Chapitre 5
La famille avant tout
p. 171-202
Texte intégral
L’identité familiale des hommes versus l’identité autonome des femmes
1La réaction de Jérôme, l’amant de Claire, le jour des noces de son fils éclaire un aspect de la double vie au masculin. Cet homme a rencontré celle qui allait devenir son amante durant quatre ans au cours d’un week-end chez un ami commun. Ils étaient chacun en couple de leur côté. La jeune femme avait déjà vécu des épisodes d’infidélité alors que Jérôme n’avait jamais trompé sa femme. Avant leur rupture définitive en 2013, Jérôme avait déjà mis une première fois fin à leur aventure, à l’occasion du mariage de son fils et de l’annonce de la naissance prochaine de son premier petit-enfant. Lorsque je l’ai interrogé sur cet épisode de sa vie, il m’a expliqué qu’il avait, en ce jour de célébration familiale, perçu comme une évidence que ce qui comptait avant toute chose dans sa vie, c’était la famille : « La famille avant tout ! » était la phrase qui s’était imposée ce jour-là dans son esprit (voir le récit détaillé de l’histoire de Claire et Jérôme en annexe 1).
2Cette révélation intime l’avait, pendant quelques mois, éloigné de Claire car il ne supportait plus de mettre en danger son foyer par sa liaison. Par la suite, il a renoué avec son amante. Cependant, il n’avait pas dans l’idée de perdurer dans une situation duale mais de quitter, à terme, son épouse pour Claire. Jérôme s’est accroché durant plusieurs mois à l’envie de s’installer avec Claire, de sortir du mensonge, de l’occultation et de construire une nouvelle vie familiale. Il imaginait que son amante, en devenant sa compagne légitime, s’entendrait bien avec ses enfants, qu’ils auraient une vie douce et heureuse. Il rêvait d’une nouvelle famille et vivait plutôt mal la tromperie et les supercheries auxquelles son amour secret pour Claire le contraignait. La dernière reprise de la liaison entre Jérôme et Claire était ainsi motivée à la fois par les sentiments amoureux partagés mais aussi par un projet de vie commune qui entrait en résonance avec l’idée que ce qui compte, c’est la famille, même si celle-ci est « recomposée ». L’histoire des deux amants n’a cependant pas donné naissance à une nouvelle famille. Elle s’est soldée par la séparation de Claire et Jérôme.
3La centralité de la famille dans les représentations de Jérôme n’est pas singulière. Les enquêtes montrent que la famille, bien que profondément transformée depuis les années 1960, constitue une valeur morale, symbolique et matérielle supérieure aux autres (amour, amitié, travail, loisirs...) pour une majorité écrasante d’individus. L’enquête « Histoire de vie » menée par l’INSEE en 2003, souligne que plus de 80 % des hommes et des femmes citent la famille comme thème leur correspondant le mieux, largement devant « le métier et les études », les « amis » ou les « loisirs » qui regroupent entre 30 % et 40 % des réponses1. Le sentiment le plus fort d’identification à la famille se retrouve chez les personnes qui ont entre 30 et 44 ans. Ce sentiment est peu différencié selon le sexe. En revanche, le niveau d’études et le statut socioprofessionnel le nuancent sensiblement.
4Les femmes qui occupent de hauts postes se caractérisent ainsi par des identifications professionnelles qui concurrencent les identifications familiales, élaborant un « je » autonome – délié partiellement de leurs statuts familiaux. Les femmes de classes populaires ou ne travaillant pas s’identifient majoritairement, quant à elles, par rapport à leur rôle de mère, leur identité sociale féminine est en effet chevillée à la maternité. En ce qui concerne les hommes, contrairement aux femmes, l’absence d’emploi est synonyme de distanciation par rapport aux valeurs familiales. La sociologue Olivia Samuel interprète ces différences sexuées notamment par le fait que les femmes occupant de hauts postes ont en commun avec les hommes sans emploi d’être moins souvent en couple (et souvent sans enfants) que les femmes sans emploi ou ayant des postes peu qualifiés et les hommes actifs (2008).
5Mais nous devons surtout noter ici que d’une manière générale, les femmes privilégient un double registre d’identification, celui de mère et celui de femme, alors que les hommes se définissent davantage par rapport à leur rôle de père et de partenaire conjugal. En effet, les femmes ont une grande propension à revendiquer une identité autonome (« je suis avant tout une femme ») alors que les manières de se définir des hommes sont peu dégagées des rôles familiaux, notamment de la paternité. Les rôles et statuts de père constituent ainsi un socle important d’élaboration de leur identité sociale dans la mesure où leur statut socioprofessionnel est assuré. Assignées prioritairement à leurs rôles sociaux « en tant que femmes » (mères, épouses, filles), les femmes actives et fortement dotées scolairement semblent devoir affirmer d’autres appartenances qui vont de soi pour les hommes mais pas forcément pour elles. La distanciation subjective par rapport à la famille peut ainsi s’expliquer, en partie du moins, par la volonté des femmes de ne pas se cantonner aux rôles traditionnellement féminins. Cette manière de se penser et de se s’affirmer socialement a pour effet une mise à distance plus affirmée chez certaines femmes que chez la majorité des hommes de la famille.
6Ainsi, lorsque les hommes menant une double vie – qu’ils disent ou non aimer leur épouse – soulignent systématiquement leur volonté de ne pas dissoudre leur famille, nous avons affaire à l’expression singulière d’une modalité dominante d’élaboration de l’identité sociale masculine. La notion de famille chez les hommes infidèles renvoie prioritairement à la parentalité, quel que soit l’âge des enfants (enfants en bas âge ou enfants adultes), et à l’idée d’un bonheur familial qui serait perdu à tout jamais en cas de séparation d’avec l’épouse.
7Or les amantes soupçonnent fréquemment que les enfants « sont un prétexte » chez les hommes pour ne pas passer le cap d’une séparation d’avec leur épouse. La plupart du temps, les femmes (mariées, non mariées, mères ou non) ne croient pas à l’argument de la paternité pour rester en couple. Pourtant, non seulement les discours des hommes à ce sujet ont toutes les apparences de la sincérité mais en outre, ils sont en adéquation avec les modalités d’élaboration identitaire des masculinités, notamment dans les milieux sociaux fortement dotés culturellement. Il existe une croyance commune et savante qui associe « féminité-maternité » et « homme-travail ». Il est vrai qu’il existe une « nécessité de l’enfant » pour les femmes de milieux populaires (Schwartz, 1990, 2002) mais elle est moins vraie pour les femmes plus « individualistes » des classes supérieures. Pour les hommes, la famille, et notamment le rôle de père, est une valeur centrale. Cela ne signifie nullement que tous les hommes exercent leur rôle de père selon les attendus des femmes, ni qu’ils soient présents ou prodiguent des soins dévolus traditionnellement aux femmes à leur progéniture ; de la même manière, cela ne signifie pas que les femmes de classes sociales supérieures n’assument pas des rôles familiaux traditionnellement féminins, mais cela veut dire que l’omniprésence et la puissance de l’idéologie familialiste dans les discours masculins que j’ai relevés ne sont pas propres aux hommes menant une « double vie » (dans les milieux sociaux observés) d’une part, et d’autre part, qu’elles ne sont pas imputables à une « mauvaise foi » ou à des « inventions » égoïstes masculines. La famille constitue une valeur centrale dans les identités sociales masculines. On comprend mieux ainsi un élément saillant des dissymétries de genre à l’heure où les « couples clandestins » se posent la question de la création d’une nouvelle union qui suppose la fin de la première. Bien entendu, les femmes qui expriment ce souhait avancent l’argument, aujourd’hui bien connu dans notre société des « recompositions familiales », que « l’on ne divorce pas d’avec ses enfants ».
8Mais la puissance des résistances mentales, morales et sociales à la division du couple parental chez les hommes est au moins aussi grande que la puissance des inclinaisons féminines à la constitution d’un couple officiel. S’organise ainsi, dans la plupart des couples clandestins, un rapport de forces plus ou moins ouvert entre les normes de parentalité masculine et les normes amoureuses féminines. Ces dernières l’emportent rarement. Dans notre enquête, seules trois femmes ont constitué un couple officiel avec celui qui était leur amant (deux femmes initialement mariées et une femme célibataire). Quels que soient les arguments des femmes qui souhaitent passer de la clandestinité à l’officialité, l’aversion de « leurs hommes » pour la séparation de la famille qu’ils ont le sentiment d’avoir construite est plus forte.
9Imaginer que les résistances masculines au divorce au nom d’un nouvel amour se réduisent à l’absence de valeurs morales telles que le courage, ou bien au conformisme, c’est écarter le fait que les hommes sont des êtres sociaux comme les autres, aux prises avec leurs socialisations et les modèles de masculinité dominants. L’identité autonome est valorisée par une catégorie de femmes, elle ne fait pas vraiment partie des modalités d’élaboration des identités masculines. Il ne s’agit pas de considérer que les hommes sont moins autonomes que les femmes mais bien que les hommes ne revendiquent pas leur autonomie par rapport à leur famille.
La fidélité aux valeurs familiales
10Les hommes valorisent leur rôle de père mais aussi d’époux protecteur. L’idée selon laquelle leur épouse ne survivrait pas à une séparation ou du moins en ressentirait une profonde affliction est omniprésente dans les discours masculins recueillis, quels que soient les sentiments que les hommes disent avoir pour leur conjointe, ou leur amante, quoi qu’ils pensent de l’une ou de l’autre. L’épouse ne doit pas être quittée. L’adhésion à cette idée et sa mise en pratique dans leur vie sont au principe d’une conception de la fidélité articulée à celle de l’engagement qui constitue le principal registre de justification de ces hommes, lesquels se définissent dans la plupart des cas comme « fidèles dans l’infidélité » : être fidèle, dans cette optique, c’est tenir ses engagements familiaux envers et contre tout et surtout contre ses désirs personnels.
11Christophe, un homme de 48 ans, a connu une relation extraconjugale durant quatre ans. Il nous donne une définition de la fidélité qui est largement partagée par les hommes dans sa situation. À ma question de savoir pourquoi il ne quittait pas son épouse qu’il disait ne plus aimer alors qu’il disait être amoureux profondément de son amante, il a répondu en expliquant qu’il était fidèle à sa femme. Je lui ai alors demandé ce qu’il entendait par « fidélité » :
Je suis fidèle puisque je ne la quitte pas. Notre projet, ce sont nos enfants et je me suis engagé dans ce projet. Je n’ai plus 20 ans, je ne peux pas faire ce que je veux. Pour un homme, on m’a appris ça, il est important de tenir ses engagements et on ne laisse pas une femme envers laquelle on s’est engagé. Ce que je fais avec mon sexe ne regarde que moi, ce que je fais avec mon cœur aussi. Mais je tiens mes engagements. (Christophe, printemps 2013.)
12Christophe nous propose une représentation du couple en dissonance avec le modèle valorisé actuellement de la conjugalité, dont on a vu qu’il est fondé prioritairement sur la véracité entre les partenaires et secondairement sur l’exclusivité sexuelle. Le registre de justification auquel il fait appel s’enracine dans un modèle dans lequel le couple est conçu comme un engagement moral qui dépasse les désirs et les volontés individuelles, qui dépasse les différends entre les époux, qui dépasse même l’amour entre ces derniers. Cette conception de l’union matrimoniale a dominé la culture occidentale, sous différentes formes, jusqu’au dernier tiers du xxe siècle (Ariès, 1982, p. 117 ; Flandrin, 1982 ; Garcia, 2011).
13Le mariage amoureux s’est progressivement imposé comme idéal social dans les sociétés occidentales depuis la fin du xixe siècle, rapprochant l’érotisme et les sentiments au sein de l’union matrimoniale (Chaumier, 1999, 2004). C’est aussi au xixe siècle que s’est imposé le double standard sexuel selon lequel les hommes auraient des appétences sexuelles bien supérieures aux « femmes honnêtes ». La médecine refonda ainsi la domination masculine, justifiant la fréquentation des prostituées par des mâles dont les « besoins sexuels » ne pouvaient être assouvis ni dans le cadre du mariage, ni par la masturbation, considérée comme un danger mortel. Aujourd’hui, le couple idéal est considéré comme autosuffisant, il est censé apporter aux partenaires toutes les satisfactions intimes. Pourtant, le modèle élaboré au xixe siècle continue de travailler profondément des pratiques et des représentations sociales et sa révision, amorcée à la fin du xxe siècle, n’imprègne pas uniformément l’ensemble de la société.
14La population étudiée ici est composée, comme je l’ai dit, d’individus appartenant aux catégories sociales intermédiaires et supérieures et dotés d’un capital scolaire relativement important (tous et toutes ont suivi des études supérieures). Cependant, en resserrant la focale sur les trajectoires familiales, on remarque que les hommes viennent de milieux sociaux moins dotés socialement, quelques-uns sont issus de la classe ouvrière, mais la plupart proviennent de fractions dominantes des classes populaires avec des pères employés, contremaîtres, petits agriculteurs ou petits travailleurs indépendants. Certains ont des mères qui ont occupé un emploi salarié comme employées ou personnel de service. La plupart d’entre eux ont cependant connu plutôt un couple parental avec une « mère au foyer ». Nous avons ainsi affaire à une population caractérisée par une mobilité sociale transgénérationnelle ascendante par la voie scolaire et ayant accédé à des emplois d’encadrement relativement bien rémunérés.
15Du point de vue de la socialisation genrée, les hommes de notre enquête sont caractérisés par l’incorporation précoce de normes et de valeurs plutôt répandues dans les fractions dominantes des milieux populaires, que l’on peut qualifier de « classes moyennes » et qui sont marquées par une représentation de la masculinité fondée sur la figure du « chef de famille », maître de son foyer, et responsable du confort matériel de sa famille, conçue comme indissoluble. Les socialisations scolaires, professionnelles et conjugales de ces hommes ne semblent pas avoir contrecarré ces fondements culturels qui sont omniprésents dans les discours masculins recueillis.
16Christophe a incorporé ce « code de l’honneur » dont on sait qu’il n’écarte pas la possibilité d’obtenir des satisfactions sexuelles en dehors du mariage. Il provient d’un milieu d’employés issus de la paysannerie du Nord de la France du côté de sa mère et de l’immigration italienne du côté de son père. Il occupe aujourd’hui des fonctions de direction dans une entreprise multinationale. Il revendique son adhésion à un modèle de couple transmis par ses parents qui préconise la stabilité de la famille et la responsabilité masculine en la matière. Il aurait préféré, pour suivre cet idéal de vie de famille, ne pas « devoir » tromper sa femme, mais la baisse d’appétit sexuel de cette dernière au cours de leur union ne lui a pas laissé d’autre choix, d’après lui, que de se tourner vers d’autres partenaires.
17Christophe a connu son épouse lors de ses études à Lille. Sa future épouse préparait un diplôme d’ingénieur et lui terminait des études de mathématiques appliquées à l’université. Après avoir cohabité trois ans, ils se sont mariés et ont vécu leurs premières années de mariage et la naissance de leur premier enfant à Lille. Puis, l’épouse de Christophe s’est vue offrir une possibilité de mutation en région parisienne et le couple a décidé de s’installer dans la capitale. Christophe a quitté sa région, laissant derrière lui sa famille, ses amis et un poste de cadre. Le déménagement en Île-de-France lui laissait entrevoir la possibilité d’une ascension professionnelle encore plus grande qui le séduisait.
18Un an après leur installation à Paris, le couple donnait naissance à un deuxième enfant. Mais Christophe était toujours au chômage : il n’avait pas réussi à intégrer une grande entreprise, il avait le sentiment que sa femme s’éloignait de lui, il lui en voulait et s’ennuyait. Les relations sexuelles entre les deux époux se raréfiaient en même temps que les disputes se faisaient plus fréquentes. Las d’attendre une amélioration des relations dans son couple, Christophe franchit un pas qu’il ne pensait jamais franchir. Il s’inscrit sur un site de rencontres et décide « d’aller chercher ailleurs ce que sa femme lui refuse ». Pendant deux ans, Christophe a des relations avec différentes partenaires, consacrant une grande partie de son temps à ces rencontres, qui emplissent aussi le vide laissé par l’absence d’emploi.
19Durant cette période, Christophe poursuit plusieurs relations en parallèle, quelques-unes sont des « feux de paille », d’autres sont plus longues. Il tombe amoureux de l’une de ses partenaires et vit pendant quatre mois une relation passionnelle avec elle. Mais elle est divorcée et lui demande de quitter son épouse. Il refuse, elle le quitte, ce qui le fait souffrir. Il rencontre d’autres femmes. Il ne conçoit plus de revenir à l’exclusivité sexuelle avec son épouse. Ses sentiments envers elle deviennent ainsi de plus en plus ambigus. Il dit ne plus l’aimer « comme avant » mais ne veut pas la quitter car c’est l’unité de sa famille qui compte avant tout. Deux ans après la naissance de son deuxième enfant, Christophe retrouve un emploi de cadre supérieur dans une entreprise qui lui promet une belle carrière. Il devient moins assidu sur le site de rencontres mais il a une relation régulière avec une femme durant un an. Il n’est pas amoureux d’elle mais l’apprécie. Ils sont mariés tous les deux et se voient de temps en temps.
20Puis, un dimanche, Christophe retourne sur le site de rencontres, « par hasard » dit-il, pour « se distraire ». Il engage un échange avec une femme mariée et un rendez-vous est pris. De cette rencontre, Christophe dira qu’elle était un « coup de foudre réciproque ». Une relation passionnelle qu’il décrit comme étant sa plus belle histoire d’amour commence avec Gloria, sa nouvelle maîtresse. Leurs sentiments sont puissants, ils se manquent quand ils sont séparés, ils échangent beaucoup, se conçoivent comme des « âmes sœurs ».
21Au fil des mois, Gloria qui, comme Christophe, ne cherche pas à mettre fin délibérément à son mariage, insiste pour que Christophe divorce et qu’ils puissent construire une nouvelle union ensemble. Pour elle, leur relation mérite d’aller plus loin. Elle ne veut pas du rôle de maîtresse et ne veut pas vivre en se cachant. Christophe songe alors sérieusement à quitter son épouse. Mais il renonce après quelques mois de réflexion :
Je ne me voyais pas dire à mes enfants, je quitte votre mère parce que j’aime une autre femme. Si la vie avait été insupportable avec ma femme, je pense que je l’aurais fait. Mais ce n’était pas le cas. Je n’attendais plus que ma femme et moi nous aimions. J’avais trouvé l’amour avec Gloria d’un côté et je pouvais continuer avec ma famille de l’autre côté. Ce n’était pas l’idéal mais c’était la meilleure manière pour moi de tenir mes engagements sans renoncer à vivre. Mais Gloria ne pensait pas comme moi. Elle ne voulait pas d’une relation cachée. Pourtant, elle aussi, elle était « très famille » [Gloria avait deux enfants]... Mais je comprends... Moi aussi j’aurais voulu vivre avec elle mais j’avais mes enfants et je ne voulais pas qu’ils soient des « enfants du divorce » [...]. Je me suis dit que quitter mon épouse pour mon amante n’était pas une bonne idée. (Christophe, printemps 2013.)
De ruptures en réconciliations, Christophe poursuit sa relation clandestine avec Gloria pendant quatre ans. Mais les derniers mois de leur « amour impossible » (termes de Christophe) sont chaotiques. Christophe s’est de nouveau inscrit sur un site de rencontres, lassé de sa relation qu’il juge « envahissante » et « sans avenir » avec Gloria. Cette dernière perçoit le changement d’attitude de son amant et le retrouve sur le site de rencontres où ils avaient lié connaissance. Après une séparation de quelques semaines, Gloria souhaite néanmoins reprendre sa relation avec Christophe. Ce dernier sait qu’elle est très amoureuse de lui et lui-même, bien que désirant « voir autre chose », ne pas « s’engager plus » avec elle, tient à elle. Les amoureux continuent alors de se voir mais après quelques mois de « lune de miel », Gloria découvre que Christophe continue de fréquenter des sites de rencontres et elle met fin à leur liaison en lui envoyant un message électronique, dans lequel elle lui écrit sa déception face à la fin sordide qu’il avait offerte à leur amour.
22Le discours de Christophe concernant son choix de ne pas quitter son épouse malgré son amour pour Gloria montre que certains choix masculins en la matière ne se fondent pas uniquement sur le modèle conjugal traditionnel, ils font aussi appel à une représentation sociale légitime de la « famille normale » d’invention récente. Celle-ci, composée d’un couple hétérosexuel et de leurs enfants biologiques, vivant sous le même toit (Bourdieu, 1993), apparaît comme naturelle, atemporelle et désirable. Bien qu’étant minoritaire dans les sociétés occidentales (Gubrium & Holstein, 1990), cette famille normale est associée symboliquement à la « chaleur du foyer ». Inscrite à la fois dans les institutions (le mariage en est un exemple) (Bourdieu, 1994) et dans les esprits, elle est un idéal social.
« Je vous déclare mari et femme »
Un bon mari avant tout
23Bien que les hommes soient plus attachés que les femmes au maintien de leur famille, les femmes mariées sont aussi des garantes de la morale familiale. Sur ce terrain, les textes qui apparaissent sur les blogs constituent un miroir grossissant des discours produits en situation d’entretien.
24Sur un blog écrit au féminin (Myriam, 50 ans, mariée depuis plus de trente ans, trois enfants, gère avec son époux une petite entreprise familiale), l’auteure explique qu’elle aime son mari et son amant. Le premier tient la première place dans sa vie et dans son cœur. Il lui procure une stabilité et une sérénité construites à travers leur histoire commune. Le second est décrit comme « un plus » dans sa vie. Elle l’aime mais en aucun cas elle ne lui donne la première place. Un des billets de Myriam propose une comptabilité minutieuse du nombre d’heures passées chaque semaine avec l’un ou l’autre de « ses hommes » pour démontrer que quelques heures avec l’amant ne peuvent rivaliser avec le quotidien, qu’elle décrit comme plaisant, avec le conjoint.
25Le thème des rapports avec le conjoint se décline différemment selon les blogs. Il existe des blogs féminins sur lesquels, comme dans celui de Myriam, apparaît une image conventionnelle du bonheur conjugal valorisant les années passées ensemble, la construction d’une famille, l’élaboration de projets (professionnels ou immobiliers) communs, le soutien mutuel, la réussite sociale du couple (mesurée par rapport au confort matériel et à la stabilité psychique et scolaire des enfants, à la santé des membres de la famille) ainsi qu’une sexualité considérée comme épanouie, la tendresse et la compréhension mutuelle. Lorsque les femmes parlent de leur mari sur Internet, elles ne le dénigrent pas. La plupart du temps, elles le présentent comme un époux et un père exemplaire, empli des vertus socialement attendues du « bon père de famille ». Elles lui concèdent parfois un certain charme, rarement de l’attrait sexuel.
26Il en était ainsi pour Béatrice*, une femme de 42 ans (cadre supérieur, mariée, trois enfants) lorsqu’elle avait un amant qui, lui, était célibataire. Je l’ai rencontrée à deux reprises : alors qu’elle avait une double vie et après qu’elle a quitté son amant, trois ans après le début de leur liaison. Lors de notre premier entretien, elle était heureuse de vivre une belle histoire d’amour avec un homme qu’elle avait rencontré lors d’un dîner. Cela faisait un an et demi qu’ils se voyaient en secret. Ils profitaient de nombreux déplacements professionnels qu’ils devaient faire ensemble à New York pour se voir et se rencontraient également plusieurs fois par mois près de leurs lieux d’habitation respectifs. Béatrice imaginait alors ce que pourrait être la vie avec son amant mais cela n’était pas central dans son discours. En revanche, elle insistait sur le fait qu’elle n’aimait plus son mari – souvent absent et infidèle – et qu’elle aimait son amant. Sa vie amoureuse lui paraissait équilibrée et elle était heureuse. Lorsque j’ai revu Béatrice deux ans plus tard, elle avait quitté son amant :
Cela n’allait plus avec mon conjoint, on ne se voyait plus, on ne faisait plus rien ensemble. On ne couchait plus ensemble. On ne se cachait même plus pour se tromper. Alors, on a décidé de divorcer et j’ai pris un appartement près de chez nous pour que les enfants puissent aller et venir chez l’un et l’autre. Durant cette période, je n’ai plus eu envie de voir mon amant. Ma famille était en crise, il n’était pas ma priorité. En plus, au niveau sexuel, ce n’était vraiment pas ça. Il y avait des problèmes entre nous, à ce niveau. Et puis, une relation qui ne va nulle part, au bout d’un certain temps, elle perd son sens. Alors, je l’ai quitté. [Je lui demande s’il lui manque.] Non, il ne me manque pas. On était arrivé au bout de notre histoire. On se donne des nouvelles, une fois tous les trois ou quatre mois mais pas plus. On a décidé de ne pas trop rester en contact parce que ça ne rimerait à rien. (Béatrice, juillet 2013.)
27Après cet entretien, Béatrice m’a informée que son mari et elle avaient repris la vie en commun en essayant de reconstruire leur famille. Elle m’a alors dit que finalement les relations sexuelles avec son époux étaient agréables, qu’elles lui procuraient un sentiment de sécurité et de bien-être. Elle a précisé : « Avec mon mari, on sait ce qu’on aime, on se connaît bien, cela fait du bien de faire l’amour de cette manière, sans enjeu, tranquillement. » La valorisation de la sexualité conjugale après la séparation d’avec un amant est récurrente dans les discours féminins, que les femmes soient à l’initiative ou non de la fin de l’histoire clandestine. La sexualité avec le mari est alors décrite à travers un discours valorisant la connaissance du corps, des désirs de l’autre, d’une sexualité tranquille et confiante, sereine, loin des débordements de celle qu’elles associent à leur amant. Tout se passe comme si la fin de la relation extraconjugale réhabilitait la sexualité conjugale chez les femmes.
28Cela peut être expliqué, en partie du moins, par le fait que les socialisations féminines préparent moins que les socialisations masculines à une différenciation de l’amour et de la sexualité et à la multiplicité des partenaires sexuels. En ce sens, la fin d’une relation fortement érotisée peut laisser, dans l’espace mental des femmes, la place à une valorisation d’une « autre sexualité », la sexualité conjugale, qui est alors revêtue des habits de la confiance et de la sécurité.
Une épouse avant tout
29Les blogs masculins tiennent quant à eux, dans le sillon du familialisme, un discours gratifiant concernant les épouses. Les hommes valorisent le rôle et le statut de leur compagne comme garanties de l’union familiale, quelles que soient les relations personnelles (amoureuses, sexuelles, etc.) que l’homme dit entretenir avec sa conjointe. Cette valorisation de l’épouse parce qu’épouse a les mêmes fondements idéologiques que la valorisation de l’époux parce qu’époux chez les femmes.
30Cependant, à la différence des femmes, les hommes accordent une place de choix, dans leur discours, à l’érotisme et à l’activité sexuelle avec leur conjointe. La thématique de l’attraction et de l’activité sexuelle à l’intérieur du couple est omniprésente dans les écrits masculins, que ce soit dans une version négative ou positive.
C’est une chose que je dois lui laisser, c’est que ma femme est particulièrement douce, féminine. J’aime beaucoup ça ! Le problème, c’est qu’au bout de 5-10 minutes, elle veut déjà arrêter (il est question des rapports sexuels dans un sauna)... « J’ai un peu mal aux jambes »... « j’ai trop chaud », « je suis un peu fatiguée, tout à l’heure si tu veux ». Là, je suis devenu très nerveux, intérieurement. Je n’ai pas de souci à ce que ma femme n’ait pas envie, mais quand cela devient très régulier, là, j’en peux plus ! Surtout que l’endroit s’y prêtait à merveille. Pour une fois qu’on est sans les enfants, rien qu’à deux, pas chez nous... Elle fait ch... !! Ça, c’est la goutte qui a fait déborder le vase ! J’en peux plus ! (Cyril, septembre 2011.)
31Comme je l’ai écrit, j’ai rencontré Cyril parallèlement à la lecture de son blog. Au cours de notre entretien, il m’a avoué, quelque peu honteux, qu’il avait commencé à être infidèle à sa femme parce qu’il la trouvait « trop grosse » depuis qu’ils avaient eu leurs enfants. Il se sentait coupable de ne plus la percevoir aussi attrayante qu’autrefois du fait de ses maternités, mais lui en voulait de ne pas faire en sorte de retrouver une silhouette plus attractive. Cela étant, la plupart des hommes qui vivent une double vie ne mettent pas en question le sex-appeal de leur conjointe, même s’ils disent rarement d’elle qu’ils la trouvent belle ou sexy. Les commentaires masculins dans ce domaine renvoient plutôt à l’apparence, au look, de leur conjointe. Le style vestimentaire et l’allure de cette dernière, sa coiffure, son maquillage, sont évalués positivement ou négativement par les hommes, bien plus que la corpulence. Ces éléments sont des marqueurs qui situent les individus socialement. Il semble ainsi que les corps des épouses soient moins appréciés par les époux par rapport à leur potentiel érotique qu’en regard de la position sociale à laquelle ils renvoient.
32Le « laisser-aller » ou au contraire l’attention soutenue que les hommes perçoivent chez leur conjointe en ce domaine constituent des éléments de jugement chez ces derniers. Alors que le sens commun dit que « les hommes ne font pas attention » aux parures, coiffures et maquillage des femmes, on constate que cela est loin d’être vrai dans les discours recueillis. Les interviewés sont, contrairement à cette idée reçue, très précis dans la manière de décrire le style vestimentaire de leur épouse : les marques de vêtement qu’elle porte, le type de chaussures, le type de coiffure... Nombreux sont ceux qui les valorisent et, mis à part Cyril, notre plus jeune interviewé, l’aspect physique de l’épouse n’est pas présenté comme une des « causes » de l’infidélité, ni comme un obstacle à l’amour ou au désir pour leur conjointe. D’ailleurs, Cyril lui-même explique qu’il s’agit d’un élément déclencheur mais que ce qui l’a conduit à fréquenter d’autres femmes est plutôt l’insatisfaction sexuelle qu’il ressent avec son épouse. Ce discours est commun aux hommes. Ils soulignent tous que leurs « besoins sexuels » sont supérieurs à ceux de leur épouse, que celle-ci se refuse à leur accorder autant d’attentions intimes qu’ils le souhaiteraient ; la thématique de la sexualité conjugale est centrale dans les discours masculins. Dans le témoignage qui suit, mon interlocuteur indique en outre dans son propos qu’il n’avait pas trompé son épouse durant quinze ans « car elle ne méritait pas ça ». Cette idée doit être retenue car les discours masculins que nous avons recueillis mettent quasiment tous au centre de leur argumentation la responsabilité de leur épouse dans le fait qu’ils prennent une maîtresse.
Je suis marié depuis bientôt quinze ans, et je n’ai rien à reprocher à ma femme : belle, intelligente, cultivée, un peu stressante mais bon... Et deux jolies filles. Alors que je surfais sur le net, je suis tombé sur une fille : Magali (mariée aussi d’un second mariage, avec un enfant... Belle, intelligente, cultivée...). Au départ ce qui devait être une histoire à « distance » via MSN (moi à Lyon et elle à Nantes), s’est vite transformé en une histoire d’amour. Je n’avais jamais trompé ma femme car elle ne le méritait pas. Mais avec Magali, ce fut différent. Beaucoup de points communs, et une envie de se libérer un peu l’esprit. (Stéphane, la quarantaine, a eu une relation extraconjugale durant deux ans avec Magali avant de revenir à l’exclusivité avec sa conjointe qui n’en a rien su a priori ; témoignage envoyé par courrier électronique en janvier 2011.)
Le couple parental, pilier du familialisme
33Nous reviendrons plus loin sur les représentations masculines des amantes mais pour l’heure, notons quelques éléments saillants sur les blogs. Ni les textes écrits au féminin, ni ceux écrits au masculin n’expriment de critiques envers les conjoints. Les auteur.e.s écrivent parfois leur regret de ne pas avoir connu plus tôt leur amant ou leur amante, évoquant l’idée qu’ils auraient pu s’unir avec elle ou lui s’ils n’avaient déjà été unis avec une autre personne. Dans les premiers mois de la relation clandestine, ils se posent la question de la poursuite de leur union officielle, question qui n’est d’ailleurs jamais totalement résolue et qui se repose au fil du temps. Le temps œuvre toutefois en faveur du renforcement d’un idéal familial dans lequel l’engagement conjugal prend une place centrale, notamment autour de l’image du couple parental.
34En effet, quelle que soit l’image du conjoint ou de la conjointe qui est proposée dans ces blogs, leurs auteur.e.s valorisent la famille et le lien conjugal ainsi que sa « sublimation » dans les enfants. Il est rarement question de ces derniers sur ces blogs mais parfois, à l’occasion de la narration d’une sortie familiale, ils apparaissent. Ils ne sont jamais nommés ni vraiment décrits comme des personnes, ils sont beaucoup moins personnalisés dans les récits que le conjoint ou la conjointe du blogueur ou de la blogueuse. Les enfants sont montrés comme des fils ou des filles tenant merveilleusement bien leur rôle filial : aimants, épanouis, en bonne santé, en réussite scolaire... Ils sont mis en scène dans les images d’Épinal de la famille qui parsèment ces blogs.
35L’amoralisme affiché et revendiqué sur ces blogs s’articule ainsi avec une défense des valeurs du mariage et de la famille. Ce discours est également présent dans les entretiens, de manière particulièrement marquée chez les hommes. Par exemple, Hervé*, un homme de 40 ans ayant connu une relation extraconjugale pendant deux ans avec une femme célibataire, et d’autres « aventures » ensuite, après la fin de celle-ci, m’expliquait que la famille était sa priorité. Quand je lui demandai ce que cela signifiait pour lui, il me répondit :
Stabilité. Sécurité, stabilité. Sécurité, le côté sécurité mentale par rapport à l’environnement qu’on a aujourd’hui, la peur du lendemain. On a construit quelque chose, on était jeune, on a eu, comme tout le monde, des soucis, on en a bavé, on a tout ce qu’on a, on ne nous a rien donné. [...] On a des amis qui vont bien, on a des enfants qui vont bien, qui sont charmants, qui réussissent bien, qui sont bien dans leur tête, voilà. On a un cocon d’amis, la famille, enfin voilà quoi. Moi, je me dis aujourd’hui : « Pourquoi je la quitterais ? » [Il fait référence son épouse]. Franchement, pourquoi ? Pour faire quoi ? Pour trouver peut-être quelqu’un qui va m’emmerder toute la journée ? [Rires.] Non, mais vraiment ?! Ma femme, elle est facile à vivre. Moi, je suis facile à vivre. On ne s’engueule jamais. Jamais. On sait les points importants. On sait ce qu’on ne veut pas, surtout. (Hervé, hiver 2010.)
36Charles, le PDG qui, après deux séparations et sept années de double vie, commence une nouvelle relation officielle, affirmait également combien il appréciait la stabilité dans sa vie :
J’aime la stabilité. Une stabilité avec un travail, une maison, des horaires. Une stabilité avec des groupes d’amis aussi... Il y a tout un environnement avec la famille qui fait en sorte qu’il y a beaucoup de questions que tu ne te poses pas tous les jours parce que tu te lèves le matin, tu sais ce que tu vas faire dans la journée, tu sais ce que tu vas faire dans le week-end. Tout est connu, donc tu penses à autre chose. Tu peux faire des plans pour l’avenir, réfléchir sur d’autres affaires que savoir ce que tu vas faire. Et quand ton quotidien disparaît, quand tu te sépares, là tu te poses tout un tas de questions comme : « Qu’est-ce que tu vas faire vendredi soir ou samedi matin ou dimanche ? » Lorsque j’ai quitté mon domicile familial, la première chose que j’ai faite a été de m’acheter un endroit pour habiter, acheter des meubles, m’organiser. Et puis, j’avais rien à faire... Je ne savais pas quoi faire... Ça a été la période la plus difficile. C’est pour ça que j’apprécie d’être avec ma nouvelle copine. On fait des activités, on a des projets. (Charles, été 2014.)
37Que la digression par rapport à la norme de l’exclusivité sexuelle et affective dans la conjugalité soit présentée comme un choix délibéré (les individus disent avoir décidé de chercher d’autres partenaires), ou bien comme le fruit d’un hasard contre lequel on n’a pas lutté (les individus signalent ne pas avoir choisi de tomber amoureux de leur amant.e), elle est présentée comme garante du mariage et de la famille. Dans certains cas, les personnes concernées expliquent que leur relation cachée leur permet de trouver les compensations affectives, sexuelles (et parfois aussi intellectuelles) des carences de leur couple. Dans d’autres cas, la relation adultère n’est pas présentée comme une « compensation » mais comme « une autre vie », une « vie à soi » indépendante de la vie officielle. Néanmoins, si le couple officiel n’est pas toujours dépeint comme étant gratifiant, la famille comme entité constituée des enfants et des parents est systématiquement présentée comme un écrin de perfections relationnelles, affectives, émotionnelles ; comme un havre de bonheurs simples et essentiels.
38Les blogueurs et les blogueuses mettent le plus souvent en scène l’intimité, le naturel, la simplicité des rapports qu’ils entretiennent avec leur conjoint et leurs enfants. Ils parlent de soirées devant un feu de cheminée, des fêtes de Noël, des vacances à la campagne ou encore de la cuisine familiale. Il n’est jamais question de scènes de ménage, de disputes, de tensions, de problèmes conjugaux. Blogueurs et blogueuses contribuent ainsi à la valorisation éthico-sociale d’une manière d’être ensemble conçue comme « solidaire » (mais aussi structurée et hiérarchisée avec, en tête de l’organisation, le « père de famille ») et « familière » qui renvoie aux représentations dominantes d’unité et d’unicité du groupe familial préservé du monde extérieur. Le profond ancrage de ces discours dans l’idéologie familialiste implique une représentation de la division familiale comme « étant un malheur au principe de tous les malheurs » (Lenoir, 2003, p. 45) et constitue l’une des explications du maintien du couple conjugal même lorsqu’il ne répond plus, d’après les discours sur les blogs, à toutes les attentes des individus.
39Indéniablement ces blogs diffusent un discours promotionnel du modèle familial traditionnel dans lequel le couple parental est le garant de la structure familiale. Qu’un discours amoral soit aussi porteur d’une morale familialiste n’est pas un fait inédit. Christine Détrez et Anne Simon ont montré que les nouvelles romancières qui défraient la chronique par l’usage d’un style pornographique pour exhiber leurs frasques sexuelles (Bénédicte Martin par exemple) diffusent la même doxa. L’amour de ces femmes pour leurs enfants ou leurs petits-enfants est souvent montré dans les quatrièmes de couverture comme si l’on voulait racheter une pratique jugée immorale par le dévouement aux enfants qui montrerait que « l’être véritable » de ces femmes est véritablement « bon » (Détrez & Simon, 2005). Les discours diffusés sur les blogs que j’ai analysés affichent à la fois un amoralisme en ce qui concerne les normes conjugales et sexuelles et un moralisme pour ce qui a trait aux piliers de la morale familiale sur lesquels les différentes tendances familialistes (conservatrices ou libérales) s’accordent : responsabilité parentale, éducation des enfants, rôle du père, union hétérosexuelle, stabilité des relations conjugales (Lenoir, 2003, p. 16).
Une quasi-conjugalité dans l’extraconjugalité : l’importation des valeurs conjugales dans le couple adultère
40Une des critiques principales entendue dans la bouche de certains professionnels de la santé mentale est que les femmes subiraient dans ce type de relation des souffrances morales spécifiques. En sciences sociales, cette posture est plus rare mais elle apparaît dès qu’il s’agit d’une réflexion « morale ». Par exemple, le sociologue Patrick Pharo, dans un essai visant à mettre en question les représentations négatives de la prostitution selon une « sociologie morale », écrit :
Contrairement aux femmes mariées qui sont malheureuses en ménage, les prostituées n’ont pas à payer le prix élevé de l’adultère et autres incartades pour pouvoir espérer connaître encore l’amour, même si elles continuent de souffrir de la présomption d’aliénation qui leur est infligée par le regard social. (2013, p. 278.)
Ces représentations de l’adultère féminin négligent le fait qu’épouses, mères, sœurs, filles, subissent aussi des souffrances morales liées au système de genre. L’extraconjugalité n’a pas le monopole de la violence symbolique envers les femmes. Les relations auxquelles nous avons affaire ne durent pas parce que les femmes seraient totalement aliénées, naïves ou manipulées, elles durent aussi parce que les hommes répondent à certaines de leurs attentes.
41La manière dont Karine aborde sa liaison, après quelques mois au cours desquels elle est profondément troublée par la tournure prise par sa vie et sa propre capacité à transgresser des normes morales qu’elle n’avait jamais mises en question, nous informe sur des modalités de mise en cohérence de ces normes avec la double vie : la constitution d’un « autre couple », parallèle au couple officiel.
Au mois d’avril, donc, je partais en déplacement et lui a pris quinze jours de congé qu’il lui restait à prendre. Donc, à mon retour, c’est la première fois où je lui ai dit : « Bon, toi, tu es assigné à résidence dans ta prison dorée mais moi, je vais venir te voir. » Donc ça, je pense que ça l’a scotché, je pense que c’était un pas de plus. Donc, je me suis arrangée pour avoir quelque chose à faire près de chez lui et j’y suis allée. Et donc lui, il a réussi à se libérer et à l’époque, il faisait de la course à pied. Et donc, il est sorti courir – il n’a pas beaucoup couru ! [Rires] – et on est allé dans un coin tranquille et c’est là où pour la première fois, on a fait quelque chose ensemble. [...]
La première année, on ne s’était pas coordonné pour les vacances, donc ça a fait un mois sans se voir et ça a été très dur pour tous les deux. Alors depuis, on se concerte pour poser nos vacances. On évite de prendre plus de quinze jours à la suite, on tronçonne nos congés pour que les absences ne soient pas trop longues, surtout que comme sa femme ne travaille pas, on ne peut vraiment pas se voir quand il est en congé. Il ne peut pas quitter le domicile. [Je lui demande si cette nouvelle organisation des congés n’étonne pas son mari.] Henri n’aime pas partir en vacances, il le faisait pour me faire plaisir. Maintenant que nos enfants sont grands et qu’ils partent chacun de leur côté, cela ne le gêne pas de rester à Toulouse pendant les vacances et de ne partir que quelques jours. Par contre, il trouve que je travaille trop [rires] parce que je dis que je dois parfois passer au bureau pendant les vacances ou passer des coups de fils.
Un samedi, j’ai reçu un mail de Gaël. Un samedi. Maintenant, nous contacter le week-end, ça l’aide à tenir le week-end. Maintenant, on arrive à s’appeler cinq fois dans le week-end : quand il va chercher sa fille à la danse, quand il va acheter le pain... Et le pain, on a dix minutes pour s’appeler ! On ne sait pas quand ça va être, ça peut être entre 9 heures et 12 heures mais on ne sait jamais quand il va pouvoir sortir. Le matin, quand il court, il m’appelle aussi. Mais quand il ne peut pas appeler, il me prévient, il m’envoie un SMS. Un samedi après-midi, il devait m’appeler et son frère a eu besoin de lui pour un problème de fuite d’eau et il a dû courir en catastrophe chez son frère et évidemment, sa femme est partie avec lui... Et moi, je lui ai envoyé des SMS incendiaires du genre : « C’est pas la politesse qui t’étouffe », alors qu’il ne pouvait pas me contacter. [...]
Moi, ce qui compte, c’est pas vraiment qu’il m’appelle ou non, mais c’est de savoir qu’il en aurait envie. Et ça, il ne le comprenait pas avant. Il y avait un décalage entre nous. Par exemple, parfois, ce n’est pas lui qui va acheter le pain le week-end. Hé bien, pour moi, c’est important de savoir qu’il aurait envie de m’appeler mais qu’il ne peut pas alors que pour lui, ce qui compte, ce n’est pas l’envie mais le fait de faire les choses. Mais, à l’heure actuelle, il commence à aller dans mon sens. (Karine, printemps 2013.)
42Les représentations traditionnelles du couple et des rôles de sexe observées chez les hommes entrent en résonance partiellement avec celles incorporées par les amantes. Ce qui différencie ici les hommes et les femmes, ce n’est pas le rejet du couple ou l’organisation du genre mais le clivage des femmes incorporé par les deux sexes, et qui positionne les maîtresses du côté négatif du « féminin ». En outre, comme nous l’avons vu, les femmes de classes moyennes et supérieures sont moins dépendantes que leurs homologues masculins de leur rôle familial, ce qui les conduit à ne pas forcément concevoir un divorce pour un nouvel amour comme une aberration. Mais face aux résistances violentes des hommes à rompre avec leurs épouses pour une vie officielle avec elles, on observe qu’au fil du temps, souvent, les amantes œuvrent pour la transformation des duos d’amants en couples d’amants.
43Les hommes cèdent ainsi, pour un temps ou pour toujours, aux désirs féminins de « faire couple » même dans la clandestinité. Nous avons affaire, rappelons-le encore, à des amours clandestines qui durent. Or elles ne durent dans l’amour que parce que les partenaires ne sont pas en opposition permanente et que la domination masculine ne s’exerce pas « à plein ».
44Cependant, la défiance à l’égard des sentiments amoureux fait partie des apprentissages précoces des hommes (Holland & Eisenhart, 1990 ; Martin, 1996 ; Monnot, 2008 ; Simon, Eder & Evans, 1992). Dès leur entrée à l’école primaire, les filles et les garçons se différencient en effet nettement dans leurs manières d’appréhender, gérer et investir les émotions et réactions associées à l’amour. Les jeux des premières mettent souvent en scène des sentiments amoureux ; elles en parlent aussi entre elles, avec les adultes qui se chargent de leur éducation ; elles y pensent. Les seconds, en revanche, ne montrent guère d’intérêt pour la question amoureuse, ils apprécient habituellement les jeux fondés sur l’agôn (culture de l’affrontement et de la compétition) et l’« humour agressif » qui consiste à parodier ou ridiculiser autrui (Groch, 1974). Ils ne parlent que rarement d’amour avec leur entourage et plus ils grandissent, moins ce thème est présent dans les conversations avec leurs pairs (Ruel, 2009). Toutefois, les petits garçons s’expriment parfois sur l’amour. Leurs registres discursifs sont sensiblement différents de leurs homologues féminines. Alors que ces dernières favorisent les thématiques des émotions, de la romance ou de l’intimité, eux évoquent la sexualité en usant de mots crus et de gros mots, et en appellent à l’indépendance, à laquelle ils accordent une grande importance (Thorne & Luria, 1986). Les modèles dominants de masculinité prennent appui sur le refus du féminin et conduisent précocement les hommes à adopter des manières de s’affirmer qui passent par le refus d’exprimer et de reconnaître pour soi-même la peur, le chagrin, l’empathie pour la souffrance d’autrui et plus généralement des émotions « négatives ». Ce déni est le support des actes violents (Mercader et al., 2014). En somme, la « culture des sentiments » (Pasquier, 1999) ne fait pas partie de normes et valeurs que les hommes, quel que soit leur milieu social, incorporent prioritairement.
45La durée d’une liaison semble conduire immanquablement à la constitution de normes pérennes entre les partenaires, qui font écho à celles qu’ils connaissent dans le couple officiel. Elles concernent principalement les seuils de tolérance mutuels à la distance : fréquence des contacts et des rendez-vous ; les rencontres qui ne sont pas orientées ouvertement vers la sexualité et l’exclusivité sexuelle. Ces normes sont données progressivement par les femmes qui sont aussi bien souvent les gardiennes de l’histoire d’amour vouée à l’oubli. En effet, de nombreuses femmes conservent des traces de leur histoire cachée. Raconter l’histoire d’amour clandestine dans un journal, ou sur un blog ; tenir à jour la comptabilité des rencontres, des mots échangés, des appels ; garder des objets ordinaires des rencontres avec l’homme aimé (carte de restaurant, serviette en papier d’un café, ticket de bus ou de métro...). De nombreuses amantes se consacrent ainsi à objectiver la relation socialement occulte. Ce travail de mise en patrimoine de la relation s’inscrit dans la continuité de pratiques spécifiquement féminines inaugurées au xixe siècle. Les femmes ont, à cette époque, commencé à établir un ensemble varié d’écritures intimes, de papiers personnels, d’égodocuments2 que l’historienne Madeleine Foisil a désigné sous la formule de « for intérieur » (1990, 2000). Garantes des mémoires familiales, les femmes « recueillent, sauvent et agencent l’éphémère patrimoine mémoriel » (Lacoue-Labarthe & Mouysset, 2012, p. 9) de leur vie de famille comme de leur vie amoureuse clandestine.
46Même s’ils sont parfois touchés par le travail de fourmi que réalise leur amante pour emmagasiner le plus de souvenirs possible, les hommes ne comprennent pas le plus souvent à « quoi sert ce travail dérisoire », qu’ils considèrent tantôt avec tendresse, tantôt avec amusement, mais jamais comme sérieux et indispensable, d’autant plus qu’eux-mêmes ont davantage tendance à vouloir effacer les traces matérielles de leur amour clandestin : « Le plus drôle, c’est qu’elle a noté tout ce qu’on a fait durant toutes ces années. Elle notait quand on allait au restaurant, les fois où on faisait l’amour, quand on s’appelait. Elle notait tout, tout. Cela a duré six ans. » (Charles, printemps 2014.) Pourtant, les hommes se disent souvent flattés par l’application de leur amante à sauvegarder des souvenirs d’eux et certains les encouragent même à poursuivre. Être le centre d’un tel intérêt comporte sans aucun doute des gratifications narcissiques qui contribuent à l’enchantement que procure la relation amoureuse clandestine aux hommes. Ces pratiques de conservation s’accompagnent de prises de photographies ensemble et de présentations de l’amant à des amies lorsque, dans certains cas, l’amant accepte de déroger à certains de ses principes de précaution. J’ai parfois tenu ce rôle de pseudo-officialisation de la relation clandestine, lorsque les femmes m’ont présenté leur amoureux, que nous avons déjeuné ou dîné tous les trois, inaugurant une première sortie « en couple » des amants avec un tiers.
47Au fil du temps, s’instaurent ainsi des rituels et s’organisent des sorties qui ne sont pas directement liées à la sexualité, qui constituent une quasi-conjugalité désirée et organisée par les femmes. Il n’est pas rare que les femmes accomplissent également certaines tâches domestiques, notamment lorsqu’elles sont célibataires : nettoyage de vêtements et cuisine en sont les exemples les plus courants. Mais des femmes mariées s’attachent aussi à certains rôles dévolus aux épouses : elles accompagnent leur amant faire quelques courses, leur achètent des vêtements, les conseillent sur leur tenue, leur coupe de cheveux et même sur l’éducation de leurs enfants. Dans certains cas plus rares, l’homme aimé d’une femme célibataire peut être introduit dans le cercle de ses intimes et participer même à quelques réunions de famille ou entre amis. Et, lorsque les femmes célibataires ou ayant divorcé au cours de la liaison clandestine ont des enfants, les hommes font quasiment toujours la connaissance de ces derniers. « L’amoureux de maman » est présenté soit comme un ami, soit comme un homme avec lequel on ne veut pas s’engager trop rapidement, soit comme un homme qui « a une autre famille ». Quelques femmes m’ont expliqué que leur amoureux passait parfois des vacances et des week-ends avec elles et leurs enfants, s’en retournant ensuite auprès de son épouse et de ses propres enfants. En revanche, les femmes, mariées ou libres, font rarement la connaissance des enfants des hommes qu’elles aiment. Ces derniers mettent souvent un point d’honneur au maintien de l’étanchéité entre leurs univers familiaux et amoureux, refusant même, dans certains cas, après des années de relation, de montrer des photographies de leurs enfants à leur amante. Anne me disait à ce propos : « Il ne voulait pas que je voie ses enfants, ni en vrai, ni en photo. C’était comme si j’étais une sorcière, comme la femme qui met le lapin dans la cocotte-minute dans le film Liaison fatale3. » Christophe fait partie de ces hommes qui mettent leur famille à l’abri de leur liaison. Il m’a expliqué qu’il refusait que Gloria voie ses enfants parce qu’il n’aimerait pas, si sa femme avait un amant, qu’elle lui montre des photographies de ses enfants, ni de lui. Cela lui semblait indécent. Cet argument se fonde sur une représentation vertueuse de soi et de sa famille qui ne tolère pas d’être mêlée à la lubricité des relations extraconjugales. En se mettant à sa place de mari pour défendre sa position, en imaginant que son épouse pourrait divulguer son image et celle de leurs enfants à un homme avec lequel elle coucherait, Christophe éprouve un dégoût qui exprime tout celui qu’il éprouve pour l’adultère, qu’il pratique pour autant lui-même. L’amant imaginaire dont il est question dans le discours de Christophe ne semble qu’un prétexte pour dire implicitement qu’une épouse qui partagerait des images de ses enfants avec son amant aurait un comportement indécent. Celui d’une « putain » ? Si Christophe, à la différence d’autres hommes infidèles, conçoit que sa conjointe ait pu le tromper, il affirme que s’il l’apprenait, il la quitterait car leur union « n’aurait plus de sens ». On voit ici que sans épouse vertueuse, il n’y a point de famille. Les représentations traditionnelles des rôles des sexes articulées à l’idéologie familialiste donnent sens à ce qui peut apparaître comme un paradoxe omniprésent dans les discours masculins : ils sont infidèles mais ne toléreraient pas ou n’imaginent pas que leur épouse puisse l’être. À l’intérieur du couple clandestin durable, on trouve cette même attention à la fidélité concernant d’autres partenaires que le partenaire officiel. Les femmes, notamment quand elles sont célibataires, s’inscrivent d’emblée ou progressivement souvent dans le « devoir de fidélité » envers l’homme qu’elles aiment. La fidélité est paradoxalement la valeur conjugale la plus souvent importée à l’intérieur du couple clandestin. Il s’agit d’un attendu de chaque sexe envers l’autre sexe bien que les unions officielles permettent rarement d’élaborer un couple adultère où chaque partenaire n’entretiendrait des rapports sexuels qu’avec son amant ou son amante.
48Cela dit, l’amante n’est pas perçue comme une femme « comme les autres » mais comme la « putain » (au sens symbolique) avec laquelle on ne partage pas sa vie familiale. Nombre de femmes se sentent injustement exclues d’informations sur la vie de famille de l’homme, et se plaignent de la mise en place d’une barrière par ce dernier pour « tenir sa famille à l’abri de sa maîtresse ». Les douches systématiques que les hommes prennent après avoir fait l’amour avec leur maîtresse – qui n’ont pas d’équivalent chez les femmes qui, au contraire, tentent de « garder l’odeur de l’homme » sur elles (qu’elles soient célibataires ou mariées) – font aussi partie d’un ensemble de précautions hygiéniques qui tendent à mettre en scène l’impureté de l’acte commis et, dans la vision des femmes, leur propre impureté. Une femme m’écrivait : « Quand nous couchons ensemble, après, j’ai l’impression qu’il se désinfecte avant de rentrer chez lui. Même quand il est pressé, il ne fait jamais l’impasse sur sa douche. Il rentre propre. » L’amante est la compagne des plaisirs sexuels et intellectuels (une relation au long cours implique, dans les milieux étudiés, de nombreuses discussions d’ordre culturel, philosophique, politique...), elle ne fait cependant pas « partie de la famille » et est symboliquement dangereuse pour la famille de l’homme.
Notes de bas de page
1 Enquête « Histoire de vie – Construction des identités », Paris, INSEE, 2003. En conclusion au questionnaire (8 403 personnes interrogées), les enquêtés étaient invités à répondre à la question suivante : « Parmi les thèmes que nous venons d’aborder, quels sont les trois qui vous correspondent le mieux ? » Ces thèmes étaient : « 1. Votre famille ; 2. Les lieux auxquels vous êtes attaché ; 3. Votre métier, votre situation professionnelle, vos études ; 4. Vos amis ; 5. Une passion ou une activité de loisirs ; 6. Votre physique ou votre apparence ; 7. Un problème de santé, un handicap ; 8. Vos origines géographiques ; 9. Vos opinions politiques ou religieuses ou vos engagements ; 10. Rien de tout cela. »
2 Le terme « égodocument » est attribué à l’historien hollandais Jacob Presser (1899-1970). Voir Dekker, 2002.
3 Liaison fatale (Fatal Attraction) est un film américain réalisé par Adrian Lyne en 1987 et dont les acteurs principaux sont Michael Douglas et Glenn Close. Michael Douglas incarne un avocat père de famille sans histoire mais qui s’ennuie dans sa vie familiale. Lors d’une réception, il rencontre au bar une femme pour laquelle il ressent un désir irrépressible auquel elle répond positivement. Les deux amants commencent alors une relation passionnelle fondée sur le plaisir charnel. Mais alors que l’homme met des distances avec sa maîtresse, celle-ci veut se rapprocher de lui. Une certaine affection se crée entre eux et l’histoire semble s’orienter vers une relation adultère relativement ordinaire. Cependant, la maîtresse veut comprendre pourquoi l’homme trompe sa femme et elle s’introduit progressivement dans la vie familiale de celui-ci. Lorsqu’elle comprend que l’homme est heureux avec son épouse et n’éprouve pour elle que du désir, contrairement à elle qui est amoureuse de lui, la « folie » s’empare de la femme. Elle le harcèle, appelle la nuit chez lui, fait cuire vivant le lapin de la petite fille de l’homme. L’homme finit par tenter de tuer sa maîtresse mais il échoue. C’est l’épouse qui y parvient. On notera la morale d’une histoire qui met en scène le danger pour l’homme marié de trop se rapprocher d’une maîtresse et le lien indélébile entre l’épouse et son époux infidèle.
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