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Conclusion générale

p. 185


Texte intégral

1Louis II a été sévèrement jugé : « jeune prince né sans talents et avec un caractère faible », « incapable », etc.55. Vu de près, il apparaît tout autre. Aucun des quatre princes et princesses qui font l’objet de cette étude ne peut être considéré comme médiocre, surtout pas la brillante Yolande d’Aragon. Ils ont tous appliqué leur volonté à bien faire leur métier de roi ou de reine, avec plus ou moins de bonheur dans des circonstances extrêmes, et quelles qu’aient été leurs limites, ils n’ont jamais renoncé à maintenir leurs territoires et à défendre leur majestas et l’idée qu’ils avaient de la res publica. Le roi René, qui leur succède, aura des atouts qu’ils n’ont pas eus : la longévité d’abord, car si les femmes ont vécu jusqu’à la soixantaine, Louis II est mort à quarante ans et Louis III, à trente et un ans ; la fin du conflit franco-anglais et la réconciliation avec Bourgogne ; enfin, et paradoxalement, la perte du royaume de Naples, désastreuse sans doute pour leur image, va soulager leurs autres possessions.

2Pour autant, y a-t-il eu un État angevino-provençal, et, qui plus est, un État moderne ? Et quels critères invoquer pour répondre à cette interrogation ? La possession d’un territoire pendant un certain temps d’abord : les princes ont maintenu, en dépit de tout, l’union des « pays de par deçà » – Anjou, Maine et leurs marges – et des « pays de par delà » – comtés de Provence et de Forcalquier – pendant près d’un demi-siècle ; ensuite, la volonté du roi de légiférer, en enregistrant les coutumes, mais surtout en allant au delà avec une législation novatrice ; et c’est bien ce qu’ont fait Louis II et Louis III. Quant au critère de la dépersonnalisation du pouvoir, il semble aussi vain de l’invoquer que la désacralisation pour une monarchie qui a eu besoin du sacre pour s’imposer et qui ne néglige pas le culte royal ; cependant l’absence du roi, la création de vice-royautés, et l’intronisation de pouvoirs de substitution ne peuvent manquer de favoriser cette évolution. Même s’ils peinent à s’imposer, les officiers supérieurs, les gens des Comptes et surtout le Parlement et le Conseil Éminent incarnent le pouvoir. Encore archaïque à certains égards, traînant des structures « informelles », l’État angevino-provençal a bel et bien existé, et a pris le chemin de la « nouveauté », chère à Louis III, qui désoriente ses sujets, mais ne détruit pas leur attachement56.

Notes de bas de page

55 Abbé Papon, Histoire générale de la Provence, t. III, 1784, p. 288. E.-G. Léonard, Les Angevins..., op. cit., p. 481.

56 A. Rigaudière, « Loi et état de la France du bas Moyen Âge », dans L'État moderne : le droit, l’espace et les formes de l'État, pub. N. Coulet et J.-Ph. Genet, Paris, 1990, p. 33-59.

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