3. Pouvoirs et gouvernements de la ville
p. 91-129
Texte intégral
1 - Serment prêté au nom du roi Roger II à la cité de Bari (22 juin 1132, Bari)
1Roger II, comte de Sicile (1101), duc de Pouille (1127), a reçu le titre royal de l’antipape Anaclet II en 1130. Il entreprend de faire reconnaître son autorité sur les provinces continentales du royaume, duché de Pouille et principauté de Capoue, mais n’y parviendra qu’en 1139. Le serment qu’il fait prêter en son nom à la cité de Bari, qui était devenue pratiquement indépendante et était gouvernée par un prince lombard, n’a pas eu l’occasion d’être appliqué : la ville se soulève de nouveau contre lui en 1133 ; après la victoire définitive du roi, en 1139, les libertés urbaines ne sont plus à l’ordre du jour.
2Les personnages cités au début du texte sont :
- Alexandre comte de Conversano et Tancrède de Conversano, second et troisième fils de Geoffroy, lui-même fils d’une sœur de Robert Guiscard et fondateur du comté de Conversano, qui comprenait les villes de Conversano, Monopoli (province de Bari), Brindisi (province de Brindisi) et Nardò (province de Lecce), mort en 1100. Alexandre hérite du titre comtal à la mort de son frère aîné Robert, entre 1113 et 1119 et arrondit ses possessions à la faveur de la période de guerre féodale qui marque la Pouille au début du XIIe siècle ; il meurt en 1133 après s’être réfugié auprès de Rainulf d’Alife, principal meneur de la guerre contre Roger IL Son frère Tancrède, qui dominait notamment Brindisi, lutte contre Roger II dans les années qui suivent ; le roi l’exile en Sicile.
- Geoffroy comte de Catanzaro, membre de la famille des comtes de Loritello (Rotello, province de Campobasso), domine la ville de Catanzaro en Calabre et garde son comté après la victoire de Roger IL
- Robert de Gravina, membre d’une famille normande, seigneur de Gravina (province de Bari) ; Roger II confia ensuite la ville à des parents de sa propre mère.
3Le terme affidati désigne des hommes qui se sont mis sous la protection d’un autre, auquel ils versent une taxe spécifique, et qui ne jouissent donc pas de la pleine liberté.
4Orientation bibliographique : Chalandon F., Histoire de la domination normande en Italie et en Sicile, 2 vol., Paris, 1907, réimpr. anast. New York, 1960 et 1969 ; Calasso F., La legislazione statutaria dell’Italia meridionale. I. Le basi storiche. Le libertà cittadine dalla fondazione del Regno all’epoca degli statuti, Bologne, 1929, réimpr. anast. Rome, 1971 ; Martin J.-M., « Les communautés d’habitants de la Pouille et leurs rapports avec Roger II », dans Società, potere e popolo nell’eté di Ruggero II. Atti delle terze giornate normanno-sveve (Bari, 1977), Bari, 1979, p. 73-98 ; ID., La Pouille du VIe au XIIe siècle, Rome, 1993 (Coll. de l’EFR, 179).
5+ Au nom du Seigneur Dieu éternel et de notre sauveur Jésus Christ. Année de son incarnation 1132, mois de juin, indiction X. Nous, Alexandre comte de Conversano, Tancrède de Conversano, Geoffroy comte de Catanzaro et Robert de Gravina, jurons sur l’ordre et par la volonté de notre seigneur Roger, roi magnifique de Sicile et d’Italie, sur ces saints évangiles de Dieu :
6[1] que le seigneur roi, en aucune façon ni par aucune ruse, n’enlèvera ou ne fera enlever de la cité de Bari tout ou partie des reliques du corps de saint Nicolas, mais s’opposera à tous ceux qui tenteraient de le faire, en sorte qu’elles soient dans cette même cité de Bari, dans la même église dans laquelle elles sont à présent, et qu’il n’entravera pas la construction de cette église Saint-Nicolas ni des autres édifices qui sont ou seront dans la cour autour de cette église pour l’honneur et le profit de celle-ci, qu’il ne détruira, n’enlèvera ni n’ôtera les biens qui se trouvent aujourd’hui dans cette église ou qui lui seront justement concédés par la suite, sauf si quelque chose lui était donné par reconnaissance (per benedictionem), mais que tout reste comme il a été établi jusqu’ici en ce qui concerne le corps du saint et ses biens, pour autant que cela dépend de lui, et ne change pas de son fait ou avec son accord.
7[2] Et si un accusé fuit vers l’église ou la cour de Saint-Nicolas, qu’il ne soit pris ni par lui ni par ses agents sur son ordre, sauf s’il a agi contre la dignité de notre roi, mais qu’il soit jugé là, selon la loi, sans risquer la mort ou la mutilation, même s’il a mérité de la subir.
8[3] Que votre archevêché tienne tout ce qu’il possède sur le territoire qui lui appartient, et qu’il l’aide à le tenir.
9[4] Dans votre cité de Bari, il n’établira ni ne fera établir d’archevêque étranger (extraneum) sans l’accord de la majorité d’entre vous.
10[5] De même il n’établira ni ne fera établir d’abbé étranger dans l’église où sont les reliques de saint Nicolas ou dans le monastère de Saint-Benoît sans l’accord de la majorité d’entre vous, mais [il le choisira] parmi vos concitoyens, et avec votre accord.
11[6] Et qu’il ne donne à personne une église ayant des biens au territoire de Bari, ce qui en ferait perdre l’obédience à l’archevêché de Bari.
12[7] Et que, à partir d’aujourd’hui et désormais il vous considère en toute connaissance de cause comme ses fidèles.
13[8] Et de toutes les paroles et actions que vous avez prononcées ou accomplies contre le seigneur roi, que vous n’ayez pas à rendre compte, à l’exception des frères Saxo et Nicolas de Amoruzo, de Guaifer, Ranio, Jean de Bénévent et Serge.
14[9] Sur tous les délits et litiges qui se sont juqu’ici manifestés entre vous, il ne rendra ni ne permettra de rendre aucun jugement sans votre accord, sauf si quelqu’un détient par la force ou injustement les biens d’autrui.
15[10] De votre loi et de vos coutumes, que vous avez de façon quasi légale, il ne vous privera pas sans votre accord.
16[11] Il ne vous rendra pas et ne vous fera pas rendre justice par le fer, le chaudron, le duel et l’eau.
17[12] Il ne vous imposera ni ne vous fera imposer de taxe, de corvée (angaria) ni d’aide que, selon la coutume de notre peuple, on appelle collecta, et il n’enlèvera pas vos biens par la force.
18[13] Il ne vous fera pas partir en expédition (expeditio), que ce soit sur terre ou sur mer, ni aller avec lui sans votre accord.
19[14] Il ne vous mettra ni ne vous fera mettre en détention, sauf si quelqu’un est inculpé de crimes capitaux et ne peut trouver de fidéjusseurs convenables, ou si quelqu’un tombe sous le coup de la loi et est absout après application de la loi.
20[15] Il n’établira pas comme juge chez vous un étranger, mais l’un de vos concitoyens.
21[16] Vos biens héréditaires et immobiliers, que vous possédez sur votre propre territoire, il fera en sorte que vous les possédiez sans service ni redevance.
22[17] Il ne fera loger personne par force dans vos maisons. Si quelqu’un y était logé par force et si une plainte lui était présentée à ce sujet, il y porterait remède.
23[18] Il ne prendra ni ne fera prendre d’otages parmi vous.
24[19] Il ne fera pas d’autre château dans la cité de Bari.
25[20] Si le seigneur roi donnait la cité de Bari à son fils Tancrède ou à un autre de ses fils, il devrait jurer sur les évangiles de Dieu de respecter tout ce qui précède ; cela fait, que nous soyons déliés de notre propre serment.
26Tout ce qui est écrit dans cette charte, le seigneur roi l’observera sans tromperie ni mauvaise ruse envers tous les habitants de la cité de Bari, à l’exception des Amalfitains et des affidati.
27Donné à Bari dans la cour du roi par la main du logothète Philippe le 10 des calendes de juillet. Écrit par le notaire Michel.
28Source : Rogerii II. Regis diplomata latina, éd. par C. Brühl, Cologne-Vienne, 1987 (Codex diplomaticus regni Siciliae, I, II/l), no 20, p. 54-56. Traduit du latin.
29Présenté et traduit par J.-M. Martin
2 - Privilège du roi Tancrède pour les habitants de Gaète (juillet 1191, Messine)
30Tancrède, comte de Lecce, bâtard du fils aîné de Roger II, fut difficilement élu roi en 1190 après la mort de Guillaume II (1189), qui ne laissait pas d’enfants. Il dut lutter contre le comte Richard d’Andria, autre prétendant au trône, et surtout contre l’empereur Henri VI, marié à Constance, fille de Roger II. Henri VI entra dans le royaume, par la Campanie, en avril 1191. Dans cette situation difficile, Tancrède fut plus libéral que ses prédécesseurs envers les villes. Dans cet acte, il confirme et étend les privilèges de Gaète, port important, qui contrôle plusieurs ports voisins : Suio, commune de Castelforte, province de Latina, près de la rive droite du Garigliano ; Setra situé sur le Garigliano près du précédent ; Cilicia et Carcianum sur la côte, près de Mondragone (province de Caserte) ; Patria, au débouché sur la mer du lac de Patria, au nord de Cumes ; Mastriannum, qui n’est pas identifié. Gaète est la seule cité du royaume — voisine de l’Etat pontifical — qui se soit donné des institutions communales au début du XIIe siècle et les ait conservées sous la monarchie. La commune apparaît, déjà constituée, en 1123 : elle est alors dirigée par un iudex et rector et par quatre consuls. Ces privilèges concernent, entre autres, le falangagium (sans doute droit payé pour le stationnement dans les ports), le catenaccium (probablement droit payé sur les marchandises mises en vente), et le commercium (taxe sur le commerce, peut-être inspirée du kommerkion byzantin).
31Orientation bibliographique : Chalandon F., Histoire de la domination normande en Italie et en Sicile, 2 vol., Paris, 1907, réimpr. anast. New York, 1960 et 1969 ; Merores M., Gaeta im frühen Mittelalter (8. bis 12. Jahrhundert), Gotha, 1911 ; Calasso F., La legislazione statutaria dell’Italia meridionale. I. Le basi storiche. Le libertà cittadine dalla fondazione del Regno all’epoca degli statuti, Bologne, 1929, réimpr. anast. Rome, 1971 ; Martin J.-M., « Les communes en Italie méridionale aux XIIe et XIIIe siècles », dans Villes, bonnes villes, cités et capitales. Etudes d’histoire urbaine (XIIe-XVIIIe siècle) offertes à Bernard Chevalier, sous la dir. de M. Bourin, Tours, 1989, p. 201-210 ; Cherubini G., « Gaeta », dans Itinerari e centri urbani nel Mezzogiorno normanno-svevo. Atti delle decime giomate normanno-sveve (Bari, 1991), sous la dir. de G. Musca, Bari, 1993, p. 249-267.
32+ Au nom de Dieu éternel et de notre sauveur Jésus-Christ, Amen. Tancrède, par la faveur de la clémence divine, roi de Sicile, du duché de Pouille et de la principauté de Capoue. La munificence de la majesté royale fait que l’humanité du prince répond facilement aux prières des sujets et, à condition que l’ordre de la raison ne l’en dissuade pas, exauce avec clémence les désirs de ceux qui la supplient, puisqu’elle accède au sommet de la gloire d’autant plus pleinement pour ceux qui régnent que l’attention du prince acquiesce avec plus de bienveillance aux vœux de ses fidèles ; et l’ardeur de la fidélité croît d’autant plus vigoureusement chez les sujets que les réjouit davantage la munificence de la majesté royale.
33Il en résulte que, considérant avec une intention bienveillante votre fidélité et les bons services que vous, Gaétans, nos fidèles, avez toujours apportés à nos prédécesseurs et vous efforcez avec plus de soin de nous apporter, devant vos prières et demandes, que vous avez présentées à notre majesté en la suppliant par vos envoyés et concitoyens,
34[1] à cause de notre bonté innée nous vous confirmons tous vos usages et coutumes, que vous avez eus et avez depuis longtemps et depuis l’époque du seigneur roi Roger [II] notre aïeul de bienheureuse mémoire jusqu’aujourdhui, à savoir le droit de changer et d’élire des consuls en tout temps, comme vous en avez l’habitude, selon votre volonté et sans autorisation de la cour.
35[2] En outre nous vous concédons, pour la nomination des juges dans la cité de Gaète, le droit de choisir des hommes chaque fois qu’il en sera besoin et de les présenter à notre cour afin que, s’ils en sont dignes, nous vous les donnions comme juges ; ils jureront en public à Gaète de juger selon l’usage de Gaète et de maintenir intacts tous les droits du roi et les vôtres.
36[3] De même aucun baiulus ne doit être établi dans la cité de Gaète qui ne soit de vos concitoyens, à condition toutefois que ce ne soit pas fait par tromperie à notre désavantage ; et le baiulus, aussi longtemps qu’il sera en charge, ne doit être ni consul ni conseiller [communal] (consiliarius).
37[4] Nous vous avons concédé le droit de faire frapper par les consuls et d’utiliser de la monnaie de cuivre (follarorum moneta) pour votre commune utilité, comme vous l’avez utilisée jusqu’ici.
38[5] Nous avons concédé la teinture à la cité de Gaète et à la commune de Gaète.
39[6] Nous vous avons encore concédé de ne pas être contraints d’être jugés par les maîtres justiciers ou justiciers. Que les procès civils soient réglés dans la cour de Gaète, comme ils le sont d’habitude.
40[7] Quant aux affaires criminelles qui pourraient désormais surgir parmi vos concitoyens, qu’elles soient réglées dans la grande cour royale de Palerme au moyen de témoins, sans duel ; et tout ce qui, à ce sujet, sera exposé à notre cour par les consuls, juges et conseillers [communaux], qui ont juré de respecter la justice et la vérité, concernant ce qui a été fait en leur présence, que cela soit cru.
41[8] Pour le crime de lèse-majesté (crimen maiestatis), si un appel est interjeté, qu’il soit jugé dans notre grande cour de Palerme selon la procédure que nous choisirons ; et si l’accusateur est confondu ou abandonne son accusation, qu’il doive verser à l’accusé les justes dépens.
42[9] Lorsqu’un prince sera établi à Capoue [province à laquelle est rattachée Gaète], les affaires criminelles devront être réglées dans la cour de ce prince, de la même façon qu’elles doivent [aujourd’hui] être discutées et réglées dans notre grande cour de Palerme.
43[10] Nous vous confirmons tous vos ports, comme vous les avez eus depuis longtemps et les avez en votre propriété, à savoir le port de Suio, le port de Setra, le port de Mastriannum, le port de Cilicia, le port de Carcianum et le port de Patria ; et ces ports ne doivent pas vous être interdits ou fermés si un de vos concitoyens porte tort à d’autres.
44[11] Nous vous confirmons d’autre part vos petites îles, c’est-à-dire Ponza, Palmarola et Zannone, que vous avez eues depuis longtemps et avez, à l’exception toutefois de nos faucons.
45[12] Dans les forêts qui s’étendent entre Gaète et Cumes, nous vous avons concédé le droit de couper du bois comme vous l’entendez, comme vous l’avez toujours fait.
46[13] En outre nous vous avons concédé qu’il ne vous soit pas interdit d’exporter du froment de Sicile et de le transporter à Gaète, sauf quand une interdiction générale sera décrétée par la majesté royale ; et que vos concitoyens allant en Sicile avec leurs navires ou autres vaisseaux ne soient pas obligés d’aller transporter du froment ou autres denrées de la cour, sauf en cas de nécessité absolue.
47[14] Pour votre exemption de péage ou de droit au passage du Garigliano, qu’il soit fait selon ce qui a été décidé par le seigneur roi Guillaume [Ier], notre oncle de bienheureuse mémoire, sur l’exemption de droit de passage.
48[15] De même nous vous avons concédé que, si vos vaisseaux font naufrage sur une des côtes du royaume, tous les biens qui seront retrouvés soient sauvegardés en faveur de leurs propriétaires.
49[16] En outre nous vous avons concédé que nous ne donnerions à personne la cité de Gaète, mais que nous la maintiendrions toujours dans notre domaine et celui de nos héritiers.
50[17] De même nous concédons à la cité et à la commune de Gaète l’habitat fortifié (castellum) d’Itri et l’habitat fortifié de Maranola avec les justes finages et dépendances de ces habitats, qui ont appartenu au comté de Fondi [communes de la province de Latina] sauf le service (servitium) qui est dû à notre cour selon ce qui est inscrit dans les registres (quaterniones) de notre cour.
51[18] Nous vous dispensons aussi du falangagium sur toute la côte de Gaète à Palerme.
52[19] Nous vous concédons également que vos concitoyens venant de Sicile, de Sardaigne et de Barbarie ne paient plus le droit qu’ils versaient jusqu’ici à Gaète sous le nom de catenaccium et de [droit sur] les poids de la balance.
53[20] De même nous vous confirmons le commercium tel que vous l’avez eu et l’avez depuis l’époque du seigneur roi Roger [II] notre aïeul de bienheureuse mémoire pour le bien commun de Gaète.
54[21] Nous vous avons encore concédé l’usage de notre camera de Gaète pour y tenir cour, tant qu’il plaira à notre majesté.
55[22] Nous concédons aussi, à la prière et à l’initiative d’Albinus, vénérable évêque d’Albano, vicaire du seigneur pape, notre très cher ami, à la cité de Gaète que, des deux galères que vous avez l’habitude d’armer, vous ne deviez plus armer qu’une seule galère pour l’envoyer à notre service, sauf quand ce sera nécessaire pour la défense du royaume ; en ce cas vous armerez deux galères, comme vous l’avez fait jusqu’ici ; nous ferons alors donner à vos marins les convenantie [probablement sorte de solde] que reçoivent les autres marins des galères qui seront armées dans le principat de Salerne.
56Tout ce qui vient d’être dit, nous avons décidé de vous le concéder tant que vous persévérerez fermement dans notre fidélité et celle de nos héritiers. Pour le souvenir de notre concession et sa confirmation irrévocable, nous avons ordonné que le présent privilège soit écrit par les mains du notaire Thomas notre fidèle et soit corroboré par une bulle de plomb imprimée à notre marque l’année, le mois et l’indiction indiqués ci-dessous.
57Donné dans la ville de Messine par les mains de Richard fils du chancelier royal Matthieu [d’Ayello], le chancelier lui-même étant absent, l’année de l’incarnation du Seigneur 1191, mois de juillet, indiction IX, seconde du règne de notre seigneur Tancrède par la grâce de Dieu magnifique et très glorieux roi de Sicile, du duché de Pouille et de la principauté de Capoue avec bonheur, amen, première année du duché du seigneur Roger [III] par la grâce de Dieu duc de Pouille son fils, avec prospérité, amen.
58Source : Tancredi et Willelmi III Regum diplomata, éd. par H. Zielinski, Cologne-Vienne, 1982 (Codex diplomaticus regni Siciliae, I, V), no 18, p. 42-46. Traduit du latin.
59Présenté et traduit par J.-M. Martin
3 - L’expérience du podestat à Gênes (1190-1229)
60La riche tradition historiographique génoise permet de suivre tous les développements politiques de la cité et les incessantes transformations institutionnelles de l’époque communale. Les deux extraits choisis rendent compte de la difficile transition du régime consulaire à celui du podestat forain (1190), puis des tensions internes et externes qui pouvaient naître de la conjonction de la brièveté de la charge et des ambitions personnelles.
61Orientation bibliographique : Renouard Y., Les villes d’Italie de la fin du Xe siècle au début du XIVe siècle, t. 1, Paris, 1969, p. 233 et suiv. ; Abbondanza R., « Baldovini, Jacopo », DBI, 5, Rome, 1963, p. 521-525 ; Sarti N., Un giurista tra Azzone e Accursio. Iacopo di Balduino (...1210-1235) e il suo « Libellus instructionis advocatorum », Milan, 1990, p. 37-56 ; Petti Balbi G., Una città e il suo mare. Genova nel medioevo, Bologne, 1991 (Biblioteca di storia urbana medievale, 5), p. 249-263 ; I podestà dell’Italia comunale, sous la dir. de J.-Cl. Maire Vigueur, Paris-Rome, 2000 (Coll, de l’EFR, 268) ; Storia di Genova. Mediterraneo, Europa, Atlantico, sous la dir. de D. Puncuh, Gênes, 2003, p. 179 et suiv.
1. Le premier podestat forain
62Que l’on sache aujourd’hui et demain que de nombreuses discordes civiles et d’odieuses conspirations sont nées dans la cité [de Gênes] à cause de l’envie de tous ceux qui désiraient immodérément occuper l’office communal du consulat. Il advint alors que les sages et les conseillers de la cité s’assemblèrent et décidèrent d’un commun accord que le consulat de la commune prendrait fin à partir de l’année suivante [1190] et convinrent, à la quasi unanimité, d’avoir à l’avenir un podestat. C’est Manigoldo di Tetocio, de Brescia, qui fut élu à cet office et heureusement installé. Mais, alors qu’il se trouvait dans la cité et que les consuls lui avaient assigné et concédé le pouvoir de rendre justice des crimes, et alors que les consuls s’étaient réunis selon la coutume pour examiner les comptes des consuls sortants dans la maison d’Ogerio Pane, scribe communal, Fulchino et Guglielmo Balbo, tous deux fils d’Anselmo di Castello, commirent un grave délit. Sans motif et par ruse, ils tuèrent en effet Lanfranco Pepe, noble personnage et célèbre consul. Les discordes civiles et les divisions reprirent immédiatement, mais le jour suivant le délit, le podestat Manigoldo, homme illustre, rempli de douleur et de honte, réunit un parlement général, revêtit son armure, prit ses armes, enfourcha son cheval et se rendit à la magnifique demeure que Fulco possédait à Castello ; il la détruisit immédiatement pour le punir du crime commis, mais il ne réussit pas à capturer les assassins qui, entre temps, avaient quitté la cité et s’étaient réfugiés secrètement à Plaisance.
63Les consuls de justice continuèrent à s’occuper honnêtement des causes des citadins et de la cité, rendant sans obstacle la justice à chacun.
2. Une année ou deux ?
64L’an de la Nativité du Seigneur 1229, première indiction, Jacopo Baldovini de Bologne dirigea la cité de Gênes et il eut avec lui deux juges, Jacopo da Argenta, pour les crimes, et Jacopino di Saragozza [de Bologne] qui exerçait, dans l’autre partie du palais, la fonction de vicaire du podestat. Les chevaliers (milites) de ce podestat furent Enrighetto di Corvolino, Benvigniai et Ugolino Brondello.
65Durant toute l’année de son mandat, les citoyens de Gênes connurent vraiment la paix et la tranquillité. Le podestat émit de nombreux conseils juridiques (consilia). Travaillant sans relâche toute la journée et une grande partie de la nuit aux affaires de la commune, il lui arrivait très souvent d’oublier les repas, et à plusieurs reprises, ne comptant ni les jours ni les heures, il fit jeûner bien malgré eux les officiers, conseillers et membres des conseils appelés à traiter des affaires, petites ou grandes, de la commune de Gênes. Il établit des conventions avec les hommes d’Arles et ceux de Marseille (...).
66La même année, avant les calendes d’août, alors que le conseil était réuni, il fut décidé, au sujet du contenu de l’article concernant l’élection des réviseurs [des statuts], que Jacopo Baldovini devait être le seul et unique réviseur ; il amenda donc les articles, les répartit en livres et fit ainsi jusqu’à la fin de son gouvernement. Mais précisément parce qu’on lui avait confié cette révision, une grande rumeur se répandit dans la cité. Ensuite, peu avant la fête de la Toussaint, ce podestat réunit le conseil de la cité de Gênes, selon ce que prévoyaient les textes (secundum tenorem capituli). Et comme on disait que ce podestat voulait être confirmé dans sa charge l’année suivante et qu’il travaillait et négociait dans ce but de façon presque publique, il fit venir à Gênes Gottifredo, chapelain du seigneur pape pour qu’il absolve, par l’autorité du seigneur pape, ledit Jacopo des serments qu’il avait faits de ne pas demeurer à la tête de la cité de Gênes l’année suivante ; et pour qu’il absolve les conseillers et la commune de Gênes et les électeurs, qui ont le pouvoir d’élire le podestat, des serments qui les empêchaient d’avoir ledit Jacopo comme podestat, capitaine ou recteur pendant une année supplémentaire ; et alors que les électeurs qui avaient en main la désignation du podestat demeuraient longtemps assemblés et qu’ils s’informaient auprès de l’archevêque, du chapelain et des frères prêcheurs et mineurs pour prendre conseil et savoir si, étant saufs les serments faits jusqu’à présent, ledit Jacopo pourrait rester une année de plus à la tête de Gênes, une grande rumeur parcourut toute la cité, et presque tous se répandirent dans la ville, criant, courant aux armes et disant qu’on ne pouvait souffrir en aucune façon de tels opprobre et parjure. Il plut à Dieu que, suivant l’avis de l’archevêque et des frères, les électeurs commis à cette élection éloignèrent ledit Jacopo et élurent à l’unanimité Spino da Soresina podestat pour l’année suivante.
67Source : Annali genovesi di Caffaro e de’suoi continuatori, éd. L. T. Belgrano et C. Imperiale di Sant’Angelo, Rome, 1890-1929 (Fonti per la storia d’Italia), II, p. 36-37 et III, p. 42-46, passim, traduit du latin.
68Présenté et traduit par J.-L. Gaulin
4 - La gestion directe des cités par la monarchie méridionale : lettres de Frédéric II au secreto et au justicier de Palerme (1239)
69Les lettres envoyées par l’empereur au secreto de Palerme, Obberto Fallamonacha, responsable des finances impériales, et au justicier de Sicile occidentale, Roger de Amicis, ont été conservées dans le fragment de registre de la chancellerie impériale préservé à Naples jusqu’en 1943 et détruit volontairement alors, avec l’essentiel des archives royales, par la Wehrmacht. Elles montrent l’impressionnante capacité de Frédéric à tout contrôler, son « fanatisme du détail » et sa remarquable connaissance de la capitale de la Sicile, ravagée par la guerre contre les Sarrasins et repeuplée autoritairement.
70Orientation bibliographique : Kantorowicz E., L’empereur Frédéric II, Paris, 1987 ; Bresc H., « “In ruga que arabice dicitur zucac...” : les rues de Palerme (1070-1460) », dans Le Paysage urbain au Moyen Âge, Lyon, 1981, p. 155-186 ; Fodale S., « Palermo, “sedes Regni” e città di Federico II », dans Federico II e le città italiane, sous la dir. de P. Toubert et A. Paravicini Bagliani, Palerme, 1994, p. 212-221 ; Bresc H„ « Frédéric II et l’Islam », dans Frédéric II (1194-1250) et l’héritage normand de Sicile, sous la dir. de A.-M. Flambard-Héricher, Caen, 2000, p. 79-92 ; Carbonetti Venditelli C., « Introduzione », dans Il registro della cancelleria di Federico II del 1239-1240, I, Rome, 2002 (ISIME, Fonti per la storia dell’Italia medievale, 19), p. XVII-LXXXII.
1. Lettre du 15 décembre 1239
71Par ordre [de l’empereur], le notaire [Roger de Salerne] écrivit à Obberto Fallamonacha, secreto de Palerme.
72Nous avons vu les chapitres que ta fidélité nous a envoyés et nous en avons soigneusement compris le contenu : nous leur répondons par les présentes, point par point, la décision de notre volonté.
73Et d’abord sur le point que tu as demandé de savoir dans ces chapitres, à savoir de quel froment nous voulons que soit chargée notre nef qui t’a été remise par Angelo de Marra et nos deux barges (buctios) qui sont dans ta juridiction. Nous te répondons de faire charger tant la nef que les barges avec le froment de notre cour, et si par hasard tu n’as pas assez de froment de notre cour à suffisance pour les charger, achète du froment avec l’argent de notre cour qui est entre tes mains et envoie la nef et les barges dans les pays où tu pourras obtenir le meilleur profit et l’intérêt de notre cour et envoie avec eux comme prévôt une personne fidèle et diligente pour obtenir notre profit et qu’on n’ait pas à te reprocher sa négligence.
74Quant aux juifs du Gharb qui sont à Palerme et qui ne s’accordent pas avec les autres juifs de Palerme, comme le contiennent tes chapitres, et qui par conséquent te demandent de leur concéder un lieu où construire une nouvelle synagogue et des maisons ruinées (casalina) pour construire des maisons dans le vieux Cassaro de Palerme, et te demandent aussi de désigner parmi eux un ancien comme maître, et de leur concéder la palmeraie ou Dattiletto de Palerme qui est près de notre Favara de Palerme pour la cultiver selon leurs coutumes du Gharb, et qui veulent remettre la moitié des fruits à notre Cour et garder l’autre pour eux, il nous plaît que tu trouves un ancien qui soit notre fidèle et profitable pour eux et tu le choisisses pour leur maître. Nous ne voulons pas que tu leur loues des maisons ruinées pour construire des maisons dans le vieux Cassaro, mais s’il existe dans d’autres quartiers de Palerme un lieu utile pour construire des maisons, tu le leur loueras. Quant à la synagogue nouvelle, nous ne voyons pas nécessaire à présent de permettre de la construire, mais si on trouve à Palerme une autre synagogue vieille qui soit vide et qu’ils veuillent la reconstruire, permets qu’ils la reconstruisent. Concèdeleur la palmeraie ou Dattiletto de notre cour de Palerme qui est près de la Favara pour cultiver les dattes selon leur coutume, mais ne la loue que pour cinq ans ou au plus pour dix au partage de fruit que tu as dit. Quant à forcer à venir à Palerme les autres juifs qui sont venus du Gharb et qui habitent dans divers lieux de la Sicile, nous ne le voyons pas nécessaire, de peur que l’on risque d’enlever aux autres qui sont sur le point de venir une raison de se rendre dans notre royaume. Tu écris que tu as établi de recevoir de ces juifs habitant Palerme 400 taris par an pour la capitation (gisia), 150 taris pour le vin, et 50 pour les couteaux [de l’abattoir rituel], et que, s’il se fait une augmentation du nombre des juifs, les revenus de notre cour croîtront. Cela nous plaît et nous louons ton zèle sur ce point. Tu nous as informé aussi par ces chapitres que tu as concédé à plusieurs de ces juifs des terres à cultiver dans le quartier de la Favara, où ils gèrent et accroissent les affaires de la cour et doivent semer du henné et de l’indigo et d’autres plantes qui poussent au Gharb et qui ne se cultivaient pas en Sicile jusqu’à aujourd’hui ; nous acceptons ce que tu as fait, à condition que ces terres ne soient pas réservées pour nos chasses et ordonnons que tu t’occupes que ces plantes soient bien cultivées et avec diligence. Sur ce que tu nous écris qu’il est de l’intérêt de notre cour que les juifs étrangers soient logés et habitent séparément des juifs de Palerme, nous voulons que tu les installes séparément dans le lieu que tu jugeras le meilleur pour l’intérêt de notre cour et que tu leur attribues un maître, à condition cependant que tu ne les installes pas dans le vieux Cassaro.
75Sur le fait que contiennent tes chapitres, à savoir que dans la cannaie de Misilmeri les épines ont tellement poussé qu’elles ont couvert la cannaie, et qu’un chien ne peut plus y entrer, tu as jugé qu’il fallait faire couper la cannaie tout à l’entour ; nous voulons que tu nous fasses savoir quel intérêt il en résulterait pour notre cour si on la coupait et nous te répondrons alors la décision de notre volonté.
76Dans les autres chapitres nous avons vu que de nombreuses terres ont été naguère distribuées par Ruggero de Calvellis, alors maître justicier de ces régions, aux nouveaux habitants de Palerme dans le quartier de la Zisa près de notre palais de la Zisa, pour planter des vignes. Comme elles te paraissaient très proches de ce palais, tu as demandé à savoir notre décision, si cela nous agrée et si nous voulons le maintenir. Nous te répondons : pour les terres qui sont déjà plantées, il nous plaît qu’ils les conservent selon les termes de la concession de Ruggero. Si cependant il reste des terres très proches de notre palais et non encore plantées, ne permets pas de les mettre en vigne avant de nous avoir écrit à quelle distance elles sont du palais.
77Selon ton conseil nous envoyons maintenant des lettres à Riccardo Filangieri pour qu’il trouve deux hommes qui sachent bien faire le sucre et les envoient à Palerme pour y faire le sucre. Occupe-toi de faire parvenir ces lettres à Riccardo ; reçois ces hommes quand ils viendront et fais-leur faire le sucre et fais aussi qu’ils enseignent à d’autres de le faire, pour qu’un tel art ne risque pas de dépérir bientôt à Palerme.
78Et pour que les revenus établis sur les juifs du Gharb et leur augmentation puissent être conservés dans la mémoire de notre Chambre, décris dans le détail leur ordonnancement et comment, leur nombre augmentant, le revenu augmentera.
2. Lettre du 15 décembre 1239
79Sur mandat impérial le notaire [Roger de Salerne] écrivit cette réponse à Roger de Amicis, justicier, et à Obberto Fallamonaca, secreto.
80Nous avons reçu les lettres que votre fidélité nous a adressées et nous comprenons leur signification ; mais sur ce que vous nous annoncez, à savoir que les frères mineurs ont abandonné l’église de Saint-Georges de Palerme, qui appartient à notre patronage, cela nous convient et il ne nous paraît pas utile qu’ils aient en ce moment l’occasion de construire des maisons à Palerme ou d’en édifier de nouvelles.
3. Lettre du 16 décembre 1239
81Sur mandat impérial donné par maître Riccardo de Traietto, Gautier de Cosenza écrivit cette réponse à Roger de Amicis, justicier de Sicile au-delà du fleuve Salso.
82Nous avons reçu tes lettres avec notre bienveillance habituelle etc. Très satisfaits que les Sarrasins qui habitent dans ces régions et qui exerçaient leur méchanceté, comme tu l’as écrit, par de nombreux méfaits clandestins, aient renoncé, par ton œuvre, à leurs perversités et craignent le châtiment. Quant aux Sarrasins du Seralcadi, que tu incites, sur notre ordre, à améliorer leurs habitations, nous l’approuvons et nous louons ton zèle. Pour la vente des droits du bayle tant sur eux que sur les autres qui vivent en dehors, comme tu l’as écrit, les locations des baylies appartenant à l’office du secreto, nous voulons que tu permettes à Obberto Fallamonaca, secreto de Palerme, de les louer, car nous voulons que les droits de chaque office soient séparés. Autrefois nous t’avions confié de louer la baylie des Sarrasins car il n’y avait pas de secreto de Palerme, maintenant qu’il y a un secreto institué, nous voulons que tout ce qui appartient à son office soit exercé par lui (...).
83Nous approuvons le processus que tu as suivi en envoyant des lettres et des messagers dans toute la Sicile pour rechercher les habitants des anciennes villes de Centorbi et de Capizzi, qui auraient dû se rendre à Palerme pour y demeurer selon notre ordre, et qui se sont rendus ailleurs avec leurs familles. Et selon ton conseil nous envoyons maintenant nos lettres patentes à tous les habitants de la Sicile.
84Source : Il registro della cancelleria di Federico II del 1239-1240, éd Carbonetti Venditelli C., Rome, 2002 (ISIME, Fonti per la storia dell’Italia medievale, 19), no 261, 262 et 280. Traduit du latin.
85Présenté et traduit par H. Bresc
5 - Délibération du conseil de la commune de Sienne (1249)
86Dans une commune, toutes les affaires se discutaient et normalement se décidaient au conseil, qui se réunissait plusieurs fois par semaine. Les débats se déroulaient en langue vulgaire, suivant un ordre du jour présenté par le podestat. Sur les affaires courantes les conseillers étaient peu nombreux à intervenir. La rédaction des délibérations était confiée à des notaires, qui synthétisaient le contenu des interventions et le transcrivaient en latin. Les volumes sont de confection modeste, ils sont composés de cahiers de papier ; le style même est négligé, l’écriture aussi. La délibération ci-dessous se trouve dans le premier volume des délibérations conservé aux archives de Sienne.
87Orientation bibliographique : Redon O., L’espace d’une cité. Sienne et le pays siennois, Rome, 1994 (Coll, de l’EFR, 200) ; Ascheri M., « Assemblee, democrazia comunale e cultura politica : dal caso della Repubblica di Siena (secc. XIVXV) », dans Contributi alla storia parlamentare europea (secoli XIII-XX). Atti del 43° Congresso ICHRPI (Camerino, 14-17 juillet 1993), sous la dir. de M. S. Corciulo, Camerino, 1996 (Etudes présentées à la Commission internationale pour l’histoire des assemblées d’Etats, 78), p. 77-99 ; M. Detienne éd., Qui veut prendre la parole ?, Le genre humain, no 40-41, Paris, 2003 ; Redon O., « Le Conseil général de la Commune de Sienne au milieu du XIIIe siècle. Laici et iudices », dans Liber largitorius. Etudes d’histoire médiévale offertes à Pierre Toubert par ses élèves, réunies par D. Barthélemy et J.-M. Martin, Genève, 2003 (Hautes Etudes médiévales et modernes, 84), p. 173-194.
88Au nom du Seigneur, amen. Le conseil général de la Cloche (Generale Consilium Campane) a été réuni dans l’église San Cristoforo suivant l’usage par messire (dominus) Bemardino de Faenza, par la grâce de Dieu et de notre sire l’empereur podestat de Sienne, pour traiter des lettres envoyées par le seigneur (dominus) roi [Frédéric d’Antioche, fils de Frédéric II], lues en ce présent conseil, au sujet de nos chevaliers (milites), qui sont à son service, puisqu’ils doivent toucher leur salaire pour un autre mois. Pour traiter aussi du message adressé à monseigneur (dominus) l’évêque de Sienne par quelques prudhommes (boni homines), et lu en ce présent conseil, sur l’aide que doivent nous consentir les clercs de la ville pour financer les dépenses d’entretien des fontaines de la ville. Sur tous ces points vous devez donner votre avis sur ce qui doit être fait pour la commune.
89Messire Ranieri Chiarmontesi se prononça en disant qu’il fallait payer à nos chevaliers qui sont au service du roi leur salaire pour dix jours. Au sujet de monseigneur l’évêque, il dit qu’il faut élire trois prudhommes suivant la forme prévue par un article du statut, lesquels demanderont aux clercs de fournir une aide pour les travaux aux fontaines de la ville et autres travaux en ville. Si ces derniers refusent il dit qu’on doit leur imposer [une contribution de] 300 livres de deniers pour les travaux aux fontaines et autres lieux de la ville.
90Messire Ranieri di Matteo [juge] se prononça en disant qu’il fallait payer les salaires de nos chevaliers qui sont au service du roi pour quinze jours, en plus du temps pour lequel ils ont déjà été payés. Il dit aussi qu’il faut écrire au seigneur roi une belle lettre courtoise, car il demande les chevaliers trop tôt, de sorte qu’ils ne peuvent prendre le temps qu’il faudrait. Au sujet de monseigneur l’évêque et des clercs, il dit qu’il ne veut pas qu’en cette matière on fasse pression sur eux ou qu’on leur impose une décision, ni qu’on leur donne l’impression que nous voudrions renoncer à notre demande, mais il s’en remet au podestat et à sa cour, pour qu’ils tiennent conseil, quand ils voudront, afin de trouver le moyen d’obtenir de monseigneur l’évêque et des clercs une aide pour ces travaux, mais il dit bien qu’on ne doit exercer sur eux aucune contrainte.
91Tinaccio di Guamerio se prononça en disant au sujet des chevaliers qu’on ne prenne aucune décision en ce conseil, ni autre d’ici à lundi, mais qu’ensuite on tienne conseil et qu’on exécute la décision qui y sera prise. Il faut écrire au seigneur roi que nos chevaliers ont déjà jusqu’à présent fait un bon temps et que nous veillerons à ménager son honneur et le nôtre. Au sujet de monseigneur l’évêque, il dit que, le plus tôt possible à partir d’aujourd’hui, le podestat doit demander à monseigneur l’évêque de réunir tous les clercs de la ville de Sienne qui sont dans les parages, et que devant cette assemblée messire le podestat dise ou fasse dire par un sage que les clercs doivent fournir une aide pour les dépenses nécessaires à nos fontaines, de sorte que les bonnes dispositions que les hommes de cette ville ont envers eux puissent se maintenir à l’avenir. Qu’on écoute leur réponse et qu’elle soit rapportée au conseil, et que la décision du conseil soit exécutée.
92Le conseil est d’accord au sujet de monseigneur l’évêque avec les paroles de Tinaccio et que le salaire des chevaliers soit payé pour dix jours.
93En présence de Jacobo notaire et de Ranieri Rossi.
94De même on tient conseil sur la manière de financer la paye desdits chevaliers, et à ce sujet vous devez donner votre avis. Le même jour.
95Messire Ranieri Scanna se prononça en disant que le trésorier et la cour doivent trouver l’argent pour ledit paiement en faisant un emprunt, et à partir de la mi-septembre quand ils voudront, ils tiendront conseil sur le lieu et la manière de trouver cet argent.
96Donosdeo Trombetti se prononça en disant que pour faire ce paiement il faut imposer une taxe de 4 deniers pour cent, si cela suffit.
97Palmerio Ragnoni se prononça en disant que pour faire ce paiement il faut imposer une taxe de 4 deniers pour cent, pas plus.
98Messire Pelacane se prononça en disant qu’il faut trouver l’argent pour ledit paiement en faisant un emprunt, et s’il était nécessaire de trouver plus, on pourrait [de nouveau] faire un emprunt et si, pour ce paiement, il fallait imposer une taxe, on pourrait le faire quand le podestat voudrait. Ensuite il se rallia à l’avis de Ranieri.
99Le conseil est d’accord avec les paroles de messire Ranieri et de messire Pelacane.
100En présence des mêmes.
101Source : Archivio di Stato di Siena, Consiglio Generale, 1, fol. 61 ; non daté, entre 3 et 6 Septembre 1249. Traduit du latin.
102Présenté et traduit par O. Redon
6 - L’émergence de la commune monarchique en Italie du sud : lettre de Frédéric III aux officiers de Palerme (12 septembre 1311)
103La municipalité est née, avec retard, de la guerre des Vêpres. L’établissement d’un régime municipal manifeste la souplesse de la monarchie méridionale, après bien des hésitations et des répressions, mais il est dû à la pression constante des villes, qui ont tenacement établi des institutions révolutionnaires à chaque crise de la royauté, et même contre Frédéric II à son apogée (1232). A Palerme, la commune sort de l’ombre en 1311, quelques années après celle de Naples (1305), quand Frédéric III organise sur le modèle de Messine et des autres villes du domaine royal l’élection des juges, des jurats et des autres officiers. On peut donner à ce compromis le nom de « commune de syndicat » qu’il porte, avec les mêmes caractéristiques, dans la Provence liée au royaume angevin de Naples. Il n’y a pas eu projet monarchique cohérent, mais résultat des besoins financiers et militaires de la monarchie et de la fidélité politique des villes.
104Orientation bibliographique : Genuardi L., Il comune nel Medio Evo in Sicilia. Contributo alla storia del diritto amministrativo, Palerme, 1921 ; Mineo E. I., « Città e sociétà urbana nell’età di Federico III : le élites e la sperimentazione istituzionale », dans Federico III d’Aragona re di Sicilia (1296-1337), Convegno di studi (Palerme 27-30 nov. 1996), sous la dir. de M. Ganci, V. d’Alessandro et R. Scaglione Guccione, Palerme, 1997, p. 109-149.
105Frédéric III roi par la grâce de Dieu, aux chevaliers et au bayle, aux juges et aux jurats et aux autres personnes de la cité de Palerme, ses sujets fidèles, sa grâce et sa bonne volonté. Nous avons ordonné depuis longtemps que quatre des chevaliers de la cité de Palerme soient élus chaque année et viennent aider les jurats dans les affaires difficiles et nous avons pensé et nous pensons que la présence de ces quatre chevaliers peut aider à la tranquillité et au bon gouvernement et favoriser les affaires de cette ville. Mais des lettres qui portent sur l’élection des officiers annuels de cette cité apportent un fait contraire à notre bonne et utile décision : nous nous en étonnons, mais alors que l’on espérait la tranquillité, c’est au contraire le trouble qui est survenu et fait craindre un préjudice. Nous ordonnons donc à votre fidélité que chacun de vous, et spécialement ceux qui portent une responsabilité, médite ce qui est arrivé. Le culte de la paix, la tranquillité et l’utilité de la république sont conformes au désir général et conviennent à nos sentiments, tandis que le trouble et le dommage infligé aux biens publics touchent notre oreille et notre âme. Mais pour que l’affaire se déroule bien, nous vous adressons par les présentes la manière selon laquelle les officiers annuels sont créés dans la cité de Messine et dans les autres villes de notre domaine en Sicile (...).
106D’abord on appelle les jurats et les juges et quatre prudhommes par quartier, choisis par les juges et les jurats après serment.
107Quand ils sont appelés, ces prudhommes jurent d’élire dans chaque quartier six prudhommes zélateurs de la justice et aimant notre domination et le bon régime de leur ville, qui chérissent les bonnes personnes et ne se laissent pas détourner par l’amour, la haine, la prière ou l’argent.
108Quand ils ont prêté serment, ils restent seuls. Ceux qui les ont choisis s’en vont.
109En leur présence, on expose l’affaire après une présentation décente et on les convainc d’élire des officiers prudhommes, craignant Dieu, fidèles à notre gouvernement et aimant le bon état de leur ville et ils jurent de pratiquer l’élection avec foi et sans se concerter. Chacun médite qui sont les bons, ceux qui sont préférables, les plus capables, et chacun est appelé, prête serment de le faire et remet par écrit la liste de ceux qu’il a choisis dans sa méditation solitaire, en disant : « Il me paraît, sous serment, que un tel est capable d’exercer tel office, et tel autre tel autre ». Ils le font tous successivement sans qu’aucun sache le choix des autres. Quand il a choisi, écrit ou fait écrire par le président, il ne retourne pas là où il a attendu avec les autres, mais on l’envoie en un lieu assez éloigné (...).
110On fait un autre scrutin : les électeurs étant réunis devant le président, on leur dit s’ils ont fait le choix de personnes plus nombreuses que le nombre des offices, pour savoir quels sont les meilleurs. On donne à chacun une petite pierre blanche et une noire et le président propose le choix entre deux seulement des élus et demande aux électeurs, sous leur serment, de dire le meilleur. Si Pierre est plus capable que Martin pour tel office, il pose la pierre blanche dans le sein du président, et noire en cas contraire. Aucun ne se concerte avec un autre, chacun médite dans le secret et vient poser secrètement sa pierre.
111Cela fait, le président trie les pierres ; si les blanches sont en plus grand nombre, il note l’élection de Pierre (...).
112Quand cela est fait, le président leur relate en silence la liste des élus et à quels offices.
113Quand ils sont élus, il les réunit et leur dit l’affaire, leur fait prêter serment de fidélité et de bien exercer leurs offices, puis il les confirme au nom de notre majesté.
114Mais, comme l’élection des juges à Messine se fait chaque année, de huit à dix selon les ordonnances de la cité, par le tirage au sort et non par élection, on divise les trente juges ou environ de la cité en trois listes et ceux qui sont juges une année doivent attendre deux ans. Le choix se fait ainsi : on établit dix feuilles. Sur chacune est écrit le nom d’un des dix sur qui tombe l’élection de l’année. Puis on roule finement la feuille de manière que le nom n’apparaisse pas et ces feuilles liées par un fil sont déposées dans une boîte couverte ou un bonnet.
115On établit ensuite dix feuilles dont cinq portent « élu » ou « juge » et cinq où rien n’est écrit, elles sont toutes roulées et liées et mises dans une autre boîte ou dans un bonnet.
116Le président, en présence des jurats et des prudhommes, convoqués avec le stratigot et les juges de l’année précédente, appelle un petit enfant ignorant de tout et trouvé par accident au dehors, et, dans le silence et après des paroles convenables, il dit à l’enfant : « Prends une des feuilles dans cette boîte ou bonnet », puis une autre de la seconde boîte ou bonnet (...). Si le mot « élu » ou « juge » y est écrit, celui dont le nom est sorti sera un des cinq juges de l’année. Si rien n’est écrit, il restera inoccupé.
117On fait la même chose pour les notaires, mais les feuilles des notaires sont plus nombreuses, car le nombre des notaires est supérieur (...).
118Nous vous ordonnons donc rigoureusement d’appliquer ce mode dans l’élection des officiers annuels de la cité de Palerme cette année et de le suivre tant dans la méthode que dans l’exécution, de manière inviolable.
119A Montalbano, sous notre anneau secret, le 12 septembre XIIe indiction.
120Source : Acta Curie Felicis Urbis Panormi, 1, Registri di Lettere Gabelle e Petizioni (1274-1321), éd. F. Pollaci Nuccio et D. Gnoffo, Palerme, 1892, p. 3-8. Traduit du latin.
121Présenté et traduit par H. Bresc
7 - La fin de la seigneurie du duc d’Athènes
122Au livre XIII de sa Chronique, Giovanni Villani consacre l’essentiel de son propos à la seigneurie qu’exerce sur Florence Gautier VI de Brienne (mort en 1356). Comte français élevé dans le royaume de Naples, veuf d’une nièce du roi Robert et duc d’Athènes, il est d’abord élu capitaine et conservateur du peuple en 1342, pendant la guerre pour le contrôle de Lucques, qui oppose les Florentins aux Pisans. Le duc d’Athènes profite des divisions intérieures pour se faire acclamer seigneur à vie par le popolazzo minuto, contre les prieurs et le popolo grosso, en s’appuyant sur une nobiltà qu’il mécontente rapidement. Les extraits du chapitre XVII choisis ici rapportent les mécanismes de l’insurrection urbaine qui conduit au renversement du duc. Le document figuré célèbre également la fin du tyran : emblèmes de la justice piétinés, modèle réduit du Palazzo Vecchio aux portes fortifiées par le despote, fuite du duc, emportant sous le bras l’effigie monstrueuse de la Proditio, à la manière des allégories siennoises de Lorenzetti. L’image, comme le texte, valorise l’unanimité retrouvée de la commune sous l’aspect des trois étendards rouges et blancs de la ville (le lys rouge de la cité guelfe, la bannière bicolore de la communauté de Florence et Fiesole, la croix du capitaine du peuple. Au centre, le format accordé à sainte Anne sanctionne la décision d’élever la mère de Marie en patronne spéciale, pour un nouveau culte politique attaché à la défense de la liberté. La fresque, avant d’être déposée et mise au palais de la Seigneurie, provenait de la prison des Stinche, construite autour de 1300 non loin du Bargello, dont Villani rapporte que la libération fut essentielle dans la marche de l’insurrection. Objet commémoratif apposé in situ, elle contribue comme le texte à façonner la conscience politique d’un épisode qui ne dura guère plus de dix mois, entre la fête de la Nativité de Marie 1342 et la sainte Anne 1343.
123Orientation bibliographique : Benvenuti A., « I culti patronali tra memoria ecclesiastica e costruzione dell’identità civica : l’esempio di Firenze », dans La religion civique à l’époque médiévale et moderne. Actes du colloque international (Nanterre, 21-23 juin 1993), sous la dir. d’A. Vauchez, Rome, 1995 (Coll, de l’EFR, 168), p. 99-118 ; Cassagnes-Brouquet S., Les couleurs de la norme et de la déviance. Les fresques d’Ambrogio Lorenzetti au Palazzo Pubblico de Sienne, Dijon, 1993 ; Donato M.M., « Un ciclo pittorico ad Asciano (Siena), Palazzo Pubblico, e l’iconografia ‘politica’ alla fine del medioevo », Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa, série III, XVIII, 3, 1988, p. 1105-1272 ; Le forme della propaganda politica nel Due e nel Trecento, sous la dir. de P. Cammarosano, Rome, 1994 (Coll, de l’EFR, 201) ; Meiss M„ La peinture à Florence et à Sienne après la Peste noire, Paris, 1994 ; Ortalli G., La peinture infamante du XIIIe au XVIe siècle, “... pingatur in palatio... ”, Paris, 1994 ; Porta G. « La costruzione della storia in Giovanni Villani », dans Il senso della storia nella cultura medievale (1100-1350), Actes du XIVe congrès international de Pistoia (1993), Pistoia, 1995, p. 125-138.
1. Chronique de Giovanni Villani
124Comment la ville de Florence se souleva et chassa le duc d’Athènes qui en était le seigneur (...) Tous les citoyens prirent les armes et partirent à pied et à cheval, entraînant derrière eux les gens du quartier et du voisinage, brandissant les étendards du peuple et de la commune, comme ils en avaient reçu Tordre, en criant : « A mort le duc et sa suite ! Et vive le peuple, la commune et la liberté ». Et sur l’instant, toute la ville fut bloquée et couverte de barricades au bout de chaque rue et de chaque quartier. Ceux du sestier situé sur l’autre rive de l’Arno, grands et popolani, prêtèrent serment entre eux et ensemble s’embrassèrent, et ils bloquèrent les têtes des ponts, avec l’idée que si toute la ville sur l’autre rive était perdue, ils résisteraient solidement de leur côté. (...) Les gens du duc, entendant le tumulte, prirent les armes et montèrent à cheval, et parmi eux, ceux qui le purent accoururent, au début, sur la place du palais au nombre de trois cents cavaliers ; pour les autres, certains furent pris et saisis dans leurs logements, assaillis dans les rues, abattus et désarçonnés, et arrêtés par les barricades, et dépouillés de leurs chevaux et de leurs armes. Au commencement, on vit arriver au secours du duc, sur la place des prieurs, quelques citoyens de ses amis, à qui il avait rendu service, qui n’étaient pas dans le secret de la conjuration (...) et qui criaient : « Vive le seigneur duc ! ». Mais comprenant que presque tous les citoyens s’étaient soulevés, pleins de haine contre lui, ils s’en retournèrent chez eux, et se mirent à la suite du peuple, à l’exception de messer Uguccione Bondelmonti, que le duc retint dans son palais avec les prieurs des arts qui s’y étaient réfugiés, comme garantie de sa personne. (...) Mais à la fin, les gens du duc qui se trouvaient sur la place, le soir même, ne purent plus résister, et sans rien pour tenir, abandonnant leurs chevaux, la plupart d’entre eux fuirent dans la partie du palais où se trouvaient le duc et ses barons, et quelques-uns se rendirent aux nôtres, en laissant leurs armes et leurs chevaux, et d’autres furent pris et blessés. (...)
125Telle fut la fin de la seigneurie du duc d’Athènes, qu’il avait par tromperie et traîtrise usurpée à la commune et au peuple de Florence, et telle la fin de son gouvernement tyrannique tandis qu’il en était le seigneur ; et tout autant qu’il trahit la commune, ainsi fut-il trahi par les citoyens. Le duc s’en alla plein de déshonneur et de honte, mais emportant beaucoup d’argent pris sur nous autres Florentins, aveuglés, comme dit le proverbe ancien, par nos vices et nos discordes, et nous laissant bien mal en point. Une fois le duc d’Athènes parti, la ville retrouva son calme et les habitants laissèrent leurs armes et les barricades furent ôtées, et les étrangers à la ville et les gens du contado s’en allèrent ; les boutiques furent réouvertes, et chacun revint à son métier et à son art. Lesdits Quatorze [sept grands et sept popolani élus le 28 juillet] cassèrent toutes les ordonnances et tous les décrets faits par le duc, mais ils confirmèrent les contrats de paix entre citoyens qu’il avait faits. Et il faut se souvenir que ledit duc s’était emparé par fraude et trahison de la liberté de la république de Florence le jour de notre Dame de septembre, sans respect pour sa fête. De même, par vengeance divine, pour ainsi dire, Dieu permit-il que les citoyens affranchis, par leurs bras armés, fissent la reconquête de cette liberté le jour de sa mère, madame sainte Anne, le XXVI juillet MCCCXLIII ; pour cette grâce, il fut ordonné par la commune que la fête de sainte Anne soit respectée comme Pâques à Florence, et qu’un office solennel accompagné d’une grande offrande soit célébré par la commune et tous les arts de Florence.
126Source : Giovanni Villani, Nuova Cronica, XIII, chap. XVII, éd. G. Porta, vol. 3, Parme, 1991, p. 332-333 et p. 341-342. Traduit de l’italien (toscan).
2. Sainte Anne et l’expulsion du duc d’Athènes

Peinture murale attribuée à Andrea di Cione (dit l’Orcagna, actif entre 1343 et 1368) ou à son frère Jacopo (mort entre 1398 et 1400), Florence, actuellement au palais de la Seigneurie.
(avec l'autorisation du service des musées communaux de Florence, tous droits réservés)
127Présenté et traduit par V. Rouchon Mouilleron
8 - L’approvisionnement de la Ville : la disette et la révolte populaire de février 1353
128La chronique de l’Anonimo romano a été rédigée en langue vulgaire entre 1357 et 1360. Son auteur, dont le nom était déjà perdu au XVIe siècle, était de famille noble et avait étudié la médecine à Bologne, selon les informations qu’il livre de lui-même dans son oeuvre. Laïc, cultivé, il raconte les événements romains entre 1325 et 1360 – les chapitres consacrés à Cola di Rienzo ont fait la célébrité de l’œuvre –, et élargit l’horizon à l’histoire italienne ou européenne. Le passage présenté ici relate un des nombreux épisodes de carestia (littéralement cherté des grains) qui scandent le premier XIVe siècle et dont l’auteur explique le mécanisme. Il souligne, ici comme dans d’autres chapitres de son œuvre, comment les grands propriétaires terriens et les producteurs de grains que sont les barons et les entrepreneurs agricoles contrôlent et réduisent l’approvisionnement du marché citadin pour augmenter les prix et accroître leurs profits. En février 1353, l’exportation illégale des grains par les deux sénateurs, Bertoldo Orsini et Stefanello Colonna, accusés de « tyrannie », provoque la cherté et, de conséquence, la révolte qui cause leur chute le 16 février. L’interdiction d’exporter et de commercer librement grains et légumineuses, attestée depuis les dernières décennies du XIIIe siècle, est répétée notamment par Cola di Rienzo en 1347 et dans les statuts de 1360 (L. II, r. 128-129). La punition divine infligée aux deux sénateurs qu’évoque l’Anonimo romano renvoie au fait qu’ils avaient été élus en 1352 à la suite d’une révolte et sans le consentement du pape qui les avait en outre excommuniés pour une affaire d’occupation illégale des salines d’Ostie.
129Orientation bibliographique : La Roncière C. de, « L’approvisionnement des villes italiennes au Moyen Age », dans L’approvisionnement des villes de l’Europe occidentale au Moyen Age et aux temps modernes, Flaran, V (1983), Auch, 1985, p. 33-51 ; Palermo L., « Carestie e cronisti nel Trecento : Roma e Firenze nel racconto dell’Anonimo e di Giovanni Villani », Archivio Storico Italiano, 521, 1984, p. 343-375 ; Id., Mercati del grano a Roma tra Medioevo e Rinascimento. I. Il mercato distrettuale del grano in età comunale, Rome, 1990 ; Id., Sviluppo economico e società preindustriali. Cicli, strutture e congiunture in Europa dal medioevo alla prima età moderna, Rome, 1997 ; Redon O. (avec Battaglia Ricci L., Beltrami R G., Brunet J., Grieco A. J.), Les langues de l’Italie médiévale, Tumhout, 2002 (L’Atelier du médiéviste, 8), en part. p. 75-80 ; Seibt G., Anonimo romano. Geschichtsschreibung in Rom an der Schwelle zur Renaissance, Stuttgart, 1992 (éd. it. par R. Delle Donne, Anonimo romano. Scrivere la storia alle soglie del Rinascimento, Rome, 2000).
130Comment le sénateur fut lapidé par les Romains ; des faits magnifiques qu’accomplit monseigneur Egidio Conchese d’Espagne, cardinal légat, pour récupérer le Patrimoine, la Marche d’Ancône et la Romagne
131A la mort du pape Clément [VI] fut élu le pape Innocent [VI], qu’on appela cardinal de Clermont, de l’habit de saint Pierre, prêtre séculier. Lorsque le pape Innocent fut élu, Dieu lui fit grande vengeance contre ceux qui lui avaient enlevé le sénat. On était dans le cours de l’année du Seigneur 1353, un samedi de février, pendant le carême. Une clameur monta subitement du marché de Rome : « Peuple ! Peuple ! » A cette voix, les Romains accourent de-ci de-là comme des démons, enflammés de la pire fureur. Ils lancent des pierres au palais [du Capitole] ; ils dérobent, spécialement les chevaux du sénateur. Quand le comte Bertoldo degli Orsini entendit la rumeur, il pensa s’enfuir et se sauver chez lui. Il s’arma de toutes ses armes, le casque brillant sur la tête, des éperons aux pieds comme un baron. Il descendait les marches pour monter à cheval. Les cris et la fureur convergent vers le malheureux sénateur. Plusieurs pierres et cailloux lui pleuvent dessus comme feuilles qui tombent des arbres en automne. Qui lui en lançait, qui lui en promettait. Le sénateur, étourdi par les nombreux coups, ne réussissait pas à se protéger sous ses armes. Il fut pourtant capable d’aller à pied jusqu’au palais, là où se trouvait l’image de sainte Marie. Là, tout près, sous la pluie de pierres, le courage lui manqua. Alors le peuple, sans miséricorde ni loi, dans ce lieu mit fin à ses jours, le lapidant comme un chien et lui jetant des cailloux à la tête comme à saint Etienne. Le comte quitta là cette vie, excommunié. Il ne proféra plus aucune parole. Mort qu’il était, abandonné. Chacun rentra chez soi. Son collègue sénateur, descendu honteusement le long d’une corde, enlaidi par un béret, le visage caché, s’enfuit du palais par une porte de derrière pour rentrer chez lui [en latin dans le texte]. La raison de tant de sévérité était que ces deux sénateurs vivaient comme des tyrans. Ils s’étaient déshonorés parce qu’ils exportaient du grain hors de Rome par la mer. Le grain était très cher. La canaille ne supportait ni la faim ni le jeûne. Le peuple affamé ne sait pas craindre. Il n’attend pas que tu lui dises : « Fais cela ». La cherté a ceci de particulier qu’elle a abattu de nombreux puissants. Ou la raison pourrait en être que Dieu ne permet pas que les choses de l’Eglise soient violées. Valère Maxime racontait déjà cela [I, I, Ext. 3]. Il cite l’exemple de Denys, tyran de Sicile, qui coupait les cheveux et les barbes d’or que portaient ses dieux, disant que les dieux ne devaient pas ressembler à des boucs barbus. Il fut puni pour cette honte qu’il fit à ses dieux, vécut le reste de sa vie dans la peur et, après sa mort, son fils tomba dans une telle misère qu’il vivait enseignant l’alphabet aux jouvenceaux. Peut-être ne savait-il rien de plus. Admire la merveille ! Dès que la mort du sénateur lapidé fut connue, la cherté subitement cessa dans le pays alentour et l’approvisionnement en grains fut de nouveau suffisant (...).
132Source : Anonimo Romano, Cronica, cap. XXVI, éd. G. Porta, Milan, 1979, p. 220-222. Traduit de l’italien (romain).
133Présenté et traduit par E. Hubert
9 - L’expression démocratique et son évolution : les conseils à Orvieto (XIIe-XIVe siècle)
134Comme dans d’autres villes de la péninsule, l’évêque d’Orvieto prend au XIIe siècle une part prépondérante dans le gouvernement de la cité. Le document 1 montre l’intervention du peuple, de manière informelle, dans les mécanismes de décision politique : l’autorité consulaire est solennellement sanctionnée, mais aussi limitée par l’acclamation populaire. Au siècle suivant, des conseils, désignés en fonction de leur importance numérique théorique, donnent des avis. Ils valident aussi des décisions juridiques et diplomatiques. Le dialogue échangé en 1232 entre le podestat d’Orvieto et Gottifredo de Prefetti, sous-diacre et chapelain de Grégoire IX chargé de négocier la paix entre Sienne et Orvieto, révèle la divergence des conceptions curiales et communales, sur les formes de validation populaire des promesses données par les officiers de cette ville. Si au XIIIe siècle, le podestat jouit encore d’une réelle autorité sur les conseils (c’est lui qui les convoque), au siècle suivant, cette initiative revient au capitaine et aux sept présidents du peuple. L’évolution vers un régime populaire favorise la multiplication des systèmes de représentation. Le besoin d’une autorité supérieure, susceptible d’équilibrer un jeu devenu très complexe, a comme solution alternative le recours à un régime seigneurial.
135Orientation bibliographique : Waley D., Medieval Orvieto. The political history of an Italian City-State, Londres, 1952 ; Ricetti L., La città costruita. Lavori pubblici e immagine in Orvieto medievale, Florence, 1992 ; Carpentier E., Une ville devant la peste. Orvieto et la peste noire de 1348, Bruxelles, 2e éd., 1993 ; Delumeau J.-P., « De l’assemblée précommunale au temps des conseils. En Italie centrale » et Redon O., « Parole, témoignage, décision dans les assemblées communales en Toscane méridionale aux XIIe-XIIIe siècles », dans Qui veut prendre la parole ?, sous la dir. de M. Detienne, Le genre humain, no 40, Paris, 2003, p. 213-227 et 243-255.
1. Privilège des consuls de l’évêque et du peuple d’Orvieto (1170)
136Au nom de Dieu, nous, Roberto et Guanalducio et Mazolo et Domenico, qui étions alors consuls d’Orvieto, ayant entendu les pétitions que Gueizo, maître du pont, et le peuple présentaient au sujet de la sécurité du pont et des biens meubles et immeubles qui avaient été donnés, sur l’avertissement de Rustico, évêque, et de son clergé et par acclamation populaire, voulant faire en sorte que l’on considère ce qui est en vue de l’honneur de la cité et du peuple entier, nous donnons telle sécurité : que quiconque voudra donner au pont ses biens meubles et immeubles, qu’il ait libre faculté de le faire, étant sauf le droit des bons hommes s’ils l’ont. Et si quelqu’un par ruse ou fraude voulait s’emparer des biens donnés à cet effet, qu’il compose pour le double et subisse en outre le ban des consuls. Moi, Rustico, évêque, et nous, consuls, concédons et confirmons avoir concédé tel privilège, que nous munissons du sceau pour qu’il demeure perpétuel, sans que à nous, au peuple ni à ceux qui nous succéderont dans le gouvernement de la cité, il ne soit jamais permis que soit entièrement révoqué ce qui une fois a plu à nous et au peuple tout entier. Que toujours ce privilège, qui fut fait l’an 1170 de l’incarnation de notre seigneur Jésus-Christ, troisième de l’indiction, au mois de février, le mercredi, demeure ferme et stable. Fait dans l’église Santa Maria, dans le chœur, heureusement.
137Moi, Rustico, évêque, je confirme les susdits statuts et j’anathématise quiconque voudrait s’emparer des biens donnés et autrement acquis, par force ou frauduleusement ; qu’il n’ait part au royaume de Dieu, mais qu’il demeure avec le traître Judas et avec Dathan et Abiron, à moins qu’il ne veuille racheter fortement ce qu’il aura pris, mais que la paix et la participation au royaume de Dieu, avec ses anges, soient à ceux qui l’observeront.
138Nous, consuls susdits avons demandé que soit fait ce privilège, sur monition de Rustico évêque. Nous, Barotan, Pietro de Baschi et Niccolo Acti, Paltonerio de Montecastello et Jacono fils de Menzo, et Sconvolto et Tebaldo Nonnati et Donadeo, fils de Ricolfo, fûmes témoins. Moi Pagno, prié d’écrire le registre, je souscrivis.
139Source : Fumi L., Codice diplomatico della città d’Orvieto, documenti e regesti dal secolo XI al XV, Florence, 1884 (Documenti di Storia italiana 8), réimp. anast. Orvieto, 1997, doc. XL, p. 27-28. Traduit du latin.
2. Dialogue entre l’envoyé du pape et le podestat d’Orvieto (1232)
140– Comme les lettres du seigneur pape sont adressées au podestat, au conseil et au peuple d’Orvieto, il me plaît qu’on lise ce qui a été dit au peuple et que votre réponse, comme elle a été présentée, soit faite au peuple présent.
141– Cela n’est pas nécessaire, parce que le conseil ici réuni gère au nom de tout le peuple, parce qu’il est la somme du petit et du grand conseil. Ici sont tous les officiers des arts et des quartiers assemblés ; c’est par eux que la cité est gouvernée ; tout ce qui est fait par eux est considéré comme ferme et invariable. Et ce qu’à nous, ici réunis, vous avez dit, vous l’avez dit à tout le peuple ; et ce que nous vous répondons, nous le disons, pour cette affaire, au nom de tout le peuple.
142Source : Fumi L., ouvr. cit., doc. CCII, p. 135-137. Traduit du latin.
3. Nomination d’un procureur (1247)
143Au nom du Seigneur amen. L’an 1247, quatrième de l’indiction, au temps du pape Innocent IV, le samedi septième avant la fin du mois de mai, cent des Deux-Cents conseillers du conseil, quatre des Vingt-Quatre consuls des arts et des sociétés, dans le palais de la commune d’Orvieto, au son de la corne et de la cloche, assemblés selon l’usage, le seigneur Andrea di Andrea di Gianno Parenti, par la grâce de Dieu consul des Romains et podestat de la cité, voulant, consentant et mandant le conseil susdit, ledit conseil dans sa totalité en lieu et nom de la commune et les susdits firent, créèrent, constituèrent et ordonnèrent maître Benvenuto, notaire, fils de feu maître Angelario, présent, syndic, acteur et procureur de ladite commune pour faire, recevoir et accomplir tout ce qui est précisé infra entre la commune d’Orvieto et la commune de Todi, pour accorder et recevoir rémission des torts, méfaits et dommages passés, promettre au syndic de Todi et recevoir de lui son engagement sur tous les chapitres à observer et accomplir par la commune et les hommes de Todi et de son district, à stipuler et promettre des peines judiciaires et à faire tout ce que ladite mission requerra opportun, promettant en nom et lieu de ladite commune et pour la commune, tenir pour invariable et ferme tout ce qui sera ordonné, fait et accompli par le susdit syndic et procureur en tout, pour tout et en particulier.
144[Suivent les chapitres]
145Ceci fut fait dans la cité d’Orvieto, dans le palais de la commune, présents le seigneur Adamo, juge de la commune, Guidone Cristofori, chancelier de la commune, Benvenuto di maestro Angelario, Federico Massei et Federico Ranaldi, Guidone di Raniero Tudini, notaires, Guidone Bettolo et Orvetano, crieurs de la commune ; et moi Amadore di Ruggero, notaire constitué, maintenant de la commune d’Orvieto, je fus présent et ce qu’on lit supra je l’écrivis sur mandat du seigneur podestat et du conseil.
146Source : Fumi L., ouvr. cit., doc. CCLXXIII, p. 177-179. Traduit du latin.
4. Ratification d’une donation entre vifs (1264)
147Au nom de Dieu, amen. L’an 1264, septième de l’indiction, au temps du seigneur Urbain pape quatrième, le lundi 2 juin, une fois assemblés le conseil général et spécial de la cité d’Orvieto, les consuls des arts et des sociétés et leurs conseillers et représentants des quartiers par les crieurs de la commune, au son des trompes et de la cloche, comme c’est coutume, au palais Monaldeschi, où demeure la cour, sur ordre du seigneur Giovanni de Malacia, juge de la commune d’Orvieto et vicaire du seigneur Berardino di Pietro Rossi, podestat de la cité, présent audit conseil le seigneur Giovanni, capitaine du peuple et de la commune d’Orvieto, avec ses anciens, fut exposé par ledit Giovanni, juge, que, le seigneur Manfredo Lancea ayant transmis, par donation entre vifs, à noble Manfreducio, son neveu, toutes les possessions et biens qu’il avait achetés à Orvieto, afin que ledit Manfreducio l’assiste de ses conseils et faveurs dans tout ce qui regarde ladite cité, il plaise au podestat, au capitaine, au conseil et à la commune de confirmer ladite donation ; de plus, ledit Manfredo voulant donner à son neveu, [sur ses biens] dans la cité et son district, 1.000 livres tournois d’acquêt (in acquesto), afin que la commune d’Orvieto serve les biens de l’un et de l’autre, qu’il plaise audit conseil dire et exposer à ce sujet et à chacun son conseil. Après délibération, il plut à tous ceux dudit conseil que ladite donation faite par ledit Manfredo Lancea audit Manfreducio, son neveu, soit ratifiée, pourvu que ledit Manfreducio jure sur les saints évangiles de tenir et posséder lesdits biens, sous les pactes et conditions auxquels ledit seigneur Manfredo était tenu et sous le service pour lequel il était tenu envers la commune d’Orvieto pour lesdits biens, nonobstant la susdite ratification.
148Fait dans ledit palais de la cité, présents Orvetano et Rascla, crieurs de la commune, témoins. Moi, Matteo di Giovanni Jacobino, notaire apostolique, ledit instrument, écrit d’abord de la main dudit Bartolomeo notaire, avec les souscriptions susdites, et ensuite de la main d’Ugolino Lei, notaire, j’écrivis fidèlement et j’y ai apposé mon signe.
149Source : Archivio di Stato d’Orvieto, inédit ; analyse par Fumi L., ouvr. cit., doc. CCCLXXXVII, p. 240. Traduit du latin.
5. Conseil et luttes civiles (milieu du XIVe siècle)
150En 1342, le 25 novembre mourut Monaldo di Bonconte et Benedetto di messer Bonconte demeura seigneur d’Orvieto. En ce temps, les fils de messer Ermanno [Monaldeschi, mort en 1337] et de messer Berardo Monaldeschi della Cervara étaient dans leurs châteaux ; mais ils ne faisaient pas la guerre à la commune d’Orvieto. Les premiers étaient dits Beffati ; les autres Monaldeschi et leurs fauteurs étaient dits Malcorini.
151Le 4 décembre, le jour de Santa Barbara, on fit dans le palais du peuple un conseil de consuls, des Quarante et d’autres hommes spécialement appelés. On fit et décida que la paix serait faite. Il y avait l’évêque [Beltramo, oncle de ceux qui suivent], les fils de messer Ermanno, les fils de messer Berardo et d’autres personnes, qui y étaient pour leurs affaires et leur faveur auprès d’Orvieto et qui revenaient dans la cité. On décida ainsi, dans ledit conseil, que quiconque tuerait serait mis à mort et que l’avoir ne changerait pas la personne ; que personne ne devrait porter d’armes offensives ; que l’on pourrait déclarer que tout homme trouvé avec l’épée paierait 3 livres et pour tout autre trouvé avec un couteau, 25 livres. Et il fut décidé dans ledit conseil que messer Matteo [Orsini, beau-frère de Benedetto di messer Bonconte] serait conservateur de la paix et qu’il aurait telle autorité (arbitrio) durant cinq ans et qu’il pourrait faire et défaire ce qu’il voudrait et ce qu’avait fait le présent conseil. Et c’est ainsi que s’établirent les paix, ce jour, avec les fils de messer Ermanno et de messer Berardo. Ce fut l’autorité qu’ils donnèrent à messer Matteo ; et ils le firent pour freiner les fils de messer Ermanno et de messer Berardo della Cervara.
152Source : Anonyme, Discorso historico degli accidenti di Orvieto, éd. L. Fumi, Ephemerides Urbevetanae dal codice Vaticano Urbinate 1745, dans RIS2, XV, V, Città di Castello, 1903, p. 4. Traduit de l’orviétain.
153Présenté et traduit par A. Jamme
10 - Formes et problèmes de la domination pontificale en Italie centrale
154Les dictatus pape de 1075 qui affirmaient la supériorité de l’évêque de Rome sur toute forme d’autorité terrestre, son droit de juger et de déposer rois et empereurs, avaient fait de la papauté une institution anomale en établissant une symbiose entre corps politique et corps ecclésiastique. Consciente, qu’au-delà de ses prétentions universelles, la principale garantie de son indépendance politique immédiate résidait dans la formation et la gestion d’un espace propre, la papauté revendiqua à partir de la deuxième moitié du XIIe siècle la possession des territoires promis par les carolingiens. Avec Innocent III, elle obtint des succès tangibles, mais sur des bases fragiles. L’affrontement ultérieur entre Empire et Eglise permit aux communes d’obtenir de part et d’autre la confirmation de privilèges de plus en plus étendus. Ainsi s’opéra une distinction juridique entre souveraineté éminente et souveraineté directe, qui assura l’autonomie politique d’un grand nombre de communes, considérant le gouvernement provincial non comme un élément structurant la vie politique régionale, mais comme un simple intervenant dans cette même vie politique, tour à tour allié ou adversaire.
155Orientation bibliographique : Waley D., The Papal State in the Thirteenth Century, Londres, 1961 ; Mollat G., Les papes d’Avignon (1305-1378), Paris, 1965 ; Sansi A., Storia del comune di Spoleto dal XII al XVII, rééd. Pérouse, 1972 ; Reydellet-Guttinger C., L’administration pontificale dans le Duché de Spolète (1305-1352), Florence, 1975 ; de Vergottini G., « Il papato e la comitatinanza nello Stato della Chiesa (secoli XIII - XV) », dans Scritti di storia del diritto italiano, éd. G. Rossi, vol. 1, Milan, 1977 ; Waley D., « Lo Stato papale dal periodo feudale a Martino V » et Maire Vigueur J.-C., « Comuni e Signorie in Umbria, Marche e Lazio », dans Comuni e Signorie nell’Italia nordorientale e centrale : Lazio, Umbria e Marche, Turin, 1987 (Storia d’Italia, VII) ; Società e istituzioni dell’Italia comunale : l’esempio di Perugia (secoli XII-XIV) (Congresso Storico Internazionale, Pérouse, 6-9 nov. 1985), 2 vol., Pérouse, 1988 (Deputaz. di Storia Patria per l’Umbria, Perugia) ; Ermini G., Scritti storicogiuridici, éd. par O. Capitani et E. Menestò, Spolète, 1997 ; Dal Patrimonio di San Pietro allo Stato Pontificio. La Marca nel contesto del potere temporale, sous la dir. d’E. Menestò, Spolète, 2000 (1ère éd. Ascoli Piceno, 1991) ; Innocenzo III. Urbs et Orbis. Atti del Congresso Internazionale, Rome, 9 - 15 sept. 1998, sous la dir. d’A. Sommerlechner, 2 vol., Rome, 2003 (Miscellanea della Societa Romana di Storia Patria, 44 - Nuovi studi storici, 55).
1. Lettre d’innocent III au peuple de Pérouse (1198)
156Innocent, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu. A nos chers fils, [blanc] podestat et peuple de Pérouse, salut et bénédiction apostolique.
157La chaire apostolique (apostolica sedes), qui, selon la volonté du Seigneur, est mère et maîtresse de tous les fidèles, a pour habitude d’honorer de sa grâce ses fils spéciaux, afin de les incliner avec ardeur à sa dévotion et de les inviter diligemment à son service. Donc, nous qui, par miséricorde divine, présidons à ce saint siège, bien qu’immérité, remarquant la pureté de la dévotion et de la foi que vous portez à votre mère et maîtresse, la sacro-sainte Eglise romaine, fléchi en outre par vos prières, que, parmi celles de nos autres fidèles, nous aimons d’une affection singulière, nous prenons la cité de Pérouse, que l’on sait lui appartenir par droit et propriété, avec ses appartenances, maintenant acquises et à acquérir désormais légitimement, sous notre protection et celle du bienheureux Pierre ; et nous publions, sous le patronage du présent écrit, que jamais vraiment nous ne l’aliènerons, mais toujours nous prendrons soin de la retenir dans nos mains.
158D’autre part, nous vous confirmons par autorité apostolique le consulat avec sa juridiction, concédant que pour ceux qui sont sujets à sa juridiction, il sera libre d’appeler légitimement au podestat ou au consul qui seront en charge. Nous sommes également amené à approuver vos anciennes et récentes coutumes, conformes à la raison et communément observées, sauf pour la justice, dans tout [ce qui relève] également de l’autorité du siège apostolique, et de la liberté, sous toutes ses formes, des églises.
159Que donc nul homme en général ne se permette de briser cet écrit de protection, de confirmation et de concession ou de lui contrevenir par un téméraire forfait. Si quelqu’un présumait d’attenter à cela, il se saurait passible de l’indignation de Dieu omnipotent et de ses apôtres saints Pierre et Paul.
160Daté de Todi, le 6 des nones d’octobre, la première année de notre pontificat.
161Source : Bartoli Langeli A., Codice diplomatico della città di Perugia. Periodo consolare e podestarile (1139-1254), 3 vol., Pérouse 1983-1991, t. 2, doc. 21, p. 46-48. Traduit du latin.
2. Privilège accordé par le légat à la cité de Spolète (1247)
162Nous, Ranieri [Capocci], par la miséricorde divine cardinal diacre de Sainte-Marie-in-Cosmedin, régent pour le seigneur pape dans le Patrimoine de l’Eglise en Toscane, le Duché de Spolète et la Marche d’Ancône, faisons savoir à tous ceux qui ces présentes lettres verront, qu’afin d’obtenir la conversion des Spolétains à l’obéissance, leur dévotion et leur fidélité à la sainte Eglise romaine, afin qu’ils reviennent en son giron, afin que leurs et nos volontés s’assemblent, nous avons décidé d’entendre leurs pétitions, dans la mesure du pouvoir qui nous est concédé. Incliné par leurs requêtes, nous les avons pris sous notre protection spéciale, leur concédant dès qu’ils sont revenus et ont persévéré dans la fidélité et la dévotion à l’égard du siège apostolique, par l’autorité qui nous est donnée, ce qui est exprimé infra :
163C’est-à-dire, en premier lieu, nous leur conserverons tous les biens (tenimenta), châteaux et droits qu’ils eurent autrefois et tinrent régulièrement avant que ne s’élève la querelle entre l’Eglise romaine et Frédéric, maintenant déposé, autrefois empereur des Romains, comme on déclare ci-dessous [suit la liste des châteaux, rocche, villages, lieux-dits et confronts du contado, soit trente et un toponymes], ainsi que tous les châteaux, villes, lieux et hommes se trouvant entre lesdits lieux et la cité de Spolète, concédant et confirmant les biens communs à la commune de Spolète et les biens particuliers aux personnes privées persistant dans la fidélité à l’Eglise, et toutes leurs bonnes coutumes.
164En outre, nous concédons à ladite commune tous les droits qu’elle a dans [sept autres] châteaux [situés au nord du lac de Piediluco].
165De même, nous concédons à ladite commune de Spolète toute la Terre des Amulfs, le Val Peracle, le château de Castelritaldi, la Normandia, l’abbaye de Ferentillo et le château de Collestatte, comme ils l’eurent autrefois et le tinrent, avant que ne soit concédée par l’abbé de Ferentillo la terre de l’abbaye à l’Eglise romaine.
166En outre, nous concédons à ladite commune tous les droits que la commune de Foligno a dans le château de Trevi ; nous concédons aussi à la commune les châteaux de Giano, Castagnola, Montecle et Macciano [à l’ouest du contado] avec leurs hommes et leurs biens.
167De plus, nous promettons à ladite commune de Spolète que l’Eglise romaine, ou ses officiers, ne recevront pas les traîtres de l’Eglise et de la commune de Spolète dans la grâce de l’Eglise, sans la volonté de la commune, entendant par traîtres ceux que la commune de Spolète désignera comme traître et suspect.
168Nous concédons également à la commune de Spolète libre faculté d’établir des statuts, de la manière accoutumée, ainsi qu’ils faisaient jusqu’à ce jour, en demeurant dans la fidélité de l’Eglise, et aussi d’élire les podestat et officiers catholiques, comme ils faisaient en ce temps et de la manière qu’il plaira à ladite commune ; et que toutes les plaintes en première instance (questiones principales) soient traitées à la cour de Spolète ; et que cette cour de Spolète puisse avoir connaissance des causes jusqu’à 100 livres lucquoises, selon le chapitre des statuts de Spolète.
169En outre, nous remettons à la commune de Spolète toutes les offenses, peines et condamnations imposées par les officiers de l’Eglise romaine.
170De même, nous quittons et absolvons ladite commune de toutes les sommes dépensées à ce jour par l’Eglise romaine pour ladite commune de Spolète ou à cause d’elle, tant pour la fortification et défense de leur cité que pour la garde des châteaux. Toutefois, dans le cas où une quelconque quantité d’argent aurait été spécifiquement donnée par l’Eglise ou par ses officiers à une personne de Spolète, elle pourra tout spécialement demander et exiger cet argent.
171De même, nous concédons à ladite commune de Spolète que l’Eglise romaine ne fera, ni ne fera faire, dans la cité ou le district, un nouveau château ou tour ou palais ; un château réalisé sera tenu pour tel, mais l’Eglise ne le tiendra pas sans la volonté de la commune de Spolète.
172En outre, nous concédons à ladite commune que pour la réfection ou la reconstruction des palais, tours et maisons autrefois détruites par les officiers et représentants du déposé Frédéric, pour lesquels la commune n’est pas tenue en son nom, que pour cette raison personne ne puisse molester, inquiéter ou grever ladite commune.
173De plus, nous concédons à ladite commune qu’elle ne sera pas tenue de faire le service d’ost en dehors du Duché, ni ne sera tenue à plus de huit jours de service à l’intérieur de la province, sauf sur volonté de la commune ; aucun appelé de la cité de Spolète ne pourra s’en retirer sans la volonté de la commune de Spolète ou du conseil général, ou de la plus grande partie du conseil, les traîtres à la commune exceptés, étant entendu par traîtres ceux qui sont considérés comme tels par la plus grande partie des conseils de Spolète.
174Et de cela nous en faisons notre privilège à la commune de Spolète, privilège qui devra être confirmé par le seigneur pape et ses frères et durera tant que les Spolétains demeureront dans la fidélité et la dévotion à l’égard du saint siège.
175En témoignage, nous avons fait munir le présent privilège de notre sceau. Daté de Narni, ides de novembre, an V du pontificat d’innocent IV [confirmation pontificale accordée de Lyon le 20 mai].
176Source : Sansi A., Documenti storici inediti in sussidio allo studio delle memorie umbre, Foligno, 1879, doc. 42, p. 288-290. Traduit du latin.
3. Rapport adressé par le recteur du Patrimoine de Saint-Pierre à Jean XXII (1320)
177Très saint et bienheureux père dans le Christ et Seigneur, seigneur Jean par provision divine pape XXIIe, pontife suprême de la sacro-sainte Eglise romaine et universelle, Guicto [Farnese], par sa grâce et celle du saint siège, évêque d’Orvieto, vicaire du Patrimoine de Saint-Pierre in Tuscia (...). Afin que votre sainteté reçoive pleine information de l’état du Patrimoine, je transmets à votre sainteté un cahier dans lequel on décrit, premièrement, les cités, deuxièmement les châteaux et forteresses de l’Eglise, troisièmement, les autres ; à chaque fois, l’état, la condition, les invasions [dont ils sont victimes], les obéissances et désobéissances de chacun d’entre eux ainsi que les remèdes ; quatrièmement, certains revenus et bénéfices.
178La cité de Viterbe. Cette cité est sujette à l’Eglise romaine pour les procurations, qu’elle paye bien ; elle ne verse pas le fouage (focatico) et la taille, depuis longtemps, par désuétude. La podestaria ou seigneurie (dominium) de cette cité relève immédiatement de l’Eglise romaine par sentence lancée contre eux. L’office de cette podestaria est diminué et affaibli par l’office des Huit bons hommes, que l’on élit sous couleur de gouverner le peuple, en vérité pour se soustraire à l’office du podestat ; de même, pour le défenseur, que l’on élit sous couleur de défendre le peuple, en réalité pour diminuer l’office du podestat. Le défenseur a l’office le plus important, puisqu’on ne peut faire conseil, délibérer ou ordonner des dépenses sans lui. Il est presque totalement le seigneur de la cité. Bien que l’office de défenseur ait été prohibé dans le Patrimoine par les constitutions du seigneur Urbain [IV] de bonne mémoire, néanmoins Silvestro di Raniero Gatti occupa cet office, comme autrefois l’avait occupé le préfet [de Rome], Il dit avoir obtenu confirmation et licence de Guillaume [Coste], ancien recteur. Le peuple est assez versatile et mal disposé. Il reçoit le préfet contre la sentence et le mandat dudit Guillaume et contre mes interdiction et précepte.
179Elle est tenue de verser pour la procuration, à l’entrée en charge du recteur et chaque année en cas de visite, 100 livres paparines, et pour la taille, 200 livres paparines, qu’elle ne solde pas.
180Remède : il conviendrait que par lettres spéciales du seigneur pape on casse le défenseur et ces Huit. Que jamais on n’use de ces offices sous peine de graves sanctions et qu’à l’avenir jamais ils ne puissent être élus ; ils ne craignent en effet ni la cassation ni l’interdiction faites sur ce point par les constitutions, ni le recteur.
181La cité de Toscanella. Cette cité est et doit être immédiatement sujette à l’Eglise romaine ; la cour générale du Patrimoine eut pour coutume d’y faire parfois résidence en hiver. Elle répondait alors en tailles, fouage, procurations, pour les principales causes, et en appel, tant au civil qu’au criminel. Mais les Romains, du temps du seigneur Boniface [VIII] de bonne mémoire réunirent une grande armée contre la cité ; par la violence, ils se réservèrent la podestaria, un cens de 1.000 livres, l’annone et tout le reste. Depuis ce temps, non seulement ils ne répondent pas à la cour générale du Patrimoine pour ces choses, mais en outre grâce au soutien des Romains, ils font à cette cour et aux terres circonvoisines de multiples dommages, torts et offenses et reçoivent même les Romains à cet effet. Que cette cité soit très utile, voire presque indispensable, à la cour du Patrimoine est certain, d’abord parce qu’elle est située presque au centre du Patrimoine, ensuite parce que le lieu est fertile et plus pratique pour l’hiver que le château de Montefiascone. Ses citoyens secoueraient volontiers le joug des Romains et reviendraient à la sujétion de la sainte Eglise si on les défendait contre eux ; de cela ils requirent secrètement l’évêque d’Orvieto. Questionnés et sollicités par lui, ils dirent qu’ils lui donneraient volontiers l’entrée de la cité s’il pouvait les défendre.
182Ils sont tenus, de la même manière, pour la procuration à 50 livres paparines, annuellement, pour le fouage, à 160 livres, pour la taille des cavaliers, à 80 livres paparines.
183Elle est désobéissante en tout.
184(...) La cité de Narni. Désobéissante. Cette cité depuis longtemps ne répond plus, ni en tailles, ni en procurations, ni pour le cens, depuis vingt-huit ans déjà. Pour tout le reste et pour d’autres choses, c’est-à-dire pour les appels et les principales causes civiles et criminelles, elle eut coutume jusque-là de répondre. Elle occupa le castrum de Miranda, qui appartient à l’Eglise, il y a sept ans déjà, le tint et le détient et en perçut les fruits. En conséquence, on procéda contre eux au spirituel et au temporel. Ils furent placés sous interdit qu’ils choisirent d’observer. Puis, ils se soumirent, tout en affirmant que ce n’était pas de droit. La cité prétend ne pas relever du Patrimoine et pour cette raison, elle fait appel de tout. Conseillés par moi, poussés par leurs craintes, ils veulent racheter tout ce qu’ils doivent et ont transmis leur syndic aux pieds de votre sainteté.
185Remède : que votre haute sainteté déclare que la cité relève du Patrimoine et qu’elle précise que leurs appels, par delà leur sujétion [au recteur], ne sont pas admis. Il est à prévoir encore de procéder contre eux au temporel, par armée et chevauchée, à moins qu’ils n’obéissent aux mandats de votre sainteté.
186La cité de Rieti. Cette cité est la dernière du Patrimoine avant le royaume [de Sicile] ; elle prétend ne pas relever du Patrimoine, et ne devoir à l’Eglise qu’un cens de 30 livres d’ancienne monnaie, qu’elle ne paya que l’an passé. Pour le reste elle ne répond pas ; en conséquence, j’ai procédé contre eux au spirituel et au temporel et posé l’interdit qui y est observé. Les gens sont mauvais et versatiles. Ils s’opposèrent à leur évêque, mais se déchirent aussi entre eux. De la manière dont ils firent un « nouveau peuple », ils expulsèrent quelques guelfes, qui rappelés, refusèrent de revenir sans avoir obtenu certaines garanties, que l’on ne connaît pas précisément. Finalement, comme la cité fut cachée par Rea, fille de Jules César, condamnée pour adultère, elle et ses citoyens sont coupables, puisqu’en eux le nom est bien la conséquence de leur faute [jeu sur les mots Reatini et reato signifiant coupable].
187Ils doivent chaque année pour le cens 30 livres de provinois noirs.
188La cité de Todi. Désobéissante. Cette cité est la dernière du Patrimoine avant le Duché [de Spolète] et prétend ne pas relever du Patrimoine. Elle ne répond en rien depuis longtemps, même si autrefois elle répondait en tout. Elle relève du Patrimoine ainsi qu’il est contenu dans la décrétale De iure iurando venientes. En conséquence de leur refus d’obéissance, le seigneur Guillaume [Coste, ancien recteur] procéda contre eux au temporel et au spirituel. Au spirituel, ils s’en moquent, car ils n’observent pas l’interdit. Au temporel rien ne fut entrepris ; car moyennant une petite somme d’argent, à ce qu’on dit, tout fut annulé. Moi, en revanche, je procède.
189Ils doivent pour la taille, même s’ils ne répondent en rien, 200 livres paparines.
190Remède : que votre sainteté déclare qu’ils relèvent du Patrimoine et que leurs appels par delà leur sujétion [au recteur] ne sont pas admis. Ceci étant fait, qu’on fasse contre eux exécution au temporel.
191(...) La cité d’Orvieto. Cette cité, à cause de sa puissance, ne répond en rien ou presque ; et cela fait longtemps qu’elle ne répond pas, car la curie romaine eut coutume d’y résider fréquemment. Ils refusent de réintégrer les exilés (exititios), surtout parce que ceux-ci ne les attaquent pas. Elle est régie par des tyrans, dont, en ce qui concerne la tyrannie, je suis adversaire, par sens de la justice. Le capitaine [ou recteur du Patrimoine] a cependant d’eux faveur et aide, si bien que les autres [provinciaux] m’obéissent par crainte d’eux.
192Ils sont tenus, de semblable manière, pour la procuration à 100 livres de Cortone, pour la taille, à 200 livres paparines. En cela ils ne répondent pas (...).
193La somme des fouages (focatici) qu’il était autrefois coutume de percevoir chaque année est de 1.092 livres, desquelles, à la suite des désobéissances des communautés susdites, on reçoit présentement environ 700 livres paparines.
194La somme des tailles qu’il était annuellement coutume d’exiger autrefois est de 2.070 livres paparines, desquelles à cause des désobéissances des susdites communautés, on reçoit 1.050 livres.
195La somme des procurations qu’il était autrefois coutume d’exiger est de 1.092 livres, 11 sols et 8 deniers paparins, desquels on lève à cause des désobéissances des susdites communautés 850 livres. Il faut savoir, très saint père, que cet argent des procurations est soldé à l’entrée en charge du recteur ; ensuite, il n’est versé annuellement que si le lieu concerné est visité par le recteur ; maintenant à cause de la grande compagnie que le recteur doit conduire, en plus de sa familia habituelle, ladite procuration est affectée aux dépenses (...).
196Et sachez, très saint père, que [les Romains] envoient lettres, mandats et compagnies de cavaliers pour commettre des extorsions et soumettre les fidèles de la sainte Eglise romaine, comme ils firent lorsqu’ils s’emparèrent de Toscanella et d’autres terres, au moins trois ou quatre fois par an. A la suite de quoi les habitants du Patrimoine sont dans un tel désespoir que, si on ne les défend pas, ils se soumettront totalement aux Romains et la sainte Eglise n’aura plus rien à faire à l’avenir dans la province. Néanmoins à la défense desdites terres je m’emploie virilement et contre eux je fais des procédures judiciaires.
197Source : Antonelli M., « Una relazione del vicario del Patrimonio a Giovanni XXII in Avignone », ASRSP, 18, 1895, p. 453-467, extrait des premier et quatrième points. Traduit du latin.
198Présenté et traduit par A. Jamme
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Séjourner au bain
Le thermalisme entre médecine et société (xive-XVIe siècle)
Didier Boisseuil et Marilyn Nicoud (dir.)
2010
Le Livre de saint Jacques et la tradition du Pseudo-Turpin
Sacralité et littérature
Jean-Claude Vallecalle (dir.)
2011
Lyon vu/e d’ailleurs (1245-1800)
Échanges, compétitions et perceptions
Jean-Louis Gaulin et Susanne Rau (dir.)
2009
Papauté, monachisme et théories politiques. Volume I
Le pouvoir et l'institution ecclésiale
Pierre Guichard, Marie-Thérèse Lorcin, Jean-Michel Poisson et al. (dir.)
1994
Papauté, monachisme et théories politiques. Volume II
Les Églises locales
Pierre Guichard, Marie-Thérèse Lorcin, Jean-Michel Poisson et al. (dir.)
1994
Le Sol et l'immeuble
Les formes dissociées de propriété immobilière dans les villes de France et d'Italie (xiie-xixe siècle)
Oliver Faron et Étienne Hubert (dir.)
1995