Postface
La place qu’elle fait aux femmes dit de notre culture quelque chose qu’il est temps d’entendre
p. 313-350
Texte intégral
1La Petite Sœur de Balzac : essai sur la femme auteur se propose d’éclairer la place si longtemps contestée des femmes écrivains dans la littérature française, en partant des résistances et des débats que leurs écrits ont suscités au xixe siècle. J’y cherche à comprendre pourquoi tant de commentateurs – le plus souvent hostiles – accordent une si grande importance aux écrits publiés par des femmes, alors que des préoccupations plus urgentes sembleraient devoir s’imposer à eux, qu’elles concernent l’accès des femmes à l’éducation, à des professions qualifiées, aux droits civils ou au droit de vote. Les oppositions aussi violentes que diverses que soulèvent ces « quelques feuilles de papier noirci », et le fort sentiment d’illégitimité culturelle qui en résulte pour les femmes qui écrivent vont exercer leurs effets bien au-delà du xixe siècle. Aussi l’analyse de ces débats éclaire les raisons pour lesquelles les femmes et leurs écrits sont encore loin de s’inscrire de plein droit dans notre histoire littéraire, et met en évidence l’importance du genre dans notre rapport à la culture.
2Paru pour la première fois en 1989 aux Éditions du Seuil, dans la collection « Libre à elles » que dirigeait Monique Cahen, ce livre n’est pas une thèse, ni une étude académique. Il s’est imposé à moi et je l’ai entrepris parce qu’il n’existait pas, et me semblait nécessaire. Bien convaincue qu’une fois le sujet traité, je passerais à autre chose, tant il me semblait archaïque qu’il faille, à la fin du xxe siècle, s’appesantir ainsi sur le droit et la capacité des femmes à écrire. Vingt-cinq ans plus tard, l’état du monde, la situation des femmes, les rapports de genre et la place qu’occupe la littérature dans nos sociétés ont profondément changé, mais l’idée qu’on se fait en France du rôle des femmes dans notre tradition littéraire ne s’est pas radicalement transformée. De nombreuses études savantes et spécialisées sont venues compléter nos connaissances sur la question. Cependant à un large niveau, la vision transmise notamment par l’institution scolaire leur accorde toujours une place très marginale (entre 5 et 10 % des textes proposés à la lecture), poussant à ne voir dans leur production qu’une part mineure et anecdotique de la culture, qu’on peut éventuellement ignorer sans rien manquer de décisif. En ce temps où l’on cherche à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, rares sont encore, en France, les ouvrages de synthèse sur la littérature proposant une vision dégagée de préjugés sexistes et permettant de comprendre la persistance de ces préjugés – ce que s’emploie à faire ce livre. Sa nouvelle édition, relue et corrigée, mais non réécrite1, offre l’occasion de mesurer le chemin parcouru et de réfléchir à l’évolution des problématiques, en particulier à l’apport de la notion de genre tant discutée. Je reviendrai dans cette postface sur la situation dans laquelle le livre a été écrit et les raisons pour lesquelles je l’ai écrit, et sur ce qui a changé en vingt-cinq ans, avant d’en commenter quelques aspects à la lumière de travaux parus depuis sa première publication.
Conditions d’écriture et enjeux d’un essai
Contre les mythes de l’écriture féminine
3La fin des années 1980 est marquée par un recul, ou du moins par une stagnation du féminisme et des études féministes. La réflexion sur les femmes et sur ce qu’on commence juste, et de façon très marginale en France, à appeler les questions de genre2 est en littérature encore largement dominée par la notion d’écriture féminine, expression dont il faut, parce qu’elle a pu être employée de façons diverses, rappeler la valeur précise qu’elle avait alors, avec les enjeux qu’elle a cristallisés. Au cours de la décennie précédente, des femmes écrivains avaient voulu affirmer et valoriser une différence longtemps stigmatisée dans la culture occidentale dominante, l’expression la plus mémorable de cette affirmation se trouvant sans doute dans Le Rire de la Méduse d’Hélène Cixous3. Cette différence, dans les discours de ses principales théoriciennes, était certes donnée pour irréductible au biologique – encore qu’elle fît une place majeure au corps féminin –, et irréductible à l’état civil – encore qu’elle s’inscrivît dans la dynamique du mouvement des femmes. Elle relevait certes d’un à-venir utopique plus que d’un donné déjà-là, et se refusait aux définitions arrêtées. Elle n’en demeurait pas moins différence, comme telle affirmée. Son succès médiatique multipliant les usages de la formule, celle-ci, détachée de ses implications philosophiques, tendait à se confondre avec l’idée banale d’une écriture des femmes, voire de (la) femme, différente par nature de celle des hommes – et cette confusion entretenait son succès. Grande était la fascination exercée, qui a incité de nombreuses femmes à écrire, suscité des (re)lectures à la lumière du féminin d’œuvres passées et présentes (au premier rang desquelles celle de Marguerite Duras4), et engagé des aventures éditoriales avec la création des éditions Des femmes et de collections dédiées aux femmes chez différents éditeurs. Non sans effets discutables puisque se constituait ainsi une nouvelle norme du féminin en littérature, impliquant plus ou moins explicitement oralité, inscription du corps, rapport à la mère, refus de la logique et de la syntaxe, sensualité et désordre... Pour être publiée, que ce soit comme créatrice ou comme critique, mieux valait alors, pour une femme, s’inscrire dans l’idéologie et l’esthétique de ce « féminin »-là.
4La notion ne faisait cependant consensus ni dans les milieux féministes, ni parmi les femmes écrivains, ni dans la critique. Mais les principales résistances littéraires émanant de femmes demeuraient peu largement audibles. Soit qu’elles ne formulent leurs réserves que sur un mode trop nuancé5 pour s’opposer efficacement à l’effet de manifeste. Soit qu’elles aient subi en France ce qui peut apparaître comme une sorte de défaite, ainsi quand Monique Wittig part vivre, écrire et enseigner aux États-Unis au cours des années 1970. C’est donc désormais de loin, au sens littéral comme figuré, qu’elle affirme une critique matérialiste lesbienne radicale, cherchant à faire entendre que l’écriture féminine, « c’est comme les arts ménagers et la cuisine6 », le nouveau nom d’une vieille oppression. Soit encore que la fin de non recevoir opposée par Nathalie Sarraute aux sollicitations récurrentes des critiques sur le sujet paraisse relever d’une sphère autre, d’une conviction classiquement universaliste sourde aux questions de différence et de différance. La position de Sarraute sera d’ailleurs souvent utilisée pour disqualifier toute réflexion sur la place des femmes, et toute pertinence à ce champ de réflexion critique7.
5Les oppositions féministes les plus nettes à un éloge féminin de la différence sont donc articulées en dehors de l’espace littéraire, en particulier par des sociologues, et ce contraste entre des champs disciplinaires auxquels sont identifiées les différentes positions théoriques se trouve encore amplifié à l’université. Celle-ci accueille en France plus tardivement, et avec plus de réticences que dans d’autres pays occidentaux, les recherches sur les femmes, qui s’y développent surtout dans des départements d’histoire ou de sociologie, ou à partir d’eux – à la notable exception de l’Université Paris 8-Vincennes où le département d’études féminines créé par Hélène Cixous en 1974 contribue à imposer une assimilation de fait entre étude des femmes en littérature et affirmation d’une différence féminine. Cette assimilation devient ainsi un prérequis implicite du discours universitaire sur le sujet – qui reste au demeurant peu légitime et marginal dans le monde académique. Le différentialisme étant souvent perçu, notamment aux États-Unis, comme une caractéristique de la culture française et une composante de la French Theory8, en faire la critique tend à passer pour une attitude de rejet ou de reniement d’une singularité française9. Martine Reid, jetant un regard rétrospectif sur la période dans Des femmes en littérature, estime ainsi que les rares travaux universitaires alors consacrés en France aux femmes auteurs avaient « le défaut d’indexer la production littéraire sur le sexe de l’auteure et de reconduire cette “évidence” sans chercher à l’interroger10 ».
6La Petite Sœur de Balzac s’inscrivait à contre-courant de cette évidence, en cherchant à la réfuter de façon argumentée. L’entreprise était malaisée, risquant de sonner comme une trahison : trahison d’une singularité française donc, dans une sorte de démission face à un modèle considéré comme anglo-saxon et associé au « politiquement correct » alors honni11. Mais trahison aussi d’une singularité littéraire au sein des études féministes en France – où la littérature était loin de prédominer, et plus largement des objectifs propres aux études littéraires dont le déclin s’amorçait alors, de façon encore peu marquée. Cette inscription à contre-courant éclaire pour large part la démarche que j’y adopte et les détours que j’opère, par l’histoire et par l’ailleurs, dans un essai qui s’autorise des libertés qu’une thèse n’aurait pas permises.
La nécessité de l’histoire
7Face à une mythification du féminin, l’histoire et la comparaison m’apparaissaient – et m’apparaissent toujours – comme les meilleurs recours critiques. L’histoire, dans un double sens : au sens où elle est évocation d’une culture du passé permettant de comprendre et d’interroger le présent – parce que l’interrogation que je voulais faire entendre me semblait impossible à soutenir directement depuis le champ contemporain, même si à l’évidence elle en venait. Je me suis donc tournée vers le xixe siècle, période où sont apparus en France les premiers mouvements collectifs d’affranchissement des femmes. Il me semblait pertinent de faire entrer en résonance les discours qu’on avait alors tenus sur les femmes écrivains et sur la littérature avec les débats qui marquaient le dernier tiers du xxe siècle, liés à l’essor du féminisme « de la deuxième vague12 ». Mais aussi au sens où la discipline historique se montrait plus ouverte à des approches féministes et plus prête à les admettre – avec prudence – dans l’Université13. Dans les vives discussions des historiennes (et de quelques historiens) sur la définition de ce qu’il fallait entreprendre : une histoire féministe (définie par son point de vue), une histoire des femmes14 (définie par la reconnaissance d’un nouvel objet), ou une histoire du genre (caractérisée par la mise en œuvre d’une nouvelle « catégorie d’analyse15 »), je trouvais des exemples féconds de réflexion et de méthode qu’il me paraissait nécessaire d’étendre à la littérature. D’autant que la littérature était souvent appelée à la rescousse pour écrire l’histoire des femmes, mais le plus souvent cantonnée dans un statut de source dont un point de vue littéraire ne pouvait pleinement se satisfaire.
8Ce détour par l’histoire avait été amorcé dans une recherche antérieure sur les écrits des féministes saint-simoniennes des années 183016. Leur analyse avait confirmé à mes yeux les faiblesses de l’idée d’écriture féminine, et les fâcheuses continuités que celle-ci présentait avec des discours de dévalorisation ou de minoration de la littérature féminine tenus dans les siècles précédents : inverser la polarité des valeurs n’annulait pas le geste de catégorisation. Elle m’avait aussi amenée à lire des femmes écrivains connues, comme George Sand, en remettant en cause les préjugés répandus à leur propos, et des femmes beaucoup moins connues dont l’intérêt intellectuel, politique et parfois littéraire me semblait réel. Je commençais à prendre la mesure de tout ce que nous ignorons et qu’il faudrait savoir non seulement pour lire et comprendre les femmes écrivains du passé, mais pour comprendre pleinement notre culture – passée et présente.
9De ces découvertes et de ces nouvelles curiosités, de mon insatisfaction à voir la notion d’écriture féminine s’institutionnaliser dans une version molle, de la volonté aussi de répondre aux questions qui surgissaient dans le dialogue avec des historiennes et des philosophes17 est né le désir de ce livre – imaginé sur le modèle de celui dont j’aurais aimé disposer pour faciliter mes propres recherches. Un de ces livres qu’on cherche sans les trouver sur les rayons des bibliothèques évoqués par Virginia Woolf dans Une chambre à soi18, essai dont la lecture a été pour moi décisive. Le titre, La Petite Sœur de Balzac, est un hommage à cette sœur de Shakespeare dont Woolf esquisse l’histoire imaginaire dans un des textes les plus brillants et les plus profonds qu’on ait écrit dans la culture occidentale sur les femmes et la littérature – sur la littérature.
La leçon de l’étranger
10Parce que Woolf y déploie une analyse menée avec un sens aussi précis de l’historicité que du langage, je trouvais dans son essai l’antidote cherchée face aux exaltations de l’écriture féminine – bien qu’il puisse être lu selon une perspective plus différentialiste19. Il me semblait aussi y percevoir une sympathie critique – parfois très critique – envers les femmes écrivains du passé, que je trouvais préférable au dédain volontiers affiché par le courant de l’écriture féminine envers « cette espèce d’écrivantes20 », dont il aurait fallu commencer par déduire « l’immense majorité dont la facture ne se distingue en rien de l’écriture masculine, et qui soit occulte la femme, soit reproduit les représentations classiques de la femme (sensible-intuitive-rêveuse, etc.)21 ». Woolf pourtant avait méconnu elle aussi des femmes de lettres britanniques du passé qu’il lui aurait été possible de lire à son époque22 – mais sans mépris thématisé, et surtout j’étais sensible à la puissante réparation symbolique qu’elle leur offrait par les pouvoirs de la fiction23.
11Lire et comprendre Woolf, et lire la critique féministe américaine contemporaine m’a ainsi entraînée dans un autre détour, par ces littératures de langue anglaise pour lesquelles il semblait possible de traiter autrement de la place des femmes. Restait cependant à savoir si cette différence d’approche d’avec la critique française tenait à des partis pris esthétiques et philosophiques, ou si elle était commandée d’abord par la différence des traditions littéraires elles-mêmes. Découvrant ou relisant romancières et poètes de langue anglaise (et constatant à cette occasion que cette lecture était facilitée par des publications en éditions modernes bien plus accessibles qu’en France), essayant de comprendre ce que les théories critiques féministes contemporaines leur devaient, j’aboutissais à une réponse nuancée. Les différences de tradition étaient certes d’un poids indiscutable, mais les modes de lecture forgés à partir de ces histoires différentes me semblaient pouvoir être appliqués à la tradition française et renouveler nos façons de lire. Faisant l’expérience qu’il est plus aisé de découvrir des textes de femmes et de leur rendre justice dans une autre langue et une autre culture, parce que la lecture est alors moins orientée d’emblée par les préjugés de la tradition scolaire, il me semblait que donner la chance d’une telle lecture qui combine curiosité de la découverte, sympathie et distance critique à tout écrit – de femme ou d’homme – pouvait définir l’ambition, éthique autant qu’esthétique, d’une critique féministe24, et plus généralement d’une transmission de la littérature.
12Ces lectures hors de l’espace français – aussi de textes allemands et russes – ont nourri ma réflexion de façon trop importante pour pouvoir être laissées ensuite en dehors du livre au moment de la rédaction. S’est ainsi constitué un corpus de textes de femmes écrivains des xixe et xxe siècles qui, sans obéir à une méthode rigoureuse, tenait plutôt d’une bibliothèque élective25 : Jane Austen, Marceline Desbordes-Valmore, Emily et Charlotte Brontë, George Sand, George Eliot, Emily Dickinson, Marina Tsvetaeva, Virginia Woolf, Nathalie Sarraute, Ingeborg Bachmann, Christa Wolf. Cette bibliothèque a fait le bonheur que j’ai eu à écrire ce livre et lui donne sa force de conviction, mais elle fait aussi sa singularité et son caractère hétérodoxe. D’autant qu’elle intervient en contrepoint d’un ensemble de textes français du xixe siècle lui-même hétéroclite, rassemblant des textes parfois totalement inconnus, rencontrés à travers les sources les plus diverses : périodiques ou correspondances du temps, biographies romancées, feuilles militantes ou volumes dépareillés trouvés par hasard chez des bouquinistes. Bribes de textes et d’expériences qui m’apparaissaient toujours préférables à ce très peu, voire ce presque rien des femmes qu’avant Internet et les facilités de la numérisation on pouvait trouver dans les grandes histoires littéraires, mais bribes qui auraient constitué des références pour certaines peu recommandables dans un travail universitaire sérieux. Une même liberté dicte le ton et l’écriture – emploi du je, formules à l’emporte-pièce, quasi-absence de notes et démonstration dont le rythme varie entre rapidité allusive et acharnement obstiné. C’était la liberté de qui écrit d’abord pour soi-même – et tel était bien le cas, avant que Monique Cahen, rencontrée grâce à Michelle Perrot, n’accueille avec bienveillance au Seuil ce projet atypique sans chercher à le plier à un protocole préétabli.
13Le livre me paraît aujourd’hui à la fois proche et lointain. Proche parce que, loin de m’être débarrassée du sujet pour passer à autre chose, comme je l’avais naïvement espéré, je n’ai pas cessé de m’y confronter, et parce que je me reconnais dans ses principales propositions que je soutiendrais encore pour la plupart aujourd’hui – parfois en d’autres termes ou d’autres inflexions. Lointain parce que tant de livres et de discussions ont entretemps modifié les façons de voir qu’on a du mal à se représenter la façon dont on abordait les questions au moment où il a été écrit. Je voudrais donc ici, dans un regard rétrospectif, tenter d’évoquer quelques débats et ouvrages qui ont produit cette transformation. S’agissant d’une période aussi longue et d’une production aussi riche et diverse, l’évocation ne peut être que sélective, et située par son objectif26 : éclairer le livre tel qu’il était, et les questions que soulève à mes yeux sa relecture.
Évolution des problématiques : vingt-cinq ans de débats et de travaux...
...féministes, sur les femmes, ou sur le genre ?
14Au moment où ce livre paraît, l’histoire des féminismes redevient un champ de recherches universitaires27, encore marginal cependant. Peu après, l’Histoire des femmes en Occident28 apporte une réponse de fait à la question posée quelques années plus tôt : « Une histoire des femmes est-elle possible29 ? » Les volumes consacrés au xixe et au xxe siècle accordent une place significative à la littérature30 envisagée à la fois comme source de représentations et comme moyen d’expression et de résistance, l’ensemble obligeant à reconnaître l’extrême fécondité d’un champ qu’il contribue à légitimer. Une revue se crée, Clio31, entièrement dédiée aux études portant sur « histoire, femmes et sociétés » – sous-titre remplacé en 2013 par celui de Femmes, genre, histoire. La question posée devient rapidement : « Une histoire sans les femmes est-elle possible32 ? », et lorsque paraît l’ouvrage portant ce titre, il est clair que pour les historiennes qui la posent, la réponse est non. La même année 1998, paraissent Les Femmes ou les Silences de l’histoire33 de Michelle Perrot, Les Femmes et leur histoire34 de Geneviève Fraisse, Écrire l’histoire des femmes35, première synthèse proposée en français sur ces questions d’historiographie par Françoise Thébault, republiée en 2007 sous le titre Écrire l’histoire des femmes et du genre.
15Comme les évolutions de ces titres en témoignent, la notion de genre commence à se diffuser dans la dernière décennie du xxe siècle36, modifiant les façons de dire et de voir – lentement, car son introduction se heurte à de multiples réticences. Au printemps 1989 se tient au CNRS un colloque « Sexe et genre : de la hiérarchie entre les sexes ». Il réunit des chercheuses françaises qui se déclarent majoritairement défiantes à l’égard de la notion, mais la publication37 à laquelle il aboutit montre que, dans de nombreuses disciplines, une interrogation sur et avec la notion de genre est à l’œuvre, et féconde. Elle ne touche toutefois qu’un public restreint et, pendant longtemps encore, des études importantes sur les femmes, les rapports sociaux de sexes et le masculin / féminin38 vont se poursuivre sans y faire appel39. Pour ne citer que deux exemples au début de la décennie 1990 : dans L’Étude et le Rouet40, la philosophe féministe Michèle Le Doeuff se demande comment on peut « être femme et philosophe » sans mention du concept de genre. L’année suivante, la revue Actes de la recherche en sciences sociales41 consacre deux numéros au masculin / féminin. Le deuxième contient l’article de Pierre Bourdieu « La domination masculine », qui deviendra l’ouvrage publié sous ce titre42. Aux analyses de terrain sur la Kabylie répond la lecture d’un roman de Virginia Woolf, La Promenade au phare, pour fonder une analyse de la masculinité comme libido dominandi. Il n’est question de genre ni dans les articles, ni dans les notes de lecture de ces numéros.
16Tandis que le genre peine à s’imposer dans les débats intellectuels français, la pensée de la différence a encore de beaux jours devant elle. Elle reste mieux médiatisée, et paraît toujours liée de façon privilégiée au champ de la littérature et des arts. En 1990, le colloque « Lectures de la différence sexuelle » accueille certes quelques propos critiques de la différence, mais ceux-ci disparaissent du volume publié en 1994 aux éditions Des femmes43. La diversité des points de vue exprimés dans le cycle « De la différence des sexes », au Centre Georges Pompidou au printemps 1992, tend pareillement à se perdre dans un titre qui, vu d’un peu loin, semble lui aussi réitérer l’affirmation de la différence. Seule peut-être l’insistance même pourrait suggérer l’existence d’un problème à des observateurs attentifs, ainsi lorsqu’Antoinette Fouque martèle qu’« il y a deux sexes44 », ou lorsque Luce Irigaray célèbre l’« être deux45 ».
17Outil critique des éloges de la différence, la notion de genre est ainsi en France bien ancrée du côté de l’histoire – d’autant plus que c’est un article de Joan Scott, « Genre : une catégorie utile d’analyse historique46 » qui, tôt traduit, a beaucoup contribué à sa diffusion. Mettant l’accent sur la critique des rapports de pouvoir et des paradigmes disciplinaires, la notion y connaît une évolution assez différente de celle à laquelle on assiste aux États-Unis, faisant quant à elle plus de place à la question des identités sexuelles47, déterminante dès la première émergence du concept. Malgré une définition largement partagée du genre comme construction, l’écart entre les devenirs intellectuels de part et d’autre de l’Atlantique s’accroît d’autant plus que, longtemps, on va ignorer – ou feindre d’ignorer – en France les infléchissements apportés par Gender Trouble48 aux usages du genre. Les analyses que développe Judith Butler, tout en s’inscrivant dans un héritage de la pensée féministe, viennent en effet remettre en cause toute définition simpliste du genre comme « sexe social » et toute distinction trop sommaire sexe / genre, et elles interrogent la possibilité même de se référer à une catégorie unifiée des femmes. En dépit de son vaste retentissement international, le livre n’est que tardivement traduit49, et sa discussion demeure de ce fait cantonnée d’abord à des cercles assez limités.
18Un tel phénomène d’ignorance, avec tous les décalages qu’il entraîne, ne se limite d’ailleurs pas aux ouvrages de Butler. Quand j’ai écrit La Petite Sœur de Balzac, je n’avais pas connaissance de livres dont la lecture aurait utilement nourri ma réflexion : ceux de Gayatri Chakravorti Spivak50, d’Eve Kosofsky Sedgwick51, de Donna Haraway52, mais aussi de Denise Riley53, écrivaine et chercheuse britannique, ou de Teresa de Lauretis, qui publiait en Italie et aux USA, dont je ne connaissais qu’Alice Doesn’t54. Les ayant lus, j’aurais sans doute écrit assez différemment les chapitres les plus théoriques du livre (4 sur l’antiféminisme, 7 sur la différence supposée d’écriture entre femmes et hommes, 8 sur l’exception et l’ordinaire). Or loin de se résorber par la suite, ce décalage s’est plutôt complexifié, une attitude de méfiance hostile à ce qui provient d’une pensée féministe états-unienne, surtout dans des perspectives lesbienne, queer ou intersectionnelle55, s’étant maintenue en France au moins jusqu’au milieu de la décennie 2000 – si tant est qu’on en soit vraiment sorti56. Rétrospectivement, cette attitude semble un peu relever d’une pensée magique : comme si, en ne traduisant pas ces ouvrages et en en parlant le moins possible, on espérait demeurer protégé des questions – notamment sur les identités – qu’ils soulèvent, questions présentées comme propres à la culture américaine et impertinentes au pays de l’universalisme républicain. Ces questions ont pourtant fini par rattraper la vie politique et intellectuelle française, où l’on aurait été moins démuni de ne pas se priver de telles réflexions. Non qu’il faille souscrire aveuglément à tous les modèles d’analyse élaborés outre-Atlantique, ni que ceux-ci puissent être plaqués tels quels sur la culture française. Mais pour en mener la critique – ou en tirer profit –, encore faut-il commencer par les connaître. En revanche le livre de Thomas Laqueur La Fabrique du sexe : essai sur le corps et le genre en Occident a paru chez Gallimard en 1992, très rapidement après sa première publication américaine57. La réception française très élogieuse ne semble pas toutefois avoir alors pleinement mesuré ce qu’impliquent le terme de genre figurant dans le sous-titre, ni la thèse qu’un « modèle des deux sexes » serait au cours du xviiie siècle venu se substituer au modèle « unisexe » antérieur, prévalant ensuite jusqu’à la période contemporaine – thèse qui devrait remettre en cause toute conception de l’anatomie comme destin. Les adversaires d’une imaginaire « théorie du genre » se déchaînent aujourd’hui pour bien moins.
19Cette attitude d’évitement du genre a lourdement pesé sur les recherches menées en France et sur leur diffusion. Pour des raisons variant entre prudence stratégique, refus argumenté et ignorance véritable, beaucoup se sont poursuivies sans recours explicite au concept ni au domaine des études de genre – dont elles auraient pourtant paru dans d’autres pays relever de façon évidente. L’usage d’autres intitulés, perçus comme plus recevables, a eu pour effet de rendre ce champ moins identifiable, en le privant d’un cadre d’intelligibilité et d’une cohérence visible, appuyée sur une histoire, des débats et des concepts propres au sein desquels s’inscrivent ces différents travaux. L’inventaire entrepris en 2010 par le CNRS montre bien la difficulté d’identifier ce champ longtemps innommable58, parfois à la limite de la schizophrénie ou de la diglossie. Car on persiste à ne pas employer une notion que semblent imposer non seulement les développements de la recherche mais aussi, de plus en plus, les institutions internationales – en faisant preuve d’une singulière résistance qui, malgré tout ce qu’on a déjà pu écrire sur le sujet, demanderait encore une analyse approfondie59. Surtout quand on observe que la pensée queer a, quant à elle, connu des traductions et une diffusion bien plus rapides60.
20Dès les années 1990, l’emploi du terme de genre se généralise en effet à travers des institutions internationales, avec des effets ambivalents – ces usages contribuant aussi bien à l’imposer qu’à le vider de sens, tout en renforçant les méfiances intellectuelles de tous bords à son endroit. Le terme anglais s’impose notamment après la quatrième Conférence mondiale sur les femmes organisée à Pékin par l’ONU en 1995, puis en Europe, avec l’encouragement du gender mainstreaming, par le 5e Programme cadre pour la recherche et le développement technologique61 financé par la Communauté européenne (1998-2002). Un début de structuration des études genre apparaît alors en France avec la création d’un réseau universitaire62 et la tenue d’un colloque sur « Le genre comme catégorie d’analyse : sociologie, histoire, littérature » en 200263. Mais les réticences de diverses natures – théoriques, politiques, idéologiques, culturelles – demeurent, qui se focalisent souvent sur le mot, volontiers réputé intraduisible en français, tandis qu’il paraît hors de question de l’utiliser en anglais (quelques années plus tard, ce refus se marquera par une caricature de la prononciation anglaise, notée djendeur sous la plume de ses détracteurs les plus hostiles). La condamnation est officialisée par la Commission générale de terminologie et de néologie, qui conclut son examen en décrétant que « la substitution de “genre” à sexe ne répond [...] pas à un besoin linguistique » et que « l’extension de sens du mot “genre” ne se justifie pas en français64 » – recommandation en principe toujours valide.
Parler de genre en littérature
21Dans un tel contexte, on ne s’étonne guère que l’ignorance ou la résistance soient particulièrement fortes dans les études littéraires. Pour exemple, la revue Romantisme publie en 1994 un numéro que son titre « Pouvoir, puissance, qu’en pensent les femmes65 ? » semble inscrire clairement dans une problématique de genre, mais sans s’y référer : la bibliographie qui le conclut comporte nombre de titres en anglais contenant le terme gender, le mot genre n’apparaissant dans aucun des titres français cités. De façon plus frappante encore, lors du colloque interdisciplinaire sur le genre organisé en 2002, la table ronde consacrée à la littérature montre qu’aucune des chercheuses invitées (à part moi) ne revendique l’utilisation du terme66, et il faut attendre jusqu’à la fin de la décennie pour qu’on assiste à une attitude vraiment nouvelle67. Quels sont donc les objections et problèmes invoqués ? Des difficultés lexicales d’abord, soulignées de longue date – et incontestables. À l’inconvénient très réel que présente en français l’existence d’un sens de genre comme catégorie classificatoire de l’histoire naturelle68, s’ajoute le risque de confusion avec le sens de catégorie de classement littéraire ou artistique (qui n’existe pas en anglais). Pour prendre la mesure des malentendus qui apparaissent quand le mot est employé dans un contexte littéraire ou artistique, il n’est que de se livrer à une recherche informatisée69. Néanmoins, ces questions de mots abritent des résistances plus profondes, animées par la conviction qu’une identité et une culture se trouveraient menacées à travers ce concept et les problématiques qu’il introduit. Sans doute le thème de la construction, qui a longtemps dominé sa définition lors de son introduction en France, introduit-il un motif de confusion supplémentaire dans la mesure où, en littérature, tout est toujours « construit » et fait de langage, ce qui rend plus difficile de cerner la portée du genre que lorsqu’on utilise le concept pour traiter de realia. Ces refus relèvent, d’un point de vue théorique et politique, de deux logiques inverses. Des critiques féministes radicales estiment qu’en polarisant l’attention sur la construction du genre, on risque d’une part de perdre de vue les femmes comme groupe et comme catégorie dominée, d’autre part de naturaliser la catégorie du sexe comme un donné non problématique. En revanche les critiques attachées à des valeurs traditionalistes, à des conceptions religieuses, et certains courants de la psychanalyse objectent que parler de construction revient à nier la différence des sexes, dans une attitude pathologique et pathogène, et menaçante pour l’ordre social. Des sensibilités éloignées peuvent d’ailleurs se rejoindre dans le rejet d’un modèle états-unien – ou perçu comme tel – peu à peu devenu un modèle global. Jusqu’aux années 2010, les études de genre restent donc dédaignées par les études littéraires, tandis que celles-ci pèsent de moins en moins dans le champ transdisciplinaire des études de genre70.
22Ce tableau trop rapide appelle cependant des correctifs. D’abord, on a néanmoins beaucoup écrit sur les femmes, les identités sexuelles et le genre (que le mot soit ou non employé) dans la littérature française, à l’étranger – souvent en français –, et même en France. Assez pour qu’il soit impossible de présenter ici une synthèse de cette production qui a considérablement changé le paysage académique par rapport à 1989. Ensuite, on assiste depuis quelques années à un revirement assez marqué. Des intitulés de programmes, de séminaires ou de livres mentionnent désormais volontiers le genre, des collections dédiées se créent dans l’édition universitaire71. Un tel changement s’inscrit dans une évolution générale encouragée par le CNRS72. Il relève aussi d’une transformation générale des études littéraires résultant de plusieurs facteurs. Le premier tient paradoxalement à leur crise73, générale dans les pays développés, aggravée pour les études françaises de leur régression au profit d’autres langues. La prise de conscience de cette situation pousse à modifier les programmes pour y introduire notamment plus de textes de femmes (et d’auteurs appartenant à d’autres groupes discriminés), et pour faire appel à de nouveaux modes de lecture (dont le genre, gender) susceptibles de sauver une discipline menacée en la présentant comme plus en résonance avec des préoccupations contemporaines. Amorcé dans des départements de littérature française hors de France, ce mouvement a vu s’imposer comme de nouvelles valeurs sûres des textes non seulement d’auteures contemporaines mais de femmes du passé, par exemple les récits de Mme de Duras redécouverts avec une admiration étonnée. Ourika fait ainsi l’objet d’une édition et d’une traduction en anglais par John Fowles74 dans la collection « MLA Texts and Translation » dès 1995, alors qu’il faut attendre 2007 pour que le récit soit disponible en français en édition courante75. C’est que cette évolution des programmes, d’abord perçue en France avec irritation comme un signe de déclin, finit par gagner l’hexagone, appuyée sur l’internationalisation des cursus : force est de constater que les femmes écrivains intéressent les étudiantes, et même les étudiants étrangers. Cette ouverture à leurs écrits permet en outre de proposer aux étudiant·e·s des sujets neufs de travaux de master, voire de doctorat.
23Cette évolution est aussi favorisée par un retour marqué et durable à l’histoire littéraire après les décennies dominées par des approches plus théoriques et poétiques, et va de pair avec une redéfinition de ce qui est englobé sous le nom de littérature, qui accueille désormais des objets plus divers et plus impurs, la presse, des corpus collectifs, et qui s’ouvre plus largement aux productions francophones – dans lesquelles la part des femmes est très importante76. Enfin le développement d’Internet, de la numérisation et des éditions électroniques a rendu plus accessibles des écrits d’auteures – comme d’auteurs – oubliées. Quand on soutient que bien des femmes ont écrit et publié par le passé des œuvres dignes d’intérêt, il est désormais plus facile de renvoyer à des textes consultables – la mise à disposition numérique s’accompagnant souvent de rééditions sur papier. Pour qui sait chercher, il est possible aujourd’hui d’accéder à beaucoup plus d’écrits de femmes – et à des informations sur ces femmes, voire à des études de leurs œuvres – qu’il y a vingt ans. En quelques heures, on trouve en naviguant sur Internet bien plus que dans des mois passés autrefois à la Bibliothèque nationale et dans des fonds spécialisés.
24Il faut certes s’en réjouir, mais sans entretenir d’illusions, car ces changements concernent un public limité. Pour trouver ces femmes et ces textes (établis et présentés avec des précisions inégales), il faut avoir envie de chercher et savoir déjà ce que l’on cherche. En revanche, les histoires littéraires non spécialisées, à usage universitaire ou non, les programmes d’enseignement et les manuels scolaires ont très peu pris acte des redécouvertes accumulées au cours de ces dernières décennies. On continue à enseigner à un large niveau la même vision et la même histoire d’une littérature où la présence de femmes créatrices reste minime et marginale, sans inviter à réfléchir aux causes d’une telle asymétrie des rôles dans la culture. Pire, la réduction des programmes, celle de la taille des livres et la volonté de « décloisonnement » ont plutôt fait diminuer le nombre de femmes écrivains figurant dans les manuels77. Si des enseignant·e·s souhaitent pourtant inscrire dans leurs programmes des textes de femmes originaux en éditions accessibles et de qualité, elles et ils découvrent vite la pauvreté de l’offre et la frilosité des éditeurs. Ainsi même l’œuvre romanesque de George Sand est-elle bien loin d’être intégralement disponible en édition de poche. Et si ces mêmes enseignants souhaitent disposer d’un cadre de lecture et d’intelligibilité pour aborder ces textes, ils trouvent moins d’ouvrages que dans d’autres langues et d’autres pays.
Lire La Petite Sœur de Balzac aujourd’hui
25La Petite Sœur de Balzac me paraît donc rester un livre utile, à la condition d’une double mise en perspective. Il faut se rappeler que la vision qu’il propose ne pouvait intégrer un certain nombre de travaux de l’histoire littéraire menés depuis, et que la réflexion y est formulée en des termes antérieurs aux débats critiques appelés par le concept de genre qui ont marqué les dernières décennies. Le livre relève cependant déjà, à bien des égards, d’une analyse au prisme du genre, et il pose un cadre qui rend possibles ses développements ultérieurs pour l’histoire littéraire et la littérature. Je dégagerai pour finir ce que sont, de ce point de vue, ses principaux apports à mes yeux, avant de pointer rapidement quelques questions.
Apports
26Le livre m’a conduite à poser deux grandes hypothèses : celle, encore non formulée comme telle en 1989, d’une minoration des femmes dans et par l’histoire littéraire, et celle – très explicite – d’un genre des genres littéraire. Il a aussi contribué à un certain nombre de (re)découvertes et de réévaluations.
La minoration des femmes écrivains dans et par l’histoire littéraire
27La première hypothèse est que la grande rareté d’écrivaines rencontrées dans l’histoire de la littérature (française) ne tient pas seulement à l’absence de femmes ayant pu écrire et publier dans les époques passées, mais qu’elle tient aussi pour bonne part à l’écriture même d’une histoire littéraire qui les méconnaît, les minore et les occulte de multiples façons. Repérer ce travail de l’oubli qui n’est ni continu, ni homogène, ni bien sûr toujours visible, en faire prendre conscience et en analyser les modalités apparaît comme une tâche majeure d’une critique féministe et d’une critique du genre. Pour évidente que la proposition puisse paraître aujourd’hui, il me faudra encore plus d’une dizaine d’années après le livre pour l’avancer en des termes aussi nets78.
28La fable de Judith Shakespeare, si frappante qu’elle soit, paraît en effet encore désigner les raisons de cette absence des femmes dans le seul passé, en ménageant la possibilité de croire que leur situation est ensuite allée s’améliorant. Or de nombreuses femmes étaient en fait parvenues à écrire, à publier, voire à être reconnues à leur époque parfois lointaine, qui ne figurent pas pour autant dans les histoires littéraires et n’y font l’objet – au mieux – que d’une transmission lacunaire qui les maintient dans un statut dévalorisé. Aussi la découverte de beaux et forts textes écrits par des femmes dont on n’a pas (ou mal) entendu parler se répète-t-elle de génération en génération. Et ces (re)découvertes discontinues n’ont pas jusqu’à présent entraîné une vraie transformation de la littérature transmise, parce que s’opposer au processus d’une telle invisibilisation exigerait de bouleverser toute la vision reçue de la culture. Une hiérarchie des valeurs intériorisée empêche donc lectrices, et parfois lecteurs, de (re)connaître la beauté, l’intérêt, l’originalité d’un très grand nombre d’œuvres de femmes – d’autant plus lorsqu’elles apparaissent irréductibles au « féminin ». Soit que lectrices et lecteurs les ignorent ; soit qu’ils les ait lues dans des conditions faisant qu’ils et elles s’en détournent ; soit encore qu’y étant sensibles, le poids de la tradition les dissuade de trop afficher des goûts illégitimes. La mémoire de ces lectures se trouve alors reléguée dans un jardin secret, elle reste entachée de bizarrerie et mal lavée de traces d’enfance dont il faudrait se détacher – comme Proust s’est détaché de l’admiration pour George Sand transmise par sa mère79. Ne pas opérer de telles prises de cette distance serait forcément un manque de goût, un signe d’immaturité, une preuve de sentimentalité ou une marque d’idéologie.
29Personne ne peut s’affirmer indemne de tels préjugés (j’ai appris au fil de mes recherches que je ne l’étais pas moi-même) dont la perpétuation repose sur trois convictions difficiles à ébranler :
301. Le mouvement de l’histoire ferait de la domination et du mépris des femmes une injustice aujourd’hui révolue, dans le monde occidental du moins.
31Il est plus facile de dénoncer cette illusion d’un progrès linéaire (qui peut s’inverser, sous la plume d’auteurs réactionnaires, en déploration de la décadence) que de s’en débarrasser vraiment – surtout quand on travaille sur le xixe siècle qui l’a si largement promue.
322. La littérature serait un domaine plus ouvert que d’autres, et plus favorable aux femmes.
33Si le constat paraît vérifié pour certaines périodes – Mme de Staël investit dans la littérature une puissance d’analyse qu’elle aurait certainement aimé déployer plus directement dans la sphère politique –, on ne peut pour autant en déduire que toutes les femmes sont accueillies sans réticence dans toutes les formes d’activité littéraire. La ligne qui partage les activités admises ou tolérables de celles où la présence féminine paraît outrecuidante est mobile, et parfois d’autant plus difficile à franchir que la défense n’est pas explicite. La tâche de la critique est de la rendre visible, de lui ôter toute naturalité et toute évidence, et de saisir ce qui se joue dans ses déplacements.
343. Les écrivains, intellectuels, critiques et universitaires qui écrivent les histoires de la littérature, hommes (et parfois femmes) éclairés, seraient plus dénués de préjugés sexistes que la moyenne de leurs contemporains. La faible présence de femmes créatrices dans les histoires qu’écrivent ces êtres de bonne volonté ne serait donc que l’enregistrement d’une vérité historique désolante, mais incontestable.
35Or l’histoire des xixe et xxe siècles montre au contraire que bien des intellectuels et des artistes y font preuve d’une hostilité particulière aux femmes, par peur à la fois de la concurrence qu’elles représentent et de ce qu’ils perçoivent comme une menace de dégradation symbolique si leur activité paraît se féminiser. Dans la défense de leur statut, leurs résistances se cristallisent autour des lieux de reconnaissance les plus valorisés (des « plafonds de verre » diraient aujourd’hui les sociologues), ainsi les « grands » genres, les éditeurs prestigieux, les avant-gardes reconnues comme telles. Il n’y a donc aucune raison de tenir l’histoire littéraire écrite par ceux qui développent de telles résistances pour un récit neutre et fiable, car elle connaît les mêmes peurs et les mêmes enjeux.
36Aussi, malgré un regain d’intérêt durable pour l’histoire littéraire et de nombreuses réflexions sur la constitution et la transmission des « canons » menées dans les dernières décennies, un travail immense reste à faire pour que des histoires littéraires sans préjugés de genre soient écrites et enseignées80.
Le genre des genres littéraires
37L’autre hypothèse fondatrice avancée dans La Petite Sœur de Balzac est celle d’un genre des genres. Je l’ai formulée pour tenter de traiter la contrainte binaire, difficilement contournable, du « écrire comme un homme » / « écrire comme une femme » sans que l’analyse en demeure prisonnière. La conception des genres littéraires m’est en effet apparue comme un des niveaux où peut se saisir l’articulation entre les modèles normatifs et les pratiques singulières – éventuellement transgressives. Dans la formulation de cette hypothèse, je voyais aussi une réponse à la polysémie si souvent objectée à l’usage du concept de genre en français, particulièrement dans les études littéraires. L’hypothèse d’un genre des genres en fait non plus un obstacle insurmontable mais un moteur de la réflexion – de façon encore intuitive et empirique dans ce livre, avant que je n’en précise une théorisation81 que je ne rappellerai ici que dans ses grandes lignes.
38Si, prêtant attention à la polysémie du mot genre, on se demande ce que les deux acceptions ont en commun, on est frappé par la proximité de la démarche argumentative entre les discours sur les genres littéraires et artistiques et les discours sur les modèles et rôles sociaux de sexes. Dans les deux cas, la visée est de définir et de décrire des catégories qui engagent l’existence et la nature de l’ensemble qu’elles composent : la littérature, l’humanité. Dans les deux cas, les mêmes questions insistantes se posent : ces catégories de genre ont-elles valeur descriptive (rapportant ce qu’est à l’observation un poème lyrique, une femme...), ou normative (posant ce qu’ils doivent être – sous peine de n’être pas et de se voir déniés reconnaissance et droit à l’existence) ? Ces catégories sont-elles fondées en nature, ou produites par une société donnée, partant historiquement situées – et donc variables ? Gérard Genette affirme que l’intérêt renouvelé de la fin du xxe siècle pour la théorie des genres tient à la « signification anthropologique du fait littéraire82 ». Si on le suit dans cette affirmation, il paraît difficile d’ignorer la portée anthropologique des interrogations sur la différence des sexes et sur les représentations qu’elle fonde, et nécessaire de les intégrer à une analyse des genres littéraires. Surtout pour le xixe siècle, où l’on assiste en outre, après la Révolution française, à une redéfinition simultanée de la littérature – dans ses limites, ses fonctions et ses hiérarchies –, et des rôles et modèles sexués.
39L’exploration de cette coïncidence historique et de cette analogie argumentative amène à découvrir combien les catégories (et en tout premier lieu les genres littéraires) dans lesquelles se pense et s’écrit la littérature font intervenir le genre (masculin / féminin) – parfois de façon explicite, mais aussi, très souvent, à travers un impensé qu’on peut saisir dans le lexique, les images ou les exemples. Dans les discours sur la littérature, un imaginaire générique83 est donc à l’œuvre, qui s’exerce à différents niveaux : la bipartition prose / poésie84 ; la caractérisation des genres (l’épopée serait masculine, l’épistolaire féminin85), mais aussi des sous-genres (le roman sentimental serait féminin, le grand roman de mœurs masculin), et encore des styles, voire des courants littéraires et des écoles (le romantisme étant souvent considéré comme féminin, le naturalisme comme masculin).
40Cette hypothèse d’un genre des genres a fourni par la suite le cadre de travaux centrés sur des genres précis, comme l’épistolaire, la poésie86, le récit de voyage87, la critique88, et s’est enrichie d’une réflexion sur les supports89. La formule est aujourd’hui devenue banale, ce qui ne veut pas dire qu’elle implique toujours un cadre précis d’analyse. Le jeu avec le mot genre peut relever d’une facilité rhétorique ou d’un usage simplement descriptif, faisant alors courir le risque de figer les catégorisations binaires – en présentant par exemple l’épistolaire ou le journal intime comme « féminins » en soi, la tragédie ou le roman réaliste comme « masculins ». Un tel danger est bien décrit par Joan Scott quand elle revient sur l’évolution générale du concept de genre qu’elle a contribué à fonder pour l’histoire – et je souscris à son analyse pour son usage en littérature :
Trop souvent, « genre » connote une approche programmatique ou méthodologique dans laquelle les sens donnés à « hommes » et « femmes » sont vus comme immuables ; l’enjeu consiste à décrire des rôles qui diffèrent, plutôt qu’à les interroger. Je pense que le genre ne peut demeurer utile que s’il dépasse cette approche, s’il est pris comme une invitation à réfléchir sur un mode critique à la manière dont les significations de corps sexués sont produites en relations les unes avec les autres, à s’interroger sur la manière dont ces significations se déploient et se modifient90.
(Re)découvertes et (re)lectures
41Au-delà de ces deux principaux apports théoriques, un des intérêts du livre reste d’attirer l’attention sur des femmes écrivains peu connues – dont certaines ont fait depuis l’objet de redécouvertes et, parfois, de rééditions. Des « femmes auteurs » comme Ulliac Trémadeure, des essayistes et polémistes comme Jenny d’Héricourt ou Julie Daubié, des femmes poètes91 comme Constance de Salm, née à une deuxième vie littéraire92 à la fin du xxe siècle, Malvina Blanchecotte93, Louise Colet, qui n’était pas que l’importune maîtresse de Flaubert94, Louise Ackermann... Le livre suggère aussi des modes de lecture qui renouvellent l’approche d’œuvres plus connues à rebours des idées reçues. Il n’allait pas de soi – il est sans doute un peu plus facile aujourd’hui – de soutenir que George Sand n’écrivait pas au fil de la plume et qu’elle avait une théorie de la littérature, même si celle-ci ne se donnait pas le nom de théorie. Il allait aussi à contre-courant de proposer des lectures de poèmes écrits par des femmes fondées sur une attention à leur syntaxe, alors que le refus de la syntaxe était érigé en dogme de l’écrire femme. Ce motif venait notamment de Marguerite Duras qui déclare, au début des Parleuses, que pour elle « le mot compte plus que la syntaxe95 ». Mais lorsque j’emprunte à Emily Dickinson sa formule « j’ai mis seulement la syntaxe » (voir chapitre 9) pour guider la lecture d’un de ses poèmes, et d’un poème de Desbordes-Valmore (plus souvent vue pourtant comme une sorte d’illettrée au grand cœur), je n’ai pas prêté attention au bel hommage – passé, je crois, totalement inaperçu – que Duras vient de rendre à Emily Dickinson justement, dans Emily L.96.
42C’est que de Duras, il n’est par ailleurs pas question dans le livre, ce qui me conduit pour finir à l’examen de quelques silences qu’il comporte. Ceux-ci portent à la fois sur la littérature du xixe siècle et sur la vie intellectuelle contemporaine.
Absences
Écrivaines du xixe siècle
43L’absence de certaines femmes écrivains du xixe siècle tient pour large part à l’état des connaissances et de l’édition que je viens d’évoquer, mais elle relève aussi de choix, pas toujours explicités. Si j’avais réécrit le livre pour cette nouvelle édition – ce que je n’ai pas voulu faire –, j’aurais probablement accordé plus d’importance à Mme de Duras, citée à plusieurs reprises mais sans référence précise à ses récits. À la fin du siècle, je ferais place à Rachilde97, si importante par sa production romanesque, son rôle dans la vie littéraire de son temps et ses jeux avec le motif de l’inversion, Rachilde dont l’absence paraît aujourd’hui inconcevable. Mais aussi à Marie Krysinska98, particulièrement intéressante par sa revendication assumée d’une invention formelle, celle du vers libre. Le mouvement qu’on a appelé improprement, à la suite de Charles Maurras, le « romantisme féminin » autour de 1900 (Renée Vivien, Anna de Noailles, Lucie Delarue-Mardrus) devrait être traité, non seulement pour l’intérêt propre de textes que j’ai, pour certains, méconnus, mais parce qu’il constitue une première reconnaissance collective d’écrivaines sur la scène littéraire, non dénuée d’ambivalence, mais marquant une étape importante dans la longue histoire du « féminin » au regard de la critique littéraire99. L’absence de Louise Michel me semble aujourd’hui inexplicable, si ce n’est par le fait que je voyais alors en elle une figure de militante héroïque plus qu’une écrivaine. Son œuvre considérable, inventive et diverse est aujourd’hui en cours de réédition100.
44Il n’était certes ni possible, ni souhaitable de parler dans un seul livre de toutes les femmes écrivains, mais les critères présidant aux choix auraient pu être plus explicites. Ainsi, je n’avais pas voulu accorder une importance centrale aux trois grandes écrivaines qui jalonnent le siècle – Germaine de Staël, George Sand et Colette – parce que même si elles ont pu être constituées en prototypes de la femme auteur (surtout George Sand), elles ont échappé largement à son statut. Une analyse de détail de leurs écrits aurait en outre exigé trop de place et déséquilibré l’ensemble. Faute d’être assez expliqué, le choix a pu étonner un certain nombre de lectrices et lecteurs, parfois indignés de leur faible présence (en particulier s’agissant de Colette). Sans doute choque-t-il moins aujourd’hui, car des approches renouvelées de l’histoire littéraire ont habitué à voir les figures majeures situées dans des tableaux d’ensemble. Parmi les critères qui ont guidé mes choix, il y avait également la volonté d’accorder une attention privilégiée aux métadiscours féminins sur les femmes et sur la littérature, et un goût plus marqué pour les œuvres appartenant à la première partie du siècle, ainsi qu’un intérêt pour la poésie dont il résulte un paysage assez différent de ce que produirait une histoire fondée surtout sur le roman101.
45Je ne m’arrêterai pas longuement sur cette absence de textes (re)découverts et pour certains réédités depuis : je crois qu’elle n’invalide pas un livre dont le propos n’est pas de livrer un tableau exhaustif, mais d’inviter à une compréhension critique nouvelle. Elle n’est pas néanmoins sans effet, car savoir et théorie se conditionnent mutuellement dans l’histoire littéraire, surtout quand il s’agit de se débarrasser des préjugés hérités. Ce sont de nouvelles questions posées au passé qui font à un moment donné découvrir, ou réévaluer des textes et des écrivain.e.s. Mais à leur tour ces découvertes accumulées modifient – ou devraient modifier – la compréhension que nous avons de la culture passée et présente. En un peu plus d’un siècle, cette compréhension a vu se succéder plusieurs schémas pour rendre compte de l’absence – ou de la faible présence – de femmes écrivains et artistes : une doxa misogyne ou antiféministe a d’abord affirmé que les femmes étaient incapables d’écrire, du moins des œuvres d’un intérêt réel et universel. Face à quoi les premières approches féministes ont mobilisé plusieurs modes de réponse : aux listes de femmes célèbres qui constituaient un premier geste fondamental102, avec ses limites (citer n’est pas forcément faire lire ni conférer une intelligibilité, et ne suffit donc pas à tirer de l’oubli ni de la marginalisation), elles ont ajouté des analyses pour expliquer que si les femmes avaient peu écrit, c’est que les rapports sociaux et toutes sortes d’interdits leur avaient rendu particulièrement difficile, voire impossible de le faire – conduisant à rêver sur des possibles inadvenus. Une autre étape a consisté ensuite à se demander si les femmes du passé avaient vraiment si peu écrit. Or pour répondre à cette dernière question, il faut accepter de réviser non seulement ce que l’on croit savoir des femmes, mais ce que l’on croit savoir de la littérature.
46La Petite Sœur de Balzac relève de cette dernière étape, sans toujours se dégager complètement d’une cartographie héritée des étapes antérieures, avec leurs préjugés et leurs idéologies. J’y tends encore trop parfois à tenir pour acquise l’exclusion des femmes de certains domaines – notamment les plus publics, comme le théâtre ou le journalisme. Or s’il faut certes expliquer comment et pourquoi l’accès aux genres « masculins » était si problématique, il faut aussi, au-delà des évidences, se demander si les femmes y étaient si absolument absentes, ce que ce livre n’a pas toujours fait suffisamment. Pour avoir simplement posé la question avec un peu d’obstination, on sait mieux aujourd’hui que de nombreuses femmes ont écrit pour le théâtre103 et réussi à être jouées, et qu’elles n’étaient pas totalement absentes de la presse104. En sens inverse, les genres tenus pour « féminins » doivent bien sûr être soumis au même examen critique. Non seulement aucune enquête ne permet d’établir que l’épistolaire et le roman sentimental sont des genres « féminins » comme on l’écrit encore si facilement (ils ne le sont certes pas par essence, mais ils ne le sont pas non plus proportionnellement ni statistiquement105), mais il ne va pas de soi que les périodes qui nous paraissent les plus favorables à la production féminine, voire marquées par son expansion, comme le début du xixe siècle, l’aient vraiment été – autrement que dans les représentations et les fantasmes. Les nombreux travaux, impossibles à résumer ici, qui se sont intéressés au roman sentimental106 constituent une illustration très remarquable de la façon dont une meilleure connaissance de textes plus nombreux et divers impose de changer les grilles de lecture. Ce que n’acceptent toujours guère de faire, jusqu’à présent, les histoires littéraires écrites en France107, on l’a dit.
Paysage contemporain et questions théoriques
47Mais autant que par ces manques – inévitables – de noms du xixe siècle, je suis frappée à la relecture par l’absence de certaines références contemporaines, et de certaines questions. Ni le nom de Simone de Beauvoir, ni celui de Monique Wittig n’apparaissent dans la bibliographie. Pourtant Simone de Beauvoir venait de mourir, en 1986. En elle j’admirais, autant que l’auteure du Deuxième sexe, une figure de référence engagée dans les combats féministes des années 1970 – mais ce n’est pas chez elle que je cherchais un cadre théorique pour penser les enjeux débattus dans le livre, gênée par les pages qu’elle avait consacrées aux femmes écrivains à la fin du Deuxième sexe, qui me semblaient aussi méprisantes pour les écrivaines passées et présentes que le passage cité plus haut du Rire de la Méduse. J’étais loin d’être seule dans ce cas, même si s’amorce alors une réappropriation féministe critique de l’œuvre de Beauvoir108, qui intégrera peu à peu ses différents aspects109. Quant à Monique Wittig, je n’en avais qu’une connaissance fragmentaire qui articulait mal ses positions radicales dans le mouvement des femmes contemporain avec ses livres antérieurs, notamment le premier, L’Opoponax. Ce n’est qu’après La Petite Sœur de Balzac que j’ai lu sa traduction de La Passion de Djuna Barnes, précédée d’une remarquable dénonciation de l’« écriture féminine110 » qui aurait évidemment dû être citée dans le livre. Ce silence sur un tel texte, s’il n’a rien de délibéré, est révélateur du statut réservé dans cette période à Wittig. Après avoir été une brillante jeune romancière reconnue par le prix Médicis en 1964, puis une militante fondatrice du mouvement des femmes, elle se trouvait de fait doublement à l’écart – comme femme féministe de la vie littéraire, et comme féministe matérialiste de la vogue de l’écriture féminine. Sa reconnaissance en tant que référence théorique majeure du lesbianisme radical allait ensuite être trop vite résumée dans la formule « les lesbiennes ne sont pas des femmes », au prix d’un certain oubli de son œuvre littéraire – dont est récente en France la redécouverte111. Le plus frappant reste à mes yeux que personne, en 1989, n’a relevé l’absence de ces deux noms, ni dans les recensions critiques ni dans les discussions qui ont suivi la sortie du livre – signe qu’elle relevait d’une vision partagée. La mémoire du féminisme, y compris dans ses composantes intellectuelles et littéraires, est une mémoire partielle et trouée, souvent victime du syndrome « année zéro112 ».
48Le silence sur Marguerite Duras s’explique plus aisément car son nom était alors, on l’a vu, très associé à l’idée d’écriture féminine, plus encore par des discours critiques113 que par les déclarations de Duras elle-même. Un regard rétrospectif fait apparaître combien la forte bipolarisation du débat autour du différentialisme a pu entraîner de simplifications et de points aveugles – des deux côtés. Le refus de la différence et de ce qui y est alors, à raison ou à tort, associé, me conduisait dans le livre à ignorer ou minorer un certain nombre d’apports et de questions. Ainsi s’explique la part assez faible accordée à la psychanalyse. J’avais beau la savoir plurielle, et savoir avec Foucault que c’est l’« honneur politique de la psychanalyse – ou du moins de ce qu’il a pu y avoir de plus cohérent en elle – d’avoir suspecté [...] ce qu’il pouvait y avoir d’irréparablement proliférant dans ces mécanismes de pouvoir qui prétendaient contrôler et gérer le quotidien de la sexualité114 », comme beaucoup d’autres féministes, je voyais surtout en elle un des grands discours d’assignation des femmes et de leur sexualité à la norme, tendant de surcroît à s’imposer comme un savoir surplombant et inévitable dès lors qu’il s’agissait des femmes dans la culture. Au-delà, par refus des thématiques obligées de l’écriture féminine, le livre s’intéresse peu, trop peu sans doute, à la sexualité et à l’écriture du corps (ceci formulé en termes d’époque, on emploierait aujourd’hui ces expressions au pluriel). Un tel choix ne fait, il est vrai, que reproduire l’attitude de bien des femmes écrivains du xixe siècle étudiées, notamment dans les textes que privilégie le livre – femmes qui, face au poids de la morale et des préjugés, évitaient souvent des sujets qui auraient eu pour effet de les enfermer dans le scandale en faisant écran à toute autre réception. Le geste revient cependant à ne pas interroger cette pratique, et à laisser dans l’ombre les écrits et les femmes qui ont bravé ces préjugés et les interdits. Il donne surtout à penser que toute écriture des sexualités et du corps relèverait nécessairement d’une idéologie de la différence – ce qui n’est pas le cas –, l’absence quasi totale de l’homosexualité confortant encore une telle vision. Sapho pourtant, et les amours lesbiennes, ont hanté la littérature et l’art du xixe siècle, de Balzac aux décadents en passant par Baudelaire. La question des relations entre femmes est évoquée par certaines femmes écrivains elles-mêmes de façon plus ou moins ouverte – au moins dans Lélia, de George Sand, et par les femmes poètes du « romantisme féminin » qu’on a parfois aussi désignées comme un mouvement « Sapho fin-de-siècle » (pour m’en tenir aux écrivaines mentionnées dans le livre)115. Même en l’absence de Wittig, ma bibliothèque élective invitait clairement à faire une place aux expériences homosexuelles dans l’interrogation sur les femmes et la littérature : avec Virginia Woolf et Orlando, bien sûr, mais aussi certaines pages d’Une chambre à soi, avec Marina Tsvetaeva qui adresse Mon frère féminin116 à l’« Amazone » Natalie Clifford-Barney. Surtout, la réflexion contemporaine avait imposé cette prise de conscience : rendant compte d’une rencontre organisée à la Fondation Maeght sur « les femmes et la création », la journaliste Katia D. Kaupp note ainsi en 1976 que « la créativité des femmes est du côté de leur homosexualité117 ». Mais le livre n’échappe pas à une reconduction de l’hétérosexualité comme norme culturelle autant que sociale et morale – de fait, si ce n’est d’intention.
49Le refus d’exalter la différence et de voir les femmes définies par elle détermine enfin des usages linguistiques eux aussi peu explicités lors de la publication, et qui appellent aujourd’hui quelques remarques. Dans le livre (et, par souci de cohérence, le plus souvent dans cette postface), je parle de femme écrivain, femme auteur, femme poète, en recourant très peu à des substantifs féminins, sauf lorsque ceux-ci sont totalement passés dans l’usage (romancière), ou épicènes (autobiographe). Une telle pratique s’inscrit elle aussi dans la continuité d’usages du xixe siècle – et de leur analyse proposée au début du livre. Elle semble en revanche ignorer les travaux de la Commission de terminologie menés depuis 1984, et la circulaire gouvernementale diffusée sur le sujet en 1986, tandis que la découverte, faite au fil de mes recherches, qu’on utilisait au tournant des xviiie et xixe siècles des formes féminines comme authoresses, auteuses ou auteures ne débouche pas sur leur emploi. Par attachement à des convictions universalistes, j’étais alors défiante vis-à-vis de noms qui, outre qu’ils risquent d’apparaître avant tout comme pittoresques et peu usités, catégorisent à part des femmes qui aspiraient justement à être reconnues comme artistes ou écrivains, sans spécification. Bien que cette aspiration à s’inscrire dans un universel et à pouvoir l’incarner aussi bien que les hommes me semble toujours fondamentale, les débats, l’évolution sociale et une réflexion approfondie sur la syntaxe de la langue française et son histoire118 me poussent aujourd’hui à adopter des principes moins rigides, et des pratiques plus novatrices. Pour faire reconnaître que les femmes ont joué et jouent un rôle dans la culture, il importe en effet de rendre leur présence et leur production manifestes dans la langue même. En revanche, aujourd’hui comme hier, il me semble que ces pratiques sont à penser non comme une féminisation119 des noms, encore moins de la langue, mais comme une lutte contre les usages discriminants, et comme une résistance aux visions de la langue qui tendent à perpétuer la confusion du masculin et de l’universel120. Je parle donc aujourd’hui – non sans difficultés encore, et d’autant plus grandes que beaucoup des intéressées refusent pas ailleurs le terme – d’écrivaines, disant en revanche sans hésitation la poète plutôt que la poétesse. Poétesse, quoique d’usage bien attesté dans l’histoire de la langue, apparaît particularisant et minorant, tout en ayant pu faire l’objet de réappropriations critiques identitaires. Alors que nul ne s’oppose à ce qu’on dise l’autobiographe en parlant d’une femme (l’élision de l’article devant la voyelle facilite encore les choses en rendant invisible le genre), ni la journaliste (même si la profession a longtemps été d’accès plus difficile aux femmes), la poète ferait problème. Non pour la forme du substantif, parfaitement recevable, non (seulement) parce qu’un nom féminin existe, mais parce que le poète a longtemps été vu comme celui qui exerce une puissance particulière du langage, qui a le pouvoir de nommer et de créer par les mots121 – poétesse permettant de prendre acte de ce que les femmes écrivent de la poésie sans leur reconnaître une telle puissance122. Ce dernier exemple montre combien, dans les usages de la langue, ce n’est jamais que de la langue qu’il est question, mais d’enjeux symboliques.
Un vaste chantier est toujours devant nous
50Moins encore qu’en 1989, le livre ne peut donc se donner comme une réponse aux questions qu’il soulève, mais il se voudrait incitation urgente à construire des réponses. Nous avons plus que jamais besoin de transmettre une connaissance de la littérature française et une vision de la culture qui ne portent pas une leçon de mépris et de discrimination envers les femmes – que l’on retrouve au principe de toutes les discriminations. Pour pouvoir transmettre une telle connaissance sans caricature ni perpétuation de la domination, la critique des idéologies de la différence reste fondamentale à mener. Elle est d’autant plus nécessaire que ces idéologies se réinventent sans cesse sous de nouvelles formes123, et qu’elles l’ont emporté dans les présentations les plus répandues de l’histoire littéraire et intellectuelle récente, contribuant à rendre inintelligibles certains débats, et invisibles les courants et les personnes qui s’y sont opposés ou ont tenté d’y échapper. Il reste souhaitable que cette transmission critique soit menée – non exclusivement, mais aussi – d’un point de vue littéraire, car s’il n’est ni le seul possible ni le seul légitime, ce point de vue implique des modes de compréhension propres dont on aurait tort de se priver124. Il est souhaitable aussi que cette relecture critique de l’histoire, comme la réflexion au présent, parvienne à s’arracher à une polarisation simpliste entre différentialisme et constructivisme125. Ces catégories, tout en fournissant un cadre d’analyse pertinent et nécessaire, tendent en effet à figer les positions dans un autre carcan binaire dont il est difficile de se déprendre alors que de nouveaux enjeux apparaissent. En particulier, il appartient au courant constructiviste critique de se réapproprier des questions à tort considérées comme relevant de l’autre pôle et jusqu’alors trop esquivées : le corps, les sexualités, la nature126. Le mode de classement désormais classique établi par Françoise Collin des théories de la différence des sexes127, en proposant de distinguer trois courants : l’universalisme égalitaire (il y a de l’un), le différentialisme (il y a du deux), et le queer ou le postmodernisme (ni un ni deux), invite dès 2000 à un dépassement du binarisme. Néanmoins, il ne me paraît pas certain que la déprise du cadre binaire ne passe que par la voie du queer – qui peut d’ailleurs s’entendre différemment comme neutre, multiple, ou instable –, car nous ne pouvons certes pas nous considérer comme débarrassés des assignations identitaires, ni des rapports sociaux et symboliques de domination et d’exclusion qui nous renvoient toujours à l’affrontement des deux premiers courants.
51Or pour développer une pensée critique non réifiante de ces rapports et de ces assignations, la littérature a encore beaucoup à nous apprendre. Elle a constitué, au cours des deux derniers siècles, un espace d’interrogations (visibles ou souterraines) des normes de genre, et un lieu privilégié de compréhension, de rêverie, d’écart, de possible constitution de soi comme autre pour lectrices et lecteurs. Même si aujourd’hui les grands vecteurs de représentation se sont à un niveau de masse déplacés vers d’autres pratiques et d’autres supports, la littérature demeure irremplaçable comme mémoire et transmission d’une culture, mais aussi parce qu’elle fonde une communauté intangible tout en s’adressant aux lecteurs et lectrices une par une, un par un, proposant par là un mode sans équivalent d’appropriation subjective critique et de contestation utopique des normes de genre.
Notes de bas de page
1 La cohérence du livre tient à la situation historique et intellectuelle dans laquelle il a été écrit, qu’essaie d’éclairer cette postface. Compléter et transformer aurait peu de sens, car c’est bien sûr un autre livre que j’écrirais aujourd’hui. En revanche j’ai modifié des formulations et tournures datées, introduit quelques rares rectifications et commentaires en note, et modernisé certaines références bibliographiques.
2 Sur l’introduction de la notion, voir infra « Évolution des problématiques : vingt-cinq ans de débats et de travaux... féministes, sur les femmes, ou sur le genre ? ».
3 Hélène Cixous, Le Rire de la Méduse et autres ironies, F. Regard (préf.), Galilée, 2010 (première publication en 1975 dans un numéro spécial de l’Arc consacré à « Simone de Beauvoir et la lutte des femmes »).
4 Marguerite Duras & Xavière Gauthier, Les Parleuses, Éditions de Minuit, 1974 ; Marcelle Marini, Territoires du féminin avec Marguerite Duras, Éditions de Minuit, 1977.
5 « Qu’ils n’essaient pas une fois de plus de nous assigner à résidence forcée sous prétexte de nous reconnaître [...]. Ainsi des mieux intentionnés qui décrètent gravement : le langage-femme, c’est le flux. Et s’il me plaît à moi de n’être pas flux, ne serai-je plus femme ? », Françoise Collin, « Polyglo(u)ssons », Les Cahiers du GRIF, 1976, no 12, p. 8.
6 Monique Wittig, « Avant-note » à Djuna Barnes, La Passion, Flammarion, 1982, p. 8.
7 Jean-Yves Tadié, interrogé sur la littérature féminine à propos de La Littérature française : dynamique & histoire, ouvrage qu’il a dirigé chez Gallimard en « Folio essais », déclare ainsi : « J’en avais discuté avec ma grande amie Nathalie Sarraute, qui disais : “Quand j’écris, je ne suis ni homme ni femme.” C’est en vivant en Angleterre que j’ai vu apparaître les Women’s Studies, avec les Gay and Lesbian Studies. Ça ne me plaisait pas beaucoup. Je suis, dans tous les domaines, anti-communautariste. [...] Il est, c’est absolument vrai, important de montrer, lorsque c’est le cas, que les femmes ont pu être opprimées ou oubliées. Mais inverser le problème, c’est-à-dire montrer que Mme de Sévigné est sublime parce que femme, je n’y crois pas », Fabula-LhT, no 7, « Y a-t-il une histoire littéraire des femmes ? », avril 2010, en ligne : www.fabula.org/lht/7/tadie.html (février 2015).
8 Sur cette notion, voir François Cusset, French Theory : Foucault, Derrida, Deleuze & Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux États-Unis, La Découverte, 2003.
9 Notion exemplairement développée dans le livre plus tardif de Mona Ozouf, Les Mots des femmes : essai sur la singularité française, Fayard, « L’esprit de la cité », 1995.
10 Martine Reid, Des femmes en littérature, Belin, 2010, p. 11.
11 « Les études féministes sont-elles contraires au génie français ? » demandait en 1991 Christine Delphy, dans un éditorial de la revue Nouvelles Questions Féministes, qui avait pendant quatre ans cessé de paraître faute d’éditeur et de subventions (no 16-17-18, « Particularisme et universalisme », 1991, p. 3).
12 Cette expression, qui peut prêter à discussion, désigne les mouvements féministes qui ont émergé d’abord dans les pays occidentaux dans les années 1960. Voir notamment Éliane Gubin et al. (dir.), Le Siècle des féminismes, M. Perrot (préf.), Les Éditions de l’Atelier / Éditions ouvrières, 2004 ; Christine Bard (dir.), Le Féminisme de la deuxième vague, Presses universitaires de Rennes, 2012.
13 Michelle Perrot enseigne l’histoire des femmes à l’Université Paris 7, où j’ai animé avec Michèle Riot-Sarcey et Éléni Varikas le séminaire « Femmes sujets de discours, femmes sujets d’histoire » de 1986 à 1988. Une partie des travaux est publiée dans « Silence, émancipation : des femmes entre privé et public », M. Perrot (préf.), Cahiers du CEDREF, no 1, 1989. Marie-France Brive enseigne l’histoire des femmes à Toulouse II, où elle organise en 1989 le colloque sur « les femmes et la Révolution française », publié la même année aux Presses universitaires du Mirail en trois volumes.
14 Michelle Perrot (dir.), Une histoire des femmes est-elle possible ?, Rivages, 1984 ; Cécile Dauphin et al., « Culture et pouvoir des femmes : essai d’historiographie », Annales ESC, mars-avril 1986 ; Georges Duby & Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, 5 vol., Plon, 1990-1992.
15 Joan Scott, « Genre : une catégorie utile d’analyse historique », article que nous avons traduit et publié avec Michèle Riot-Sarcey et Éléni Varikas dans Les Cahiers du GRIF, no 37-38, « Le genre de l’histoire », 1988, en ligne : www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/grif_0770-6081_1988_num_37_1 (février 2015).
16 C. Planté, Les Saint-simoniennes ou la Quête d’une identité impossible à travers l’écriture à la première personne, thèse de lettres, Université Paris III, 1983 ; « Les féministes saint-simoniennes : possibilités et limites d’un mouvement féministe en France au lendemain de la révolution de 1830 », dans Jean-René Derré (dir.), Regards sur le saint-simonisme et les saint-simoniens, Presses universitaires de Lyon, 1986 ; « Le Livre nouveau des saint-simoniens : théorie du langage ou religion de la parole ? », dans Henri Meschonnic (dir.), Le Langage comme défi, Presses universitaires de Vincennes, 1992.
17 En particulier Michèle Riot-Sarcey, Éléni Varikas et Nicole Edelmann, du côté des historiennes ; Geneviève Fraisse, Françoise Collin et Françoise Armengaud du côté des philosophes.
18 Virginia Woolf, Une chambre à soi [1929], C. Malraux (trad.), Denoël, 1980. Il existe une traduction plus récente par Élise Argaud, sous le titre Une pièce bien à soi, Rivages, 2012. Pour une réflexion sur l’écriture de l’histoire des femmes, voir Christine Planté, « Judith Shakespeare, ou la fiction comme histoire des outsiders », dans Laurent Colantonio & Caroline Fayolle (dir.), Genre et utopie : avec Michèle Riot-Sarcey, Presses universitaires de Vincennes, 2014.
19 Frédéric Regard, La Force du féminin : sur trois essais de Virginia Woolf, La Fabrique, 2002.
20 La formule fait entendre la distinction établie par Barthes entre écrivants et écrivains, dans un article repris dans Essais critiques en 1964 aux Éditions du Seuil. Les écrivants resteraient dans l’ordre de la transitivité et de la communication, les seuls écrivains se livrant à un véritable travail d’écriture, à même d’interroger le sens du monde.
21 Hélène Cixous, Le Rire de la Méduse et autres ironies, F. Regard (préf.), Galilée, 2010, p. 43.
22 Plusieurs anthologies de femmes poètes britanniques avaient paru au cours du xixe siècle, et les œuvres de Felicia Hemans, Elizabeth Barret-Browning et Christina Rossetti auraient dû dissuader Woolf d’affirmer que les femmes n’ont presque pas écrit de poésie. Je remercie Ina Schabert pour sa remarque sur ce sujet.
23 Voir Christine Planté, « Judith Shakespeare, ou la fiction comme histoire des outsiders », dans Laurent Colantonio & Caroline Fayolle (dir.), Genre et utopie : avec Michèle Riot-Sarcey, Presses universitaires de Vincennes, 2014.
24 Christine Planté, « Est-il néfaste pour qui veut lire de penser à son sexe ? Notes sur la critique féministe », Compar(a)ison, revue internationale de littérature comparée, no 1993-1, « Reading otherwise ? La critique des femmes », Evelyne Ender (dir.), 1993.
25 Si rétrospectivement ce geste qui consiste à convoquer ensemble une série de femmes écrivains contre les mythes de l’écriture féminine m’apparaît paradoxal, je constate qu’il n’est pas sans rapport avec celui de romancières contemporaines, de Geneviève Brisac (La Marche du cavalier, Éditions de l’Olivier, 2002) à Lydie Salvayre (Sept femmes [2013], Points, 2014).
26 Il convient donc de ne pas attribuer les absences à des jugements de valeur, mais aux limites d’un tel exercice.
27 Voir Laurence Klejman & Florence Rochefort, L’Égalité en marche : le féminisme sous la Troisième République, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques / Des femmes, 1989 ; Christine Bard, Les Filles de Marianne, 1914-1940, Fayard, 1995 ; Michèle Riot-Sarcey, La Démocratie à l’épreuve des femmes : trois figures critiques du pouvoir, 1830-1848, A. Michel, 1994 ; Michèle Riot-Sarcey, Histoire du féminisme, La Découverte, « Repères », 2002 ; Éliane Gubin et al. (dir.), Le Siècle des féminismes, M. Perrot (préf.), Les Éditions de l’Atelier / Éditions ouvrières, 2004. Rappelons qu’il existait depuis le début du xxe siècle quelques importants ouvrages et thèses de référence sur le sujet, de Léon Abensour, Jules Puech, Édith Thomas, Marguerite Thibert...
28 Georges Duby & Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, 5 vol., Plon, 1990-1992. L’ouvrage à d’abord paru en Italie aux éditions Laterza.
29 Michelle Perrot (dir.), Une histoire des femmes est-elle possible ?, Rivages, 1984.
30 Avec notamment les articles de Marie-Claire Hoock-Demarle, « Lire et écrire en Allemagne » (vol. 4) et de Marcelle Marini, « La place des femmes dans la production littéraire » (vol. 5).
31 Clio a consacré plusieurs numéros à la culture dans une approche pluridisciplinaire, notamment « Parler, chanter, lire, écrire » (no 11, 2000) dirigé par les anthropologues Daniel Fabre et Agnès Fine, et « Écrire au quotidien » (no 35, 2012) dirigé par Isabelle Lacoue-Labarthe et Sylvie Mouysset.
32 Anne-Marie Sohn & Françoise Thelamon (dir.), Une histoire sans les femmes est-elle possible ?, Perrin, 1998.
33 Michelle Perrot, Les femmes ou les Silences de l’histoire, Flammarion, 1998.
34 Geneviève Fraisse, Les Femmes et leur histoire, Gallimard, « Folio », 1998.
35 Françoise Thébault, Écrire l’histoire des femmes, ENS éditions, 1998 ; et Écrire l’histoire des femmes et du genre, A. Corbin (préf.), ENS éditions, 2007.
36 Notons la création en 1992 des Cahiers du genre (auparavant Cahiers du GEDISST), des cahiers Travail, genre et société (avant Cahiers du MAGE) en 1999, et celle des revues en ligne Genre et histoire en 2007, et Genre, sexualité et société en 2009.
37 Marie-Claude Hurtig, Michèle Kail & Hélène Rouch (dir.), Sexe et genre : de la hiérarchie entre les sexes, Éditions du CNRS, 1991.
38 Formule utilisée dans différents champs disciplinaires pour transposer en français une partie de la problématique et des enjeux de genre. Ainsi par Françoise Héritier en anthropologie : Masculin-Féminin I. La pensée de la différence [1996], O. Jacob, 2002 ; Masculin-Féminin II. Dissoudre la hiérarchie, O. Jacob, 2002 ; par la revue Actes de la recherche en sciences sociales. J’y ai moi-même recours dans Masculin / féminin dans la poésie et les poétiques du xixe siècle, Presses universitaires de Lyon, 2003 (livre issu d’un colloque tenu à Lyon en 1998) ; et dans le dossier « Féminin / Masculin – écritures et représentations », publié dans Lieux littéraires / La Revue, no 7-8, 2005.
39 Une mention du genre (gender) est toutefois présente sous la plume de Pauline Schmitt-Pantel, dans l’introduction au volume 1 de l’Histoire des femmes en Occident, Plon, 1990, p. 25.
40 Michèle Le Doeuff, L’Étude et le Rouet : des femmes, de la philosophie, etc., Éditions du Seuil, 1989.
41 Actes de la recherche en sciences sociales, no 83-84, « Masculin / féminin », juin et septembre 1990. Dans le premier, Monique de Saint-Martin, dans l’article « Les “femmes écrivains” et le champ littéraire », évoque La Petite Sœur de Balzac dont elle retient divers aspects, mais non l’hypothèse du genre des genres.
42 Publié en 1998, il va contribuer de façon importante à légitimer l’analyse des rapports entre les sexes comme rapports de pouvoir, sous la plume d’un professeur au Collège de France. La critique féministe qui a précédé Bourdieu dans de telles analyses n’en demeure pas moins invisible. Sur ce sujet, voir Les Temps modernes, no 604, mai-juillet 1999 (notamment Nicole-Claude Mathieu, « Bourdieu ou le pouvoir auto-hypnotique de la domination masculine ») ; Clio, no 12, 2000 (critique d’Agnès Fine) ; Mouvements, no 24, 2002 (« La critique féministe et La Domination masculine : table ronde avec Anne-Marie Devreux, Éric Fassin, Helena Hirata, Ilana Löwy et Catherine Marry »).
43 Mara Negron & Hélène Cixous (dir.), Lectures de la différence sexuelle, Des femmes, 1994. Le colloque s’est tenu au Collège international de philosophie en octobre 1990 à l’initiative du Centre de recherches en études féminines de l’Université Paris 8-Vincennes.
44 Antoinette Fouque, Il y a deux sexes [1995], Gallimard, 2004.
45 Luce Irigaray, Être deux, Grasset, 1997. Notons que la présentation du livre évoque « le rapport des genres » comme occasion d’une autre culture et d’un renouveau démocratique. Quoique repris, le concept se trouve vidé de sa puissance critique par le passage au pluriel.
46 Joan Scott, « Genre : une catégorie utile d’analyse historique », art. cité, voir supra note 15.
47 Le terme est en ce sens d’abord utilisé par John Money, puis Robert Stoller, dans les années 1960, pour analyser la situation de patients intersexes. Voir Laurie Laufer & Florence Rochefort (dir.), Qu’est-ce que le genre ?, Payot, 2014. Notamment, pour l’histoire du mot en anglais et en français, Yannick Chevalier & Christine Planté, « Ce que le genre doit à la grammaire ».
48 Judith Butler, Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity, Routledge, 1990 (deuxième édition avec une importante préface en 1998).
49 Judith Butler, Trouble dans le genre : le féminisme et la subversion de l’identité [1990], C. Kraus (trad.), É. Fassin (préf.), La Découverte, 2005.
50 Gayatri Chakravorti Spivak, Les subalternes peuvent-elles parler ? [1988], J. Vidal (trad.), Amsterdam, 2006 ; En d’autres mondes, en d’autres mots : essais de politique culturelle [1987], F. Bouillot (trad.), Payot, 2009.
51 Eve Kosofsky Sedgwick, « Construire des significations queer », dans Didier Eribon (dir.), Les Études gay et lesbiennes, Éditions du Centre Pompidou, « Supplémentaires », 1998 ; Épistémologie du placard [1991], M. Cervulle (éd. & trad.), Amsterdam, 2008.
52 Donna Haraway, Manifeste cyborg et autres essais : sciences-fictions-féminismes, L. Allard, D. Gardey & N. Magnan (éd.), Exils, 2007 [A Cyborg Manifesto a paru d’abord en 1985] ; et Des singes, des cyborgs et des femmes : la réinvention de la nature [1991], O. Bonis (trad.), M.-H. Bourcier (préf.), J. Chambon, 2009.
53 Denise Riley, Am I that Name? Feminism and the Category of “Women” in History, Macmillan, 1988.
54 Teresa de Lauretis, Alice Doesn’t: Feminism, Semiotics, Cinema, Indiana University Press, 1984 ; et Differenza e indifferenza sessuale, Estro Editrice, 1989. Les traductions en français commencent avec Théorie queer et cultures populaires : de Foucault à Cronenberg, M.-H. Bourcier (trad.), P. Molinier (préf.), La Dispute, « Le genre du monde », 2007.
55 La pensée queer (« bizarre ») développe dans la logique des travaux de Judith Butler et Eve Kosovsky Sedgwick une critique des identités ; l’intersectionnalité est un concept forgé par Kimberlé Crenshaw pour penser l’articulation entre différentes formes et catégories de domination et discrimination (voir « Cartographie des marges : intersectionnalité, politiques de l’identité et violences contre les femmes de couleur », Les Cahiers du genre, no 39, 2005).
56 Un certain nombre de traductrices, traducteurs, institutions et lieux éditoriaux ont joué un rôle important dans l’introduction de ces ouvrages et la lutte contre les refus a priori, dont les éditions Amsterdam, les éditions EPEL, La Revue internationale des livres et des idées, les éditions La Découverte, notamment la collection « Textes à l'appui / Genre & sexualité » dirigée par Éric Fassin et Elsa Dorlin, et les traductions soutenues par l’Institut Émilie du Châtelet.
57 Thomas Laqueur, Making Sex: Body and Gender From the Greeks to Freud, Harvard University Press, 1990.
58 Il donne aux personnes interrogées le choix, pour situer leurs recherches, entre les champs suivants : « genre ; rapports sociaux de sexe ; égalité / inégalité / discriminations ; pouvoir et domination ; identités sexuelles et sexualités ; féminin/masculin ; femmes ; féminisme ; autre » ; et les invite à les caractériser comme : « études du genre ; études féministes ; études féminines ; études sur les femmes ; études queer ; épistémologie du genre / féministe ; épidémiologie de la santé des femme et des hommes ; autre », Les Recherches sur le genre et / ou les femmes en France : analyses du recensement national réalisé par le CNRS, 2014.
59 Bien des éléments ont été avancés pour analyser ces résistances. Voir, tout récemment, Geneviève Fraisse, Les Excès du genre : concept, image, nudité, Lignes, 2014.
60 Marie-Hélène Bourcier, Queer Zones [2001], Amsterdam, 2006 ; François Cusset, Queer critics, la littérature déshabillée par ses homos-lecteurs, Presses universitaires de France, 2002 ; Pascal Le Brun-Cordier & Robert Harvey, « Queer, repenser les identités », Rue Descartes, no 40, 2003 ; Marie-Hélène Bourcier, Queer Zones 2 : sexpolitiques, La Fabrique, 2005 ; et Queer Zones 3 : identités, cultures et politiques, Amsterdam, 2011.
61 Dans le cadre de ce programme, l’expression gender mainstreaming peut être diversement traduite, ainsi par « intégration des politiques d’égalité entre hommes et femmes », ou « intégrations de la dimension de genre, ou des questions de l’égalité des sexes, ou d’une perspective sexospécifique ».
62 Avec la création du RING, Réseau interuniversitaire interdisciplinaire national sur le genre, qui est d’abord un « PlanPluriFormation », à l’initiative d’un collectif d’enseignantes-chercheuses de différentes équipes et universités, notamment Paris 7-Diderot, Paris 8-Vicennes, Lumière Lyon 2, Toulouse II. Il coexiste avec l’ANEF (Association nationale des études féministes), créée en 1989. Le RING est reconnu en 2009 comme Fédération de recherche par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Un premier recensement national des enseignements et des recherches sur le genre en France est initié, le rapport étant rédigé par l’ANEF en 2003.
63 Dominique Fougeyrollas-Schwebel et al. (dir.), Le Genre comme catégorie d’analyse : sociologie, histoire, littérature, L’Harmattan, « Bibliothèque du féminisme / RING », 2003.
64 Commission générale de terminologie et de néologie, « Recommandation sur les équivalents français du mot gender », Bulletin officiel no 34, 22 septembre 2005, en ligne : www.education.gouv.fr/bo/2005/34/CTNX0508542X.htm (février 2015).
65 Romantisme, no 85, « Pouvoirs, puissances : qu’en pensent les femmes ? », Nicole Mozet (dir.), 1994 ; la bibliographie est due à Michèle Riot-Sarcey.
66 Mireille Calle-Grüber dit développer des « analytiques de la différence sexuelles » ; Marcelle Marini prend ses distances avec une notion qu’elle emploie peu sans toutefois la rejeter ; Éliane Viennot ne lui reconnaît qu’une pertinence théorique et pédagogique limitée ; Hélène Marquié, qui travaille sur la danse, préfère caractériser sa recherche comme féministe ; je revendique un usage critique.
67 Lors du colloque « La littérature en bas-bleus » de 2009, une table ronde « Genre, gender : conjonctions et disjonctions » (animée par Audrey Lasserre, avec Catherine Nesci, Martine Reid et moi-même) confronte des définitions, histoires et usages différents du concept, dans un consensus sur l’utilité de celui-ci pour penser la place des femmes, les rapports hommes / femmes et féminin / masculin dans la littérature. Voir Andrea del Lungo & Brigitte Louichon (dir.), La Littérature en bas-bleus : romancières sous la Restauration et la monarchie de Juillet (1815-1848), 2 vol., Garnier, 2010-2013, en ligne : www.fabula.org/atelier.php?Genre_-_Gender (février 2015).
68 C’est l’objection la plus sérieuse à mes yeux, qui m’a d’abord fait hésiter devant l’adoption du concept, quand il n’avait pas encore permis toutes les recherches qui l’ont rendu incontournable. Voir Christine Planté, « La confusion des genres », dans Marie-Claude Hurtig, Michèle Kail & Hélène Rouch (dir.), Sexe et genre : de la hiérarchie entre les sexes, Éditions du CNRS, 1991.
69 Si par exemple on fait une recherche sur le site Fabula en saisissant le mot genre, des résultats qui concernent la théorie et l’histoire des genres littéraires arrivent en tête. Mais à partir de la deuxième page viennent des comptes rendus, colloques, tables rondes sur « genre et sexualités », par exemple. Il existe aussi une rubrique « Études du genre » dans le menu Atelier – sans entrée dans le sommaire.
70 Toute proposition générale appelant des contre-exemples, signalons le récent volume dirigé par Guyonne Leduc, Comment faire des études-genres avec de la littérature : masquereading, L’Harmattan, « Des idées et des femmes », 2014. Dans la préface, Marie-Hélène Bourcier suggère une force particulière des études littéraires pour échapper à un usage descriptif réifiant du genre (p. 16-17).
71 « Des idées et des femmes », dirigée par Guyonne Leduc chez L’Harmattan ; « La cité des dames » et « L’école du genre », sous la direction d’Éliane Viennot, aux Publications de l’Université de Saint-Étienne (récemment Florence Rochefort & Éliane Viennot (dir.), L’Engagement des hommes pour l’égalité des sexes (xive-xxie siècle) ; et Armel Dubois-Nayt, Nicole Dufournaud & Anne Paupert (dir.), Revisiter la « querelle des femmes » 3, 2013) ; « Des deux sexes et autres », dirigée par Jean-Marie Roulin et moi-même, aux Publications de l’Université de Saint-Étienne et aux Presses universitaires de Lyon – collection qui accueille la présente réédition ; « Penser le genre », dirigée par Randi Deguilhem et Laurence Hérault aux Presses universitaires de Provence et d’Aix-Marseille ; « Masculin / féminin dans l’Europe moderne », dirigée par Colette H. Winn, Myriam Dufour-Maître, Catriona Seth et Damien Zanone chez Garnier ; « Littérature et genre », dirigée par Martine Reid chez H. Champion.
72 Le CNRS (INSHS) fonde en 2012 un Institut du genre, groupement d’intérêt scientifique dédié aux recherches françaises sur le genre et les sexualités, et organise en septembre 2014 avec l’ENS de Lyon un congrès international sur le sujet.
73 Qui a inspiré de nombreuses analyses, parmi lesquelles on peut citer celles de William Marx, L’Adieu à la littérature : histoire d’une dévalorisation, xviiie-xxe siècle, 2005 ; Tsvetan Todorov, La Littérature en péril, Flammarion, 2007 ; Antoine Compagnon, La Littérature pour quoi faire ?, Collège de France, 2007 ; Yves Citton, L’Avenir des humanités, La Découverte, 2010 ; Dominique Maingueneau, Contre saint Proust ou la Fin de la littérature, Belin, 2008 ; Jean-Marie Schaeffer, Petite écologie des études littéraires : pourquoi et comment étudier la littérature ?, T. Marchaisse, 2011.
74 Claire de Duras, Ourika: the Original French Text [1823], J. Dejean & M. Waller (éd.), J. Fowles (trad.), Modern Language Association, « MLA Texts and Translations », 1995.
75 Claire de Duras, Ourika. Édouard. Olivier ou le Secret, M.-B. Diethelm (éd.), M. Fumaroli (préf.), Gallimard, « Folio », 2007.
76 En témoigne, dès 1996, le Dictionnaire littéraire des femmes de langue française : de Marie de France à Marie Ndiaye, publié chez Karthala sous la direction de deux chercheuses enseignant aux États-Unis, Christiane P. Mackward et Madeleine Cottenet-Hage. Dans ce domaine en plein essor, on peut citer notamment les travaux de Carmen Boustani (avec Edmond Jouve, Des femmes et de l’écriture : le bassin méditerranéen, Karthala, 2006), de Christiane Chaulet-Achour (avec Françoise Moulin-Civil, Le Féminin des écrivaines – Suds et périphéries, CRTF/CICC-UCP, 2010 ; et Écritures algériennes : la règle du genre, L’Harmattan, 2012), et de Christine Détrez (Femmes du Maghreb, une écriture à soi, La Dispute, 2012).
77 Florence Sisask, « Des cloisons tombent, des murailles se fortifient. Effets du décloisonnement sur la place des femmes écrivains dans les manuels de français des années 2000 », dans Annette Keilhauer & Lieselotte Steinbrügge (dir.), Pour une histoire genrée des littératures romanes, Lendemains / Narr Verlag, 2013. On peut aussi consulter le rapport du Centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l’égalité femmes / hommes, La Représentation des femmes dans les manuels scolaires de français : les manuels scolaires de français se conjuguent au masculin, 2013, en ligne : www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/images/etude_2013_francais_cha_web.pdf (février 2015).
78 Une table ronde de la Société des études romantiques et dix-neuviémistes sur l’histoire littéraire, en m’imposant de revenir de façon synthétique sur le sujet, a suscité une étude publiée ensuite dans la RHLF : « La place des femmes dans l’histoire littéraire : annexe, ou point de départ d’une relecture critique ? », Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 103, no 3, 2003. La parution de cet article doit beaucoup à l’amicale insistance de Claude Duchet.
79 « Elle lisait la prose de George Sand, qui respire toujours cette bonté, cette distinction morale que maman avait appris de ma grand-mère à tenir pour supérieures à tout dans la vie, et que je ne devais lui apprendre que bien plus tard à ne pas tenir également supérieures à tout dans les livres », Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, 4 vol., A. Ferré, P. Clarac & A. Maurois (éd.), Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1954, vol. 1, p. 42. Sur cette lecture, voir Evelyne Ender, « Le triomphe de l’éros dans François le Champi », George Sand Studies, vol. 21, 2002.
80 On pourra mesurer combien reste maigre la part accordée aux femmes et aux questions de genre en se reportant à de récents ouvrages de référence : Jean-Yves Tadié (dir.), La Littérature française : dynamique et histoire II, Gallimard, « Folio essais », 2007 ; Alain Vaillant, L’Histoire littéraire, A. Colin, 2010 ; le dossier critique d’Acta Fabula, vol. 13, no 1, « Nouveaux chemins de l’histoire littéraire », janvier 2012 (la question du genre apparaît seulement à propos de la discussion de l’ouvrage collectif américain French Global, voir infra la note 107). L’examen des sommaires et index de la revue Histoires littéraires des xixe et xxe siècles depuis 2000 est également instructif.
81 Dès « Geschlechterdifferenz und Literarische Gattungen », dans Frauen in der Literatur Wissenchaft-Frankreich II, Universität Hamburg, septembre 1991 (traduction de « Différence des sexes et genres littéraires », intervention au colloque « Lectures de la différence sexuelle », Collège international de philosophie, octobre 1990). Puis notamment : « Un roman épistolaire féminin ? Pour une critique de l’imaginaire générique (sur Constance de Salm, Vingt-quatre heures d’une femme sensible) », dans Catherine Mariette-Clot & Damien Zanone (dir.), Tradition des romans de femmes, xviiie-xixe siècles, H. Champion, 2012 ; « Le genre des genres : l’exemple de la romance », dans Mélody Jan-Ré (dir.), Le Genre à l’œuvre, L’Harmattan, « Logiques sociales (sociologie des arts) », 2013.
82 « La convergence de traits de natures [très] différentes [...] fait du phénomène générique un constant objet de fascination et d’interrogation pour qui s’attache à la signification anthropologique et à la portée esthétique du fait littéraire », Gérard Genette, présentation de Théorie de genres, Éditions du Seuil, « Points », 1986, p. 7.
83 Notion forgée sur le modèle de l’« imaginaire linguistique » que j’emprunte à Anne-Marie Houdebine-Gravaud (L’Imaginaire linguistique, L’Harmattan, 2002).
84 Christine Planté, « Prose / poésie, masculin / féminin », dans Chantal Bertrand-Jennings (dir.), Masculin / féminin : le xixe siècle à l’épreuve du genre, Centre d’études Joseph Sablé, « À la recherche du xixe siècle », 1999.
85 Christine Planté (dir.), L’Épistolaire, un genre féminin ?, H. Champion, 1998.
86 Christine Planté (dir.), Masculin / féminin dans la poésie et les poétiques du xixe siècle, Presses universitaires de Lyon, 2002.
87 Bénédicte Monicat, Itinéraires de l’écriture au féminin : voyageuses du xixe siècle, Rodopi, 1996 ; Christine Planté, « Le féminin à l’épreuve de l’altérité dans Les Pérégrinations d’une paria et Un hiver à Majorque », dans Frank Estelmann & Sarga Moussa (dir.), Déplacements identitaires : voyager et écrire au féminin au xixe siècle, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, « Imago mundi », 2012.
88 Laurence Brogniez et al., Femmes et critique(s) : lettres, arts, cinéma, Presses universitaires de Namur, 2009.
89 En particulier sur la presse : Christine Planté & Marie-Ève Thérenty, « Enjeux de genre dans la presse du xixe siècle », dans Dominique Kalifa et al. (dir.), La Civilisation du journal, Éditions du Nouveau Monde, 2011 ; colloque « Masculin / féminin dans la presse du xixe siècle », Lyon, novembre 2010, à paraître aux Presses universitaires de Lyon.
90 Joan Scott, « Le genre : une catégorie toujours utile ? », Diogène, no 225, janvier 2009, p. 9.
91 Auxquelles une anthologie collective a été ensuite consacrée : Femmes poètes du xixe siècle : une anthologie [1998], Christine Planté (dir.), Presses universitaires de Lyon, 2010.
92 Cette résurrection à la fois féministe et littéraire de Constance de Salm est sans doute l’exemple le plus frappant. Le Grief des femmes : anthologie de textes féministes du Moyen Âge à 1848, de Maïté Albistur et Daniel Armogathe (Hier & Demain, 1978), avait commencé à la tirer de l’oubli. Geneviève Fraisse lui consacre un chapitre de Muse de la raison : la démocratie exclusive et la différence des sexes [1989], Gallimard, « Folio histoire », 1995 ; elle figurera dans l’Anthologie de la poésie française du xviiie siècle, Michel Delon (éd.), Gallimard, « Poésie », 1997, et dans l’Anthologie de la poésie française du Moyen Âge au xxe siècle, Martine Bercot et al. (éd.), Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2000. Son roman Vingt-quatre heures d’une femme sensible, réédité par Claude Schopp chez Phébus en 2007, connaît un vrai succès. Un colloque, organisé par Jean-Noël Pascal à Toulouse II et publié dans les Cahiers Roucher-André Chénier (no 29, 2010), et deux thèses (de Marie-Thérèse Raguet sur la correspondance en 2008, et de Maryam Sharif, Constance de Salm : une modernité contradictoire, en 2014) lui ont été consacrés.
93 Malvina Blanchecotte, Tablettes d’une femme pendant la Commune [1872], C. Planté (éd.), Du Lérot, 1996.
94 On redécouvre son œuvre journalistique et ses récits de voyage : Les Pays lumineux [1869], M. Augry (éd.), Cosmopole, 2005.
95 Marguerite Duras & Xavière Gauthier, Les Parleuses, Éditions de Minuit, 1974, p. 11.
96 Marguerite Duras, Emily L., Éditions de Minuit, 1987. Sur la place de Dickinson dans ce texte, voir Christine Planté, « Je vous écris, j’écris : sur quelques lettres dans les récits durassiens », dans Claude Burgelin, Dominique Carlat & Pierre de Gaulmyn (dir.), Lire Duras, Presses universitaires de Lyon, 2000.
97 Le livre de Claude Dauphiné, Rachilde, a paru au Mercure de France en 1991. Rachilde a été l’objet d’études et de thèses à l’étranger bien plus qu’en France. Son œuvre, rééditée de façon non systématique, est peu disponible en format de poche.
98 Florence Goulesque, Une femme poète symboliste : Marie Krysinska, la Calliope du Chat noir, H. Champion, 2001 ; Adrianna M. Paliyenko, Gretchen Schultz & Seth Whidden (dir.), Marie Krysinska : nouveaux rythmes critiques, Publications de l’Université de Saint-Étienne, « Des deux sexes et autres », 2010 ; Marie Krysinska, Poèmes choisis, suivis d’Études critiques, S. Whidden (éd.), Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2013.
99 Sur ce moment, Patricia Izquierdo a publié Devenir poétesse à la Belle Époque : étude littéraire, historique et sociologique, L’Harmattan, 2009.
100 Parmi les rééditions récentes : À travers la vie et la mort : œuvre poétique, D. Armogathe (éd.), La Découverte, 2001 ; Histoire de ma vie, X. Gauthier (éd.), Presses universitaires de Lyon, 2000 ; « Je vous écris de ma nuit » : correspondance générale de Louise Michel, 1850-1904 [1999], X. Gauthier (éd.), Les Éditions de Paris, 2005 ; Légendes et chansons de gestes canaques (1875), suivi de Légendes et chants de gestes canaques (1885), et de Civilisation, F. Bogliolo (éd.), avec la contribution de J. Dauphiné, Presses universitaires de Lyon, 2006 ; Lettres choisies à Victor Hugo : 1850-1879, X. Gauthier (éd.), Mercure de France, 2005 ; Le Livre du bagne, précédé de Lueurs dans l’ombre, plus d’idiots, plus de fous et du Livre d’Hermann, V. Fau-Vincenti (éd.), Presses universitaires de Lyon, 2001 ; avec Marguerite Tinayre, La Misère, X. Gauthier & D. Armogathe (éd.), Presses universitaires de Lyon, 2006 ; Trois romans, C. Rétat & S. Zékian (éd.), Presses universitaires de Lyon, 2013.
101 Telle qu’elle apparaît par exemple dans Andrea Del Lungo & Brigitte Louichon (dir.), La Littérature en bas-bleus : romancières sous la Restauration et la monarchie de Juillet (1815-1848), 2 vol., Garnier, 2010-2013 ; et dans Catherine Mariette-Clot & Damien Zanone (dir.), Tradition des romans de femmes, xviiie-xixe siècles, H. Champion, 2012.
102 On peut l’inscrire dans une tradition remontant à Christine de Pisan avec La Cité des dames, et prenant des formes variables (dictionnaires, anthologies, recueils de citations, éditions collectives) au fil des siècles.
103 Voir Cecilia Beach, French Women Playwrights Before the Twentieth Century: a Checklist, Greenwood Press, 1994. On lira aussi Aurore Evain, Perry Gethner & Henriette Goldwyn (éd.), Anthologie du théâtre des femmes sous l’Ancien Régime, 5 vol., Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2006-2011.
104 Christine Planté & Marie-Ève Thérenty, « Enjeux de genre dans la presse du xixe siècle », dans Dominique Kalifa et al. (dir.), La Civilisation du journal, Éditions du Nouveau Monde, 2011 ; colloque « Masculin / féminin dans la presse du xixe siècle », Lyon, novembre 2010, à paraître aux Presses universitaires de Lyon.
105 On trouve une démonstration pour l’épistolaire dans Christine Planté (dir.), L’Épistolaire, un genre féminin ?, H. Champion, 1998 ; et pour le roman épistolaire Christine Planté, « Un roman épistolaire féminin ? Pour une critique de l’imaginaire générique (sur Constance de Salm, Vingt-quatre heures d’une femme sensible) », dans Catherine Mariette-Clot & Damien Zanone (dir.), Tradition des romans de femmes, xviiie-xixe siècles, H. Champion, 2012.
106 Je pense surtout à Naomi Schor, Sand and Idealism, Columbia University Press, 1993 ; Margaret Cohen, The Sentimental Education of the Novel, Princeton University Press, 1999 ; Ellen Constans, Parlez-moi d’amour : le roman sentimental des romans grecs aux collections Harlequin, Pulim, 1999 ; Brigitte Louichon, Romancières sentimentales (1789-1825), Presses universitaires de Vincennes, 2010. On lira sur ce sujet la critique de Martine Reid : « Quelques observations à propos de The Sentimental Education of the Novel de Margaret Cohen », 2010, en ligne : www.fabula.org/lht/7/reid.html (février 2015).
107 Voir la note 79. Bien différente est la vision proposée dans Christie McDonald & Susan Rubin Suleiman (dir.), French Global : une nouvelle perspective sur l’histoire littéraire [2010], Garnier, 2014.
108 Le livre de Michèle Le Doeuff en fait, en 1990, une référence bien vivante et présente. Toril Moi publie Simone de Beauvoir : conflits d’une intellectuelle [1994], G. Belleteste (trad.), P. Bourdieu (préf.), Diderot éditeur, 1995 ; Catherine Rodgers, Le « Deuxième Sexe » de Simone de Beauvoir : un héritage admiré et contesté, L’Harmattan, 1998. On lira aussi Ingrid Galster (dir.), Le « Deuxième Sexe » de Simone de Beauvoir, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, « Mémoire de la critique », 2004 ; et les Cahiers de l’Herne dirigés par Éliane Lecarme-Tabone et Jean-Louis Jeannelle, 2013.
109 Rappelons que n’avaient en 1989 encore paru ni les Lettres à Sartre, 2 vol., S. Le Bon de Beauvoir (éd.), Gallimard, 1990 ; ni les Lettres à Nelson Algren : un amour transatlantique, 1947-1964, S. Le Bon de Beauvoir (éd. & trad.), Gallimard, 1997 ; ni les Cahiers de jeunesse : 1926-1930, S. Le Bon de Beauvoir (éd.), Gallimard, 2008 ; ni Simone de Beauvoir & Jacques-Laurent Bost, Correspondance croisée : 1937-1940, S. Le Bon de Beauvoir (éd.), Gallimard, 2004.
110 Djuna Barnes, La Passion, M. Wittig (trad. et « Avant-note »), Flammarion, 1982. Une version du texte de Wittig avait paru en anglais sous le titre « The Point of View: Universal or Particular », dans Feminist Issues, vol. 1, no 1, 1980, reprise dans The Straight Mind and Other Essays, Beacon Press, 1992 (La Pensée straight [2001], Amsterdam, 2007).
111 Marie-Hélène Bourcier & Suzette Robichon, Parce que les lesbiennes ne sont pas des femmes... : autour de l’œuvre politique, théorique et littéraire de Monique Wittig, Éditions gaies et lesbiennes, 2002 ; Catherine Écarnot, L’Écriture de Monique Wittig : à la couleur de Sappho, L’Harmattan, « Bibliothèque du féminisme », 2002 ; Monique Wittig, Le Chantier littéraire, C. Planté (préf.), B. Auclerc, Y. Chevalier, A. Lasserre & C. Planté (éd.), Presses universitaires de Lyon, 2010 ; Benoît Auclerc & Yannick Chevalier (dir.), Lire Monique Wittig aujourd’hui, Presses universitaires de Lyon, 2012.
112 Selon le titre du célèbre numéro de la revue Partisans : libération des femmes, année zéro, no 54-55, paru chez Maspero en juillet-octobre 1970, repris dans la « Petite collection Maspero » en 1972. Différentes histoires du féminisme ont souligné ce que ce titre comportait d’ignorance et d’aveuglement.
113 Voir supra la note 4.
114 Michel Foucault, Histoire de la sexualité I : la volonté de savoir, Gallimard, 1976, p. 197.
115 Le livre de Marie-Jo Bonnet, Un choix sans équivoque, avait paru chez Denoël, dès 1981. Parmi les nombreux travaux publiés depuis sur le sujet, citons, en France, dans une perspective littéraire, le livre de Myriam Robic, « Femmes damnées » : saphisme et poésie (1846-1889), Garnier, 2012.
116 Marina Tsvetaïeva, Mon frère féminin, Mercure de France, 1979.
117 Katia D. Kaupp, « Femmes entre elles », Le Nouvel Observateur, 28 juin 1976, p. 40, citée par Audrey Lasserre, Histoire d’une littérature en mouvement : textes, écrivains et collectifs éditoriaux du Mouvement de libération des femmes en France (1970-1981), thèse de littérature française, Université Paris III, 2014.
118 Voir Éliane Viennot, Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française, Éditions iXe, 2014.
119 Le terme est impropre d’un point de vue théorique : il ne s’agit pas de « féminiser », mais de « démasculiniser », et de s’opposer au sexisme de désignations exclusivement masculines en employant des noms féminins pour des activités exercées par des femmes. Il est impropre d’un point de vue linguistique, car le genre grammatical est une propriété intrinsèque des substantifs qui sont masculins ou féminins et qui, à la différence des adjectifs, ne varient pas en genre. Sur ce dernier point, voir Yannick Chevalier, « Approches linguistiques du genre », La Clé des langues, 2013, en ligne : http://cle.ens-lyon.fr/plurilangues/approches-linguistiques-du-genre-gender--214114.kjsp?RH=CDL_PLU120000 (février 2015).
120 On trouve un premier exposé, un peu différent, de cette position, dans « Voilà ce qui fait que votre e est muette », Clio, no 11, 2000, en ligne : http://clio.revues.org/215 (février 2015).
121 Liliane Giraudon joue de la tension entre les deux formes dans son livre La Poétesse, homobiographie (P.O.L, 2009) qui porte en exergue « Tout le monde n’est pas poète » (Hélène Bessette) et s’ouvre sur « La Poète »...
122 Christine Planté, « Quel compte donc fais-tu des femmes ? Femmes et poésie en France au xixe siècle », Romantisme, no 85, 1994.
123 Pour exemple, par son existence même, son titre et sa démarche, le Dictionnaire des créatrices, quelle que soit son utilité, y participe. Une toute récente reformulation se trouve dans La Révolution du féminin de Camille Froidevaux-Metterie, Gallimard, 2015.
124 Ainsi, pour une analyse des enjeux de l’écriture féminine, on peut se réjouir qu’après les importants travaux de Delphine Naudier menés dans une perspective sociologique (La Cause littéraire des femmes : modes d’accès et modalités de consécration des femmes dans le champ littéraire (1970-1998), thèse de sociologie, EHESS, 2005 ; « L’écriture-femme, une innovation esthétique emblématique », Sociétés contemporaines, no 44, 2001, p. 57-73, en ligne : www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2001-4-page-57.htm, février 2015), une thèse de lettres donne les moyens de repenser les questions du différentialisme de façon nouvelle : Audrey Lasserre, Histoire d’une littérature en mouvement : textes, écrivains et collectifs éditoriaux du Mouvement de libération des femmes en France (1970-1981), thèse de littérature française, Université Paris III, 2014.
125 L’opposition paraît à la fois figée, en ce qu’elle fournit un cadre d’analyse incontournable, et mouvante, comme en témoigne la multiplicité des termes utilisés pour désigner chacun de ses pôles : différentialisme, mais aussi substantialisme, naturalisme, essentialisme d’un côté ; universalisme, constructiviste, égalitarisme, matérialisme de l’autre. Ces termes ne se recouvrent pas, et les auteur·e·s ainsi caractérisé.e.s ne se reconnaissent pas forcément dans l’étiquette appliquée sur leur pensée ou leur position.
126 En ce sens, plusieurs contributions de Mon corps a-t-il un sexe ? Sur le genre, dialogues entre biologies et sciences sociales (Évelyne Peyre & Joëlle Wiels (dir.), La Découverte, 2015) ouvrent de nouvelles perspectives.
127 Françoise Collin, « Différence des sexes (théories de la) », dans Helena Hirata et al. (dir.), Dictionnaire critique du féminisme [2000], Presses universitaires de France, 2004.
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Féminin/Masculin dans la presse du XIXe siècle
Christine Planté, Marie-Ève Thérenty et Isabelle Matamoros (dir.)
2022