Conclusions
p. 323-334
Texte intégral
1Commentateur par excellence de l’œuvre d’Aristote, au point de ne plus être désigné par certains de ses lecteurs autrement que sous ce vocable, Averroès impressionne quiconque prend contact avec sa production intellectuelle. Abondante, du simple fait qu’il a produit trois types de commentaires consacrés, parfois de manière cumulative, à tous les traités du philosophe grec à l’exception de la Politique, elle est encore enrichie de plusieurs écrits substantiels où, d’emblée, il a donné libre cours à sa réflexion personnelle. D’autres lettrés de son temps, singulièrement sur la terre d’al-Andalus, ont comme lui assouvi une curiosité qui paraît sans bornes, en s’adonnant à l’étude, simultanée ou successive, de multiples champs du savoir. Averroès, cependant, a nourri de ce terreau une pensée dont l’envergure et l’audience demeurent fascinantes. La part de cette pensée qu’il transmit seulement par l'expression orale ou par certains de ses écrits désormais détruits ou autrement disparus ne nous est plus accessible. Mais face au continent qui subsiste, ou plutôt à l’archipel de tant de modes d’investigation et d’expression, appliqués tantôt au droit, tantôt à la médecine, tantôt à la physique, à la philosophie, à l’astronomie ou à la théologie, la tentation est grande, pour mieux scruter chaque de œuvre, d’en fragmenter l’étude. Il faut le redire avec force, les travaux des spécialistes, en particulier sous forme d’éditions critiques et de traductions annotées, demeurent la voie d’accès la plus sûre à tous ces écrits d’Averroès, parce que la plus solidement documentée, d’autant qu’aux difficultés habituelles d’interprétation d’une œuvre inscrite dans une chronologie et dans une culture bien éloignées des nôtres vient s’ajouter le défi des modes de transmission de celle-ci, tantôt parallèlement en plusieurs langues, dont l’arabe de la version originale, tantôt seulement dans une langue de traduction (comme l’hébreu ou le latin), ce qui impose inévitablement un filtre à sa pensée. Ces travaux indispensables et précieux n’échappent pas au risque, toutefois, d’entretenir l’habitude d’une fréquentation éclatée des disciplines – qui caractérise notre temps plus que celui d’Averroès –, de placer des frontières quelque peu anachroniques au sein d’un ensemble de savoirs perméables entre eux, voire de dispenser de l’effort tout aussi nécessaire de la compréhension en profondeur d’un homme qui, lui, menait de front toutes ses démarches intellectuelles.
2Tout en reconnaissant à sa juste valeur l’apport scientifique des multiples recherches consacrées à l’évaluation argumentée de tel ou tel pan de l’œuvre d’Averroès, nous n’avons pas, dans les travaux de la rencontre dont ce livre est issu, privilégié cette approche1. C’est au contraire dans la voie de l’accès à une personnalité complexe, mais cohérente dans ses démarches et dans ses expériences, que nous avons choisi de nous engager et de convier le lecteur à nous suivre. Le chemin tracé est déroutant, sans doute. Il n’offre pas d’emblée le produit fini d’une interprétation ordonnée et unifiée sous la plume d’un seul auteur, mais il présente les aspérités de points de vue multiples, sous l’aspect d’une succession d’études conduites à partir d’angles d’attaque divers et décalés. Le fil d’Ariane, du moins, existe, saisi et déroulé par tous ceux qui ont accepté de participer à l’enquête en se pliant à des questionnements d’historiens. Que leur penchant aille vers l’archéologie, vers l’histoire sociale et politique, ou vers l’histoire intellectuelle et culturelle, ils ont relevé le défi qui consistait à discerner dans la masse des documents, et des informations que ceux-ci recèlent, les traces signifiantes des moments d’un itinéraire – ou plutôt, de deux itinéraires : celui du temps court d’une vie d’homme, entre les deux pôles de gravité que furent pour Averroès Séville et Marrakech ; et celui de la longue durée de l’œuvre qui lui a survécu, accédant, de Paris à Bologne et à Padoue, comme du Nord au Sud de la Méditerranée, à une vie propre dans laquelle subsistait, en filigrane, la mémoire de son auteur.
3L’Averroès que nos travaux ont observé n’a pas d’enfance... Non pas que nous tenions ce temps de sa vie pour quantité négligeable. Mais faute d’avoir pu découvrir quelque témoignage permettant d’ajuster et d’enrichir les reconstructions plausibles qui ont déjà été tentées, et de son environnement familial, et de son éducation, et des rudiments de connaissances initialement acquises par lui2, il a fallu se résoudre à laisser dans l’ombre cette part pourtant essentielle de son expérience. C’est donc l’homme adulte que nous avons immédiatement considéré, entre le premier de ses voyages à Marrakech au cours duquel, à l’âge de vingt-sept ans et dans la ligne de sa récente allégeance au pouvoir de la jeune dynastie almohade, il participa sans doute en tant qu’intellectuel à une rencontre politique d’envergure, peut-être à des fins de propagande, et l’ultime séjour en cette même ville, en 1197, quelques mois avant son décès : deux événements lourds de sens, au demeurant, puisqu’ils jettent l’un et l’autre une lumière vive sur la place de l’engagement politique dans l’expérience humaine d’Averroès. Il convient de rappeler ici les prémices de ce renouvellement du regard, grâce aux travaux de Dominique Urvoy3 qui lui ont permis d’établir l’étroite correspondance entre l’œuvre théologique d’Averroès et l’enseignement religieux du berbère Ibn Tumart, fondateur du mouvement politico-religieux almohade4. Les repères chronologiques donnés au début de ce volume invitent alors à suivre la trame continue, et parfois mouvementée, des rapports d’Averroès avec le pouvoir almohade au cours des quelque quarante années de sa vie qui nous sont le moins mal connues. En résidence soit à Cordoue, soit à Séville, les deux villes principales d’al-Andalus, il y a représenté le “prince des croyants” dans l’exercice des fonctions de grand cadi, contrôlant les juges et prenant la parole au cours de prêches dans les mosquées. Il passait aussi le plus clair de son temps à écrire, et en particulier, à produire des œuvres conformes aux choix politico-religieux de la dynastie almohade. On savait depuis longtemps que le travail des commentaires de l’œuvre d’Aristote répondait à un souhait de Abû Ya‘qub Yusuf, relayé auprès d’Averroès par Ibn Tufayl, le médecin personnel de ce sultan. Le fait de pouvoir proposer les dates de 1159-1162 comme celles de la rédaction de l’Abrégé de l'Almageste suggère un autre point de convergence, cette fois entre les investigations d’Averroès en matière d’astronomie et le sujet de conversation que le même Abu Yaqub voulut aborder avec lui lors de leur première rencontre attestée, précisément sur le ciel. Certes, la question : « Le ciel est-il créé ou éternel ? », était posée dans une perspective philosophique. Mais n’est-il pas maladroit d’introduire à toute force des divisions formelles là où émerge une communauté d’intérêts pour un des lieux fondamentaux du monde physique, dont la présence surgit encore dans l’œuvre architecturale monumentale et fondatrice de la mosquée de Tinmal, en ses coupoles évoquant le ciel étoilé ? La récurrence du sujet intrigue, à tout le moins.
4Par ailleurs, la captation d’Averroès dans la mouvance du pouvoir almohade ne peut être fortuite. Dans la reconstruction de l’histoire de cet empire, la place faite aux professions de foi exigées de tous les sujets, comme la reprise des affrontements sans merci avec les chrétiens (et parmi eux, la bataille d’Alarcos de 1195 qui, Pascal Buresi nous l’a rappelé, ne doit plus être retenue comme le moment d’un basculement vers l’inéluctable déclin des Almohades) montrent la vigueur de l’attachement politique à la référence religieuse. L’Islam devait être rigoureusement respecté, jusque dans les gestes les plus triviaux de la vie quotidienne, tel le retrait dans les lieux d’aisance dont l’orientation, à Mertola par exemple, fut calculée par les constructeurs de l’habitat domestique de façon à privilégier le sens opposé à celui de la qibla. Le contenu de l’œuvre intellectuelle d’Averroès concorde, sans préjuger de ce qu’ont pu être aussi ses échanges oraux à la faveur de rencontres au moins occasionnelles avec les califes, avec de tels choix, affichés par un pouvoir qui, plus fortement que celui des Almoravides, assignait donc à la religion un rôle primordial de structuration de la société dont il se voulait le maître. L’expression la plus claire de cette démarche politique des Almohades pourrait bien être l’activité fébrile de constructions de mosquées dans les villes d’al-Andalus. L’étude comparée de leur architecture permet d’identifier un modèle commun dans celle de Tinmal. Tout ce passe comme si cette déclinaison répétée des mêmes choix architecturaux, appliquée au monument principal du culte public, pouvait contribuer à rendre plus apparent le réseau des villes qui ont servi de structure majeure et de relais régulier à l’exercice du pouvoir almohade. L’urbanisme que ce même pouvoir a inspiré se fonde par ailleurs sur une conception systématiquement ordonnée de l’espace, que les vestiges archéologiques et les fouilles ont permis de mettre au jour : chaque maison, chaque monument public y a une place dans le quadrillage géométrique du terrain, et l’analyse comparée des plans de maisons révèle aussi des constantes significatives dans la distribution des pièces. Dans ce contexte, on peut en outre mieux percevoir la situation privilégiée dont a pu jouir Averroès au cours de sa vie adulte. Si les califes almohades étaient désireux d’attirer dans leur orbite un homme dont ils reconnaissaient à juste titre la stature intellectuelle d’exception, Averroès, pour sa part, fut sans doute d’autant plus enclin à les servir fidèlement qu’il reconnaissait en eux le pouvoir vainqueur grâce auquel l’ordre avait été rétabli, et qu’il trouvait dans cette collaboration des conditions de travail sereines, quand elles n’étaient pas perturbées par les aléas du climat (ainsi, lors de la disette de 1159 à Cordoue), en tout cas bien moins agitées que celles qu’il a certainement connues lors de ses années de jeunesse, coïncidant avec les graves déboires subis par la dynastie almoravide qu’avaient servie son père et son grand-père.
5L’audace du raisonnement qui a conduit Averroès à relativiser la valeur du témoignage dans la production de la vérité nous est désormais perceptible, grâce au coup de projecteur bien placé que Maroun Aouad a fait porter sur ce texte méconnu et si remarquable du philosophe cordouan. Elle trouve un relief singulier si l’on prend acte en même temps de l’engagement politique d’Averroès, et si l’on se souvient que la crédibilité des hadith/s repose notamment sur le témoignage constitué par une chaîne continue de témoins. La portée du propos reste cependant mesurée, puisque le commentaire de la Rhétorique d’Aristote où figure ce passage n’est pas fait pour le commun, mais pour une élite d’intellectuels avertis : eux seuls sont concernés par l’idéal de perfection humaine dont la condition essentielle est la quête lucide de la vérité ici pratiquée par Averroès. Et la différenciation sociale que ce point de vue implique n’est pas alors une pure vue de l’esprit ; prônée comme une norme saine, elle existe dans les faits, comme l’attestent les nécropoles urbaines là encore, dans lesquelles le commun et les élites ne se mêlent pas. Notons aussi que dans ce petit milieu qu’est celui des élites au service du pouvoir, l’unanimité est loin de régner et d’imposer sa loi. L’examen, auquel s’est livré Emile Fricaud, des deux versions de la disgrâce d’Averroès fabriquées à partir du texte perdu d’Ibn Ghamr, témoin direct des événements, nous éclaire sur la réalité de la manipulation des témoignages plus sûrement qu’il ne nous permet de comprendre par le menu comment est advenue cette disgrâce. Du moins les efforts successifs de reconstruction de l’histoire qu’on y perçoit attestent-ils, et l’importance revêtue par l’événement, et le malaise qu’il a provoqué, tout en faisant apparaître, dans l’entourage proche d’Averroès, un réseau de fidèles et d’amis jusque là occulté par le lien privilégié que la plupart de ces hommes entretenaient aussi avec le pouvoir almohade.
6Que dire alors de l’œuvre, sinon que tout indice plausible en faveur d’une datation est précieux à l’historien qui cherche à baliser un itinéraire intellectuel dans le souci constant de la contextualisation ? Mais les sources résistent, et singulièrement, les textes dus à la plume d’Averroès lui-même, tant il se montre habile à s’emparer d’un sujet du quotidien en lui donnant une portée universelle, par l’exercice constant d’une pensée privilégiant l’abstraction philosophique. Devant l’obstacle, on en vient à envisager d’autres types d’investigation qui resteraient à mener, comme par exemple des rapprochements de vocabulaire et de thématique entre l’œuvre juridique – par exemple, autour de la notion du “notoire” – et les commentaires philosophiques, afin de prolonger par d’autres voies les propositions si suggestives de Maroun Aouad sur la discrète présence de l’actualité dans des réflexions apparemment détachées de toute contingence. Il serait sans doute plus hasardeux de renouveler à propos d’al-Andalus la démarche engagée à propos d’autres espaces culturels par Erwin Panovsky dans son essai stimulant5 sur les liens entre l’architecture gothique et la pensée scolastique. Toutefois, compte tenu de l’importance et de l’originalité du mouvement de construction des mosquées dans l’empire almohade, la recherche d’homologies structurales entre cette architecture et l’œuvre intellectuelle d’Averroès ne pourrait-elle s’avérer, elle aussi, féconde ?
7Dans le domaine de l’histoire de la réception de l’œuvre d’Averroès, un chemin très considérable a été parcouru au XXe siècle dans la déconstruction du mythe de l’averroïsme latin - entre autres autour de la figure de Siger de Brabant – à l’encontre de la thèse d’Ernest Renan qui avait si fortement contribué à le forger, et sans doute, paradoxalement, aussi grâce à lui6. Sans prétendre refaire cette histoire, il convenait d’en mentionner le poids à propos de l’audience du philosophe cordouan dans l’Europe occidentale des derniers siècles du Moyen Âge. L’abîme qui sépare désormais nos connaissances sur la réception de son œuvre dans l’Occident chrétien d’une part, dans l’espace culturel arabo-musulman d’autre part, n’en est que plus manifeste. On doit aussi garder à l’esprit que tout le travail d’investigation dans les manuscrits et les imprimés n’a pas encore été mené, en particulier en Afrique du Nord, dont les ressources ont été signalées à plusieurs reprises au cours de nos travaux, par Mohamed-Chérif Ferjani bien sûr, mais aussi par Juliane Lay à propos de l’Abrégé de l’Almageste, et par Floréal Sanagustin à propos du Kitâb-al-kulliyyât (le Colliget des Latins). D’autres perspectives passionnantes sont encore ouvertes, du côté de l’Italie notamment, où le déploiement d’un averroïsme authentique au XVe siècle se confirme de manière indéniable, dans une période et en des lieux où tout portait à croire, pourtant, que l’engouement pour Platon aurait dû balayer l’influence d’Averroès. Il faut ici saluer l’efficacité du travail minutieux de Marwan Rashed. Prenant appui sur un livre manuscrit de la Métaphysique d’Aristote ayant appartenu à Lauro Quirini, il a pu établir qu’une partie du texte et que les annotations marginales étaient des autographes de cet humaniste vénitien. Il nous offre ainsi une démonstration exemplaire de l’impact durable, mais parfois inavoué par Lauro lui même, de l’œuvre d’Averroès sur sa propre pensée. Il convient de rapprocher de cette découverte la connaissance d’Averroès que Pic de la Mirandole a pu au moins temporairement acquérir grâce à l’entremise d’Eliya Delmédigo, comme le signale Maurice-Ruben Hayoun dans sa présentation de la réception d’Averroès en Occident par l’intermédiaire de quelques savants juifs.
8L’examen du dossier de Lauro Quirini introduit aussi des questionnements différenciés à propos du phénomène de la réception, dont la connaissance ne doit pas se limiter à l’énumération des livres ou des extraits de l’œuvre connus et utilisés, mais tout autant s’intéresser aux mécanismes de l’appropriation, et au rôle que la lecture de l’œuvre d’Averroès a pu jouer dans le traitement de certains problèmes, comme ici dans celui de la conception de la noblesse, si important dans l’histoire sociale et culturelle de la fin du Moyen Âge. La tendance est encore assez bien partagée aujourd’hui de considérer que c’est l’accès des chrétiens d’Occident à l’œuvre d’Averroès qui a suscité la prise de conscience et la formulation de certaines questions devenues brûlantes à partir du XIIIe siècle. On y souscrit volontiers quand il s’agit de la revendication d’un accomplissement purement humain du philosophe dans le seul exercice de la pensée adonnée à la quête de la vérité. La cause n’est pas aussi clairement entendue à propos de l’émergence plus générale d’une préoccupation nouvelle de la laïcité. À juste titre en effet, Gilbert Dahan a mis en garde ailleurs sur le caractère trop sommaire de certaines analyses qui négligent le dynamisme propre de la vie intellectuelle au sein des écoles, la maturation interne qui y est attestée avant que ne soit perceptible la réception d’Averroès en son sein, maturation propice à l’émergence autonome de prises de position en faveur, par exemple, d’un statut scientifique reconnu à la théologie, puis au politique7. Dans le domaine des réflexions construites sur la laïcité, il est clair que Marsile de Padoue a produit avec le Defensor pacis (1325) un véritable manifeste en faveur d’un Etat laïc, dans une ambiance intellectuelle nourrie des commentaires d’Averroès, dont on trouve d’autres traces chez son ami Jean de Jandun. Pour autant, toute explication univoque attribuant à Averroès un rôle primordial et déterminant dans une histoire de la laïcité en Occident serait certainement réductrice. Il convient de ne pas minimiser les questionnements portés par la réforme dite “grégorienne”, ou provoqués par les effets de son déploiement centralisateur fondé sur la distinction hiérarchique des clercs et des laïcs. Sans doute, la rationalité ne s’est exercée à plein que sous les formes savantes des écritures de clercs. Il n’empêche que la question profondément existentielle de l’identité des laïcs et de la place à laquelle ils peuvent prétendre dans la société n’a pas d’abord surgi dans de tels traités, mais plus obscurément, et de manière moins immédiatement saisissable pour nous, dans les expériences vécues par les hommes et les femmes qui n’acceptaient pas le pouvoir envahissant des clercs, qu’ils se soient opposés à lui dans les multiples formes de la dissidence attestées depuis le XIIe siècle, ou qu’ils aient cherché de manière autonome à construire leur identité à partir d’un vocabulaire et d’un système de valeurs qui leur fussent propres8. La réception d’Averroès n’a pas agi en ce cas comme un détonateur ; tout au plus a-t-elle véhiculé, par le relais des écoles, des questions et des arguments qui ont pu participer ici ou là à la maïeutique des esprits.
9Aborder la réception sous cet angle conduit aussi à rompre avec une conception trop étroite de l’audience d’Averroès, limitée aux cercles des milieux scolaires et universitaires, voire aux débats d’école. Il faudrait par exemple se demander dans quelle mesure la connaissance que Nicolas Oresme avait de l’œuvre d’Averroès est parvenue, par son intermédiaire, aux autres membres du cercle de lettrés et en même temps conseillers politiques, formant l’entourage immédiat du roi Charles V. Des traces de diffusion d’une influence directe ou indirecte d’Averroès chez les laïcs cultivés, en contact avec les lettrés des écoles, ressortent en tout cas de quelques documents9. Parmi d’autres, on peut citer ceux qui nous informent sur la mystique spéculative allemande : quand maître Eckhart dit que l’homme peut atteindre à la connaissance de soi exercée avec l’œil même de Dieu, il y a une analogie structurelle entre cette affirmation et la thèse averroïste selon laquelle l’homme pense par l’opération de l’intellect agent séparé. Chaucer, pour sa part, paraît avoir été attentif au Commentaire de la Poétique d’Aristote par Averroès, en relation avec sa propre expérience d’auteur10. Ajoutons que, comme pour l’enquête sur la diffusion de l’œuvre d’Averroès dans les milieux universitaires, le témoignage des manuscrits conservés peut être précieux. Ainsi, en page de garde d’un manuscrit du début du XIVe siècle, aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale de France (cote Paris, BnF Lat. 6283), mais produit en Italie, et regroupant divers traités de médecine, un dessin à la plume relevé de couleurs et accompagné de légendes illustre l’éloge de l’abstinence attribué à Averroès dans le cadre d’un échange verbal imaginaire avec Porphyre. Les deux hommes, siégeant sur des cathèdres à la manière des maîtres, dialoguent face à face. Mais les destinataires du dessin pourraient bien être des laïcs, puisque l’allusion probable aux rudiments de la logique (Isagoge de Porphyre) se situe ici dans le contexte d’un ensemble d’écrits visant à promouvoir le régime de santé, peut-être en référence à l’œuvre médicale d’Averroès.
10Il n’est pas indifférent de noter que ce manuscrit provient d’Italie, où ont été jusqu’à présent signalés les indices les plus convaincants de la réception non universitaire d’Averroès. Le cas le plus fameux est celui de Dante. Faut-il rappeler qu’il a mentionné dans la Divine comédie à la fois Siger de Brabant et Averroès, plaçant le premier au paradis, parce qu’il a recherché la vérité, et le second en enfer, mais dans le limbe des grands esprits ? De plus, l’influence qu’a exercée sur lui le De anima d’Aristote accompagné du Commentaire d’Averroès – avec, sans doute, une forte médiation d’Albert le Grand11 – est perceptible dans son De monarchia (début du XIVe siècle), sous la forme d’une application politique développée en référence explicite à Averroès. Dans ce traité, comme dans le reste de son œuvre, Dante reconnaît que la nature individuelle de l’homme est ordonnée à la béatitude céleste, selon la plus stricte orthodoxie. Mais, dans la droite ligne de la réflexion aristotélicienne qui assigne une fin, selon l’ordre de la nature, à chaque réalité de ce monde, il s’interroge aussi sur la fin universelle du genre humain. Celle-ci est désignée par l’activité propre que la nature lui assigne. Selon Dante, il ne peut d’agir que de la béatitude terrestre, à laquelle on parvient par l’accomplissement des facultés intellectuelles : en d’autres termes, par l’actualisation de la connaissance relevant de “l’intellect possible”. Cet intellect est “collectif” (et l’on discerne ici la référence à la pensée d’Averroès), au sens où l’activité de connaissance est commune à tous les hommes. Et, comme le cadre de la réflexion menée dans le De monarchia est politique, cela revient à dire que la nécessité de la vie en commun, propre à l’homme en tant qu’animal politique, tient à la nature de l’intellect humain, et non, comme l’ont dit dans leurs commentaires de la Politique d’Aristote Thomas d’Aquin ou Gilles de Rome, à des nécessités biologiques, comme l’auto-conservation ; ou économiques, comme l’échange des produits12 ; ou éthiques, comme l’accomplissement individuel réalisé dans la perfection morale d’une vie en société. De la sorte, Dante dépasse la tension entre les deux figures contrastées du citoyen, qui ne peut se réaliser sans l’échange avec les autres, et du philosophe, qui se suffit à lui-même. Pour lui tout homme en tant qu’animal politique est concerné par l’exercice de la philosophie. Penser, et par là connaître, est l’affaire de tout le genre humain13.
11Il faudrait encore tenter de pénétrer le cercle plus vaste, mais aussi plus indistinct, de tous ceux qui ont pu recevoir des idées attribuées à Averroès ou empruntées à certains extraits de son œuvre par le seul truchement de la transmission orale. Les traces écrites de la parole des prédicateurs mériteraient d’être soumises à une enquête systématique, qui s’apparente toutefois à la recherche d’aiguilles dans une botte de foin... Mettons à part le cas des sermons et autres discours universitaires, où des citations d’Averroès peuvent émailler les textes aussi naturellement que dans toute œuvre écrite produite dans ce milieu14.Dans l’état actuel des autres recherches sur la prédication, à ma connaissance, de telles références sont exceptionnelles. Au début du XIVe siècle, le frère mendiant Guillaume de Sauqueville dénonce, dans un sermon d’Avent, l’engouement excessif, au sein des écoles, pour l’œuvre du “Commentateur” qu’il traite « d’homme damné » et de « pire des hérétiques »15, en des propos qui rappellent le combat virulent que Raimond Lulle a engagé au même moment à Paris contre l’audience d’Averroès16. La polémique vise l’homme, sans rien dire de précis sur son œuvre. Un peu plus tôt, les sermons parisiens au peuple des années 1270, connus par des notes d’auditeurs17, ne sont pas plus diserts, bien qu’ils aient été prononcés dans la période suivant immédiatement la publication par Thomas d’Aquin de son Traité contre les “averroïstes”. Il est certain que, du point de vue des pasteurs, il existait un danger réel à laisser se répandre sans sourciller les idées défendues par les artiens de Paris qui revendiquaient le droit de philosopher librement, ne parlant qu’en “physiciens”, c’est-à-dire selon l’ordre de la nature, et défendant un idéal de perfection humaine en référence à leur pratique de la philosophie, conçue comme un domaine séparé de celui de la religion. La libre circulation de ces idées porteuses de provocations comportait le risque de déstabiliser la construction de la société chrétienne qu’ils s’appliquaient au contraire à affermir par la prédication. Le frère prêcheur Guillaume de Tocco, principal biographe de Thomas d’Aquin, raconte l’histoire de ce chevalier parisien à qui on demandait s’il voulait confesser ses péchés. Il répondit que si l’âme de saint Pierre était sauvée, la sienne le serait aussi, puisqu’ils possédaient tous deux le même intellect, et qu’ils devaient donc connaître la même fin. Vers 1300, dans un sermonnaire anonyme de Padoue et, plus tard, dans le Directorium inquisitorum de Nicolas Eymerich, est dénoncée l’affirmation prétendant que, puisqu’il y a un intellect unique pour tous les hommes, on peut en inférer que l’âme maudite de Judas est la même que celle du Christ, ou de Pierre18. Que ces propos se réfèrent à des histoires vraies ou qu’ils visent seulement à mettre en garde contre les dangers possibles de la vulgarisation de certains débats des écoles auxquelles la connaissance des œuvres d’Averroès n’était pas étrangère, il est difficile de le savoir. Mais en l’état présent du dossier, on peut provisoirement conclure que la prédication a dû limiter son rôle à celui de la dénonciation sommaire de l’adversaire, quand elle ne choisissait pas la voie plus sûre d’un silence prudent. Ce que l’on sait des représentations figurées d’Averroès converge d’ailleurs avec cette observation. L’orchestration du triomphe de Thomas d’Aquin foulant aux pieds Averroès est trop connue pour qu’on y insiste19. Jean Jolivet a pour sa part observé l’intéressant glissement de ce motif dans l’iconographie de sainte Catherine d’Alexandrie, triomphant de la philosophie païenne au lieu d’apparaître, selon un épisode célèbre de la légende, affrontée à cinquante philosophes païens en une victorieuse “dispute”20.
12Il n’était pas inutile de remettre sur le métier, après tant d’autres, le volumineux et complexe dossier de l’histoire d’Averroès et de son œuvre. Le choix explicite d’un éclairage historique va de pair en effet avec l’adoption d’une démarche qui affirme la nécessaire mise à distance de l’homme, pour mieux le cerner et pour mieux le comprendre, en son temps et en lui-même. Le rappel de cette exigence de méthode, en contrepoint de captations et d’appropriations trop souvent attestées jusqu’à aujourd’hui, a du sens. De plus, le parcours de la réception de son œuvre que nous avons contribué à esquisser, d’une manière inévitablement sommaire et sélective sans doute, conduit à mettre en évidence la fécondité des échanges interculturels, là où ils se sont produits. Déficients du vivant d’Averroès dans al-Andalus entre chrétiens et musulmans, comme le suggère la mise au point commune de Pierre Guichard et Jean-Pierre Molénat, ils ont été plus vivaces ailleurs, que ce soit par l’entremise d’un Roger Bacon lecteur d’Hermann l’Allemand, dont Péter Molnár a justement rappelé l’importance, ou par l’entremise des juifs, passeurs de textes et de culture au moment même où le radicalisme almohade les incitait à se réfugier au nord de l’Espagne, au sud de la France, en Provence et en Italie. L’histoire de l’émergence et de l’affirmation des courants de pensée proprement averroïstes qui ont existé et qui se sont transmis au sein de l’Europe chrétienne, en sa part méditerranéenne, mais aussi septentrionale et orientale21, et probablement aussi, dans une moindre mesure, dans l’espace culturel arabo-musulman, est un volet important de ces recherches sur la réception de l’œuvre. Mais il apparaît aussi, au terme de ce parcours, qu’il demeure fécond de déplacer le champ d’observation, en privilégiant la notion des creusets culturels où diverses influences intellectuelles se rencontrent et fusionnent pour produire un discours d’autant mieux ancré dans une société et diffusé en son sein qu’il est produit pour elle et qu’il traite de questions qui la concernent.
Notes de bas de page
1 Mais plusieurs textes, d’Averroès (Prologue de l’Abrégé de l’Almageste, extraits de l'Abrégé de la Rhétorique) ou des conteurs de son aventure (récits de sa disgrâce par Ibn Abd al-Malik et Ibn ‘Idhârî, tous deux dépendants du témoignage perdu d’Ibn Ghamr), sont ici traduits et abondament commentés.
2 Par exemple, dans les biographies dues à R. Arnaldez, Averroès, un rationaliste en Islam, Paris (éd. Balland), 2e éd., 1998, et à D. Urvoy, Averroès. Les ambitions d’un intellectuel musulman, Paris (Flammarion), 1998.
3 Comme l’ont justement observé A. de Libera et M. Geoffroy dans leur recension de l’ouvrage cité à la note précédente (« Le philosophe barbu », Critique. Vies de Philosophes, Revue générale des publications françaises et étrangères, no 627-628, août-septembre 1999, p. 668-685). Sur ce point précis, voir aussi D. Urvoy, « La pensée almohade dans l’œuvre d’Ibn Rushd », dans Multiple Averroès, éd. J. Jolivet, Paris (Belles Lettres), 1978, p. 45-53.
4 Voir à son sujet la mise au point éclairante de M. Geoffroy, « Ibn Tûmart et l'idéal almohade », dans l’introduction à sa traduction annotée du Livre du discours décisif d’Averroès, Paris (Garnier-Flammarion), 1996.
5 E. Panovsky, Architecture gothique et pensée scolastique, précédé de L’abbé Suger de Saint-Denis, traduction et postface de P. Bourdieu, 2e éd. revue et corrigée, Paris (Les éditions de Minuit), 1992.
6 E. Renan, Averroès et l’averroïsme, Paris, 1852, rééd avec une préface d’A. De Libera, Paris (Maisonneuve et Larose), 1997.
7 G. Dahan, « Foi, raison, politique. Averroès, Maimonide, Thomas d’Aquin », Le Trimestre Psychanalytique, 1 (1995) : Averroès, Maïmonide, saint Thomas, p. 137-147.
8 L’un des mots clés de ce vocabulaire, dont l’étude n’est encore qu’amorcée, est ici celui de “prudhomme” (et de son équivalent “bon homme”), ainsi que de leurs correspondants au féminin “prude femme” et “bonne femme”. Voir : N. Bériou, « Robert de Sorbon, le prud’homme et le béguin », Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, comptes rendus des séances de l’année 1994, avril-juin, p. 469-510 ; J. Théry, « L’hérésie des bons hommes. Comment nommer la dissidence religieuse non vaudoise ni béguine en Languedoc (xiie-début du xive siècle) ? », Heresis, no 36-37 (2002), p. 75-117 ; Michael Connally, Les “bonnes femmes” de Paris. Des communautés religieuses dans une société urbaine du bas Moyen Âge, thèse de doctorat d’histoire, soutenue à l’Université Lumière Lyon 2 (octobre 2003) sous la direction de Nicole Bériou et de Sharon Farmer.
9 Sur ce point, voir principalement A. de Libera, Penser au Moyen Âge, Paris (Le Seuil), 1991.
10 H. A. Kelly, « Aristotle - Averroes - Alemannus on Tragedy. The Inflence of the “Poetics”on the Latin Middle Ages », Viator ; 10 (1979), p. 161-209.
11 Comme l’observe Alain de Libera, en règle générale, les “averroïstes” de la deuxième moitié du XIIIe siècle sont moins des disciples d’Averroès que des lecteurs d’Albert le Grand : voir notamment son ouvrage Albert le Grand et la philosophie, Paris (Vrin), 1990.
12 La notion de l’échange et de la circulation comme éléments caractéristiques de l’approche de l’économie par les frères mendiants a été récemment mise en évidence à la faveur des travaux du 31e Convegno internazionale di studi francescani : L’economia dei conventi dei frati minori e predicatorifino alla metà del Trecento (Assise, oct. 2003, Spolète, 2004), comme Jacques Chiffoleau l’observe dans ses conclusions.
13 Sur tout ceci, il convient de renvoyer à R. Imbach, Dante, la philosophie et les laïcs. Initiations à la philosophie médiévale, 1, Fribourg, éd. universitaires, et Paris (éd. du Cerf), 1996, en particulier au chapitre VI : « La dimension politique de l’intellect humain chez Dante. »
14 Voir par exemple G. Fioravanti, « Sermones in lode della filosofia e della logica a Bologna nella prima metà del XIV secolo », dans L’insegnamento della logica a Bologna nel XIV secolo, a cura di D. Buzzetti, M. Ferriani & A. Tabarroni, Bologne, 1992 (Studi e Memorie per la Storia dell’Università di Bologna, nuova serie vol. VIII), p. 165-183.
15 Le passage se fonde sur la métaphore de la cour de justice présidée par le prévôt, qui est appliquée par le prédicateur à l’Eglise présente : In curia prepositi fides non adhibetur litteris testimonii, nisisint signate sigillis autenticis. (...) Sedheu, hodie in curia huius prepositi frequentius allegantur et maiorfides adhibetur litteris Iustiniani, qui tamen nulla signa fecit, quatti litteris canonicis sacci ( ?). lterum in curia prepositi, in scola fidei, libentius leguntur et curiosius allegantur littere philosophorum gentilium, dicta hominis dampnati et heretici pessimi Commentatoris quam auctoritates canonici, cum tamen ille non sunt signate sigillis autenticis : Averrqys miracula non fecit. Vere tota scola sibilare deberet super capita eorum qui talia faciunt (sermon Erunt signa in sole et luna, Paris, BnF, Lat. 16495, f. 103rb ; J.-B. Schneyer, Repertorium, II, s.n. Guillelmus de Sequavilla, p. 590, no 39). Guillaume de Sauqueville est généralement identifié comme un dominicain du début du xive siècle (sans preuve formelle de son appartenance à cet ordre) ; le recueil de ses sermons fait l’objet d’une thèse en cours, sous ma direction, à l’Université Lyon 2, par Christine Boyer-Chevalier.
16 Voir R. Imbach, « Lulle face aux averroïstes parisiens », dans Raymond Lulle et le Pays d’Oc, Cahiers de Fanjeaux, 22, Toulouse, 1987, p. 261-282.
17 Ces notes d’auditeurs ont constitué la documentation principale de ma thèse, publiée sous le titre : L’avènement des maîtres de la Parole. La prédication à Paris au XIIIe siècle, Paris (Institut d’Études augustiniennes), 1998, 2 vol.
18 D’après P. Alphandéry, « Y a-t-il eu un averroïsme populaire aux XIIIe et XIVe siècles ? », Revue de l’histoire des religions, XLIV (1901), à la p. 397 ; le sermonnaire de Padoue est mentionné par F. Lucchetta, « La prima presenza di Averroè in ambito veneto », Studia islamica, 46 (1977), p. 133-146 ; il renvoie à P. Marangoni, Alle origini dell'aristotelismo padovano (sec. XIIXIII), Padoue, 1977.
19 Par exemple, dans la grande peinture murale qu’Andrea Bonaiuti a composée pour la salle capitulaire (dite ensuite “chapelle des Espagnols”) du couvent dominicain de Santa Maria Novella, à Florence ; sur un retable du couvent de Santa Caterina à Pise, peint par Francesco Traini ; puis, au XVe siècle, dans le tableau de Benozzo Gozzoli, disciple de Fra Angelico (Musée du Louvre). En revanche, il semblerait que chez les ermites de saint Augustin (dont fit partie Gilles de Rome), du moins dans leur couvent de Padoue, Averroès figurait sur la composition qui exaltait les saints protecteurs de l’ordre, aux côtés de maître Albert de Padoue, théologien de l’ordre mort en 1328, et du bienheureux Giovanni della Lana de Bologne, mort vers 1350. Cette peinture, due au pinceau de Giusto de’Menabuoi v. 1370, se trouvait dans la chapelle des Cortellieri annexée à leur église, selon le témoignage d’un étudiant de Nuremberg séjournant à Padoue vers 1466 (voir F. Lucchetta, « Recenti studi sull’averroismo padovano », dans L’averroismo in Italia, Convegno internazionale (Rome, avril 1977), Rome, 1979 (Atti dei Convegni Lincei, 40), p. 91-120, à la p. 103.
20 « Il est arrivé qu’Averroès en vienne à symboliser la philosophie païenne en soi ; on peut voir au Musée Calvet, à Avignon, un tableau du xve siècle figurant sainte Catherine d’Alexandrie avec à la main une épée qui tient en respect un philosophe jeté à terre : or ce philosophe est coiffé d’un turban qui ne laisse aucun doute sur son origine, et donc, étant donné l’époque de l’œuvre, sur son identité. Dans le lieu commun hagiographique le vainqueur a changé, mais non le vaincu, en dépit de l’histoire et de la légende. C’est peut-être là le témoignage le plus frappant du passage d’Averroès de l’état de personnage historique à celui d’archétype » : « Averroès et nous », avant-propos de Jean Jolivet à Multiple Averroès, Paris (Les Belles Lettres), 1978, p. 7-10, à la p. 8.
21 Voir la mise au point de Z. Kuksewicz, « L’influence d’Averroès sur les Universités en Europe centrale. L’expansion de l’averroïsme latin », dans Multiple Averroès, ouvrage cité à la note précédente, p. 275-282 ; et à propos de la Lectura cum quaestionibus super tertium De anima de Jacques de Plaisance, maître en logique et en philosophie à Bologne vers 1341, mais dont cette œuvre, combinant systématiquement l’exposition d’Aristote et celle d’Averroès, n’est conservée dans son intégralité que dans un seul exemplaire à Cracovie, voir O. Weijers, « Un type de commentaire particulier à la Faculté des arts : la sententia cum questionibus », dans La tradition vive. Mélanges d’histoire des textes en l’honneur de Louis Holtz (Bibliologia 20), Turnhout (Brepols), 2003, p. 211-222.
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