Chapiteaux almohades
p. 89-91
Texte intégral
1Les témoignages architecturaux sont suffisamment nombreux pour que ne puisse être mise en doute la volonté des premiers Almohades d’élaborer un vocabulaire ornemental propre, apte à soutenir et diffuser le message spirituel et politique du Mahdi.
2Ainsi, le chapiteau, point-clef, en toute époque, de l’organisation architectonique des monuments, ne pouvait que constituer l’un des éléments forts de ce nouveau discours et ce rôle lui fut imparti selon deux modalités : les modes d’utilisation, d’une part (sélection des types et distribution de ceux-ci dans l’édifice), le style et la composition, d’autre part.
3La signification de la distribution des chapiteaux est particulièrement claire dans le cas des pièces de remploi : dans leurs principaux monuments religieux, les Almohades ont eu à cœur de réutiliser des chapiteaux omeyyades, émiraux et califaux (fig. 1). Ils l’ont fait, de plus, en des emplacements très spécifiques : le minaret (Giralda de Séville, mosquée de Hassan à Rabat), le mirḥāb ou la zone avant- mirḥāb (Kutubïya et mosquée de la Qasaba à Marrakech), axe du mihrâb et axe de la travée avant-qibla (grande mosquée de Salé, respectivement à la anaza’et aux fénêtres latérales). Il s’agissait, selon toute probabilité, de manifester la légitimité du mouvement almohade par des références explicites et précisément localisées au moment du premier califat d’Occident.
4Dans le domaine de la sculpture proprement dite, les artisans almohades ont procédé à une stricte sélection des types morphologiques (chapiteaux de palmes composites et dérivés du corinthien, à l’exclusion du corinthien lui-même) et des éléments végétaux de la corbeille (acanthe lisse à nervure axiale incisée en couronne, formule inaugurée à l’époque almoravide, ou en méandres, innovation qui se fait au détriment presque total de l’acanthe sculptée) et du bloc d’abaque (pommes de pin, fleurons et, surtout, palmes lisses omniprésentes). Les infinies variations possibles à partir de ces quelques éléments incluent un petit nombre de références ponctuelles à l’Antiquité (certains, composites, sont pratiquement identiques aux modèles romains, en fort contraste en revanche avec les antécédents directs, omeyyades ou post-omeyyades) ; ces véritables citations se font parallèlement à d’autres qui renvoient, elles, à l’Orient abbasside, en particulier en ce qui concerne certains motifs végétaux mineurs. Si la précision des sélections effectuées et des références établies font qu’on ne peut guère parler de rupture au sens strict, il n’empêche que s’est opérée, sous la directive des Almohades, une réélaboration complète des schémas préexistants, aboutissant à l’imposition d’une esthétique nouvelle qui, postérieurement, marque profondément l’art islamique d’Occident.
5Cette sculpture almohade, il faut le souligner, naît à Marrakech et à Tinmal et n’est qu’assez peu représentée ailleurs dans l’Empire almohade, en particulier dans al-Andalus où l’on voit proliférer des formes plus simples et plus stéréotypées, encore que ce déséquilibre puisse être, en partie, artificiel, dû au faible nombre de pièces conservées au Nord de la Méditerranée : les grands foyers de création sont dorénavant au Maghreb.
Bibliographie
Bibliographie : Patrice Cressier & Magdalena Cantero Sosa, « Diffusion et remploi des chapiteaux omeyyades après la chute du califat de Cordoue. Politique architecturale et architecture politique », L’Afrique du Nord antique et médiévale (VIe colloque international). productions et exportations africaines. Actualités archéologiques, Paris (C.T.H.S.), 1995, p. 159-187 ; Patrice Cressier & Purificacíon Marinetto Sanchez, « Les chapiteaux islamiques de la péninsule Ibérique et du Maroc, de la renaissance émirale aux Almohades », L'acanthe dans la sculpture monumentale de l’Antiquité à la Renaissance, Paris, 1993, p. 211-246. ; Christian Ewert, Forschungen zur almohadischen Moschee. IV – Die Kapitelle der Kutubiya-Moschee in Marrakesch und die Mosquee von Tinmal, Mayence, 1991.
Auteur
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