La race, la Russie et le dieu Râ : pour une étymologie du racisme, le cas russe
p. 111-126
Texte intégral
1En 1859, l’auteur anonyme de la « Note sur la langue des périodiques russes », publiée en tant que lettre au rédacteur des Communications de l’Académie impériale des sciences, département de la langue et des lettres russes, s’affligeait d’un abus de mots étrangers1. Dans sa liste des emprunts coupables, il mentionnait le mot « race ». « Ne pouvons-nous pas, s’exclamait-il, sans altérer d’aucune façon la force, l’exactitude et la plénitude d’expression de la notion, dire, au lieu de rasa [...] plemia, pokolenie [tribu, génération]2 ? » Il est à noter que, dans la liste dressée par l’auteur, le mot « race » voisine principalement avec des emprunts au français, dont une part non négligeable appartient au registre sociopolitique. Ceci va à l’encontre des idées avancées par Max Vasmer, qui considérait plutôt l’allemand comme la principale langue à l’origine des emprunts russes3, et semble indiquer un contexte francophone dans ce cas4. En 1859, également, le poète et critique Apollon Grigoriev, en expliquant aux lecteurs de la revue La Parole russe les lois et les termes de la « poétique organique » qu’il élaborait, prenait à deux reprises la peine de doubler le mot russe « plemya » (tribu) du terme « rasa », qu’il mettait en correspondance avec les locatifs « pays » et « territoire » :
Le mot « pays » [mestnost’] n’est pas pris ici au sens d’une nature matérielle, mais au sens de territoire, auquel une certaine tribu ou race s’est apparentée.
La raison pour laquelle une tribu ou une race s’est apparentée à un territoire est due uniquement à des circonstances fortuites5.
2Afanasi Chtchapov, dans le Cabinet de lecture, en expliquant à ses lecteurs les aspects ethnoculturels des différences craniométriques entre les hommes et les femmes, entendait lui aussi la race comme tribu :
La femme présente dans la constitution de son crâne des vestiges de l’état d’où est issue sa race ou sa tribu6.
3Un an plus tôt, les lecteurs d’un long article de l’orientaliste Ilya Berezine, sur les traces des récents soulèvements antibritanniques aux Indes, avaient affaire eux aussi à cet emploi encore mal spécifié du mot « race », qui sous-entendait des différences évidentes entre les peuples et les tribus occupant des territoires éloignés :
La fondation des colonies se passe rarement sans une confrontation des différentes races [...]. La race indigène, établie de longue date dans la possession des terres, [...] ne peut pas voir indifféremment des nouveaux venus, parfois très nombreux, devenir les maîtres non seulement de la terre, mais de la population même, et cela sans aucune légitimité, au nom de la seule force7.
4Chez Berezine, il n’y avait pas de synonymie exacte entre race et tribu, mais il n’y avait pas de différences fondamentales non plus : d’une part, la notion de race lui servait à distinguer la population de la métropole européenne de celle des colonies (et lorsque Berezine disait que « la race possédante cherche instinctivement à subjuguer la race assujettie », la dernière notion subsumait la « population indienne de l’Inde orientale », les Indiens de l’Amérique du Nord et la population de l’Asie centrale) ; d’autre part, il parlait aussi des races juive et iranienne, de la tribu anglo-saxonne, et aussi des Russes, appelés « notre tribu » et « notre race8 ». Le même article apprenait au lecteur divers caractères attribués aux représentants des différentes races et / ou tribus : « guerriers, pastoraux, navigateurs, chasseurs, marchands, actifs, paresseux », avec cette réserve que la division des races en « libres » et « esclaves », adoptée par Herbert Spencer dans ses Principes de psychologie, était « trop blessante et peu juste9 ».
5Dans une rétrospective historique, la notion de race dans la langue russe allait se spécifier pour acquérir une signification élargie et générale. On trouve les prémices de cette interprétation dans l’article de Berezine (qui fait remonter par exemple les « tribus sémitiques » à la « race iranienne ») ainsi que dans une remarque du rédacteur ajoutée à la « Note sur la langue des périodiques russes » déjà citée. Le rédacteur des Communications de l’Académie impériale des sciences, département de la langue et des lettres russes, l’académicien Izmail Sreznevski, a commenté la condamnation rigoriste des emprunts étrangers, et en particulier du mot « race », dans une note de bas de page où il exprimait son désaccord :
[...] il est vrai qu’on emploie souvent mal à propos des mots étrangers, mais il est vrai également qu’on n’arrive pas à les remplacer par des mots russes. C’est le cas ici [...] la race, en parlant des hommes, n’est pas une tribu, mais quelque chose de plus10.
6Les années suivantes ont vu se multiplier les exemples du fait que le terme « race » signifiait davantage que le nom d’une tribu, mais elles n’ont pas changé tout de suite la teneur locative du mot, qui évoquait le territoire occupé par une ou des tribus réunies sous le terme général de « race ». Ainsi, Piotr Sokalski, un publiciste et critique musical influent des années 1860, qui partageait l’idéologie « terrienne » (potchvennitchestvo)11, épiloguait longuement sur les races dans un article polémique publié dans la revue Le Temps, dirigée par les frères Mikhail et Fiodor Dostoïevski :
Tout le monde sait ce que sont les races humaines. Elles se distinguent entre elles par la couleur de peau, l’angle facial, la forme des pommettes, de l’échine et du bassin, par la coupe des yeux, etc.12
7Pourtant, toutes ces différences, si évidentes qu’elles soient, ne contribuent pas à déterminer le nombre de races sur la terre : selon les savants, celles-ci seraient « tantôt cinq, tantôt huit, tantôt dix, tantôt davantage13 ». Cela dit, on distingue plusieurs tribus au sein d’une même race, ce qui rend plus difficile encore la discussion sur les caractères distincts et immuables des races, car les tribus se déplacent, se mélangent, leurs conditions climatiques et matérielles se modifient, et c’est pourquoi on ne peut parler de races immuables que dans la mesure où l’on peut parler de circonstances immuables. Tels seraient d’abord, selon Sokalski, « les éléments et les lois de la nature » :
Les races sont inséparables de leur terre, du pays qu’elles habitent. Dire « les Mongols » équivaut à dire « les hommes habitant l’Asie centrale » ; la race noire veut dire « les hommes habitant l’Afrique centrale et méridionale14 ».
8Les déterminismes géographique et climatique sont essentiels pour l’origine des races, et leur distinction constitue la carte taxonomique la plus détaillée de la population du globe : « Les grands changements de la nature et du climat du globe ont produit des races plus petites, des tribus d’une seule race15. »
9Cette différence, insiste Sokalski, n’est pas absolue ; on peut par exemple supposer que
si l’espace vient à manquer en Europe – ce qui générera peut-être une émigration vers l’Asie – [...] alors une nouvelle tribu se formera là-bas et avec elle des nationalités, et peut-être pas une seule race ancienne ne se maintiendra, mais apparaîtra une race nouvelle, une race de passage, produite par le mélange16...
10Sokalski met des points de suspension à la fin de cette phrase, qui laissent libre cours à l’imagination des lecteurs et placent insensiblement le débat dans une perspective futurologique. Il ne cède cependant pas lui-même à cette tentation et met en valeur dans la suite de son texte les mécanismes sociohistoriques, et non physiques, qui déterminent les différences et la variation entre les peuples et les nationalités. L’attention qu’il porte à ces mécanismes-là lui fait définir la race comme une « matière pour l’histoire », une notion en rapport avec « la vie préhistorique des peuples17 ». Pour comprendre la détermination proprement historique « des races, tribus et nations », le plus important serait, selon Sokalski, la tendance des hommes à la vie sédentaire (une « pierre angulaire de la civilisation ») et, par conséquent, le territoire qu’ils occupent – « la terre » :
une fois leur pied mis sur une terre, ils se subsumaient insensiblement sous une catégorie de race, tribu ou nation, parce que, selon les lois immuables de la nature, une race devait correspondre à un lieu du globe, et une autre race à un autre lieu18.
11L’idéologie « terrienne » imposait à Sokalski, comme à Apollon Grigoriev dans le texte cité plus haut, l’idée d’un lien entre le peuple et le territoire qu’il occupe, un lien qui n’est pas fortuit, parce qu’il serait « naturel » et reconnu comme tel. La conscience d’appartenance à un peuple, une tribu et une race est donc tout d’abord la conscience d’appartenance à un territoire, ayant dans ce cas-là un sens moins géographique que « spirituel » d’une interaction collective (nationale, étatique, culturelle et autre).
12Dans l’atmosphère des discussions sociopolitiques qui accompagnaient les réformes d’Alexandre II, la popularisation de la notion de race semble correspondre aux réflexions sur les voies historiques et l’avenir de la Russie. En parlant des Russes comme de « notre tribu » et « notre race », Berezine se solidarisait avec un auteur anonyme qui prédisait à la Russie « une grande force d’expansion », tout en émettant la réserve que « déjà dans le passé, presque toute notre histoire en a été pleine19 ». Les réflexions sur la « popularité », sur la culture et l’histoire nationales mêlaient les plans rétrospectif et prospectif : on voyait dans le passé la promesse d’un avenir, et plus ce passé semblait impressionnant, plus impressionnante serait l’image de l’avenir. On trouve un écho de ces espoirs dans les études de plus en plus fouillées de l’ethnographie, du folklore et de l’anthropologie de l’époque, qui conduisaient à influencer l’interprétation de la notion de race, laquelle se référait désormais non seulement à une donnée anthropologique, mais aussi aux possibilités de sa transformation historique et sociale. Ainsi, en 1867, le pédagogue et membre du comité de censure de Moscou, Nikolaï Treskine, dans son compte rendu du Manuel de géographie universelle paru l’année précédente, reprochait à son auteur une description dévalorisante de la « race nègre » :
Personne ne contestera que la race nègre se situe en général à un degré inférieur d’évolution mentale, personne ne contestera non plus que les Nègres ont été depuis les temps anciens des esclaves sur la vaste scène de l’interaction humaine [...]. Mais [...] il fallait rendre clair le fait que la race nègre porte en elle le même germe d’évolution intérieure que toute l’espèce humaine, dont elle constitue une variété ; et que l’état désolant des Nègres a pour origine des causes externes [...] et non internes20.
13En l’occurrence, les propos compatissants sur « la race nègre » nous in-téressent non seulement parce qu’ils pouvaient se lire comme des allusions à l’histoire du servage en Russie et suivaient la tradition (déjà ancienne dans la littérature russe) de la représentation anti-féodale des esclaves noirs21, mais également parce qu’ils nuançaient d’une manière ou d’une autre ce que l’on appela plus tard le déterminisme racial. Ainsi, les évocations du passé d’une race sous-entendent la transformation future de celle-ci, un avenir encourageant, même si le passé semble peu réjouissant.
14Les opinions des savants russes du milieu des années 1860 sur l’histoire de la Russie – et, par conséquent, de sa population originaire – divergeaient selon leurs préférences scientifiques autant que par le degré de leur optimisme rétrospectif. Le patriotisme modéré de Karamzine était jugé insuffisant dès 1820, le souvenir de la victoire militaire sur Napoléon contribuant non seulement à l’essor de la fierté nationale, mais aussi à l’exigence de trouver un fondement historique à celle-ci. Après 1850, l’historiographie patriotique se nourrit de l’idéologie officielle de Nicolas Ier et, surtout après la défaite dans la guerre de Crimée, du sentiment d’un trauma historique et psychologique, qui exigeait en quelque sorte une thérapie discursive. L’émergence des recherches historiographiques et philologiques avant et après la réforme de 1861 semble avoir joué également un rôle thérapeutique, mais sous un autre aspect : leurs auteurs se révélaient enclins à un discours complotiste, tendant à dévoiler un sens caché et à dénoncer ceux qui y faisaient obstacle. L’un des modèles de ces écrits, établissant la plupart des postulats, arguments et méthodes de l’historiographie patriotique (qui, on va le voir, n’a pas été sans conséquence dans l’interprétation de la notion de race), fut la monographie, parue à Moscou en 1854, d’un « docteur en philosophie et maître des beaux-arts » (de l’université de Hesse), le conseiller d’État Iegor Klassen, intitulée Nouveaux matériaux pour l’histoire ancienne des Slaves en général et des Slaveno-Russes d’avant Rurik en particulier, avec une esquisse légère de l’histoire des Russes avant la Nativité du Christ.
15L’auteur de l’ouvrage, diplômé de l’École d’architecture auprès de l’» Expédition » des édifices du Kremlin, enseignant l’algèbre, la physique, le droit civil russe et, dans les années 1850, chef de l’Académie pratique du commerce de Moscou22, rédigea son ouvrage, en dépit des opinions et des stéréotypes reçus dans l’historiographie russe, dans l’intention de « tracer une esquisse légère de la Russie la plus ancienne avec tous ses mouvements en Europe, Asie et Afrique23 ». Dans l’esprit de Klassen, la Russie ancienne était l’État le plus ancien du monde. Le lecteur apprenait de son livre que « le nom des Russes, dont on savait depuis longtemps qu’il était un nom slave », était connu « non seulement de toutes les tribus asiatiques, mais aussi des Israélites, depuis leur arrivée en Terre promise », que « les Russes sont à la tête non seulement des Romains, mais des Grecs anciens, en tant que leurs ancêtres24 », que « les Slaves ont possédé l’écriture non seulement avant tous les peuples de l’Europe occidentale, mais avant même les Romains et les Grecs, et que les lumières se sont répandues des Russes vers l’Occident, et non en sens inverse25 » ; que « les Thraces avaient été des Slaves, et par conséquent les Troyens aussi26 », et que « grâce aux recherches attentives des travailleurs russes dans le domaine de l’histoire, [...] la Russie préchrétienne va bientôt resplendir dans la gloire des Troyens, des Gety-Rousskie (appelés abusivement Étrusques) [...] et des Macédoniens – dans sa gloire d’institutrice des anciens Grecs et Romains27 ». L’idée des « Étrusques russes » avait été avancée par le philologue amateur polonais Thaddée Wolanski, dont le traité était imprimé dans le même tome des Nouveaux matériaux... de Klassen. Wolanski, convaincu que « les Gètes avaient fait partie de la race largement répandue des peuples slaves », précisait (et Klassen le répétait après lui) que « les Gètes russes (Gety Rousskie), occupant une partie de l’Italie aux temps préhistoriques, avaient été la cause de la dénomination de leur tribu comme Étrusques (Get-rousski)28 ». Chemin faisant, Klassen découvrait que « Énée le Troyen avait été non seulement un Slave, mais plus précisément un Russe », que l’Iliade avait été écrite par le barde russe Boyan, que l’alphabet étrusque remontait aux « runes slaves29 » et que le toponyme de Rous’ se retrouvait dans les noms des nombreux fleuves et rivières « habités par les Russes » : l’Araxe, la Rusa en Moravie et en Allemagne, et aussi dans le nom ancien de la Volga, Rsa30 ; ces découvertes formaient l’image d’une culture ancienne et majestueuse dès son origine. Klassen n’utilise pas le terme « race », mais il est clair que, s’il l’avait employé, cela aurait bien été dans le sens où la race des Slaves était la plus ancienne et omniprésente, car, dit-il en résumant son étude, « il n’y a pas un État en Europe où les Russes ne se soient pas installés non seulement avec leur petite maison, mais avec un royaume petit ou grand31 ».
16L’ouvrage de Klassen a été ignoré par les historiens professionnels, mais a fait son chemin en tant qu’anticipation de l’historiographie d’amateur et, ce qui est important, révisionniste ; cette historiographie a encore des adeptes de nos jours. Ceux-ci prêtent une attention particulière à la méthode employée par Klassen pour conclure que la langue slavo-russe est la plus ancienne de toutes, grâce aux étymologies phonétiques arbitraires et aux rapprochements de mots relevant de groupes de langues très différents. Dans l’histoire des sciences russes, le premier pas avait été fait dans ce sens au début du xixe siècle par l’académicien Alexandre Chichkov, qui se proposait lui aussi de démontrer la primauté de la langue russe par rapport aux autres langues de l’Europe. Pour juger du bien-fondé des arguments allégués par Chichkov afin de justifier la proximité extrême du russe de sa source naturelle, on peut relire par exemple son développement sur les onomatopées russes qui, à la différence des autres langues européennes, traduiraient beaucoup plus fidèlement les sons « naturels » : comment nier en effet que le coucou fait des cou-cou, que l’oie (gous’) fait des go-go, etc.32 La linguistique russe du milieu du xixe siècle était très circonspecte sur ce point. Cependant, cette méthode garde son attrait, du fait de ses possibilités de combiner les mots pour faire des découvertes « lumineuses ». Ainsi, Vladimir Lamanski s’accordait avec Klassen quand, dans son livre Des Slaves en Asie Mineure, en Afrique et en Espagne33, paru en 1859, il développait l’idée du Tchèque Schafarik selon laquelle le nom de la Volga – Ra, Rha –, que l’on rencontre chez Ptolémée, serait apparenté étymologiquement à celui des Roxolans, tribu qui peuplait les steppes entre le Dniepr et le Don. Lamanski faisait un pas de plus, en liant les Roxolans non seulement au fleuve Ra (Volga), mais à toute une série de mots russes (rouslo, rousalka, reka [lit de fleuve, sirène, rivière]) et surtout au nom de la tribu des Russes, dont une partie aurait « migré au Nord, vers la Scandinavie », tandis que l’autre partie se serait unie avec des tribus asiatiques et européennes. Le mot Rous’ (ancienne forme de Russie) révélait donc son origine proprement slave, et non empruntée, dans une vaste région située entre la Pologne et la Moravie, jusqu’à la mer Adriatique34. L’année suivante, l’historien Nikolaï Kostomarov, dans son compte rendu critique du livre de Lamanski, ironisait sur les étymologies arbitraires destinées à prouver l’origine slave du mot Rous’ :
On n’a qu’à trouver un mot avec les lettres R et S, séparées par une voyelle quelconque ou même par une consonne et une voyelle – et on y découvrira immanquablement une analogie avec notre Rous’ ! Et ces mots-là, on peut bien en trouver beaucoup dans toutes les parties du monde35.
17Mais la quête étymologique avait déjà démarré. Après 1870, l’historien Dmitri Ilovaiski allait dans le même sens, en avançant que Rasa ou Ros’ seraient les formes les plus anciennes du toponyme Rous’36. Après 1890, Vasili Florinski se souvenait lui aussi du mot « race », qu’il faisait remonter, à la suite de Hilferding, au vocable indien rasa (onde), et au verbe grec ρέω (couler), ce qui expliquait selon lui « le nom ancien de la Volga – Ra, et aussi ceux du Rhône, de la Rioni et de l’Araxe ». Le mot Ρα par lequel Ptolémée avait désigné la Volga, pouvait donc se comprendre comme un dérivé de « onde » (volna) ou, mieux encore, d’» eau » (vlaga, en vieux russe : Вълга)37.
18Ces exemples de travail sur l’étymologie n’ont apparemment aucun rapport avec l’emprunt de la notion de race et, parmi les érudits cités, aucun ne la reliait au nom de la Rous’. Par la suite, le désir patriotique de voir dans ces mots une affinité conceptuelle devait cependant l’emporter sur les arguments philologiques et engendra – on en trouve encore de nos jours – des manifestes et des théories où la toponymie historique de la Russie et le mot race se trouvent avoir une parenté étymologique et sémantique. Nous y reviendrons.
19Vers 1890, l’emploi de la notion de race dans le journalisme et les ouvrages scientifiques russes semble tout à fait commun, mais son interprétation peut varier selon le contexte. Ainsi, Gueorgui Plekhanov, en recensant le livre de Léon Metchnikoff (géographe, sociologue et révolutionnaire anarchiste, frère aîné du physiologiste Élie Metchnikoff), La Civilisation et les grands fleuves historiques38, écrivait :
Dans des mains habiles, la « race » devient une clé pour résoudre toutes les questions de la science sociale. Étant donné la force étonnante de ce mot magique, on croirait pouvoir attendre que la notion qui lui est associée soit claire et bien définie. Or il se trouve qu’il n’en est rien39.
20Dans son ouvrage, que Plekhanov juge avec sympathie, Metchnikoff a montré « avec maîtrise » tout le « caractère flou et mal défini de la notion de race », en se solidarisant avec Paul Topinard qui avait constaté l’impossibilité de parler de races pures après les mélanges et les métissages des tribus survenus depuis longtemps. Si l’on parle d’une race indo-germanique, latine, allemande, anglaise, slave, le mot race ne peut avoir qu’un sens politique, désignant une agglomération fortuite d’éléments anthropologiques hétéroclites.
Léon Metchnikoff ajoute à cela que toutes les grandes civilisations ont été le fruit d’un mélange très complexe d’éléments ethniques différents, un mélange où il est parfois impossible de déterminer, ne serait-ce qu’approximativement, le rapport relatif des parties qui le composent40.
21L’évolution ultérieure de l’anthropologie physique et de la théorie politique a suffisamment montré l’incohérence des jugements sur la pureté raciale, ethnique et civilisationnelle. Dans l’histoire de la science et de la pensée sociopolitique russes, ces jugements-là, de même que ceux sur l’inégalité des races, ont en général été dévalorisés comme des manifestations d’inculture ou de racisme41. Or la situation a changé après la dissolution de l’URSS. La renaissance du racisme comme élément de l’idéologie nationaliste et de l’historiographie patriotique est une réalité idéologique et des médias russes d’aujourd’hui.
22Dans sa version conceptuelle, celle-ci suit la tendance inaugurée autrefois par Chichkov et Klassen – jusqu’aux nouvelles tentatives de prouver l’origine slave de l’alphabet étrusque – de considérer les Étrusques eux-mêmes comme des Russes, et d’en appeler directement à « l’autorité tue » de Klassen42. L’arbitraire des jugements historiques et linguistiques se justifie alors par un pathos complotiste et révisionniste. L’intérêt et la confiance assez larges qu’a suscités la « nouvelle chronologie » d’Anatoli Fomenko et Gleb Nosovski43, les appels à chercher une « idée nationale » (annoncés dès 1996 par Boris Eltsine puis répétés plus d’une fois par d’autres représentants du pouvoir), l’essor de l’ethnolinguistique, ou plus précisément de l’ethnoculturologie, qui s’attache à déceler dans la langue russe une spécificité culturelle et sociopsychologique, tout cela a contribué d’une manière ou d’une autre à faire apparaître et à légitimer par des publications, des idées et des textes qui relient le passé et l’avenir de la Russie à la recherche de ses racines ethniques, sociales et géopolitiques. Aujourd’hui, cette production culturelle alimente déjà toute une littérature et des dizaines de sites et de forums sur Internet, qui donnent une impression vivante des préférences « historiographiques », « linguistiques » et « raciales » dans l’étude des mystères de l’histoire et de la culture russes, prétendument cachés par les historiens et philologues professionnels. Cet enseignement patriotique est professé dans des institutions comme l’Académie russe des sciences naturelles, l’Académie des sciences fondamentales, l’Académie internationale slave des sciences, des arts et de la culture, l’Académie du trinitarisme, la revue Organismica, les journaux La Sixième race, Les Slaves russes, etc., et par ses « classiques » largement cités, comme Andrey Tiuniayev, Valéry Tchoudinov, Anatoli Kliosov, Ivan Tachkinov, Piotr Orechkine ou Vladimir Larionov.
23L’étonnante variété de fantasmagories historiques et linguistiques qui abondent dans les écrits de ces auteurs rejoint une thèse qui touche à notre sujet d’étude. L’histoire de la Russie et de l’ethnie russe serait très ancienne, précéderait celle des autres ethnies et cultures eurasiennes, et le mot Russie et / ou Rous’ serait lié à la racine « Ra », qui reçoit dans ces conditions un sens étymologique clé. Ainsi, selon un abrégé des conclusions des recherches très vastes d’Andrei Tiuniaev, membre de l’Académie russe des sciences naturelles, président de l’Académie des sciences fondamentales, et au début de sa carrière diplômé de la chaire des moteurs à réaction de l’Université polytechnique de Toula, l’histoire de l’ethnie russe trouverait son origine il y a 70 000-50 000 ans sur la plaine, ou « plateforme » russe ; c’est pourquoi
la bonne appellation de la race européide est la race russe. [...] L’Europe est la partie occidentale du continent eurasien, qui atteint à l’est les montagnes d’Oural. La majeure partie de l’Europe (plus d’une moitié de son territoire) est donc constituée par la plateforme russe, jadis le continent russe. [...] La partie de l’Europe située à l’ouest de la plateforme russe a été peuplée, depuis 5 000-10 000 ans avant l’ère chrétienne, et surtout depuis le début de cette ère, par des tribus russes qui se propageaient et qui parlaient des langues dites indo-européennes [...] remontant à une seule langue, le russe44.
24Le développement de telles idées ne varie, chez d’autres auteurs, que dans les détails, mais il s’enrichit d’observations linguistiques qui révèlent des sous-textes à travers l’exaltation de coïncidences phonétiques. Ainsi, Oleg Vinogradov, un médecin militaire à la retraite, qui a consacré son temps libre à la rédaction des Essais de la première histoire de la civilisation russe, largement cités sur Internet, explique à ses lecteurs la cause pour laquelle
notre langue est algorithmisée par la combinaison des lettres RA. C’est quelque chose de plus qu’une combinaison de hasard des sons de l’alphabet, à chacun d’eux un sens bien défini est attribué, celui d’un mot formé et d’un objet ou d’un phénomène qui lui est associé. [...] La langue russe se révèle être un représentant fondamental de la langue unie et originaire de l’humanité. [...] On va s’en persuader : la Russie est RA-SEIA, la contrée « semée par le Soleil », irradiant la lumière divine du soleil. On voit tout de suite pourquoi le Peuple russe se distingue par une spiritualité et un moral si élevés, et d’où vient la grande haine des satanistes de l’Occident précisément contre les Russes. RADOUGA [l’arc-en-ciel] est un « arc du soleil » ; RASSVET [point du jour] est « le jour du soleil » ; RACOURS [raccourci] n’a pas même besoin d’être expliqué ; VERA [la foi] est la « connaissance de Râ » ; RAZOUM [raison] est RA-AZ-OUM, « connaissance de Râ par la raison de la Nouvelle tribu de la Terre » ; PRAVDA [vérité] est P-RA-V-DA, « mémoire de Râ, qui donne
le savoir » ; RASA [race] veut dire « les fils de Râ » ; RABOTA [travail] est « conversation avec Râ » [botat’ veut dire « parler »] ; GRAMOTA [écriture] est « le récit du sens de Râ par le Père » ; OBRAZOVANIE [formation] est « ce qui nous appelle à tout savoir sur Râ » ; ARII [les Aryens] sont « les premiers hommes du soleil » ; STRANA [pays] est « la première escale de Râ » ; MERA [mesure] est « née de Râ » ; AMERIKA [Amérique] est « la première mère de Râ en esprit » ; PHARAON veut dire « il est la lumière de Râ »45.
25S’il voulait fournir à ses thèses sur « la langue russe algorithmisée par la combinaison des lettres RA » un fondement théorique, Vinogradov pourrait probablement recourir à une version souple de l’hypothèse de la relativité linguistique (hypothèse de Sapir-Whorf), très en vogue dans la linguoculturologie russe, et qui invite à juger la culture de ceux qui parlent une langue d’après les composants lexicaux, sémantiques et morphologiques de celle-ci. Or, cette méthode fonctionne même sans références méthodologiques : derrière la combinatoire des « ra », on découvre une spécificité universelle du « tableau du monde » propre à la pensée linguistique russe, ou du moins des « concepts » ou « constantes » de celle-ci, avec son goût primordial pour la religion, la spiritualité et une morale supérieures46. Divers auteurs passionnés de reconstructions patriotiques du passé national et de la mentalité ethnique s’attachent à compléter la liste des mots fondamentaux avec « ra ». C’est le cas, entre autres, de l’écrivain satirique et artiste d’estrade populaire Mikhail Zadornov, qui a publié dans le journal La Sixième race. Si, par son métier, il devrait être enclin à plaisanter, il s’avère lui aussi très sérieux dans ses convictions :
Il était une fois, il y a très très longtemps, au nord de la Russie actuelle, un peuple étonnant et très ancien. Pourquoi au nord ? Parce que le climat de la Terre n’était pas le même. Et il faisait doux au nord. [...] À propos, la Volga s’appelait le fleuve Ra, et la terre le long du fleuve, Rasseia, la splendeur de Ra. Terre du soleil !
Il est étonnant comme beaucoup de mots de la langue russe deviennent clairs si l’on connaît leurs racines aryennes. No-ra [terrier] est « sous-le-jour »,
ra-no [tôt], « pas-de-jour-encore ». La plupart des mots ayant RA pour racine ont jusqu’à nos jours un rapport à la lumière : ve-ra, « croire en Râ », p-ra-vda [vérité], po-ra [temps, moment], e-ra [ère], ra-i [paradis] ! Et enfin, notre mot principal, le plus cher, le slave hourra ! C’est un appel à la lumière. Voilà pourquoi les Slaves sont invincibles sur leur terre ! Parce que hourra nous soutient47.
26Dans l’inventaire des mots révélant des liens profonds de « ra » avec l’autonomination de l’ethnie russe et la toponymie de la Rous’-Russie, il y a également une place pour le mot rasa (race), qui illustre lui aussi les liens indissolubles entre la langue, la culture et la conscience nationale (en l’occurrence, raciale). Ainsi, selon le raisonnement instructif de Vladimir Avdeev, ancien ingénieur électricien, aujourd’hui vulgarisateur actif de la problématique raciale et propagateur de la « théorie raciale russe », et selon son coauteur, candidat ès sciences physico-mathématiques et docteur ès sciences politiques, ancien député de la Douma, Andreï Saveliev :
Le mot RASA provient du sanscrit, la langue la plus ancienne des Aryens à l’époque de la première formation de cette communauté, quand il n’y avait pas encore de nations au sens actuel et qu’il n’y avait pas de langues nationales multiples qui représentent aujourd’hui cette communauté. C’est une unité biologique du sang et de l’espace d’habitation qui a été alors le fondement unissant les hommes. Les différences sociales, politiques, culturelles et religieuses sont apparues plus tard, en altérant cette communauté [...]. RASA est un critère universel sur la base duquel se forment par la suite des catégories de valorisation plus complexes et concrètes. Le terme RASA désigne donc l’une des nations fondamentales de la langue la plus ancienne sur terre, car il remonte aux origines mêmes de la langue comme telle [...]. De toutes les langues modernes et vivantes, c’est le russe qui est le plus proche du sanscrit, ce qui est aussi un fait incontestable. C’est pourquoi, l’alternance des lettres voyelles dans les racines RUS-ROS-RAS en dit long. [...] Il est tout à fait évident aussi que notre graphie russe du mot RASA reproduit exactement le terme sanscrit RASA, tandis que les variantes anglaise, française et allemande s’écartent de la racine sanscrite, en s’éloignant donc du sens indo-européen originaire. La race est un mot profondément russe par son sens et par sa phonétique, on n’a pas besoin d’être un philologue pour le comprendre [...]. Ce n’est pas dans les révélations libérales ni dans la lutte des classes que nous devons chercher les sources de l’originalité philosophique russe, mais c’est tout au contraire sur la base racio-biologique qu’il convient d’interpréter le chemin du peuple russe, son éthique et sa volonté. [...] Nous prononçons chaque jour les mots RUSSES, RUSSIE, or nous ne devons pas oublier le troisième mot important dont le temps est venu, la RACE48.
27Les œuvres du professeur de l’Académie internationale slave Ludmila Boutovskaïa, auteure des livres et articles aux titres éloquents – « Les Russes sont le fonds génétique inappréciable de la race blanche », « Sois Russe ! », etc. – sont elles aussi pleines d’appels à ne pas oublier le mot de « race49 ». Moins scientifiques d’apparence mais également passionnantes sont les idées de ceux parmi les partisans de l’origine « aryenne » des Slaves qui détectent dans le mot rasa une abréviation de « Tribus des As du Pays des As », c’est-à-dire des « Slaves et Aryens », « les premiers habitants du Milgard (la Terre) » :
Chez les Latins, ce mot s’écrivait Rasa, d’où l’expression conservée tabula rasa, ce qui est blanc, d’une pureté originelle, vierge, clair. D’où le nom anglais des Russes – Russian, c’est-à-dire rasa. Par la suite, on a remplacé la lettre s (State) par la lettre c (Country), et le mot race a désigné des espèces humaines : White Race, Black Race, Gray Race. En anglais, c’est toujours Russia (la race), la Russie. [...] Rasseia, « Splendeur Originelle de Cette Vérité, Territoire de la Lumière », nom ancien de l’habitation des Rosses (Ra seia), a été dans la suite déformé pour devenir Rasseia chez un peuple disséminé dans le monde et établi dans notre pays. Ce n’est pas par hasard s’ils sont tellement attirés par l’intégration dans le territoire de l’Europe50.
28Les images rêveuses d’un passé historique des Slaves, prenant parfois, insensiblement, un air comique, suscitent de temps en temps des critiques chez une audience bien disposée, mais plus réservée. Or ces vues extrêmes dévoilent des stéréotypes de base sur lesquels se fonde la mythologie historiographique de la Russie, diffusée à grands tirages dans la presse nationale-patriotique et sur Internet pour ébahir les esprits naïfs. Ainsi, les lecteurs du journal « porteur des lumières historiques », Les Slaves russes, apprennent de son rédacteur que
Les Slaves russes, comme les Slaves de l’Est (ou les Grands-Russes), sont les restes d’une civilisation autrefois la plus puissante des Rouss sur la terre. Ils ont laissé des traces de leur grandeur en Scandinavie et en Iakoutie, dans l’Oural du Sud et aux Indes, dans l’Asie centrale et au Proche-Orient, au sud de l’Europe et en Égypte [...]. La Langue russe, le fondement de
toutes les langues de la terre, renferme en elle des Savoirs gigantesques, y compris Védiques.
29De même, l’article du candidat ès sciences physico-mathématiques Andreï Alexeev affirme que « la Crète est le berceau vieux-russe de la civilisation européenne ». Valentin Gladychev, dans le même journal, déchiffre les mots anthropos comme ant-Ro-pos, « ant-Ro-chantant » ; rousski (« russe »), comme Ru-s-ki, « (au dieu) Râ avec âme » ; Étrusque, comme etot-rousski, « ce Russe » ; Eguipet (Égypte), comme ie-gui-pet, « où les cercueils chantent » ; Ierousalim (Jérusalem), comme ie-Ru-sa-lim, « où l’on expose ses fils (au dieu) Râ », donc un cimetière russe51.
30Des révélations encore plus surprenantes sont professées par les Inglings, les adeptes de l’Église Vieille-Russe Ingliistique des Vieux-Croyants Orthodoxes Inglings, une branche du néo-paganisme slave, qui proclament l’ancienneté particulière et le messianisme de la race « slavo-aryenne » en s’appuyant sur un mélange étonnant d’ésotérisme, de science-fiction, de linguistique populaire, de fantasy, de blockbusters hollywoodiens et de théories raciales52. Or, si dérisoires que paraissent les écrits en question, leur pathos révisionniste et complotiste compense les dégâts des « hypothèses » fantastiques. La conviction d’une conspiration des savants, censés dissimuler la vérité sur le passé historique, produit d’une manière prévisible des idées et des textes dont la nouveauté même est reconnue comme un défi et une prise de position53. Les arguments des savants professionnels, comme le montre l’exemple des critiques de la « nouvelle chronologie » de Fomenko et Nosovski54 ou de l’expertise des recherches d’amateurs comme celles d’Avdeev55, n’atteignent leur but que dans la mesure où ils s’adressent aux gens ayant déjà une certaine connaissance des critères scientifiques de vérification et de falsification des données. La popularité de la problématique historico-mythologique et, en particulier, raciale, mérite notre attention, car elle trahit non seulement un manque de culture et de bon sens chez ces chercheurs, mais elle est avant tout un résultat et un indice d’une insatisfaction sociale, l’expression d’une « pensée contestataire » par rapport aux règles et limitations établies par l’opinion dominante ainsi que par la science traditionnelle et institutionnelle.
Notes de bas de page
1 Traduit du russe par Serge Zenkine.
2 Anonyme, « Note sur la langue des périodiques russes (extrait d’une lettre au rédacteur) », Izvestia vtorogo otdelenia Imperatorskoi akademii naouk, vol. 8, nº 1, 1859, colonnes 77, 78.
3 « RASA, tribu. – De l’allemand Rasse ou du français race, probablement de l’italien razza » (Max Vasmer, Etimologuitcheski slovar’ rousskogo iazyka (Dictionnaire étymologique de la langue russe), Moscou, Progress, 1987, vol. 3, p. 444).
4 Cette hypothèse est indirectement confirmée par le caractère général des emprunts russes à la langue française en 1830-1900, par rapport aux emprunts de l’allemand pour la plupart plus anciens et correspondant moins à des notions venant des sciences, de la philosophie ou des métiers, qu’à des expressions de la vie quotidienne, de la littérature et du journalisme. Voir Iouri Sorokin, Razvitie slovarnogo sostava rousskogo literatournogo iazyka, 1830-1900 (L’Évolution du vocabulaire de la langue russe littéraire), Moscou, Naouka, 1965 ; Vladimir Veselitski, Razvitie otvletchennoi leksiki v rousskom literatournom iazyke (L’Évolution du lexique abstrait dans la langue littéraire russe du premier tiers du xixe siècle), Moscou, Naouka, 1964 ; Vladimir Veselitski, Otvletchennya leksoka v rousskom literatournom iazyke (Le Lexique abstrait dans la langue littéraire russe du xviiie siècle-début du xixe siècle), Moscou, Naouka, 1972.
5 Apollon Grigoriev, « Quelques mots sur les lois et les termes de la poétique organique », Rousskoe slovo, mai 1859, section II, p. 13 ; cette citation, ainsi que les suivantes dans le texte sont traduites du russe par Serge Zenkine.
6 Afanasi Chtchapov, « L’organisation ethnique de la population russe », Biblioteka dlia tchtenia (Cabinet de lecture), nº 1, 1864, p. 26.
7 Ilya Berezine, « La métropole et la colonie. Article premier », Otetchestvennye zapiski, nº 117, mars 1858, section 1, p. 88.
8 Ibid., p. 89.
9 Ibid., p. 90.
10 Anonyme, « Note sur la langue des périodiques russes (extrait d’une lettre au rédacteur) », op. cit.
11 Courant nationaliste en Russie dans les années 1860-1870 [n.d.t.].
12 Piotr Sokalski, « Nos principaux points de divergence (article premier) », Vremya (Le Temps), nº 4, avril 1863, p. 226.
13 Ibid.
14 Ibid., p. 227-228.
15 Ibid., p. 228.
16 Ibid.
17 Ibid., p. 234.
18 Ibid., p. 229.
19 Ilya Berezine, « La métropole et la colonie. Article premier », art. cité, p. 89.
20 Nicolaï Treskine, « Compte rendu du Manuel de géographie universelle d’Alexandre Poulikovski », Journal Ministerstva narodnogo prosvechtchenia, 1867, vol. 135, p. 839.
21 Voir, pour les exemples, Allison Blakely, Russia and the Negro: Blacks in Russian History and Thought, Washington, Howard University Press, 1986.
22 Voir, sur Klassen, Rousskie pisateli (Les Écrivains russes), 1800-1917 : dictionnaire biographique, Moscou, Bolchaïa rossiyskaïa entsiclopedia, 1992, vol. 2, p. 548.
23 Iegor Klassen, Novye materialy k drevnei istorii Slavian... (Nouveaux matériaux pour l’histoire ancienne des Slaves en général et des Slaveno-Russes d’avant Rurik en particulier, avec une esquisse légère de l’histoire des Russes avant la Nativité du Christ), Moscou, Ouniversitetskaïa tipografia, 1854, vol. 1, p. 57.
24 Ibid., p. III.
25 Ibid., p. 25.
26 Ibid., p. 27.
27 Ibid., p. 12.
28 Thaddée Wolanski, « Monuments d’écriture des Slaves d’avant la Nativité du Christ, recueillis et expliqués par Thaddée Wolanski », dans Iegor Klassen, Novye materialy k drevnei istorii Slavian..., op. cit., p. 13.
29 Iegor Klassen, Novye materialy k drevnei istorii Slavian..., op. cit., p. 28.
30 Ibid., p. 27.
31 Ibid., p. 57.
32 Alexandre Chichkov, Sobranie sotchineniy i perevodov (Œuvres et traductions), Saint-Pétersbourg, Rossijskaïa akademia naouk, 1825, vol. 4, p. 344-355. Voir aussi Konstantin Bogdanov, O krokodilakh v Rossii (Sur les crocodiles en Russie : de l’histoire des emprunts et des exotismes), Moscou, Novoe literatournoe obozrenie, 2006, p. 116-117.
33 Le titre même de l’ouvrage réalise presque à la lettre l’intention de Klassen de « tracer » une « esquisse de l’histoire ancienne de la Russie avec tous ses mouvements en Europe, Asie et Afrique ».
34 Vladimir Lamanski, O slavianakh v Maloi Asii, Afrike i Ispanii (Des Slaves en Asie Mineure, en Afrique et en Espagne), Saint-Pétersbourg, Akademia naouk, 1859, p. 85-87.
35 Nikolai Katchanov (éd.), Arkhiv istoritcheskikh i praktitcheskikh svedeniy, otnosiachtchikhsia do Rossii (Archives de données historiques et pratiques relatives à la Russie), Saint-Pétersbourg, 1860, vol. 5, p. 34.
36 Dmitri Ilovaiski, Rasyskania o natchale Rousi (Recherches sur l’origine de la Rous’ : au lieu d’une introduction à l’histoire russe), Moscou, Gratchev, 1876, p. 258.
37 Voir le grec ρευµα – « onde », ραινω – « j’asperge », ράσµα – « goutte », voir le russe rosa, « rosée ». Vasili Florinski, Pervobytnye slaviane po pamiatnikam ikh doistoritcheskoi zhizni (Les Slaves primitifs d’après les monuments de leur vie préhistorique : essai d’archéologie slave), Tomsk, P.I. Makouchine, 1894, vol. 1, p. 18.
38 Léon Metchnikoff, La Civilisation et les grands fleuves historiques, Paris, Hachette, 1889.
39 Gueorgui Plekhanov, « Sur le livre de L. Metchnikoff La Civilisation et les grands fleuves historiques », dans Gueorgui Plekhanov, Kritika nachikh kritikov (Critique de nos critiques), Saint-Pétersbourg, Obchtchestvennaïa polza, 1906, p. 283.
40 Ibid.
41 Alexandre Kozintsev, « La science moins la science » (compte rendu du livre de Marina Mogilner, Homo imperii), Anthropologuitcheski forum, nº 11, 2009, p. 436.
42 Guennadi Grinevitch, Praslavianskaya pis’mennost’ (L’Écriture slave ancienne : résultats d’un déchiffrement), Moscou, Obchtchestvennaïa polza, 1993 ; Vladimir Popov, « Les Étrusques sont des Russes (Pour une histoire des proto-Slaves) », Zavtra, 26 avril 2002 ; Vladimir Karpets, Rous’ Miroveeva (La Rous’ Miroveeva : pour une méta-histoire de la Race Royale), Moscou, Olma-press, 2005, p. 45-47.
43 Il s’agit d’une révision radicale de la chronologie historique universelle, entreprise par le mathématicien Fomenko dans une série d’ouvrages largement diffusés en Russie après 1990 [n.d.t.].
44 Andrei Tiouniaev, Istoria vozniknovenia mirovoi tsivilisatsii (Histoire de l’apparition de la civilisation mondiale : une analyse systémique), en ligne : www.organizmica.org/archive/307/rp3-10.shtml#10.1.3 (décembre 2017) ; www.dazzle.ru/spec/aterr.shtml (décembre 2017). Voir l’exhortation confiante du même auteur au lecteur supposé de ses écrits : « La génération aînée se souvient des manuels d’histoire de la 5e année, où la place manquait pour la Rous’ ancienne. On nous faisait étudier l’histoire de notre Patrie telle qu’elle avait été inventée et écrite pour nous par des gens venus d’autres territoires et pleins de haine pour la Russie. Tels étaient notamment les misérables que la noblesse russe, pour complaire à la mode de l’époque, recueillait dans les rues et sous les portes des villes les plus défavorisées de l’Europe. Une fois arrivés en Russie, ces misérables revêtaient des cafetans coûteux, des pince-nez et devenaient des précepteurs des enfants russes. » (Andrei Tiouniaev, « Drevneichaia Rous’. Svarog et ses petits-enfants », dans Issledovania drevnerousskoi mifologii [Études de mythologie russe ancienne], Moscou, 2010, en ligne : www.organizmica.org/archive/703/sisv.shtml [décembre 2017].)
45 Oleg Vinogradov, Otcherki natchalnoi istorii rousskoi tsivilisatsii (Essais de la première histoire de la civilisation russe, période pré-chrétienne. Sources, découvertes, hypothèses), Moscou, Institut de civilisation russe, 2011, p. 87-88.
46 Les mêmes qualités caractérisant la mentalité russe sont révélées par les représentants de la linguoculturologie russe, qui aiment à disserter sur « les idées clés » et « les notions clés », censées distinguer la culture russe des autres ; par exemple Vladimir Vorobiov, Lingvo-koultourologia (La Linguoculturologie : théorie et méthodes), Moscou, RUDN, 1997 ; Anna Zalizniak, Irina Levontina & Alexei Chmeliov, Klioutchevye idei rousskoi iazykovoi kartiny mira (Les Idées clés du tableau du monde linguistique russe), Moscou, Iazyki slav’ianskoi koultoury, 2005. Voir une critique raisonnable de la linguoculturologie, en tant que nationalisme linguistique, et un aperçu général du problème : Anna Pavlova, « Peut-on juger de la culture d’un peuple d’après les données de la langue ? », Antropologuitcheski forum, nº 16, en ligne : http://anthropologie.kunstkamera.ru/files/pdf/016online/pavlova3.pdf (décembre 2017). Voir aussi le compte rendu par Catriona Kelly du livre Les Idées clés du tableau du monde linguistique russe, dans Antropologuitcheski forum, nº 6, 2007, p. 396-405.
47 Mikhail Zadornov, « Rasseia, la Terre du Soleil », Chestaia rasa, nº 1, 16 janvier 2012, en partie en ligne : http://6rasa.ru/trete-uxo/ (décembre 2017).
48 Vladimir Avdeev & Andreï Saveliev, « La race et l’idée russe », préface au recueil Rasovyi smysl rousskoi idei (Le Sens racial de l’idée russe), nº 1, en ligne : www.xpomo.com/ruskolan/avdeev/rasaidea.htm (décembre 2017).
49 www.xpomo.com/ruskolan/rasa/russkie.htm (décembre 2017).
50 Tolkovo-etymologuitcheskiy et etymologuitcheskiy slaviano-ariyski slovar’ (Dictionnaire raisonné et étymologique slavo-aryen), en ligne : http://energodar.net/slovar/?bukva=r (décembre 2017). Voir aussi : « Comment prononce-t-on le nom de notre Patrie en anglais ? Il s’agit de la prononciation “Racha”. Pour la première syllabe, Ra, tout est clair. Quant à shia, c’est le début phonétique du mot anglais shine, splendeur. (D’ailleurs, shine est un abrégé de chaianie, chianie, une évolution chuintante du mot russe plus ancien, sifflant : sianie, splendeur.) En ancien anglais, le sens du nom de notre Patrie est donc « Splendeur de Dieu, Splendeur Divine » (Igor Alexakhin, « Râ, le dieu des anciens Aryens, proto-Slaves. Sur quelques traits de notre langue nationale », Samizdat, en ligne : http://zhurnal.lib.ru/p/ppppjapjapp_ppepjaja_ppjappjapppja/rudoc.shtml [décembre 2017]).
51 Valentin Gladychev, Rousskie slaviane, nº 1, 2001, p. 11, 13 ; Vadim Kazakov, « L’influence du “Dieu Russe Râ” et de “L’écriture du monde entier” sur l’origine du lièvre à partir de la vache », Rousskaïa Pravda, nº 24, 2001, en ligne : www.s-slovo.narod.ru/statyi.html (décembre 2017).
52 Alexandre Khinevitch & Nikolay Ivanov, « Les Védas slavo-aryens », parties 1-4, dans Drevnerousskaya ingliistskaya tserkov’ (Église Vieille-Russe Ingliistique des Vieux-Croyants Orthodoxes Inglings), Omsk Asgard Iriyski, 2005, 2007. Voir la bibliographie de l’ingliisme : https://ru.wikipedia.org/wiki/Инглиизм (décembre 2017).
53 Voir par exemple l’annonce du livre de Vladimir Larionov, Skifskaya Rous’ (La Rous’ Scythe : une source mystérieuse de la race slave), Moscou, Eksmo, 2009 : « Cette recherche, en rupture avec les tabous “libéraux” et les mythes occidentaux, est le meilleur remède contre le poison russophobe dont on nous nourrit depuis plus d’un siècle. Cet ouvrage bouleversera vos idées sur l’origine et l’histoire raciale des Slaves. C’est la vérité longtemps attendue sur l’ancienneté sacrée du peuple russe, sur le grand chemin héroïque de nos ancêtres de la Grande Scythie à la Sainte Rous’ ».
54 Anti-istoria, vytchislennaya matematikami (Une anti-histoire, supputée par des mathématiciens : sur la nouvelle chronologie de Fomenko et Nosovski), Moscou, RGGU, 2006.
55 « Des récidives du chauvinisme et de l’intolérance raciale. Lettre à la rédaction », Priroda, nº 6, 2003, http://vivovoco.astronet.ru/VV/JOURNAL/NATURE/06_03/PISMO.HTM (décembre 2017) ; Kritika racizma v sovremennoi Rossii... (Critique du racisme en Russie d’aujourd’hui et regard scientifique sur le problème de la diversité ethno-culturelle), Moscou, Bureau des droits de l’homme de Moscou / Academia, 2008.
Auteur
Konstantin Bogdanov est maître de recherches à l’Institut de littérature russe (Maison Pouchkine) à Saint-Pétersbourg. Il est spécialiste de poésie et d’astronomie antiques, du folklore russe, d’histoire de la médecine et de la pensée sociale du XVIIIe au XXe siècle. Parmi ses livres, publiés en russe, on peut citer La Vie quotidienne et la mythologie (2001, 2015), Les Valeurs variables : le climat de l’histoire russe et autres sujets (2014), et Médecins, patients, lecteurs : les textes pathographiques des XVIIIe-XXe siècles (2017).
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Biographie & Politique
Vie publique, vie privée, de l'Ancien Régime à la Restauration
Olivier Ferret et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.)
2014