29. Fatwâ du grand cadi de Grenade Abû l-Qâsim b. Ward (465-540/1072-1146) au sujet des biens haboussés par les Mozarabes en exil dans les régions de Meknès et de Salé (1127)
p. 98-99
Texte intégral
1En 519/1125, Alphonse Ier le Batailleur, roi d’Aragon, pénètre profondément avec son armée dans le territoire d’al-Andalus, à l’appel des Mozarabes de la région de Grenade. La réaction almoravide contre cette connivence manifeste entre royaume chrétien et communautés mozarabes va marquer la fin de la présence de celles-ci en al-Andalus. Dès l’automne de 520/1126, le grand cadi de Cordoue Ibn Rushd se rend spécialement à Marrakech auprès du souverain almoravide ‘Alî b. Yûsuf afin de l’informer de vive voix de l’état alarmant dans lequel se trouve alors la Péninsule. Une fatwâ, émise par ce même juriste, ordonne ensuite l’expulsion des chrétiens de Grenade, Cordoue et Séville au Maroc, à Meknès et Salé, terre d’exil où ils conservent cependant leur statut de protégés et peuvent continuer à pratiquer leur culte. Expulsés sans avoir eu le temps de régler leurs affaires, ces Mozarabes adressent alors des réclamations à l’Émir des Musulmans, qui lui-même consulte les juristes d’al-Andalus au sujet des biens haboussés par ces communautés mozarabes au profit de leur clergé et des bâtiments religieux. La fatwâ suivante émane d’un autre grand juriste mâlikite de l’époque almoravide, Ibn Ward, cadi de Grenade entre 515/1121-1122 et 530/1136.
2Voici la question ayant trait aux biens habous des églises des Chrétiens, au sujet desquels l’Émir des musulmans ‘Alî b. Yûsuf b. Tâshfîn écrivit au juriste et cadi Abû l-Qâsim Ahmad b. Muhammad b. Ward et autres jurisconsultes d’al-Andalus. Voici le texte de sa lettre - Dieu lui fasse miséricorde - dans son intégralité :
3« De l’Émir des croyants et défenseur de la religion ‘Alî b. Yûsuf b. Tâshfîn au juriste et cadi Abû l-Qâsim Ahmad b. Ward et aux jurisconsultes du conseil de Grenade - Dieu les préserve et les assiste de Sa force.
4Au nom de Dieu Puissant et Miséricordieux. Que Dieu accorde Son salut à notre maître Muhammad et à sa famille. Notre lettre - que Dieu vous préserve, vous assiste de Sa force, vous facilite ce qui Lui plaît et étende sur vous Ses bienfaits et Ses bénédictions - émane de la capitale de Marrakech - Dieu la préserve - en ce temps. Les Chrétiens tributaires déportés de Séville à Miknâsat al-Zaytûn [Meknès] - Dieu la préserve - nous ont fait part de leur souhait que quelqu’un soit envoyé auprès d’eux pour décider avec eux des conditions de la vente en notre faveur de leurs biens, puisqu’ils ont préféré cette solution lorsque nous leur avons laissé le choix en cette matière. Et comment peuvent-ils continuer à observer les rites de leur religion, à laquelle ils restent fidèles ?
5Tel est le texte de ce qu’ils nous disent dans cette lettre. Nous vous demandons une consultation juridique sur ces deux points ; faites-nous connaître l’enseignement de la Sunna à leur sujet. De même expliquez-nous la procédure à suivre en ce qui concerne les biens haboussés au profit des Chrétiens et de leurs églises en al-Andalus, conformément à la volonté de Dieu Puissant et Grand ; qu’ils jouissent d’une paix profonde, de la miséricorde de Dieu et de Ses bienfaits.
6De même, nous avons reçu une lettre de notre fils Abû Bakr - que Dieu lui accorde Sa force - nous assurant que les Chrétiens tributaires se sont convertis à l’Islam à Séville - Que Dieu la préserve - et qu’un petit groupe d’entre eux s’est enfui en territoire ennemi - Dieu l’anéantisse - poursuivi par la cavalerie ; les uns ont été tués, les autres ramenés à Séville et incarcérés. Faites-nous connaître les directives de la Sunna sur ces deux affaires, conformément à la volonté de Dieu.
7De même, les Chrétiens [installés à Meknès] ont fait valoir que leurs moines (ruhbân) et évêques (asâqifa) n’avaient pas d’autres ressources que les revenus des habous constitués au profit des églises en question. Cela fait partie des points sur lesquels il est nécessaire de donner une consultation juridique - Si Dieu Puissant et Grand le veut-. Que la réponse nous éclaire à ce sujet. »
8Le juriste, imam, gardien de la foi, grand cadi de Grenade Abû 1-Qâsim Ahmad b. Muhammad b. Ward - Dieu lui porte assistance - répondit en 521/1127.
9Al-Wansharîsî, Mi‘yâr, éd. Rabat, VIII, p. 56-59.
Bibliographie
Bibliographie
Hady-Roger Idris, « Les tributaires en Occident musulman médiéval », Mélanges d’Islamologie Armand Abel, I, Leyde, 1974, p.l72-196. - Vincent Lagardère, Le vendredi de Zallâqa, Paris, 1989, p. 155-156. - id., Les Almoravides. Le Djihâd andalou, Paris, 1999, p. 98-114.
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