’enseignement. Durant le peu de temps qu’il consacre à ses cours, il ne fait que lire l’ouvrage de Wesenbeck, éventuellement en y ajoutant quelques commentaires tirés de son expérience pratique. Bien qu’ancien, le De Feudis présente l’avantage de fournir un point d’ancrage facile lorsque Werner reprend les cours après une longue absence, sans compter que son contenu correspond à celui des cours délivrés par le professeur de Wittenberg en son temps. Pendant deux décennies, l’enseignement du droit féodal se limite donc à la lecture suivie et rapide d’un manuel datant du siècle précédent.
55Le droit canon retient davantage l’attention de Werner, qui y consacre des cycles plus longs. L’étude de la période qui va de l’été 1661 à l’été 1663 révèle ainsi plusieurs surprises de taille135. D’abord, la lettre des statuts n’est pas respectée : celle-ci commandait que les cours de droit canon portent sur le Sexte et, dans une perspective humaniste, s’appuient sur les textes originaux de ces décrets. Or, non seulement Werner ne mentionne pas une seule fois le Sexte, mais il construit son cours en se fondant sur un manuel de droit canon dont il commente les différentes parties. Ce manuel est uniquement évoqué par son titre : Institutiones juris canonici, son auteur n’étant jamais mentionné. Deux ouvrages seulement portent à cette date un tel titre et sont justement connus pour servir de manuels de droit canon : il s’agit du livre de Cucchi et de celui de Lancellotti136. Si l’on compare précisément les noms ou numéros de chapitres donnés par Werner, il est clair que c’est le second ouvrage, celui de Lancellotti, qui est utilisé ici137. Si l’on part de cette hypothèse en effet, la concordance est parfaite entre la construction de l’ouvrage et l’enchaînement des thèmes évoqués durant le semestre d’hiver 1662-1663 notamment ; qui plus est, les rares références aux Décrétales s’éclairent également, et c’est toute la pratique de Werner qui prend sens.
56Mais avant de revenir sur ce point, il convient de mesurer la portée du recours à un tel manuel. Giovan Paolo Lancellotti est un juriste et professeur d’université du xvie siècle qui a vécu et enseigné presque toute sa vie à Pérouse138. Son œuvre majeure, les Institutiones juris canonici, lui a vraisemblablement été commandée par le pape, et elle a en tout cas été soumise à la censure vaticane avant de devenir l’un des principaux manuels de référence pour l’apprentissage du droit canon139. Éditées sous forme monographique une première fois en 1563 à Venise, les Institutiones juris canonici ont connu ensuite un grand nombre de rééditions, dont certaines en appendice d’éditions du Corpus juris canonici140. Héritier de l’humanisme juridique, Lancellotti s’inscrit également dans le courant porté par Melanchthon et Pierre de La Ramée qui vise à repenser l’agencement traditionnel des savoirs, notamment dans le domaine du droit141. Son manuel parvient ainsi à reprendre l’ensemble du droit canon en le faisant entrer dans un schéma tripartite (« personnes – choses – actions »), sur le même modèle, donc, que le Corpus juris civilis de Justinien142. Particulièrement maniable, rédigé dans un latin très simple et économe en concepts, l’ouvrage présente tous les avantages et son accès est particulièrement aisé pour les étudiants qui ont déjà l’habitude des Institutiones du Corpus juris civilis.
57Rien ne paraît donc étonnant ici... si ce n’est le fait de voir un professeur de droit luthérien avoir recours à un manuel de droit canon pensé et rédigé par un Italien pour l’Église catholique. Mais c’est là sans doute que l’enseignement de Werner est révélateur d’un aspect du luthéranisme : les Églises territoriales luthériennes ont été fermement installées au xvie siècle grâce à l’application de grands textes législatifs – les fameuses « Kirchenordnungen » – qui fixaient le cadre dans lequel les nouvelles institutions devaient fonctionner. Tous les aspects n’étaient pourtant pas pris en compte par ces réglementations, lesquelles ne contenaient pas non plus la subtile réflexion procédurale propre au droit canon et qui complétait les dispositions du Corpus juris civilis. Utile, voire indispensable dans les États luthériens, le droit canon pouvait même prétendre à une certaine légitimité : une fois débarrassé de la glose médiévale et « papiste », les textes essentiels du droit canon pouvaient être réemployés. Leur approche, pourtant, exigeait du temps et surtout des connaissances philologiques que les rédacteurs des statuts de Helmstedt en 1576 espéraient visiblement trouver parmi les étudiants et les professeurs. Moins d’un siècle plus tard, ces prétentions élevées sont abandonnées et, dans ce domaine comme dans bien d’autres, le manuel remplace la rencontre directe avec les sources143. Et c’est dans ce contexte sans doute que Lancellotti a pu apparaître comme une solution : outre ses qualités déjà mentionnées, l’ouvrage se caractérise par le fait qu’il n’intègre aucun aspect de la réforme tridentine. Lancellotti regarde vers Gratien, pas vers les nouveautés qui émergent à peine à son époque du grand concile de Trente et, atout suprême, il ne traite pas le droit relatif au pape et à la curie romaine144. Incapables de renoncer totalement au droit canon et préférant ne pas soulever un conflit avec les théologiens en rédigeant un manuel de droit canon luthérien – un titre à lui seul problématique –, les juristes protestants louvoient et font comme ils peuvent. Le grand juriste de Wittenberg, Kaspar Ziegler145, finit d’ailleurs par officialiser une pratique sans doute très répandue : il est le premier à publier une édition de Lancellotti accompagnée d’annotations d’inspiration très luthérienne – et après Bâle et Genève, Wittenberg devient la troisième ville protestante à imprimer le manuel du Pérugin146. À ce propos, une dernière question se pose, celle de l’édition utilisée par Werner. Ziegler a en effet publié son édition des Institutiones en 1669 seulement, mais certains inventaires évoquent une première édition datant de 1660, aujourd’hui introuvable147. Doit-on voir dans les rapports de Werner, datés de 1661, une preuve de l’existence de cette édition disparue ? Ou bien utilise-t-il une édition plus ancienne comme celle de Bâle datant de 1566148 ? En tout cas, il est également possible qu’un lien personnel ait existé entre Werner et Ziegler, et que le premier ait choisi de s’appuyer sur un ouvrage que le second commençait à retravailler et utilisait en cours. Ce serait dans ce cas une preuve de la proximité et de la richesse des échanges qui existaient entre les facultés de droit de ces deux grandes universités luthériennes149.
58À l’aune de ces considérations, la pratique pédagogique de Werner apparaît en tout cas sous un jour très cohérent. Notons d’abord qu’il entoure son recours au manuel de Lancellotti de précautions : il traite longuement des origines du droit canon au début du semestre d’été 1661 et consacre deux cours à commenter l’organisation de l’ouvrage dans le détail150. Ainsi, il peut souligner auprès des étudiants la proximité entre la pensée structurant le manuel et les ouvrages auxquels ils sont déjà habitués, mais également introduire une distance critique avec les sources du droit canon – peut-être met-il en avant l’influence de la patristique, comme pour légitimer aussi en partie l’étude ? Ensuite, il s’appuie sur les Institutiones mais en sélectionnant soigneusement les passages151. Le début du livre I l’intéresse du fait de sa réflexion sur les formes de droit – droit divin, droit coutumier, droit écrit –, qui permet de débattre du droit dans l’esprit très contemporain de la réflexion sur le droit naturel. Le reste du livre I, qui traite des membres du clergé, peut sans doute être utilisé, en le critiquant et en l’amendant oralement, pour évoquer le clergé luthérien. Le livre II qui contient toute la doctrine sur les sacrements pose quant à lui problème : Werner l’omet d’ailleurs au début de l’été 1662152, et il n’y revient au semestre suivant que pour aborder les articles relatifs aux thèmes qui ne font pas polémique avec le catholicisme, comme l’organisation des funérailles. Le livre III l’intéresse en revanche dans sa totalité puisqu’il traite des multiples aspects de la procédure et du fonctionnement des tribunaux153. C’est également cet aspect, ajouté à l’évocation des différentes formes de délits, qui rend le livre IV utilisable presque en entier. Notons enfin que les rares références aux Décrétales sont commandées par le manuel : lorsqu’il cite ainsi le livre I des Décrétales de Grégoire IX, titres 2 et 4, il renvoie aux dispositions qui inspirent directement le début du livre I des Institutiones juris canonici qu’il est en train d’évoquer154. Insistons une fois encore sur cet aspect : Werner ne part jamais des textes originaux, et même leur citation se fait par le biais du manuel ou pour renforcer un de ses passages.
59L’étude de la pratique de Werner en matière d’enseignement du droit canon permet de modifier l’image qu’il donne en tant qu’enseignant de droit féodal. Bien qu’il soit toujours aussi régulièrement occupé par d’autres tâches, il se révèle ici d’une assez grande habileté. Prenant des libertés avec les statuts, il se soucie en priorité des étudiants et choisit l’ouvrage de référence qui convient le mieux à la tournure d’esprit et au mode de classement des connaissances qui leur ont été inculqués. Dans un contexte qui précède sans doute la diffusion par Ziegler d’une édition de Lancellotti adaptée au monde universitaire luthérien, Werner se sert déjà de l’ouvrage du juriste pérugin avec toutes les précautions et le recul nécessaires. Pendant deux décennies, il participe à la réception et à l’adaptation de cet ouvrage majeur dans l’histoire de la systématisation du droit au sein de l’Academia Julia.
Hésitations et disparition
60À partir de l’été 1668, le retrait de Werner puis les réorganisations successives de la faculté entraînent de fait la marginalisation, voire même à un moment le sacrifice, du double enseignement de droit canon et féodal. On l’a dit, au moment de procéder à plusieurs nominations et réaffectations entre 1669 et 1673, la priorité demeure toujours de préserver la continuité des enseignements sur les Institutes et le Digeste. Nommé en mars 1669, Eyben est le premier à récupérer officiellement, et pour une période très brève, la chaire de droit canon et féodal155. Prenant le contre-pied de Werner, Eyben annonce d’emblée qu’il tient à offrir simultanément des cours publics dans les deux domaines, sans doute en partageant son emploi du temps hebdomadaire. Le projet apparaît très clairement décrit dans le catalogue imprimé pour le semestre d’hiver 1671-1672, où la notice remplie par Eyben annonce des cours dans les deux matières, ce partage commandant même ses cours privés, puisqu’il entend proposer des disputes à son domicile qui portent sur des aspects précis du droit féodal, sur la différence entre droit canon et droit civil, et sur la façon dont la procédure contemporaine est marquée par le droit coutumier, le droit canon et les règles justiniennes156.
61Pourtant, les rapports manuscrits démontrent que les choses se sont déroulées de façon très différente157. Si l’on met de côté le fait qu’Eyben emploie dans ses rapports un style aussi pompeux et narratif que peu précis, on constate qu’il n’a en fait traité que de droit féodal, au moins jusqu’en 1671. Il faut attendre le rapport concernant le dernier trimestre de 1670 pour trouver la première occurrence du droit canon : il s’agit alors d’une simple phrase dans laquelle Eyben laisse entendre qu’il a organisé des cours privés qui lui ont été consacrés158. Tout au long de l’année 1671, ses cours publics continuent d’être entièrement voués à l’étude du droit féodal, tandis que ses cours privés se penchent sur les rapports entre droit canon et droit civil, en s’appuyant sur les Institutiones – ici sans aucun doute celles de Justinien et du Corpus juris civilis. Tout indique donc qu’Eyben a réintroduit la pratique de son prédécesseur, en faisant basculer dans le domaine des cours privés le droit canon lorsque le droit féodal fournissait la matière des cours publics. Au final, l’image que renvoie l’aristocrate Eyben est celle d’un homme chez qui l’intérêt et la connaissance du droit féodal l’emportent très largement sur la maîtrise du droit canon – une discipline, il faut le reconnaître, hautement délicate. Retenons ainsi qu’Eyben a voulu, même s’il ne l’a sans doute jamais vraiment fait, enseigner les deux disciplines en même temps. Cette considération est à rapprocher de la façon dont il a visiblement évoqué le droit canon dans ses cours privés, toujours en lien avec des considérations sur le droit civil. Autrement dit, Eyben avait certainement comme projet de n’évoquer le droit canon que dans ses aspects qui permettaient d’éclairer l’étude de la procédure, ou bien encore des types de délits. Il s’agissait de confronter droit féodal, droit pénal et droit canon toujours en même temps afin de souligner les différences, préciser les notions propres à l’un ou l’autre, et surtout insister sur les formes de procédure qu’ils décrivaient159. Le droit canon comme simple référence éclairante ou point de comparaison, en somme. Peut-être Eyben a-t-il été contraint de quitter sa chaire trop tôt pour donner corps à un véritable enseignement du droit canon ? Ce qui est plus probable, c’est qu’il n’avait en réalité aucun intérêt particulier pour ce domaine juridique en tant que tel, et qu’il entendait se débarrasser autant que possible de cet enseignement en le limitant à des séries de comparaisons. Il ne dit pas un mot dans tous ses rapports du livre de Lancellotti, qu’il possédait pourtant personnellement dans son édition de 1669, revue et commentée par Ziegler : une mention manuscrite sur la couverture de l’ouvrage, aujourd’hui conservé à la bibliothèque de Wolfenbüttel, prouve qu’il en a fait don à la bibliothèque de l’université le 26 mai 1674160. Il est vrai qu’il n’avait plus alors à craindre de devoir faire cours sur un tel sujet, et ce manuel n’avait plus aucune raison d’encombrer son intérieur.
62Plus intéressant est le passage, également bref, que fait Clasen sur cette même chaire à la suite de la réorganisation générale de 1672. Tranchant avec la pratique de son collègue, Clasen affirme son intention de mettre le droit canon en avant et de se servir de l’ouvrage de Lancellotti : dans le catalogue imprimé présentant les cours pour le semestre d’hiver 1672-1673, il apparaît en effet pour la première fois avec le titre de professeur de droit canon et féodal, et il cite le nom du Pérugin et de son manuel161. Dans la même notice, il explique qu’il poursuivra dans ses cours privés l’étude de Grotius, tout en traitant de droit féodal. Dans ses rapports manuscrits, il cite en outre l’ouvrage de Lancellotti à plusieurs reprises, et il ne fait aucun doute que ce dernier sert de base au cours162. Une phrase du rapport établi en octobre 1673 permet de deviner qu’il vient de traiter des cinq derniers chapitres du livre I 163, ce qui laisse supposer qu’il a suivi le fil de l’ouvrage depuis son début, et qu’il lui a fallu un semestre – depuis la fin du mois de mars – pour lire et commenter ce premier livre. Cette hypothèse est corroborée par la progression : au semestre suivant, Clasen affirme avoir examiné la partie sur les sacrements, ce qui correspond au livre II. Précision intéressante, il emploie des formules très prudentes164 : comme pour se défendre d’enseigner la doctrine de l’Église catholique, il insiste sur le fait qu’il a adopté un point de vue très général, puis qu’il s’est concentré sur les problèmes liés au mariage. Mais cette gêne et ce souci de lever tout soupçon nous permettent de saisir indirectement sa façon de procéder : s’il aborde l’ouvrage de façon linéaire, Clasen saute les passages qui s’opposent à la doctrine luthérienne ; surtout, il débat avec son auditoire de la façon dont les prescriptions du droit canon peuvent être adaptées aux exigences du luthéranisme et de la procédure pénale en vigueur dans la principauté165. Lancellotti est considéré entièrement, mais pour mieux poser explicitement la question du tri à effectuer et le problème concret de la compatibilité des canons avec le fonctionnement des tribunaux locaux.
63Dès le mois de juin 1674, Clasen accumule les absences, avant d’être prié de s’occuper du Digeste à partir de l’été 1675. Ainsi, il n’aura abordé le droit canon que durant une courte période, de mars 1673 à juillet 1674, et il n’aura traité du droit féodal que dans ses cours privés. Il est le premier à assumer officiellement le fait d’avoir recours au manuel de Lancellotti pour construire sa progression, mais il est vrai que la parution couronnée de succès de l’édition de Ziegler en 1670 a définitivement consacré cette pratique au sein du monde universitaire luthérien – et c’est sans nul doute cette édition qu’utilise Clasen avec ses étudiants. Malgré l’existence de cette version wittenbergeoise commentée de façon sévère dans une perspective luthérienne, la gêne demeure palpable à bien des égards. Comme Werner avant lui, Clasen ne recule pourtant pas devant les dangers théologiques et profite même du recours à Lancellotti pour entraîner son auditoire dans des discussions de fond sur l’adaptabilité du droit canon aux normes luthériennes et sur leur compatibilité. À nouveau, l’ouvrage du Pérugin confirme qu’il est adapté à ce genre d’exercice théorique, et donc à la pédagogie protestante, grâce à sa démarche calquée sur celle des Institutes justiniennes.
64Cependant, les réaménagements successifs se poursuivent et s’accélèrent entre 1675 et 1679. Durant l’hiver 1675-1676, le tandem Engelbrecht-Bötticher, qui s’était dans les années précédentes partagé l’enseignement des Institutes, semble se reformer : le premier annonce en effet à nouveau des cours sur le droit féodal, tandis que le second affirme qu’il entend terminer les cours sur les Institutes avant de se lancer dans l’étude de l’ouvrage de Lancellotti sur le droit canon166. L’idée de ressusciter un tandem qui a déjà fait la preuve de son efficacité, aussi bonne soit-elle, fait pourtant long feu : dès le semestre suivant, Engelbrecht abandonne définitivement toute prétention dans le domaine du droit féodal pour venir épauler Clasen, et il ne s’occupe plus à partir de l’été 1676 que du Digeste. Pendant trois ans, un flottement semble régner et les enseignements de droit canon et féodal disparaissent quasiment : Bötticher s’occupe encore de droit canon jusqu’au début de 1677, mais il se tourne ensuite vers la seule étude de la procédure. Il faut attendre l’été 1679, après le départ d’Eyben et le décès de Clasen, pour que Bötticher devienne enfin officiellement professeur de droit canon et féodal et qu’il s’attache dans la durée à cet enseignement167. Insistons sur ce point : au moment où il faut sacrifier certains enseignements, le droit féodal, puis dans une moindre mesure le droit canon, sont clairement les premières victimes. Même dans les cours privés, ces disciplines disparaissent presque totalement entre 1677 et 1679168.
L’intérêt pour la procédure
65Pendant dix ans, entre 1679 et 1689, Bötticher occupe la troisième chaire. Souvent sollicité par ses activités au tribunal et par diverses missions, il parvient néanmoins à assurer une activité d’enseignement assez régulière, s’imposant même, avec Engelbrecht, comme l’un des piliers les plus stables de la faculté. Procédant de manière simple, il alterne les périodes consacrées au droit féodal et celles traitant du droit canon, tandis que ses cours privés s’orientent vers d’autres thèmes et ouvrages.
66En ce qui concerne le droit canon, la première incursion de Bötticher remonte en fait à 1676, lorsqu’il joue les utilités au sein de la faculté169. Chose intéressante, il semble alors s’appuyer sur le livre de Lancellotti et simultanément sur celui de Struve, consacré à la jurisprudence et au droit pénal dans l’Empire. Au cours de l’été 1677, il ne traite plus que de droit canon, suivant l’ouvrage de Lancellotti, avant d’enchaîner avec l’étude des Institutes de Justinien et les questions de procédure170. Cette méthode en dit déjà beaucoup sur l’idée qu’il se fait de la place du droit canon au sein des études juridiques : ce qui intéresse ce juge et praticien, ce sont les règles de procédure, et c’est seulement à travers ce prisme qu’il envisage le droit canon. Le premier livre de Lancellotti n’est évoqué que pour servir de présentation générale, et en parallèle à un autre ouvrage portant sur la procédure à l’intérieur des tribunaux de l’Empire. Ensuite, Bötticher passe directement à la partie du livre III du Pérugin qui est consacrée au fonctionnement de la justice ecclésiastique, avec ses particularités en matière d’appel ou d’exécution de la sentence171. Dans la lignée d’Eyben, il ne voit donc l’ouvrage de Lancellotti que comme un moyen de faire du droit comparé et de mieux préciser auprès de son auditoire les enjeux ayant trait aux règles de procédure. Au cours des années suivantes, il propose à deux reprises un cycle complet consacré au droit canon, entre 1682 et 1684, puis en 1686, mais il change de manière de procéder172. La première fois en dix-huit mois, la seconde fois beaucoup plus rapidement, il passe en revue l’ouvrage de Lancellotti en suivant scrupuleusement la table des matières et sans jamais reculer devant certains passages173. Toutes les disputes qu’il organise parallèlement portent sur d’autres thèmes. Lorsqu’il laisse des chapitres de côté dans sa progression, il ne s’agit pas de la trace d’une sélection raisonnée, mais plutôt de celle de ses absences ou des contraintes du calendrier – en quatre semaines en septembre 1686, il réussit ainsi l’exploit de traiter la totalité des livres III et IV de l’ouvrage, pour mieux achever l’ensemble le dernier jour du semestre d’été174. En d’autres termes, Bötticher ne s’est donné pour seul but que de tourner toutes les pages du manuel de Lancellotti, plus ou moins vite en fonction de son assiduité.
67Après avoir mis ses pas dans ceux d’Eyben et traité du droit canon comme d’une source originale pouvant servir par contraste et comparaison à souligner certains aspects du droit pénal et procédural, Bötticher est donc revenu par deux fois à l’enseignement de cette partie du droit de façon radicalement différente. Sans prendre le moindre recul critique ni effectuer la moindre sélection, sans non plus poser la question de l’intérêt du droit canon et de sa compatibilité avec le luthéranisme, il a choisi, ce qui est une démarche inédite, de lire intégralement le manuel du catholique Lancellotti. Cette lecture linéaire, surtout sans aucune censure, ne peut que surprendre. Peut-être Bötticher, très occupé par ses activités annexes mais contraint par son titre officiel de ne pas entièrement négliger le droit canon, a-t-il effectué une sorte de service minimum, en choisissant, qui plus est, la facilité offerte par l’usage d’un manuel unique. Mais une autre hypothèse peut être avancée, surtout si l’on songe à la façon dont il a insisté sur le second livre, et aussi à sa vitesse, ainsi qu’à l’absence de tout exercice ou dispute en lien avec le cours. Partons du principe que Bötticher a lu l’ouvrage de Lancellotti dans son édition de 1670, c’est-à-dire accompagné des sévères commentaires luthériens de Ziegler, et ajoutons une fois encore qu’il a davantage traité des passages portant sur le monachisme ou les sacrements que des articles liés au droit procédural : il n’est pas impossible alors d’envisager que son auditoire ait été composé en fait de théologiens. Ou du moins, que ses cours aient été pensés à la manière de cours de controverse. Plutôt que d’interroger le droit canon pour savoir ce qu’il pouvait apporter au fonctionnement des institutions et de la justice luthérienne, Bötticher met à nu la vision catholique du droit canonique et ne néglige aucun de ses aspects. Il donne les moyens à ses auditeurs de mieux connaître l’ennemi confessionnel et d’affermir leur conviction que le fonctionnement de l’Église de Rome est fondamentalement vicié. Les jeunes juristes font connaissance avec une manière d’organiser un système juridique complet et tissent d’eux-mêmes des liens avec les enseignements tirés des autres ouvrages du Corpus – à moins que Bötticher ne fasse justement ces liens par le biais des disputes sur le Digeste dont il ne précise pas le contenu. Rien n’interdit non plus de songer éventuellement que certains jeunes théologiens assistent aussi à ses cours pour se forger une connaissance et des arguments pouvant ensuite servir dans la polémique religieuse. S’il ne s’agit que d’une hypothèse, cette possibilité souligne cependant encore une fois l’originalité de Bötticher et les fluctuations de l’enseignement du droit canon au cours des décennies qui suivent 1650.
68En vertu de la règle d’alternance entre les deux disciplines, Bötticher consacre aussi trois périodes à l’étude du droit féodal au cours de cette même décennie175. À chaque fois, il procède de façon totalement similaire : après avoir présenté en quelques heures les origines et le contenu général du droit féodal, il suit une progression au rythme ternaire correspondant au schéma « personne-chose-action ». En clair, il évoque le statut nobiliaire avec ses privilèges et ses règles d’hérédité, puis il traite longuement des questions de mariage et de succession, avant d’envisager les particularités de la procédure et des jugements liés au droit féodal. L’ensemble ne lui prend que deux semestres, absences incluses ; à une occasion, on le voit même revenir en arrière pour parcourir les étapes en accéléré, sans doute pour contenter des étudiants perdus après une longue interruption176. Il peut d’autant plus facilement se permettre un tel procédé que ses cours suivent en fait de façon consciencieuse et linéaire le déroulé d’un manuel. Une seule fois mentionné, le Compendium Juris Feudalis, sans doute possible le même ouvrage dont faisait déjà usage son prédécesseur Werner, fournit la base des cours177. Encore une fois, faire cours semble se résumer pour lui à tourner les pages d’un manuel plus ou moins vite selon les nécessités – même si cette façon de procéder présente des avantages pour les étudiants dans le cas d’un enseignant susceptible d’être régulièrement et assez longuement absent.
69La pratique de Bötticher ne se résume pourtant pas à cette seule alternance entre droit canon et féodal, tous deux abordés rapidement et en s’appuyant sur des manuels. À considérer les choses de plus près, il apparaît que Bötticher avait une ambition en tant qu’enseignant sans doute inspirée par son important labeur au tribunal. Si les bases du droit canon et du droit féodal sont traitées rapidement, ce qui concerne la procédure fait en revanche toujours l’objet d’une attention soutenue, au point même que Bötticher isole certains cycles de cours qui paraissent entièrement voués à l’étude du droit procédural. Ainsi, il ne fait jamais référence aux textes originaux dans ses leçons sur le droit canon, et se fie uniquement au manuel de Lancellotti. En revanche, il n’hésite pas, en marge de ces leçons, à donner des séries de cours sur le second livre des Décrétales, afin de réfléchir avec son auditoire aux règles de procédure178. Par ailleurs, les derniers cours des cycles sur le droit féodal aboutissent invariablement à de longues considérations sur la procédure et le fonctionnement des tribunaux179. Derrière un apparent retour à des formes anciennes de construction des cours, Bötticher renouvelle en fait l’enseignement attaché à sa chaire. Il tourne le dos de façon décidée à toute approche philologique qui s’intéresserait au contenu des sources originales du droit, mais aussi à toute approche consistant à réfléchir et à opérer des choix dans l’utilisation des manuels. Pas d’histoire, ni de philologie ou de parcours balisé et critique à travers la littérature secondaire : l’objectif ici est clairement de former des praticiens du droit, aptes le plus rapidement possible à entrer au service de la justice. Habilement, et pour ne pas empiéter sur les domaines des autres chaires, Bötticher s’attarde donc sur la procédure en s’appuyant sur ce qui est la propriété de sa chaire : une partie des Décrétales ou encore certains pans du droit féodal ayant trait au fonctionnement de la justice ordinaire.
70Porté par cet élan et cette volonté, Bötticher innove d’ailleurs à l’automne 1687180. Alors qu’il achève un cycle de cours sur le droit féodal en traitant de procédure, il enchaîne avec une série de cours qui portent sur ce qu’il est possible d’appeler le droit impérial : au mois d’octobre, il commence à évoquer les privilèges et les pouvoirs du prince sur le sénat, des différentes juridictions et des magistrats, ce qui l’amène à traiter en novembre de la justice impériale, et notamment du tribunal de Spire et de celui de Rottweil – ce qui implique sans doute qu’il a débattu du partage et des compétences respectives en matière de justice entre l’empereur et les princes de l’Empire181. Il poursuit d’ailleurs dans ce sens en évoquant les problèmes et questions autour du droit de frapper monnaie, d’établir des systèmes de poids et mesures, et surtout du droit de faire la guerre – une heure de cours entière étant réservée au débat sur la différence entre guerre défensive et offensive. À partir de janvier 1688, il explore les problèmes juridiques liés à la mer, aux fleuves et aux littoraux182 ; dans les premiers jours de mars, il achève enfin sa série consacrée à tout ce qu’implique le pouvoir régalien, et il se tourne vers les questions de procédure, à nouveau en s’appuyant sur le deuxième livre des Décrétales183. Dans l’espace laissé entre droit canon et droit féodal, Bötticher insère donc des considérations sur le droit procédural qui le conduisent loin : derrière les commentaires et explications sur le fonctionnement de la justice, se trouve en effet une réflexion sur les domaines réservés à l’empereur et la capacité d’intervention dont il dispose dans le domaine du droit. Indirectement, Bötticher nourrit donc ses cours des débats contemporains sur le partage des droits entre pouvoir impérial et pouvoirs princiers. Surtout, il veille plus que tout à former des juristes capables d’opérer au sein des tribunaux locaux ou impériaux. Au début de l’année 1689, après la mort du doyen Eichel, Bötticher abandonne sa chaire pour celle consacrée à l’étude du Digeste.
71Très loin des prescriptions originelles des statuts, la chaire de droit canon et féodal a évolué de façon assez significative au cours de la seconde moitié du xviie siècle. À l’instar de la première chaire, consacrée aux Institutes, elle est devenue progressivement un lieu de formation professionnelle, où la transmission des outils de la procédure a pris la place prééminente. Praticiens avant tout, les professeurs n’ont pas hésité à tourner en grande partie le dos aux prescriptions des statuts pour aboutir à un enseignement très pragmatique. En introduisant timidement, puis en généralisant l’usage de manuels, ils veillent à ce que l’apprentissage soit le plus aisé possible pour les étudiants, en dépit des nombreuses interruptions de cours liées à leurs charges annexes. Ce qui est notable, c’est que ces manuels, celui de Lancellotti comme celui de Wesenbeck, soulignent les liens forts qui existent avec la faculté de droit de Wittenberg, laquelle sert de référence. Par ailleurs, ces manuels sont visiblement choisis également pour leur structure qui répète celle des Institutes, avec le triptyque « personne-chose-action » – une manière de faciliter encore une fois l’apprentissage aux étudiants. Enfin, le souci de questionner ces matières, droit féodal comme droit canon, est toujours sous-jacent et finit par s’affirmer définitivement avec Bötticher : ces deux domaines particuliers du droit sont considérés comme des points de comparaison avec les autres sources du droit, mais aussi comme des sources de questionnement concret. Les salles de cours deviennent ainsi clairement des lieux de réflexion sur ce que la justice luthérienne peut retenir du droit canon, ou bien sur la façon dont la justice princière doit se définir par rapport à la justice impériale. De la sorte, les professeurs-juristes qui se succèdent à la chaire de droit canon et féodal forment des juristes luthériens capables de s’insérer dans l’espace juridique complexe de l’Empire, mais ils participent aussi à la réflexion lancée par Lampadius et Conring notamment, ou bien encore à celle des théologiens rédacteurs des grandes ordonnances ecclésiastiques, en tâchant de définir concrètement la façon de mettre en application leurs idées. Avec eux, dans les salles de cours, le luthéranisme continue en quelque sorte de s’inventer, en tout cas de rechercher les modalités concrètes de son existence au sein de l’Empire.
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72L’étude de l’enseignement au sein de la faculté de droit de Helmstedt dans la seconde partie du xviie siècle permet de souligner certaines caractéristiques. À propos des professeurs d’abord, qui forment un groupe particulier dans l’institution et pour qui l’enseignement constitue souvent une activité subalterne. Le recrutement de ces hommes, qui engage l’État et le souverain, constitue par ailleurs une affaire particulièrement difficile et délicate. Entre les enseignants qui sont accaparés par de hautes fonctions, ceux qui partent et ceux qu’il faut séduire et attacher fermement à l’institution, la situation conduit inévitablement à des tensions et à une fluctuation forte du nombre des professeurs actifs. Mais ce qui pousse également la faculté à de régulières et complexes réorganisations, c’est la place capitale qu’elle accorde à l’enseignement des Institutes et plus encore du Digeste – le premier préparant au second. Au fil des remodelages de circonstances, les juristes parviennent à faire ce que leurs autres collègues considèrent encore comme presque impensable : créer puis supprimer une chaire comme celle des Novelles, et surtout casser le lien entre la titulature d’un professeur et son enseignement. Si elles ne sont jamais officiellement remises en cause, la dénomination, la délimitation et la hiérarchie des chaires subissent dans les faits des assauts répétés et violents. Alors qu’ils n’ont aucune difficulté à se soumettre aux exigences de contrôle de l’État, remplissant très tôt et presque sans exception des comptes rendus détaillés, les juristes en usent donc de façon extrêmement souple avec les règles d’organisation traditionnelles. Ce qu’il faut leur reconnaître pourtant, c’est qu’ils agissent toujours en vue de garantir le meilleur fonctionnement pédagogique possible, et que les turbulences qu’ils imposent à leur faculté ne sont que les reflets des mouvements qui agitent perpétuellement leurs vies et leurs carrières complexes.
73Une autre chose qu’il faut concéder aux professeurs de droit de Helmstedt, c’est que les contradictions des statuts officiels les placent dans des situations difficiles au moment d’aborder la question de la pédagogie à suivre. Dans ce domaine, ils ont fait preuve d’un sens aigu des réalités et d’un véritable doigté. À de nombreux moments, on les voit ainsi se plier à l’injonction d’étudier une œuvre, attachée à une chaire, dans son texte original. Mais, pragmatiques, ils savent aussi pratiquer la sélection des passages importants, additionner les références et insister sur la dimension concrète des métiers auxquels ils forment leurs étudiants. Le cas de l’enseignement du droit canon, particulièrement intéressant et révélateur, montre assez l’habileté et les stratégies que sont capables de mettre en œuvre ces enseignants, qui sont presque toujours aussi des praticiens.
74Enfin, il faut aussi observer, par comparaison, que l’éclatante domination du droit romain ne débouche pas à Helmstedt sur les mêmes évolutions que dans certaines autres universités protestantes de l’Empire. Alors même que Conring réside et enseigne au sein de l’Academia Julia, on ne voit finalement pas beaucoup ses collègues juristes tenter de réfléchir à la façon d’adapter les textes antiques au droit contemporain et local, comme le font leurs homologues à Wittenberg ou à Iéna. Si l’enseignement d’Engelbrecht à la fin des années 1680 s’inscrit en partie dans une telle perspective, de même sans doute que de nombreux cours désignés comme portant sur la procédure, la démarche, en elle-même, n’est pas dominante. En revanche, les liens tissés avec l’enseignement de l’éthique se ressentent, et les cours de droit abritent épisodiquement des débats relativement novateurs sur la torture ou les châtiments. Notons également que l’absence d’une réflexion constante et marquée sur la conciliation du droit local et du droit romain a laissé plus facilement aux enseignants la possibilité de recevoir et d’utiliser des ouvrages contemporains mais venus d’ailleurs : à défaut de produire ses propres manuels et un enseignement spécifique, la faculté a, tout au long de la période, recouru largement aux ouvrages conçus notamment à Wittenberg. Tandis que leurs collègues théologiens défendent l’originalité de leur tradition iréniste et s’opposent souvent violemment aux représentants des autres universités luthériennes, les professeurs de droit de Helmstedt tissent des liens profonds avec les juristes des universités saxonnes, qui leur servent de modèles et de références.
Notes de bas de page
1 M. Stolleis, Geschichte des öffentlichen Rechts in Deutschland, 1. Reichspublizistik und Policeywissenschaft, 1600-1800, Munich, Beck, 1988, p. 366-393.
2 Pour le duc Julius, fondateur de l’université en 1576, la faculté de droit était la plus importante de toutes. Voir M. Maaser, Humanismus und Landesherrschaft..., op. cit., p. 106-107.
3 Il s’agit des articles 89 à 124. Pour le texte original des statuts, voir Die Statuten, ici p. 95-105.
4 L’existence de deux parties distinctes, correspondant à deux rédacteurs, est démontrée par Peter Baumgart et Ernst Pitz dans l’introduction à leur édition des statuts (Die Statuten, p. 34-36). Voir également M. Maaser, Humanismus und Landesherrschaft..., op. cit., p. 110.
5 Laurence Brockliss, « Lehrpläne », dans Walter Rüegg (dir.), Geschichte der Universität in Europa, 2. Von der Reformation..., op. cit., p. 451-494, en particulier p. 479 et suiv. ; M. Stolleis, Geschichte des öffentlichen Rechts in Deutschland..., op. cit., p. 68-73. Le Corpus établi sous Justinien se compose de quatre ouvrages distincts : le Codex, le Digeste (ou Pandectes), les Institutes et les Novelles. Le texte complet du Corpus en latin (la langue originale) est disponible en ligne via le site de l’université de Grenoble, tout comme une grande partie de la version française de Henri Hulot, dernier traducteur de l’ouvrage au début du xixe siècle : http://droitromain.upmf-grenoble.fr/corpjurciv.htm et http://www.histoiredudroit.fr/corpus_iuris_civilis.html (décembre 2016).
6 L. Brockliss, « Lehrpläne », art. cité. Le titre de Décrétales renvoie au Décret de Gratien ainsi qu’à l’ouvrage éponyme et postérieur en cinq volumes auquel le pape Grégoire IX donna force de loi en 1234. Ces recueils sont des compilations de décisions papales et de décrets conciliaires qui forment la base du droit canon.
7 L. Brockliss, « Lehrpläne », art. cité. Voir également deux publications de Helmut Coing : « Die juristische Fakultät und ihr Lehrprogramm », dans Handbuch der Quellen und Literatur der neueren europäischen Privatrechtsgeschichte, 2. Neuere Zeit (1500-1800) ; et Das Zeitalter des gemeinen Rechts, 1. « Wissenschaft », Munich, Beck, 1977, p. 3-102, ici p. 33-38.
8 M. Maaser, Humanismus und Landesherrschaft..., op. cit., p. 107-113. Mynsinger von Frundeck (1514-1588) avait été professeur de droit avant de siéger à la Chambre impériale de Spire (« Reichskammergericht »), puis d’entrer au service du duc Henri de Brunswick-Wolfenbüttel, père de Julius. Johannes Borcholt (1535-1593) fut l’élève de Melanchthon à Wittenberg avant d’enseigner à Rostock, puis de passer au service du duc Julius en 1576 (voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 30-31 ; Theodor Muther, « Borcholten, Johannes », ADB, vol. 3, 1876, p. 155-156). Virgil Pingitzer (1541-1619) a enseigné à Iéna, avant de devenir conseiller à la cour et juge à Wolfenbüttel (S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 180-181 ; August von Eisenhart, « Pingitzer, Virgil », ADB, vol. 26, 1888, p. 150-152).
9 Mathäus Wesenbeck (1531-1586) était originaire d’Anvers. Après des études de droit à Louvain, il séjourne longuement en France et se trouve en compagnie de Pingitzer lorsque ce dernier obtient son doctorat à Orléans. Devenu professeur de droit à Iéna puis à Wittenberg, il publie en 1563 les célèbres Prolegomena de studio iuris recte instituendo (Bâle, Oporinus, VD16 W 2157), où il propose une méthode pour parcourir et enseigner le Digeste en suivant une série de loci, et non pas l’enchaînement des chapitres de l’ouvrage. Voir sa biographie par August von Eisenhart, « Wesenbeck, Mathäus », ADB, vol. 42, 1897, p. 134-138. À propos de son ouvrage, voir Die Statuten, p. 102, note des éditeurs nº 63.
10 Die Statuten, p. 102 (§ 114).
11 L. Brockliss, « Lehrpläne », art. cité, p. 484-486.
12 Die Statuten, p. 104-105 (§ 121-124) ; voir également les commentaires des éditeurs dans leur préface, p. 36.
13 M. Maaser, Humanismus und Landesherrschaft..., op. cit., p. 112-113.
14 F.A.G. Tholuck, Das akademische Leben des 17. Jahrhunderts..., op. cit., p. 77-78. Concernant le cas de Helmstedt en particulier, voir Claudia Kauertz, « Die Juristische Fakultät im Licht ihrer Spruchpraxis », dans J. Bruning & U. Gleixner (dir.), Das Athen der Welfen..., op. cit., p. 204-209 ; Alois Schikora, Die Spruchpraxis an der Juristenfakultät zu Helmstedt, Göttingen, Musterschmidt, 1973 ; M. Maaser, Humanismus und Landesherrschaft..., op. cit., p. 123.
15 C. Kauertz, « Die Juristische Fakultät im Licht ihrer Spruchpraxis », art. cité, p. 206. Promulguée en 1532, la Constitutio Criminalis Carolina ou Peinlische Halsgerichtsordnung fixait la procédure pénale dans l’ensemble des territoires de l’Empire. Voir les précisions que donne également Michaël Stolleis dans Geschichte des öffentlichen Rechts in Deutschland..., op. cit., p. 49 et 130.
16 C. Kauertz, « Die Juristische Fakultät im Licht ihrer Spruchpraxis », art. cité.
17 Ibid., p. 205.
18 M. Stolleis, « Zur Bedeutung der Juristischen Fakultät und insbesondere Hermann Conrings für die Universität Helmstedt », dans J. Bruning & U. Gleixner (dir.), Das Athen der Welfen..., op. cit., p. 190-197, ici p. 190-191.
19 M. Stolleis, Geschichte des öffentlichen Rechts in Deutschland..., op. cit., p. 255.
20 M. Stolleis, « Zur Bedeutung der Juristischen Fakultät...», art. cité, p. 192-193.
21 L’anecdote qui suit est à mettre en parallèle avec les annonces du catalogue pour le semestre d’hiver 1669-1670 ; voir CL 1669B.
22 Voir NSA, 37 Alt Nr. 204 H5 f°153 (WS 1669-70), où Eichel se lamente longuement ; voir aussi le rapport de Clasen : NSA, 37 Alt Nr. 204 H5 f°155 et Nr. 2504 f°16.
23 NSA, 37 Alt Nr. 2504 f°35.
24 Rappelons que le terme de primarius ou primat désigne le professeur ordinaire occupant le sommet de la hiérarchie au sein d’une faculté.
25 M. Maaser, Humanismus und Landesherrschaft..., op. cit., p. 109 ; S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 166.
26 Le dernier rapport disponible d’Eichel concerne les mois de janvier à mars 1674 (WS 1673-74). Il en existe deux exemplaires dans deux séries différentes : NSA, 37 Alt Nr. 2507 f°36 et Nr. 205 H4 f°19. Il paraît impossible que la disparition d’Eichel des archives pendant dix-sept ans soit due à un problème de conservation ou à un événement extérieur. Voir par ailleurs les catalogues imprimés pendant cette période, qui prouvent que le primat de la faculté a continué d’exercer une activité pédagogique : alors qu’il décède le 2 août 1688 (S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 66), le catalogue annonçant les cours pour le semestre d’été 1688 donne encore le détail des cours qu’il propose (CL 1688A).
27 Les constats qui suivent sont effectués à partir des tableaux généalogiques présentés en annexe (Annexe 2), ainsi que le tableau des familles Engelbrecht et Eisenhart élaboré par Matthias Asche dans son article « Helmstedter Professorenprofile 1576 bis 1810, Skizzen zur Kollektivbiographie einer mitteldeutschen Universität » (dans J. Bruning & U. Gleixner (dir.), Das Athen der Welfen..., op. cit., p. 114-119, ici p. 118).
28 Ibid.
29 Heinrich Hahn (1605-1668) avait épousé Anna Maria Pfeiffer, fille d’un juge et conseiller à la cour de Wolfenbüttel et d’Anna Bökel, elle-même fille du premier professeur de médecine de l’université, Johann Bökel ; voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 67.
30 Ibid., p. 41 ; Hans Haase, Die Universität Helmstedt: 1576-1810, Brême / Wolfenbüttel, Jacobi, 1976, p. 94-96 ; Rudolf Kleinert, Sankt Stephani Kirche zu Helmstedt, Helmstedt, Kirchenvorstand d. St.-Stephani-Gemeinde, 1982.
31 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 66. Eichel est né dans une famille de la petite noblesse de Thuringe, ruinée et condamnée à l’exil par la guerre de Trente Ans. L’empereur Léopold reconnaît officiellement les titres de noblesse d’Eichel en 1680, dont le nom complet devient Johann Eichel Edler von Rautenkron, seigneur héréditaire de Näddelitz, Born et Hohnsleben.
32 M. Stolleis, « Zur Bedeutung der Juristischen Fakultät... », art. cité ; M. Stolleis, Geschichte des öffentlichen Rechts in Deutschland..., op. cit., p. 231-233.
33 NSA, 37 Alt. Nr. 13 f°96-106. La grille des salaires permet de saisir immédiatement le nombre des professeurs et la hiérarchie au sein de chaque faculté.
34 Voir notamment CL 1653A.
35 Evelyn Höbenreich, « Les femmes dans le droit romain », dans Donatella Curtotti & Criseide Novi (dir.), Donne, civiltà e sistemi giuridici: raccolta di testi dal master internazionale congiunto « Femmes, civilisations et systèmes juridiques », Milan, Dott. A. Giuffrè Editore, 2007, p. 1-13. L’édition en latin servant ici de référence est celle de Paul Krüger (éd.), Corpus juris civilis, Berlin, Weidmann, 1877, vol. 2. Voir aussi, en ligne : www.thelatinlibrary.com/justinian.html (décembre 2016). Voir également l’édition bilingue français-latin d’Henri Hulot et Pascal-Alexandre Tissot (trad.), Les Douze Livres du code de l’empereur Justinien, Aalen, Scientia Verlag, 1979, 4 vol., reproduction en fac-similé de l’édition de Metz, Behmer, 1807-1810. L’ouvrage est partiellement accessible en ligne sur le site de l’université de Grenoble : www.histoiredudroit.fr/corpus_iuris_civilis.html (décembre 2016). Notons que la division de l’ouvrage suit un ordre logique : le premier livre concerne le droit ecclésiastique, le second la procédure judiciaire, les livres III à VIII traitent de droit privé, le neuvième de droit pénal, le dixième évoque les questions liées à la fiscalité, tandis que les livres XI et XII concernent l’organisation de l’administration.
36 Pour sa biographie, voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 100-101. En 1633, Hahn a épousé la belle-fille d’un défunt professeur de médecine de l’université.
37 Voir, à titre d’exemple, les rapports concernant le semestre d’hiver (WS) 1659-1660 : NSA, 37 Alt Nr. 2492 f°56 ; Nr. 2493 f°49.
38 NSA, 37 Alt Nr. 2493 f°52 et Nr. 2494 f°40 (WS 1660-61).
39 Ibid. De janvier à mars 1661 par exemple, Hahn se consacre entièrement à l’édition d’un ouvrage d’Eberhard Speckhan sur le droit des juifs dans l’Empire romain : Diatagmata Judaeorum : Ex Iure Caesareo Et Pontificio Concinnata..., Helmestadi, Heitmüller, 1661, in-4°, 28 f°. De nombreux autres ouvrages sont édités ou réédités par ses soins, notamment des textes écrits par des auteurs comme Wesenbeck ou Raevardus. Pour la plupart, il s’agit de manuels permettant de mieux saisir l’organisation du Digeste.
40 Voir notamment les longues périodes consacrées à la réflexion sur les testaments : NSA, 37 Alt Nr 2494 f°41r/v (WS 1661-62), ou encore sur les questions de curatelle et de succession : NSA, 37 Alt Nr. 2497 f°75-78 et Nr. 2498 f°59-60 (WS 1663-64).
41 NSA, 37 Alt Nr. 2498 f°70-75 ; Nr. 2499 f°31-33 ; Nr. 204 H3 f°90-94 (WS 1664-65).
42 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 249-250.
43 Cette réorganisation est exposée plus loin dans ce chapitre (p. 25).
44 Voir sa notice dans : CL 1673A, f°2v°.
45 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 67. À partir de 1674, Eichel est chargé par les princes welfes de réorganiser les finances et l’administration de la ville de Brunswick, conquise de force et intégrée au duché de Wolfenbüttel en 1671.
46 NSA, 37 Alt Nr. 2514 f°102 ; Nr. 2515 f°22r/v ; Nr. 2515 f°51r/v, 83.
47 NSA, 37 Alt Nr. 2514 f°60 et 82 (SS 1684), où des parallèles systématiques sont établis entre les règles antiques et celles du duché en matière de poids, de mesure ou encore de navigation.
48 Die Statuten, p. 101-103 (§ 111 à 117). Voir également le commentaire des éditeurs, p. 35-36.
49 Die Statuten, p. 102-103 (§ 116) ; il s’agit des paragraphes 16 et 17 de l’article 50 : « De verborum significatione » et « De diversis regulis iuris antiqui ». Dans la plupart des facultés de droit depuis le Moyen Âge, ces deux passages sont considérés comme servant de clefs de lecture à l’ensemble du Corpus et doivent absolument être assimilés par les étudiants avant de poursuivre l’apprentissage du Digeste et du Codex. Voir L. Brockliss, « Lehrpläne », art. cité, p. 480.
50 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 21.
51 Le titre exact de Binn est d’ailleurs : « Institutionum et Criminalium Prof. Publicus et Ordinarius », comme le rappelle son oraison funèbre (Balthasar Cellarius, Tägliches Lob und Danckopffer, welches alle und jede fromme Christen ihren Gott zu opffern schuldig und darinnen bestehet..., Helmstedt, Müller, 1666, in-4°, 38 f°).
52 HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4168 f°77. Reiner Bachoff ab Echt, ou Bachovius ou encore Bachov (1575-1640), a fait des études de droit avant de devenir professeur à l’université de Heidelberg. Il a notamment publié un Tractatus de Actionibus et un Commentarii in Institutionem, sans doute les produits de son propre enseignement des Institutes. Voir sa biographie par Roderich von Stintzing, « Bachoff, Reiner Bachovius ab Echt », ADB, vol. 1, 1875, p. 756.
53 NSA, 37 Alt Nr. 2493 f°5 et 6 et Nr. 204 H2 f°103-104, rapports pour le semestre d’hiver 1659-1660. Pietro Niccolo Mozzi ou Petrus Nicolaus Mozzius est un juriste italien de la fin du xvie siècle, connu pour avoir publié en 1585 le Tractatus de Contractibus, Venetius, Zenarius, 1585, in-2°, 204 f°. L’ouvrage fut réédité à Cologne dès 1614 : Tractatus de Contractibus ad theoricam, praximque utilissimi, in quibus etiam contrariarum interse pugnantium opinionum octoginta Conciliationes..., Coloniae Agrippinae, Hierat, 1614, in-8°.
54 La façon de procéder de Binn en croisant les ouvrages apparaît le plus clairement dans les rapports concernant les mois d’été 1660 : NSA, 37 Alt Nr. 2493 f°6-8.
55 CL 1662A.
56 NSA, 37 Alt Nr. 204 H2 f°179-182 et Nr. 2496 f°3.
57 CL 1664A.
58 Jacob Lampadius (1593-1649) étudie le droit à Helmstedt à partir de 1611, où il enseigne à partir de 1621. Proche du duc, il est envoyé à Osnabrück et à Münster au moment des négociations de paix mettant fin à la guerre de Trente Ans. Ce sont les thèses qu’il a soutenues pour obtenir son doctorat à Heidelberg en 1619 ou 1620 qui fournissent le contenu de l’ouvrage publié vingt ans plus tard : Tractatus De Republica Romano-Germanica, Helmestadi, Rixner / Muller, 1640, in-12°. Lampadius a fait partie des plus grands diplomates et penseurs du droit dans l’Empire au xviie siècle, et il a fortement influencé Conring. Voir sa biographie par Adolf Köcher, « Lampadius, Jacob », ADB, vol. 17, 1883, p. 574-578, ainsi que les remarques de M. Stolleis, dans Geschichte des öffentlichen Rechts in Deutschland... (op. cit., p. 163-164), où l’auteur souligne la proximité entre la pensée de Lampadius et celle d’Arnold Engelbrecht.
59 Pour sa biographie, voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 89-90. Notons au passage que Gläser avait été couronné poète par l’empereur et qu’il est considéré aujourd’hui encore comme l’un des principaux poètes baroques de langue allemande.
60 Pour la brève période d’activité de Gläser entre 1666 et 1668, voir NSA, 37 Alt Nr. 2500 f°55-63 ; Nr. 2501 f°45-56 ; Nr. 2502 f°56-59.
61 La mort brutale de Gläser, victime du typhus, a surpris et c’est un ancien étudiant en droit de Helmstedt, devenu entre-temps enseignant au Gymnasium de Lunebourg, qui a été nommé. Pour la biographie de Clasen, voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 50-51.
62 Voir notamment NSA, 37 Alt Nr. 2505 f°12-15 ; Nr. 2506 f°11-14 ; HA, Cal. Bri 21 Nr. 4169 (I) f°335.
63 Les catalogues imprimés et les rapports manuscrits ne reprennent pas la titulature qui est pourtant contenue dans le titre d’un ouvrage de 1663 : Enoch Glaeseri I.U.D. in Illustri Acad. Iulia Novell. Iustiniani Constitutionum Profess. Ordinarii..., Helmestadi, Muller, 1663, in-4°.
64 Voir ses rapports manuscrits : NSA, 37 Alt Nr. 2491 f°42-43 ; Nr 2492 f°53, 48 ; Nr. 2494 f°37-39 ; Nr. 2496 f°50-57 ; Nr. 2497 f°64-69 ; Nr. 2498 f°59 ; Nr. 204 H3 f°71 ; Nr. 2499 f°23-30 ; Nr. 2500 f°52-54. Notons au passage qu’il organise surtout un grand nombre de disputes, parfois en écho avec des préoccupations très contemporaines : il affirme ainsi avoir été occupé le 13 mai 1662 par l’édition d’une dispute sur le droit naturel (« De Jure natura »). Il s’agit sans doute de la dispute, tenue en mars, qui fut publiée sous le titre Dissertatio De Iure naturae, Quam Praeside Dn. Enoch Glaesero... publice ventilandam proponet Gerhard Teuto Aut. Et Respond..., Helmestadi, Mullerus, 1662, in-4°, 34 f° ; voir NSA, 37 Alt Nr. 2496 f°50. Rappelons que le célèbre Samuel von Pufendorf, penseur du droit naturel, venait à peine en 1661 d’obtenir une chaire à Heidelberg consacrée au droit naturel et public (au sein de la faculté de philosophie) – une première et un tournant dans l’histoire du droit et de son enseignement dans l’Empire. Voir Klaus Luig, « Pufendorf, Samuel Freiherr von », NDB, vol. 21, 2003, p. 3-5 ; M. Stolleis, Geschichte des öffentlichen Rechts in Deutschland..., op. cit., p. 282-285 ; Simone Goyard-Fabre, Pufendorf et le droit naturel, Paris, Presses universitaires de France, 1994, notamment p. 7-44.
65 Voir ce qui a été dit au début de ce chapitre (p. 15).
66 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 51, 71, 74.
67 Pour sa biographie, voir ibid., p. 71-72 ; et Emil Julius Hugo Steffenhagen, « Engelbrecht, Georg », ADB, vol. 6, 1877, p. 130. Il était le dernier fils du chancelier et juriste Arnold Engelbrecht. Né en 1638, il a reçu une éducation soignée : après des études à Helmstedt, il compléta sa formation en observant le fonctionnement de la Chambre impériale de Spire, puis en se rendant à Paris et à Louvain. De retour à Helmstedt, il avait épousé la fille du primat de la faculté de philosophie, Christophe Schrader.
68 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 25, 29-30.
69 NSA, 37 Alt Nr. 2504 f°35, 34, 33 ; Nr. 2°5 H1 f°80 ; Nr. 2506 f°23, 24.
70 Georges Adam Struve (1619-1692) était issu d’une ancienne et riche famille de Brunswick. Étudiant à Helmstedt à partir de 1641, il se lie étroitement avec Conring mais aussi avec Henri Hahn. Il obtient sa licence puis son doctorat en droit en 1646, mais quitte alors Helmstedt pour aller faire carrière à Iéna. Voir NSA, 37 Alt Nr. 2504 f°34. Sur Struve, voir sa biographie par August von Eisenhart, « Struve, Georg Adam », ADB, vol. 36, 1893, p. 677-681. L’ouvrage mentionné par Engelbrecht est sans doute : Syntagma Iurisprudentiae, Secundum ordinem Pandectarum concinnatum..., Ienae, Nisius, 1663, in-4°.
71 NSA, 37 Alt Nr. 2506 f°25, 120-123 ; Nr. 2507 f°37-40, 142-144.
72 NSA, 37 Alt Nr. 2507 f°39. La question de la torture est abordée en juin 1674, visiblement assez longuement. Engelbrecht était considéré de son temps comme un juriste très modéré, notamment en raison de ses réticences vis-à-vis de la torture, qu’il n’hésitait donc pas à exprimer pendant ses cours (voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 71).
73 Ce redoublement de l’enseignement des Institutes apparaît explicitement dans l’annonce faite dans le catalogue pour le semestre d’été 1673, où Bötticher est cité pour la première fois (CL 1673A).
74 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 29-30.
75 Les remarques qui suivent s’appuient sur la consultation des catalogues imprimés pour la période 1672-1675.
76 Les derniers rapports d’Eyben concernent le semestre d’hiver 1673-1674 et confirment qu’il n’a fait aucun cours (NSA, 37 Alt Nr. 205 H3 f°88 ; Nr. 205 H4 f°21). En 1676, il se rend à Spire où il obtient une charge au sein de la Chambre impériale (S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 74).
77 La réorganisation s’effectue en réalité en deux temps ; voir CL 1675A et 1675B.
78 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 25.
79 Eichel décède en août 1688, ce qui occasionne une promotion immédiate pour tous les professeurs ordinaires situés hiérarchiquement derrière le primarius (S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 66). Voir les rapports manuscrits de Böckellen pour le semestre d’hiver 1688-1689, qui sont les premiers à mentionner des cours de droit féodal : NSA, 37 Alt Nr. 2518 f°12-13 ; Nr. 208 H1 f°24, 39. Pour être précis, le premier cours de droit féodal de Böckellen a lieu le 9 décembre 1688 (NSA, 37 Alt Nr. 2518 f°12 v°). Le premier catalogue imprimé à annoncer sa nouvelle spécialité est celui du semestre d’été 1689 (CL 1689A).
80 NSA, 37 Alt Nr. 2512 f°46, 73-75. Les prédécesseurs de Böckellen citaient eux aussi régulièrement cet article 118 (« De Heredibus ab intestato venientibus et de agnatorum iure sublato »), qui revient sur certains problèmes soulevés par le droit de succession et la garde des enfants, complétant ce que dit le livre III des Institutes.
81 Voir notamment CL 1682B f°2v°.
82 NSA, 37 Alt Nr. 2512 f°73-75, 110 ; et Nr. 2513 f°7-9.
83 NSA, 37 Alt Nr. 2513 f°40. Du 1er au 22 avril 1683, von Böckellen affirme qu’il a répété les cours faits précédemment sur le début du livre I en raison du grand nombre de nouveaux étudiants arrivés en ce début de semestre. Notons que c’est la seule mention d’une telle pratique dans l’ensemble des rapports manuscrits.
84 NSA, 37 Alt Nr. 206 H5 f°78, 108, 109 ; Nr. 207 H1 f°135-136 ; Nr. 207 H2 f°16-17.
85 Voir la notice concernant Eisenhart dans CL 1676B.
86 Voir la mention dans les archives qui confirme que le changement a eu lieu en décembre 1688 : NSA, 37 Alt Nr. 2518 f°43. Le catalogue annonçant les cours pour le semestre d’été 1689 est le premier à prendre acte des changements (CL 1689A).
87 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 69.
88 NSA, 37 Alt Sa nomination a lieu le jour même.
89 C’est le catalogue pour le semestre d’été 1689, déjà évoqué plus haut, qui mentionne la Constitution caroline. Les remarques qui suivent s’appuient sur les rapports manuscrits ; voir, dans l’ordre chronologique : NSA, 37 Alt Nr. 2518 f°43 ; Nr. 208 H1 f°66-67, 86-87 ; Nr. 208 H2 f°16, 72, 95 ; Nr. 2519 f°34-38 ; Nr. 2520 f°34, 40-43.
90 Le débat autour de la torture occupe une bonne partie des cours du mois de février 1690 ; voir NSA, 37 Alt Nr. 2519 f°34r°/v°.
91 NSA, 37 Alt Nr. 2519 f°35-36.
92 Ibid.
93 NSA, 37 Alt Nr. 2520 f°41v°, 42.
94 Divisé en cinquante livres, le Digeste traite presque uniquement de droit privé et contient le résumé pratique de toute la jurisprudence romaine. Voir Paul Viollet, Précis de l’histoire du droit français, accompagné de notions de droit canonique et d’indications bibliographiques, Paris, Larose et Forcel, 1886, p. 12-13 ; E. Höbenreich, « Les femmes dans le droit romain », art. cité, p. 3-57, notamment l’introduction, p. 1-13, où se trouve une présentation générale très éclairante des sources du droit romain.
95 Die Statuten, p. 103 (§ 120) ; les statuts reprennent ici clairement le point de vue développé par Wesenbeck (NSA, 37 Alt p. 104, note 69).
96 NSA, 37 Alt § 119, où l’image de l’océan est utilisée à propos des Pandectes.
97 Ibid.
98 Pour sa biographie, voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 152. Les remarques qui suivent s’appuient sur une reconstitution à partir des rapports manuscrits : HA, Cal. Bri. 21, Nr. 4168 f°61 ; NSA, 37 Alt Nr. 204 H1 f°149, 66, 132-133 ; HA, Cal. Bri. 21, Nr. 4168 f°86 ; NSA, 37 Alt Nr. 204 H2 f°29r/v.
99 Voir, dans l’ordre chronologique, HA, Cal. Bri. 21, Nr. 4169 (I), f°35 ; NSA, 37 Alt Nr. 2491 f°31 ; Nr. 2492 f°35-40 ; Nr. 2493 f°40-42 ; Nr. 2494 f°30-31 ; HA, Cal. Br. 21 Nr. 4168 f°331 ; NSA, 37 Alt Nr. 204 H2 f°167-169 ; Nr. 2496 f°37.
100 CL 1661B, où l’idée de sélection en fonction de l’utilité est clairement affirmée.
101 Pour le second cycle, de 1662 à 1669, les archives sont plus lacunaires ; voir NSA, 37 Alt Nr. 2497 f°50-58 ; Nr. 2498 f°38-45 ; Nr. 2499 f°12-16 ; Nr. 2500 f°32-39 ; Nr. 2501 f°25-34 ; Nr. 2502 f°34-43 ; Nr. 2503 f°18-20. Pour le troisième cycle qui est inachevé, voir NSA, 37 Alt Nr. 2503 f°21-26 ; Nr. 204 H5 f°153 ; Nr. 2504 f°26-29 ; Nr. 2505 f°23-28 ; Nr. 205 H1 f°72 ; Nr. 205 H2 f°68.
102 S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 66-67.
103 Ibid.
104 Dans les faits, c’est Henri Binn, en charge des Institutes, qui a été « court-circuité » : bien qu’il conserve la préséance sur Eichel, il est privé d’un changement de chaire qui aurait dû être automatique.
105 En 1654, le duc François-Charles de Saxe l’a nommé conseiller personnel, alors même qu’Eichel demeure et enseigne toujours à Helmstedt (S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 67).
106 NSA, 37 Alt Nr. 204 H2 f°8-9. Il s’agit d’un cahier manuscrit de format in-4°, sans date précise, et qui déroge aux formes habituelles des rapports.
107 HA, Cal. Bri. 21, Nr. 4169 (I), f°35. Notons au passage qu’une épidémie de peste en 1657-1658 explique aussi le report du début des cours d’Eichel jusqu’en juin 1658.
108 Le 3 mars 1658, un successeur à Eichel est officiellement nommé sur la chaire d’éthique, en la personne de Rachelius (voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 183).
109 NSA, 37 Alt Nr. 2492 f°35r°.
110 Durant l’été 1664, Eichel délivre apparemment tous ses cours publics à son domicile, mais il est vrai qu’il se déclare malade (NSA, 37 Alt Nr. 2498 f°40-42). Il se plaint très souvent de devoir faire cours à huit heures du matin. Voir notamment NSA, 37 Alt Nr. 2502 f°41-43.
111 La plainte est virulente et sans aucune retenue vis-à-vis de ses collègues ; voir NSA, 37 Alt Nr. 204 H5 f°153.
112 Werner décède en 1671 et Eichel change de chaire à partir du début du semestre d’hiver 1672-1673 (CL 1672B f°2v°).
113 Les catalogues imprimés pour la période 1669-1672 montrent qu’Engelbrecht a surtout traité du Digeste dans ses cours privés.
114 Les rapports d’Eyben sont aussi brefs que flous et donnent un aperçu de sa faible implication : NSA, 37 Alt Nr. 2506 f°27 ; Nr. 205 H3 f°12 ; Nr. 2506 f°124 ; Nr. 205 H3 f°88 ; Nr. 205 H4 f°21.
115 Seuls les catalogues imprimés font mention de cette activité.
116 Voir l’annonce d’Engelbrecht dans CL 1676A f°2v°. Ce partage est confirmé dans les rapports manuscrits, notamment ceux concernant le semestre d’hiver 1676-1677 : NSA, 37 Alt Nr. 2508 f°26.
117 Voir, dans l’ordre chronologique, NSA, 37 Alt Nr. 2507 f°132, 130 ; Nr. 2508 f°88, 87, 17, 16, 15 ; Nr. 2509 f°15.
118 Voir notamment NSA, 37 Alt Nr. 2507 f°130 ; Nr. 2508 f°88, 16. Le catalogue imprimé pour le semestre d’été 1678 annonce d’ailleurs clairement que Clasen se consacre aux questions liées au droit des affaires (CL 1678A f°2v°).
119 Trois cycles sont identifiables entre 1679 et 1689 : un premier, de l’été 1679 à la fin de l’été 1683 (NSA, 37 Alt Nr. 2509 f°75-76 ; Nr. 2510 f°66-69 ; Nr. 2511 f°42-47 ; Nr. 2512 f°22-23, 48-49, 79, 114-115 ; Nr. 2513 f°5-6, 43-44, 79-80), un deuxième, du semestre d’hiver 1683-1684 à la fin de l’été 1686 (NSA, 37 Alt Nr. 2513 f°105-106 ; Nr. 2514 f°20-21, 59-60, 81-82, 101-102 ; Nr. 2515 f°21-22, 50-51, 82-83, 105-106 ; Nr. 2516 f°47-50) et un troisième, de l’hiver 1686 jusqu’au début de 1689 (NSA, 37 Alt Nr. 2516 f°51-52 ; Nr. 2517 f°60, 62, 64, 66-67 ; Nr. 2518 f°51-52, 50, 53-54, 59).
120 NSA, 37 Alt Nr. 2515 f°106. Wolfgang Adam Lauterbach (1618-1678) fut professeur de droit à Tübingen de 1648 à sa mort. Il fut un des plus grands juges, juristes et enseignants de la seconde moitié du xviie siècle. Influencé par la pédagogie d’inspiration ramiste de Wesenbeck et par les travaux de Conring, il se distingua, à l’instar de ses contemporains comme Carpzov, par son souci de confronter le droit romain aux règles juridiques germaniques et aux nécessités de la procédure contemporaine. Édité après sa mort par son disciple Johann Jacob Schütz, le Compendium Juris devint jusqu’au siècle suivant un des manuels les plus utilisés au sein des facultés de droit de l’Empire. Pour une biographie, voir Klaus Luig, « Lauterbach, Wolfgang Adam », NDB, vol. 13, 1982, p. 736-738. La première édition du Compendium date de 1679 : Compendium Iuris : Brevissimis Verbis, Sed amplissimo sensu & allegationibus universam fere materiam Iuris exhibens..., Tubingae, Cotta / Francofurti, Wustius, 1679, in-8°.
121 Engelbrecht n’utilise pas l’ouvrage comme un manuel pendant ses cours, préférant toujours commenter le texte original du Digeste. En revanche, tout laisse à penser qu’il s’en sert pour y puiser des thèmes de disputes et faciliter le processus de mémorisation.
122 Au début de 1683 par exemple, il consacre six heures hebdomadaires au Digeste et deux au Codex ; voir NSA, 37 Alt Nr. 2513 f°43-44, 79-80.
123 Die Statuten, p. 99 (§ 107).
124 Sur les rapports entre les luthériens et le droit canon, voir TRE, vol. 28, p. 277-281 et vol. 18, p. 724-749.
125 L’ouvrage de référence du droit canonique est le Corpus juris canonici, compilation des textes de droit canon qui se divise en cinq parties : le Décret de Gratien qui remonte au xiie siècle, les Décrétales de Grégoire IX publiées en 1234, le Sexte de Boniface VIII de 1298, les Clémentines (1318) et les différentes Extravagantes, parues entre 1335 et 1500. Pour une vue d’ensemble sur la formation du droit canon et ses sources, voir les travaux de Jean Gaudemet : Les Sources du droit canonique, viiie-xxe siècle, Paris, Éditions du Cerf, 1993, notamment p. 102-144 (sur la constitution du Corpus juris canonici) ; Formation du droit canonique et gouvernement de l’Église de l’Antiquité à l’âge classique, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2008. Voir également P. Viollet, Précis de l’histoire du droit français..., op. cit., p. 54-66, notamment p. 61 sur le Sexte. L’édition la plus utilisée par les canonistes aujourd’hui encore est celle de Emil Friedberg, Corpus iuris canonici, 2 vol., Leipzig, Tauchnitz, 1879-1881.
126 Pour sa biographie, voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 249-250. Né en Souabe en 1608, Werner a effectué l’essentiel de ses études à Wittenberg. Dans les années 1640, il se fixe à Helmstedt où il épouse la fille d’un professeur de droit, Cludius, avant d’entrer comme professeur extraordinaire, puis ordinaire dans la faculté de droit. Il est également juge au tribunal de Wolfenbüttel.
127 HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4162 f°226-227 ; Nr. 4168 f°100, 124.
128 HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4168 f°340, 395 ; NSA, 37 Alt Nr. 2496 f°178-187 ; Nr. 2497 f°162-164, 177-179.
129 Voir, à titre d’exemple, les rapports de l’été 1662 : NSA, 37 Alt Nr. 2496 f°182-186.
130 HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4162 f°226-227 (SS 1654) et CL 1667B.
131 De Feudis, Tractatus Novus Brevis Et Utilis, Coloniae Agrippinae (Cologne), Cholinus, 1583, in-4°, pour la première édition. Réédité dès l’année suivante, l’ouvrage a ensuite été édité à nouveau en 1648 en annexe d’un autre ouvrage de Wesenbeck : Commentarii in Pandectas Juris Civilis Et Codicem Justinianeum... Adjectus est M. Wesenbecii Tractatus De Feudis..., Lugdunum Batavorum (Leyde), Wyngaerden, 1648, in-4°.
132 NSA, 37 Alt Nr. 2501 f°187-193 ; Nr. 2502 f°178-186.
133 Ibid. Outre ses absences dues à ses autres activités ou à des problèmes de santé, Werner est capable de manquer trois mois en raison du mariage de sa fille, ou bien encore un mois entier en hiver en raison de la trop grande obscurité de la salle de cours...
134 Voir notamment son rapport pour le mois d’avril 1661 (HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4168 f°340), où il affirme avoir traité des origines du droit féodal, en des termes qui rappellent l’ouvrage de Wesenbeck, lequel commence précisément par les origines historiques de cette partie du droit.
135 HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4168 f°340, f°395 ; NSA, 37 Alt Nr. 2496 f°178, 182-187 ; Nr. 2497 f°174-179.
136 Laurent Kondratuk, Les Institutiones iuris canonici de G.P. Lancellotti : l’émergence du systématisme moderne en droit canonique (xvie-xviiie siècles), thèse de doctorat en droit canonique, Strasbourg, Université Marc Bloch-Strasbourg II (Faculté de théologie catholique), 2007, p. 156-157. Marco Antonio Cucchi est un jurisconsulte, mort vers 1565 ; son ouvrage est paru en 1563 à Pavie. Voir aussi J. Gaudemet, Les Sources du droit canonique..., op. cit., p. 197.
137 Comparaison systématique effectuée à partir des mentions des archives et des plans des ouvrages de Lancellotti et de Cucchi. Voir L. Kondratuk, Les Institutiones iuris canonici de G.P. Lancellotti..., op. cit., p. 172-176 (plan de Lancellotti) et p. 440-441 (plan de Cucchi).
138 La thèse de Laurent Kondratuk présente de manière très complète l’auteur ainsi que son ouvrage et son contexte d’émergence. Pour des indications purement biographiques, voir L. Kondratuk, Les Institutiones iuris canonici de G.P. Lancellotti..., op. cit., p. 8-15.
139 Ibid., p. 133-146 et 423-424. L’ouvrage aurait été commandé par Paul III avant son décès en 1650, sur suggestion de Lancellotti.
140 Ibid. L’auteur dresse un récapitulatif complet des éditions monographiques (p. 336-339) et des parutions insérées dans des éditions du Corpus juris canonici (p. 366-367) qui permet d’apprécier le succès et la large diffusion géographique de l’ouvrage de Lancellotti.
141 Ibid., p. 62-121, ainsi que le résumé p. 419-422.
142 Ibid., p. 170 et suiv. Notons au passage que Cucchi ne s’inscrit absolument pas dans ce genre de démarche et de plan.
143 Ce constat fait songer aux remarques d’Anthony Grafton sur la façon dont, au xvie siècle, les enseignants ont commencé à médiatiser l’accès aux classiques par la constitution d’anthologies ou de manuels ; voir : « Le lecteur humaniste », dans Guglielmo Cavallo & Roger Chartier (dir.), Histoire de la lecture dans le monde occidental, Paris, Éditions du Seuil, 2001, p. 221-263, notamment ici p. 244-255 ; et Philippe Martin, Une religion des livres (1640-1850), Paris, Éditions du Cerf, 2003.
144 L. Kondratuk, Les Institutiones iuris canonici de G.P. Lancellotti..., op. cit., p. 228 et suiv., p. 430-431.
145 Kaspar Ziegler (1621-1690) étudie la théologie à Wittenberg et à Leipzig, avant de se spécialiser dans le droit. Il enseigne à Wittenberg à partir de 1654 et est célèbre pour son expertise en matière de droit ecclésiastique. Voir sa biographie par Max von Waldberg, « Ziegler, Kaspar », ADB, vol. 45, 1900, p. 184-187.
146 Kaspar Ziegler, Casparis Ziegleri Icti Saxonici Ius Canonicum : Notis & Animadversionibus Academicis Ad Joh. Pauli Lancellotti ICti Perusini Institutiones enucleatum..., Wittebergae, Mevius / Schumacherus / Henckelius, 1669, in-4°. D’après l’inventaire critique dressé par Laurent Kondratuk, les Institutiones ont été éditées en annexe du Corpus juris canonici à Genève en 1650 et à Bâle en 1661. Une édition monographique plus ancienne a été publiée à Bâle en 1566. Voir L. Kondratuk, Les Institutiones iuris canonici de G.P. Lancellotti..., op. cit., p. 336, 366-367.
147 Laurent Kondratuk évoque la possibilité qu’une édition ait pu paraître en 1660 à Wittenberg, certains inventaires du xixe siècle y faisant allusion. Mais l’existence de cette édition qui aurait été commentée par Ziegler est douteuse, et il est impossible d’en retrouver la trace dans les catalogues des bibliothèques allemandes actuelles. Voir L. Kondratuk, Les Institutiones iuris canonici de G.P. Lancellotti..., op. cit., p. 331-332 et 336-338.
148 Ibid. Notons qu’il existe également pour l’aire germanique une édition de 1609 imprimée à Cologne, mais il est plus probable que des protestants aient utilisé une édition bâloise.
149 L’hypothèse d’un lien personnel entre Ziegler et Werner n’est pas attestée mais peut être envisagée sur la base d’une concordance biographique : Werner étudie à Wittenberg entre 1625 et 1638, et il y est encore présent pour une dispute en 1640 ; Ziegler, quant à lui, obtient son baccalauréat en 1638 et étudie à partir de cette même année à Wittenberg. Tous deux sont également musiciens et ont publié des recueils de chants religieux, ce qui est plutôt rare dans le monde des juristes. Il se peut aussi que, sans se connaître, l’un ait simplement suivi et imité l’autre. Pour le croisement des biographies, voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 249-250 ; et Max von Waldberg, « Ziegler, Kaspar », art. cité, p. 184-187.
150 HA, Cal. Bri. 21 Nr. 4168 f°340 (la deuxième moitié du semestre est manquante dans les archives).
151 Pour le plan détaillé de l’ouvrage de Lancellotti, voir L. Kondratuk, Les Institutiones iuris canonici de G.P. Lancellotti..., op. cit., p. 172-176. Fort utilement, l’auteur présente ce plan dans un tableau avec en synopse les Décrétales de Grégoire IX et le Décret de Gratien.
152 NSA, 37 Alt Nr. 2496 f°182-186.
153 Ibid.
154 NSA, 37 Alt Nr. 2496 f°178 ; à comparer avec ce qui est dit par L. Kondratuk dans Les Institutiones iuris canonici de G.P. Lancellotti... (op. cit., p. 172).
155 Pour sa biographie, voir S. Ahrens, Die Lehrkräfte..., op. cit., p. 73-74 ; et Jakob Franck, « Eyben, Hulderich von », ADB, vol. 6, 1877, p. 452-453. Les deux biographes ne s’entendent pas sur la date de naissance d’Eyben. Le plus vraisemblable, au vu de son parcours d’étudiant, est de supposer qu’il est né en 1629, et non en 1606 comme l’affirme S. Ahrens.
156 CL 1671B.
157 Pour les rapports manuscrits concernant la période 1669-1672, voir dans l’ordre chronologique : NSA, 37 Alt Nr. 2504 f°31-32, 37 ; Nr. 2505 f°40, 38, 39 ; Nr. 2506 f°26 ; Nr. 205 H2 f°40, 71 ; Nr. 2506 f°28.
158 NSA, 37 Alt Nr. 2504 f°37.
159 Dans son rapport pour le dernier trimestre de 1671, Eyben souligne qu’il a organisé une dispute publique portant justement sur les origines et la procédure du droit canon, confrontées à celles du droit civil, ce qui reflétait certainement son enseignement des mois précédents. Voir NSA, 37 Alt Nr. 2505 f°39.
160 Il s’agit de l’édition des Institutiones de Lancellotti déjà évoquée plus haut (Casparis Ziegleri Icti Saxonici..., op. cit.), qui se trouve à la Herzog August Bibliothek sous la cote L 507.4° Helmst.
161 CL 1672B f°2v°.
162 Voir dans l’ordre chronologique : NSA, 37 Alt Nr. 2506 f°14, 99-102 ; Nr. 2507 f°29, 26, 28, 27, 131-132.
163 NSA, 37 Alt Nr. 2506 f°101, à mettre en parallèle avec le plan de l’ouvrage de Lancellotti (L. Kondratuk, Les Institutiones iuris canonici de G.P. Lancellotti..., op. cit., p. 173).
164 NSA, 37 Alt Nr. 2506 f°102.
165 Ibid.
166 CL 1675B.
167 Voir les notices le concernant dans CL 1676A, 1676B, 1677A, 1677B, 1678A, 1678B, 1679A.
168 Ibid.
169 NSA, 37 Alt Nr. 2508 f°82-83. Les thèmes évoqués correspondent aux titres des chapitres 15 et suivants du manuel de Lancellotti (f°83).
170 NSA, 37 Alt Nr. 2508 f°1-4 ; Nr. 2509 f°4, 6, 63.
171 Pour une vue précise du plan de l’ouvrage de Lancellotti, voir une fois encore L. Kondratuk, Les Institutiones iuris canonici de G.P. Lancellotti..., op. cit., p. 172-176.
172 NSA, 37 Alt Nr. Nr. 2512 f°47r/v°, 77r/v°, 78, 112r/v°, 113 ; Nr. 2513 f°3r/v°, 4, 42r/v°, 77r/v°, 78, 103r/v°, 104 et Nr. 2516 f°13r/v°, 14r/v°, 15r/v°.
173 Voir notamment : NSA, 37 Alt Nr. 2516 f°14r° où Bötticher affirme qu’il a traité des passages habituellement rejetés par les luthériens.
174 NSA, 37 Alt Nr. 2516 f°15v°.
175 NSA, 37 Alt Nr. 2510 f°45, 46, 44 ; Nr. 2511 f°10, 9, 13r/v, 14 ; Nr. 2514 f°18-20, 58r/v, 103 ; Nr. 2515 f°12r/v, 13, 49r/v ; Nr. 2516 f°16r/v ; Nr. 2517 f°13r/v, 15-18r/v.
176 NSA, 37 Alt Nr. 2515 f°12-13, 49r/v. Du 28 janvier au 22 mai 1685, il reprend les cours par le début au lieu d’achever son cycle, interrompu pendant six mois en raison de sa nomination au poste de vice-recteur de l’université d’août 1684 à janvier 1685.
177 NSA, 37 Alt Nr. 2509 f°62.
178 Voir en particulier la série de cours au début de l’été 1680 : NSA, 37 Alt Nr. 2510 f°47. Voir également sa notice dans CL 1685A f°2v°.
179 Voir, entre autres, NSA, 37 Alt Nr. 2511 f°13r/v ; Nr. 2515 f°49r°.
180 NSA, 37 Alt Nr. 2517 f°19r/v, 20 ; Nr. 2518 f°14r/v, 15.
181 NSA, 37 Alt Nr. 2517 f°19-20. La Chambre impériale (Reichskammergericht) de Spire était le tribunal le plus important pour l’Empire. À Rottweil se trouvait un des plus anciens et des plus prestigieux tribunaux princiers (Hofgericht) qui servait souvent d’instance d’appel ou de consultation.
182 NSA, 37 Alt Nr. 2518 f°14-15.
183 Ibid.
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