Texte en français
p. 98-207
Texte intégral
I – Requête et articles soumis à l’évêque par le procureur jean chauvin
1En recourant à vous, révérend père et seigneur dans le Christ seigneur François, évêque de Genève, le procureur du vénérable religieux frère Baptiste de Mantoue, de l’ordre de saint Benoît, dit en son nom qu’un sujet de discorde lié à la prédication s’est élevé entre le révérend maître Raphaël de Cardona de l’ordre de saint Dominique d’une part, et ledit Baptiste d’autre part. En effet, tandis que le frère Baptiste prêchait la parole divine pour la gloire et l’honneur de Dieu tout-puissant et le salut des âmes, maître Raphaël, rejetant et dédaignant la manière évangélique de pratiquer la correction – selon la parole du Christ rapportée par l’évangéliste : Si tu vois ton frère dans l'erreur, corrige-le en privé – et alors que ce frère Baptiste n’avait pas besoin d’une telle correction car il prêchait la parole du Seigneur saintement, droitement et sans erreur, ce Raphaël, rejetant et dédaignant la correction divine et fraternelle, s’avança avec des frères de son ordre vers Baptiste qui prêchait la parole divine, comme on l’a dit, dans le couvent des vénérables religieux frères mineurs de l’ordre de saint François, et déclara publiquement d’une voix forte, de manière désordonnée et scandaleuse et en présence du peuple qui était venu écouter la parole divine de Dieu, que ce qu’il prêchait n’était pas vrai mais faux. Non content de cela et exhortant le peuple au scandale, ce Raphaël disait : Pourquoi ne le chassez-vous pas de la chaire ? Pourquoi ne l’emprisonnez-vous pas ? N’entendez-vous pas qu’il ne prêche que des choses fausses et erronées ? Et il faisait de nombreuses autres remarques semblables, poussant toujours le peuple contre Baptiste. Mais le peuple disait au contraire à Raphaël de se taire et de ne pas empêcher la prédication, ce qu’il n’a pas voulu faire. Malhonnêtement et comme un forcené, en agitant sa tête et tout son corps, il est intervenu plusieurs fois aussi longtemps que la prédication a duré, inspirant du dégoût au peuple.
2Tous ces faits parvinrent aux oreilles du très illustre prince et seigneur, le seigneur duc de Savoie, qui s’affligea beaucoup d’entendre de tels faits car il n’a pas pour habitude de permettre des altercations dans sa souveraineté et patrie ; en effet, il a pris soin d’extirper de toutes ses forces de telles querelles et y veille attentivement. Aussi leur ordonna-t-il, à savoir au maître Raphaël et au frère Baptiste, de comparaître devant lui ; et de même que notre seigneur et rédempteur Jésus-Christ a établi la paix entre Dieu et l’homme, de même ce sérénissime prince a établi la paix entre les deux hommes. Cependant, du fait que le vénérable religieux frère Ulric de Torrenté, prétendu inquisiteur dans la cité de Genève, avait procédé à des enquêtes et à l’examen de témoins malgré la paix établie, le très illustre prince, quand il en fut informé, ordonna à cet inquisiteur de comparaître devant lui et lui rappela la paix conclue selon l’usage angélique, ce dont le prétendu inquisiteur s’est manifestement réjoui. Mais le procès qu’il avait rédigé, nul, faussé, rempli d’hostilité et de malveillance, il n’a pas voulu le détruire et le brûler, craignant, comme il le prétendit, qu’un élément de suspicion ne s’élevât contre lui dans le futur. Pour cette raison, après avoir entendu cela et considéré la règle du droit disant : Il convient qu'un bénéfice accordé par le prince soit maintenu, le très illustre prince a ordonné au prétendu inquisiteur et au frère Jean Chauvin ermite, et vous a demandé, à vous très révérend père dans le Christ, qu’une enquête et un procès soient menés de la meilleure manière et la plus sûre possible pour montrer l’innocence dudit Baptiste, afin que si quelqu’un produisait dans le futur une affaire semblable contre lui, il ne demeurerait pas sans défense mais posséderait les armes de la vérité de son côté grâce auxquelles il pourrait résister contre les armes ennemies de la vérité.
3C’est pourquoi, en son nom et avec toute l’instance qu’autorise le droit, le procureur vous demande et vous requiert, très révérend père et seigneur évêque de Genève, de consentir à lui assurer le remède du droit, tant de la part de votre office qu’en faveur de Baptiste, et implore humblement votre office bienveillant sur toutes ces choses.
4Pour mieux illustrer et justifier les prémisses de cette supplique, et afin qu’apparaisse très clairement l’innocence de Baptiste contre Raphaël, contre le prétendu inquisiteur et son procès inquisitoire, et à toutes fins utiles pour Baptiste, le procureur expose et remet devant vous, seigneur évêque, les articles suivants ; il demande d’être autorisé à les prouver, mais sans être grevé du poids d’une preuve superflue à laquelle il considère ne pas être tenu.
5Il expose et demande toutes ces choses, prises tant conjointement que séparément, suivant les meilleurs procédé, voie, droit et forme possibles auxquels il peut et doit recourir, en se réservant le droit de corriger, d’ajouter, de retrancher, d’interpréter et autres, comme ce fut et c’est l’usage.
6Devant vous très révérend père et seigneur dans le Christ seigneur François, par la miséricorde divine évêque ordinaire de Genève, au nom du vénérable religieux frère Baptiste de Mantoue de l’ordre de saint Benoît, son procureur dit, affirme et présente en votre juridiction et selon le droit les propositions souscrites, exposées méthodiquement, contre un certain frère Raphaël de Cardona de l’ordre de saint Dominique initiateur et instigateur d’une part, contre également un frère Ulric de Torrenté de ce même ordre de saint Dominique prétendu inquisiteur dans la cité de Genève, et contre toute autre personne intervenant légitimement devant vous ou votre lieutenant, en faveur de ce Raphaël et de ce prétendu inquisiteur, tant conjointement qu’individuellement.
7{I} Tout d’abord et au nom de Baptiste, le procureur affirme que ce frère demeura toute sa vie un vrai bon chrétien, de bon renom et bonne réputation, et fut déclaré, tenu et désigné tel parmi ses connaissances. Il en fut ainsi et c’est vrai, public, notoire et manifeste.
8{II} Il affirme et avance que le frère Baptiste a prêché la parole divine publiquement et chrétiennement à Venise, Florence, Gênes, Milan et dans presque toute l’Italie ; de cette prédication dans ces régions italiennes, il a résulté un grand fruit et le salut des âmes, ce qui est de notoriété publique jusqu’à aujourd’hui en Italie. Il en fut ainsi et c’est vrai.
9{III} Il affirme que ce Baptiste a prêché la parole divine dans des régions cisalpines, à savoir à Avignon, à Montpellier, en Catalogne, au Dauphiné ; et dans ces régions aussi il a porté un grand fruit et fait le salut des âmes. Il en fut ainsi et c’est vrai.
10{IV} Il affirme que lors des prédications de Baptiste dans ces régions, tant transalpines que cisalpines, étaient présents des docteurs très savants et de nombreux autres experts. Aucun de ceux-ci n’a convaincu Baptiste d’une quelconque erreur ; au contraire, il fut déclaré, tenu et désigné par tous comme honnête, droit, parfait et sain dans sa prédication. Il en fut ainsi et c’est vrai.
11{V} Il affirme que Baptiste demeura et fut présent dans la cité de Genève durant presque deux mois et y prêcha la parole divine lors de plusieurs sermons, pour la gloire et l’honneur de Dieu et le salut des âmes. Il en fut ainsi et c’est vrai.
12{VI} Le procureur affirme et avance que Baptiste prêcha dans la cité de Genève sa doctrine à tous ceux qui voulaient la comprendre et la recevoir sainement, chrétiennement et avec un bon entendement ; il n’enseigna ou ne dogmatisa que la vraie doctrine chrétienne approuvée par les saints docteurs et les autres fidèles. Il en fut ainsi et c’est vrai.
13{VII} Il affirme que parmi toutes les prédications faites par Baptiste dans la cité de Genève et dans le couvent des frères mineurs de cette cité, il y eut une prédication de Baptiste à laquelle assista un frère Raphaël, et ceci bien plus pour provoquer un scandale que pour entendre la parole divine, comme on le verra. En effet, alors que Baptiste poursuivait sa prédication, ce Raphaël se leva, incité davantage par l’ennemi de la nature humaine qu’inspiré par le Saint-Esprit, et déclara à Baptiste d’une voix forte, de manière impétueuse, désordonnée et déchaînée, de sorte que le peuple qui assistait à la prédication divine a pu entendre, que ce qu’il prêchait n’était pas vrai mais faux, erroné et contre la foi. Il a répété cela plusieurs fois, en agitant sa tête et tout son corps, au mépris de la recommandation de la vérité divine – selon la parole du Christ rapportée par l’évangéliste : Si tu vois ton frère dans l’erreur, corrige-le en privé – et bien que Baptiste n’eût pas besoin d’une telle correction, car il ne prêchait que la saine doctrine. Et non encore satisfait de cela, exhortant le peuple à s’offenser contre Baptiste, il disait : Pourquoi ne le déposez-vous de la chaire pour le conduire en prison ? N'entendez-vous pas combien il prononce de paroles erronées et fausses ? Mais le peuple ayant vu son comportement inique, malhonnête, téméraire et présomptueux, et soutenu par le venin de l’envie, disait au contraire à Raphaël qu’il agissait mal et qu’il dérangeait la prédication. Mais celui-ci, ne craignant aucune recommandation ni divine ni humaine, ne voulut pas se taire ni cesser son comportement désordonné et inique aussi longtemps que dura la prédication. Il en fut ainsi et c’est vrai.
14{VIII} Il affirme que Raphaël, non content de sa critique inconsidérée, insensée et téméraire, se rendit avec des frères de son ordre favorables à sa cause et à sa critique téméraire, auprès d’un frère Ulric de Torrenté, prétendu inquisiteur dans la cité de Genève, auquel ils ont dû rapporter des paroles perverses et fausses contre Baptiste, en oubliant la justice qui fut appliquée dans l’Ancienne Loi aux deux Anciens, ces juges qui accusaient Suzanne. Et ce prétendu inquisiteur, non dénué du soupçon de partialité car appartenant au même ordre, procéda à des enquêtes et à l’examen de témoins favorables à Raphaël et à ce prétendu inquisiteur ainsi qu’aux autres frères, et ennemis de Baptiste du fait de la prédication de celui-ci car il ne craint pas de dire la vérité, de sorte qu’ils ont dû rapporter à ce prétendu inquisiteur que Baptiste prêchait des choses erronées et contre la foi. Et ce prétendu inquisiteur, ensemble avec lesdits frères, sans avoir convoqué Baptiste, a produit dans un procès nul et de valeur nulle des articles faux, téméraires et juridiquement présomptueux, dénués de toute vérité, soit parce qu’issus de témoins ennemis de Baptiste, soit parce que les accusateurs furent Raphaël et d’autres frères qui étaient en accord avec lui et qui ont déposé contre Baptiste, de sorte qu’un tel procès ou ces articles, s’ils méritent le nom de procès ou d’articles, ne sont pas dénués de suspicion et de nullité, comme on l’a dit. Il en fut ainsi et c’est vrai.
15{IX} Il affirme que lorsqu’un tel examen fut mené, non seulement le notaire et le prétendu inquisiteur étaient présents, mais aussi de nombreux frères de cet ordre et du couvent de la cité de Genève, et qu’ils procédaient tous ensemble à l’examen de tels témoins, cela contre la forme du droit. Il en lut ainsi et c’est vrai.
16{X} Il affirme que le prétendu inquisiteur avec les frères du couvent n’examinaient que les témoins qu’ils voyaient leur être favorables ; mais lorsque quelqu’un voulait déposer la vérité en faveur de Baptiste, ils ne voulaient pas écrire ce témoignage et disaient : C’est suffisant, il n’est pas nécessaire que vous en disiez plus ; allons boire. Et ainsi un tel procès ou ces articles, s’ils méritent le nom de procès ou d’articles, furent agencés par de tels ordonnateurs. Il en fut ainsi et c’est vrai.
17D’un tel procès ou de tels articles, comme il a été dit, voici maintenant la teneur.
18{XI} Tout d’abord, dans l’exposé des articles, parmi toutes les choses qui y figurent, le prétendu inquisiteur dit ceci : Avant de rencontrer ce frère Baptiste et de lui présenter des dépositions, celles-ci avaient été montrées à des experts pour leur demander conseil, puis nous avons rencontré personnellement ce frère Baptiste, ce qui est faux ; au contraire, le prétendu inquisiteur a convoqué publiquement Baptiste et celui-ci vint à la résidence du seigneur évêque où se trouvaient Raphaël et le prétendu inquisiteur, ainsi que de nombreux frères de cet ordre et de nombreuses autres personnes, tant des clercs que des laïcs, présents là pour assister Raphaël et l’inquisiteur, de sorte que ce prétendu inquisiteur n’a pas rencontré personnellement Baptiste, contrairement à ce qu’il relate et que l’on a déjà cité. Mais il en fut ainsi et c’est vrai.
19Pour répondre à ces articles criminels qui ne doivent être ni déclarés ni désignés du nom d’articles, le procureur affirme au nom de Baptiste que les faits exposés dans ces articles tels qu’ils sont relatés, dans la mesure où ils agissent contre Baptiste et non autrement ni pour une autre raison, ne sont pas vrais mais faux et très faux, dénués de toute vérité dans leur attaque contre Baptiste, et recèlent une falsification si exagérée qu’ils ne méritent pas d’être appelés articles. En effet, ils sont inconstants, peu intelligibles, hors du sujet, saugrenus, mauvais quant au contenu et pires quant à la forme, exposant mal les choses et concluant de façon pire encore dans la mesure où ils agissent contre Baptiste, et sont tels qu’on ne doit pas leur répondre mais les lacérer à coups de dents. Cependant, dans la mesure où ces articles, comme on l’a dit, contiennent des éléments qui agiraient ou pourraient agir en faveur de Baptiste, alors il les accepte et n’entend pas s’y opposer. En revanche, dans la mesure où ils sont hostiles, il affirme qu’ils ne sont pas vrais, avec la volonté de contester la validité de ce procès.
20{XII} Tout d’abord, il est dit dans le premier article qu’un prêtre n’ayant pas la clé de la science ne peut absoudre du péché. Le procureur affirme que cet article, tel qu’il est formulé, n’est pas vrai, car si Baptiste a parlé de cet article, il s’est exprimé sur ce sujet clairement et saintement pour des oreilles pieuses, en recourant à l’autorité des saints docteurs, et il a exposé cette matière si clairement et sainement qu’il ne nécessite pas de critique. Ce fut ainsi et c’est vrai.
21{XIII} Au second article il est dit que l’article de la foi relatif à la Trinité et à la résurrection est démontrable par la raison. Il affirme que cet article, formulé ainsi, n’est pas vrai ; mais si Baptiste a parlé de cet article, il a pu dire que la Trinité et la résurrection sont prouvées par des raisons convaincantes auxquelles nul intellect illuminé par la foi ne peut opposer d’arguments contradictoires. Ce fut ainsi et c’est vrai.
22{XIV} Au troisième article il est dit qu’un pécheur qu'avec humilité prend conscience de ses péchés ne doit pas plus demander, souhaiter ou désirer le salut que la damnation. Il affirme que cet article n’est pas vrai tel qu’il est formulé ; mais si Baptiste a parlé de cet article, il a pu dire que le pécheur doit s’en remettre à la miséricorde et à la justice divines et se satisfaire de ce que Dieu décidera. Ce fut ainsi et c’est vrai.
23{XV} Au quatrième article il est dit qu'il est inéluctable que la résurrection générale soit et il est impossible qu’elle ne soit pas, l’inférant de ses raisonnements et démonstrations incontestables. Si Baptiste a parlé de cet article, on doit dire qu’il se sera exprimé si clairement que cela ne nécessite aucune déclaration ou réponse supplémentaire. Ce fut ainsi et c’est vrai.
24{XVI} Au cinquième article, concernant les habitants de la Bohème il est dit qu’on ne doit pas s’inquiéter si à l’Église sont enlevés sa puissance temporelle et ses revenus, car Celui qui a pu donner peut reprendre. Il affirme que cet article, formulé ainsi, n’est pas vrai ; mais si Baptiste a parlé de cet article, il a dit tout le contraire et condamné leur sottise et leur folie sauvage. Ce fut ainsi et c’est vrai.
25{XVII} Au sixième article il est dit que le Corps du Christ est présent dans plusieurs lieux en raison de sa divinité. Il affirme que cet article, formulé ainsi, n’est pas vrai ; au contraire, si Baptiste a parlé de cet article, il a dit qu’il convient à Dieu d’être partout simplement et proprement, et qu’il convient à la créature de n’être que dans un seul lieu. Mais le Corps du Christ se situe d’une manière intermédiaire : puisqu’il est une créature, il ne doit pas être tenu pour égal au Créateur dans le fait qu’il est présent partout ; puisqu’il est uni à la divinité, il doit en cela surpasser tous les autres corps, afin qu’il puisse être en même temps et dans sa totalité en plusieurs lieux, à savoir sous la forme de ce sacrement ou sacramentellement. Ce fut ainsi et c’est vrai.
26{XVIII} Au septième article il est dit que le Fils procède par le mode de l’amour tout autant que le Saint-Esprit. Il affirme que cet article n’est pas vrai, tel qu’il est formulé, mais si Baptiste a parlé de cet article, il a dit que l’amour participe à la génération, ou autrement que le Verbe est toute connaissance agréée et aimée dignement ; il s’est exprimé d’une telle manière qu’il n’a pu ni dû engendrer d’erreur auprès de quiconque pourvu d’un intellect sain. Ce fut ainsi et c’est vrai.
27{XIX} Au huitième article il est dit : au sujet du berger de l’Évangile, Baptiste a déclaré que le loup est une personne. Il affirme que cet article, formulé ainsi, n’est pas vrai ; mais si Baptiste a parlé de cet article, il a dit que le loup désigne toute personne qui persécute l’Église. Ce fut ainsi et c’est vrai.
28{XX} Au neuvième article il est dit que la vierge Marie est une pure et simple créature. Il l’affirme vrai en ce sens que Baptiste a clairement déclaré et prêché qu’elle n’est ni Dieu ni un ange. Ce fut ainsi et c’est vrai.
29{XXI} Au dixième article il est dit que l'homme est damné s'il n'a pas la volonté, en acte ou en intention, de vouloir aussitôt la mort corporelle de son corps plutôt que d’abandonner son prochain au péché. On doit dire, si Baptiste a parlé de cet article, qu’il s’est exprimé selon l’enseignement des saints docteurs et n’a rien dit ou avancé de lui-même ; il n’a fait que reprendre leurs propres mots. Ce fut ainsi et c’est vrai.
30{XXII} Au onzième article il est dit que si quelqu’un pouvait éviter la mort d'un homme ou le viol d'une vierge en recourant à un quelconque mensonge, il devrait mieux laisser faire ces choses plutôt que de proférer un mensonge. Il affirme que cet article, formulé ainsi, n’est pas vrai, et si Baptiste a parlé de cet article, il a pu dire qu’un mensonge ne constitue pas toujours un péché mortel, mais que tout mensonge est un péché, soit mortel soit véniel. Ce fut ainsi et c’est vrai.
31{XXIII} Au douzième article il est dit qu’un marchand est damné s’il préfère son bien propre au bien commun lors de ses achats et ventes. Il affirme que cet article, ainsi formulé, n’est pas vrai car son énoncé est trop déformé et grossier. Si Baptiste a parlé de cet article, il a pu dire qu’un marchand doit tourner son intention premièrement vers Dieu, deuxièmement vers le bien de toute l’Église afin de ne pas agir contre ses préceptes, troisièmement vers le bien commun de sa cité et de sa patrie, où est inclus son bien particulier, quatrièmement vers le bien de sa maisonnée, de sorte que son intention principale ne soit pas tournée et maintenue vers le profit, car ce serait avarice et péché mortel. Ce fut ainsi et c’est vrai.
32{XXIV} Au treizième article il est dit : tous les biens sont communs. Il affirme que cet article, ainsi formulé, n’est pas vrai. Si Baptiste a parlé de cet article, il a dit ou a pu dire que, selon le droit naturel, toutes choses sont communes à tous en temps de nécessité et pour la subsistance. Ce fut ainsi et c’est vrai.
33{XXV} Au quatorzième article il est dit que tous les biens appartiennent aux justes. Il affirme que cet article, ainsi formulé, n’est pas vrai. Si Baptiste a parlé de cet article, il a pu dire d’après les saints docteurs : Quiconque vous persécute en raison de la loi de l’empereur non pour vous corriger amicalement mais pour vous combattre méchamment, celui-là nous déplaît ; et cela bien que personne ne puisse posséder légalement une chose ou des biens terrestres sinon en vertu du droit divin selon lequel tous les biens appartiennent aux justes – comme il est dit ailleurs : N’ayant rien mais possédant tout ou en vertu du droit humain, selon lequel les biens sont soumis au pouvoir des rois de la terre. Ce fut ainsi et c’est vrai.
34{XXVI} Au quinzième article il est dit que si une femme enceinte était mise à mort pour sa foi, l’enfant présent dans son utérus serait sauvé. Si Baptiste a parlé de cet article, on doit dire qu’il s’est exprimé de telle façon et si clairement que même les enfants ont pu le comprendre. Ce fut ainsi et c’est vrai.
35{XXVII} Au seizième article il est dit de Baptiste : honorant les Juifs, il les a appelés et nommés seigneurs et frères. Il affirme que cet article, formulé ainsi, n’est pas vrai. S’il les a appelés seigneurs et frères, il n’a pas pensé ni ne pense par ce moyen leur rendre honneur mais les blâmer. En effet, il va de soi que les Juifs n’ont nulle seigneurie ni fraternité avec les chrétiens, puisqu’ils sont serfs et esclaves des chrétiens. Mais si Baptiste a parlé de cet article, il s’est plutôt exprimé à la manière de Dieu dans l’Ancien Testament, lorsqu’il parlait aux prophètes en disant : Vos pères ont eu des songes dans leur sommeil, c’est-à-dire ont vu le Christ en songe, mais vos fils, c’est-à-dire les apôtres, verront ; car ceux-ci ont réellement vu le seigneur Jésus-Christ que les prophètes et les pères avaient entrevu en songe. Si Dieu, comme on l’a dit, a désigné les apôtres qui n’existaient pas encore par les mots fils des Juifs, et si nous, les chrétiens, nous disons et nommons les apôtres pères, le Rédempteur unit bien davantage les paroles de l’Ancienne Loi et de la Nouvelle. Lorsqu’il fut contesté par les Juifs qui lui reprochaient : C’est par Belzébuth, le prince des démons, que tu chasses les démons ! voici comment dans sa réponse le Rédempteur unit l’Ancienne et la Nouvelle Loi : Si vous dites que je chasse les démons par Belzébuth, vos fils, c’est-à-dire les apôtres, par qui les chassent-ils ? Ainsi les apôtres sont-ils appelés par le Christ fils des Juifs. L’Église chrétienne le proclame d’ailleurs quotidiennement en récitant : Comme II l’a promis à nos pères, à Abraham et sa descendance pour les siècles. C’est pourquoi Baptiste a pu prononcer ces paroles et de semblables sans erreur, lesquelles ne rendent pas honneur aux Juifs mais les blâment, comme on l’a dit. Ce fut ainsi et c’est vrai.
36{XXVIII} Au dix-septième article il est dit : Si quelqu'un a violé le moindre jour du Carême en ne jeûnant pas, il est damné, et le prêtre qui entendrait cette confession et lui administrerait le sacrement, serait également damné. Il affirme que cet article, ainsi formulé, n’est pas vrai et qu’il n’a pas parlé de cette façon. En effet, le Christ a donné son Corps à Judas. Il savait pourtant que Judas avait violé le jour du Seigneur, qui est le Christ lui-même, en vendant aux Juifs le Corps de ce même jour du Seigneur, ce qui fut bien autre chose que de violer le moindre jour du Carême ; et Judas n’aurait pas été damné s’il s’était repenti. C’est pourquoi, si Baptiste a parlé de cet article, il s’est exprimé contre les pécheurs et non contre les pénitents. Ce fut ainsi et c’est vrai.
37{XXIX} Au dix-huitième article il est dit qu’un pécheur qui tombe dans un péché véniel ne peut en être absous si dans ses pensées il ne se propose pas aussitôt de succomber à la mort plutôt que de revenir ou de retourner à ce péché véniel. Il affirme que cet article, ainsi formulé, n’est pas vrai. Cet article se veut être davantage le procureur du diable que de Dieu. En effet, il vise à ce que le pécheur qui s’est installé dans un péché véniel ne se soucie pas de penser qu’il peut effacer ce péché en se confessant ; mais vise plutôt à ce que le nombre de ces péchés véniels croisse au point que ceux-ci finissent par constituer un péché mortel. Ainsi le pécheur méritera-t-il la mort éternelle s’il meurt dans cet état, et la mort éternelle est bien autre chose que la mort du corps. C’est pourquoi, si Baptiste a parlé de cet article, il s’est exprimé de telle manière et si clairement qu’il n’a pu plaire aux amis du diable, lesquels ne se préoccupent pas plus des très petits péchés, à savoir les véniels, que des mortels. Ce fut ainsi et c’est vrai.
38{XXX} Au dix-neuvième article il est dit : en parlant de manière générale sur le péché de la chair et de la luxure entre autres, puis en arrivant aux points précis, il a dit, affirmé, dogmatisé et soutenu dans un sermon public que, si un moine a eu une jeune fille dans sa chambre et l'a gardée secrètement en la connaissant charnellement, il n'a commis avec elle qu’un péché véniel. Il affirme que cet article n’est pas vrai, mais faux, totalement faux. Un tel et criminel article, inspiré par le diable, fabriqué, réfléchi, ourdi et proposé de cette manière, démontre à lui seul, sans autre besoin de preuve, que tous les articles susmentionnés proposés contre Baptiste, sont faux et criminels, inventés et composés dans le but de nuire au salut des âmes. En effet, à propos de l’article criminel précédent, il a été dit que Baptiste a exécré le péché véniel. Maintenant, avec sa ruse serpentine et diabolique, cet article serpentin et diabolique ne veut démontrer, ni plus ni moins, que Baptiste approuve et encourage le péché mortel. Que dire d’autre au sujet de ceux qui instruisent et formulent de telles accusations dans un article serpentin et venimeux, sinon qu’ils grinçaient des dents contre Baptiste comme ces libertins de la synagogue contre Étienne ? Ce fut ainsi et c’est vrai.
39{XXXI} Au vingtième article il est dit que le Corps du Christ, une fois reçu, est de nouveau changé en pain et vin. On doit dire que celui qui a inventé l’article précédent, serpentin et faux, a pu aussi inventer celui-ci. Pour cette raison, il est tout simplement réfuté parce que Baptiste, s’il a parlé d’une matière aussi excellente si le mot matière est approprié – et lorsqu’il en a parlé, s’est exprimé si clairement et si remarquablement qu’il n’a pu être critiqué que par les ennemis de la vérité. Ce fut ainsi et c’est vrai.
40{XXXII} Au vingt et unième et dernier article il est dit que dans la cité de Genève ce qui vient d’être affirmé est de notoriété publique. Le procureur affirme que ces rumeurs ne sont pas vraies, sinon peut-être pour quelques ennemis de la vérité. Elles sont fausses et totalement fausses dans la mesure où elles sont contre Baptiste et contraires à la vérité ou falsifiées. Mais dans la mesure où elles sont en faveur de Baptiste, il affirme qu’elles sont de notoriété publique.
41Le procureur affirme que tout ce qui vient d’être dit en faveur de Baptiste, en ce sens et non autrement ni d’une autre manière, est de notoriété publique dans la cité de Genève. Ce fut ainsi et c’est vrai.
42Le procureur affirme, en ce qui concerne le final du susdit article où, tout à la fin, il est dit etc., qu’il n’a jamais trouvé dans un libelle ou dans des articles ce final etc. On doit absolument noter cet etc. et en débattre lors d’une assemblée de docteurs, puisque le début de l’exposé de ces articles fait référence à des experts et des savants. Pour ma part, j’ignore ce que ces experts et savants, nommés au début et dans l’exposé de ces articles, ont compris ou pu comprendre sous cet etc. Le prétendu inquisiteur, comme on l’a dit, s’exprime ainsi dans l’exposé : Avant de rencontrer le frère Baptiste, ce qui est faux et même en faveur de Baptiste, puisqu’au contraire il l’a convoqué publiquement et Baptiste est allé à la résidence du seigneur évêque de Genève. Cela fait apparaître une autre falsification explicite contenue dans cet exposé, lorsqu’il est dit : Après avoir éloigné tout avocat, nous avons ordonné et décidé que Baptiste réponde à ces articles, ce qui est faux car Baptiste n’a pas répondu et parce qu’aucun avocat ne fut éloigné. En effet, lorsqu’il vint à la résidence de l’évêque, il y avait Raphaël avec le prétendu inquisiteur et de nombreux frères de l’ordre de saint Dominique, qui étaient là pour assister Raphaël et l’inquisiteur, lesquels parlaient de manière déchaînée contre Baptiste, ainsi que de nombreux autres clercs, des ecclésiastiques et des laïcs. Et cela eut lieu sans avoir éloigné aucun avocat ni de manière secrète. Pour cette raison, sans attenter à la paix et sans vouloir faire injure, on peut dire que le prétendu inquisiteur n’a pas fait ce qu’il raconte, puisqu’il n’a pas rencontré personnellement Baptiste mais l’a convoqué. Il en va de même pour la suite au sujet de ce final etc. et de la phrase : Avant de rencontrer le frère Baptiste et de lui montrer des dépositions, celles-ci avaient été montrées à des experts pour avoir leur conseil, où ces savants et experts sont très honorés du fait de cet etc., parce que sous cet etc. beaucoup de sous-entendus peuvent être inclus qui ne peuvent être compris s’il n’est pas explicité. Pour cette raison, le procureur demande que cet etc. soit explicité et interprété par d’autres savants ou par ceux-là mêmes que l’inquisiteur a nommés. Indépendamment de cela, en dénonçant la nullité de tout ce procès et des prétendus articles, à supposer qu’ils méritent le nom de procès et d’articles, le procureur proteste de la façon suivante.
43Tout d’abord, en protestant au nom de Baptiste, le procureur affirme et se défend à propos de ce qu’il a dit, de ce qu’il dirait ou serait prêt à dire, qu’il ne l’a pas dit, ne le dit pas, ni plus tard ne le dira dans l’intention d’acquiescer directement ou indirectement à la nullité du procès présenté et des articles présentés, qui sont rédigés en faveur de Raphaël et du prétendu l’inquisiteur, et contre Baptiste. Cette protestation découle des causes et des raisons contenues dans ce procès et ces articles, lesquelles seront présentées et exposées plus largement en lieu et temps voulus si nécessaire, mais l’on proteste solennellement s’il doit s’avérer nécessaire de les exposer et présenter plus tard. Au contraire, il fait savoir qu’il exige, dans tout ce qu’il a dit, ce qu’il dit ou dira, quels que soient la manière et le lieu, et peu importe devant quels juges et lieutenants, ecclésiastiques ou laïcs, de quelque dignité, ordre ou tribunal qu’ils soient, que cette protestation soit toujours maintenue en tant qu’elle agit ou pourra agir à l’avenir en faveur de Baptiste, et non autrement ni d’une autre manière, comme si elle avait été toujours et en tout exprimée oralement. À partir de cette dénonciation de nullité, il proteste solennellement contre Raphaël et l’inquisiteur, et en faveur de Baptiste. De tout cela, avec ou sans réponse de votre part, il demande qu’un acte notarié soit établi.
44Il affirme et expose les éléments susdits selon les meilleurs procédé, voie, forme et droit possibles auxquels il peut et doit recourir, en se réservant le droit de corriger, d’ajouter, de retrancher, d’interpréter et autres, comme ce fut et c’est l’usage.
45Tout en exposant cela et en raison de ces prémisses, le procureur demande que soit annoncé, tranché et proclamé par vous, seigneur évêque, ou par votre lieutenant que ce procès fut nul, que les articles sont nuls et de nulle valeur, qu’il fut produit et est produit contre Baptiste de façon nulle, téméraire et présomptueuse, par ce Raphaël et ce prétendu inquisiteur. Il intervient pour que le frère Baptiste, en raison des éléments susdits, doive être acquitté et soit acquitté de l’accusation de ce procès et des articles conçus contre lui, et qu’il soit acquitté par vous ou votre lieutenant, avec tous les dommages et dépenses afférents, au sujet desquels on protestera solennellement si nécessaire, comme on a déjà protesté précédemment.
II – Acte de l’évêque François de Metz du 25 août 1430
46François, par la miséricorde divine évêque et prince de Genève, adresse ses salutations dans le Seigneur à nos chers et distingués Pierre Baud, bourgeois, et Pierre de Vège, notaires publics et clercs jurés de notre cour épiscopale de Genève, et vous exhorte à vous montrer fidèles dans les charges qui vous sont confiées.
47Après avoir vu et attentivement examiné les articles de défense présentés plus haut en faveur du vénérable religieux frère Baptiste de Mantoue, moine, nommément désigné dans ces articles, et après avoir autorisé qu’ils soient justifiés par des preuves, nous vous chargeons et vous demandons, à tous les deux et à chacun de vous en vertu de notre autorité ordinaire et par la teneur des présentes lettres, car nous avons pleine confiance dans le Seigneur en votre compétence et votre loyauté, d’accepter et d’admettre tous les témoins et chaque témoin, de n’importe quelle dignité, grade, ordre religieux ou tribunal qu’ils soient, que ce frère Baptiste ou son légitime procureur voudront produire pour être examinés sur les articles, en recueillant au préalable leur serment de dire la vérité. Lorsque ces témoins acceptés et admis auront juré, interrogez-les et examinez-les attentivement, individuellement, confidentiellement et séparément sur tout ce qui est contenu dans les articles et chacun d’eux. Les dires, les dépositions et les témoignages de chacun de ces témoins par vous ainsi examinés, reportez-les dans des écrits scrupuleusement fermés ; puis souscrivez-les et signez-les de vos seings manuels.
48Nous demandons en outre et ordonnons expressément, en vertu de l’autorité susdite, à tous les recteurs, vicaires et prêtres d’églises paroissiales, à tous les notaires, clercs et tabellions publics institués dans nos cité et diocèse de Genève où que ce soit, qui seront requis à ce sujet, nous leur demandons et notamment à vous, nos commissaires, de citer tous les témoins et chaque témoin que ledit Baptiste ou son procureur désigneront à vous ou l’un de vous pour être examinés sur les articles. Vous, nos commissaires, citez-les et assignez-les personnellement à comparaître devant vous ou l’un de vous, et que les susdits les assignent aussi, aux jours, heures et lieux que vous leur fixerez à l’avance dans ce but, afin qu’ils fournissent leurs témoignages sur les articles mentionnés et le contenu de chaque article, conformément à la vérité, et qu’ils disent et déposent la vérité dont ils auront connaissance sur ces choses, en excluant absolument toute faveur, haine ou rancune.
49Donné dans notre château de Peney le 25 août, l’année du Seigneur 1430, muni de notre sceau rond et du seing manuel de notre secrétaire souscrit, en garantie et témoignage de la vérité de ce qui précède. Donné comme ci-dessus.
50Par le seigneur évêque ainsi ordonné R. Sage
III – Acte biffé de l’évêque François de Metz du 23 août 1430
51François, par la miséricorde divine évêque et prince de Genève, adresse ses salutations dans le Seigneur à nos chers et distingués Pierre Baud, notre bourgeois de Genève, et Pierre de Vège, notaires publics et clercs jurés de notre cour spirituelle de Genève, et vous exhorte à vous montrer fidèles dans les charges qui vous sont confiées.
52Après avoir vu et attentivement examiné les articles de défense présentés plus haut en faveur de notre bien-aimé dans le Christ, le religieux frère Baptiste de Mantoue, moine, nommément désigné dans ces articles, et après avoir autorisé qu’ils soient justifiés par des preuves, à l’exception de tout ce qui n’est pas juridiquement pertinent et ne doit pas être admis, nous vous chargeons et vous demandons, à tous les deux et à chacun de vous en vertu de notre autorité ordinaire et par la teneur des présentes lettres, car nous avons pleine confiance dans le Seigneur en votre compétence et votre loyauté, d’accepter et d’admettre tous les témoins et chaque témoin que ce frère Baptiste ou son procureur légitime produiront pour être examinés sur les articles. Lorsque ces témoins acceptés et admis auront juré, examinez-les et interrogez-les individuellement, successivement et confidentiellement sur tout ce qui est contenu dans les articles et chacun d’eux. Les dires, les dépositions et témoignages de chacun de ces témoins par vous ainsi examinés, reportez-les fidèlement et dans des écrits publics et dignes de foi. Ces écrits ainsi rédigés et établis en actes notariés par vous, puis souscrits et signés légitimement de chacun de vos seings manuels, fermés et scellés avec vos sceaux, veillez à les apporter fidèlement et le plus rapidement possible à nous ou à notre official de Genève, ou bien envoyez-les, afin qu’après les avoir vus et attentivement considérés, inspectés et étudiés, nous ou notre official, nous puissions plus mûrement et plus vigilamment procéder à une déclaration et décision sur la demande que le frère Baptiste nous a exposée et qui est également contenue expressément à la fin des articles, et que nous puissions diriger cette affaire selon ce que la justice conseillera.
53Nous demandons en outre et ordonnons expressément, par notre autorité et la teneur de ces lettres, à tous les recteurs et vicaires d’églises paroissiales, aux prêtres, chapelains, notaires, clercs et tabellions publics institués dans nos cité et diocèse de Genève où que ce soit, qui seront requis à ce sujet, de citer tous les témoins et chaque témoin que le frère Baptiste ou son procureur désigneront à vous ou l’un de vous pour être examinés sur les articles, et de les assigner personnellement à comparaître devant vous, nos commissaires, ou l’un de vous, aux jours, heures et lieux que vous leur fixerez à l’avance dans ce but, afin qu’ils fournissent leurs témoignages conformément à la vérité sur les articles susmentionnés et le contenu de chaque article, et qu’ils déposent et disent toute la vérité dont ils auront connaissance sur ces choses, en excluant absolument toute faveur, haine ou rancune.
54Donné dans notre château de Peney le 23 août, l’année du Seigneur 1430, muni de notre sceau rond et du seing manuel de notre secrétaire souscrit, en garantie et témoignage de la vérité de ce qui précède. Donné comme ci-dessus.
55Par le seigneur évêque et prince ainsi ordonné R. Sage
IV – Articles additionnels présentés par le procureur Jean Chauvin
56Articles additionnels
57{I} Au nom du frère Baptiste, le procureur affirme ceci. Dans la résidence du seigneur évêque de Genève étaient présents, comme on l’a dit, à savoir le prétendu inquisiteur et Raphaël, avec de nombreux autres clercs et laïcs qui leur étaient favorables, ainsi que plusieurs frères de l’ordre de saint Dominique, et également le frère Baptiste. Le prétendu inquisiteur et Raphaël, avec leurs partisans, furent requis par le seigneur évêque d’affirmer que les conclusions du frère Baptiste étaient soit vraies soit fausses. Le prétendu inquisiteur et Raphaël, avec leurs partisans, ont répondu au seigneur évêque qu’ils avaient vu les conclusions du frère Baptiste, celles qu’ils attaquaient auparavant, et ont dit qu’elles étaient vraies, saintes, chrétiennes et approuvées par les docteurs, bien qu’un peu obscures, et qu’elles pouvaient être prêchées au peuple droitement et saintement. Cependant, du fait de leur obscurité, ils demandaient en vue d’un apaisement et pour éclairer davantage le peuple scandalisé par ces choses, que soient ajoutées certaines déclarations que le prétendu inquisiteur et Raphaël voulaient donner, et que les conclusions de Baptiste munies de leurs déclarations soient prêchées par l’un d’eux une seconde fois au peuple, afin que le peuple de la cité de Genève soit apaisé à son tour. Ce fut ainsi et c’est vrai.
58{II} Le procureur affirme ceci. Lorsque le seigneur évêque entendit que le prétendu inquisiteur et Raphaël disaient et reconnaissaient que les conclusions étaient et sont vraies, il leur dit à propos des additions ou déclarations qu’ils voulaient ajouter aux conclusions du frère Baptiste, de les rédiger au propre ou clairement, puis de souscrire ces conclusions et additions ou déclarations de leurs propres noms. Ainsi le seigneur évêque déciderait qu’elles soient prêchées et déclarées au peuple, comme on l’a dit. Sur cette décision et sans autre discussion, tous s’en allèrent unanimes.
59{III} Il affirme que tous ces événements parvinrent aux oreilles du très illustre prince et seigneur le duc de Savoie qui, lorsqu’il apprit ce qui s’était passé entre ledit Raphaël et le frère Baptiste, comme on l’a déjà dit, en fut très attristé, car il avait assisté plusieurs fois à leurs prédications. Il ordonna à Raphaël et Baptiste de venir à lui et établit la paix entre eux, de sorte qu’ils ont fait la paix et l’ont confirmée par un baiser de paix, puis sont repartis ainsi, amicalement. Cependant, malgré cette paix, le prétendu inquisiteur a procédé à l’examen d’un certain nombre de témoins qui lui étaient favorables et a rédigé un certain nombre d’articles sous forme de procès. C’est ainsi vrai.
V – Acte de l’évêque François de Metz du 20 septembre 1430
60François, par la miséricorde divine évêque et prince de Genève, adresse ses salutations dans le Seigneur à nos chers Pierre Baud et Pierre de Vège, et à Berthet du Carre que nous vous adjoignons pour l’examen des articles souscrits, et vous exhorte, notaires publics et clercs jurés de notre cour épiscopale de Genève, à vous montrer fidèles dans les charges qui vous sont confiées.
61Après avoir vu et attentivement examiné les articles additionnels présentés plus haut produits en faveur du religieux frère Baptiste de Mantoue, moine, nommément désigné dans ces articles, et après avoir autorisé qu’ils soient justifiés par des preuves, et bien que nous vous ayons déjà chargés d’une autre mission que nous voulons maintenir en vigueur, aussi bien en vertu de notre autorité ordinaire qu’en raison de notre office nous vous chargeons et ordonnons par la teneur des présentes lettres, car nous avons pleine confiance dans le Seigneur en votre compétence et votre loyauté, d’accepter et d’admettre tous les témoins, de quelque tribunal ou statut qu’ils soient, que ce frère Baptiste ou son procureur légitime voudront produire pour être examinés sur les articles additionnels de défense rédigés en faveur de Baptiste, en recueillant au préalable leur serinent de dire la vérité. Lorsque ces témoins acceptés et admis auront juré, interrogez-les sur les articles additionnels, que nous insérons immédiatement après le onzième de la série des premiers articles, et agissez ainsi, à savoir selon les meilleurs procédés et les plus sûrs que l’on peut et doit pratiquer, à savoir individuellement, successivement et confidentiellement. Vous et chacun de vous, nos trois commissaires, nous vous en chargeons et vous l’ordonnons, tant en vertu de notre autorité ordinaire qu’en raison de notre office, semblablement à la précédente mission concernant cette affaire dont vous fûtes chargés, Pierre Baud et Pierre de Vège, et qui doit être poursuivie et achevée par vous deux.
62Donné dans notre château de Peney le 20 septembre, l’année du Seigneur 1430, muni de l’impression de notre sceau rond en témoignage de ce qui précède.
63Par ledit seigneur évêque ainsi ordonné R. Sage
VI – Dépositions des témoins
64Au nom du Seigneur, amen.
65L’an du Seigneur 1430, aux jours et lieux souscrits, dans cette cité de Genève, les témoins nommés ci-dessous furent produits par le distingué maître Jean Chauvin d’Avignon, clerc, procureur du vénérable religieux frère Baptiste de Mantoue, moine de l’ordre de saint Benoît, agissant en son nom comme il résulte d’un instrument public reçu, écrit et signé par Raoul Sage, clerc du diocèse de Genève et notaire public d’autorité apostolique et impériale, daté de l’année et de l’indiction actuellement en cours, et du onzième jour de ce mois d’août. Devant nous, Pierre Baud et Pierre de Vège, notaires publics et clercs jurés de la cour de l'officialité de Genève, commissaires spécialement délégués dans cette partie par le révérend père et seigneur dans le Christ, notre seigneur François, évêque et prince de Genève, comme on peut le vérifier des lettres de mission émises par ce même seigneur évêque, signées de la main du susdit Raoul Sage, secrétaire de notre seigneur l’évêque de Genève, et scellées du sceau rond de cire rouge, ce procureur a produit les témoins qui doivent être examinés sur les articles mentionnés dans les lettres de mission précédemment décrites. Produits par ce procureur et cités par nous, les commissaires, pour fournir leurs témoignages, ces témoins ont juré et prêté serment en touchant les saints Évangiles de Dieu tenus dans nos mains, de déposer et d’attester, lorsque nous les interrogerons, la pure vérité dont ils auront connaissance sur ces articles et leur contenu, toute supplique, affection, faveur, haine, rancune ou toute autre partialité étant supprimées et exclues.
1. Déposition de Mermet Lombard
66Distingué Mermet Lombard, bourgeois et marchand de Genève, notaire public, témoin produit, cité et juré comme précédemment, le samedi 26 août, dans l’église Saint-Germain de Genève.
67Et tout d’abord sur le premier article débutant par les mots : Tout d’abord, le procureur affirme, etc., il dit considérer le frère Baptiste tel que cela est formulé dans cet article, parce que c’est ce qu’il a entendu dire de plusieurs personnes dignes de foi, tant dans cette cité de Genève que dans la ville d’Aix-les-Bains.
68Sur le second article débutant par les mots : Il affirme et avance, etc., il répond comme précédemment.
69Interrogé sur le troisième article, il dit avoir entendu plusieurs marchands d’Avignon, dont il a oublié les noms, exprimer ce qui est formulé dans cet article.
70Interrogé sur le quatrième article, il dit avoir entendu plusieurs personnes et notamment notre seigneur le duc de Savoie, dans la ville de Genève, exprimer ce qui est formulé dans cet article.
71Interrogé sur le cinquième article, il le dit et déclare vrai, la raison étant que ce qu’il a entendu et appris est semblable au contenu de cet article.
72Interrogé sur le sixième article, il le déclare vrai, la raison de ce qu’il dit étant que c’est ce qu’il a vu, car il était présent et il n’a jamais vu le contraire.
73Sur le septième article, il déclare que sur cet article il ne sait que ceci : à savoir qu’il a vu, entendu et était présent lorsque le frère Raphaël a maudit le frère Baptiste en disant : Que Dieu maudisse celui qui t'a placé sur cette chaire ! Le frère Raphaël a dit ensuite à Jean Maruglier, cosyndic de Genève : N’entendez-vous pas ce qu’il dit ? Pourquoi ne le chassez-vous pas de la chaire ? Interrogé sur les témoins, il dit qu’étaient présents François de Versonnex, noble François de Veigy, Pierre de la Combe, Jacquet Rossitan, serf du témoin, et plusieurs autres. De plus, il lui a semblé que Raphaël avait agi de manière inique et malveillante, à son avis.
74Interrogé sur le huitième article, il répond avoir entendu dire que son contenu est vrai. Interrogé de qui il l’a entendu dire, il répond de François de Versonnex et de plusieurs autres dont il ne se souvient plus.
75Interrogé sur le neuvième article, il dit ne pas savoir répondre autrement que ce qu’il a déjà dit.
76Interrogé sur le dixième article, il dit ne rien savoir, bien qu’il fût interrogé plusieurs fois.
77Interrogé sur le onzième article débutant par ces mots : Tout d’abord le prétendu inquisiteur, etc., il dit ne rien savoir.
78Sur le douzième article, débutant par ces mots : Le procureur affirme dans le premier article, etc., il le déclare vrai, l’a entendu ainsi et le tient pour tel.
79Interrogé sur le treizième article, il le déclare vrai, la raison de ce qu’il dit étant qu’il n’a jamais entendu le contenu de cet article être aussi bien expliqué comme il le fut par le frère Baptiste.
80Interrogé sur le quatorzième article, il le déclare vrai. Interrogé comment il le sait, il dit l’avoir entendu tel que cela est formulé dans cet article.
81Interrogé sur le quinzième article, il répond comme précédemment, et il lui semble que les déclarations du frère Baptiste concernant cet article ne nécessitent aucune correction ou éclaircissement supplémentaire car il a bien argumenté et expliqué, à son avis.
82Interrogé sur le seizième article, il le déclare vrai car il a entendu le frère Baptiste dire que tous les biens sont communs selon le droit divin en cas de nécessité extrême, et il a fait plusieurs autres bonnes déclarations sur le contenu de cet article.
83Interrogé sur le dix-septième article, il dit ne rien savoir d’autre que ce qu’il a déjà déposé.
84Sur le dix-huitième article, il dépose qu’à son avis le frère Baptiste a expliqué le contenu de cet article de telle façon qu’il n’y a aucune erreur, et jamais il n’a entendu une aussi bonne explication que celle du frère Baptiste.
85Interrogé sur le dix-neuvième article, il dit ne rien savoir sur son contenu.
86Interrogé sur le vingtième article, il dit ne rien savoir.
87Sur le vingt et unième article, il le déclare vrai car il a vu et entendu le frère Baptiste argumenter et affirmer ainsi dans son sermon à propos du contenu de cet article, et il instruisait bien le peuple à aimer le prochain.
88Interrogé sur le vingt-deuxième article, il le déclare vrai, la raison étant qu’il l’a entendu ainsi, et aussi parce que le maître Raphaël a dit et confirmé au frère Baptiste que le contenu de cet article est vrai, en présence de notre seigneur l’évêque de Genève, de Louis Paris chanoine de Genève, de maître Guerbin médecin, du seigneur Aymon Malliet, et de plusieurs autres présents dans la résidence épiscopale. Interrogé sur le jour, il dit le jour où maître Raphaël vint au sermon de Baptiste.
89Interrogé sur le vingt-troisième article, il dit ne rien savoir d’autre que ce qu’il a déjà déposé.
90Interrogé sur le vingt-quatrième article, il le déclare vrai parce qu’il a entendu dire dans la maison des frères mineurs ce qui est décrit dans cet article. Interrogé sur le jour, il répond ne plus s’en souvenir bien qu’il ait plusieurs fois entendu Baptiste en parler. Interrogé sur les personnes présentes au sermon, il dit qu’il y avait tant de monde qu’il ne saurait indiquer combien de centaines de gens étaient là.
91Interrogé sur le vingt-cinquième article, il dit ne rien savoir.
92Interrogé sur le vingt-sixième article, il dit ne pas savoir répondre sur son contenu.
93Interrogé sur le vingt-septième article, il dit savoir seulement qu’il a entendu le frère Baptiste nommer et appeler les Juifs frères et seigneurs, pour les attirer vers la foi chrétienne, à son avis.
94Interrogé sur le vingt-huitième article, il dit savoir seulement qu’il a entendu le frère Baptiste dire à propos de celui qui ne jeûnait pas pendant le Carême alors qu’il pouvait le faire, que chaque jour où il fautait, il péchait mortellement, et que si le pécheur meurt dans cet état, il est damné ; il faisait de nombreuses déclarations, bonnes à son avis, dont il ne se souvient plus.
95Interrogé sur le vingt-neuvième article, il dit avoir entendu ce frère Baptiste prêcher du péché mortel et véniel, et qu’un grand nombre de péchés véniels pouvaient peser comme un péché mortel, et que chacun est tenu d’éviter le péché véniel autant que possible.
96Interrogé sur le trentième article, il dit n’avoir jamais entendu le frère Baptiste affirmer qu’un moine ou toute autre personne devrait tenir une quelconque concubine, mais il l’a entendu exécrer implacablement le péché de luxure.
97Interrogé sur le trente et unième article, il dit avoir entendu le frère Baptiste prêcher du sacrement de l’autel si noblement et si bien qu’on ne pourrait mieux faire, s’il en juge d’après son discernement.
98Interrogé sur le trente-deuxième et dernier article, il répond que ce qu’il a déposé est de notoriété publique. Il ne sait rien d’autre, dit-il.
99Ainsi a déposé le témoin cité, produit, juré et examiné, conformément à ce qui est écrit ci-dessus.
100C’est ainsi. Pierre Baud, notaire et co-commissaire susdit.
101C’est ainsi. Pierre de Vège, co-commissaire susdit.
2. Déposition de Berthet du Carre
102Distingué Berthet du Carre, clerc, notaire public, bourgeois de la cité de Genève, témoin cité par nous, les commissaires, pour témoigner de la vérité, et témoin produit par le procureur nommé plus haut du frère Baptiste, dans l’église Saint-Germain de Genève, l’année en cours 1430, le samedi 26 août, témoin juré comme précédemment et examiné par nous, les commissaires, en particulier et confidentiellement sur les articles susmentionnés.
103Et d’abord, examiné sur le premier des articles débutant par les mots : Tout d'abord et au nom de Baptiste, le procureur affirme que ce frère, etc., il dit et dépose savoir seulement sur cet article que cette année il a vu et entendu le frère Baptiste célébrer la messe dans cette cité de Genève plusieurs jours et prêcher publiquement la parole de Dieu pour extirper tous les vices et acquérir des vertus, et jamais il n’a vu ni compris le contraire du contenu de cet article, mais il tient Baptiste et le considère en son âme semblablement au contenu de cet article. Interrogé sur la durée pendant laquelle il a entendu et vu le frère Baptiste comme il vient de le déclarer, il répond durant l’espace de deux mois ou environ cette année, aussi bien avant qu’après la Pentecôte.
104Examiné sur le deuxième article, il dit croire et estimer que ce frère Baptiste a prêché la parole de Dieu bien et chrétiennement, et qu’il a résulté de ses prédications un grand fruit et le salut des âmes.
105Sur le troisième article, il répond avoir entendu de plusieurs personnes honorables que le frère Baptiste a prêché à Avignon, à Chambéry et dans de nombreux autres lieux cisalpins, et qu’il a résulté de ses prédications un grand fruit pour le salut des âmes.
106Sur le quatrième article, il dit croire et s’en tenir pour sa part au contenu de cet article, et l’a entendu publiquement de nombreuses personnes.
107Sur le cinquième article, il le dit vrai, la raison de son témoignage étant qu’il a vu et entendu le frère Baptiste célébrer des messes dans cette cité de Genève et y prêcher, comme il l’a déjà déclaré, semblablement au contenu de cet article. Interrogé sur les lieux et jours, il dit l’avoir entendu prêcher dans le couvent des frères prêcheurs et également dans celui des frères mineurs de cette cité ; il a assisté plusieurs fois à sa messe dans le couvent des frères mineurs mais ne se souvient plus des jours car il l’a vu et entendu à plusieurs reprises, comme il vient de le dire. Interrogé sur les versets thématiques de ses sermons, il dit ne plus s’en souvenir à présent.
108Interrogé sur le sixième article, il dit avoir entendu le frère Baptiste prêcher la doctrine de Dieu de manière à favoriser une bonne intelligence de celle-ci et citer de très nombreux docteurs en théologie sacrée, par lesquels il prouvait clairement ses prédications. Il l’a entendu prêcher ainsi, à savoir un jour en présence du très illustre prince, notre seigneur le duc de Savoie, des membres de sa cour et d’une grande foule dans le couvent des frères mineurs. Il a prêché plusieurs jours en présence de notre seigneur l’évêque de Genève, de plusieurs seigneurs théologiens et juristes, et devant diverses autres personnes. La raison de ce que dit le témoin est qu’il fut présent, a vu et entendu conformément à ce qu’il déclare.
109Sur le septième article, le témoin dit savoir seulement qu’il fut présent le jour où le frère Baptiste prêcha dans le couvent des frères mineurs de cette cité de Genève. Avant que ce frère Baptiste n’ait commencé sa prédication, le témoin a vu le frère Raphaël, nommé dans cet article, accompagné de plusieurs frères jacobites du couvent des frères prêcheurs de cette cité et de plusieurs autres personnes, entrer dans le lieu où le frère Baptiste voulait prêcher. Alors que celui-ci était monté en chaire et commençait à prêcher la parole divine, le frère Raphaël vint avec ses acolytes et réussit à s’asseoir devant la chaire dans le but de critiquer et de perturber le frère Baptiste dans sa prédication. Puis il se mit à déclarer que les paroles du frère Baptiste n’étaient pas vraies. Entre autres choses, ce témoin a entendu le frère Raphaël dire au frère Baptiste : Qu’il soit maudit celui qui t’a installé sur cette chaire ! Frère Raphaël proféra également d’autres paroles injurieuses contre le frère Baptiste. Par son comportement, il était évident que ce frère Raphaël s’est dressé contre le frère Baptiste mû par sa seule animosité et par malveillance.
110Examiné sur le huitième article, il dit savoir seulement qu’il a vu l’inquisiteur, dont l’article fait mention, examiner dans cette cité de Genève des témoins sur certains articles rédigés contre le frère Baptiste. Il ne sait rien d’autre sur le contenu de cet article, sinon par ouï-dire.
111Interrogé sur le neuvième article, il dit qu’il fut lui-même examiné par cet inquisiteur contre le frère Baptiste, et il y avait là présents avec l’inquisiteur deux ou trois autres religieux de l’ordre des frères prêcheurs, un notaire qui écrivait et un autre notaire de l’inquisiteur. Il ne sait rien d’autre du contenu de cet article.
112Sur le dixième article, il dit ne rien savoir de son contenu excepté sur la dernière phrase, parce que les articles suivants mentionnent très bien les articles rédigés par l’inquisiteur qui servirent à examiner les témoins.
113Interrogé sur le onzième article qui commence ainsi : Tout d’abord le prétendu inquisiteur, etc., il dit avoir vu une fois dans la résidence épiscopale de cette cité de Genève une assemblée réunissant le seigneur évêque, plusieurs docteurs tant en droit canon qu’en droit civil et en médecine, des licenciés et de nombreuses autres personnes présentes là avec le seigneur évêque, ainsi que le frère Raphaël accompagné du maître provincial de l’ordre et de plusieurs frères. Ce Raphaël affirmait des choses contre Baptiste contenues dans les articles de l’inquisiteur. Alors Baptiste a répondu qu’il voulait maintenir, sous n’importe quelle peine de droit, que ce qu’il avait dit dans ses prêches était correct et chrétien, tout en demandant que Raphaël mette par écrit ce dont il l’avait accusé et l’accusait, afin d’empêcher tout revirement, tandis que Baptiste se disait prêt à répondre lui aussi sur cela par écrit et réclamait que justice lui soit rendue. Ce témoin entendit le seigneur évêque ordonner à Raphaël de remettre par écrit ce qu’il désirait formuler contre Baptiste, et à celui-ci de répondre ensuite par écrit sur cela, afin qu’il en résultât une déclaration prête à être présentée sans aucune variation notable. Cependant Raphaël a refusé par la suite de procéder ainsi, mais ce jour-là ils se quittèrent sur cette décision. Peu de temps après, l’inquisiteur arriva dans cette cité et entreprit d’examiner des témoins sur ses articles rédigés contre Baptiste. Il ne sait rien d’autre sur cet article.
114Interrogé sur le douzième article qui débute ainsi : Le procureur affirme dans le premier article, etc., le témoin dit savoir seulement sur le contenu de cet article qu’il était présent quand Baptiste prêcha sur ce sujet. Baptiste, de l’avis de ce témoin, en a parlé clairement et saintement en se référant à l’autorité des saints docteurs, à tel point qu’il ne devait pas être critiqué. Il a dit et expliqué que la contrition efface le péché ; mais lorsque celui qui se confesse est inculte et ignore ce qu’est un péché mortel ou véniel, il ne manifeste pas de contrition pour le péché commis puisqu’il ignore que ce péché est mortel ; et si le confesseur n’ayant pas la clé de la science est à ce point inculte qu’il ne sait pas lui-même distinguer entre péché mortel et véniel, il ne peut exhorter celui qui se confesse à une quelconque contrition ; ainsi cette confession se déroule-t-elle sans aucune contrition et, pour cette raison, il disait qu’elle devait être réitérée. Il a beaucoup développé ce sujet en critiquant les confesseurs incultes et conseillait au peuple de choisir des confesseurs instruits.
115Examiné sur le treizième article, il dit avoir entendu tant de bonnes paroles de la part de Baptiste que nul intellect illuminé par la foi ne pourrait contredire les raisonnements qu’il a proposés sur ce dont il parlait, notamment lorsqu’il abordait le sujet mentionné dans cet article.
116Interrogé sur le quatorzième article, il déclare savoir seulement que le frère Baptiste a dit que le pécheur doit s’en remettre à la justice de la miséricorde divine et se satisfaire de ce que Dieu décidera, la raison de son témoignage étant qu’il fut présent et l’a entendu tel quel.
117Interrogé sur le quinzième article, il dit ne plus se souvenir.
118Interrogé sur le seizième article, il dit que, lorsque le frère Baptiste a parlé des habitants de la Bohême dans son prêche, il a dit qu’ils étaient des gens mauvais et qu’ils étaient une secte détestable, contre laquelle il s’est beaucoup exprimé. Il n’a pas entendu Baptiste tenir les propos contenus dans cet article de l’inquisiteur.
119Interrogé sur le dix-septième article, il dit avoir entendu Baptiste prêcher que le Corps du Christ peut être présent en plusieurs lieux sacramentellement.
120Examiné sur le dix-huitième article, il dit avoir entendu Baptiste prêcher du sujet mentionné dans cet article de la même manière que plus tard, lorsque Baptiste a lu les nombreux raisonnements qu’on trouve dans le livre de saint Thomas d’Aquin, en montrant très clairement comment le Fils procède éternellement du Père et comment le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.
121Interrogé sur le dix-neuvième article, il dit n’avoir jamais entendu Baptiste affirmer que le loup est une personne si ce n’est en critiquant les prélats, pour leur dire qu’ils ne se comportaient pas comme de bons bergers de troupeau mais plutôt comme des loups et des dévastateurs. Il leur dispensait de nombreux bons enseignements appuyés sur plusieurs autorités.
122Interrogé sur le vingtième article, il dit ne plus se souvenir.
123Sur le vingt et unième article, il dit croire que Baptiste a traité du sujet mentionné dans cet article selon la doctrine des saints docteurs de l’Église. Et de plus il a entendu Baptiste affirmer dans sa prédication que puisque l’âme est plus digne que le corps et qu’elle meurt à cause du péché, l’homme doit vouloir en acte ou par disposition intérieure soumettre son corps à la mort plus rapidement que de laisser son prochain pécher mortellement, s’il peut l’en empêcher. Et Baptiste fit de nombreuses déclarations appuyées sur de nombreuses autorités confirmant ses dires.
124Interrogé sur le vingt-deuxième article, il dit avoir entendu Baptiste prêcher que tout mensonge constitue un péché, soit mortel soit véniel, et il établissait sur ce sujet de nombreuses distinctions en expliquant quand il était mortel ou véniel.
125Interrogé sur le vingt-troisième article, il dit avoir entendu Baptiste déclarer dans ses sermons que l’intention des marchands ne doit pas être tournée principalement vers le profit mais d’abord vers Dieu et la chose publique ou le bien commun, puis vers un gain équitable et non excessif.
126Interrogé sur le vingt-quatrième article, il dit savoir seulement qu’il a entendu Baptiste prêcher que tous les biens sont communs à tous selon le droit naturel en temps de nécessité extrême, mais en ce qui concerne le droit divin il se souvient mal de quelle façon il disait que tous les biens sont communs.
127Interrogé sur le vingt-cinquième article, il dit avoir entendu prêcher le frère Baptiste sur le sujet mentionné dans cet article, et il exposait ce sujet remarquablement, droitement et saintement. Interrogé, le témoin répond cependant qu’il ne sait plus comment étaient présentées ces explications car il ne s’en souvient plus.
128Examiné sur le vingt-sixième article, il dit l’avoir entendu prêcher sur le sujet mentionné dans cet article en rapportant des discussions qui avaient autrefois eu lieu à ce propos, et Baptiste traitait si clairement ce thème et avec de si bons raisonnements qu’à son avis il ne devait ni ne pouvait être critiqué.
129Interrogé sur le vingt-septième article, il dit qu’il se réfère aux Saintes Écritures quant au contenu de cet article.
130Interrogé sur le vingt-huitième article, il dit ne pas bien se souvenir du sujet contenu dans cet article.
131Examiné sur le vingt-neuvième article, il dit ne pas bien se souvenir à présent du contenu de cet article, sinon que les sermons prononcés ici, à Genève, par Baptiste visaient toujours à extirper les vices.
132Examiné sur le trentième article, il dit avoir écouté presque toutes les prédications données par Baptiste dans cette cité de Genève et, dans quasiment tous ses sermons, il dénonçait fortement le péché de luxure et le chargeait beaucoup en disant que même la fornication simple est un péché mortel.
133Examiné sur le trente et unième article individuellement et confidentiellement comme précédemment, il dit que le frère Baptiste s’est exprimé si clairement sur le sujet contenu dans cet article qu’il n’a pu être critiqué que par les ennemis de la vérité.
134Examiné sur le trente-deuxième article, il dit croire que les ennemis de la vérité ont pu trouver auprès de la partie hostile à Baptiste une opinion et une rumeur propageant le contenu de ces articles, si tant est qu’une opinion et une rumeur puissent être trouvées contre lui. Interrogé s’il a orienté son témoignage sous l’effet de suppliques, de la haine, de la faveur ou de quelque autre partialité, il répond non et qu’il n’a témoigné que pour dire la seule vérité.
135P. de Vège, co-commissaire susdit
136P. Baud, co-commissaire susdit
3. Déposition de François de Veyrier
137Vénérable seigneur François de Veyrier, citoyen de Genève, docteur en droit civil et chevalier, témoin produit par le procureur susnommé du frère Baptiste et cité par nous les commissaires, dans la maison qu’il habite à Genève, le vendredi premier septembre de ladite année. Ce témoin, ayant juré comme précédemment, fut examiné individuellement et confidentiellement. Il déclare savoir seulement du contenu des articles qu’il a entendu le frère Baptiste prêcher dans cette cité de Genève, cette année, vers la fête de la Pentecôte. S’il en juge d’après son discernement, il ne l’a pas entendu prononcer d’erreurs mais l’a entendu déclarer de bonnes paroles dans ses sermons, tant en latin qu’en roman, et citer les bonnes autorités de l’Écriture Sainte, attirant le peuple vers l’amour de Dieu et du prochain, et vers l’abandon du péché. Et c’est cela que le témoin déclare savoir effectivement sur la teneur des articles mentionnés. Interrogé sur le lieu, le nombre de fois et les autres circonstances où il l’a entendu, il indique la maison des frères mineurs, le jour de la fête de l’Eucharistie du Christ lorsqu’il a prêché sur le Corps du Christ, et un autre jour quand il a prêché sur la prédestination, et d’autres jours encore dont il ne se souvient plus, de même qu’il a oublié, dit-il, les versets thématiques des sermons du frère Baptiste. Il ajoute ceci. Alors que Baptiste avait donné ses sermons ici, à Genève, de façon continue durant de nombreux jours, parce qu’il voulait partir vers d’autres régions pour y prêcher également, les syndics de la cité et leurs conseillers, ou du moins la majorité, allèrent le trouver dans la maison des frères mineurs et le requirent de bien vouloir demeurer encore un certain nombre de jours afin de parler du Corps du Christ lors de la fête de l’Eucharistie et de la prédestination un autre jour ensuite. Ces syndics et conseillers se déterminèrent à cette démarche car ils avaient auparavant vu et entendu que Baptiste prêchait bien et profondément afin d’instruire convenablement le peuple. La raison de son témoignage est qu’il fut présent avec les syndics et les conseillers lors de cette démarche.
138P. de Vège, co-commissaire susdit
139P. Baud, également co-commissaire
4. Déposition d’Amédée du Vernet
140Noble Amédée du Vernet, seigneur des châteaux de Saint-Martin et de La Rochette, témoin produit, cité et juré comme précédemment, examiné sur les articles dans sa maison d’habitation à Genève, le même jour. 11 déclare en fait savoir seulement sur le contenu de ces articles qu’il a entendu le frère Baptiste prêcher ici, à Genève, à Palais, plus précisément dans le cloître des frères prêcheurs, le jour de la fête de la sainte Trinité de cette année ; et cette prédication fut suivie par de nombreuses personnes et de nombreux Juifs. Dans son sermon, il a parlé très profondément de la sainte Trinité et a réfuté les Juifs en leur citant la Bible. Ce prédicateur, Baptiste, leur a dit entre autres de ne pas attendre davantage leur messie car il était déjà venu, à savoir notre Seigneur Jésus-Christ. Et il le prouvait par la Bible. Et si les Juifs pouvaient démontrer par des raisonnements valables et valides, et fondés sur la Bible, le contraire de ce qu’il prouvait lui, Baptiste, au moyen de leurs prophètes, alors il accepterait de renier la foi chrétienne et de se faire juif. Il exhortait aussi les Juifs par sa prédication à recevoir la foi chrétienne et, tout en leur adressant ses exhortations, il les appelait frères et seigneurs. De même, ce témoin dit avoir entendu le frère Baptiste prêcher dans la maison des frères mineurs ici, à Genève, trois ou quatre jours. Et il l’a entendu prononcer de bonnes paroles en l’honneur de Dieu et contre le péché, sans l’avoir entendu dire quelque chose qui, à son avis, aurait incité à commettre des péchés : au contraire il exhortait à s’en détourner. Interrogé sur les jours où il a assisté aux prêches dans la maison des frères mineurs, il dit ne plus s’en souvenir. Interrogé sur les versets thématiques des sermons, il dit également ne plus s’en souvenir.
141P. de Vège, co-commissaire susdit
142P. Baud, également co-commissaire
5. Déposition de Guillaume Tavel
143Noble Guillaume, clerc, fils de noble Guichard Tavel, citoyen de Genève et seigneur de Granges en Valais, témoin produit, cité, juré et examiné comme précédemment, aux jour et lieu susdits. Il dit avoir entendu prêcher Baptiste trois ou quatre jours dans la maison des frères mineurs de cette cité de Genève. D’après son avis, ses connaissances et sa compréhension du latin et du roman, le frère Baptiste prêchait bien et enseignait la voie du salut. Il n’a pas entendu ni remarqué chez Baptiste des propos malvenus ; au contraire toutes ses paroles encourageaient à faire le bien et éviter le mal. Interrogé sur les jours où il l’a entendu et sur les versets thématiques des sermons, il dit ne rien savoir d’autre que ce qu’il vient de répondre.
144P. de Vège, co-commissaire susdit
145P. Baud, co-commissaire susdit
6. Déposition de Pierre Brunet
146Distingué Pierre Brunet, de Logras, notaire, habitant du bourg de Saint-Gervais de Genève, témoin cité, produit, juré et examiné comme précédemment, le premier jour de septembre, dans le bourg de Saint-Gervais, sur la place devant la maison de Jean Bâtonnier située près du Rhône. Il dit savoir seulement, sur les neuvième et dixième articles, qu’un jour de cette année, alors que l’inquisiteur de la foi examinait des témoins contre Baptiste dans le couvent des frères prêcheurs, ce Pierre Brunet qui accompagnait le seigneur Jacques Madée, juge de Gex, entra avec lui dans la chambre où l’inquisiteur interrogeait un témoin contre Baptiste en présence d’un autre frère prêcheur. Pendant le déroulement de l’interrogatoire, le seigneur juge de Gex siégeait à côté de l’inquisiteur. Celui-ci interrogeait le témoin et le clerc de l’inquisiteur écrivait la déposition du témoin en présence et au vu et au su du frère prêcheur, du seigneur juge de Gex et également de lui-même. Sur le contenu des autres articles, il dit ne rien savoir.
147Interrogé sur le jour où il vit et entendit cela, il dit ne plus s’en souvenir. Sur les autres articles et leur contenu, il dit savoir seulement qu’il a entendu prêcher le frère Baptiste dans cette cité de Genève, à savoir deux jours dans le couvent des frères prêcheurs et quatre ou cinq jours dans le couvent des frères mineurs. Il affirme l’avoir entendu prêcher bien et prononcer de bonnes paroles, conformément à ce que prescrit l’Écriture Sainte, et ne l’a jamais entendu proférer des erreurs, selon son avis et son discernement. Sur le contenu des articles, il ne sait déposer rien d’autre que ce qu’il a déjà dit, bien que nous, les commissaires, nous l’ayons interrogé plusieurs fois, tant conjointement que séparément.
148P. de Vège, co-commissaire susdit
149P. Baud, co-commissaire susdit
7. Déposition de Pierre Chantaduci
150Vénérable seigneur Pierre Chantaduci, maître ès arts, licencié en droit canon, témoin cité, produit, juré et examiné comme précédemment, le premier jour de septembre, à Genève, dans l’église Saint-Germain. Il dit de fait et en substance savoir seulement sur le contenu des articles qu’il a entendu prêcher le frère Baptiste dans cette cité de Genève depuis la dernière fête de Pâques. Dans ses sermons, il a diffusé la bonne et saine doctrine, en latin et en roman, afin de bien instruire tout le peuple. 11 rapportait et citait de nombreuses autorités du droit canon et de la théologie sacrée, et ce témoin ne l’a pas entendu formuler d’erreurs, s’il en juge d’après son discernement. Interrogé sur le lieu et le nombre de fois où il l’a entendu prêcher, sur les versets thématiques et autres circonstances, il dit l’avoir entendu au moins deux fois dans le couvent des frères mineurs, mais ne se souvient plus ni des jours ni des versets thématiques des sermons.
151P. de Vège, co-commissaire susdit
152P. Baud, co-commissaire
8. Déposition de Pierre du Nant
153Vénérable seigneur Pierre du Nant, curé d’Argonnex, bachelier en droit canon et romain, témoin cité, produit, juré et examiné sur les articles, individuellement et confidentiellement, par nous les commissaires, dans l’église Sainte-Marie-la-Neuve de Genève, le samedi deux septembre. Après avoir lui-même pris connaissance des articles, il dit en fait savoir seulement sur le contenu de ces articles qu’il a assisté aux prédications de Baptiste qui ont eu lieu dans la cité de Genève depuis la fête de Pâques de cette année, c’est-à-dire un jour dans le couvent des frères prêcheurs et six ou sept jours dans le couvent des frères mineurs, dans les cloîtres. Il a entendu un jour ce frère Baptiste débattre avec le frère Raphaël de l’ordre des prêcheurs dans la résidence épiscopale devant le seigneur évêque et plusieurs clercs éminents, tant ecclésiastiques que laïcs. Il l’a également entendu prêcher un autre jour dans l’église des frères mineurs en présence de notre seigneur le duc de Savoie accompagné de ses nobles, et de plusieurs seigneurs évêques et autres prélats du duché de Savoie, qui s’étaient réunis à Genève ces jours-là. Dans tous ses sermons et discours, le frère Baptiste exposait parfaitement la saine doctrine, de sorte qu’il instruisait bien les gens, de toute condition sociale, conformément à l’Écriture Sainte. Selon son avis et son discernement, Baptiste est un bon clerc et de bonne conscience. Il déclare avoir lui-même étudié pendant six ou sept années à Avignon et à Montpellier et enseigné durant trois ans et demi, mais il n’a jamais vu ni entendu aucun licencié ou docteur en droit canon s’exprimer avec autant de pertinence, s’il en juge d’après son discernement. Il ajoute que Baptiste pendant ses prédications citait les bonnes autorités, tant en droit canon qu’en théologie, en vue d’instruire toutes sortes de personnes, ecclésiastiques ou laïques. 11 établissait de bonnes distinctions, de bonnes déclarations et conclusions, pour inciter à fuir le péché et à acquérir et maintenir les vertus. Le témoin ne l’a pas entendu énoncer d’erreurs. C’est cela que le témoin déclare connaître de fait et en substance sur la teneur des articles.
154P. de Vège, co-commissaire susdit
155P. Baud, co-commissaire susdit
9. Déposition d’Amédée Moine
156Vénérable seigneur Amédée Moine, chanoine de Genève, témoin cité, produit, juré et examiné comme précédemment, sur la place située devant sa maison près de l’église Sainte-Marie-la-Neuve, le deux septembre. Il déclare en substance savoir seulement sur la teneur des articles qu’il a entendu quatre ou cinq prédications du frère Baptiste, dans cette cité de Genève, et d’après son avis et discernement le frère Baptiste enseignait et instruisait le peuple vraiment très excellemment lors de ses prêches, quel que soit le niveau des auditeurs, en les exhortant à faire le bien et éviter le péché. Dans ce but, il citait plusieurs bonnes et saines doctrines de l’Écriture Sainte qui contribuaient beaucoup à convertir le peuple vers le culte et l’amour de Dieu, et à garder ses préceptes. Ce témoin ne l’a pas entendu dire ou exprimer des opinions mauvaises ni propager des erreurs. Selon sa perception, le frère Baptiste est un très bon clerc, un homme plein de bonnes doctrines et de connaissances saintes. Interrogé sur les versets thématiques et autres circonstances des sermons, il répond ne rien savoir d’autre que ce qu’il vient de déposer.
157P. de Vège, co-commissaire susdit
158P. Baud, co-commissaire susdit
10. Déposition de Girard Féat
159Distingué Girard Féat, clerc, notaire et bourgeois de Genève, témoin cité, produit, juré et examiné le deux septembre devant l’église Sainte-Marie-la-Neuve. Il dit de fait et en substance savoir seulement sur la teneur des articles qu’il a entendu plusieurs prédications du frère Baptiste qui ont été données ici, à Genève, en été de cette année. Lors de ses prêches, Baptiste prononçait de bonnes paroles dirigées vers le culte de Dieu et l’amour du prochain, pour exhorter à accomplir tout bien et à se détourner du mal. Afin de bien instruire tout le peuple, il citait de nombreuses autorités de l’Écriture Sainte et le faisait si parfaitement que ce témoin n’a jamais entendu mieux, s’il en juge d’après son discernement. Il ne l’a pas entendu formuler quoi que ce soit, à son avis, qui pourrait être considéré comme erroné. Interrogé sur les versets thématiques des sermons, il répond ne plus s’en souvenir à présent, sinon que lorsque le frère Baptiste prenait place sur la chaire il disait au peuple : Que la paix soit avec vous ! Que la paix de notre seigneur Jésus-Christ soit sur les hommes de bonne volonté ! Puis il ajoutait : Ave Maria, etc., et commençait ensuite sa prédication, bonne et sainte. Interrogé sur le nombre de fois et les lieux où il l’a entendu, il répond l’avoir entendu dans le couvent des frères prêcheurs de Palais et dans l’autre couvent des frères mineurs à Rive, chaque fois qu’il a prêché ici dans cette cité hormis les quelques jours où ce témoin alla à Submont. Il aimait l’écouter et, pour cette raison, ne voulait pas s’absenter de la ville durant cette période, afin d’assister aux prédications qu’il suivait pieusement.
160P. de Vège, co-commissaire susdit
161P. Baud, co-commissaire susdit
11. Déposition d’Amédée de Charansonnex
162Vénérable et religieux seigneur Amédée de Charansonnex, prieur du prieuré conventuel de Saint-Victor hors les murs de la cité de Genève, témoin cité et produit, ayant juré selon les vœux de sa profession religieuse, la main sur son cœur selon l’usage des religieux, puis examiné individuellement et confidentiellement par nous les commissaires sur lesdits articles, dans le cloître de son prieuré. Il déclare de fait et en substance savoir seulement sur la teneur des articles qu’il a vu et entendu le frère Baptiste prêcher plusieurs fois cet été dans cette cité de Genève, chez les frères mineurs de Rive et les frères prêcheurs de Palais. Lors de ses sermons et prédications, Baptiste énonçait de très bonnes et remarquables paroles en latin et en roman, et donnait de bons enseignements pour instruire aussi bien les ecclésiastiques que les laïcs. Tous ses propos visaient très fortement à honorer Dieu et fuir le péché, s’il en juge d’après son discernement. Il ne l’a pas entendu proférer d’erreurs d’après ce qu’il a pu constater, mais l’a entendu présenter très excellemment plusieurs autorités de l’Ancien et du Nouveau Testament ainsi que du Décret. Il établissait de bonnes distinctions et conclusions pour favoriser une compréhension correcte et saine, selon ce que ce témoin a pu observer. Et c’est cela que le témoin déclare savoir en substance sur la teneur des articles. Interrogé à quelles occasions il a entendu les prédications, il répond : une fois intégralement à Palais dans le cloître des frères prêcheurs ; deux fois intégralement dans le couvent des frères mineurs ; puis une autre fois intégralement aussi dans l’église des frères mineurs quand il a prêché en présence du très illustre prince notre seigneur le duc de Savoie, de ses grands vassaux et de plusieurs seigneurs évêques, abbés, prieurs et autres prélats du duché de Savoie réunis ensemble ici. D’autres jours, il entendit les sermons et prédications de Baptiste dans le couvent des frères mineurs mais seulement en partie, malgré son vif désir de l’écouter, car il fut appelé au conseil des seigneurs prélats qui se trouvaient alors dans le couvent avec ledit notre seigneur de Savoie. Il devait en effet quitter les prêches et allait au conseil du seigneur duc et des seigneurs prélats, ce qui l’affligeait beaucoup et lui était pénible car il ne pouvait assister intégralement chaque jour aux prédications de Baptiste. Interrogé sur les versets thématiques des sermons, il dit ne plus s’en souvenir à présent.
163P. de Vège, co-commissaire susdit
164P. Baud, co-commissaire
12. Déposition de Pierre Crotet
165Religieux frère Pierre Crotet, lecteur biblique du couvent de l’ordre des frères mineurs de Dijon, témoin cité et produit par le procureur susdit du frère Baptiste, dans le couvent des frères mineurs de cette cité de Genève. Ayant juré de dire la vérité selon les vœux de sa profession religieuse, la main sur son cœur, il fut examiné individuellement et confidentiellement le deuxième jour de septembre de ladite année, par nous les commissaires, sur les articles, après les avoir vus, entendus et avisés un par un. Il déclare avoir entendu plusieurs prédications du frère Baptiste cet été dans cette cité de Genève et ajoute qu’il prêchait bien et élégamment, conformément à la vérité de l’Écriture Sainte et des docteurs approuvés par la très sainte mère Église. S’il devait répondre des mêmes accusations que Baptiste, il voudrait le faire de la même manière qu’il l’a entendu faire par Baptiste lors de ses prêches, et voudrait maintenir que les propos tenus par celui-ci dans ses sermons sont vrais tels quels, et tels qu’il a entendu Baptiste les formuler et les prêcher. Il l’entendit établir dans ses sermons de bonnes déclarations et conclusions théologiques au sujet de ce qu’il prêchait et ne l’entendit pas exprimer d’erreurs contre la foi, s’il en juge d’après son discernement. Et c’est cela que le témoin déclare savoir de fait et en substance sur la teneur desdits articles, plusieurs questions lui ayant été posées. Interrogé à quelles occasions il a entendu prêcher ce frère Baptiste, il dit que ce fut à plusieurs reprises et plusieurs jours, dont il ne se souvient pas à présent. Interrogé sur le lieu, les versets thématiques et autres circonstances, il répond l’avoir entendu dans le couvent des frères mineurs ici, à Genève, à savoir une fois dans le verger, dans le cloître du préau et aussi dans le cloître antérieur situé à l’entrée de l’église, cela à plusieurs reprises et si souvent qu’il ne se souvient pas combien de fois. Il a également assisté à la prédication qu’il donna un jour dans l’église de ce couvent en présence de notre seigneur le duc de Savoie, de ses nobles, des seigneurs évêques et des autres prélats du duché de Savoie alors présents en ce lieu. Quant aux versets thématiques des sermons, il ne s’en souvient plus hormis ce que Baptiste disait au début de sa prédication : Que la paix soit avec vous ! Que la paix de notre seigneur Jésus-Christ soit sur les hommes de bonne volonté !
166P. de Vège, co-commissaire susdit
167P. Baud, co-commissaire susdit
13. Déposition de Jean de Vernier
168Frère Jean de Vernier, gardien du couvent des frères mineurs de Genève, témoin cité, produit, juré et examiné dans ce couvent, individuellement et distinctement, l’année et le jour indiqués précédemment. Il déclare en substance savoir seulement sur la teneur des articles qu’il a entendu prêcher le frère Baptiste plusieurs fois cet été dans ce couvent. S’il en juge d’après son discernement, Baptiste prêchait bien et brillamment, conformément à la doctrine évangélique et pour bien informer et instruire les auditeurs de toute condition sociale. Il ne l’a pas entendu émettre d’erreurs et n’a pas eu l’impression qu’il en aurait dites, pour autant qu’il sache. Il ajoute qu’à son avis le frère Baptiste est un homme de bonne vie et de bonne conscience. La raison de ce qu’il déclare est qu’il a parlé confidentiellement avec lui, qu’il l’a vu et entendu célébrer des messes, et lui a rendu visite dans sa chambre, là où il étudiait et en d’autres lieux retirés du couvent. Interrogé sur les endroits du couvent où il l’a entendu prêcher, il indique le verger, le cloître et la place à côté de la porte de l’église, ceci presque chaque jour durant les deux mois où dura sa prédication dans ce couvent. Il a également assisté au prêche qu’il fit un jour dans l’église des frères mineurs en présence de notre seigneur le duc de Savoie, de sa noblesse et des seigneurs prélats de sa patrie, qui se trouvaient alors rassemblés là. Interrogé sur les versets thématiques des sermons, il répond que Baptiste au début de ses prêches disait : Que la paix de notre Seigneur Jésus-Christ soit sur les hommes de bonne volonté !
169P. de Vège, co-commissaire susdit
170P. Baud, co-commissaire susdit
14. Déposition de Jean Jacel
171Distingué Jean Jacel, notaire, bourgeois de Genève, témoin produit sur la place de la cour de l’officialité de Genève près de l’église Saint-Pierre, le vendredi premier jour de septembre de l’année susdite, cité par nous les commissaires comme précédemment, et examiné individuellement et confidentiellement sur chacun des articles du frère Baptiste, lesquels furent lus et avisés par le témoin lui-même. Et d’abord examiné sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième articles pris un par un, il déclare connaître le frère Baptiste pour l’avoir vu et entendu depuis la dernière fête de Pâques, à partir du moment où il fit de nombreux sermons dans cette cité de Genève chez les frères des ordres mineurs et prêcheurs. Dans ces lieux, il l’entendit prêcher et célébrer des messes ; il a vu et entendu, lorsque Baptiste célébrait ses messes et officiait comme prédicateur, qu’il se comportait remarquablement et même tout à fait excellemment, comme un homme bon et juste, un parfait et très excellent prédicateur chrétien, se tenant, agissant et parlant religieusement et chrétiennement lors de son séjour dans cette cité et quand il célébrait la messe et prêchait. Il prêcha, enseigna ou déclara la parole et la doctrine de Dieu si solennellement que jamais, de mémoire d’homme, on n’entendit meilleur prédicateur à Genève, s’il en juge d’après son discernement. Et c’est cela que le témoin dit et déclare sur le contenu de ces articles pour autant qu’ils concernent la période indiquée ci-dessus, à partir de laquelle il a connu le frère Baptiste. Quant aux périodes précédentes, il répond ne l’avoir ni vu ni connu, sinon par ouï-dire auprès des nombreuses personnes qui désiraient sa venue et relataient sa bonne renommée ainsi que la doctrine remarquable qu’il dispensait pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Interrogé comment et de quelle façon il sait ou peut savoir ce qu’il vient de déposer, et s’il fut toujours en compagnie du frère Baptiste ou présent à ses sermons et messes, il répond qu’avant même son arrivée il désirait le voir et surtout l’écouter, du fait de sa renommée et de son grand renom transmis par ceux qui l’avaient entendu dans d’autres régions à l’étranger. Aussi s’efforça-t-il, lorsqu’il apprit que ce frère était entré dans cette cité, de toujours assister à ses messes et sermons ; et avant que Baptiste ne prît place sur la chaire, il cherchait toujours à se placer dans un lieu surélevé afin de mieux le voir et le comprendre. Une telle foule de gens affluait à ses sermons pour écouter la bonne doctrine qu’il enseignait que c’était prodigieux ! Il l’a entendu prêcher en présence de nombreux seigneurs : le duc de Savoie, le comte de Genève, l’archevêque de Tarentaise, les évêques de Genève, Lausanne, Belley, Maurienne, Aoste, et d’autres seigneurs abbés, prieurs, religieux, docteurs, clercs, laïcs, savants, et tous admiraient sa grande science et sa doctrine. Ils disaient à la fin de ses sermons, à la sortie ou plus tard : Qui pourrait savoir et expliquer de telles choses s’il n’est inspiré par le Saint-Esprit ou si Dieu n’est pas avec lui ? Et ils disaient d’autres paroles favorables à son égard. Grâce à sa doctrine, on en vit plusieurs amender leur vie, qui craignirent davantage Dieu et aimèrent plus leur prochain, ainsi qu’il put le constater.
172Examiné sur le septième article, il répond savoir seulement sur son contenu qu’un jour le frère Raphaël se dirigea personnellement vers le frère Baptiste, alors en train de prêcher à l’endroit désigné dans cet article, et lui lança plusieurs paroles malveillantes au point que le peuple ne se réjouit pas de ces injures mais en fut mécontent. À cause des invectives, de la perturbation et contestation dues au frère Raphaël et à ses associés, les gens furent empêchés de suivre la prédication car Baptiste ne put achever le sermon commencé. Et ce tumulte déplut beaucoup et déplaît aux gens de bien qui se trouvaient là. Interrogé comment il le sait, il dit qu’il l’a vu et entendu parce qu’il était présent ; et encore maintenant il s’afflige de l’interruption de cette prédication où Baptiste avait annoncé qu’il y ferait de belles déclarations.
173Sur les huitième, neuvième et dixième articles, il dit savoir seulement qu’il fut cité par un clerc à comparaître devant le seigneur inquisiteur pour déposer sur les articles formulés contre Baptiste, et sur ces articles il déposa dans les mains de l’inquisiteur. Il se réfère à la déposition qu’il écrivit de sa propre main en présence de plusieurs personnes, cela du fait que l’inquisiteur voulut l’examiner en présence de témoins.
174Examiné sur le onzième et les suivants jusqu’au vingt-neuvième inclus, il répond savoir seulement, pour l’avoir entendu et c’est véridique, que le frère Baptiste a traité dans ses sermons les sujets mentionnés dans ces articles. Il le fit de telle façon que nul homme au monde, à son avis, ne pourrait proposer des déclarations plus remarquables pour favoriser une compréhension correcte et saine. Il s’exprimait semblablement à ce que disent et déclarent sur ces sujets tous les bons clercs entendus par ce témoin, à l’exception des personnes contrariées par ces prédications, c’est-à-dire les gens visés lors des prêches, car Baptiste n’excusait personne du péché ; il dévoilait énergiquement les péchés, exposait le dur châtiment du pécheur et la gloire du juste, et attaquait beaucoup les grands seigneurs orgueilleux, les avares et usuriers, les flagorneurs, les luxurieux, les hypocrites et ceux qui se servent mal de leur vie.
175Examiné sur le trentième article, il dit que le frère Baptiste condamnait très sévèrement le péché de luxure. Il a assisté à ses prédications publiques ici, à Genève, comme il l’a déjà déposé, mais ne l’a jamais entendu prononcer quoi que ce soit qui pourrait amener quelqu’un au péché de luxure.
176Sur les trente et unième et le trente-deuxième, il répond comme précédemment et ajoute n’avoir jamais entendu un prédicateur ou quelqu’un d’autre qui l’aura attiré aussi bien vers l’amour et la crainte de Dieu, et vers l’amour de son prochain, comme ne le fit ce frère Baptiste, car il montrait bien les racines du péché et le moyen qui permet à l’homme d’éviter le péché et d’être sauvé.
177P. de Vège, co-commissaire susdit
178P. Baud, co-commissaire susdit
15. Déposition de Pierre de la Combe
179Distingué Pierre de la Combe, notaire et bourgeois de Genève, témoin cité par nous les commissaires, produit et juré comme précédemment, examiné le vendredi premier jour de septembre, dans l’église Saint-Germain, sur lesdits articles et sur chacun d’eux distinctement et confidentiellement. Examiné tout d’abord sur le premier article, il déclare savoir seulement qu’il croit que son contenu est vrai et qu’il considère et estime le frère Baptiste tel qu’il est décrit dans cet article. Il le connaît depuis le temps de son séjour dans cette cité de Genève où il demeura deux mois environ au cours de cette année. Il l’a souvent entendu prêcher la parole de Dieu pour la gloire et l’honneur du Très Haut, et l’extirpation des vices, semblablement à un bon chrétien. Il l’a entendu célébrer la messe et n’a jamais observé chez lui le contraire de ce qui est affirmé dans cet article.
180Interrogé sur le deuxième article, il croit vraiment que Baptiste a prêché chrétiennement la parole divine et suscité ainsi un grand fruit et le salut des âmes.
181Interrogé sur le troisième article, il répond avoir entendu dire que Baptiste a prêché à Avignon et Chambéry, et croit tout à fait qu’il en a résulté un grand fruit et le salut des âmes.
182Examiné sur le quatrième article, il dit croire son contenu et l’a ouï dire ainsi.
183Interrogé sur le cinquième article, il le dit vrai. Interrogé comment il le sait, il répond avoir vu Baptiste demeurer dans cette cité de Genève durant le temps décrit dans cet article et avoir assisté à plusieurs ou même à presque toutes ses prédications données ici, tant chez les frères prêcheurs que mineurs.
184Interrogé sur le sixième article, il répond n’avoir jamais entendu le frère Baptiste prêcher ou sermonner autre chose que la vraie doctrine chrétienne, d’après ce qu’il peut toutefois en juger. Il l’a entendu confirmer et prouver sa doctrine en citant très souvent dans ses sermons les saints docteurs de l’Église, cela en présence de très nombreuses personnes chrétiennes, aussi bien des théologiens, des juristes que des chanoines ou des spécialistes d’autres sciences, devant une très grande foule, et fréquemment en présence du révérend père dans le Christ notre seigneur l’évêque de Genève, et une fois en présence de notre seigneur le très illustre prince et duc de Savoie.
185Interrogé sur le septième article, il déclare savoir seulement qu’un jour où le frère Baptiste prêchait dans le couvent des frères mineurs de Genève, il assistait à cette prédication. Avant que Baptiste ne prît place sur la chaire pour commencer à prêcher, il était assis non loin de là et a vu le frère Raphaël, nommé dans cet article, entrer dans le couvent accompagné de plusieurs frères jacobites du couvent des frères prêcheurs de Genève et de quelques autres personnes. Lorsque le frère Baptiste fut monté en chaire pour prêcher et tandis qu’il prêchait la parole de Dieu, le témoin vit le frère Raphaël venir s’asseoir avec des frères et quelques-uns de ses acolytes face à Baptiste dans le but de le critiquer et de perturber sa prédication, comme le laissaient transparaître ses agissements et ses gesticulations. Et Raphaël, ainsi qu’un jacobite assis à ses côtés, disaient que certaines affirmations de Baptiste n’étaient pas vraies, ou bien ils niaient qu’elles étaient vraies. De plus, le témoin entendit par la suite Raphaël maudire perfidement Baptiste ou lancer une malédiction en lui disant : Qu’il soit maudit celui qui t'a installé sur cette chaire ! Et il proféra de nombreuses autres paroles contre Baptiste, d’où il apparaissait que Raphaël n’agissait contre Baptiste que par pure malveillance et inimitié.
186Interrogé sur le huitième article, il dépose savoir seulement qu’il a vu Raphaël, assisté de plusieurs frères du couvent des frères prêcheurs de Genève, accuser Baptiste dans la résidence épiscopale en présence du seigneur évêque et de l’inquisiteur mentionné dans l’article, et produire contre lui certaines conclusions en affirmant qu’il les avait prononcées. Le témoin ajoute que l’inquisiteur appartient à l’ordre des frères prêcheurs, comme on le déduit de son vêtement, et pour cette raison il le croit avoir été et être partial.
187Interrogé sur le neuvième article, il répond avoir entendu plusieurs personnes confirmer ce qui est décrit dans cet article.
188Interrogé sur le dixième article, il dit savoir seulement qu’il a entendu dire certaines des choses mentionnées par cet article.
189Sur le onzième article, il répond semblablement à ce qu’il a déposé pour le huitième article.
190Interrogé sur le douzième article, qui commence par : Tout d’abord, il est dit dans le premier article... Le procureur affirme que, etc., il déclare savoir seulement qu’à son avis le frère Baptiste a traité du sujet dont il est question dans cet article ; il indique que Baptiste ne s’est pas exprimé d’une manière aussi simpliste, à savoir qu’un prêtre n’ayant pas la clé de la science ne pourrait absoudre du péché, mais il a complété ses propos en déclarant d’autres choses qu’il serait trop long de rapporter et que le témoin a entendues car il était présent.
191Interrogé sur le treizième article, il dit avoir entendu le frère Baptiste déclarer que nul intellect illuminé par la foi ne peut opposer d’arguments contradictoires, cela à propos du sujet dont il parlait et qui est mentionné dans cet article.
192Interrogé sur le quatorzième article, il répond savoir seulement que le frère Baptiste a dit, lorsqu’il a traité du sujet mentionné dans cet article, que le pécheur doit s’en remettre à la justice de la miséricorde divine et se satisfaire de ce que Dieu décidera, la raison de ce qu’il dit étant qu’il était présent et l’entendit ainsi.
193Interrogé sur le quinzième article, il dit ne plus bien se souvenir du contenu de cet article.
194Interrogé sur le seizième article, il dit avoir entendu Baptiste lorsqu’il a parlé des habitants de la Bohême ; il les déclarait mauvais et maudits, et vitupérait contre eux et leur secte.
195Interrogé sur le dix-septième article, il dit avoir entendu Baptiste prêcher, lorsqu’il a traité le sujet mentionné dans cet article, que le Corps du Christ peut être en plusieurs lieux sacramentellement.
196Examiné sur le dix-huitième article, il répond avoir entendu Baptiste affirmer que l’amour participe à la génération qui est évoquée dans cet article.
197Interrogé sur le dix-neuvième article, il dit ne plus bien se souvenir de son contenu et ne se rappelle pas avoir entendu Baptiste affirmer que le loup serait une personne.
198Interrogé sur le vingtième article, il dit ne plus bien se souvenir de son contenu.
199Interrogé sur le vingt et unième article, il croit que Baptiste a traité le sujet mentionné dans cet article conformément à ce qu’en disent les saints docteurs.
200Interrogé sur le vingt-deuxième article, il dépose savoir seulement qu’il a entendu Baptiste dire et prêcher que tout mensonge constitue un péché, soit mortel soit véniel, et l’a entendu établir des distinctions pour préciser quand il est mortel et quand véniel.
201Interrogé sur le vingt-troisième article, il répond avoir entendu Baptiste dire et prêcher que l’intention principale des marchands ne doit pas être tournée vers le profit mais d’abord vers Dieu et l’utilité publique ou le bien commun, ensuite vers leur profit.
202Interrogé sur le vingt-quatrième article, il dit savoir seulement qu’il a entendu Baptiste dire et prêcher que, selon le droit naturel ou divin, toutes choses sont communes à tous en temps de nécessité extrême.
203Interrogé sur le vingt-cinquième article, il répond ne plus bien se souvenir de son contenu.
204Interrogé sur le vingt-sixième article, il répond qu’il ne se souvient plus bien comment il avait traité le sujet contenu dans cet article.
205Interrogé sur le vingt-septième article, il se réfère pour le contenu de cet article aux Saintes Écritures.
206Interrogé sur le vingt-huitième, il dit ne plus bien se souvenir du sujet contenu dans cet article.
207Examiné sur le vingt-neuvième article, il dit ne plus bien se souvenir à présent du contenu de cet article, mis à part le fait que, dans les sermons qu’il a entendus, le frère Baptiste s’est toujours exprimé avec le but d’extirper les vices.
208Interrogé sur le trentième article, il déclare que Baptiste blâmait et extirpait le péché de luxure lors des sermons qu’il a donnés dans cette cité de Genève et auxquels le témoin a presque toujours assisté ; il disait que c’était un péché grave et mortel, et que la fornication simple constituait déjà un péché mortel.
209Interrogé sur le trente et unième article, il croit que Baptiste s’est exprimé si clairement sur ce sujet qu’il ne put être critiqué que par les ennemis de la vérité.
210Interrogé sur le trente-deuxième article, il croit que ce sont les ennemis de la vérité qui ont trouvé les on-dit et les rumeurs sur le contenu des articles auprès de la partie hostile à Baptiste, si tant est que des on-dit et des rumeurs soient découverts contre ce frère. Interrogé s’il a amené son témoignage sous l’effet d’une supplique, d’une rétribution, par haine ou amitié envers l’une des parties, il répond non et n’a témoigné que pour déposer la seule vérité, puisque les deux parties, à savoir les frères Baptiste et Raphaël, lui sont étrangères en affinité et parenté et qu’ils sont originaires de régions éloignées.
211R de Vège, co-commissaire susdit
212P. Baud, co-commissaire susdit
16. Déposition de Michel de Fer
213Noble Michel de Fer, citoyen de Genève, trésorier général de Savoie, témoin cité par nous les commissaires, produit et juré comme précédemment, et examiné confidentiellement et individuellement sur les articles dans l’église des frères mineurs de cette cité de Genève, le seize septembre. Il dit et dépose de fait et en substance savoir seulement sur le contenu des articles que le frère Baptiste est un bon clerc et un bon prédicateur qui énonce et présente dans ses sermons et prédications une doctrine bénéfique, juste et sainte, afin de bien instruire tout le peuple en vue du salut des âmes. Interrogé comment il le sait, il répond l’avoir entendu prêcher à Chambéry cette année, précisément le jour de la Chandeleur dans le couvent des frères mineurs et deux ou trois fois dans celui des frères prêcheurs. Ensuite il l’a entendu plusieurs jours prêcher ici, dans ce couvent des frères mineurs de Genève. Il a également entendu le frère Baptiste être loué et admiré tel qu’il vient de le témoigner, notamment par le chancelier de Savoie et par quasiment tous les meilleurs clercs de Chambéry, ainsi que par de nombreuses autres dignes personnes en différents lieux dont il ne se souvient plus à présent, dit-il.
214P. de Vège, co-commissaire susdit
215P. Baud, co-commissaire susdit
17. Déposition de Giacomo Jaquerio
216Maître Giacomo Jaquerio de Turin, peintre, témoin cité par nous les commissaires comme précédemment, produit par le procureur susdit du frère Baptiste, juré et examiné individuellement et confidentiellement sur les articles, dans l’église des frères mineurs de cette cité de Genève. Il dit et dépose savoir seulement sur la teneur des articles qu’il a entendu plusieurs fois les prédications du frère Baptiste, tout d’abord dans les régions transalpines à Pignerol dans le cloître des frères mineurs ; il a assisté à sa messe dans la chapelle du seigneur Louis, le défunt prince du Piémont, une année avant la mort de ce prince, il y a déjà douze ou treize ans passés. Baptiste avait donné au prince de très bonnes instructions en privé et l’avait fréquemment blâmé, comme ce témoin l’a su et entendu dire. Il l’entendit également prêcher à Chieri dans le couvent des frères mineurs lors des fêtes de la Nativité du Seigneur, il y aura deux ans à la Nativité prochaine. Dans ces régions du Piémont, l’opinion publique et la renommée favorables au frère Baptiste se propageaient grandement et répandaient qu’il était un bon prédicateur ; et l’on faisait beaucoup d’éloges à travers le pays de sa bonne vie et son bon enseignement. Il l’entendit prêcher à la même époque dans la cité de Turin, située au-delà des monts, où le frère Baptiste blâma vivement la dame de La Chautagne qui était venue assister à cette prédication avec une coiffure à hautes cornes ; en effet, Baptiste ne flattait personne mais dénonçait audacieusement les vices et les péchés. Puis ce témoin entendit toutes les prédications données cette année par Baptiste dans cette cité de Genève. À son avis et s’il en juge d’après son discernement, le frère Baptiste est un homme de Dieu, prodiguant des enseignements bénéfiques, justes et sains, dans le but d’éviter le péché et d’assurer le salut des âmes. Il est si remarquable, à son avis, qu’il voudrait que son âme aille là ou ira l’âme du frère Baptiste, quel que soit ce lieu.
217P. de Vège, co-commissaire susdit
218P. Baud, co-commissaire susdit
18. Déposition de Jacques Avelli
219Frère Jacques Avelli, maintenant vicaire du couvent des frères mineurs de Genève, témoin cité et produit comme précédemment dans ce couvent, le samedi deux septembre, ayant juré de dire la vérité sur le contenu des articles selon les vœux de sa profession religieuse, la main sur son cœur selon l’usage des religieux, examiné et interrogé individuellement et confidentiellement sur ces articles. Il dit et dépose de fait et en substance, savoir seulement sur la teneur des articles qu’il a assisté une fois à la prédication du frère Baptiste où il l’entendit dispenser et prêcher une doctrine juste, bénéfique et saine, conformément à ce qu’enseignent les Évangiles. Il l’a entendu proposer de bonnes distinctions et déclarations pour confirmer ses propos, afin de bien instruire les gens de toute condition, s’il en juge d’après son discernement, et sans entendre de sa part quoi que ce soit qui pourrait être tenu pour erroné ou contraire à la foi, à son avis et selon ses connaissances. Interrogé sur le lieu et le jour où il l’entendit prêcher ainsi, il répond que, lors des fêtes de la Pentecôte de cette année, il était bachelier dans le couvent des frères mineurs de Lausanne et entendit à cet endroit, ainsi que dans de nombreux autres lieux environnants situés en pays de Vaud, la bonne renommée qui se répandait au sujet du frère Baptiste, lequel prêchait alors à Genève. Pour cette raison, il trouva un moyen de venir dans cette cité de Genève, essentiellement afin de l’écouter, et assista à la prédication qu’il donna dans ce couvent des frères mineurs de Genève, à l’intérieur du cloître, à l’époque indiquée ci-dessus, comme il l’a signalé. Le lendemain, il lui fallut se mettre en route pour retourner à Lausanne et il s’affligea beaucoup de ne pas pouvoir assister à davantage de prédications du frère Baptiste car il l’aurait écouté avec grand plaisir, dit-il. Il ne sait rien déposer d’autre sur le contenu des articles, à ce qu’il dit, plusieurs questions lui ayant été posées.
220P. de Vège, co-commissaire susdit
221P. Baud, co-commissaire susdit
19. Déposition de Jean Gay
222Frère Jean Gay, privilégié et exempt, de l’ordre des frères mineurs du couvent de cette cité de Genève, témoin cité, produit, juré et interrogé sur la teneur des articles, et examiné distinctement et confidentiellement. Et tout d’abord examiné sur les articles premier, deuxième et suivants jusqu’au sixième inclus et sur chacun d’eux, il dit et dépose savoir seulement que le frère Baptiste a séjourné dans cette cité de Genève en prêchant la parole de Dieu bien, véridiquement et chrétiennement pendant deux mois cet été. La raison de son témoignage est qu’il assista plusieurs jours à ses prédications et l’entendit proposer des enseignements bénéfiques, justes et sains, en vue de bien instruire les gens de toute condition conformément aux dires et enseignements des docteurs en théologie sacrée ; il n’entendit ni ne perçut chez lui de paroles erronées contraires à la foi chrétienne. Interrogé sur le lieu où il l’entendit, sur les versets thématiques de ses sermons et autres circonstances, il répond l’avoir entendu parler une première fois dans le verger de la maison des frères mineurs sur le thème suivant : Donnez en aumône et toutes choses vous seront pures, verset qu’il développa bien, véridiquement et chrétiennement, avec un grand raffinement de science. Une autre jour, il entendit la prédication qu’il donna dans l’église de ces frères mineurs en présence de notre seigneur de Savoie, de sa noblesse, de ses seigneurs conseillers et de nombreux autres prélats du duché de Savoie alors rassemblés en ce lieu. Il y dénonça fortement les négligences et abus des seigneurs ecclésiastiques ou laïcs, en n’épargnant personne, et prêcha très solennellement d’après la doctrine juste et vraie des docteurs de l’Église ; il choisit pour verset thématique : Je suis sorti du Père et venu dans le monde ; à présent je quitte le monde et retourne au Père.
223Examiné sur le septième article, il répond ainsi. Tandis que le frère Baptiste prêchait sur la place à côté de la porte d’entrée de l’église des frères mineurs, le frère Raphaël attaqua Baptiste en manifestant son vif mécontentement, mais ce témoin ne comprit pas les paroles proférées par Raphaël car il écoutait le sermon de Baptiste et se trouvait dans une pièce située au-dessus de la place, d’où il suivait la prédication. Interrogé sur le jour où cela se produisit, il indique le jour de la dernière fête des saints Pierre et Paul apôtres. Le verset thématique était : La charité parfaite chasse la crainte. Baptiste développa et traita ce verset thématique très bien, conformément à la vraie et sainte doctrine de la foi chrétienne, malgré la perturbation dirigée contre lui par le frère Raphaël.
224Sur les neuvième et dixième articles, il répond ne rien savoir sinon par ouï-dire.
225Examiné sur le onzième article, il dit avoir été présent plusieurs fois dans la résidence épiscopale, où il assista aux nombreuses controverses survenues entre Baptiste et Raphaël en présence de notre seigneur l’évêque, de plusieurs frères prêcheurs et mineurs, et d’autres seigneurs clercs, tant ecclésiastiques que laïcs. Pour finir, il fut arrêté que la doctrine de Baptiste était juste, chrétienne et pouvait être prêchée. Il fut convenu d’une prédication publique qui serait donnée par ce témoin, où Baptiste et Raphaël présenteraient l’un et l’autre des excuses afin d’apaiser le mécontentement du peuple. Mais cette prédication n’eut pas lieu en raison d’une rancœur née plus tard, et lui-même ignore quelle fut cette rancœur et d’où elle provenait.
226Interrogé sur les articles douzième, treizième et suivants jusqu’au dernier inclus, il dit avoir vu le frère Baptiste observer dans le couvent des frères mineurs une bonne vie, rigoureuse et conforme à sa règle ; il a assisté à plusieurs messes qu’il a célébrées dans ce couvent avec une grande dévotion ; il l’a entendu prêcher dans le cloître des frères plusieurs fois, et aussi en d’autres lieux du couvent comme il l’a déjà mentionné. Lors des prédications du frère Baptiste, il l’a toujours entendu exprimer et dispenser une doctrine bonne, juste et sainte, qui visait à bien instruire les gens de toute condition, sans l’entendre prêcher ou professer d’erreurs ou d’opinions fausses qu’il aurait pu relever. Interrogé s’il a témoigné par faveur, haine ou toute autre partialité, il répond non, mais uniquement pour dire la seule vérité car, pour rien au monde, il ne voudrait se parjurer, dit-il.
227R de Vège, co-commissaire susdit
228R Baud, co-commissaire susdit
20. Déposition de Louis Salmon
229Frère Louis Salomon, lecteur actuel du couvent des frères mineurs de Genève, témoin produit, cité et juré comme précédemment, examiné distinctement par nous les commissaires sur les articles qu’il a vus et lus. Interrogé sur ces articles, il dit de fait et en substance savoir seulement, à savoir sur le premier, les deuxième, troisième et quatrième, qu’il a entendu plusieurs personnes dignes, tant de cette patrie qu’étrangères, affirmer que le frère Baptiste fut toujours et est un bon religieux et un bon clerc de bonne conversation et de bonne conscience et vie. Et ce témoin le considère comme tel car il le sait par expérience et pour l’avoir entendu en confession ; il estime en son for intérieur que le frère Baptiste préférerait mourir plutôt que de commettre un seul petit péché mortel.
230Sur le cinquième article, il le dit vrai, la raison étant qu’il a vu et entendu ce qui est décrit dans cet article.
231Sur le sixième article, il répond comme précédemment.
232Sur le septième article, il dit que le frère Raphaël se rendit à un sermon du frère Baptiste dans le couvent des frères mineurs ; dès le début de la prédication, le frère Raphaël entreprit de perturber son déroulement et proféra de nombreuses paroles contre le frère Baptiste, que le témoin ne comprit pas car il se trouvait trop loin. À son avis, le frère Raphaël a davantage provoqué un scandale qu’il n’aura montré le bon exemple, dont la conséquence fut de dresser les personnes présentes les unes contre les autres. Interrogé sur le jour, il indique la fête des saints apôtres Pierre et Paul. Interrogé sur le verset thématique du sermon du frère Baptiste, il répond : La charité parfaite chasse la crainte.
233Examiné sur les douzième, treizième, quatorzième, quinzième, seizième, dix-septième, dix-neuvième, vingt et unième, vingt-deuxième, vingt-troisième, vingt-quatrième, vingt-cinquième et vingt-sixième pris un par un, il affirme et certifie avoir entendu le frère Baptiste prêcher sur le contenu de ces articles et avoir formulé dans ses sermons de telles déclarations, en accord avec l’Écriture Sainte, au point que ce témoin en fut grandement réconforté. Le fait d’avoir entendu ces sermons ne généra en son cœur aucune erreur ; au contraire, le frère Baptiste prêchait si bien que ce témoin l’écoutait très volontiers prêcher et l’écouterait volontiers encore. Interrogé sur le lieu où il l’entendit, il dit l’avoir entendu un jour dans le couvent des frères prêcheurs, à la fête de la sainte Trinité, et dans le couvent des frères mineurs, à savoir dans le verger, dans le cloître et sur la place appelée Galilée plusieurs jours, dont il a oublié le nombre exact. Il l’entendit également prêcher dans l’église des frères mineurs en présence de notre seigneur le duc de Savoie et de sa noblesse, en présence également des seigneurs évêques, abbés, prieurs et autres prélats du duché de Savoie alors rassemblés là. Lors de ces sermons, il constata que le frère Baptiste s’exprimait bien et élégamment, comme il l’a déjà dit. À la sortie du sermon déjà évoqué, celui qui eut lieu dans cette église devant tant de seigneurs, il n’entendit aucun commentaire défavorable. Interrogé sur le jour où il prononça ce sermon devant le seigneur duc et les seigneurs prélats, il déclare un des dimanches précédant la dernière fête des saints apôtres Pierre et Paul.
234Interrogé sur les autres articles aussi bien antérieurs aux derniers énumérés que postérieurs, vus et lus par lui, il répond ne rien savoir d’autre que ce qu’il vient de déposer, plusieurs questions lui ayant été posées.
235P. de Vège, co-commissaire susdit
236P. Baud, co-commissaire susdit
21. Déposition de François de Versonnex
237Honorable François de Versonnex, citoyen et marchand de Genève, témoin cité, produit, juré et examiné sur les articles, dans l’église Saint-Germain de Genève, le jeudi quatorze septembre. Et tout d’abord examiné sur les articles premier, deuxième, troisième et quatrième pris un par un, il dit avoir entendu plusieurs grands marchands vivant dans les régions mentionnées dans ces articles s’exprimer de cette manière ; il a maintenant oublié leurs noms, mais s’il avait su qu’il serait interrogé à ce sujet, il les aurait retenus car il en a entendu plusieurs s’exprimer ainsi, aussi bien avant la venue du frère Baptiste dans cette cité qu’après.
238Sur les articles cinquième et sixième, il répond que le frère Baptiste a prêché dans cette cité de Genève au cours du dernier été, vers la fête de la Pentecôte ; il parlait bien et saintement comme cela est dit dans ces articles, et s’il en juge d’après son discernement et ses connaissances. Interrogé s’il l’a entendu chaque jour que celui-ci a prêché à Genève, il répond oui car il aimait l’écouter. Il lui semblait, en effet, et il lui semble encore que le frère Baptiste est un homme de bonne conscience et que, dans ses sermons, il n’approuve pas mais réprouve les pécheurs sans aucune flatterie, et qu’il dispense de bons préceptes et enseignements sur comment bien agir et éviter le péché, s’il en juge d’après son discernement.
239Sur le septième, il dit savoir seulement qu’un jour, alors que le frère Baptiste allait commencer sa prédication ici, à Genève, dans le couvent des frères mineurs, avant l’Ave Maria, le frère Raphaël qui était assis en face de la chaire se mit debout et dit au frère Baptiste : O Baptiste ! Prends garde à ce que tu vas dire ! Moi, je t’ai déjà vu autrefois ! Par la suite, tandis que le frère Baptiste poursuivait énergiquement son sermon, le frère Raphaël fit tout son possible auprès du témoin et d’autres personnes placées à ses côtés pour les amener à interrompre la prédication du frère Baptiste, et les interpellait ainsi : Où est la justice ? Où est-elle ? Pourquoi le laissez-vous prêcher ? Or, comme le peuple préférait écouter le frère Baptiste et ne prêtait pas attention aux manœuvres de Raphaël, celui-ci se dressa de nouveau et lança au frère Baptiste : Qu’il soit maudit celui qui t'a installé sur cette chaire ! La raison de son témoignage est qu’il a vu et entendu ce qu’il dépose. De plus, toujours aux mêmes lieu et temps et au cours de cette prédication, il entendit le frère Raphaël s’adresser au frère Baptiste en disant à voix basse : Sois sans crainte ! Avant que tu n’aies quitté le duché de Savoie, moi je te ferai avaler la fumée du feu ou la vapeur de l’eau ! La raison de son témoignage est qu’il l’a entendu ainsi, car il était proche de Raphaël. Il ajoute que le frère Baptiste poursuivit sa prédication en faisant peu de cas desdites injures. Interrogé sur le lieu et le verset thématique de cette prédication, il indique la place située près de la grande porte de l’église des frères mineurs ; il a oublié le jour mais non le verset thématique qui était : Que la paix soit avec vous ! Que la paix de notre seigneur Jésus-Christ soit sur les hommes de bonne volonté ! Puis il a ajouté : La charité chasse la crainte.
240Examiné sur le huitième article, il répond que l’on raconte couramment cela dans la ville de Genève et que c’est de notoriété publique.
241Sur les neuvième et dixième, il répond avoir entendu plusieurs personnes rapporter ce qui est contenu dans cet article. Interrogé sur ces personnes, il dit le savoir de plusieurs qui furent examinées et qu’il refuse de nommer car elles le lui ont confié en secret.
242Examiné sur le onzième, il répond ne rien savoir.
243Examiné individuellement et confidentiellement sur le douzième qui débute ainsi : Il est dit dans le premier article... Le procureur affirme, etc., et sur les suivants jusqu’au dernier, il répond avoir assisté à plusieurs messes du frère Baptiste et à toutes ses prédications lorsqu’il a prêché ici, à Genève, comme il l’a déjà déclaré. Il affirme l’avoir entendu prêcher et proposer de bonnes déclarations dans ses sermons, et telles qu’elles ne nécessitaient aucune correction car tous ses prédications visaient l’honneur de Dieu, l’amour du prochain et l’accomplissement du bien, s’il donne son avis d’après son discernement. Il a d’ailleurs entendu plusieurs personnes dignes et remarquables, ecclésiastiques ou laïques, et des bons clercs s’exprimer semblablement au sujet de Baptiste. Interrogé sur le lieu et les jours où il l’entendit, il dit avoir assisté aux messes du frère Baptiste plusieurs jours dans le couvent des frères mineurs, à savoir dans la chapelle du chapitre à côté du cloître ; quant aux prédications, il les a entendues dans le cloître, dans le verger du couvent et aussi sur la place à l’entrée de l’église des frères mineurs, et également dans le couvent des frères prêcheurs, dans le cloître situé devant l’église ; il a oublié les jours et les versets thématiques.
244P. de Vège, co-commissaire susdit
245P. Baud, co-commissaire susdit
22. Deuxième déposition de Jean Gay
246Frère Jean Gay, du couvent des frères mineurs de cette cité de Genève, privilégié et exempt, témoin cité par nous les commissaires pour fournir son témoignage et produit par le procureur susdit du frère Baptiste, juré et examiné individuellement et confidentiellement dans ce même couvent, le vingt-trois septembre de cette année, sur la teneur des seconds articles additionnels, lesquels sont copiés plus au-dessus. Les autres premiers articles furent omis car il fut déjà examiné sur eux, comme cela est enregistré plus haut. Et tout d’abord, examiné sur le premier article additionnel qui débute ainsi : Le procureur affirme ceci. Dans la résidence du seigneur évêque de Genève, etc., il le déclare vrai sous réserve de la dernière partie, car il ignore s’il fut conclu qu’une prédication formée des conclusions et additions serait donnée par l’un ou l’autre, Baptiste ou Raphaël. En revanche, il est tout à fait exact que le seigneur évêque, dans sa résidence de cette cité de Genève, en présence de Baptiste, de Raphaël et de plusieurs autres bons clercs, ordonna que cette prédication serait assumée publiquement par une tierce personne, n’appartenant pas à l’ordre de l’un ou l’autre afin d’écarter toute complaisance irrégulière et toute suspicion. Interrogé sur le jour où cette décision fut prise, il dit ne plus se souvenir. Interrogé sur la personne qui fut désignée par le seigneur évêque pour assumer cette prédication, il répond que ce fut lui. Interrogé comment il sait que les conclusions de Baptiste furent approuvées et qu’il fut ordonné de les prêcher, quelles personnes étaient présentes et sur les autres circonstances, il répond qu’il était présent de même que le seigneur official, le seigneur Anselme de Chenay, les seigneurs chanoines de Genève Louis Paris, Jean de Lentonay et Jean Moine, le frère Pierre Barre provincial de l’ordre des frères prêcheurs qui fut le premier dans ce lieu à approuver lesdites conclusions, l’inquisiteur appartenant à ce même ordre des prêcheurs, le frère Raphaël, également le prieur de Chambéry, le prieur des frères prêcheurs de Genève, le lecteur du couvent de Genève, le frère Amédée Gorgetaz de ce même ordre, le frère Pierre Pachod et le frère Pierre Crotet, lecteur biblique, actuellement absents de cette cité, de l’ordre des frères mineurs, le vicaire Jacques Avelli et Louis Salmon, lecteur du couvent des frères mineurs de Genève, ainsi que les juristes de la ville, à savoir le seigneur Aymon Malliet, le seigneur François d’Avrilly, Pierre Chapuis, Raymond d’Orsières, et plusieurs autres dont il a maintenant oublié les noms. Interrogé sur l’endroit de la résidence épiscopale où ces choses se déroulèrent, il indique la salle inférieure de la tour neuve où toutes les personnes nommées approuvèrent les conclusions du frère Baptiste, telles qu’il les avait remises par écrit au seigneur évêque, et ces conclusions furent lues en cet endroit en présence des personnes nommées, ainsi que les additions mentionnées dans ce premier article.
247Interrogé sur les conclusions de Baptiste, il répond qu’il y en avait quatorze ou environ dont il a maintenant oublié la teneur. Il ajoute que ce jour-là les frères prêcheurs ont gardé ces conclusions en leur possession depuis la neuvième heure avant midi jusqu’à la cinquième heure de l’après-midi. Interrogé sur les additions des frères prêcheurs mentionnées dans cet article, sur leur qualité et quantité, il dit avoir oublié. Il précise cependant qu’elles furent approuvées, comme il l’a déjà dit, et qu’il fut décidé de les prêcher, les additions avec les conclusions du frère Baptiste. Interrogé si la prédication de ces conclusions et additions eut lieu selon le mode décrit ci-dessus, il répond non. Interrogé sur la raison pour laquelle on omit de prêcher les conclusions avec les additions, il répond qu’il l’ignore mais que les frères prêcheurs se vantaient d’avoir corrigé le frère Baptiste en matière de foi, ainsi qu’il l’a entendu dire du frère Pierre Crotet et de Baptiste, et que pour cette raison le frère Baptiste n’a pas voulu de cette prédication où auraient figuré ces additions.
248Examiné sur le second article qui débute ainsi : Le procureur affirme ceci. Lorsque le seigneur évêque, etc., il le dit vrai. Interrogé comment il le sait, il répond qu’il était présent, a vu, entendu et compris semblablement à ce qui est relaté dans cet article, au lieu susdit et en présence des personnes nommées précédemment.
249Examiné sur le troisième article additionnel, il l’estime vrai pour l’avoir entendu dire, mais seulement pour cette raison et non autrement.
250Et c’est cela que le témoin déclare savoir de fait et en substance sur la teneur des articles additionnels mentionnés, de nombreuses autres paroles qui ne concernaient pas cette affaire ayant été omises.
251P. de Vège, co-commissaire
252P. Baud, co-commissaire susdit
23. Déposition d’Henri Favre
253Vénérable seigneur Henri Favre, licencié en droit civil, bachelier en droit canon, chanoine, chantre et official de Genève, témoin cité par nous les commissaires et produit par le procureur susdit du frère Baptiste, ayant juré de déposer la vérité et examiné le lundi vingt-cinq septembre de cette année, à Genève, dans sa maison d’habitation. Et tout d’abord, examiné sur le premier article, il dit que le frère Baptiste est un vrai chrétien et un homme de bonne vie, à ce qu’il lui semble. Interrogé ensuite sur les articles suivants, il dit savoir seulement de fait et en substance sur la teneur des articles que, lorsque ce frère Baptiste commença à prêcher dans le diocèse de Genève, précisément dans la ville de Rumilly, le seigneur évêque de Genève envoya ce témoin à la rencontre de Baptiste pour lui demander au nom de quelle autorité il prêchait ainsi dans le diocèse de Genève sans la licence de l’évêque, et aussi pour savoir s’il professait des erreurs. Alors le témoin se mit en route en direction de Rumilly mais rencontra Baptiste avant, car celui-ci était déjà arrivé à proximité de Sallenôves. Ils voyagèrent donc ensemble et, lors du trajet, il entendit Baptiste prononcer de bonnes paroles et de bons enseignements de théologie sacrée, et n’entendit de lui qu’une bonne et vraie doctrine. Le lendemain, tandis que Baptiste était ici, à Genève, le seigneur évêque réunit dans sa résidence épiscopale, et en sa présence, plusieurs frères des couvents des prêcheurs et des mineurs de cette cité ainsi que plusieurs juristes de la ville pour écouter Baptiste, afin de décider s’il devait être admis à prêcher ou non. Là, en présence des gens nommés, il se révéla être un bon clerc, citant les bons enseignements approuvés par les docteurs en théologie sacrée. Après cette audition, le seigneur évêque l’admit à prêcher, ce que Baptiste fit dans cette cité de Genève peu de temps après la dernière fête de Pâques et pendant assez longtemps, près de deux mois ou environ. Ce témoin assista aux prédications de Baptiste qui eurent lieu durant cette période, tant dans le couvent des frères prêcheurs que des mineurs, neuf ou dix fois environ. Il l’entendit prononcer de bonnes, vraies et saines conclusions chrétiennes et dispenser des enseignements bénéfiques en vue de bien instruire les gens de toute condition ; il l’entendit se référer sur ces points aux docteurs en théologie sacrée et en droit canon, si parfaitement que ce témoin n’aura jamais entendu un prédicateur s’exprimer ainsi. S’il en juge d’après son discernement, il n’a jamais entendu Baptiste proférer des erreurs mais l’a entendu beaucoup exécrer et blâmer les péchés et les pécheurs en n’épargnant personne. Il ajoute avoir assisté à la prédication donnée par Baptiste ici, à Genève, dans l’église des frères mineurs en présence du très illustre prince, notre seigneur le duc de Savoie, de son conseil, du seigneur comte de Genève, et de plusieurs seigneurs prélats et nobles de la patrie de Savoie alors rassemblés là. Au cours de cette prédication, il blâma et critiqua très durement ces prélats parce qu’ils ne prêchaient pas et pour leurs nombreux autres manquements et abus ; de la même façon il critiqua les seigneurs laïcs et leurs officiers, en ne cautionnant personne. Parmi les sermons du frère Baptiste, il entendit ceux qu’il fit sur le Corps du Christ et la Trinité. S’il en juge d’après son discernement, il exposa ces sujets parfaitement et valablement ; il n’aura jamais entendu quelqu’un exposer mieux que lui la Trinité, ce dont il fut profondément réjoui en son âme.
254Examiné sur les articles additionnels, il dit avoir vu les conclusions données par Baptiste, c’est-à-dire les déclarations qu’il remit par écrit au seigneur évêque ; elles lui semblaient et lui semblent encore être vraies, bonnes et chrétiennes. Il vit également chez notre seigneur l’évêque certaines accusations formulées contre Baptiste, qui avaient été remises par écrit de la part du frère Raphaël ou de l’inquisiteur, et que Baptiste niait être vraies. Interrogé par nous les commissaires, ce témoin ajoute ne rien savoir d’autre, de fait et en substance, sur la teneur de tous les articles précédents que ce qu’il vient de déposer, sinon par ouï-dire, plusieurs questions lui ayant été posées.
255P. de Vège, co-commissaire
256P. Baud, co-commissaire susdit
24. Déposition de Pierre Chapuis
257Vénérable seigneur Pierre Chapuis, bachelier en droit civil et maître ès arts, témoin cité, produit, juré et examiné en ce même jour ; il fut examiné comme précédemment sur les articles de la première série et de la seconde, pris un par un et confidentiellement. Et tout d’abord, examiné sur le premier article, il répond l’avoir entendu dire couramment et publiquement, excepté de la part des rivaux et des ennemis du frère Baptiste.
258Sur le second, il ne sait rien.
259Sur le troisième, il ne sait rien non plus, sinon par ouï-dire.
260Sur le quatrième, il dit ne rien savoir sinon que Baptiste a prêché dans cette cité de Genève où le frère Raphaël s’efforça de le critiquer, mû par le zèle de la jalousie, lui semble-t-il.
261Sur le cinquième article, il le dit vrai, la raison étant qu’il assista aux sermons du frère Baptiste, tant à Palais qu’à Rive, dans les couvents des frères prêcheurs et mineurs.
262Examiné sur le sixième article, il le dit vrai, d’après ce qu’il a compris et entendu.
263Interrogé sur le septième article, il répond savoir seulement qu’il fut présent lorsque le frère Raphaël, qui assistait au sermon donné par le frère Baptiste dans le couvent des frères mineurs de Genève, maudit Baptiste deux ou trois fois alors que celui-ci parlait du haut de la chaire, en lui lançant : Qu’il soit maudit celui qui t'a installé sur cette chaire ! Et le témoin entendit plusieurs fois le frère Raphaël dire et prêcher le contraire des nombreuses déclarations faites par Baptiste, en disant qu’elles étaient erronées ; le témoin estime qu’il s’exprimait ainsi mû par le zèle de la jalousie.
264Examiné sur le huitième article, il répond savoir seulement, et c’est vrai, que le frère inquisiteur Ulric vint à Genève sur requête du frère Raphaël, croit-il, et lui-même fut examiné par l’inquisiteur sur la base d’un procès inquisitorial formé contre Baptiste. Il lui semble que l’inquisiteur est partial envers Baptiste du fait que Raphaël et l’inquisiteur appartiennent au même ordre. Il a également entendu dire par Baptiste qu’il considérait l’inquisiteur comme partial et qu’il avait demandé à notre seigneur l’évêque s’il n’était pas possible d’avoir un inquisiteur non suspect, car il aurait été bien content qu’on fasse un procès mené autant contre lui que contre Raphaël. Il ne sait rien d’autre sur le contenu de cet article.
265Examiné sur le neuvième article, il dit savoir seulement que l’inquisiteur procéda à cet examen dans la maison des frères prêcheurs, en présence de plusieurs frères de cet ordre, la raison de son témoignage étant que lui-même fut examiné là. Il ne sait rien d’autre.
266Examiné sur le dixième article, il dit savoir seulement sur son contenu que l’inquisiteur interrogeait les témoins qu’il savait leur être favorables et détester le frère Baptiste. Il faisait enregistrer ce qui contribuait à l’infamie du frère Baptiste, et si des personnes témoignaient de sa bonne renommée, l’inquisiteur ne voulait pas que leurs propos relatifs à ce sujet soient notés. Interrogé comment il le sait, il dit que cela s’est passé ainsi quand il fut examiné par l’inquisiteur contre Baptiste, et les frères qui se tenaient alors aux côtés de l’inquisiteur disaient qu’ils ne se souciaient pas de la bonne renommée de Baptiste.
267Sur le onzième, il dit ne rien savoir.
268Examiné sur le douzième et le treizième article pris un par un, il répond avoir entendu Baptiste prêcher sur les sujets mentionnés dans ces articles, et formuler à leur sujet de bonnes et saines déclarations, s’il en juge d’après son discernement.
269Interrogé sur le quatorzième article, il répond avoir entendu Baptiste prêcher qu’un pécheur doit se soumettre à la miséricorde divine, comme il est dit dans cet article.
270Examiné sur le quinzième article, il répond avoir entendu Baptiste prêcher sur la résurrection, sur laquelle il fit une bonne déclaration, s’il en juge d’après son discernement.
271Interrogé sur le seizième article, il répond avoir entendu Baptiste prêcher sur les habitants de la Bohême en critiquant leur secte, et dire que s’il voulait les soutenir, il ne séjournerait pas ici mais dans leurs régions et leur patrie.
272Interrogé sur le dix-septième article, il répond l’avoir entendu prêcher sur le sujet mentionné dans cet article, sur lequel il formula des déclarations plus claires que celles transmises par cet article, s’il en juge d’après son discernement.
273Sur le dix-huitième, il répond comme précédemment.
274Sur le dix-neuvième article, il dit qu’il l’a entendu prêcher dans son sermon du loup et de la personne, en expliquant que le loup est la personne qui persécute l’Église.
275Examiné sur le vingtième article, il répond avoir entendu Baptiste prêcher et formuler de bonnes déclarations, vraies et saintes, sur le contenu de cet article, s’il en juge d’après son discernement.
276Sur le vingt et unième, il dit avoir entendu Baptiste prêcher sur l’amour du prochain, bien et selon la doctrine des saints docteurs, en expliquant comment doit être ordonné l’amour, à savoir que chaque homme doit d’abord et avant tout aimer Dieu, deuxièmement son âme, troisièmement l’âme de son prochain, et quatrièmement son propre corps. Et celui qui n’observait pas cela péchait mortellement.
277Examiné sur le vingt-deuxième article, il dit l’avoir entendu prêcher sur le mensonge en disant que tout mensonge constituait un péché et en distinguant dans quels cas le mensonge était un péché mortel et dans quels autres un péché véniel, en se référant à l’enseignement de saint Thomas et des autres saints docteurs de l’Église.
278Examiné sur les vingt-troisième, vingt-quatrième et vingt-cinquième articles pris un par un, il dit avoir entendu Baptiste prêcher sur les sujets décrits dans ces articles, et formuler à leur sujet de bonnes déclarations, s’il en juge d’après son discernement.
279Sur le vingt-sixième, il l’a entendu prêcher de cela, mais ne se souvient plus de ses déclarations.
280Sur le vingt-septième article, il a entendu que Baptiste, dans certaines de ses prédications, nommait les Juifs en les appelant frères et seigneurs pour les attirer, lui semblait-il, à la foi chrétienne.
281Sur le vingt-huitième article, il répond avoir entendu Baptiste formuler de bonnes déclarations sur le contenu de cet article, dont il ne se souvient plus, dit-il.
282Sur le vingt-neuvième article, il dit avoir entendu Baptiste établir dans ses sermons de nombreuses distinctions entre péché mortel et péché véniel, et condamner totalement ces péchés, mais ne se souvient plus des distinctions.
283Interrogé sur le trentième article, il répond avoir entendu Baptiste prêcher sur le contenu de cet article et formuler de bonnes déclarations à ce sujet, en condamnant la luxure et tout péché mortel, mais il a maintenant oublié les déclarations faites par Baptiste dans ses prédications, bien que plusieurs questions lui furent posées. De même, à propos des versets thématiques des sermons, il ne s’en souvient plus sinon que Baptiste commençait toujours par dire, lorsqu’il montait en chaire : Que la paix soit avec vous, etc.
284Examiné sur le trente-deuxième et dernier des premiers articles, il dit ne rien savoir d’autre sur le frère Baptiste que ce qu’il a déposé car il ne l’a entendu prêcher que de bons enseignements.
285Interrogé sur le premier des articles additionnels notés plus haut, qui débute ainsi : Le procureur affirme ceci. Dans la résidence du seigneur évêque de Genève, etc., il dit avoir été présent dans la salle neuve de la résidence épiscopale, où se trouvaient réunis le seigneur évêque, maître Pierre Barre, le provincial, plusieurs autres frères prêcheurs et mineurs, ainsi que des canonistes et juristes de la ville de Genève, lorsque le frère Baptiste lut et remit par écrit les conclusions et déclarations de ses sermons. Le frère Raphaël remit également par écrit certaines additions. Avec l’accord des autres personnes, notre seigneur l’évêque ordonna que les additions de Raphaël et les déclarations de Baptiste fussent prêchées en public par une personne neutre, en tant qu’affirmations vraies et chrétiennes. Interrogé sur le jour où fut prise cette décision, il dit ne plus se souvenir.
286Examiné sur les deuxième et troisième articles additionnels, il dit ne rien savoir d’autre sur leur contenu sinon par ouï-dire, mis à part ce qu’il vient de déposer.
287P. de Vège, co-commissaire susdit
288P. Baud, co-commissaire susdit
25. Deuxième déposition de Jacques Avelli
289Religieux frère Jacques Avelli, vicaire du couvent des frères mineurs de cette cité de Genève, témoin cité par nous les commissaires et produit comme précédemment, ayant juré selon les vœux de sa profession religieuse, la main sur son cœur, le samedi vingt-trois septembre, dans ce même couvent. Examiné individuellement et confidentiellement sur les articles additionnels et sur chacun d’eux, lesquels sont notés plus haut et sont au nombre de trois, il dit savoir seulement sur leur contenu quant au premier et au deuxième que, lorsque lui et d’autres frères de son ordre vinrent dans la résidence de notre seigneur l’évêque de Genève, ils trouvèrent là de nombreux chanoines de Saint-Pierre, de nombreux autres religieux et laïcs de la ville parmi lesquels figuraient l’inquisiteur et le maître Raphaël. Cet inquisiteur et Raphaël s’écriaient avec fougue contre Baptiste en disant : Nous l’inquisiteur et nous Raphaël, maîtres en théologie sacrée, nous qui comprenons les Écritures Saintes, nous sommes là ! Que ce Baptiste nous réponde ! Il ne sait rien dire ni répondre ! Qu’il parle donc maintenant et nous verrons ce qu’il sait ! Ils firent plusieurs autres remarques en s’exprimant de manière injurieuse, et ce Raphaël parlait si furieusement qu’il ne se comprenait pas lui-même. Alors le seigneur évêque demanda à l’inquisiteur et à Raphaël de déclarer si les conclusions de Baptiste étaient vraies ou fausses, afin qu’il puisse ensuite agir en conséquence. Ils répondirent d’une seule voix qu’elles étaient vraies et chrétiennes, approuvées par les docteurs mais, puisque Baptiste n’était pas capable de les transmette au peuple car il ne connaît pas la langue savoyarde, nous voulons que soient ajoutées quelques déclarations importantes que nous voulons fournir, et nous voulons que ces conclusions munies de nos additions soient prêchées et proposées au peuple atteint par ce scandale. Après cette réponse, le seigneur évêque se déclara satisfait que les conclusions soient complétées par des additions ou déclarations si claires et nettes que celui qui les prêcherait au peuple pourrait aisément les présenter, à condition toutefois que l’inquisiteur et Raphaël signassent l’un et l’autre au bas de ces additions, de leurs propres mains, avec leurs noms et signets et sous la peine du talion. Le seigneur évêque ajouta : Et moi, une fois cela fait, je désignerai un prédicateur qui présentera ces conclusions et additions. Après ces décisions, chacun quitta la résidence épiscopale et s’en alla où bon lui semblait. Interrogé comment il sait ce qu’il vient de déposer, il répond qu’il était présent, a vu et entendu ce qu’il dépose.
290Interrogé sur le troisième article, il le déclare vrai. Interrogé comment il le sait, il répond l’avoir entendu dire couramment, et que c’est un fait connu dans cette cité de Genève. Interrogé sur le jour où il fut décidé de prêcher les conclusions avec les additions, il dit cette année, au mois de juillet ou août. Il ne sait rien d’autre, plusieurs questions lui ayant été posées.
291P. de Vège
292P. Baud, co-commissaire susdit
26. Deuxième déposition de Louis Salmon
293Frère Louis Salmon, lecteur du couvent des frères mineurs de Genève, témoin produit comme précédemment, cité, juré et examiné sur les articles additionnels. Et tout d’abord, examiné sur le premier et deuxième article, il dit et dépose savoir seulement sur ceux-ci que cette année, aux mois de juillet et août, Baptiste a prêché dans cette cité de Genève et que l’inquisiteur et Raphaël voulurent compléter ces prédications par certaines additions ou déclarations, en affirmant que le frère Baptiste n’était pas capable de formuler correctement au peuple les conclusions de ses sermons parce qu’il ne connaît pas l’idiome de cette patrie. Pour cette raison, une réunion eut lieu dans la résidence épiscopale, en présence de notre seigneur l’évêque de Genève, avec plusieurs seigneurs chanoines, religieux, juristes et laïcs de cette cité où il fut débattu de ces choses entre Baptiste d’une part, et Raphaël et l’inquisiteur de l’autre. Finalement, ceux-ci déclarèrent que les conclusions de Baptiste étaient vraies et approuvées par les docteurs, et ne dirent pas qu’elles étaient fausses. Après cela, notre seigneur l’évêque leur demanda : Que voulez-vous donc et que réclamez-vous de plus ? Raphaël et l’inquisiteur répondirent : Nous voulons produire et ajouter aux conclusions certaines additions et déclarations que nous prêcherons au peuple. Alors le seigneur évêque leur répondit : Remettez-moi par écrit les additions et conclusions que vous voulez faire, soussignées de vos mains, et moi je déciderai qui les prêchera. Mais Raphaël et l’inquisiteur ne voulaient pas procéder ainsi, ils voulaient les prêcher et les présenter eux-mêmes.
294Interrogé sur le troisième article, il dit que le seigneur duc de Savoie établit la paix, comme cela est contenu dans cet article, ce dont le peuple de Genève s’est beaucoup réjoui, car il croyait que le frère Baptiste prêcherait de nouveau dans la ville. Il ajoute que l’inquisiteur mena une certaine enquête et un procès contre Baptiste, après la paix conclue, dans cette cité de Genève. Interrogé comment il le sait, il répond l’avoir entendu dire couramment dans cette cité de Genève.
295Ainsi déposèrent les témoins susmentionnés, tel que cela est décrit et noté ci-dessus, et tel qu’ils le certifièrent en notre présence et dans nos mains, à savoir de nous les commissaires Pierre de Vège et Pierre Baud, notaires souvent nommés précédemment.
296C’est vrai.
297Ce même P. de Vège, co-commissaire susdit
298Ce même P. Baud, notaire, co-commissaire susdit
VII – Acte de l’évêque François de Metz du 3 octobre 1430
299François, par la miséricorde divine évêque et prince de Genève, adresse sa salutation éternelle dans le Seigneur à tous et à chacun, présents et futurs.
300Par les présentes, nous faisons savoir qu’en ce jour souscrit, à la demande du distingué maître Jean Chauvin d’Avignon, clerc, procureur agissant au nom du religieux frère Baptiste de Mantoue, moine de l’ordre de saint Benoît, notre cher et distingué Pierre Baud, notaire public et notre commissaire, spécialement mandaté et délégué par nous dans cette affaire avec Pierre de Vège, notaire public, est venu personnellement à nous dans notre château de Peney, situé dans notre diocèse, et nous a montré concrètement et de la main à la main les dires, les dépositions et les attestations des témoins, incluant les articles de défense et nos précédentes missions ; lesquels témoins sont nommés précédemment en détail et furent examinés par eux, Pierre Baud et Pierre de Vège, nos notaires et commissaires, sur ces articles de défense que maître Jean Chauvin avait donnés et produits devant nous. Maître Jean Chauvin, procureur, alors présent, demanda et requit avec une instance appropriée, que ces dires, dépositions et attestations soient rendus manifestes et publiés par nous, qu’ils soient tenus et considérés pour manifestes et publiés, et qu’ils lui soient enfin donnés et expédiés à ses frais, en limitant toutefois ses dépenses.
301Nous, évêque et prince, après avoir reçu de la main de Pierre Baud, notaire et notre commissaire, ces dires, dépositions et attestations qui comportent quarante-cinq feuillets de papier écrits, en comptant les articles de défense et les missions confiées et attribuées par nous sur cette affaire, après avoir vu et examiné les dires, dépositions et attestations des témoins et avoir constaté qu’ils étaient souscrits et signés des seings manuels de nos commissaires, comme il convient, nous avons publié les dires, dépositions et attestations des témoins, nous les prenons et tenons pour manifestes et publiés, et nous voulons et ordonnons qu’ils soient pris et tenus ainsi partout. Nous décidons en outre qu’une foi plénière doit être partout accordée aux dires, dépositions et attestations des témoins du fait qu’ils furent rédigés par des fidèles et qualifiés notaires publics, nos commissaires, spécialement délégués par nous dans ce but. Nous ordonnons en outre et prescrivons à Pierre Baud et Pierre de Vège, nos commissaires, de veiller à remettre et expédier au procureur les dires, dépositions et attestations des témoins, moyennant des frais modérés de sa part.
302Donné et fait dans ledit château de Peney le mardi trois octobre, l’an de la Nativité du Seigneur 1430, la huitième indiction, sous notre sceau rond, en témoignage de ce qui précède.
303Par le seigneur évêque R. Sage
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Le Prédicateur et l'Inquisiteur
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