Chapitre V. Les serviteurs du prince
p. 129-164
Texte intégral
I. LA RECHERCHE DE LA SYNTHÈSE : CONSEIL ET CONSEILLERS
1S'il est un lieu du pouvoir où se perçoit la recherche d’une synthèse des territoires des princes d’Anjou-Provence, c’est le conseil : là siègent côte à côte des Angevins, des Provençaux, des Manceaux, des Italiens et autres venus d’ailleurs. C’est le même conseil, réalisant son unité autour du prince, qui s’occupe des affaires de l’apanage et des comtés méridionaux. C'est de lui que part l’impulsion indispensable à tout régime. Cette recherche, si elle naît de la volonté princière, se déploie empiriquement au gré des événements et sous la pression des circonstances. Chacun des membres de la deuxième Maison d’Anjou-Provence a créé des conseillers et utilisé le conseil à sa manière. Mais certains conseillers durent d’un règne à l’autre. Reste à savoir si la politique se fait au conseil et si être conseiller qualifie pour jouer un rôle au sein de la principauté.
A. Les conseillers : les « silentiaires »
2L’homme que les documents qualifient de consiliarius regius ou de consiliarius noster et que Louis II chérira tout particulièrement comme silentiarius a été« retenu à conseil », ce qui le distingue de ceux qui n’ont pas été choisis, librement ou non1, ainsi qu’on peut le voir au cours des cérémonies qui jalonnent l’itinéraire des princes.
3Du 8 juin 1385 au 11 décembre 1386, la reine Marie assiste en personne, avec le jeune Roi, ou se fait représenter, dans le Comtat, et les comtés de Provence-Forcalquier, à environ soixante-quatorze séances de prestation d’hommages, au cours desquelles elle est entourée et servie par : trente-huit conseillers (ou en instance de l’être) et quatre-vingt-quatre non-conseillers. Mais, alors que l’écrasante majorité des non-conseillers (soixante-quatorze sur quatre-vingt-quatre) ne sont présents qu’une seule fois, la plus grande partie des conseillers assiste à plusieurs séances. Ce qui s’explique aisément par des causes locales et circonstancielles (présence de cardinaux et d’évêques à Avignon et à Villeneuve, et de bourgeois dans telle ou telle ville) pour les non-conseillers, qui ne suivent pas les princes dans leurs déplacements. Ce schéma se retrouve avec quelques nuances dans la tournée qu’effectue Louis II, adulte, en Provence, en 1406-1407 : en vingt-cinq séances, on compte quarante conseillers et quarante neuf non-conseillers ; Avignon ayant disparu du décor, les ecclésiastiques sont rares, quarante-trois sur quarante-neuf non-conseillers ne sont là qu’à une séance, la majorité des conseillers assistant, elle, à plusieurs cérémonies2. Ce n’est qu’apparemment que Marie de Blois s’entoure de plus de non conseillers que son fils : elle a plus usé du faste des grandes assemblées, mais la méthode est analogue : beaucoup de spectateurs et peu d’acteurs. On pourrait dire : beaucoup d’appelés et peu d’élus, mais ce serait inexact : un non-conseiller peut devenir conseiller d’un jour à l’autre.
4La « retenue » est notifiée à l’intéressé par lettre et elle devient effective avec le paiement d’une pension ou de gages. Certains élus sont qualifiés de « familiers et conseillers », d’autres seulement de « conseillers ». Ils sont en droit d’attendre la protection du prince, la restitution de leurs biens (en cas de ralliement lors de la guerre de la Ligue d’Aix), et même un office. À l’inverse des conseillers, les simples familiers ne jouent aucun rôle dans la vie politique. Tout grand personnage est entouré de familiers3.
5Le choix des conseillers répond à plusieurs impératifs : récompenser les fidèles, rallier les opposants, désamorcer une rivalité. Paradoxalement, prendre conseil n’est pas la motivation principale. En outre, le choix du prince ou de la princesse n’est pas toujours libre : dans les débuts, le poids de la papauté d’Avignon, de la monarchie française et des ducs se fait sentir. Il n’y a que Marie de Blois que l’on puisse voir à l’œuvre, grâce au journal du chancelier, qui a son mot à dire et enregistre parfois des « fournées » de conseillers éphémères4. Sur les cent trente-trois conseillers que rassemblera la princesse, cinquante-quatre « retenues » sont mentionnées par Jean Le Fèvre.
6La coutume veut qu’il existe des conseillers de droit pour lesquels point n’est besoin de retenue. Le seul automatisme entériné en la matière par la Coutume d’Anjou et du Maine est celui qui fait des gens des Comptes de l’apanage des conseillers5 ; mais ne forment-ils pas un conseil à part entière ? L’efficacité du conseil du prince requiert la présence des grands officiers d’Anjou-Maine et des comtés de Provence-Forcalquier : chancelier, sénéchaux des deux territoires, Juge ordinaire d’Anjou, Juge Mage et Maîtres Rationaux de Provence. Quant aux gens de l’Hôtel, siègent-ils en tant que tels ? Ou sont-ils des conseillers qui ont reçu en outre un office à l’Hôtel du prince ou de la princesse leur assurant un revenu supplémentaire ? Il paraît hasardeux d’affirmer avant la réforme du roi René de 1453 (et peut-être même après ?) que les princes du sang, les plus grands seigneurs, tous les chambellans et Maîtres de l’Hôtel font sans doute partie de cette assemblée6. La bonne marche de la principauté exige que ne soient pas négligés les grands dignitaires ecclésiastiques.
7Les « retenues » ne mentionnent que très rarement un choix ad vitam comme par exemple celui de Jean de Bueil7. Est-ce implicite ? Le prince peut aisément neutraliser un conseiller qui a cessé de lui plaire, en ne le convoquant pas au conseil. Déjà avec la princesse Marie se dessinent les trois catégories de conseillers :
- 1. Ceux qui ont été « retenus » mais ne siègent pas ;
- 2. Ceux qui siègent rarement ;
- 3. Ceux qui siègent longtemps et beaucoup (soit au moins une vingtaine de séances en trois ans et demi). Ceux là donnent vraiment conseil, tels les deux adversaires Jean le Fèvre et Raimond Bernard.
8Les quelque trois cents personnages répertoriés comme conseillers des princes et princesses d’Anjou-Provence entre 1384 et 1434 forment le cœur de la société politique de la principauté, petit nombre d’élus par rapport aux centaines de vassaux (qui ne sont que vassaux) et de citoyens des villes. Le premier clivage qu’il est convenu de déceler est celui de « féodaux/techniciens »8. Clivage qui garde sa valeur, mais qu’il faut nuancer : même si c’est encore rare, des « féodaux » font des études et prennent leurs grades ès-lois, formation qui conduit au service du prince ; quelques anoblissements, peu nombreux, marquent la promotion de certains « bourgeois »9. Les carrières mixtes d’un petit nombre de clercs contribuent aussi à brouiller les frontières : le service du prince n’est-il pas, à la fin du Moyen Âge, la principale ligne de démarcation dans la vie politique ? Néanmoins le recours aux ordines demeure valable pour cerner le groupe des conseillers, que sa finalité ne suffit pas forcément à rendre homogène.
9La première constatation est, au cours de ce demi-siècle, un certain recul des ecclésiastiques au sein des conseils successifs : sur les cent trente-trois conseillers de Marie de Blois, trente et un ecclésiastiques, soit 23,3 % ; vingt et un sur cent dix-neuf, 17,64 %, pendant le règne personnel de Louis II, de 1400 à 1417 ; onze sur soixante-dix-sept, 14,28 % sous Louis III. Ce serait tout à fait probant s’il ne fallait compter, au conseil de la princesse Marie, de 1384 à 1388, avec le poids exceptionnel des hommes d’Avignon10. Le pourcentage élevé des ecclésiastiques au conseil, pendant, l’interrègne de Yolande d’Aragon, de 1417 à 1424, s’explique en grande partie par l’impact de la préparation du concile de Constance : seize sur cinquante, 32 %. Nonobstant cet impératif, il est incontestable que la veuve de Louis II a fait largement confiance au clergé : sept membres de l’épiscopat siègent à son conseil (14 % du total des conseillers), contre 8,40 % au conseil de Louis II (dix évêques et archevêques sur cent dix-neuf conseillers), et 5,19 % au conseil de Louis III (quatre évêques et archevêques sur soixante-dix-sept). Et si l’on fait abstraction des huit cardinaux évêques de l’entourage de Clément VII, la reine Marie a retenu à son conseil neuf évêques, 6,76 % du total des conseillers. Le choix du couple Louis II/Yolande d’Aragon se resserre en outre sur le territoire de la principauté11.
10Face aux vicissitudes de l’épiscopat s’affirme la présence stable d’un petit nombre de doyens, d’Angers, du Mans, de Tours, sans que l’on puisse savoir s’ils siègent de droit en raison de l’église à laquelle ils appartiennent ou si la personnalité du titulaire a été déterminante. Jean d’Escherbaye, et surtout Nicolas Perregaut, doyens d’Angers ; Gaufrid Gogar, doyen de Tours ; Jean Balard, doyen du Mans. En 1430, un chanoine de l’église d’Angers figure au conseil de Louis III, mais il est vraisemblable qu’un canonicat a été attribué à Jean Porcher, jurispert. Il est hasardeux d’affirmer que les chapitres opèrent une percée en conseil, quand on sait que le prince dispose de bénéfices ecclésiastiques pour payer ses serviteurs : qu’en est-il pour Arnulphe la Caille, prévôt de l’église d’Aix et conseiller de Marie ? D’André Boutaric, chanoine d’Aix, puis évêque de Marseille, conseiller de Yolande et de Louis III ? De Louis Guiran, chanoine et prévôt d’Aix, conseiller de Louis III ? Ce sont là plutôt de magnifiques exemples de carrières mixtes, « entre Église et État »12. L’archidiacre de Château-du-Loir siège au conseil de Marie de Blois, et André Cottin, archidiacre d’Angers, préside celui de Yolande13.
11La sous-représentation des grandes abbayes, prieurés et ordres religieux et militaires de l’espace angevino-provençal est un autre trait qui ressort de la documentation. Autour de Marie de Blois Penthièvre, on trouve les abbés de Saint-Aubin d’Angers, de la Couture du Mans, de Montmajour et de Saint Victor, hauts lieux, s’il en fut. Elle a choisi au sein de l’ordre de l’Hôpital les commandeurs de Manosque et de Puimoisson. Tous disparaissent au cours de la décennie suivante, sauf l’abbé de Saint-Aubin qui survit, avec deux titulaires successifs, pendant le règne de Louis II. Avec Isnard Hugolin, précepteur d’Avignon, l’ordre de l’Hôpital réapparaît parmi les conseillers de Louis III14. Un des hommes les plus célèbres et les plus influents dans la vie politique et religieuse de l’Occident au début du Xe siècle, Honoré Bonet (ou Honorat Bovet) est conseiller de Louis II en 140815. Dominique de Florence, de l’ordre des Frères Prêcheurs, qui fut le confesseur de Louis Ier, et Jean Coteron, Frère Mineur, qui est le confesseur de Louis II, sont tous deux admis au conseil de la reine Marie.
12Le choix opéré par les princes et princesses d’Anjou-Provence est d’autant plus délicat et significatif que le clergé de l’apanage et surtout celui de Provence est pris dans la tourmente de la crise générale du Grand Schisme, de la crise conciliaire etc. Les titulaires des évêchés au XVe siècle, en Provence, ont souvent été des « étrangers »16.
13On ne peut manquer de voir dans le relatif déclin de l’influence cléricale au sein des conseils princiers et la montée des gens des villes et des hommes de loi un reflet de l’évolution de la société occidentale. Ce troisième ordre peut s’insérer dans les ordines privilégiés ; il peut aussi jouer un rôle en tant que tel avec ses « citoyens » ou hommes des villes et ses « maîtres » ou hommes de loi. Princes et princesses leur ont fait une large place dans leurs conseils ; cinquante-deux (sur cent trente-trois, soit 39,09 %) sous Marie de Blois-Penthièvre, trente-cinq (sur cent dix-neuf, 29,41 %) sous Louis II, dix-huit sur cinquante (36 %) au conseil de Yolande d’Aragon, vingt-six sur soixante-dix-sept (33,78 %) à celui de son fils. Ils viennent d’horizons divers, où la Provence est plus présente que l’Anjou, sans doute parce que les villes y ont une autre importance, et où l’Italie tient sa place avec Venise (Jonachio Murdachio), Brescia (Bartolome de Rustigis), Gaëte (Francisco Gatolo). Le Florentin Michel de Pazzi est fixé à Paris. Aix et Angers sont représentées dans les quatre conseils. Marseille manque à l’appel sous Louis II et Yolande ; Apt, Sisteron, Brignoles, Digne, Seyne, Riez, Arles, Simiane, Saint-Saturnin ont fourni, à un moment ou à un autre des conseillers, ainsi que Le Mans et Tours. Les villes ayant des liens particuliers avec la Provence, Avignon et Embrun, aussi.
14Parmi ces « bourgeois » se trouvent des commerçants et des banquiers. Des légistes aussi, en nombre, qu’ils soient gradués ès-lois ou que leur fonction les qualifie comme tels, et des « techniciens » des finances : ces derniers sont fort précieux dans le jeune État. La princesse Marie en a trois à son conseil, si l’on excepte le trésorier de l’église d’Angers, Jean Haucepié : François François, trésorier de Provence, Nicolas Mauregard, qui fut receveur général sous Louis Ier et Jean Belissent, trésorier pour « l’armée de mer »17. Louis II a ouvert son conseil au trésorier d’Anjou, Jean Dupuy, que l’on retrouve au conseil de sa veuve, et au receveur d’Anjou, Jean Herbelin. Yolande d’Aragon, outre Girard Chrestien, receveur d’Anjou et Jean Porcher, Maistre de la Chambre aux Deniers de la reine, a introduit dans le cercle des conseillers Étienne Bernard dit Moreau qui n’est alors qualifié que de trésorier, mais qui, sous Louis III, a le titre de trésorier général des finances. Cet officier de premier plan terminera sa carrière au service du roi de France. À ses côtés, plus effacé, Jean Hardouin, trésorier royal18. Ce sont en majorité des hommes de l’apanage et du royaume de France hors apanage. Quant aux hommes de loi, bien qu’il soit inexact d’affirmer que les hommes de loi du conseil sont des Provençaux et les nobles non gradués, des Angevins, constatons que les Provençaux l’emportent dans cette catégorie. À côté des gens connus, d’obscurs « citoiens », dont on ignore la profession et le statut, comme les onze Marseillais retenus à conseil par la reine Marie pour récompenser son alliée.
15Entre clercs et bourgeois, la noblesse serait-elle la pierre angulaire de l’édifice angevino-provençal ? Cinquante sur cent trente-trois avec Marie de Blois (37,59 % du total des conseillers ; soixante-trois sur cent dix-neuf avec Louis II (52,94 %), seize sur cinquante (32 %) au conseil de Yolande et quarante sur soixante-dix-sept (51,94 %) au conseil de Louis III. Ils sont donc majoritaires aux conseils des deux princes.
16Barons, « sires », chevaliers, écuyers, issus de tout l’espace angevin sont rassemblés autour des princes. Sans constituer une caste à proprement parler, leurs rangs ne s’entrouvrent aux nouveaux venus que par la volonté du prince. Leur présence à ce niveau témoigne qu’ils sont plus que des féodaux, même si une bonne partie des vassaux angevins, manceaux et provençaux sont parmi eux. Les grands y sont en petit nombre, sinon de peu de poids : au temps de la genèse de la principauté, Marie de Blois n’a pu se dispenser d’accueillir en son conseil un certain nombre d’étrangers à son territoire, hommes du roi de France, du pape d’Avignon ou du royaume de Sicile : Pierre Davoir, sire de Châteaufromont, chambellan de Charles V et de Louis Ier, Robert de Dreux, « collatéral », premier chambellan du roi, Pierre de Craon et Pierre de Chevreuse ne semblent pas souffrir de la double obédience, ni le connétable Olivier de Clisson. Pierre, comte de Genève, frère du pape Clément VII et George de Marie, camérier pontifical, servent aussi deux maîtres. Quant à Hugues de Saint-Séverin, comte de Potenza, il incarne l’espoir que les grands du royaume de Sicile mettent dans le jeune Louis IL Jean de Blois, frère de la princesse, devient tout naturellement son conseiller, et les « barons » provençaux, Raymond III d’Agoult, comte de Sault, Foulques II d’Agoult, vicomte de Reillanne († en 1385), Géraud de Simiane, comte de Caseneneuve marquent l’implantation provençale au conseil de la princesse. Derrière eux, des nobles de l’apanage et de Touraine, les Bueil, Coesmes, Laval, Beauvau, etc. et des comtés méridionaux, les Barras, Glandevès, Baux, Beaufort, etc., en nombre19.
Place des gradués au sein du Conseil
Ecclésiastiques | Nobles | Tiers | |
133 conseillers de Marie de Blois 1384-1388 | 31 (23,30 % du total des conseillers) dont 8 gradués (25,8 % du total des clercs | 50 (37,59 % du total des conseillers) dont 2 gradués (4 % du total des nobles) | 52 (39,09 % du total des conseillers) dont 6 gradués (11,53 % du total du Tiers) |
119 conseillera de Louis II 1400-1417S | 21 (17,64 % du total des conseillers) dont 10 gradués (47,61 % du total des clercs) | 63 (52,94 % du total des conseillers) dont 8 gradués (12,69 % du total des nobles) | 35 (29,41 % du total des conseillers) dont 17 gradués (48,57 % du total du Tiers) |
50 conseillers de Yolande d’Aragon 1417-1424 | 16 (32 % du total des conseillers) dont 10 gradués (62,5 % du total des clercs) : 1 DC, 1 PC, 2 Pci, 2 DL, 1 LL, 1 LU, 1 MT, 1 MUA | 16 (32 % du total des conseillers) dont 1 gradué (6,25 % du total des nobles) | 18 (36 % du total des conseillers) dont 6 gradués (33,33 % du total du Tiers) |
77 conseillers de Louis III1424-1434 | 11 (14,28 % du total des conseillers) dont 5 gradués (45,45 % du total des clercs) | 40 (51,94 % du total des conseillers) dont 1 gradué (2,5 % du total des nobles | 26 (33,76 % du total des conseillers) dont 12 gradués (46,15 % du total du Tiers) |
DL | Docteur ès lois | MT | Maître en théologie |
DU | Docteur utriusque juris | MUA | Membre de l'université d'Angers |
E | Ecolâtre | PC | Professeur de droit canon |
J | Jurispert | PCi | Professeur de droit civil |
LL | Licencié ès-lois | BL | Bachelier ès lois |
LU | Licencié utriusque juris |
17Par la suite, les grands étrangers à la principauté se raréfient : Jean de Bretagne, comte de Caserte, cousin de Louis II, entre au conseil, le comte de Genève aussi, mais c’est maintenant Otton de Villars ; Jacques de Bourbon, comte de la Marche, et Nicolas Ruffus de Calabre, marquis de Cotrone et comte de Catanzaro, dont on connaît la tentative pour devenir seigneur provençal, également. Reste, avec Louis III, le comte de Trinacrie. Dans le même temps, la présence de la noblesse angevino-mancelle et provençale s’étoffe avec les des Roches, Tillon, Maillé, la Haye, la Jaille, Laval, le Maçon, Beauvau, etc. d’une part, les Venterol, Pontevès, Jarente, Louvet, Bouliers, etc. de l’autre. Une grande absente : la Maison d’Alençon20.
18On ne saurait conclure hâtivement que la noblesse a dominé le conseil sans avoir auparavant pris en compte la démarcation existant entre les conseillers en raison de leur culture et de leur formation. Le fait qu’il y ait des gradués parmi eux est capital. Le tableau ci-après montre la place importante qu’occupent les gradués chez les ecclésiastiques et au sein du Tiers dans les conseils de Louis II, Louis III et Yolande d’Aragon, en nette progression par rapport au conseil de la reine Marie, encombré de conseillers occasionnels. Chez les princes, leur pourcentage dans les deux catégories est très voisin : respectivement 47,6 % et 45,4 % ; 48,5 % et 46,1 %. Chez les princesses, si le pourcentage des gradués est le plus élevé des trois ordines parmi les clercs (25,8 %) au conseil de la reine Marie, il atteint des sommets à celui de la reine Yolande : 62,5 %. Est-ce à dire que les femmes ont été plus soumises à l’influence de l’Église ? Ont-elles été plus éclectiques ? Il n’y a que dans leurs conseillers qu’on relève la présence d’un maître en théologie, Bertrand Nicolaï, OM, évêque de Vintimille, et Bertrand Radulfi, OM, évêque de Digne. L’une et l’autre ont eu comme conseiller un professeur de droit canon, Nicolas de Brancace, évêque de Cosenza, cardinal d’Albano, puis protonotaire apostolique. À moins que la conjoncture n’ait été plus prégnante... Au conseil des princes, les légistes l’emportent, utriusque juris et, majoritaires, ès-lois, du bachelier au docteur21. Où ces hommes ont-ils pris leurs grades ? Il n’est pas aisé de le savoir : aux universités de Paris, Orléans, Angers, Avignon et Aix vraisemblablement (cf. infra).
19Les anoblis ont été comptabilisés avec les nobles. Les jurisperts avec les gradués. Le grade de certains membres de l’université d’Angers n’est pas connu.
20La deuxième Maison d’Anjou-Provence a-t-elle gouverné avec les légistes ? En vertu de leur compétence, ceux-ci occupent en force les offices de Maîtres Rationaux en Provence, et, plus modestement, les offices de la Chambre des Comptes d’Angers. Qu’ils aient été officiers avant d’être conseillers, et qu’ils le soient alors devenus de droit, ou qu’ils aient en premier lieu été appelés en conseil. Gens des comptes, mais aussi gens de justice : Raymond Bernard Flaminges, chevalier et docteur ès-lois, Pons Cays, licencié ès-lois, Jordan Brès, docteur utriusque juris, cumulent les offices de Maître rational et de Juge Mage. Ce sont deux nobles ayant pris leurs grades et un anobli gradué, car le service du prince est la voie royale vers la noblesse. Pour peu nombreux qu’ils soient, ceux qui sont à la fois nobles et gradués occupent une place privilégiée dans l’État22. Plus troublant parce que le choix du prince y est totalement impliqué, est le poids des conseillers gradués dans les organes de gouvernement créés par Louis II et Louis III : le Parlement en 1415 et le Conseil Éminent en 1424 : trois conseillers de Louis II siègent au dit Parlement : Jean de Genoards, Jean de Sade (tous deux anoblis) et Louis Guiran, docteurs ès-lois, et Jordan Brès, futur conseiller de Yolande et de Louis III ; ainsi que Jean Raynault, licencié ès-lois. Au Conseil Éminent : André Boutaric, Vital de Chabannes, Antoine Isnard, Jean Martin, Antoine Suavis et Pierre de Loubiers23. Un huis-clos provençal d’où sont exclus les hommes de l’apanage à l’heure d’Azincourt et de la France anglaise.
21Les princes n’ont sans doute pas eu une seule manière de gouverner : à côté des légistes, des conseillers, admis dans l’Hôtel du roi ou de la reine ne sont pas négligeables : sept nobles élus par Marie de Blois, qui en retient aussi trois non nobles ; sept choisis par Yolande d’Aragon ; vingt-huit par Louis II et vingt par Louis III, nonobstant le cumul avec d’autres offices. Avec eux, des missions de confiance, un gouvernement plus familial24.
22À ce stade, il paraît presque incongru de se demander si la principauté a été gouvernée par les hommes de l’apanage, à l’instar d’autres États princiers25. Loin d’avoir « arriéré » les Provençaux de leurs conseils, les princes et princesses les ont appelés en plus grand nombre que les serviteurs d’AnjouMaine. Parmi les ecclésiastiques, 20 % au conseil de Marie de Blois (chiffre calculé d’après le nombre de conseillers dont l’origine est connue), 53,8 % avec Louis II, 25 % avec Louis III et 38,46 % au conseil de la reine Yolande. Les Angevins sont cependant bien placés avec 23 % et 25 % sous les deux princes, 10 % et 15,3 % pendant les interrègnes des princesses. Notons que les clercs issus du royaume de France hors apanage sont 50 % au conseil de Marie de Blois et 23 % à celui de Yolande d’Aragon, alors qu’ils n’atteignent respectivement que 7,6 % et 12,5 % sous Louis II et Louis III. Les femmes auraient donc plus subi – pour Marie lors de la conquête de la Provence – ou accepté – pour Yolande pendant les années noires de la guerre anglaise – le poids du royaume de France. Pour les nobles, les quatre princes et princesses accueillent plus de 40 % de Provençaux, Louis II et sa veuve entre 20 et 23 % d’Angevins, alors que Marie et son petit fils n’en admettent que 9 %. Comme pour les clercs, les femmes font la part plus belle aux gens du royaume de France hors apanage (12 % et 20 %) que les hommes (7,14 % et 5,8 %) ; on compte 14 à 15 % de Bretons et de Britonno-manceaux aux conseils de Marie de Blois et de Louis II, cependant que les Italiens l’emportent (26,47 %) avec Louis III, ce qui traduit le changement d’orientation de la politique des princes. Quant aux gens des villes, si les Provençaux ne sont que 16,6 % au conseil de la reine Yolande, ils sont 32,4 % à celui de la reine Marie – et même 62 % si l’on compte la fournée des Massaliotes... 46,4 % sous Louis II et – record-75 % sous Louis III. La place des Angevins se rétrécit (10 % avec Marie, 6,25 % avec Louis III) sauf sous Louis II (35,7 %). Remarquons que les Tourangeaux sont 25 % auprès de Yolande. Il y a d’ailleurs toujours un Tourangeau, un Manceau, un Italo-Provençal présents dans l'un ou l’autre des ordines. Parfois l’équilibre s’instaure : 25 % de Provençaux, d’Angevins et de Français chez les clercs de Louis III ; 16 % des trois mêmes parmi les membres des conseillers du Tiers de la reine Yolande26.
23L’Anjou prend sa revanche sur la longue durée. Ce qui compte à la fin, c’est la présence permanente pendant des années de tel ou tel homme plutôt que le recrutement, qui peut être éphémère et fruit des circonstances, d'un nombre important d’hommes de telle ou telle région du territoire. Certains se maintiennent mieux que d’autres, nonobstant les disparitions naturelles. Beaucoup passent d’un règne à l’autre. Et d’abord, dix membres sur douze du conseil de régence composé par Louis Ier dans son testament se retrouvent au conseil de Marie de Blois27. Treize conseillers de cette princesse sont répertoriés autour de son fils, treize passent de Louis II à Yolande et dix-neuf, de Yolande à Louis III, au prix d’une certaine confusion entre les deux conseils. Le record absolu de longévité appartient à Harduin de Bueil, évêque d’Angers et chancelier, avec trente-cinq ans de présence au conseil. Derrière lui un autre Angevin, Pierre de Beauvau, mais dont la carrière se jouera aussi en Provence, repéré à travers la documentation de 1406 à 1415, (mais il y a tout lieu de penser qu’il est resté jusqu’à la fin du règne de Louis II) et de 1424 à 1434, soit vingt et un ans, avec éclipse (volonté princière ou lacune documentaire ?) sous la reine Yolande, éclipse sans laquelle il aurait « duré » vingt-huit ans. Et, avec le même hiatus, le Tourangeau Tristan de la Jaille, qui aurait duré seize ou vingt-trois ans jusqu’à sa mort en 1429. Le Languedocien Guillaume Saignet, vingt-cinq ans, et le Provençal Jean Louvet, vingt et un ans. Sans interruption, Artaud de Melan, évêque de Sisteron puis archevêque d’Arles, vingt-cinq ans, et les Provençaux Guigonet Jarente et Jordan Brès. Ensuite, avec une vingtaine d’années de présence, Etienne Fillastre, frère de Guillaume, qui fut archevêque d’Aix, un Manceau, et Etienne Buynard, le fidèle de la Chambre des Comptes d’Angers. Avec dix-huit ans de présence, le Breton Pierre Dacigné, Gaufrid Gogar, doyen de Tours, Raymond Bernard « Flaminges », originaire du Sud Ouest de la France, les Provençaux Jean Drogoli et Louis Guiran, Macé de Beauvau angevin, le Manceau Jean de Tucé, suivis de près par Jean le Bégut et Jean Dupuy (un Angevin et un Tourangeau). Sont restés en place plus de dix ans : Jean d’Escherbaye, doyen d’Angers (quatorze ans), Guillaume des Roches, Angevin, et Jean de Sade, Provençal (treize), Thibaut de Laval, Britonno-manceau (onze) et Jean de Genoards, Italo-provençal (dix). Ont duré cinq années et plus : Nicolas Perregaut, doyen d’Angers, Pons Cays, Provençal et Pierre Soybaut, Angevin (neuf), Vital de Chabannes, Provençal, et Gui de la Bossaye (Breton ? Angevin ?) huit années. Robert le Maçon, angevin, etc., sans oublier l’équipe des premiers temps, les Français Jean Le Fèvre, Robert de Dreux et George de Marie, que l’on ne saurait comparer aux autres, car peu ont franchi (sauf Raymond Bernard Flaminges) le passage obscur de 1389 à 1399. Et la mort a tranché la brillante carrière de l’évêque de Chartres, le chancelier Jean Le Fèvre28. Ceux qui ont duré ainsi n’étaient évidemment pas que conseillers.
24L’hérédité est la suite logique de la pérennité, à l’évidente exception des hommes d’église. À côté des serviteurs « à vie », avec ou sans progéniture, ou parfois tombés en disgrâce, d’autres travaillent, dans l’ombre ou la lumière, à la carrière de leur fils. Pierre de Beauvau œuvre pour son fils Bertrand, Antoine Boutaric pour son fils André, Pierre de Bournan pour Louis, son rejeton, ainsi qu'Antoine Bouliers pour le sien, Louis. Foulques III d’Agoult succède à Foulques II au conseil, Jean de Bueil et Louis Guiran juniores aux seniores, Gui XIII à son beau père Gui XII. Les frères et les cousins peuvent siéger côte à côte : Pierre et Macé de Beauvau, Pierre et Guillaume de Craon, Antoine et Guillaume de Villeneuve, Gui XII et Thibaut de Laval, Isnard et Helion de Glandevès. La force des clans est sensible au sein des conseils.
25Concluons :
26Une fois décanté le conseil de Marie de Blois, qui avait joué son rôle de « soupape de sécurité » dans les temps orageux de la conquête de la Provence, un certain équilibre s’instaure, et une synthèse, que l’aventure italienne de Louis III ne détruit pas totalement. La couleur du conseil des princesses n’est pas identique à celle de ceux des princes. La volonté de recruter ses conseillers dans les limites de sa principauté est révélatrice de la politique de Louis II. Avec lui s’estompe la place du royaume de France, sauf apanage, et reculent les « chevaux de Troie ».... Un pari qu'il va s’efforcer de tenir, y compris lorsqu’il joue un rôle de premier plan dans la politique française. Conseiller actif et conseiller passif valent, l’un comme l’autre cent livres annuelles en 1385 et c’est encore leur prix en 1426. Mais il n’y a pas de règle absolue : la princesse Marie alloue deux cents francs de pension aux citoyens marseillais et elle en promet six cents à vie aux sires de Bueil et de Chateaufromont. Il est vrai qu’il s’agit là, en outre, de régler des dettes. Soixante francs par mois à Guigonet Jarente, et quatre-vingt-dix quand il « chevauchera » sont des gages considérables d’après le chancelier29.
B. Le conseil
27Comme pour les conseillers, les renseignements sur le conseil sont épars dans l’ensemble de la documentation, d’où émergent le Journal de Jean Le Fèvre (1380-1388), le journal de la Chambre des Comptes d’Angers (1397-1424) du plus haut intérêt. Très riches aussi les Magna Regestra des Archives des Bouches-du-Rhône et le Livre Noir des Archives Communales de Marseille. Le Registrum Ludovici Tertii de la Bibliothèque Méjanes (Aix-en-Provence) n’est pas à négliger, bien qu’il apporte plus de connaissances sur le royaume de Naples que sur les comtés de Provence et de Forcalquier30. Les actes princiers pris in consilio ne nous renseignent pas forcément sur la forme de ce conseil : y a-t-il eu une vraie séance avec délibération ? Ou bien le prince était-il seulement entouré de quelques conseillers dont la signature est portée à la fin du document ? Quant à la présence du prince, elle n’est absolument attestée que par les formules manu proprio ou ore proprio, car les termes per regem in consilio laissent planer un doute. L’acte, quand acte il y a, n’a pas forcément la date précise de la séance du conseil.
28Les difficultés tiennent aussi aux ambiguïtés du conseil princier : le conseil, que nous connaissons bien de 1384 à 1388 est-il celui de la veuve de Louis Ier ou du jeune prince mineur ? Ou des deux ? Après la mort de Louis II, Yolande d’Aragon a-t-elle un conseil qui lui soit propre ou ne réunit-elle que des conseillers de son fils ? Je crois que l’on peut affirmer qu’elles ont eu, l’une et l’autre, leur conseil, étant investies du pouvoir, en tant que régentes de leur fils mineur et ensuite, dans le cas de Yolande, d’une véritable vice-royauté. Par ailleurs, le conseil de la Chambre des Comptes d’Angers est-il un conseil à part entière ou un des éléments du conseil princier ? L’un et l’autre, puisque des membres de la Chambre des Comptes siègent au conseil du prince, et que, il existe un conseil propre à ladite Chambre. C’est à ce titre sans doute que l’ouvrage portant sur les coutumes d’Anjou n’y voit qu’un conseil administratif31.
29Il ne faut pas chercher de règlement concernant le conseil, qui prend vie et s’organise empiriquement. À peine quelques indications : en octobre 1384, Jean Le Fèvre note dans son journal :
que les lettres qui seront faites des choses passées en la présence de Madame la Roynne seront ainsi signées : par le Roy, en la présence de la Royne en son conseil ; les lettres de justice qui par moy le chancelier seront passées en l’absence de Madame seront ainsi signées : par le Roy à la relacion de son conseil.
30Ceci nous renseigne plus sur le travail du chancelier que sur le conseil32. Lorsque, le 31 mars 1400, Louis II prend des ordonnances pour remettre en ordre l’administration de ses États, et préciser le rôle de la Chambre des Comptes d’Angers, il écrit : « Et voulons que quatre ou troys de nozdiz conseillers puissent procéder et avant aller oudit fait, nonobstant l’absence des autres »33. Mais ceci ne concerne que ladite Chambre des Comptes, dont le conseil est un peu à part.
31Jean Le Fèvre distingue le conseil « strict » ou « estroit » et le conseil « bien général ». Le premier semble plus facile à définir, à la fois par le petit nombre des conseillers présents et par la question restreinte qui y est débattue. Le 13 septembre 1387, un « strict conseil » rassemble la reine, Jean Pèlerin, Robert de Dreux, La Lande et le chancelier autour du problème de la rançon du frère de Marie de Blois. À l’opposé, le conseil « bien général » se caractérise par le nombre important des participants, le vaste thème proposé aux discussions, voire même par une certaine solennité, ou au moins deux de ces traits. La séance du 30 octobre 1387 en est un bon exemple : large assemblée délibérant sur « l’estat du pays », propositions de nombreux orateurs, mais « assès parlé peu conclu » résume le chancelier34. Le « grand conseil » peut-il s’assimiler au « conseil large » ? On pourrait le penser en constatant que, le 30 mai 1387, le grand conseil de « Madame » précède (« apres disner ») un « estroit conseil » (« apres soupper »). Mais cette forme de conseil garde sa spécificité : solennité marquée par la présence de la reine et des jeunes princes (le 30 mai 1387), par celle du pape (20 janvier 1386), ou mieux encore par celle du roi de France ou de ses gens, des ducs, comme si par excellence le « grand conseil » était celui du roi de France. « Nous disnasmes avec le Roy, et apres disner, tenismes grand conseil pour le fait des ambaxieurs d’Aix qui venoient au Roy de France » (à Auxerre, le 1er avril 1385)35. Même écho dans le journal de la Chambre des Comptes d’Angers, le 9 mars 1424, lorsque Yolande d’Aragon quitte Angers « pour aler à Selles devers le Roy ou grant conseil »36. L’ombre du royaume de France accompagne toujours le jeune État, que ce soit au moment où il est son rival pour la conquête de la Provence, ou, quelques décennies plus tard, lorsque, face à la « France anglaise » la reine s’intègre à la politique de son gendre.
32Et pourtant le journal de Jean Le Fèvre semblait bien raconter l’histoire d’une émancipation, celle de Marie de Blois-Penthièvre, de son conseil, et de l’État angevino-provençal. La souplesse de cette institution autorise tous les cas de figure pour surmonter les obstacles, et alléger le poids des deux tutelles. Siéger séparément et s’observer, comme à Paris le 4 novembre 1384, le clan angevin d’un côté, le conseil du roi de France de l’autre ; ou neutraliser le duc de Berry, en sollicitant son avis sur les conseillers à recruter :
Merquedi XVI jour (novembre 1384) Madame requist Monsegneur de Berri qu’il la conseillast sur conseil prendre, et li recommenda moy, le sire de La Ferté Guillaume de Craon, le sire de La Loué Gui de Laval, maistre Jean Haucepié et maistre J. de Sains37.
33Ou siéger ensemble en signe de réconciliation : ainsi, le 12 mai 1388, où les gens du roi de France et ceux de Marie délibèrent au sujet de l’expédition du jeune Louis II en Italie38. Une fois la possession de la Provence acquise, les princes sont contraints de mesurer les limites de leur émancipation : ils ne peuvent se passer de l’argent du royaume de France, comme faire fi d'Avignon. Le va-et-vient incessant entre la cour ambulante de la princesse Marie et Avignon-Villeneuve, les réunions mixtes des conseillers des deux bords « devers le pape » ou « devers le chambellan » montrent, au même titre que l’entrée au conseil princier de cardinaux de la cour pontificale, la symbiose entre les deux pouvoirs. Symbiose qui n’exclut ni le franc-parler ni les brouilles passagères. Lors d'une une assemblée de cardinaux,
...fu parlé moult mordamment du gouvernement de Madame. Et conclurent que Madame venist devers Nostre Saint Pere pour adviser sur les fais et de Prouvence et du royaume et pour mettre ordenance en son conseil. Touché fu que Madame arriere les Prouvenceaulx de son conseil dont ils murmurent ; que Madame a arriereconseil et que ce li est en Avignon conseillé pour son bien, elle fait le contraire...39.
34Symbiose imparfaite, de par la volonté même de la princesse, qui préfère son petit cénacle d’hommes de confiance.
35Par la force des choses, le conseil de Louis II durant le règne personnel de ce prince est libéré de la tutelle de la papauté d’Avignon, pendant et après la crise de la soustraction d’obédience. En outre, il n’y a jamais eu les mêmes liens avec Benoît XIII qu’avec Clément VII. La crise conciliaire achève de donner un caractère durable à cette émancipation. Certes Louis III fait place en son conseil à l’archevêque de Cosenza et à l’évêque de Bisignano, dont la présence s’impose dans le contexte du royaume de Naples40. Mais la deuxième Maison d’Anjou-Provence a-t-elle pour autant échappé à l’emprise du Royaume de France ? Sa dépendance financière, je l’ai dit, ne prend jamais fin ; cependant, les circonstances aidant – folie de Charles VI, guerre civile et conflit franco-anglais – on assiste à un retournement de la situation : de 1400 à 1416, c’est Louis II qui assiste au conseil du roi de France, ainsi que sa veuve, à son retour de Provence, après 1423 (cf. infra). Malgré la présence de quelques hommes du Regnum au conseil, les comtés méridionaux ne sont plus sous surveillance. Ils sont le refuge des princes aux heures noires, et, par la volonté de Louis III, qui déserte la France, ils retrouvent les charmes et les sujétions de la « diagonale angevine » (cf supra).
36Seul le journal de Jean Le Fèvre nous permet de connaître l’atmosphère des séances du conseil princier dans les premières années de la dynastie : contexte tragique, atmosphère passionnée. Des réunions « moult angoisseuses » en raison des périls extérieurs. Des tensions entre les hommes et les clans. Le 12 décembre 1385, à Arles, le conseil est divisé sur la question du rachat des forteresses aux mains du sénéchal de Beaucaire : Marie de Blois est prête à payer 3 000 francs, mais le chancelier et d’autres s’y opposent41. Le 17 juillet 1386, Jean Le Fèvre réplique à un long discours du comte de Potenza, le 9 janvier 1388, il se permet de ne pas approuver le contenu du traité avec le comte de Genève : le « comte chambellan », le sire de La Voulte, Pierre de Bueil, Robert de Dreux se rangent à son avis, alors que La Caille, « messire George », l’évêque de Sisteron, Raymond Bernard et Angeluce sont dans l’autre camp42. La princesse admet de vrais débats, dont les seuls équivalents se trouvent à l’assemblée des trois États de Provence. Lorsque la question est trop épineuse, le chancelier se félicite (en latin !) de n’avoir pas à se prononcer : le 7 novembre 1387, il écrit, à propos de l’éventuelle attribution de l’office de sénéchal : Eram a consilio exclusus, quod michi placuit, quia nec ibat res ad votum meum nec bonam fidem. Un certain mystère plane parfois sur le conseil, notamment à propos de l’énigmatique « Danielis »43.
37Les sautes d’humeur, les colères, les défaillances sont notées. Le comte de Potenza, que Marie évite car elle n’a pas les moyens d’organiser rapidement une expédition italienne, se plaint de n’être jamais convoqué au conseil. Le jeudi 19 juillet 1387, l’unanimité se fait pour la ratification du traité d’Aix, mais le comte chambellan (Raymond d’Agoult, seigneur de Sault) « tantost monta à cheval et s’en ala à Sault mélancoliquement et pou sagement ». La persistante rivalité entre le chancelier et Raymond Bernard, entre les « Italiens » et les autres, le clan d’Agoult et George de Marie, camérier pontifical et sans doute aussi homme du roi de France, pour l’office de sénéchal de Provence, tout le climat tumultueux de ces quelques années où se jouait une partie à l’enjeu capital est admirablement restitué dans l’irremplaçable journal du chancelier. Il n’est pas jusqu’aux petits ennuis de santé qui ne soient évoqués : malaise de « Madame » pendant la séance du 31 octobre 1387, à Aix, ophtalmie de Jean Le Fèvre le 17 février 1386 à Apt etc.. Nous n’ignorons rien des heures de la journée où ont lieu ces réunions : « apres disner » le plus souvent, et parfois usque ad occasum solis, ou « tard le soir » ; parfois deux séances le même jour : une le matin – dans ce cas la princesse va à la messe auparavant – et une l’après midi, ou une « apres disner » et l’autre « apres soupper »44.
38Traite-t-on des questions politiques au sein des assemblées solennelles ? Affaire d’Otton de Brunswick avec le pape, ambassade d’Aix avec Charles VI ; et quelques décennies plus tard, trêves avec l’Aragon (1431) in magno regio consilio à Saint-Victor sous la présidence de Louis de Bouliers, lieutenant du gouverneur etc. Les rares séances du « grand conseil » de la Chambre des Comptes d’Angers (4 mai 1401 et 15 décembre 1402) n’ont eu à régler que de banales affaires domaniales : rentes de Mayenne-la-Juhel, droits de la prévôté de Saumur, dettes d’un marchand... et ceci hors de la présence du prince45. Il n’est pas exclu cependant que des conseils restreints soient consacrés à la politique générale. Sous Marie de Blois, dix-neuf séances traitent des rapports avec les villes des comtés de Provence et de Forcalquier, onze des projets d’expédition en Italie, dix des gens d’armes de Provence et d’Italie, trois de contentieux avec le roi de France, une du différend avec le pape. Mais : 1. Ces derniers chiffres ne rendent qu’imparfaitement compte de la place tenue par ces deux partenaires, qui sont en fait mêlés, explicitement ou non, aux autres débats ; 2. Dans leur diversité, toutes ces questions sont politiques. Avec le règne personnel de Louis II, les grands problèmes de politique générale, la diplomatie s’effacent du conseil pour faire place à la « gestion » de la principauté : trente-sept séances ont trait à l’octroi ou la confirmation de privilèges, vingt-cinq aux affaires économiques, fiscales, féodales, administratives de l'État, six aux aliénations domaniales (mais cette rubrique recoupe les précédentes), deux au douaire de la Reine, une à la juridiction pontificale, une à la politique matrimoniale (exceptionnelle) et une aux Juifs. Cette opposition tient-elle uniquement à une modification du contexte ou à un changement de méthode de gouvernement ? Sachant à quels dramatiques événements a dû faire face le prince pendant son règne, la deuxième hypothèse semble préférable. Quant à la Chambre des Comptes d’Angers, de 1398 à 1424, elle traite in consilio en cinquante et une séances, des affaires économiques, sociales, des droits du prince, des revenus du Domaine, des rentes ; en vingt-cinq des problèmes féodaux ; en treize des échanges de lettres avec Louis II, de l’intronisation du sénéchal d’Anjou, de la liaison avec les assises de Chinon ; en huit du personnel de la Chambre ; même nombre pour les redditions de comptes et les litiges ; en sept des dons, privilèges et exemptions ; en six pour les aides, tailles et gabelle du sel ; même nombre pour les dettes et les problèmes de gens d’armes, en notant que, le 26 février 1422, le sire de Fontaines présente ses lettres de « lieutenant sur le fait du gouvernement et de la guerre en Anjou »46. Comme si la Chambre des Comptes avait pris en charge un certain nombre de questions que le conseil du prince à proprement parler laisse de côté, tout en veillant sur le Domaine. Il est vrai, comme on l’a noté, que le conseil de la Chambre des Comptes est à la fois autonome et facette du conseil princier. Si Louis II ôte la diplomatie à la compétence de son conseil, son fils ne répugnera pas à la lui restituer en partie.
39Le prince étant la source de tout pouvoir, le conseil est ce qu’il veut qu’il soit : consultatif, délibératif, exécutif, mais est-il investi d’un réel pouvoir de décision ou n’est-il que le reflet de la volonté du prince ? Cela dépend du maniement dudit conseil par le prince ou la princesse, « démocratique » ou non. Tout tient à l’influence que peut exercer tel ou tel groupe de conseillers, ou, plus ouvertement, de la délégation de pouvoir à un vice-roi, un gouverneur ou son lieutenant, qui décide au nom du prince, mais dont la décision doit être ratifiée par lettres « royales ». Le conseil des gens des Comptes d’Angers prend des « ordonnances » le 24 février 1401, « par ordenance du conseil, Lucas Le Febvre » ; le 14 décembre 1411 « de l'ordenance de nous, evesque d’Angiers, Macé de Beauvau, Robert le Maczon, Gilet Buynard, conseillers du Roy de Secile »47. L’idée de confier à un petit groupe de conseillers un vrai pouvoir de décision au sommet va faire son chemin. Plus anodin est le fait qu’en l’absence du prince, le conseil soit présidé par un officier ordinaire : chancelier, sénéchal de Provence, voire même par un simple conseiller (Guillaume Saignet, André Cottin, Pierre Bricoan). Présider n’est pas décider48.
40Dans les premiers temps, les réunions du conseil semblent épouser l’itinéraire du prince ou de la princesse, et par là même, s’inscrire dans un nomadisme quasi absolu. Les môles fixes sont rares : Avignon, où la princesse Marie et le jeune Louis II sont hébergés dans les hôtels des cardinaux (Aigrefeuille, Embrun, Amiens, Cosenza), et dans le royaume de France Villeneuve, Angers, et les hôtels parisiens des princes d’Anjou. Des résidences-capitales provisoires prennent vie : Pont-de-Sorgues, Apt, Pertuis avant que la fin du conflit ne livre les clefs d’Aix. Cette errance du conseil accompagne aussi les voyages du chancelier, qui a pouvoir de le réunir et de le présider. Les pérégrinations ne sont exemptes ni de danger ni d’improvisation : en plein hiver (22 décembre 1384), on délibère « en un champ près de Tours » ! Il s’agit d’organiser le cérémonial des obsèques de Louis Ier, dont la dépouille va arriver d’un instant à l’autre49. Entre 1384 et 1388, cinquante-neuf sessions, soit plus de la moitié, ont eu lieu à Avignon et Villeneuve, centres de gravité ambigu de la politique angevine, hors de ses terres et sous les auspices de ses deux « patrons ». Six seulement à Angers (dont deux en l’absence de Marie), sept à Paris ; six dans le comtat : Pont de Sorgues, Roquemaure, Cavaillon ; enfin les comtés de Provence-Forcalquier émergent du conflit : dix réunions à Apt en 1386, deux en 1386, dix en 1387 à Pertuis, six à Aix en 1387.
41Le règne personnel de Louis II, d’août 1399 à mars 1415, marque une double évolution : d’abord la primauté de la Provence s’impose, ce qui a une toute autre signification qu’au temps de la guerre de la Ligue d’Aix, les circonstances drastiques qui donnaient à ce pays la priorité ayant disparu ; et d’autre part, l’essor des capitales amène une sédentarisation progressive du conseil, qui se détache peu à peu de l’itinéraire princier. La Provence semble avoir gardé le rythme intensif (moins cependant que sous la princesse Marie) des réunions : sur quatre-vingt-dix, vingt-cinq à Tarascon (dont deux avec le sénéchal), vingt-deux à Aix (dont six présidées par un autre que le roi) ; douze à Marseille, six à Arles, trois à Toulon etc.. Seules 1405, 1416-17 (maladie du roi dans ce cas) n’en comptent pas. Tarascon dispute à Aix le rôle de capitale. Le sénéchal de Provence préside de plus en plus souvent le conseil, et quand il est souffrant, c'est l'évêque de Riez qui le remplace (le 16 mars 1409 à Aix)50. Existerait-il un conseil uniquement réservé à la Provence ? per regem in consilio suo et generali Provincie, peut-on lire à la date du 5 janvier 1405, à Aix. Ce que corrobore l’impression d’évanescence du conseil tenu dans l’apanage : huit sessions en Anjou, dont sept à Angers, vraie capitale (cinq avec le roi, deux avec la reine) au printemps 1401, 1406, 1409, 1410 et 1414, à l’été 1403 et à l’automne 1408. Les six autres ont toutes lieu à Paris. Fruit de la conjoncture ? Abandon de la tentative de synthèse entre les deux territoires de la principauté ? Ou constat qu’on ne gouverne pas l’Anjou comme la Provence, fût-ce avec les mêmes hommes ?51
42L’interrègne de Yolande d’Aragon rééquilibre sensiblement Anjou et Provence, dans son itinéraire d’abord : elle demeure, après la mort de son époux, en avril 1417, en Anjou, à part quelques incursions à Chinon, jusqu’à l’été 1419, pour résider ensuite en Provence jusqu’en juin 1423, date à laquelle elle reprend le chemin de l’Anjou et autres terres du royaume de France. Ensuite dans la répartition des conseils : dix à Angers, neuf à Tarascon, trois à Marseille, deux à Pertuis, et vingt à Aix, qui affirme sa prépondérance davantage encore sous le règne personnel de Louis III avec vingt et une séances sur trente (les autres ayant lieu à Marseille, Tarascon et... à Saint-Rémy) sous la présidence du vice-roi ou de son lieutenant, du gouverneur ou de son lieutenant52. Aucun conseil du prince à Angers de 1423 à 1434 le pays étant sous la menace anglaise, où il vit dans son royaume de Naples, entre Aversa et Cosenza. Ce n’est pourtant pas un abandon de l’apanage, mais plutôt un partage du pouvoir avec sa mère. Angers et Aix sont devenues les capitales d’une monarchie « administrative »53.
43Enfin, on peut se demander lequel ou laquelle des princes et princesses a le plus « consulté », voire gouverné avec le conseil. L’enquête est imparfaite quand, à la richesse de certaines sources, succède une relative pénurie (cf. supra). Les conclusions demeurent valables : la princesse Marie de Blois-Penthièvre est celle qui a le plus usé du conseil, ainsi que son petit fils dans le cadre du royaume de Naples. Une véritable fièvre « conciliaire » semble s’être emparée de la veuve de Louis Ier, aux prises avec le dramatique contexte que l’on sait. À en juger par les résultats, cette politique fut efficace. Les années 1385 et 1387 sont les plus chargées, notamment mai et juillet 1385 (huit séances mensuelles), ainsi que janvier 1388 ; mai 1387 (sept réunions) ; octobre 1385, août et novembre 1387 (six) ; janvier et juillet 1386, octobre 1387 (cinq). Les paroxysmes correspondent à la mise en place de l’offensive des Angevins et aux négociations finales avec la Ligue d’Aix et la victoire. Les creux, notamment la longue interruption du 17 février au 22 juin 1386 (à part le conseil du 4 mai) s’expliquent-ils par un certain essoufflement ? Le retour en France est couronné par une intense activité conciliaire en janvier 1388, et un effondrement en février-mars. Le début d’une nouvelle aventure galvanise-t-il les princes d’Anjou à chaque fois ? En s’appropriant son royaume de Naples, le jeune Louis III consulte beaucoup, du moins dans un premier temps : cinquante-sept réunions du conseil en 1423, soixante-dix en 1424, chiffres jamais atteints même par sa grand-mère... Le rythme se ralentit par la suite, mais ne tombe jamais en dessous de cinq conseils par an. L’année de la mort du prince, 1434, voit encore plus de dix séances54. Du côté de la Provence, le conseil des vice-roi et gouverneurs suit une courbe inverse de celle du prince en Italie : démarrant en douceur de 1423 à 1427 (pas de réunion du tout cette année là), il prend son envol et culmine en 1431 (sept réunions), traduisant, après les crises au sommet de 1424 à 1428, la relative stabilité de l’équipe en place.
44Quant au règne de Louis II et à l’interrègne de Yolande d’Aragon, on constate la baisse de fréquence des réunions du conseil, dans leur globalité et pas seulement le déséquilibre Anjou/Provence : les maxima ne dépassent pas onze sessions par an, et ils coïncident avec : le début du règne personnel du prince (automne 1399, qui est aussi la date de son premier retour d’Italie) et de l’interrègne de la princesse (1417) ; le départ et le retour des expéditions « siciliennes » (printemps 1410 et automne 1411) ; tournée ou installation en Provence (été-automne 1406 et automne 1419). L’absence du prince ne paralyse pas le système, le sénéchal de Provence prenant le relais (printemps 1409, été 1410 etc.). La reine est souvent présente à la place de son époux. Plus régulière, la Chambre des Comptes d’Angers a beaucoup réuni en 1399, en 1410, en 1422 (plus d’une séance par mois). Le creux de la vague laisse apparaître les années noires de guerre civile et franco-anglaise (1412-1420)55. Il n’y a pas forcément complémentarité de ce conseil à l’autre.
45Au total, si l’on fait abstraction de la politique de Louis III dans « son » royaume de Naples, le conseil passe de quelques réunions par mois sous le règne de Marie de Blois-Penthièvre à quelques séances par an avec Louis II et Yolande d’Aragon, du moins tant que l’apanage n’est pas écrasé par la guerre. Les temps forts sont néanmoins les périodes de crise ou d’intense activité diplomatique et législative.
46Ce changement de politique est-il le reflet des temps ? On consulte moins au XVe qu’au XIVe siècle. Le prince n’a pas que le conseil pour gouverner, mais il a pu éprouver la souplesse et la fiabilité de cet organe, qu’il peut être amené à privilégier sous sa forme restreinte.
II. LIEUX DE POUVOIR ET ESQUISSES DE PORTRAITS DE GROUPE
47Préambule : le prince et l’office
48Si le problème des officiers est au cœur de la crise de l'État au XIVe siècle »56, il l’est a fortiori dans un État en perpétuelle genèse et qui doit assumer des héritages différents dans ses pays « de par deçà » et de « par delà ». Le caractère très personnel du service du prince, tel qu’il s’exprime à travers le serment du chancelier, en 1384, perdure57, mais le souci de ne pas « oppresser » le peuple en est le corollaire. Le prince exige loyauté et compétence : en 1400, Louis II se plaint de ses sergents « peu savans ». En juillet 1411, les Maîtres Rationaux de la Grand Chambre résidant à Aix, dans des lettres patentes adressées à tous les officiers, n'hésitent pas à comparer le prince entouré de ses officiers à Dieu et aux anges. Que la justice qui préside au choix divin des rois et des princes préside également au choix des officiers par les princes et les rois, les grades étant répartis en fonction des « vertus et des aptitudes »58. Idéal mis à rude épreuve dans la pratique, en ce qui concerne du moins les officiers subalternes59.
49L’officier représente le prince et agit en son nom par délégation de pouvoir. Responsable, il doit rendre des comptes. L'apanage et les comtés méridionaux possèdent des offices supérieurs et subalternes (majeurs et mineurs en Provence), des offices ordinaires et extraordinaires. Ces derniers engendrés par les « malheurs des temps » : offices de finances créés pour les besoins de la fiscalité extraordinaire et de la guerre (cf. en 1422 le sire des Fontaines lieutenant sur le fait des guerres et Tanguy du Chatel, capitaine sur le fait des guerres en 142860). Les « commissaires » sont aussi des officiers extraordinaires : en 1400, Louis II évoque ses « commissaires sergens sur le dit fait des aides et de la gabelle ». Mais « commissaire » peut soit désigner un officier extraordinaire du fisc ou des guerres, soit un enquêteur. Dans les deux cas, la délégation de pouvoir est limitée dans le temps. Elle le restera pour les commissaires. Mais la potestas n’est pas limitée, elle. D'ailleurs quant aux offices majeurs, en août 1417, la princesse Yolande réaffirme que le sénéchal de Provence gardera, comme il l’avait auparavant, la plenaria potestas61. On connaît la vigilance des Provençaux en ce qui concerne l’attribution des offices et le pouvoir des officiers (cf. supra).
50Rien là qui différencie fondamentalement la principauté de l’ensemble des États d’Occident. La nomination par le prince ou par son lieutenant semble être la règle. Un instant la Provence a pu rêver d'autre chose : certes les communautés urbaines, on l'a vu, ont dû se contenter de contrôler les viguiers faute de pouvoir les désigner. Mais, pendant la tragique lutte contre Raymond de Turenne, l’assemblée des trois États a pratiquement gouverné le pays, organisé son armée, et, pour en finir avec la désolation, élu douze conseillers sur le fait de la guerre en 1397, chargés de flanquer le sénéchal : trois représentants des ecclésiastiques, trois des barons et six des communautés62. La méthode de travail des trois États prône l’élection : dans l’intervalle de deux sessions, des commissions d'« élus » défrichent le terrain. Méthode qui a fait la preuve de son efficacité. Mais la nomination à temps ou à vie, concurrencée il est vrai par la pratique de l'affermage, a la préférence des princes : les lettres de provision précèdent celles de mise en possession. Entre les deux, il peut se passer bien des choses. Le danger de provisions multiples délivrées par les princes et princesses à leurs clients respectifs peut aller jusqu’à ébranler les assises de l'État, comme en 1427 (cf. infra). Même l’attribution des offices mineurs peut engendrer des abus : la pratique de l'« alternance » pour les offices mineurs annuels, dans les comtés méridionaux, permet soit de désigner le même homme pour deux offices, qu’il exercera alternativement un an sur deux, soit de nommer deux hommes sur le même office, qu'ils exerceront un an à tour de rôle. Palliatif de gages insuffisants ? Non, car l'officier est censé n’avoir qu'un office à la fois. Assurance pour l'avenir immédiat sans doute, mais qui alimente spéculations et trafics63. C’est cette tare que dénoncent avec véhémence les lettres de Louis III, de Rossano de Calabre, le 25 novembre 1431, adressées au gouverneur des comtés de Provence et de Forcalquier, Pierre de Beauvau et au Conseil : il révoque les alternatives et interdit la vente des offices. Un certain nombre de viguiers, bayles, capitaines, juges sont restés plus longtemps que prévu en place. La vente des offices au plus offrant les livre à des incapables qui n'aspirent qu'à récupérer l’argent dépensé au détriment des sujets64. Les impératifs des Maîtres Rationaux, en 1411, ont été mis à mal. Insidieusement, la vénalité, privée d'abord, fait son chemin. Le 23 août 1417, Yolande d'Aragon, par lettres patentes avait, après la mort de son époux, réitéré l'interdiction de la vente des offices, l’obligation de l’annualité et de la résidence à Aix65.
51Le courant est-il trop fort pour que le prince puisse résister longtemps ? Louis III, à contre-cœur (sibi displicito), autorise Jacquet de Villechartre, en 1433, à mettre en vente son office de rational, lorsque ce dernier est nommé par le pape chanoine d'Aix, car cet office passe pour lucratif et non à charge, et qu'en outre, il risque de tomber entre des mains incompétentes66. L'acquéreur du dit office, Bertrand de Rousset, décède peu après, et son fils Guillaume prétend lui succéder, ce que lui accorde Pierre de Beauvau le 22 mai 1434, à vie.
52La vénalité privée entre donc dans les mœurs vers la fin du règne de Louis III, et ne se limite pas aux charges mineures. Les princes ont-ils même instauré la vénalité publique dans le cadre de l’Anjou ? La reine Yolande aurait vendu en 1435, pour 2 000 livres tournois, la charge de receveur général des aides à Angers à André Aleaume, et procédé par la suite à d’autres ventes67.
53Quelques années auparavant, Louis II avait trouvé normal de lier office et privilège : il ordonne que les silentiarii ou conseillers et les scriniarii ou secrétaires circa latus nostrum in nostro consilio seu nostra curia maiori servientes soient exempts de contributions, paiement de tailles, impositions, gabelles, rèves et taches réelles, personnelles et mixtes et de charges quelconques ordinaires et extraordinaires. Cette mesure du roi fait suite à une plainte des intéressés que les délégués des États de Provence s’efforcent de soumettre, ainsi que leurs biens, à l'impôt. Mais pour le roi, ces hommes, partes ipsius principis, ont droit à l’immunité en contrepartie du poids de leur charge, toute empreinte de majesté royale. Quand on sait que ces lettres, en date du 6 février 1415 à Arles, sont présentées aux archives d’Aix par le Maître Rational Jean Drogoli (ou Drogoul) le 6 juillet, c’est-à-dire quelques semaines seulement avant la création du Parlement, il faut en déduire que de graves tensions se sont manifestées dans le comté en 1414-15. Certains « à l'entour du gouvernement » sont peu enclins aux concessions envers conseillers et secrétaires : s’agit-il du puissant sénéchal Pierre Dacigné, qui est visé par la création du Parlement ? L'ambiguïté de la chose veut qu’il soit l’un des cosignataires de cet acte68.
54Il est moins aisé de considérer un officier qui a acheté sa charge comme pars ipsius principis, sauf à magnifier le symbole de l’office. Si le service du roi engendre des privilèges, les oppositions ne vont pas manquer en ces années où la fiscalité s'alourdit69. Aux incertitudes du statut d’officier s’ajoute la nécessité pour la deuxième Maison d’Anjou-Provence de forger une classe de serviteurs qui lui soit propre. Et de l’utiliser au mieux de ses besoins.
55Le pouvoir est à la fois ancré dans certaines institutions et attaché à la personne du prince, ce qui signifie qu’il y a des lieux fixes du pouvoir et dans le même temps, une certaine mobilité de ce pouvoir. La principauté, en pleine évolution, juxtapose les composantes « administratives » et « personnelles » du pouvoir, à l’image de nombre d’autres États d’Occident.. Où qu’il soit, le prince a de plus en plus besoin de serviteurs sachant manier l’écriture et les langues (latin, français, provençal), mais il apprécie par ailleurs la présence d’hommes de confiance, l’un n’excluant pas l’autre. Sans qu’il puisse toujours faire la part du dévouement et celle de l’ambition personnelle.
A. Proches du prince
1. Secrétaires
56À part l’acte mémorable du 6 février 1415 (cf. supra), dans lequel Louis II associe et privilégie silentiarii et scriniarii, ces termes ne sont pas employés. Les documents parlent plutôt de consiliarii et de secretarii. Il n’est pas toujours aisé de distinguer le « secrétaire royal », intronisé comme tel, du « secrétaire du roi », personnellement élu pour ce faire et pour accompagner le prince, sous la même acception de secretarius regius. Et d’ailleurs le faut-il ? Parmi les trente-huit secrétaires (et notaires) qui, de 1384 à 1388, prêtent serment à Jean Le Fèvre, à Angers, Villeneuve-lès-Avignon et Arles, et dont les seings ornent les folios initiaux du journal du chancelier70, seize sont qualifiés de « secrétaires de la reine » ou « du roi et de la reine », trois de « secrétaires royaux » un de « secrétaire retenu », un de « notaire et secrétaire de la reine et du roi », deux de « clercs et notaires de la reine », un de « notaire de la Cour Royale d’Aix », etc. Par la suite, de tous les secrétaires au service de la deuxième Maison d’Anjou-Provence, soit quarante-cinq pour le règne de Louis II, vingt-six pour celui de Louis III et sept attachés personnellement à Yolande, un petit nombre seulement se voit qualifié de « secrétaire royal » ou de « secrétaire du roi » ou « de la reine ». Différence de localisation ? Les simples secrétaires étant répartis entre les différents services (on n’ose écrire « bureaux ») qui les requièrent, les « secrétaires royaux ou du roi » rédigeant les actes émanant directement du prince. Ou distinction hiérarchique ? Les secrétaires se situant à un échelon inférieur, avec des gages moindres. Ou les deux à la fois ? Ils sont, les uns et les autres, auctoritate regis constituti.
57Difficiles à classer, les secrétaires sont partout : auprès des princes et princesses, ils rédigent les actes royaux, les testaments, les contrats de mariages, en solitaires ou au sein d’une chancellerie encore informelle (cf. supra) Ils sont présents à la Grand Chambre d’Aix, à la Chambre des Comptes à Angers, auprès de l’archivaire, etc. Ils dressent les instrumenta des hommages, font les comptes rendus des séances des États de Provence (par exemple Antoine Henri, de Sisteron, en 1385)71. Ils sont même parfois habilités à recevoir eux-mêmes les hommages : Audrinet de Brezé et Antoine Isnard, à plusieurs reprises entre 1405 et 141572. Ils collationnent les lettres royales : ainsi Pierre Bricoan en 142373. Les princes exigeant de plus en plus de copies d’actes établissant leurs droits, ils rédigent des vidimus : Jean Porcher établit en 1417 copie de l’acte d’adoption de Louis Ier par la reine Jeanne en 138074. A la mesure de la place de plus en plus grande de l’écrit dans le gouvernement de la principauté, le rôle des secrétaires s’amplifie. Quelques impératifs canalisent leur action : le 17 septembre 1411, Louis II ordonne que tous les secrétaires royaux de Provence soient tenus de remettre aux archives les titres reçus concernant la Cour royale dans un délai de quatre jours sous peine de cent marcs d’argent75. Les ordonnances de 1400 avaient déjà rendu obligatoire, pour l’apanage, l’enregistrement en double exemplaire des aveux et dénombrements. La maladie contraint Louis II à s’écarter des règles qu’il a prescrites, en faisant mettre par son secrétaire Jean Jacques dit Rouxelet, les lettres dans « la chambre où il dort », le 3 avril 1417, au château d’Angers, et où il va mourir quelques jours plus tard76.
58Ces secrétaires ont essentiellement deux origines : clercs, secrétaires apostoliques, chanoines de la moitié Nord de la France d’une part ; notaires publics du Midi, de l’autre. Ce qui n’exclut pas – troisième origine ? – une minorité de nobles. Y figurent des hommes de l’apanage, les Perregaut, Brezé, Le Fèvre, angevins, Jaquet de Villechartre, manceau ; la Provence donne les Isnard d’Aix et de Grasse, les Rousset, les Guiramand77 ; du Nord viennent Jean Charles ou Carie de Saint Amand (diocèse de Tournai), Jean Micaël de Beauvais, Arnulphe la Caille de Senlis, Pierre Franchomme de Rouen, Jean Porcher de Meaux, Nicolas Bouchard d’Orléans, Jean Baudusse de Bourges, Yvon Taillecot et Jean Dupuy, de Tours. Faut-il ranger Jean Loheat au rang des Bretons ? Jean Laydet parmi les Catalans ? N’oublions pas Jean Jean, exceptionnel « clerc du diocèse de Constance »78, ni Charles de Castillon, fils de Luc d’Arezzo, ou Angeluce Furno de Ravello, secrétaire de Louis Ier, qui représente l’apport italien. Ni l’énigmatique Alanus d'« Esnigeyo », secrétaire de Yolande d’Aragon. Techniciens de l’écriture, peu d’entre eux ont pris leurs grades, environ 10 %. Jean Porcher est jurispert, Jean Jean maître ès-arts, Bernard Vernhac et Jean Gaudin, bacheliers ès-lois, Pierre Jourdan, Yvon Taillecot et Nicolas Perregaut, licenciés ès-lois ; Denis Dubreuil et Lucas Le Fèvre sont qualifiés de « maîtres », ce qui les place du côté des juristes ; Antoine Isnard le jeune est docteur ès-droit, et Alanus sort de l’université d’Angers.
59Beaucoup de secrétaires disparaissent au fil des ans. Leur carrière est souvent modeste : pour les simples clercs, greffiers, notaires, accéder au secrétariat du roi est une promotion. Ils cumulent souvent leur charge avec une claverie. La reine Marie fut très généreuse à cet égard, mais elle ne fut pas la seule : par exemple, outre Audrinet de Brézé clavaire royal en 1414, Jean Jean obtint la claverie de Marseille en 1435 ; ou avec une baylie-capitainerie : celle de la cour royale de Sisteron à Michel Grascinelli, qui fait hisser, sur ordre du lieutenant gouverneur de Provence, en 1430, la bannière du comte sur la tour de l’évêché de Gap79. Un petit nombre accomplit un parcours ascensionnel : Jean Porcher devient maître de la Chambre aux Deniers de la reine Yolande, Michelet Delacroix maître de la Chambre des Comptes d’Angers, promotion « interne », les frontières entre secrétariat personnel du prince et secrétariat aux Comptes d’Angers étant mal définies : ainsi Lucas Le Fèvre passe-t-il de l’un à l’autre. Bertrand de Rousset achète l’office de rational de la Chambre d’Aix. Six accèdent à l’office envié de Maître Rational : Arnulphe La Caille en 1387, Antoine Isnard le père en 1405, Antoine Isnard junior en 1417, après avoir été, l’un et l’autre, rationaux ; Jean le Maître, en 1415, Jean Dupuy en 1419, Charles de Castillon en 1434. Jean Dupuy, conseiller et exécuteur testamentaire de Louis II, trésorier d’Anjou, puis trésorier ès parties de France, semble avoir eu un cursus assez insolite puisqu’il ne devient secrétaire qu’à la fin du règne de Louis II et au début du règne de Louis III, alors qu’il est trésorier depuis le début du XVe siècle. Étrange aussi son intronisation en 1419 comme Maître rational, alors qu’il est Tourangeau. Est-il venu en Provence avec la reine lorsqu’elle se réfugie dans ce pays ? N’a-t-il pas plutôt bénéficié de la rémunération de cet office sans réellement l’exercer ? Il a laissé peu de traces dans les comtés méridionaux80. Jean Le Maître, qui fut trésorier de Provence et secrétaire royal, est-il l’ancêtre de l’homonyme, avocat au Parlement du roi de France, dont les enfants sont déclarés nobles en 151081 ? Charles de Castillon a, en 1429, l’office de contrôleur des greniers de sel de Berre82. Retenons un cursus assez exceptionnel, si toutefois il s’agit bien du même homme : Jean Micaël ou Michel, après avoir été chanoine de Saint-Laud, puis de Saint-Maurice d’Angers, aurait succédé à Harduin de Bueil au siège épiscopal d’Angers, en 1439 ; Nicolas Perregaut, chanoine du Mans puis doyen d’Angers, se contente de demeurer l’indispensable secrétaire de Yolande et de son fils83. Quelques-uns sont ou deviennent seigneurs : Charles de Castillon, seigneur de Roquemartine, d’Eyrargues et baron d’Aubagne. Son père Luca d’Arezzo a épousé Madeleine Quiqueran84 ; Antoine Isnard est seigneur de Castoin, Jean Dupuy, de la Roche Saint-Quentin. De petites dynasties de serviteurs du prince s’ébauchent : les Rousset, malgré de dramatiques péripéties.
60La parfaite réussite appartient à ceux qui entrent au conseil et sont à la fois « silentiaires » et « scriniaires » : six sous Marie de Blois sur trente-huit, quinze sur quarante-cinq avec Louis II, huit sur vingtsix avec Louis III. Le père et le fils ont donc admis à leur conseil environ le tiers de leurs secrétaires85. Ce sont ceux que l’on retrouve fidèlement aux côtés des princes, qui les escortent dans leurs déplacements, rédigent leurs actes et assurent la liaison épistolaire avec l’ensemble du territoire. Leur rôle n'apparaît jamais aussi capital qu’avec Louis III : que ferait le prince du fond de son royaume de Sicile sans Jaquet de Villechartre ou Nicolas Perregaut ?
61L’omniprésence des secrétaires s'impose, leur belle écriture calligraphiée dans les actes solennels, personnalisée dans les copies des registres. Les formules, mille fois répétées ; Acta fuerunt, Et ego, suivies d’une simple signature ou d’un flamboyant seing manuel, deviennent familières. À l’occasion ces serviteurs peuvent intervenir dans la diplomatie86.
62Il n’est pas aisé de savoir comment les secrétaires, royaux ou non, sont rémunérés. Ont-ils des émoluments fixes ou sont-ils payés à l’acte ? Au prorata des travaux d’écriture exécutés ? « Item seellé un instrument » écrit le chancelier en janvier 1386, « contenant les chapitres par Madame jurés à Arle pour la signacion duquel les secrétaires Antonel, le Tort, Olivier demandoient trois cens frans ; je ordenné su’il en eussent LX... »87. Jean Micaël a la promesse, en 1431, de 25 florins par an pour tenir registre à la Grand Chambre d’Aix ; Jean Benoyn reçoit en 1419 soixante-douze florins et sept cent trente-sept florins : s’agit-il d’arriérés de gages ? En 1388, Jean Charle (ou Carie), qui était passé du service de George de Marie à celui de Marie de Blois, a 200 francs pour « services » et en 1405 il perçoit des droits sur la vente du château du Luc ; Jean de Sains, secrétaire de Louis Ier, avait été retenu par ce prince « à pension » de 1 000 francs par an. Il n’a sans doute pas été payé en totalité, car en 1387, devenu gouverneur et receveur des terres de Chailly et Longjumeau, il est autorisé à prendre cent livres par an sur lesdites recettes. Mais ce prélèvement semble plutôt être le remboursement d’un prêt de 640 francs dont il présente les lettres obligataires88. On retrouve là toutes les difficultés que les princes et princesses d’Anjou-Provence ont pour payer leur personnel.
63Le « métissage » recherché, comme pour le conseil, entre serviteurs venus de tous horizons, est en grande partie réalisé dans le monde des secrétaires, monde de dévouement et de fidélité, où s’insinua pourtant la « trahison ».
64A l’arrière plan de cet univers, se situent les notaires. Ils ont été, pour une grande partie, auxiliaires du pouvoir, qu’ils soient devenus ou non secrétaires par la suite. Dans les comtés de Provence et de Forcalquier, ils sont apparus comme le lien entre les villes et le prince. Très sollicités lors de l’offensive de charme de Marie de Blois de 1385 à 1387, ils obtiennent créations de tabellionnage et privilèges, dont l’obtention de la table des notaires. Le toujours lucide chancelier relève les pressions qui se sont exercées en faveur de Jean Colomb d’Orgon pro officio notariatus Brinone in forma specialissima ad vitam suam, et pour Jean Boerii d’Arles quem domina construit notarium, requirente Bertran Filleul importune, et nescit scribere et stilum ignorat et male... »89. Des notaires reçoivent des offices de clavaires ou de bayles, d’autres sont nommés notaires de la cour royale de telle ou telle ville, ou de la Chambre des Rationaux ou de la cour des secondes ou premières appellations, ou enfin archiviaires. Ces promesses du temps de la conquête ont dû être révisées, comme pour les biens, après 1387 : Guillaume Le Tort, secrétaire de Marie de Blois-Penthièvre, qui avait eu, à la place d’un rebelle, le notariat de la cour des premiers appels, en juin 1385, et Pierre Laydet, le même office dans les mêmes conditions, en septembre 1385, n’ont pas gardé ces offices.
65La présence et la compétence (sauf exception) des notaires s’avèrent indispensables aux rapports prince/ville ; ces hommes sont souvent conseillers ou syndics, comme Raymond Aymes, notaire de Marseille et conseiller de cette cité en 1405. C’est lui qui avait rédigé, en 1385, alors qu’il n’était pas encore conseiller, l’acte de l’élection des procureurs de la ville pour le serment le 22 août 1385, duquel est témoin un autre notaire marseillais, Jean Aimeric. De même, c’est Rostaing Almanhi, notaire public d’Apt, qui établit l’acte de désignation des procureurs de la ville qui vont prêter serment à Avignon le 16 juin 1385. Le procès verbal du cérémonial est en général réservé à un secrétaire royal, mais, à l’occasion des serments réciproques des princes et de la ville de Marseille, l’acte est dressé conjointement par deux notaires de la cité et par le secrétaire Antoine Henri90.
66Au delà des premières années de la nouvelle dynastie, il arrive que des notaires assistent encore aux hommages : le 18 janvier 1410, Pierre Isnard, notaire de Grasse, figure au rang des témoins pour l’hommage de Guillaume Magnan, deuxième époux de Marguerite de Barras, aux côtés de l’évêque de Senez, de Louis Guirand, docteur ès-lois, tous deux conseillers, et de Gasselin Duboys, chevalier. En 1415, il est devenu notaire et secrétaire royal et il dresse l’acte de l’hommage de Raymond d’Agoult. Ricard Ruffus, notaire à Ramatuelle, est témoin de l’hommage d’Isnard Tisserand de Manosque fait à Aix le 19 avril 1406. Bertrand Matharon d’Aix, secrétaire et notaire, établit l’acte d’hommage du sénéchal Pierre Dacigné, le 13 octobre 1419 ; Michel Matharon, notaire et commissaire royal départi à cet effet, enregistre la réunion des terres du Luc au domaine Royal en 1429. La mission d’un commissaire n’ayant qu’un temps, on retrouve Michel Matharon simple notaire à l’hommage de Raymonnet de Villeneuve le 5 janvier 1434 à Aix91.
67De spectateur à acteur. Mais tous ne sont pas attirés par le service du prince. De multiples activités les attendent : notaires des communautés rurales : Guissol au Castelet, Maime à Annot ; notaires des villes, les plus nombreux, les plus puissants : procureurs de leur cité dans les procès : Raymond Aygosi de Pertuis dans une affaire touchant à la gabelle du sel en 1419 ; Raymond Aimes de Marseille, dont le substitut, Guillaume Balbon, prépare les actes qu’il signe etc. Ils prêtent de l’argent, achètent des terres et abordent le monde des affaires, toutes choses plus gratifiantes que l’exercice d’un office92.
2. Gens de l’Hôtel
68Familiarité et proximité caractérisent également les rapports de la deuxième Maison d’Anjou-Provence et des « gens de l’Hôtel ». Les structures de l’ancienne Domus en pleine rénovation se cherchent encore à la fin du XIVe et au début du XVe siècles et n’ont pas la perfection du temps du roi René93. Ont-elles été influencées par le modèle français ? Il est cependant acquis :
- Que les reines ont leur Hôtel, encore qu’il apparaisse plus nettement avec Yolande d’Aragon et Isabelle de Lorraine qu’avec Marie de Blois ; il englobe les enfants princiers quand, mineurs, ils vivent à la Cour avec leur mère : les Guise, les Ponthieu avec la Reine Yolande.
- Que l’Hôtel est divisé en « métiers » et « Chambre ». Les six métiers : paneterie, échansonnerie, cuisine, fruiterie, écurie, fourrière sont en place, et en 1419 ils sont soumis par la Reine au contrôle d’un officier, Philippe de Bruyère94.
69Les documents considérables que sont les comptes des Maîtres de la Chambre aux Deniers de la même reine (caisse qui alimente les dépenses de l’Hôtel), de Jean Porcher de 1409 à 1427, et de Jean Dupont de 1431 à 1438, fournissent plus de renseignements sur les métiers que sur la Chambre, et sur les fournisseurs et les créanciers plus que sur les officiers de l’Hôtel. Impossible de dire si le nombre de ces derniers est fixé et intangible. On ne sait combien il y a de valets de Chambre et d’écuyers, mais l’Hôtel de Yolande compte un connétable (Jean Fournier), un maréchal (Jean de Blois) et des clercs (dont Pierre Thoreau)95. Être admis à l’Hôtel du prince ou de la princesse comble les fidèles et devrait aussi les rembourser : Marseillais dans les premiers temps, Michel de « Pacis » ou de Pazzi avec Yolande d’Aragon, etc. À la fois domestiques et parés de prestige, ces offices s’intègrent au cérémonial royal : le comte d’Albret ne sert-il pas de panetier, le comte de Genève d’échanson, le sire de Coucy d’écuyer tranchant et Henri de Bretagne de maître-queux au banquet qui suit le couronnement du jeune Louis II, à Avignon, en 138996 ? Faut-il admettre, aux côtés des « écuyers d’écurie » ou « écuyers royaux » les « portiers », « portiers d’armes », « servants d’armes », « hérauts d’armes » tel le célèbre « Jérusalem », en attendant que la création d’un ordre chevaleresque les en détache ? Dans l’orbite du prince gravitent toutes sortes de métiers, qui, bien qu’ils émargent pour partie au budget de la Chambre aux Deniers, prennent place à la Cour et non à l’Hôtel : chapelains, confesseurs, chirurgiens, barbiers, bourreau, ménétriers (occasionnels), nourrices..., sans oublier les « demoiselles de la reine »97
70Si l’on cherche à cerner l’Hôtel comme « lieu du pouvoir », c’est vers la Chambre qu’il faut se tourner : elle rassemble autour du prince un petit nombre d’hommes de confiance, qui se voient investis, dans une grande liberté et dans la mesure des besoins, de responsabilités diverses. Certes, les écuyers portent des messages et peuvent être témoins des dernières volontés des princes ; l’exceptionnelle mission de Guillaume Crespin, panetier royal et capitaine du Puy-Sainte-Réparate, qui, en 1408, est chargé d’enquêter sur l’état des fortifications de Provence à la frontière orientale, ne doit pas faire illusion.98 La garde des enfants royaux fait partie des attributions courantes des gens de l’Hôtel, ainsi que le note le secrétaire Pierre Bricoan dans le Journal de la Chambre des Comptes d’Angers :
Celui jour et an (19 juillet 1406) se parti la Royne Yolans du chastel d’Angiers pour aler en Provence devers le Roy Loys. Et ala au giste à Beaufort... Et demourerent oudit chastel messeigneurs Loys et sa seur enfans desdiz Roy et Royne. Et pour les gouverner, Payen Daverton et Jehan du Fresne escuiers maistres dostel99.
71Valets de chambre, chambellans, dont un premier chambellan au sommet, Maîtres de l’Hôtel structurent la Chambre, coiffée par un grand camérier ou un grand Maître de l’Hôtel : Raymond d’Agoult, seigneur de Sault en 1388 (Hôtel de Marie de Blois), Mathieu ou Macé de Beauvau en 1406 (Hôtel de Louis II), Barthélemy Valori en 1414 (Hôtel de Yolande d’Aragon) et Antoine Hermentier en 1427 (Hôtel de Louis III)100. Valets de Chambre et valets de Garde-Robe se côtoient en une modeste place dans l’intimité du prince, et, comme les écuyers royaux, ont vocation de témoins. En 1424, le premier valet de Chambre de Louis III, Jean le Vigueureux, est garde des joyaux, ce qui ramène aux origines de la Camera101. Seuls chambellans et Maîtres de l’Hôtel jouent un rôle politique, discret et efficace.
72Ces hommes, à quelques exceptions près, appartiennent à la noblesse, parfois même à la grande noblesse, tel Robert de Dreux, « collatéral » des princes d’Anjou, qui est aussi à l’Hôtel du roi de France ; chambellans et maîtres de l’Hôtel sont-ils tous conseillers ? À peu près la moitié des conseillers nobles de Louis II (vingt-huit sur soixante-trois) et la moitié avec Louis III (vingt sur quarante). Ils sont issus, comme on peut s'y attendre, de Provence, de l’apanage, de Bretagne, du royaume de France hors apanage, d’Italie. L’équilibre réalisé par Louis II entre ses huit Angevins et ses six Provençaux, flanqués de quatre Bretons, deux Tourangeaux, un Manceau, un « Français » et un Hispanique, est, toujours au sein de ceux dont l’identification est certaine, décentré, comme il se doit, avec Louis III, qui distingue huit Provençaux et un Hispano-provençal, cinq Italiens pour trois Angevins (d’importance, puisqu’il s’agit de Pierre et de Bertrand de Beauvau, et de Louis de Bournan), un Tourangeau et un Britonno-manceau102. Ce même prince a sans doute gouverné avec l’Hôtel plus que son père : son court règne est tout plein de la présence, en Provence ou dans le royaume de Naples, des hommes de sa Chambre étroite : Elion de Glandevès, Pierre de Venterol, Guillaume de Villeneuve, le trio provençal, Tristan de la Jaille, les Beauvau, Bournan, Tourangeau et Angevins, sans lesquels l’histoire de ces années ne serait pas ce qu’elle est. Sont-ils des intimes ayant accédé au conseil ou des conseillers dotés d’un office domestique ? Antoine Hermentier, conseiller en 1425, ne devient Maître de l’Hôtel du roi que deux ans plus tard, et capitaine d’Orgon ; Pierre de Bournan, écuyer, premier valet de Chambre de l’Hôtel de Louis II en 1405, entre au conseil en 1406, et, poursuivant son ascension, se retrouve en 1411 Maître du dit Hôtel. Cette même année (ou 1412 ?) il cumule cet office avec celui de viguier de Marseille, et en 1413 avec l’office de visiteur des gabelles ; en 1430, il est contrôleur des gabelles du sel de Provence. En 1407, il avait été capitaine de Sablé. Un bel et étonnant cursus.
73Originaire du Loudunois, la famille de Bournan est une vieille famille qui, au XIIIe siècle, possédait la terre du Coudray Montpensier : Pierre le père, appartint, on l’a vu, à l’Hôtel de Louis II et de Louis III, et le fils, Louis est chambellan de Louis III. Pierre est qualifié de damoiseau en 1427, et Louis, de chevalier en 1440103. Ambition familiale aussi chez les Valori, Barthélemy et Gabriel ; chez les La Jaille, maison tourangelle, où s’illustre Tristan IV, chambellan de Louis III, marié à Laurette d’Anjou, dame de la Roche Talbot, mort en 1429 dans les guerres du royaume de Naples, et dont trois petits-fils entreront à l’Hôtel du roi René et de son fils, le duc de Calabre. L’un d’eux épousera Isabeau de Beauvau, réalisant l’alliance entre deux grandes familles de l’Hôtel, Macé de Beauvau, Grand Maître de l’Hôtel de Louis II, Pierre, premier chambellan des deux rois, et Bertrand étant d’indéracinables familiers des princes. Ajoutons l’intégration de la famille de Bouliers, issue de « Catalan » et de Francesquin de Bouliers, à qui la reine Jeanne avait inféodé des terres en Piémont, avec Antoine, chambellan de Louis II et Louis, chambellan de Louis III104. Mais pour ces trois dernières familles, La Jaille, Beauvau, Bouliers, la présence au cœur de l’Hôtel est la promesse de l’accès aux plus hautes destinées dans le gouvernement de la Provence. De même Jean de Tucé, seigneur de la Guierche dans le Maine, chambellan de Louis II, est sénéchal de Provence et lieutenant du vice-roi, Charles de Tarente, au début du XVe siècle ; sa carrière marque le pas en 1405, avec une interruption assez énigmatique. Rebondit-il en 1413 ? En tout cas, deux de ses petits neveux font partie de l’Hôtel de Charles VII et Louis III. Il avait épousé Jeanne de Juillé. Surprenant, le parcours de Jean Drogoli : échanson en 1386, chambellan en 1388 dans l’Hôtel de Louis II, il devient Maître Rational en 1394. Le banquier Michel de Pacis ou Pazzi entre à l’Hôtel de Louis II comme écuyer panetier105.
74Il n’est pas interdit de passer d’un Hôtel à l’autre : Gabriel Valori, Maître de l’Hôtel de la reine Yolande en 1419, est en 1427 Maître de l’Hôtel de Charles du Maine. Pierre de Beauvau est successivement premier chambellan de Louis II et de Louis III. Pas interdit non plus d’appartenir à la fois à deux Hôtels : Robert de Dreux est à l’Hôtel du roi de France et à celui du roi de Sicile. George de Marie, grand camérier de Clément VII, parvient lui, au dapiférat du comté de Provence, car le cumul touche à tous les offices. À la tête de l’Hôtel de Louis III en 1427 se trouve un homme du royaume de France, Antoine Hermentier, que Charles VII, en 1425, avait « retenu » avec cinquante hommes d’armes pour aller servir sous les ordres du comte de Foix, alors lieutenant général en Languedoc « pour résister aux entreprises des Angloys et autres noz rebelles desobeissans ». Qualifié de « bien amé escuier » par le roi de France, il est passé au service de Yolande d’Aragon, dont il est le conseiller, tout en étant à la Chambre de l’Hôtel de son fils. Il devient capitaine d’Orgon en 1433. L’octroi d’une capitainerie, censée rémunérer ou compléter la rémunération des officiers de l’Hôtel, sauf à n’être que cela, met en évidence le fait que les nobles de la Chambre demeurent des milites : ainsi Jean Pèlerin, capitaine de Château-du-Loir en 1388, les Beauvau, La Jaille et autres106.
75Jouir de la confiance du prince est une assurance et un honneur. Certains s’en contentent et prennent soin de la bonne marche de la Maison royale. D’autres servent la diplomatie des princes : Gui de Laval doit préparer en 1425 le mariage de Louis III et d’Isabelle de Bretagne ; Pierre de Beauvau reçoit procuration en 1430 pour négocier l’union de ce même Louis III avec Marguerite de Savoie, et Louis de Bouliers l’accompagne dans cette ambassade, ainsi que pour la conclusion des trêves avec l’Aragon en 1431. Gui de Laval et Pierre de Venterol avaient fait partie en 1417 de la députation au concile de Constance107… Il s’agit, on le voit, de missions de la plus haute importance, où gens de l’apanage et gens du comté de Provence œuvrent côte à côte.
76Épilogue : c’est sans surprise que l’on trouve au chevet des princes agonisants les serviteurs qui leur sont proches, tous Hôtels confondus parfois, avec les secrétaires pérennes, au château d’Angers, en avril 1417, à Cosenza en Calabre en novembre 1434. La liste des témoins des testaments de 1410 (en des circonstances moins tragiques puisqu’il ne s’agit que du départ du prince), 1417 et 1434, en présence des confesseurs, se confond presque avec le personnel de la Maison des princes : en 1417, Pierre de Beauvau, chambellan, Barthélemy Valori, Maître de l’Hôtel (de la reine), Gabriel Valori, panetier (de la reine), Bertrand Normand, écuyer d’écurie (de la reine), Alain Haussard ou Ausard, échanson, et trois « varlets » de chambre : Jacques Hamon, Guillaume Goupil et Thomas Boulangier. En 1434, Louis de Bournan, Maître de l’Hôtel, Gui d’Auxigny, chambellan, Pierre de Champaigne, le fidèle écuyer d'écurie, Louis d’Estenay, valet d’écurie et Gabriel Valori, panetier. En 1410, Louis II avait fait son testament en présence de Henri de Jonquières et Jean le Vayer, chambellans, et du Maître d’Hôtel, Payen Daverton. Et qui mieux est, les gens de l’Hôtel ne sont pas que témoins, ils sont exécuteurs testamentaires : en 1410, Pierre de Bournan et Jean Creyt (Maître de l’Hôtel) ; en 1417, Gui de Laval, Pierre de Beauvau, Jean de la Chapperonnière, chambellans, Pierre de Bournan et Jean Creyt pour la deuxième fois, Bertrand de Beauvau, écuyer d’écurie. Louis III ne choisit comme exécuteurs testamentaires que les sires de Bueil et de Beauvau. Ont rédigé ces mêmes testaments : Jean Charle et Pierre Franchomme en 1410, Jean Micaël et Jean Loheat en 1417, Jaquet de Villechartre et Nicolas Bouchard en 1434, tous serviteurs de longue date108.
77« Scriniaires » et gens de l’Hôtel réalisent-ils cette synthèse voulue par les princes de leurs territoires et le rapprochement des hommes de ces territoires ? Monde des clercs d’un côté, univers des nobles de l’autre, se rencontrent auprès du prince, en un service qui allie familiarité domestique et modernité de la diplomatique109.
B. Au cœur de l’institution : les gens des comptes
78Ici, pas de structures floues, mais une institution rodée. Pas de nomadisme ni de mixité, mais des sédentaires et des autochtones. Lorsque les cadets des Valois édifient leur État, les Chambres des Comptes d’Angers et d’Aix sont déjà en place110. Gardiens du Domaine et des archives domaniales, les gens des comptes ont la charge de tout ce qui touche à l’administration, à la fiscalité du domaine, et au contentieux judiciaire afférent. L’immensité de la tâche accomplie est tangible à travers le « journal » de la Chambre des Comptes d’Angers, les aveux et transcrits d’aveux et dénombrements en Anjou, les Magna Regestra et autres cartulaires en Provence111. Exceptionnelle mémoire parvenue jusqu’à nous.
1. Chambre des Comptes d’Angers
79Louis II, à son retour d’Italie, inaugure son règne personnel par des ordonnances désormais célèbres, en mars 1400, qui dictent à la Chambre des Comptes d’Angers ce qu’il attend d’elle, à savoir recenser les hommes et les droits du prince, et enregistrer le tout. Rien ne vaut, pour comprendre la travail des gens des Comptes, le « journal » (1397-1424) qu’ils ont rédigé :
papier journal pour escript par maniere de memoire les proces et autres actes faiz à Angiers en la Cambre des Comptes de la Royne de Jherusalem et de Sicile et du Roy Loys son filz... commencé au terme de la Toussains l’an mil CCCIIIIxx XVIII...112.
80En fait, c’est la vie de la principauté sous toutes ses formes qui s’y trouve. Ce n’est pas pour rien que la Chambre des Comptes a quitté la « Maison des Prédicateurs » pour le château d’Angers, cœur de tout le dispositif, à la fin du XIVe siècle. Le “journal” s’attache en premier lieu à la famille des princes : leur présence ou non au château, leurs déplacements vers le roi de France ou la Provence, et l’Italie ; il n’omet pas de mentionner les événements marquants dont ils ont été témoins (naissance de René, mort de Louis II, etc.). La réception des lettres « royaux », leur enfermement dans les précieux coffres (par exemple, en octobre 1411, « ont été mises ou coffre quarré jouxte les armoires du coing des chambres fortes »), et donc, pour partie, ce qui a trait au gouvernement de la principauté et à la diplomatie passe par les mains des gens des Comptes d’Angers. Avec ce qu’ils rapportent de la fiscalité domaniale et féodale (les « rachats »), c’est la vie économique et sociale de l'apanage qui transparaît. Même les aides, qui ne sont pas de leur compétence, octroyées par le roi de France, sont répertoriées. Ils n’hésitent pas à se déplacer quand il le faut : Lucas Le Fèvre et Pierre Bricoan quittent Angers pour Guise et Roucy le 11 octobre 1406, pour s’occuper des comptes de ces terres. Lorsque guerre civile et guerre franco-anglaise menacent le duché, le journal s’en fait l’écho : en novembre 1410, des lettres de la reine Yolande appellent à la garde du pays d’Anjou ; le 11 janvier 1412, l’huissier d’armes du roi de Sicile apporte un mandement du prince de faire « crier et publier... que nul noble ni autre ne parte hors du pais de Loudun, Saumur et Mirebeau... » La victoire de Baugé, le 22 mars 1420, est saluée comme il se doit113. La politique des grands travaux de la Maison d’Anjou prend place aussi dans ce journal, qui consacre de nombreuses pages aux transformations et réparations du château d’Angers, de la forteresse de Saumur, des Ponts-de-Cé, etc. (cf. supra).
81Les gens des Comptes ont-ils pu lutter efficacement contre les aliénations domaniales et les libéralités des princes ? La réponse est négative, leur rôle étant « de servir le maître en prenant sur eux la responsabilité d’un refus que le duc ne souhaitait pas assumer »114. Ont-ils pu décider et agir depuis que Louis II les a autorisés à aller de l’avant ? Pas dans le domaine politique en tout cas. S’il est loisible néanmoins de qualifier la Chambre des Comptes d’Angers de lieu du pouvoir, c’est parce que c’est là que l’on met en pratique les ordonnances du prince, là que l’on applique les coutumes, avec une certaine marge de manœuvre que l’absence des princes conforte. Reliée à ces derniers par des courriers, sauf interruption due à la guerre, la Chambre fonctionne bien et parfois on a le sentiment qu’elle tient à elle seule les terres de l’apanage. Les conseillers de ladite Chambre sont des conseillers tout court et, par là même, ils jouent un rôle de premier plan. D’autant plus que le président de la Chambre est aussi le chancelier.
82C’est une petite équipe qui accomplit ce gros travail. Les ordonnances de 1400 nous en donnent la composition à cette date : huit conseillers : le chancelier-évêque d’Angers, Harduin de Bueil, l’abbé de Saint-Aubin, maîtres Jean le Bégut, Guillaume Aignen, Denis Dubreuil, Etienne Buynard, Lucas Le Fèvre, messire Jean d’Escherbaye, doyen d’Angers ; le nom de Brient Priouré ou Prieur a été rajouté dans le manuscrit, ce qui porterait à neuf le nombre des conseillers ; deux clercs, Gillet Buynard et Jean Fromont ; un huissier, Jean Duvivier. Initialement il existe un relatif équilibre, parmi les conseillers, entre clercs et laïcs115. Au total, durant ces trois décennies, on recense quinze conseillers et quinze clercs, secrétaires, notaires et huissiers. Le secrétaire de Louis II, Pierre Bricoan, prête serment comme conseiller et auditeur des Comptes en 1412, et Jean Loheat le remplace comme secrétaire à la Chambre des Comptes. Jean Micaël, autre secrétaire du prince, succède à feu Gillet Buynard, qui était devenu conseiller à son tour en 1426. Jean Dupont avait prêté serment pour le même office en 1423. Jean Dupuy, futur trésorier, est mentionné comme appartenant aux Comptes d’Angers en 1398, et Jean Herbelin, futur receveur d’Anjou, comme clercs en 1410. Les serments des secrétaires et notaires que la Chambre enregistre sont-ils ceux qui vont servir les Comptes ? On pourrait le supposer avec le serment des six que le journal relève de 1403 à 1417 ; mais que penser de ceux qui font serment en 1424, dont l’un, Marc Fouquet, s’avoue « secrétaire et notaire de la reine Yolande et de son fils Loys » ? La Chambre serait-elle habilitée à enregistrer les serments de tous ( ?) les notaires et secrétaires, servant directement ou non le prince et ses Comptes, de faire apposer et d’enregistrer le seing manuel ou le signet qui est le leur ? La seule péripétie fut le passage de main en main de la garde du sceau : à l’abbé de Saint-Aubin en 1400 ; à la mort de Guillaume Aignen (qui en avait donc la garde) en 1401, ce sont Etienne Buynard et Lucas Le Fèvre qui en sont chargés ; en 1404, l’évêque d’Angers, président de la Chambre, ce qui semble un retour à la normale. Définitivement, semble-t-il. Cette pacifique Chambre des Comptes aurait-elle connu quelques tensions, quelques rivalités, ou quelque défaveur116 ?
83La Chambre des Comptes d’Angers est un milieu homogène : ses membres sont en grande majorité angevins, ce sont des clercs et des maîtres. Les liens avec l’université d’Angers sont évidents : Harduin de Bueil et l’abbé de Saint-Aubin figurent en 1411 sur une liste où ils sont qualifiés de « régents » ; Jean d’Escherbaye y a pris ses grades utriusque juris ; et l’écolâtre Brient Priouré, legum professor, a dû faire face à la fronde estudiantine en 1397. Ce sont des juristes et des techniciens des finances : Jean Dupuy et Jean Herbelin sont passés par la Chambre des Comptes, Guillaume Aignen est trésorier de la reine en 1405, et Jean Dupont devient en 1431 Maître de la Chambre aux Deniers de Yolande d’Aragon. Bien qu’il y ait des secrétaires fixes à la Chambre, la mobilité n’est pas exclue : Denis Dubreuil et Lucas Lefèvre sont secrétaires de Louis II, Jean Micaël et Pierre Bricoan deviennent conseillers. Ce qui n’altère guère leur sédentarité, le prince étant souvent présent au château d’Angers. Le cursus interne garde son attrait : être conseiller aux Comptes d’Angers peut être le sommet d’une carrière : Gillet Buynard a été successivement huissier, clerc et conseiller. De proches parents font carrière côte à côte : Etienne et Gillet Buynard. D’autres parfont leur parcours mixte avec un siège épiscopal, ainsi, on l’a vu, Jean Micaël. Comme il se doit, les conseillers ont cent livres tournois de gages annuels et les clercs, cinquante à soixante117.
84Les gens des comptes ont-ils fait une percée en direction de la seigneurie ? Maître Denis Dubreuil fait foi lige au duc d’Anjou pour une terre et un hébergement dans la prévôté-châtellenie d’Angers ; Annette Buynard (fille de ?) veuve de feu Jacques le Maçon, fait en 1435 l’aveu de deux fiefs dans la châtellenie de Baugé. Parenté avec le chevalier Robert le Maçon qui fut sénéchal d’Anjou118 ?
2. Rationaux et Maîtres Rationaux d'Aix
85À l’autre bout de la principauté, les gens des Comptes d’Aix. À Angers, un modèle français, à Aix, une importation d’Italie. Mais la même finalité : la garde du Domaine et tout ce qui s’y rattache. Aux Rationaux et archivaires de la Chambre rationale, au nombre de quatre, conservateurs des droits fiscaux et des actes le concernant, se sont adjoints, au cours du XIVe siècle, aux fins de contrôle, les Maîtres Rationaux de la Grand Chambre, administrateurs et juges. Des « hauts fonctionnaires »119 ? Une élite en tout cas dans le monde des officiers.
86Une étude récente a été faite sur ce personnel : que la recherche ait porté sur un siècle – comme c’est le cas dans cet article – ou sur moins d’un demi-siècle, les conclusions sont très proches : les Maîtres rationaux, pour ne parler que d’eux, sont des gradués (61,5 %) pour les années 1390-1481, en majorité Provençaux, dont un tiers d'Aixois, et nobles, de noblesse récente, pour un peu plus du tiers de ceux qui sont connus, les ecclésiastiques composant 1/5e de ce groupe. Des liens de parenté les unissent entre eux ainsi qu’au milieu marchand. Ils ont des gages de 300 florins par an120.
87Si l’on fait abstraction de la période où règne Marie de Blois-Penthièvre, soit de 1384 à 1399, sur trente-cinq ans, de 1400 à 1434, la tonalité est la même, à quelques nuances près : sur trente-six Maîtres Rationaux, 52,7 % de Provençaux, dont 27,7 % d’Aixois, et tout de même 16,6 % de Français (toujours par rapport à ceux qui sont identifiés) ; 44 % de nobles, 16,6 % d’ecclésiastiques. Les gradués sont majoritaires, 58,3 %, mais – et c’est la seule vraie nuance avec l’étude qui porte sur un siècle-, les nobles gradués ne sont que 37,5 % des Maîtres Rationaux nobles, et 16,6 % du total des Maîtres rationaux, au lieu de 4/5e de nobles ayant pris leurs grades. Cette différence s’explique sans doute par le fait que les nobles vont être de plus en plus nombreux à prendre leurs grades au fur et à mesure que l’on avance dans le siècle, ce qu’ils sont encore minoritairement dans les premières décennies. La grande majorité des gradués, toutes catégories confondues, sont des civilistes.
88Il n’est pas exclu que certaines nominations aient été honorifiques ou fruit des circonstances, notamment avec la princesse Marie. Sans revenir sur leur cursus, les voies d’accès par secrétariat et trésorerie, l’expérience acquise pour partie d’entre eux comme bayles ou viguiers, leur entrée tardive dans la fonction121, remarquons la longévité des Maîtres Rationaux dans leur office au cours de ce demi-siècle. Dix-sept sont restés plus de dix ans, certains même plus de trente ans. Ils sont Maîtres Rationaux à vie, ils « durent » souvent plus longtemps que les princes et passent d’un règne à l’autre. Il n’est pas toujours facile de cerner ceux qui exercent simultanément la charge ; en 1409, se détachent quatre grands serviteurs : Pons Cays, Jean Drogoli, Jean de Genoards et Antoine Isnard ; sous Louis III, Jordan Brès et Vital de Chabannes. Quant à leur valeur et à leur efficacité, presque tous seraient à citer : Raymond Bernard Flaminges, qui cumula pendant dix-sept ans les offices de Maître Rational et de Juge Mage, de 1385 à 1402, Guigonet Jarente, qui fut Maître Rational vingt-deux ans, de 1380 à 1402, Jean Martin, de 1433 à 1444, etc.122.
89On sait que les rares anoblissements octroyés par les princes d’Anjou l’ont été à trois Maîtres Rationaux ; que trois d’entre eux ont cumulé cet office avec celui de Juge Mage ; que les princes ont élu certains pour siéger au Parlement et au Conseil Éminent : force est de conclure que les Maîtres Rationaux de la Grand Chambre d’Aix jouent un rôle de premier plan dans l'État, le passage du Domaine à l'État étant chose faite avec eux.
90C’est ce qui ressort d’une lettre de Louis II adressée depuis le château de Tarascon le 21 octobre 1399 à Raymond Bernard Flaminges magnifiais vir, chevalier, docteur ès-lois, Maître Rational, juge des seconds appels, conseiller et fidèle123. Louis II revient de son royaume de Naples, il amorce son règne personnel en révisant la politique que sa mère a menée pendant son absence. Après les guerres de Raymond de Turenne et la soustraction d’obédience au pape Benoît XIII, la Provence est dans un triste état et le prince évalue les dégâts dans le monde des officiers aussi, sans doute en raison de nominations intempestives. Contraint de se rendre en France ad... ardua negotia, il s’adresse à l’homme qui lui semble le mieux placé pour cette remise en ordre. Affirmant la corrélation existante entre le bon gouvernement de la chose publique et le choix d’officiers dignes et compétents, constatant en outre que nombreux sont ceux qui ne répondent pas à ce critère parmi les grands officiers d’Aix, qui sont censés donner l’exemple, et dont dépend tout le gouvernement de la chose publique dans la patrie provençale, le roi charge Raymond Bernard de révoquer les indignes et les inutiles parmi les Maîtres Rationaux, rationaux et archivaires, président de la Chambre rationale, juges des premiers appels, et d’en nommer d’autres à la place. C’est la première fois depuis sa majorité, que le roi Louis II exprime sa conception du pouvoir et de l’office. Le royal honneur est exalté, non plus à travers le dialogue avec ses sujets, comme du temps de la conquête de la Provence, mais à travers l’image véhiculée par ceux qui participent de la potestas. Il l’est aussi dans la volonté d’éviter l’injustice engendrée par la paresse et l’ignorance des officiers. De cette rigueur imposée à la fonction publique doit découler un gouvernement sain. C’est un autre Maître Rational, Guigonet Jarente, mandaté pour l’occasion comme lieutenant du Juge Mage – Raymond Bernard est désigné en ces termes à la fin de la lettre – qui est chargé de transmettre la volonté du prince124. Même s’il s’agit d’une sorte de commission, le pouvoir conféré à Raymond Bernard est insolite et considérable, et il va s’exercer sur ses pairs. Il est chargé de remédier aux tares du gouvernement de la Provence et à l’absence du prince.
91La mission a été couronnée de succès ; la crise de la fin du règne de Louis II et du règne de Louis III ne met pas en cause la valeur des Maîtres Rationaux, mais les réformes des princes. Les Maîtres Rationaux et les juges des seconds appels – ces deux fonctions étant souvent entre les mêmes mains sont à la pointe de l’administration de la Provence. Seul Jean Louvet, président de la Chambre rationale, fera parler de lui dans le contexte de la guerre civile en France. Le pouvoir des gens des Comptes d’Aix ne cesse de s'accroître : disposant de leur propre sceau, ils expédient des lettres patentes, expriment leur idéologie leur conception de l'État, comme en juillet 1411 à l’occasion d’une autre crise125. Ainsi que le rappellent les ordonnances de Louis II de 1416, ils sont avant tout « conservateurs des droits fiscaux », ce qui leur donne pouvoir de commandement en ce domaine, contrôle des officiers et des fermiers, juridiction civile et criminelle. Longue est la liste de ce qui relève de leur compétence, depuis les péages, lesdes, portages, pulvérages, pasquerages jusqu’aux albergues, chevauchées, gabelles du sel en passant par le contrôle des poids et mesures... On verra ainsi tout naturellement tel Maître Rational, Guigonet Jarente en 1400126, glisser de la fiscalité ordinaire à l’extraordinaire, le recouvrement d’un affouagement. Ils sont aussi compétents en matière de contrats féodaux, et, s’ils ne reçoivent pas les hommages, tâche qui incombe, en l’absence du prince, à son lieutenant, au sénéchal ou au Juge Mage, ils prennent la parole au cours de la cérémonie de l’hommage pour garantir au vassal la sauvegarde de ses droits. Ainsi fait, par exemple, Jean Drogoli, chevalier, seigneur des Pennes Saint-Julien, Maître Rational, au château de Tarascon, le 1er octobre 1406, lors de l’hommage du sénéchal Pierre Dacigné, en présence du roi comte127. Les actes d’hommages sont déposés aux archives de la Chambre rationale.
92L’action des Maîtres Rationaux se confond avec le gouvernement de la Provence. Le prince se repose sur eux, comme il se repose sur les gens des comptes d’Angers. Les Maîtres Rationaux participent aussi à la genèse des « lettres royaux », expriment la volonté du prince, que le secrétaire ne fait que rédiger. Même chose pour les lettres du gouverneur ou du sénéchal. Combien de lettres de Louis II sont passées par les mains de Guigonet Jarente, Jean Drogoli, Jean de Sade, Jean de Genoards... Parmi les témoins d’un acte, quel qu’il soit, il y a toujours un Maître Rational128. Ils peuvent être aussi commissaires, comme Pons Cays et Guigonet Jarente en 1401 pour rechercher un accord avec Boucicaut. Bref ils sont partout où se trouve le pouvoir, pouvoir économique et fiscal, administratif et politique. Avec eux grandit la place d’Aix, capitale administrative de la Provence. Leur compétence les rend indispensables, leur orgueil contraste avec la modestie des gens des Comptes d’Anjou. Avec cette élite, Louis II pense pouvoir réaliser son rêve : gouverner avec un petit groupe de conseillers légistes, réunis dans ces silentia impériaux.
C. L'ombre du grand sénéchal ou portrait solitaire
93Ce n’est pas dans l’apanage que resurgit le passé : le sénéchal d’Anjou n’est que le sénéchal d’une sénéchaussée, ce qui ne permet pas de le mettre sur le même plan que le sénéchal de Provence ; même si le conflit franco-anglais a redoré son office et si quelques grands ont occupé cette fonction, il est sérieusement concurrencé par le Juge Ordinaire d’Anjou et Maine. Le règlement de 1389 qui s’efforce de délimiter le pouvoir des deux hommes, n’y parvient pas totalement, tant administration, justice et commandement militaire interfèrent encore129. L’un et l’autre font partie du conseil. L’histoire de l’apanage est marquée par la présence, de 1393 à 1427, d’un serviteur dévoué, Etienne Fillastre. Ce Manceau, dont le frère Guillaume, plus célèbre, a fait carrière au service du duc de Bourgogne avant de devenir archevêque d’Aix, a pour tâche principale de « tenir l’assise », théoriquement quatre fois l’an, où, selon la coutume, les vassaux doivent faire porter les aveux et dénombrements écrits. Il prononce alors des arrêts conformes au droit coutumier d’Anjou et du Maine, les principaux litiges portant sur la succession des fiefs, les droits de « relief » et la qualification des procureurs, et il est secondé par des lieutenants. Homme de confiance des princes, il est l’un des exécuteurs testamentaires en 1410 et 1417, et figure au nombre des conseillers que le roi de Sicile recommande à son épouse lors de son départ pour l’Italie. En 1435, sa veuve, Gillette Maizonnie, fait aveu de la terre et de la maison du Perrin-Savineau dans le ressort d’Angers, et, en 1453, dans l’aveu de cette même terre, Roberte Fillastre, sa fille selon toute vraisemblance, se dit veuve de feu messire Jehan de Monteclere, chevalier. Ses descendants entrent dans le monde de la noblesse130.
94Le Juge Ordinaire d’Anjou, même compétent en matière criminelle, n’incarne pas la justice suprême de l’apanage : la justice d’appel, mise à la portée des sujets du duc d’Anjou en 1370 par l’octroi fait par Charles V des « Grands Jours », n’est qu’une délégation du Parlement, le roi de France restant souverain dans les terres apanagées. Il en va autrement dans les comtés de Provence et de Forcalquier, où le comte-roi peut se considérer comme tel. Au dessus des juges royaux et seigneuriaux il existe plusieurs degrés d’appel, et, au sommet, le Juge Mage. Celui-ci peut-il être un rival pour le sénéchal, comme le Juge Ordinaire l’est en Anjou pour le sénéchal d’Anjou-Maine ? Si le Juge mage n’avait qu’un rôle en matière de justice, leurs pouvoirs apparaîtraient comme nettement distincts. Mais très souvent, il flanque le sénéchal dans la réception des serments et des hommages, et, s’il cumule cet office avec celui de Maître Rational, il peut être un rival redoutable131. Par ailleurs, le sénéchal n’a-t-il aucune prétention dans le domaine judiciaire ? Et que devient le dapiférat en Provence avec la deuxième Maison d’Anjou-Provence ? Sujet à éclipse notamment après 1423, et remplacé par un gouverneur, un lieutenant général, cet office, qui fut le plus important de Provence, voit se succéder : un membre d’une vieille famille, Foulques II d’Agoult (1376-1385) ; un homme du pape Clément VII, George de Marie, qui occupe la scène pendant la guerre de Raymond de Turenne (1387-1400) ; un Manceau, Jean de Tucé, qui fait carrière dans l’ombre de Charles de Tarente, et fut aussi gouverneur du comté de Guise (1403-1405) ; deux Bretons enfin, Pierre Dacigné (1405-1423) et l’encombrant Tanguy du Chatel sous le règne du roi René. Si les Provençaux ont rejeté et honni ce dernier, ils ont accepté celui qui fut dix-huit ans sénéchal de Provence, et n’ont pas opposé la règle de l’indigénat à sa présence132.
95Le XVe siècle n’interdit pas les aventures individuelles : celle de Pierre. Dacigné en est une. Originaire d’Acigné, près de Rennes, sa famille prétend remonter aux anciens comtes de cette région. Fils cadet de Jean Ier et de Jeanne de la Lande, le nom de Pierre d’Acigné ou Dacigné apparaît pour la première fois dans l’acte de soustraction d’obédience du 30 novembre 1398. A-t-il suivi la filière des clients de la Maison de Blois-Penthièvre, bien qu’il y ait des membres de sa famille alliés aux Montfort ? A-t-il participé à une expédition italienne et laquelle ? Il est trop jeune lorsque Louis Ier va venger sa mère adoptive, et il ne paraît pas avoir pris part à celle de Louis II, puisqu’il est aux côtés de Marie de Blois en 1398. Cependant son mariage avec Hélène d’Enghien, dont la famille est implantée en Italie du Sud, laisse place au doute133. Il devient lieutenant du roi en Provence pendant le voyage de Louis II en France en 1404, et en 1405 il est nommé sénéchal.
96Ce Breton a cherché à s’enraciner dans la « patrie provençale ». Il choisit comme lieutenant son cousin, Isnard de Glandevès, seigneur de Cuers, le 31 mai 1405134. Il fait hommage le 1er octobre 1406 à Tarascon, pour le castrum et la baronnie de Grimaud et de Val Freynet, et s’avoue seigneur de la tour de Saint-Tropez avec merum mixtum imperium et jus naufragii, seigneur de Ramatuelle, Cogolin, Gassin, La Garde, La Molle.
97Selon un scénario souvent répété, le Roi Louis II, à son retour de Prato et tout à la préparation de son expédition italienne, qui a besoin d’assurances, même s’il a confié les pleins pouvoirs à son épouse, concède, par lettres patentes délivrées à Marseille le 30 novembre 1409, des privilèges à son sénéchal, qualifié de consanguinis, collateralis et fidelis noster : le droit pour lui et ses héritiers de poursuivre et de châtier les officiers, serviteurs et familiers royaux sur ses terres de la baronnie de Grimaud et de Val Freynet, et celui de remettre les peines et de pardonner, sauf cas de lèse-majesté. Ceci sans préjudice du pouvoir des juges des premiers et seconds appels. Le sénéchal et ses descendants pourront délivrer aux barbiers, chirurgiens, physiciens le droit d’exercer leur métier, ainsi que faire rechercher sur le territoire de la baronnie les mines d’or et d’argent. Pierre Dacigné est dispensé, sa vie durant, des services et des prestations dues au roi le jour de Noël. Il est à la tête d’un vrai petit état dans l'État, comme Boucicaut. La vicomté de Reillanne vient s’ajouter, en 1410, à ses terres, ainsi que la baronnie de Meyrargues et le château de Barbentane. Le 13 octobre 1419, à Aix, il fait hommage à Louis III135.
98Le sénéchal a dû vaincre sans doute une mauvaise santé (une infirmité ? Ou un mal passager ?) pour remplir les obligations de sa charge : en décembre 1406, à Marseille, dans la demeure de Jacques de Favacio, il reçoit allongé l’hommage de Boucicaut au nom du prince ; à Aix, en mars 1409, il est malade : il est assez étrange de le voir, en décembre 1409, recevoir les hommages dus à Louis II dans son castrum de Grimaud, sans doute pour la même raison. Cela n’a pas été au point de le paralyser totalement : il parcourt les comtés de Provence et de Forcalquier, avec ou sans les princes, toujours pour recenser les hommages de 1406 à 1409, en 1413, et en 1419. À peine peut-on noter un certain ralentissement de ses activités à la fin du règne de Louis II, mais après la mort de ce dernier, et en l’absence de la reine Yolande – qui ne vient en Provence qu’en 1419 – il reprend une activité accrue, seul réel maître du pouvoir exécutif. Bien qu’il n’ait pouvoir que pour faire exécuter les décisions des princes, ce sont ses « lettres exécutoires », scellées de son sceau, délivrées, si possible dans le plus court laps de temps après la réception des lettres royales, qui déclenchent l’exécution136. Il peut en outre donner des lettres de commission, premier pas vers la désignation des officiers. La nomination est même immédiate et directe quand il s’agit de la défense du pays : le 8 juillet 1408, c’est lui qui choisit les deux commissaires chargés d’inspecter et de réparer les forteresses de montagne, « les affaires de la cour royale sollicitant ses soins continus » et l’empêchant d’accomplir en personne cette inspection. Il ne reçoit pas que le serment des féodaux, ou des capitaines-châtelains, comme à Aix, le 23 juillet 1417, « pour l’honneur et la fidélité dues à la reine Yolande », mais aussi celui des officiers nouvellement ordonnés : en avril 1413, celui de Jean Louvet, viguier de la Cour royale à Marseille, de Hugues Audurin, juge du Palais et d'Étienne Bernard, juge des premiers appels137.
99Un moment, de 1417 à 1420, le sénéchal a pu se croire seul au sommet de la Provence : après la tension de la fin du règne de Louis II, qui privilégia, entre autres, les Maîtres Rationaux avant de créer le « Parlement » contesté de 1415, et l’affaiblissement de sa position, tout se renverse à la suite du décès du prince et de l’envoi d’une ambassade des Trois États, réunis à Aix, sur mandat de Pierre Dacigné, auprès de la Reine Yolande à Angers : l’abolition des réformes, le retour au statu quo ante, la revendication des mêmes libertés que lors de la conquête de la Provence sont entérinés par lettres de la Reine adressées au sénéchal le 23 août 1417, à fin d’exécution. Se détachent les critiques à l’endroit des officiers de justice et la demande des pleins pouvoirs au sénéchal pour y porter remède. Les délégués réclament un Juge Mage « probe » qui n’offense pas la patrie en s’en prenant aux libertés, et leurs vœux se portent sur Pons Cays, qui s’engage à résider à Aix. La reine Marie a maintenant rejoint la reine Jeanne au Panthéon des princes de la patrie provençale138. L’alliance tacite du sénéchal et de l’assemblée des trois États est révélatrice des antagonismes qui déchirent les comtés méridionaux. Quelques semaines plus tard, le 2 octobre, Yolande d’Aragon fait payer cent vingt sous d’or d’arrérages de gages à son sénéchal, à prélever sur le péage de Tarascon139.
100Pierre Dacigné a-t-il voulu réaffirmer (rétablir ?) le pouvoir judiciaire du sénéchal ? Le 22 mai 1413, le secrétaire royal, Antoine Isnard et le procureur royal et avocat du fisc, Honoré Bonnieux, jurispert, exécutent, sur ordre donné par lettres patentes du sénéchal, un vidimus de l’acte de condamnation de Raymond de Turenne, le 22 décembre 1394, par celui qui était alors sénéchal, George de Marie. Qu’est-ce à dire, sinon : 1. Que le sénéchal a pouvoir de prendre des lettres patentes. 2. Que, à l’instar de George de Marie, agissant more maiori pro tribunali, il a capacité de juger les crimes de lèse majesté140 ? Les années 1413-1414 sont marquées par des troubles dans le comté de Provence, et par l’exécution, pour crime de lèse majesté, du chevalier Reforciat d’Agoult... Même dans le domaine judiciaire, il peut y avoir rivalité entre le Juge Mage et le sénéchal.
101À ce redoutable pouvoir sur les grands, Pierre Dacigné a-t-il ajouté des gains territoriaux faits au détriment de la Maison d’Agoult ? En avril 1410, il avait acheté à Louis II 4 000 florins la vicomté de Reillanne comprenant le « lieu » de Reillanne, les castra de Saint-Michel et de Saint-Maime141. Cette vicomté, qui avait appartenu pendant des décennies à la Maison d’Agoult, se trouvait donc à cette date, entre les mains du roi (vente ? confiscation ?). Aucun héritier n’étant né de l’union du sénéchal avec Hélène d’Enghien, sa veuve vend le 27 mai 1427 à la reine Yolande 5 000 florins la baronnie de Grimaud, et, si en 1427 elle est encore vicomtesse de Reillanne, en 1428 cette terre est entre les mains de Louis de Bouliers. Hélène d’Enghien s’est donc défait de la plus grande partie de la principauté édifiée par son époux. L’argent qui avait servi à rassembler des terres venait-il de la famille Dacigné ou de la Maison d’Enghien142 ?
102Après la venue en Provence, en 1419, de la princesse Yolande et de son jeune fils, le sénéchal n’est plus aussi puissant. Il meurt en 1423, l’année où Louis III confère la vice-royauté à sa mère. Si le dapiférat disparaît pour vingt ans, ce n’est pas parce qu’il comptait trop peu, mais au contraire parce qu’il faisait ombre au pouvoir comtal. Désormais, seuls lieutenant, gouverneur ou vice-roi pourront rivaliser avec la puissance qu’a eue un moment le sénéchal. L'opposition se situe entre les Maîtres Rationaux et les sénéchaux non seulement quant à la plénitude de leur pouvoir, mais aussi et surtout dans la conception de ce pouvoir. Entre le militaire et les intellectuels, le Roi devra choisir.
Conclusion
103La deuxième Maison d’Anjou-Provence a été bien servie par des serviteurs mal payés. Elle est parvenue à rassembler autour d’elle, après des débuts difficiles et malgré quelques faux pas, suffisamment d’hommes dévoués à sa cause. Les princes se sont efforcés de définir le service public et d’exiger l’honnêteté et la compétence des officiers. Il semble que le mécontentement de leurs sujets vise essentiellement les officiers subalternes, viguiers, bayles en Provence, prévôts dans l’apanage mais les comtés méridionaux demeurent très attachés à l’office de Juge Mage ; l’hostilité touche aussi les officiers des finances. La lutte est d’autant plus âpre que beaucoup d’incertitudes subsistent dans leur statut. Les membres de cette dynastie ont-ils réalisé l’amalgame de leurs serviteurs et gouverné l’ensemble de leurs terres avec des hommes issus des pays « de par deçà » et « de par delà » ? Oui, si l’on donne au conseil la première place, et si l’on prend en considération l’univers des secrétaires et des familiers de l’Hôtel. Non, si l’on regarde les institutions centrales d’Angers et d’Aix, où les autochtones dominent. Peu importe que des courants venus d’Avignon aient, un temps, amené d’éphémères serviteurs, ou que certains poursuivent un cursus au service du prince et de l'Église ; par contre le danger de la symbiose avec le royaume de France et la persistance de serviteurs ambivalents, sinon ambigus, regroupés autour du gendre de Louis II, le Dauphin Charles, peut se révéler brutalement à l’heure des guerres civiles143. Le drame n’est pas toujours au rendez-vous, et beaucoup ont poursuivi une carrière au service des Valois aînés et cadets sans problème. Les « diagonales » empruntées par les hommes des princes sont d’abord la traditionnelle Italie-Provence et celle qui, depuis la Bretagne, en passant par Maine-Anjou-Touraine, rejoint les comtés méridionaux. Si l’on trouve des Angevins, des Tourangeaux et même des Manceaux et des Bretons faire carrière en Provence, aucun Provençal n’a fait carrière en Anjou. Bien que peu de serviteurs en soient issus, le Languedoc s’inscrit dans l’histoire de la Provence pendant ces décennies, soit en raison des suites de la lieutenance-générale de Louis Ier, soit à cause de sa proximité. Certains des officiers et conseillers des princes et princesses d’Anjou-Provence ont vu leurs ambitions satisfaites et ont préparé le terrain pour leurs descendants ; pour d’autres le destin a tourné court. Tous ont été, peu ou prou, créanciers des princes, et s’ils ont accédé à la propriété foncière et ont connu une ascension sociale, c’est grâce au prestige que leur vaut leur office et l’appui du prince, mais aussi en raison de fructueuses alliances dans leur vie privée. Mais, entre tous, c’est vers ceux qui ont la culture, ceux qui ont pris leurs grades, que se tournent de plus en plus nettement les princes pour gouverner leur État.
104Si, à la lumière de l’étude des serviteurs du prince, on revient sur l’idéologie qui sous-tend le regimen et la gubernatio de la maison d’Anjou-Provence, trois composantes se dégagent : la capacité à gouverner du prince en raison de ses origines et sa place fondamentale aux racines de l'État ; la correspondance de l’harmonie céleste avec l’organisation terrestre des officiers autour du prince, garantie du bon gouvernement ; et surtout l’impact du droit romain qui fait des serviteurs « des parties du prince lui-même » et du roi un imperator, les doctores legum se proclamant « chevaliers d’une milice sans armes »144.
Notes de bas de page
1 Pour les sources cf. infra, notes 30 et 68.
2 Cf. supra, chapitre III, « L'oral et l'écrit ».
3 Citons comme familiers : Jean Feutrier de Brignoles (21 mars 1386), Ruffus de Jamsilhac, marchand d’Arles, qui reçoit protection pour se rendre à Beaucaire, J. P. de Granville, maître médecin (5 septembre 1385), Maître Benedicte Ayme (notaire ?), etc. Par ailleurs le chancelier note « au soir vindrent Prunnier et à Tournus le 2 novembre 1386 Le Roy, familiers messire Robert de Dreux venans de France », J. Le Fèvre, p. 252, 249,165, 209 et 324. La princesse retient aussi comme familier et chapelain le « frère Basile » (Grec ?), ibidem, p. 288.
4 On peut vraiment parler du conseil dans certains cas comme « soupape de sécurité » : R. Cazelles, « Les mouvements révolutionnaires du milieu du XIVe siècle et le cycle de l’action politique », dans Revue Historique, t. CCXXVIII, 1962, p. 279-312. Le total de cent trente-trois conseillers est atteint en 1388.
5 J.-L. Beautemps-Beaupré, op. cit., t. II/1, p. 539.
6 A. Lecoy de la Marche, Le roi René, t. 1, Paris 1875, p. 442-443. F. Piponnier, Costume et vie sociale à la cour d’Anjou aux XIVe et XVe siècles, Paris-La Haye, 1970, p. 206. Cf. infra, note 24.
7 J. Le Fèvre, p. 231.
8 R. Cazelles, La Société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois, Paris, 1958. Aujourd’hui on donne à techniciens une acception légèrement différente : P. Braunstein, « Les techniciens et le pouvoir à la fin du Moyen Âge : une direction de recherche », dans Prosopographie et genèse de l’État Moderne, Paris, 1986, p. 222-229.
9 Jean Le Fèvre distingue ceux qui sont anoblis et ceux à qui la princesse Marie concède seulement les privilèges de la noblesse : dans le premier cas, Guillaume de Pertuis de Beaumont, « quem domina nobilitat etprivilegiis nobiliurn gaudeat ». Bernard Lombardon, Jacques, Lucie et « Marcheta » Bonshommes, enfants de feu Jacques Bonshommes de Tarascon, Guillaume et Pierre Roger, frères, ainsi que Jean Marreni d’Annot ; dans le second, Guillaume Robaud qui se voit exempté de tailles : J. Le Fèvre, p. 459, 482, 468 et 476. Aucun de ces hommes n’est conseiller. Louis II a anobli Jean de Genoards en 1410, et Jean de Sade ; Louis III, Jordan Brès, en 1420. Étienne Bernard, dit Moreau, a été anobli par Charles VII en 1433.
10 Nicolas de Brancace, évêque, puis cardinal de Cosenza (promotion Clément VII) : C. Eubel, op. cit., t. 1, p. 26 ; Pierre Ameilh, « cardinal d’Embrun » (ou plus exactement, ancien archevêque d’Embrun et cardinal de Saint-Marc) : ibidem, t. 1, p. 26. Cf. aussi H. Bresc, La Correspondance de Pierre Ameilh, archevêque de Naples, puis d’Embrun, 1363-69, Paris, 1972 ; Jean Roland, cardinal d’Amiens, C. Eubel, op. cit., t. 1, p. 27 note 5 p. 87. Pierre de Thury, cardinal titulaire de Sainte-Suzanne, C. Eubel, op. cit., t.1, p. 27 ; Jean de Murol, évêque de Tricastin, cardinal titulaire de Saint-Vital, ibidem, t. 1, p. 27 ; Jean de Bronhiac, évêque de Viviers, cardinal titulaire de Sainte-Anastasie, ibidem, t. 1, p. 27 ; Faydit d’Aigrefeuille, évêque d’Avignon, cardinal titulaire de Saint-Martin, ibidem, t. 1, p. 27 ; Louis de Casais, évêque de Pouzzoles, cardinal de Ravenne, ibidem, t. 1, p. 436.
11 Conseillers de Marie de Blois : Harduin de Bueil, évêque d’Angers, Guillaume, évêque de Senez, Artaud, évêque de Sisteron, Jean Abrahard, évêque de Vence, Bertrand Nicolaï, évêque de Vintimille (rappelons que Vintimille fait partie des territoires perdus en 1388), Pierre Girard, évêque de Lodève, Dominique de Florence, évêque de Saint-Pons, Jean Le Fèvre, évêque de Chartres et Guillaume Auger, évêque de Saint-Brieuc. Guillaume Le Tort est conseiller en tant que chanoine du Mans, il ne sera évêque de Marseille qu’en 1396. Conseillers de Louis II : Artaud de Melan, archevêque d’Arles. Harduin de Bueil, évêque d’Angers, Egide le Jeune, évêque de Fréjus, Bernard de Châteauneuf de Paula, évêque de Grasse, Paul de Sade, évêque de Marseille, Guillaume Fabre, évêque de Riez, Jean de Seillons, évêque de Senez, Adam Chastellain, évêque du Mans, Jean de Saints, évêque de Gap, Pierre de Fontaine, archevêque de Périgueux. Conseillers de Yolande d’Aragon : Harduin de Bueil, évêque d’Angers, Jean Balard, doyen du Mans, devient en 1422 évêque de Fréjus, Bertrand Radulfi, évêque de Digne, Vital, évêque de Toulon, Paul de Sade, évêque de Marseille, Laugier Sapor, évêque de Gap. Conseillers de Louis III : Harduin de Bueil, évêque d’Angers, André Boutaric, chanoine d’Aix, devient évêque de Marseille en 1433, Jean, évêque de Fréjus, Bérard de Caracciolo, archevêque de Cosenza, Antoine de Carolus, évêque de Bisignano. Cf. Tableau.
12 B. Guénée, Entre l’Église et l'État, quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge, Paris, 1987. Rappelons que Pierre Girard, évêque de Lodève, conseiller de Marie, fut prévôt de Marseille, et que Louis II eut comme conseillers aussi les prévôts d’Aix (Nicolas Dominici) et de Toulon (Gilbert de Ferrières). A.N., P 133418, no 112.
13 A.D. BdR.,. B 205, p. 73-76 ; A.N., P 13344, p. 143.
14 Pierre IV de la Pérouse, qui deviendra abbé de la Trinité de Vendôme en 1385 : Gallia Christiana, t. XIV, 604 ; vraisemblablement Pascal Huguenot de Limoges, ibidem, t. XTV, 477 ; Faydit d’Aigrefeuille administre l’abbaye de Montmajour de 1385 à 1391, ibidem, t. I, 600 ; Jean II Bonin : ibidem, t. I, 693. Jean Savin est commandeur de Manosque et Reforciat d’Agoult, précepteur de Puimoisson (et d’Aix) : A.D. BdR.,. B 766, p. 9.
15 H. Millet, M. Hanly, art. cit. Honorat Bovet était prieur de Selonnet : A.N., P 1351, no 700 ; A.D. BdR., B 771, p. 16r.
16 J.-R. Palanque (ss dir.), Le Diocèse d’Aix-en-Provence, Paris, 1975, p. 54 : cinq des six archevêques d’Aix au XVe siècle ont leur diocèse en commende, et, à partir de 1431, sont tous abbés commendataires de Montmajour.
17 François François, d’Avignon, est seigneur de Fontienne.
18 Cf. supra, chap. IV, « Le prix de la grandeur ».
19 M.-R. Reynaud, « Noblesse et pouvoir dans la principauté d’Anjou-Provence sous Louis II et Louis DI (1384-1434) » (à paraître en décembre 2000).
20 Gui XII et Gui XIII, seigneurs de Laval et Vitré ; Thibaut de Laval, seigneur de La Loué ; Guy, seigneur de Montjean : A. Bertrand de Broussillon, La Maison de Laval, étude historique, t. II, Paris, 1895, p. 227 et 300 sq. Cf. supra, chap. III. Pour le comte – ou roi – de Trinacrie, cf. infra, chap. VI, p. 167, note 7.
21 Cf. tableau.
22 Clercs ou laïcs, les Maîtres rationaux (cf. infra) gradués au conseil des princes sont : sous Marie de Blois, Raymond Bernard Flaminges, Jean de Mayrons, Henri des Blancs, Antoine Ollier jurispert ; sous Louis II, Honoré Bonet, Henri des Blancs, Antoine Boutaric, Paul de Cario, Pons Caïs, Jean de Genoards, Louis Guiran, Antoine Isnard, Jean de Sade et toujours Raymond Bernard ; sous Yolande, Jordan Brès et Louis Guiran ; sous Louis III, Louis Guiran, André Boutaric, Vital de Chabannes, Antoine Isnard, Jean Martin, Antoine Suavis et toujours Jordan Brès. Des Maîtres Rationaux non gradués siègent également. Quelques uns manquent à l’appel, dont Gautier d’Olmet. Faut-il revoir la liste donnée par F. Cortez, Les Grands Officiers royaux de Provence au Moyen Âge, Aix-en-Provence, 1921, p. 8 sq. ?
23 Cf. infra, chap. VI.
24 Il semble plus près de la vérité de dire que le prince fait entrer des conseillers à l’Hôtel pour leur témoigner sa confiance, que l’inverse.
25 J. Bartier, Légistes et gens de finances au XVe siècle ; les conseillers des ducs de Bourgogne Philippe le Bon et Charles le Téméraire, Bruxelles, 1955.
26 Italo-provençal : ex. Jean de Genoards (originaire de Lucques ?) ; hispano-provençaux : les Bouliers, sans doute d’origine catalane.
27 Les hommes désignés dans le testament de Louis Ier pour faire partie de conseil de régence et qui siègent au conseil de la princesse sont : Pierre D’Avoir, Jean de Bueil (senior), Harduin de Bueil, les abbés de Saint-Aubin d’Angers et de La Couture du Mans, Pierre de Chevreuse, Pierre de Bueil, Jean Pèlerin, Jean Haucepie et Jean le Bégut. N’y siègent pas : l’évêque du Mans et Guillaume de Mathefelon l’aîné : A.N., P 133417, no 33.
28 Cf. supra, chap. IV. L’élimination des « chevaux de Troie » du conseil, s’il traduit une émancipation politique, ne veut pas dire fin de la dépendance financière.
29 J. Le Fèvre, p. 164 et 231.
30 J. Le Fèvre ; A.N., P 13344 ; A.D. BdR., Magna Regestra B 8, B 9, B 10, B 11 ; A.C. Marseille, AA 5.
31 Cf. supra, note 5.
32 J. Le Fèvre, p. 54. Marie de Blois-Penthièvre ne sait pas encore à cette date (1er octobre) que Louis Ier est décédé.
33 A.N., P 13344, au commencement.
34 J. Le Fèvre, p. 411 et 453.
35 Ibidem, p. 351, 226, 97.
36 A.N., P 13344, p. 150.
37 J. Le Fèvre, p. 57 et 59. Le 14 mars 1385, le chancelier écrit en outre, p. 95, « et procurasmes a contremander le conseil du Roy qui devoit estre assemble sur le fait de la Provence ».
38 « Le XIIe jour à Sainte Catherine furent de par le Roy et les ducs assemblés le cardinal de Laon, le connestable, le chancelier, l’evesque de Baieux, l’evesque de Poitiers, maistre J. Canard, messire Arnauld de Corbie, messire Amorry d’Orgemont, le sire de Chevreuse ; de par Madame la Roynne de Secile : l’evesque de Chartres, J. de Bretaigne, le sire de Dreux, le sire de Chasteaufromont, le sire d’Asse, messire Pierre de Craon, messire Amorri de Clichon, messire J. de Beauval, messire Robert de Dreux, l’arcediacre de Chasteau de Ler », ibidem, p. 523.
39 Ibidem, p. 364. Les cardinaux déplorent que l’évêque de Saint-Pons (Dominique de Florence, OP, ancien confesseur de Louis Ier) ne soit pas appelé au conseil. Ibidem, p. 364-365. En fait il a bel et bien été conseiller de Marie. Le 2 juillet 1385, Berry se plaint de Jean Le Fèvre : « Le duc dist, presens le Pape, que pour ceste discorde il me savoit mauvais gré et havoit on rapporté que je nourrissoie descord entre madame et li », ibidem, p. 131. Pour la rivalité Berry/Anjou cf. supra, chapitre I, « Les deux territoires ».
40 Cf. supra, note 11.
41 J. Le Fèvre, p. 208.
42 Ibidem, p. 298 et 492.
43 S’agit-il du sénéchal de Beaucaire, Enguerrand d’Eudin ? Du roi de France en personne ?
44 Ibidem, p. 78-80, 300 (le comte-chambellan est Raymond d’Agoult, seigneur de Sault), 453 et 239 (« je ne peus aler à la court pour mal d’aventure qui me prist es yeulx et avoie les paulpières laidement enflées »).
45 A.D. BdR., B 205, p. 47v ; A.N., P 13344, p. 52-53. Pour Otton de Brunswick, cf. supra, chap. II, p.52.
46 A.N., P 13344, p. 127v, 144v, etc. M. Le Méné, « La Chambre des Comptes d’Anjou... », art. cit., p. 43 : l’auteur note que « dès le second tiers du XVe siècle la spécialisation des tâches conduisit à une séparation plus nette entre les membres du Conseil et les Gens des Comptes. »
47 A.N., P 1334, p. 52 et 122v. Il est vrai que l’on trouve plus souvent les gens des Comptes comme exécutants « du commandement et ordre du Roy de Secile par ses lettres closes données à Paris le 9 avril (1414) signées de sa main, et par commandement de la Royne, en la presence de monseigneur l’abbé de Saint Aubin, Macé de Beauvau, Gilet Buynard, conseillers du dit seigneur... », p. 128v
48 Sauf... (cf. supra, chap. III) lorsque les seigneurs mécontents envahissent la Chambre des Comptes d’Angers, les Gens des Comptes présents leur opposent qu’ils ne peut y avoir « deliberacion » et « permission » en l’absence du chancelier ou de l’abbé de Saint-Aubin, qui président habituellement : p. 34.
49 J. Le Fèvre, p. 76.
50 Le sénéchal Pierre Dacigné a joué un rôle de premier plan en Provence. On peut relever quelques formules : per dominum senescallum in regio consilio (Aix, 24 septembre 1404) ; per senescallum in suo consilio (Aix, 11 novembre 1406).
51 Le Maine aurait vu son conseil disparaître au XIVe siècle : cf. L.-J. Beautemps-Beaupré, op. cit., t. II/3, p. 326. On le retrouve par la suite sous la forme des quelques conseillers Manceaux présents au conseil général du prince. Oui, il y a un « grand conseil » à Aix. Cf. infra, chap. VI.
52 Citons quelques formules ; le vice roi in ejus consilio (Aix, 23 décembre 1423) ; lieutenant du vice roi ad relationem regii consilii (Marseille 30 janvier) ; le gouverneur et lieutenant général sibi assistenti consilio (Aix 9 janvier 1430) ; ad relationem ou ad deliberationem regii consilii, etc.
53 Dès le 29 novembre 1400, le « grand » conseil est, pour les Provençaux, celui qui est établi à Aix : in regio consilio magno Aquis residenti.
54 Un deuxième « creux » dans la courbe de fréquence du conseil de la princesse Marie coïncide en gros avec le voyage du chancelier en France, d’octobre 1386 à avril 1387.
55 Cf. graphiques.
56 F. Autrand, « Offices et officiers royaux en France sous Charles VI », dans Revue Historique, t. CCXLII, 1969, p. 285-338.
57 J. Le Fèvre, p. 67 : « Samedi XIX jour de novembre (1384), fu cassé le seel de monsegneur et Madame me constitua son chancelier, et li fis serement la main au pis et l’autre sur les Evangiles de la loyalement servir et conseiller contre toulz excepté le Pape et le Roy de France et de exercer l’office de chancelier bien et diligemment à mon povoir »
58 A.D. BdR., B 618.
59 R. Lavoie, Le Pouvoir, l'administration..., op. cit., p. 238 sq.
60 A.N., P 13344, p. 143v et A.D. BdR., B 10, p. 253-254.
61 A.D. BdR., B 8, p. 313-314 et B 631, no 35 ; A.C. Aix, AA 17.
62 A.D. BdR., B 49, p. 70.
63 Ad duos annos alternatim ou ad triennum, ou ad decenium, ou simple mention pour un an : cf. J. Le Fèvre, p. 160 et 163.
64 A.D. BdR., B 650.
65 Cf. supra note 6. La reine s’élève, d’autre part, dans ses lettres du 12 juillet 1417, contre les prétentions des officiers majeurs d’Aix de ne pas payer les rèves et autres impositions : A.C. Aix, AA 2, p. 67v-72v. Elle a donc une position différente de celle de son époux.
66 A.D. BdR.,. B 11, p. 113v. Pour justifier l’abandon de la charge de rational, Pierre de Beauvau invoque l’incompatibilité entre le canonicat et l’éventualité d’une justice de sang que le rational peut avoir à rendre : A.D. BdR., B 11, p. 119-120. Pour Jaquet de Villechartre, cf. infra : Les secrétaires.
67 B. Chevalier, Tours, ville royale, 1356-1520, Paris-Louvain, 1975, p. 165, note 229.
68 A.D. BdR., B 9, p. 268-269. Lettres en date du 6 février 1414, indiction 8, donc 1415. R. Folz, A. Guillou, L. Musset, D. Sourdel, De l’Antiquité au monde médiéval, Paris, 1972, p. 142 : « L’empereur avait encore près de lui un groupe de hauts fonctionnaires, qui formaient un conseil restreint sous le nom de consistoire impérial, dont les réunions s’appelaient silentia ».
69 Cf. infra, chapitre VI.
70 B.N.F., Fonds Fr. 5015, p. 25-30. Au total, de 1384 à 1434, j’ai recensé cent-cinq secrétaires.
71 A.D. BdR., B 765, p. 232-233.
72 A.D. BdR., B 771. De même Pons de Rousset (avant sa disgrâce), Thomas de Valleran, Arnaud de Summières, Pons Laydet.
73 A.N., P 13341, p. 45.
74 A.D. BdR., B 587. À l’avènement d’un nouveau prince-roi, il est de coutume d’établir des vidimus des actes fondateurs du pouvoir de ses ancêtres.
75 A.D. BdR., B 618.
76 A.N., P 13344, p. 137.
77 Le secrétaire Audrinet de Brezé est sans doute de la même famille noble que le sénéchal d’Anjou, Pierre de Brezé. Ne pas confondre Jean le Maitre, secrétaire, puis Maître Rational avec son neveu homonyme surnommé « Gens d’armes » : F. Cortez, op. cit., p. 275.
78 Il est possible que le recrutement de Jean Jean, clerc du diocèse de Constance soit lié à la tenue du concile de Constance, auquel la Maison d’Anjou-Provence s’intéressa de très près et envoya une ambassade. Jean Jean, maître ès-arts, est très souvent présent aux côtés de Louis m, à Aversa : A.D. BdR., B 1387, B 10, p. 188, B 11, p. 43v, etc. A.D. BdR., B 11, p. 137 ; AC. Marseille, FF 10.
79 A.D. BdR., B 648.
80 Jean Dupuy devient Maître Rational « avec pouvoir de substitution » en 1419 : cf. F. Cortez, op. cit., p. 260. Est-ce le même Jean Dupuy « trésorier général ès parties de France » en 1398 et celui qui est trésorier d’Anjou ca de 1402 à 1416 ? En 1423, il est secrétaire et qualifié de « naguères trésorier » A.N., P 13344, p. 24v ; A.D. BdR., B 212, B 628 ; A.N., P 13341, p. 45, etc. Cf. supra, « Le prix de la grandeur » ; infra, « Les Maîtres Rationaux ».
81 B.N.F., Dossiers Bleus 418, F 29963, 11154. Et cf. supra, note 22.
82 A.D. BdR., B 11, p. 50. C’est bien Charles, et non Colas, son frère, qui est secrétaire de Louis III.
83 Jean Micaël ou Michel apparaît comme secrétaire en 1416-17. Il a travaillé, semble-t-il à la fois (ou successivement ?) à la Chambre des Comptes d’Angers, où, en 1426, il succède à feu Gillet Buynard comme conseiller-maître, et à la Grand Chambre d’Aix comme secrétaire en 1431... avant de devenir évêque d’Angers en 1439. Belle harmonie angevino-provençale, s’il s’agit d’un seul et même, homme. A.D. BdR., B 628, B 630, B 1387, p 19, B 11, p 70 etc. Nicolas Perregaut est le fils de celui qui fut juge ordinaire d’Anjou en 1358. Il aurait exceptionnellement remplacé en 1418 le Juge Mage ? A.D. BdR., B 632. Étienne Perregaut, secrétaire en 1418, est-il son frère ? A.D. BdR., B 622 et 632.
84 Charles de Castillon, qui fut viguier d'Aix, semble bien avoir reçu Eyragues (dans le Domaine en 1420) des mains du prince et acheté la baronnie d’Aubagne en 1437 (cf. supra, chap. II, « La tâche de Pénélope »). Maître Rational en 1434, il continue sa carrière sous le roi René, qui le fait chevalier de l’ordre du Croissant.
85 Beaucoup de secrétaires passent d’un règne à l’autre : trois secrétaires de Marie de Blois seront conseillers de son fils : Michelet Delacroix, Lucas le Fèvre, Gillet Buynart, deux le seront de Yolande d’Aragon et de son fils. Trois secrétaires de Louis II deviendront conseillers de sa veuve : Pierre Franchomme, Jean Porcher, Jean Micaël.
86 Et ego Jacobus de Villechartre clericus Cenomanensis publicus ubicumque terrarum auctoritate apostolica notarius constitutuspredictique domini Regis secretarius... Acta fuerunt... Et me Petro Isnardi de Grassa regio secretario ac notario in dictis comitatibus Provincie et Forcalquerii auctoritate regia constituto... A.D. BdR., B 643 et B 627.
87 J. Le Fèvre, p. 232.
88 A.D. BdR., B 11, p. 70 ; B 272, p. 124v ; B 607 ; J. Le Fèvre, p. 507, 43 et 359. Jean de Sains, secrétaire de Louis 1er est-il le futur évêque de Gap ? Le doute est permis.
89 Papa pro eo intercedente... pour l’office de Jean Colomb. Cf. J. Le Fèvre, p. 384 et 379.
90 A.C. Marseille, BB 6. Raymond Aymes est encore conseiller de sa ville en 1410 : A.D. BdR., B 177, p. 142v ; A D BdR B 765, p. 203 sq. A.D. BdR., B 765, p. 198-199.
91 A.D. BdR.,. B 772, p. 86 et B 627. A.D. BdR., B 772, p. 50 ; A.D. BdR., B 635 et B 774, p. 56.
92 A.D. BdR., B 193, p. 15v et 26 ; A.D. BdR., B 177, p. 296-300. Il est procureur du chanoine Boutaric dans un autre procès. Sur l'emprise urbaine, N. Coulet, Aix en Provence..., op. cit., p. 227-321. Pour la carrière des notaires, cf. R. Fédou, Les Hommes de loi lyonnais à la fin du Moyen Âge, étude sur les origines de la classe de robe, Paris, 1964, p. 153-157.
93 F. Piponnier, Costume et vie sociale..., op. cit., p. 213 sq. et 248 sq. Et cf. supra, « Les conseillers » note 24.
94 A.N., P 13344, p. 140v. Dans le même temps, la reine Yolande fait de l’écuyer Jean Dubail le contrôleur des dépenses de son Hôtel : A.N., P 13344, p. 133.
95 A.N., KK 243 et KK244 ; A.N., KK243, p. 66 bis et 80. R n’est pas toujours évident, dans les comptes des Maîtres de la Chambre aux Deniers de la Reine Yolande, à la rubrique des « dettes », de distinguer ce qui relève du paiement des arrérages de gages et du remboursement de créanciers, et, par là, il n’est pas aisé de cerner qui fait vraiment partie de l’Hôtel. Cf. supra, chap. IV.
96 A.N., P 13344, p. 11-15 ; B.N.F., Nlles acq. fses, 7232 etc. Cf. supra, chap. IV.
97 Parmi les écuyers d’écurie les plus célèbres, citons : sous Louis II, Guillaume Bessoneau, Olivier Bordier, Olivier de Coyquin, Jean Creyt, Bertrand d’Olmet, Jean de Pontevès, Guillaume de Sault ; sous Louis III, Bertrand de Beauvau (qui fut déjà écuyer d’écurie sous Louis II), Pierre de Champaigne, Louis Destenay.
98 A.D. BdR., B 193.
99 A.N., P 13344, p. 85. P. Daverton et J. Dufresne cumulent-ils deux offices ?
100 A.D. BdR., B 589 ; A.N., P 13344, p. 121 ; A.D. BdR., B 644 ; R. Cazelles, « Un problème d’évolution et d’intégration : les Grands Officiers de la Couronne de France dans l’administration nouvelle au Moyen Âge », dans Annali della Fundazione Italiana per la Storia Amministrativa, t. I, 1964, p. 186-187. Comme dans le royaume de France, le titre de chambrier ou camérier cède la place au titre « subalterne » de chambellan.
101 A.D. BdR., B 1387, p. 11v
102 Bertrand de Beauvau n’est alors qu’écuyer d’écurie, cf. supra, note 42.
103 A.N., P 13344, p. 76 et 86 ; A.C. Marseille, AA 5, p. 30'' ; A.D. BdR., B 1408. B.N.F., PO 471 fr. 26995 no 10497 ; B.N.F., Cabinet de d’Hozier 60, fr. 30941 no 1543.
104 Pour les La Jaille, cf. B.N.F., PO Dossiers Bleus 367 fr. 29912 no 9616. Les petits-fils de Tristan IV de la Jaille : Bertrand II, chambellan de Charles du Maine ; René, grand chambellan, sénéchal et gouverneur de Provence sous le roi René, marié à Isabeau de Beauvau, sans enfants ; Pierre, Grand Maître de l’Hôtel du roi de Sicile et Hardouin, grand chambellan du duc de Calabre. Cf. les divergences avec F. Piponnier, op. cit., p. 151,197. Pour les Bouliers, cf. B.N.F., PO Cabinet de d’Hozier 58, Fr. 30939 no 1477. En 1438, Gabriel Valori est mentionné comme clavaire et notaire de Sisteron : A.D. BdR., B 11, p. 300.
105 Pour Jean de Tucé, cf. B.N.F. PO 2894, fr. 29378 no 64307.11 aurait fait son testament en décembre 1405, faisant de sa soeur sa légataire. Était-il à l’article de la mort ? Un Jean de Tucé, seigneur de la Guierche réapparaît en 1413, 1417, etc. En raison du libellé de son testament, ce ne saurait être un fils. Jean de Tucé a sans doute été gravement malade, sa carrière a été interrompue, puis il aurait retrouvé un second souffle et une deuxième carrière ? cf supra, « Conseillers et conseil ». Pour Michel de Pacis, A.N., P 13344, p. 82.
106 B.N.F., PO 1516, fr. 28000 no 34399/1 : « pour l’aider à supporter la grande dépense par dessus ses gages d’ecuyer, la somme de 400 lt par mois. Sous ses ordres, cinquante hommes d’armes (écuyers payés 15 livres tournois par mois) cinquante « sacquemens » (10 livres tournois) et cinquante arbalétriers (10 livres tournois) ». Et A.D. BdR., B 774, p. 51-52. On retrouve A. Hermentier « justiciajre » de Calabre vers 1430 : cf. infra, chap. VI. Pour Jean Pèlerin cf. supra, « Le prix de la grandeur ».
107 A.D. BdR., B 1387 ; B 11, p. 75 ; B 650 ; B 630. Cette députation est de 1417, Pierre de Venterol ne devient chambellan qu’en 1431.
108 A.N., P 133417, no 42, 44, 52, p. 15 sq. A.D. BdR., B 168.
109 Par comparaison, l’Hôtel du duc de Berry en 1398 comprend : 17 chambellans, 4 Maîtres d’Hôtel, 2 « Phisiciens », 9 secrétaires, 9 panetiers, 13 échansons, 8 valets « tranchans », 6 écuyers d’écurie, 10 « fructiers » fournisseurs et sergents d’armes, 14 huissiers et clercs, 27 valets de Chambre, sommeliers et « varlès d’office de panneterie, 11 sommeliers et variés d’office d’échansonnerie, 29 potagiers, souffleurs et autres gens de cuisine, 11 sommeliers et variés de fruicterie, 31 clercs de l’écurie, variés de sommiers et pages, 30 variés et aides de fourrière, 3 chevaucheurs » : L. Douët d'Arcq, op. cit., t. 1, p. 149-153.
110 La Chambre des Comptes d’Angers remonte à un mandement de 1277 ; L.-J. Beautemps-Beaupré, op. cit., t. II/1, p. 532. Les Maîtres Rationaux sont issus de l’ordonnance de Brignoles de Charles II en 1298 : R. Busquet, Histoire de la Provence, Monaco, 1954, p. 180.
111 A.N., série P ; A.D. BdR., série B.
112 A.N., P 13344, p. 16.
113 A.N., P 13344, p. 120, 84 ; p. 113v, 125, 142. En 1412, il s’agit des ravages de la compagnie de Charles d’Albret : M. Le Méné, Les Campagnes..., op. cit., p. 225, note 11.
114 M. Le Méné, « La Chambre des Comptes d'Anjou... », art. cit., p. 43-54.
115 A.N., P 13344 au début, l’abbé de Saint-Aubin est, en 1400, Thibaut Ruffier : Gallia Christiana, t. XIV, c. 60-4. Cf. supra.
116 A.N. P 1334, p. 16, 25v ; A.D. BdR., B 1387 ; A.N., P 13344, p. 148, 21v et 106. Le sceau du duc d’Anjou est apposé par lui-même en présence de témoins ou par le chancelier (cf. supra, chapitre IV). Le simple sceau des contrats est apposé par les conseillers des comptes : L.-J. Beautemps-Beaupré, op. cit., t. II/1, p. 24 sq.
117 A.D. Maine-et-Loire, D 7, p. 30 et D 8. Et cf. supra, chap. IV.
118 A.N., P 1119, p. 29 ; A.N., P 1121.
119 P. Masson, Les Bouches-du-Rhône, Encyclopédie départementale, Paris-Marseille, t.I, p. 622.
120 N. Coulet, « Le personnel de la Chambre des Comptes de Provence sous la seconde Maison d’Anjou », dans La France des principautés, les Chambres des comptes XIVe-XVe siècles, Paris, 1996, p. 137-148. Ainsi que l’écrit l’auteur, on ne peut que faire des hypothèses quant à l’université où ces Maîtres Rationaux ont pris leurs grades. Cependant celles d’Avignon et d’Aix (créée en 1409), ont dû jouer un rôle de premier plan : cf. supra, chapitre IV. Les gages des Maîtres Rationaux vont de 100 à 300 livres tournois et même davantage. Mais quand il est question de payer des gages de 600 livres tournois à Jean de Genoards est-ce pour un ou deux ans ? À moins qu’il ne s’agisse de ses gages de lieutenant du protonotaire du royaume de Sicile ? cf. A.D. BdR., B 9, p. 182-183. Quant aux rationaux, Jaquet ou Jacques de Villechartre, qui abandonne son office de rational quand il obtient un canonicat (cf. supra, note 66), est-il le frère de Jean, chanoine et archivaire en 1437 ? Car il semble bien qu’il y ait eu deux Villechartre. Cf. N. Coulet, « Le personnel... », art. cit., p. 137. Et cf. supra, note 22.
121 N. Coulet, ibidem, p. 144. Et cf. aussi du même : « Quelques serviteurs provençaux du roi René », dans Le roi René, duc d’Anjou, de Bar, de Lorraine, Annales de l'Université d’Avignon, 1986, p. 42-56.
122 Pons Cays, qui devient Juge Mage dans des circonstances particulières (cf. infra) originaire de Nice, a épousé Gentiane de Quiqueran : B.N.F., PO 631, fr 27115/14822. Quant à Jordan (ou Jourdain) Brès (ou Brice) qui cumula aussi les offices de Juge Mage et de Maître Rational (de 1420 à 1439), sa notoriété et sa compétence lui valurent d’être consulté sur une affaire de sorcellerie en Dauphiné : P. Paravy, De la Chrétienté romaine à la Réforme en Dauphiné. Évêques, fidèles et déviants (vers 1340 – vers 1530), t. II, Rome, 1993, p. 793, 795-796 et 801. J. Brès fut recteur de l’université d’Avignon.
123 En ce qui concerne Raymond Bernard Flaminges, il existe une lettre de Louis Ier, de 1377, alors qu’il est lieutenant-général en Languedoc, au trésorier général de toutes les finances à Carcassonne, pour qu’il paye 200 francs d’or à « nostre bien amé messire Raymond Bernard Flamenc, docteur és lois, conseiller de monsegneur et le nostre » : B.N.F., PO 1160, fr. 27644 no 264411. Cf. aussi A. Coville, op. cit., p. 42-92.
124 A.D. BdR., B 8, p. 62-63. Qui était vraiment indigne parmi les officiers nommés par la reine Marie ?
125 Cf. supra, p 144, note 58.
126 A.D. BdR., B 199, p. 11 : il s’agit du recouvrement du « don » de 50 000 florins et 400 marcs d’argent pour la conquête du royaume de Sicile.
127 A.D. BdR., B 772, p. 37-38. Et cf. supra, chapitre III.
128 Par exemple Henri des Blancs pour l’enregistrement des privilèges de Saint-Maximin : A.D. BdR., B 9, p. 102.
129 Le pouvoir qui resurgit est celui du grand sénéchal de la première Maison d'Anjou, B.M. Angers, ms 921 ; J.-L. Beautemps-Beaupré, op. cit., t. II/2, p. 50 sq et 168 sq.
130 B.N.F., PO fr. 27638 no 26247 ; Etienne Fillastre est licencié ès-lois et il a pris ses grades à l’Université d’Angers. A.N., P 1119, p. 1 et 11 ; P 1120, p. 9V ; P 133418, no 69, etc. Cf. supra, chapitre IV. La longue présence d’Etienne Fillastre comme Juge Ordinaire d’Anjou-Maine a-t-elle été perturbée ? En effet on relève mention de Jean de Tussé ou Tucé, chevalier – un revenant – comme Juge Ordinaire en 1418. Compétition ? Confusion ? Les deux hommes sont alors conseillers de la reine Yolande : A.D. BdR., B 10, p. 29. Et cf. supra, note 105. Parmi les sénéchaux d’Anjou, mentionnons Jean de Bueil senior (1383), Jean de Bueil junior (1400), Amaury de Clisson (1387), Pierre Davoir (1410), Gui de Laval, seigneur de Montjean (1412) et Louis de Beauvau sous le règne du roi René.
131 cf. supra, note 58.
132 Je ne suis pas certaine, contrairement à ce qu’écrit F. Cortez, op. cit., p. 87, que le Breton Jean le Vayer ait été sénéchal de Provence, mais plutôt lieutenant du sénéchal Jean de Tucé, de 1403 à 1405. Remarquons que, lorsque s’interrompt le dapiférat après George de Marie, intervient la vice-royauté de Charles de Tarente, dont le lieutenant est Jean de Tucé. Notons enfin que les sénéchaux de Provence sont des étrangers, Français hors apanage, Manceaux, Bretons.
133 B.N.F., PO 7 Fr. 26491 no 148 et Dossiers Bleus 3 Fr 29548 no 56 ; A.N., J 515, no 5. La Maison d’Enghien est apparentée à celle des Valois : M. Ornato, « Quelques réflexions sur la représentation en synchronie d’un réseau de parenté médiévale », dans L'État moderne et les élites..., art. cit., p. 78-94. Mais quelle est la parenté entre Yolande d’Enghien, qui figure dans cette planche, et Hélène d’Enghien ? La commission pour l’office de sénéchal de Pierre Dacigné est de janvier 1405 : A.D. BdR., B 8, p. 203-204.
134 La parenté avec Isnard de Glandevès vient-elle aussi de son mariage avec Hélène d’Enghien ?
135 A.D. BdR., B 8, p. 196 ; B 8, p. 275-276 ; B 8, p. 288 ; B 635. Pour l’acquisition de Meyrargues B 8, p. 198 et 216. On reconnaît dans ces terres des dépouilles de la Maison des Baux : Meyrargues et le castrum de Barbentane. Cf. supra, chap. II, « La tâche de Pénélope ».
136 Par exemple des lettres données à Paris par Louis II les 2 et 14 décembre 1416 deviennent exécutoires le 18 mars 1417 par lettres du sénéchal données à Aix : A.D. BdR., B 9, p. 318-319.
137 A.D. BdR., B 193, p. 10-11 ; B 190, p. 270-274 ; B 772, p. 96. Le doge de Gênes appelle le sénéchal « notre frère et ami » en 1417, lors de la conclusion de trêves : A.D. BdR., B 770, p. 163. En 1416, Pierre Dacigné aurait fait remettre en état les fortifications d’Aix : N. Coulet, Aix-en-Provence..., op. cit., p. 107 note 411.
138 A.D. BdR., B 8, p. 308-314, et B 631, no 35. Cf. infra, chap. VI.
139 A.D. BdR., B 631. En 1405, le sénéchal avait reçu de la reine Yolande une assignation de 2 000 francs à prendre sur les Rives du Rhône : cette assignation correspondrait-elle aux gages annuels du sénéchal ? Qui seraient donc fort élevés... N’y aurait-il pas aussi remboursement d’une dette ? A.D. BdR., B 8, p. 209.
140 A.N., P 1351, no 695. Noël Valois, lorsqu’il dit que c’est le sénéchal Pierre Dacigné qui prononça la condamnation de Raymond de Turenne le 22 décembre 1394, se trompe, Pierre Dacigné n’ayant pas encore fait son apparition en Provence à cette date. Il s’agit de George de Marie. Le vidimus a induit l’érudit en erreur : N. Valois, « Raymond de Turenne et les papes d’Avignon », dans Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 1889, p. 242.
141 A.D. BdR., B 8, p. 288. Cf. supra, chap. III.
142 Cf. supra, chap. II : « La tâche de Pénélope ».
143 Pour le drame de Montereau cf. infra, chapitre VI. Le risque est de compromettre la Maison d’Anjou. En 1419, le sénéchal de Beaucaire, Guillaume de Mévouillon, est aussi maréchal du roi de Sicile ; en 1415, Jean d’Ynai, bailli du Cotentin, est conseiller de de Louis II ; Etienne Bernard dit Moreau, trésorier général des finances de la reine Yolande, devient conseiller de Charles VII et est présent au Congrès d’Arras, etc. Gallia Regia, 1/271 et II/184 ; B.N.F. PO 301, Fr 26785 no 140 ; B. Chevalier, Tours..., op. cit., p. 148, note 18.
144 J. Krynen, « Droit romain et État monarchique. À propos du cas français », dans Représentation, pouvoir et royauté à la fin du Moyen Âge, Paris, 1995, p. 22.
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