Chapitre III. L’opposition des deux territoires
p. 63-93
Texte intégral
1Les terres acquises ou conquises par les princes d'Anjou ont un passé qui les a modelées. L'histoire du royaume de France et celle des comtés de Provence et de Forcalquier ne sont pas semblables, pas plus que leur évolution économique, sociale et politique. Certes, la crise de la fin du Moyen Âge les touche tous deux, sans que leur état soit identique. Les ressemblances que l'on peut relever et qui tiennent au contexte occidental ne peuvent effacer les différences, voire les oppositions. Les princes ont entre les mains un territoire, l'apanage d'Anjou-Maine, dont les rouages leur sont familiers et un autre, les comtés de Provence et de Forcalquier, qu'il va leur falloir comprendre et apprivoiser. Leur premier point d'appui sont les vieilles structures « féodales », qui ne sont pas forcément vidées, au XIVe siècle, de toute signification. La quête des fidélités est leur premier souci. C'est aussi le moyen d'imposer leur image, et de mobiliser à leur service les officiers en place. Un moyen aussi d'évaluer, incomplètement il est vrai, les contours des sociétés qu'ils ont à gouverner. Les deux territoires apparaissent dans leur diversité, et le prince doit prendre en considération, à côté de l'existence des « seigneurs », celle des communautés urbaines, dont le poids est unique en Provence. La simplicité (toute relative) de l'apanage et sa solidité subissent l'épreuve de la guerre et des « malheurs des temps » : c'est une terre que les princes doivent s'efforcer de conserver, alors qu'ils ont à conquérir, dans tous les sens du terme, la terre provençale.
I. L’ORAL ET L’ÉCRIT
2La quête des fidélités fait, en premier lieu, partie de la stratégie de la deuxième Maison d'Anjou pour vaincre la Ligue d'Aix et conquérir la Provence. Les itinéraires suivis, de 1385 à 1387, par Marie de Blois et le jeune Louis II en témoignent1. En 1385, plus de cent hommages sont prêtés, en 1386, quatre-vingt-treize ; le record est atteint le 8 juin 1385 à Avignon, qui sert de base à cette offensive, où, en un seul jour, trente et un sujets, et non des moindres, défilent aux pieds du jeune roi. À Apt, de mars à juillet 1386, quarante-quatre hommages. Ces chiffres ne seront plus jamais atteints. Sept entrées solennelles jalonnent la route des princes : Marseille, le 19 août 1385 ; Arles, le 4 décembre ; Apt, le 29 janvier 1386 ; Forcalquier, le 22 juillet ; Sisteron, le 24 ; Aix, le 21 octobre 1387 ; Tarascon, le 7 décembre2. Lorsque Louis II, majeur, voudra, au retour d'une longue absence, affermir son règne personnel, en 1406, il aura recours à la même tactique, mais une évolution est perceptible : le prince intervient plus rarement, les hommages recueillis de 1406 à 1411, prêtés à Louis II ou recueillis par ses officiers sont moins nombreux (une soixantaine)3 ; quant aux lieux en question, s'il est normal de ne voir figurer Aix qu'à la fin de la guerre de la Ligue, Pont-de-Sorgues, Apt, Villeneuve-lès-Avignon (France) et Avignon (comtat), se détachent, suivies de Marseille, Arles, Sisteron, Manosque etc., illustrant le nomadisme de la Cour. Chaque hommage se déroule en présence d'une mini-Cour rassemblée à cet effet, en 1385 et 1386. Vingt ans après, les villes du comté de Forcalquier disparaissent, Marseille, Toulon, Arles demeurent des étapes obligatoires, Aix et Tarascon s'imposent. À Marseille, l'abbaye de Saint Victor sert de cadre aux cérémonies, de préférence la grande Cour de l’aumônerie, ou la maison du marchand Jacques de Favacio. À Tarascon, c’est la demeure de François François, conseiller, mais aussi la « chambre du roi » (chez ce conseiller ou dans le château qui se construit ?), et dans la « gardaraubia »4. À Toulon, la magna ecclesia, devant le grand autel. On voit littéralement pousser le palais d'Aix : en 1406, la salle d'apparat, ou la petite pièce où loge le sénéchal (videlicet in tinello ipsius domini senescallli). En 1410, c'est le capitaine de la cité qui habite ce parvus tinellus. Ce n'est qu'en 1414/15 qu'est mentionnée la chambre royale5. C'est à Aix que seigneurs et communautés viennent prêter serment. Les contours de l'État se dessinent.
3La personnalisation et l'intégration de l'hommage dans le cérémonial royal ne s'imposent pas de façon permanente dans l'espace et dans le temps : dans l'Anjou et le Maine, où les princes ne peuvent mettre en avant leur titre de roi de Sicile avec la même assurance qu'en Provence, leur présence est exceptionnelle. Il arrive que le prince intronise un nouveau vassal de façon solennelle, dans le cadre du royaume de France : le 17 juin 1400, à Paris, Louis II reçoit la foi lige de Jean le Meingre, dit Boucicaut, maréchal de France6. Cette évolution a pour corollaire la place de plus en plus grande tenue par les officiers. L'absence des princes accélère le triomphe de la « monarchie administrative ». En raison des circonstances, après 1415, les comtés de Provence et de Forcalquier sont à l'unisson des terres de l'apanage. Le recensement des fidèles gagne en efficacité ce qu'il perd en lustre. Après l'achèvement de la conquête de la Provence, au retour de Louis II, encore mineur, dans ses terres d'Anjou et du Maine, cent soixante-quatre hommages liges et dix-sept hommages simples lui sont prêtés pour l'Anjou, cent soixante-quatre hommages liges et quatre-vingt-douze hommages simples pour le Maine, chiffres du même ordre de grandeur que ceux connus pour la Provence en 1385-86. Au retour de sa première expédition d'Italie, de 1400 à 1408, Louis II, majeur, reçoit cent trente-deux hommages pour l'Anjou et cent cinquante-neuf pour le Maine7. Le contexte dramatique de 1417 explique aisément qu'il n'y ait pas eu de recensement systématique des vassaux après la mort de Louis II et l'avènement de Louis III : entre 1417 et 1424, le juge ordinaire d'Anjou et du Maine en réceptionne un certain nombre8 ; de 1424 à 1434, quelques aveux sont faits à Yolande d'Aragon, cependant qu’en Provence, Louis III, de 1432 à 1434, par l'intermédiaire de Pierre de Beauvau, son lieutenant général et d'Alfonse de Morancia, viguier royal d'Aix, reçoit une vingtaine d'hommages9. La rupture entre les deux territoires de la principauté est patente : à la mère, l'apanage, au fils, la Provence.
4Mis à part le fait que les guerres entraînent une certaine paralysie administrative, il n'est pas anormal que le nombre de vassaux recensés en cours de règne soit plus faible que celui enregistré en début de règne : les vassaux-sujets ne sont tenus de se manifester qu'à l'avènement d'un nouveau prince. S'il est mineur, ils doivent (mais est-ce une obligation ?) à sa majorité, renouveler leur hommage. Entre deux règnes, seules les mutations entraînent un nouveau geste (mutations par décès, par vente etc.). En 1434-35, cent soixante-huit hommages saluent, en Anjou, l'accession au pouvoir du « roi René », qui est prisonnier à cette date. Et vingt-trois seulement dans le Maine encore partiellement occupé. Constatons cependant qu'en un demi-siècle, ce rituel n'a plus le même poids.
5L'éclat du cérémonial et la rigueur de l'écrit ne sont pas incompatibles : l'imposante série d'« aveux et dénombrements » conservés jusqu'à nos jours par la Chambre des Comptes d'Angers s'attache essentiellement aux composantes du fief et à ses obligations ; la non moins imposante série d'« hommages » de la Chambre des Comptes d'Aix nous livre, avec la mention du fief, le déroulement du cérémonial fixé pour l'éternité dans le publicum instrumentum. Le latin s'impose toujours dans les comtés de Provence et de Forcalquier, le français l'emporte en Anjou-Maine. De part et d'autre, ce sont les gens des Comptes qui sont chargés de garder la mémoire de cette clientèle, d'en tenir registre, ainsi que les ordonnances de 1400 le prescrivent pour l'apanage :
Premierement, nous ordenons que les homenages à nous fais et affaire par noz barons et subjiz nosdiz pais d'Anjou et de Mainne soient escriptz et enregistrez en deux livres dont l'un demourra en nostre chastel d'Angiers et l'autre en la Chambre de nos comptes illec. Item, que les aveuz de nosdiz barons et subjiz aront baillez et bailleront semblablement escris en deux livres qui demourront comme dessus et que par noz seneschal ou juge ordinaire d'Anjou et de Mainne lesdiz barons et aultres nos subjiz soient contraints a bailler leurs aveuz par déclaration tout au long, comme il a esté ordenné estre fait pour le domaine de Monseigneur le Roy10.
6Le cousin de Charles VI, en amorçant son règne personnel, n'oublie pas que l’Anjou et le Maine sont partie intégrante du royaume de France et proclame sa fidélité au modèle français.
7Il existe deux sortes de documents pour l'apanage : les inventaires d'hommages d'une part, les aveux et dénombrements de l'autre. Ces derniers ne se conforment que petit à petit aux desiderata du prince, soit la « declaracion tout au long » et en double exemplaire. La forme n'est parfaite qu'avec le règne du roi René.
De vous, tres haut et tres puissant prince le Roy de Jherusalem et de Sicile, duc d'Anjou et comte du Maine, je Katherine de Machecoul dame de la Suze et de la Benaste, veusve de feu messire Pierre de Craon sire de la Suze et de Champtocé cognois estre femme de foy lige au regart de vostre chastel et ressort d'Angiers par raison et a cause de trois cens livres de rente... Et de laquelle rente je vous ay fait foy et hommage lige. Et lesquelles choses je vous rens et baille par adveu...
8Le vassal peut être amené à énumérer terres, rentes, droits qui le lient au duc : ainsi Antoine Tourpin, seigneur de Crissé et de Marrigné pour sa châtellenie de Marrigné :
et premierement ma mestaierie de la Claye comme elle se poursuyt contenant tant en maison estrage courtilz vergiers terres labourables et non labourables quarante et cinq sexterées de semence a la mesure du dit lieu de Marrigné ou environ et en prez leuvre a onze hommes faucheurs pour ung jour ou environ avecques ung buisson a conins appelle le sault de la claye...11.
9Les obligations du fief clôturent l'acte avec le sceau et la date. Le stéréotype n’efface pas les cas d'espèces : l'un retrace la succession du fief, un autre pense n'avoir rien oublié dans sa déclaration, un troisième affirme s'être « deument enquis » des devoirs de son fief, etc. Les aveux et dénombrements sont rédigés par des clercs, des notaires, voire des secrétaires, si le seigneur est puissant. L'aveu est porté par le procureur du vassal à l'assise du juge ordinaire d'Anjou-Maine. Parfois un résumé de l'aveu figure au dos de l’acte12. Dans les comtés de Provence et de Forcalquier, c'est un actum publicum, dressé lors de la cérémonie de l'hommage qui nous renseigne sur le rituel : après l'invocation, la date, la mention du règne, il précise si l’intéressé s'est présenté en personne, si le prince et (ou) la princesse sont là. Suit la liste des castra ou autres tenus immédiatement du comte. L'hommage, toujours lige, est fait
à genoux, tête découverte, mains dans les mains de Madame la Reine, bayle et administratrice susdite et du dit seigneur notre Roi et comte, et, après le baiser sur la bouche, le serment de la fidélité due, les deux mains touchant réellement les saints évangiles de Dieu.
10Le tout « purement et parfaitement »13. Cet extrait de l'hommage d'Artaud, évêque de Sisteron, témoigne que les ecclésiastiques se plient au même rite que les laïcs, rite qui se décompose en quatre gestes. Cependant, le journal du chancelier relate un comportement insolite :
Lundi XV jour (mai 1385), Madame (Marie de Blois) receut a un hommage un chevalier nommé Francisque de Boleres en la maniere de Prouvence, et baisa Madame en la bouche et baisa le Roy ou pié, et le Roy le baisa en la bouche, et se seoient le Roy et Madame, et il estait a genoulx14.
11S'agit-il bien d'un rite propre à la Provence, comme l'écrit Jean Le Fèvre ? Il ne figure dans aucune autre prestation d'hommage. En tout cas, c'est au roi qu'est destiné ce baiser sur le pied, et non au comte.
12En fait, ces deux territoires de la principauté se situent dans des univers différents, voire opposés : l'Anjou et le Maine sont des vieux pays féodaux, qui privilégient le lien réel et obéissent à un certain automatisme. Les hommages et les aveux se font dans le ressort des prévôtés-châtellenies d'Angers, Baugé, Saumur, ainsi que Loudun et Mirebeau et (par intermittence) Chantoceaux pour le duché d’Anjou ; du Mans, de Sablé, de Château-du-Loir, de Mayenne pour le comté du Maine15. Le fief est tenu « au regart » du château, tête de la châtellenie. Les coutumes d'Anjou de 1385 et de 1411 prescrivent « la manière de venir à la foy de son seigneur » qui
est de soy presenter au lieu soit chastel, hostel ou autre lieu au regard duquel hommaige est deu ; et que trouvé le seigneur lui offrir l'hommaige avec le rapchat quand il y appartient. Et qui ne treuve ledit seigneur, faire ladicte offre a ses officiers ; ou se il n'y en a, faire ladicte offre en presence de tesmoings et le signifier ou faire assavoir audit seigneur...16.
13L’affaire de Beaufort illustre cette conception jusqu'à l'absurde : un long conflit ayant opposé les héritiers de la Maison de Beaufort, Maison possessionnée également en Provence, et à laquelle appartint le célèbre Raimond Roger, vicomte de Turenne, et les princes d'Anjou, en 1420, la reine Yolande fait saisir le comté de Beaufort par défaut d'hommage et de rachat. Jean de Beaufort, chambellan du Régent (lequel est le gendre de la princesse et futur Charles VII), n’a pas pu faire hommage, parce qu'il était, en armes, au service du roi de France. Il proteste contre la décision de la princesse, et le 7 juillet 1420, flanqué d'un commissaire chargé de dresser constat, il se présente au château de Baugé, dans le ressort duquel se trouve Beaufort, pour « offrir la bouche et les mains à Madame la Royne de Jherusalem et de Sicille, duchesse d'Anjou ». Il soumet au capitaine de Baugé des lettres de commission du Régent à remettre au procureur de Yolande. On parlemente devant la barrière, le capitaine en réfère au lieutenant de Baugé, qui réplique « que monseigneur le comte ne ledit commissaire ne entreraient ja oudit chastel ». Alors Jean de Beaufort « aprocha de la barriere dudit chastel, osta son chapperon en soy inclinant, baisa ladite barriere » ; il renouvelle son geste à la maison où se tiennent les assises, puis « au vieil Chastel Rompu dudit Baugé », où, chaperon ôté, il baise « ung tronson du mur de la chapelle »17. Relevons que le rituel de l'hommage en Anjou se fait par « la bouche et les mains ». À l'arrière plan de ce mimodrame, le conflit entre la princesse et son gendre démontre que l'enjeu féodal va bien au delà d'une contestation locale. Les Angevins sont des vassaux et des sujets, les Provençaux, des fidèles et des sujets. En effet, la fidélité et le serment sont au premier plan du rituel des comtés méridionaux. S'agit-il de la fidélité vassalique ou faut-il y voir une fidélité supérieure, lien entre un comte, qui est aussi un roi, et ses sujets ? Un lien primordial au niveau de l'Etat ? Et le serment prêté sur les Évangiles n'est-il qu'un serment vassalique ou va-t-il au-delà ? Y figurent certes des formules « classiques » : Guillaume Roger de Beaufort, Artaud, évêque de Sisteron, et les autres, s’engagent à ne rien faire, en parole ou en action, qui puisse nuire à la personne du comte, à sa famille et à ses biens ; de faire en sorte d'empêcher ou de dénoncer la subversion, obligation qui peut aller au delà du devoir vassalique et qui prend tout son sens dans le contexte de 1385 ; de donner bon conseil lorsqu'il en sera requis et de garder le secret sur les décisions du conseil. Le respect de l'« honneur » et de la « dignité » du comte de Provence et des siens est au cœur de ce dispositif. Au nom du roi, un de ses officiers, en 1385-86, Raimond Bernard « Flaminges », chevalier et docteur en droit, Maître Rational et Juge Mage, prend note de cet engagement, et, en retour, promet que seront respectés les « privilèges, libertés et immunités » des individus et des communautés18. Les partenaires du roi ne sont donc pas de simples vassaux. Quant au serment, « éternel et inviolable », il dépasse l'horizon féodal :
D fera, tiendra et observera inviolablement et perpétuellement tout ce qui est contenu et compris dans la formulation ancienne et moderne du serment de fidélité, et peut et doit être contenu et compris tant de par la coutume que de par le droit19.
14Une manière de donner tout son sens au passé en l'inscrivant dans le temps présent, d'unir la tradition orale à l'apport de l'écrit. Une sorte de réflexion à travers une formulation incontestablement stéréotypée sur la portée du serment et le contenu de la fidélité qui persiste après les années de conquête. Et l'acception de la fidélité prendra encore une autre ampleur dans le face à face roi/communautés urbaines.
15La plupart des hommages se font sub maiori dominio, ou plus précisément, sub maiori et directe dominio et senhoria. Mais si le vassal bénéficie de concession de tout ou partie du merum mixtum imperium, il ne fait hommage que sub minori dominio. S'il dépend par ailleurs d'une autre seigneurie, il doit faire en sorte de ne pas porter préjudice au roi Louis et à ses successeurs. L'idée que le comte « légitime » seigneur « naturel » des comtés de Provence et de Forcalquier ne peut avoir dans ses terres de dominium supérieur au sien s’impose20. Non sans contradiction entre cette volonté et les concessions faites par les princes et princesses : respit d'hommage (un simple délai), remise d'hommage, comme par exemple celui de cinq castra d'Isnard de Glandevès, ce qui mécontente le sourcilleux défenseur des droits de Louis d'Anjou qu'est le chancelier Jean Le Fèvre21. Un vrai combat s'est livré entre Marie de Blois et le comte de Savoie au cours des années qui précèdent la sécession niçoise de 1388 : au sein du clan déchiré des Grimaldi, Marc et Luc sont des fidèles de la Maison d'Anjou et Rainier, qui reçoit le château de La Turbie, fait hommage, le 30 novembre 1385, pour les castra de Levens et de Castillon dans le comté de Vintimille ; l'abbé du monastère Saint-Pons à Nice fait hommage en mars 1386, l'archiprêtre de l'église collégiale de Clans, le 6 décembre, l'évêque de Nice, le 7 décembre (pour le castrum de Drap et part du castrum de Saint-Etienne). Marie confirme aux seigneurs de Tende et de La Brigue, Guillaume Petri, Pierre Balbi et Louis Lascaris, les privilèges octroyés par la reine Jeanne22.
16Les princes peuvent donc encore compter sur les rapports féodo-vassaliques réinterprétés. Certains aspects cependant sont périmés : les obligations du fief, en Anjou et Maine, sont devenues folkloriques. l'ost féodal est dérisoire à l'heure de la guerre de Cent Ans23. Seuls, le service de garde et le conseil (qui a préfiguré l'autre conseil, celui de la « monarchie administrative ») conservent un certain intérêt. Par contre, les profits du fief ne sont négligeables ni dans l'apanage ni en Provence. Ce sont des droits de mutation : rachat en Anjou-Maine, laudimium et trezenium au-delà du Rhône. En cas de vente, l'acquéreur doit se faire admettre par le prince ou son représentant, acquitter les droits, faire ensuite hommage et prêter serment24.
17Conséquence ou non de la coseigneurie, si le prince est de moins en moins présent, il en va de même pour ses sujets. Près d'un hommage sur quatre se fait par procuration : le mari, au nom de sa femme, la mère au nom de son fils, et point n'est besoin d’être mineur pour être représenté. À Digne, le 1er septembre 1419, Louis Amalric se présente en son nom propre, au nom de ses frère et sœur, Elziar et Katherine, et de sa mère, Ysnardette Secunde. Il a en outre procuration pour Rostaing Foulque et Bertrand Cornut25. Il arrive que deux hommes fassent valoir leurs droits sur une même terre : à Tarascon, le 15 août 1406, Thérame Audurin, fils d’Antonet Audurin qui fut « duc de Gênes », revendique le castrum de Grimaud et la baronnie de Saint-Tropez, cédés, d’après ses dires, par Marie de Blois. Mais, le1er octobre 1406, c’est le sénéchal Pierre Dacigné, l'homme fort du règne de Louis II, qui fait hommage pour ces deux fiefs. Les arguments du Génois présentés à la Cour n'ont pas pesé lourd26. En Anjou-Maine, c'est souvent l'époux qui « avoue » tenir tel ou tel fief « à cause » de sa femme : ainsi, le 1er juin 1418, Jehan de Sainte More, chevalier, doit foi lige à la princesse Yolande pour « l’hostel de Brain sur Authion », pour Jeanne des Roches, son épouse. L'aveu des enfants mineurs passe normalement par l'intermédiaire de celui qui en a le bail : le 25 juin 1406, Jacques, seigneur de Montbéron, « aians le bail de Francoys, Jacques, Katerine et Margarete de Montbéron, mendres dans, enffans de moy et de feue Marie de Maulévrier » fait, en leur nom, aveu de ladite châtellenie de Maulevrier27, etc... Stricte application de la coutume, sans plus.
18Les acta publica portant sur les hommages en Provence ne permettent pas d'appréhender la vie des communautés. Un événement prouve cependant qu'elles ne sont pas passives ni indifférentes à leur seigneur. Louis II a cédé, on l'a vu, la baronnie de Berre à Nicolas Ruffus de Calabre, marquis de Cotrone et comte de Catanzaro, grand chambellan du royaume de Sicile, pour éteindre sa dette, mais les sujets de la baronnie refusent de lui prêter serment. Jean de Tucé, seigneur de la Guierche, lieutenant du prince dans les comtés de Provence et de Forcalquier est chargé de régler l'affaire. Les deux parties sont réunies à Berre pour une tentative de conciliation : les syndics et le conseil de la communauté de Berre, après délibération, font valoir, avec audace, que cette donation ne récompense pas le mérite, mais liquide une hypothèque. Jean de Tucé plaide l'intérêt de Louis II, les syndics affirment ne vouloir en rien nuire à leur comte. Le maître rational Pons Cays leur ayant refusé une autre délibération, les syndics, Jean Brun et Etienne Michel, se résignent à l'hommage, au nom de la communauté, à Nicolas Ruffus de Calabre, qui est assis sur une banquette de terre dans le verger de Berre, le 20 décembre 1405. Franchises et privilèges sont consolidés, le marquis acquitte le laudimium28. Il y a donc deux étages de serment : des communautés au seigneur, en cas de changement de ce dernier, par succession ou vente ; du seigneur au comte. Les communautés expriment souvent le désir d'être dans la « directe » du prince, où elles voient une garantie de leurs libertés29.
19Outre l'intérêt que présente en soi le recensement des fidélités et des serments, il va offrir au comte l'occasion d'opérer un tri parmi ses sujets, et d'élire ceux qui vont être ses conseillers et ses officiers. La petite Cour qui assiste aux hommages dans la Provence en guerre compte des élus devant lesquels s'ouvre un beau cursus, et des figurants, qui le resteront. Les rites auxquels le prince doit se plier, les contraintes qu'il subit n'amoindrissent pas son prestige : le vassal n'est-il pas tenu de signaler, au sénéchal ou à un autre, « l'appetissement de son royal honneur »30 ?
II. LE PARADOXE DE LA FÉODALITÉ D'ANJOU-MAINE ET BARONNIES-CHÂTELLENIES ADJACENTES31
20Comment concilier deux impressions contradictoires, celle d’une féodalité touchée à mort, dans le Maine tout au moins, dont le déclin est précipité par la guerre, et celle d’une stabilité que les aveux de deux ou trois générations semblent démontrer ? Lignages ruinés par les rançons, couverts de dettes, exsangues, éteints, patrimoines aliénés ? Ou conservation et transmission sans difficulté majeure de la terre et du nom ? Avant d'être touchés par les opérations militaires, les seigneurs d'Anjou et du Maine le sont par la fiscalité royale, ce qui les pousse, en 1398, à envahir la salle de la Chambre des Comptes d'Angers pour savoir de quelle manière on pourrait
obvier aux grans maulx et inconveniens que de jour en jour amènent sur le menu peuple... les fermiers, sergens et commissaires ordenés sur le fait des aydes du Roy nostre sire... et a ce que veult compeller lesdiz nobles a prendre sel en la gabelle du Roy nostre sire... Et que ainsi comme ilz estaient tenuz de nourrir et soustenir leurs hommes et subgiez, semblablement les devoit Madame la Royne soustenir et garder en leurs libertez et franchises...32
21La même attente et les mêmes mots se retrouvent en France, comme en Provence. Quelques années plus tard, la même Chambre des Comptes enregistre un cri de triomphe des vainqueurs de Baugé :
Le samedi XXIIe jour de mars veille des granz Pasques lan de grace mil CCCCXX ou cimetiere du Vieil-Baugé, environ IIII heures apres disner fust faicte la desconfiture du duc de Clarence et de plusieurs grans seigneurs angloys, lequel duc estoit frere du Roy Henry d'Angleterre et estaient en nombre selon le rapport fait par ceulx qui furent en la besogne environ MVc hommes darmes... et des Françoys y furent le sire de La Fayette mareschal de France de par monseigneur le Dalphin de Viennois, Regent le Royaulme, le sire de Fontaines, le sire de Tussé nommé Baudouin de Champaigne, messire Jehan de la Grezille, messsire Jehan des Croiz le Roucin et plusieurs nobles chevaliers et autres des pais d'Anjou et du Maine....33.
22Si une telle manifestation de joie est rare, rares sont aussi, à travers les aveux et dénombrements, les plaintes touchant aux ravages causés par les gens de guerre34. On peut mieux appréhender les malheurs de l'apanage à travers les instructions des princes : le 25 octobre 1413, une information « sur les maux et exces commis par de Lellebret et sa compagnie de gens d'armes au ressort de Baugé et d'autres » est confiée aux lieutenants et procureurs de Baugé, Le Mans, Château-du-Loir, Saumur, Loudun et Mirebeau. Le 18 septembre 1425, de sa lointaine capitale d'Aversa, Louis III constate que « les anciens ennemys du roy sont entrés en nosdiz pais... » dans une lettre au sire de la Suze, et prend diverses mesures pour l'habillement des forteresses et la garde en Anjou et Maine35. On connaît les tribulations de ce territoire, exposé au feu de la guerre mais aussi position de repli pour la monarchie française et la Maison d'Anjou.
A. Structures
23La féodalité d'Anjou (surtout) et du Maine semble avoir encore de beaux restes à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle. On y recense quelques grosses baronnies : baronnie de Craon, de Laval, comté de Beaufort, vicomté de Beaumont, etc., et de nombreuses châtellenies : Mathefelon, Durtal, Montjean, Beaupréau, Brain-sur-Authion, Montreuil-Bellay, etc. (Anjou) ; Lucé, Saint-Denis-de-Sablé, Bonestable, Ballon, Tucé, La Guerche, etc. (Maine)36. La terminologie incertaine ne permet pas toujours de différencier nettement la baronnie de la châtellenie (qu'il ne faut pas confondre avec la « prévôté-châtellenie », circonscription administrative de l'apanage). Le tissu discontinu de ces baronnies-châtellenies composées de deux ou trois centres, villes et châteaux, troué d'enclaves, est loin de constituer un « district » compact. La « nommée » des fiefs surprend néanmoins par son ampleur : dix-huit folios pour la châtellenie de Montfort-le-Rotrou, soigneusement répartis entre le domaine, les services, cens, rentes et les hommes, dix folios pour la baronnie-châtellenie de Montjean, en 1413 ; 23 folios pour la baronnie de Laval, en 1407. Le plus long, l'aveu de Jean d'Alençon fait, en 1414, au nom de sa mère, comtesse d'Alençon et vicomtesse de Beaumont, pour les baronnies de Château-Gontier, Pouancé, La Flèche, compte plus de quarante feuilles37.
24La châtellenie a eu ou a encore un château : à Montfort-le-Rotrou
un chastel... avec de la mote en laquelle il est assis et des douves denviron du couste denvers la ville ainsi comme il se poursuit depuis un pan de mur qui fait la cloaison dentre le pont et la porte dudit chastel du couste devers la tour en allant dicellui pan de mur au monge du pignon du mur de mes vieilles salles qui sont au dedans de mondit chastel tout au travers d'iceluy chastel jusques au fons des douves d'icelluy38.
25Pour Château-Gontier, au nom de sa mère, Jean d'Alençon nomme « le chastel ancien dudit lieu de Chasteaugontier qui a present (en 1414) est demoli et abatu ouquel est assise leglise collegiale de saint estienne fondée des predecesseurs de ma dicte dame et mere, la ville, cloaison et fortiffication dicelle... »39. Dans le premier cas, la ville n'est pas incorporée à la châtellenie, dans le deuxième, elle l'est. Le seigneur châtelain est à la fois seigneur foncier et seigneur du ban, ou de ce qu'il en reste : il exerce ses droits sur les routes, la circulation des marchandises, les foires, les fours, les moulins dans les limites de son territoire ; il règne sur la chasse et les forêts. Gui de Laval possède la prévôté du bourg neuf (de Laval), ce qui veut dire qu'un de ses agents fait la loi dans le dit bourg. Tous perçoivent des rentes en nature, blé ou avoine (feurres, avenages, etc.) ou en espèces, acquittées à date fixe par les tenanciers des censives. Est-il devenu pour autant un « rentier du sol » ? L'antique partage domaine/féages est toujours présent. Jean de Montjean reconnaît être homme de foi lige pour sa baronnie « tant en fiez comme en domaines... ». Dans ce domaine-réserve figurent des terres cultivées, des landes, des forêts, une garenne, un clos de vigne, des coutumes sur la circulation des marchandises, les droits de sceaux des contrats et les cens, rentes, et devoirs. L'autre « moitié » de la châtellenie, « fois et hommages dûs « comptabilise les vassaux et leurs devoirs, soit vingt-neuf hommes pour la dite baronnie, soixante-six pour la baronnie de Laval, cent neuf pour Château-Gontier40. Ce sont là des mini-états, sans doute déjà victimes de leur anachronisme, mais qui, au début du XVe siècle, peuvent encore impressionner et que le prince ne peut pas ignorer. L'acception de « fief noble », à service militaire ou succédané, est ternie par le rapprochement qui s'opère, dans les dénombrements, avec la censive, acquittée en modiques rentes en espèces ou en redevances en nature, y compris volailles et gros bétail. Le seigneur châtelain domine ses « hommes » et ses « sujets » : les distingue-t-il, les hommes étant les vassaux « nobles », les sujets, les non nobles ? Gui de Laval se fait livrer ses chiens d'arrêt par ses « hommes et sujets » de plusieurs villages : il s’agirait donc d'une seule et même catégorie de dépendants, ainsi que leur plainte de 1398 le laisse à entendre41.
26À côté de ces forteresses illusoires, l'apanage, particulièrement le Maine, n'offre plus qu'une atomisation des féages : manoir, ostel, maison, hébergement, très nombreux dans le ressort d'Angers ; métaieries dans le ressort du Mans ; pièces de terre, pré, vigne ; sergenteries « fayées »42 ; multiples droits : petit et grand usage de la forêt (par exemple, prendre les « bestes noires et rouges » de la forêt de Monnois), usage de la forêt de Bercé et de Donne (Maine) pour le bois et le pasnage des porcs ; garenne ; étangs, moulins, pressoirs (moulins de Baugé en Anjou, Oustille dans le Maine) ; droits de justice : haute justice et grands chemins, haute moyenne et basse justice, grands et petits chemins (ressorts de Baugé) ; justice, foires, coutumes dans le Maine ; quart de la prévôté en indivis de Pontvallain ; dîmes : grande dîme de Doussay, de Belle Fontaine, dans le ressort d'Angers, de Tuffé dans celui de Sablé etc... Petites rentes enfin : en grains (feurres), rentes constituées sur diverses terres, rentes assignées sur les revenus des prévôtés, les péages, les « minages », le trafic sur la Loire, etc. ; grâce à ces miettes, le prince a de multiples petits dépendants directement liés à lui. Mis à part les « ostels, hébergements », petites pièces de terre, l'état de dégénérescence de ces micro-fiefs accentue la confusion avec les petites censives. Et l'on sait que cette aliénation de ce qu'il reste du domaine ne rapporte pas grand chose au comte-duc. C'est une situation que la deuxième Maison d'Anjou n'a pas créée, mais qu'elle a héritée. Quelques éléments résiduels sont en outre repérables : l'existence de « gaigneries, soumises à foi et hommage » en Anjou43 ; la persistance d'un certain nombre d'hommages simples, dans le comté et le duché, à côté des hommages liges.
27Le baronnage d'Anjou-Maine est sans frontières : Bretons, Normands, Poitevins, Tourangeaux se comptent au nombre des vassaux du prince, les barons d'Anjou sont souvent fieffés aussi dans le Maine et réciproquement : des réseaux de dépendance s'entrecroisent au cœur de l'apanage44. La Maison d’Anjou s'efforce de garder dans son orbite de puissants voisins : la maison d'Alençon tient la vicomté de Beaumont dans le Maine, Pouancé et Segré en Anjou, ainsi que Château-Gontier, La Flèche, Le Lude grâce à la femme de Pierre d'Alençon. La Maison cadette des Bourbon est vassale pour le comté de Vendôme (ressort du Mans) et pour la baronnie de Mondoubleau (en 1435)45. Olivier de Clisson a la châtellenie de Monfaucon et La Roche-sur-Yon (à vie seulement pour cette dernière). Les vicomtes de Thouars relèvent du duc pour la terre de Berrie (Poitou)46. En 1388, la baronnie de Craon, aux mains d'Isabeau de Craon, comprend les châtellenies d'ingrandes et de Chantocé, la Maison dominant par ailleurs Châteauneuf-sur-Sarthe et La Ferté-Bernard. Mais une succession complexe et un arrêt du Parlement font que, cinquante ans plus tard, le clan est dépossédé. La Ferté-Bemard revient à la Maison d'Anjou, Châteauneuf-sur-Sarthe, Ingrandes et Chantocé à Georges de la Trémoille, qui en fait hommage en 143747. Dame Mabille de Maulévrier reconnait, en 1400, sa vassalité pour la baronnie de Maulévrier, le val de Moliherne et, en 1435, son fils, François de Montbéron, né de son deuxième mari, Jacques de Montbéron, seigneur de Richebourg et du Thoreil, fait aveu de la dite baronnie, ainsi que pour des terres dans les ressorts de Loudun et de Saumur. Jeanne de Mathefelon, dame de Parthenay, dépend du duc pour Mathefelon et Durtal, dont elle a payé le relief à la mort de son frère, Pierre48. Quant à la Maison de Laval, dans toute sa complexité, elle semble s'être épanouie à la charnière des deux mondes où elle se trouve : en 1388 et en 1400, Guy XII tient la baronnie de Laval, la châtellenie de Bouère dans le Maine, Chanveaux et Candé en Anjou. Dans l'aveu de 1407, de la même puissante baronnie, le sire de Laval compte dans ses vassaux son cousin, Guy, sire de Monjean, la châtellenie de Monjean étant alors comptée au nombre des arrière-fiefs. L’apogée se situe le 17 juillet 1429, lorsque, le jour même de son couronnement, et de Reims, Charles VII élève la baronnie en comté : pour rallier ou pour remercier Anne de Laval et son fils Guy49.?
28La puissance territoriale du baronnage est renforcée par la pratique de l'endogamie : les Craon s'unissent aux Montjean, aux Sully, aux La Trémoille, aux Maulévrier. Mais ces alliances aboutissent parfois à d'inextricables problèmes successoraux, qui autorisent le prince à pêcher en eau trouble : ainsi dans la succession de Craon.
29La remuante classe chevaleresque est encore plus présente dans les documents que le baronnage, dont une partie d'entre elle est proche50. Les Coesmes (ou Coismes), famille mancelle, tiennent deux châtellenies, dont celle de Lucé dans le ressort de Château-du-Loir et de nombreuses terres et « hébergements » : Brient de la Haye a la châtellenie du Plessis-Macé, la Maison des Roches, les châtellenies de Beaupréau et de Brain-sur-Authion, en 1388, et, en 1435, celle du Vieil-Baugé, ainsi qu'un « hébergement » et l'usage de la forêt de Monnais51. Cependant les féages chevaleresques consistent plus souvent en terres et « ostels », cumulés ou non en châtellenies : Jean de Champaigne fait foi pour ses terres de Loupelande (ressort du Mans), de Lésigné (ressort de Baugé), un ostel et sa chasse de la place (de Champaigne ?), féages qui sont,52 comme on le voit, en Anjou et dans le Maine. Nombreux sont ceux qui ne possèdent qu'un seul féage, tels Jean de Lisle, le grand Montrevault, et Geoffroy de la Grézille, le château du même nom. Bien avant la grande offensive anglaise de 1415-1417, quelques Normands célèbres sont possessionnés dans l'apanage : Hervé de Mauny a, en 1400, le fief de Bellesonne et la terre de Chaières dans le ressort du Mans ; Philippe de Harcourt, la châtellenie de Bonestable dans le même ressort ; Guillaume de Melun, comte de Tancarville, en 1400, l'importante châtellenie de Montreuil-Bellay, dans le ressort de Saumur53.
30La société féodale angevine est plus équilibrée que la société mancelle : l'étage médian, celui d'une chevalerie encore solidement fieffée s'est maintenu. Dans le Maine, il n'y a pratiquement rien entre grosses baronnies et minuscules tenures. Or c'est le comté qui va être le plus touché par la guerre et l'occupation. Le déséquilibre est perceptible aussi dans la configuration des prévôtés-châtellenies : l'immensité du ressort du Mans saute aux yeux, la formation du comté du Maine l'explique en partie. Les sergenteries « fayées » sont nombreuses dans tout le comté, les baronnies se situent plutôt dans le ressort du Mans, les lieux à féages multiples dans les ressorts de Château-du-Loir et de Mayenne. Dans le duché, le ressort d'Angers est de beaucoup le plus étendu et le plus homogène. Les grands fiefs sont en nombre dans les ressorts d'Angers, Baugé, Saumur, Loudun ; les lieux à féages multiples dans celui de Mirebeau. Là encore le passé, la formation de la principauté par l’intégration de la pièce rapportée qu’est l’ancienne baronnie de Mirebeau peuvent être invoqués54.
B. Mobilité ? Immobilité ?
31La société féodale de l'apanage se modifie-t-elle au cours de ce demi-siècle ? Et si oui, est-ce dû à l'action du prince ? Les pressions exercées sur elle par la conjoncture économique et fiscale, par le poids de la guerre civile et franco-anglaise n'ont épargné ni l'Anjou ni surtout le Maine55. Déjà, Robert II de Sillé, capturé à Poitiers, avait dû payer 3 000 florins d'or à Robert Knolles. Sa femme, Jeanne de Maillé, était morte ruinée et sans enfants. En 1388, un certain Guillaume de Sillé fait hommage de ce qu’il tient en « la » comté du Maine, et en 1400, sa veuve, Péronnelle de Coesmes, fait foi, comme ayant le bail de ses enfants, pour ladite seigneurie devenue baronnie. À la même date, Hervé de Mauny prête, au nom de sa femme, Jeanne de Sacé, la même foi56. Jeanne de Maillé avait-elle vendu sa seigneurie ? Quelle parenté entre elle et Guillaume de Sillé ? Le lignage, si lignage il y a, fait tout pour conserver les terres, mais l'imbroglio des mariages multiples ne rend pas aisées les successions. Brisegaut de Coesmes, ainsi que son fils Charles empruntent au chapitre de la cathédrale du Mans sous forme de rente foncière à 10 % ; après sa capture, en 1417, et une rançon fixée à 4 600 écus, Charles se voit contraint de vendre à Jean de Craon, seigneur de La Suze et Chantocé, ses châtellenie de Lucé et terre de Pruillé dans le Maine, en 1422. Mais, en 1435, il fait hommage pour cette châtellenie qu'il a donc réussi à récupérer56. Ces vassaux ont une politique identique à celle de leur seigneur comte-duc dans son domaine. Les grands sont confrontés aux mêmes problèmes : Jean II d’Alençon, capturé à Verneuil doit payer l'exorbitante rançon de 300 000 écus à Bedford57. C’est la première cause de ruine du baronnage et de la chevalerie, et parfois aussi des sujets. D'autres voient leurs ressources amoindries car leurs terres sont tombées aux mains de l'adversaire : en 1428, Laval est aux mains de Talbot58.
32La modification du paysage seigneurial, si modification il y a, obéit à la fois au jeu « naturel » des successions, de la politique matrimoniale et au contexte de crise. Le prince a la possibilité de tirer profit des droits de relief ou rachat, vrais droits de succession.
La coustume et ancien establissemens desdiz pays bien gardée et observée est que tous héritaiges, rentes et pocessions, chéent en rapchat envers le seigneur dont ils sont tenuz et mouvans à foy par les trespassemens de l'omme ou femme de foy, pourveu que le successeur du trespassé ne soit héritier en droicte ligne comme s'il estait filz ou fille, frere et seur et non plus [...] Si la mere ou la seur se marient durant le bail en Anjou, le mari paiera rapchat des choses dudit bail tenu à foy [...] Autre chose est du père ; car cellui ne perd point le bail de ses enffans pour soy remerier ; non fait la fame en Anjou. Mais son second mari fera le rapchat des heritaiges mineurs dont sa fame a le bail59.
33Expertise sur les lieux et terres, marchandage entre lignage et agents du prince doivent normalement déboucher sur un accord. La Maison d'Anjou a pu tirer profit d'une trentaine de cas de rachat entre 1391 et 143860. Profit non négligeable, puisque « le seigneur du fief aura l'année de la chose tenue de luy à foy et hommaige »61. Alors que les rentes sont fixes, le relief varie en fonction du revenu du fief, dont l'estimation doit être faite au coup par coup, compte tenu des fluctuations économiques et monétaires. Malheureusement l'évaluation des terres et le coût de l'impôt ne sont pas toujours réunis dans les documents, où se trouve l'un et pas l'autre. Dans le cas des terres de Candé, Chanveaux et Vern, rachetées en 1384 par Charles de Dinan 500 francs d'or, on sait que le revenu desdites terres se monte, cens et rentes, à 441 livres et neuf sous, ce qui correspond à la coutume62. Mais les autres ? Les reliefs vont de quelques dizaines de livres à quelques milliers, le plus souvent, quelques centaines. Au terme d'une succession complexe, l'impôt de la châtellenie de Montjean, ainsi que la terre de Gillebourg et d'autres, atteint 5 000 francs en 1394. Chiffre maximum relevé parmi ce type d’impôts sur les terres de la Maison d'Anjou, auquel les deux parties se sont accordées, après de longues tergiversations63. Bien qu'exceptionnelle, cette manne ne représente que peu de choses face aux besoins des princes, mais pour une maison baronniale, c'est lourd.
34On peut se demander si, dans la pratique, il n'y a pas plus de cas de rachats que la coutume n'y autorise : Marie de Beaumont, veuve de Jean d'Alençon, tué à Azincourt, aurait-elle dû normalement payer le rachat pour son fils, dont elle a le bail ? Et Jean de Laval, fils aîné de Tiphaine de Lusson, dame de Blason, devait-il acquitter cet impôt en 1391, à la mort de sa mère ?64 Zèle des officiers du prince ? Mais en général, le lignage se défend bien. La succession de Vendôme est un cas à part : le procureur de Katherine de Vendôme, veuve de Jean de Bourbon, comte de la Marche et de Vendôme, fait « démission de foi » pour ledit comté, vraisemblablement parce qu'elle laisse ledit comté à son fils : celui-ci, Louis de Bourbon, gage le rachat « ou cas que de raison ou par coustume de pays, il sera tenu le paier »65.
35Les princes et princesses d'Anjou veulent tenir leurs vassaux, récolter les bénéfices que le système autorise, et aussi, surveiller les marges de leur territoire, notamment à l'heure de « la France anglaise » : en février 1422, Yolande d’Aragon parvient à imposer son droit de garde sur un vassal mineur, pas n'importe lequel : Gilles de Rays. Le procureur de la châtellenie d'Ambrières ayant conclu que
tous les presens revenus et enrichiemens de ladite terre et baronnie, par la coustume de Normandie, appartient à la Royne de Sicile ad ce que Giles de Rays, seigneur de ladite terre et baronnie qui est en l'aage de XIIII à XV ans soit en l'aage de XX ans adcompliz.
36Gilles aura le tiers des revenus de sa terre, Yolande d'Aragon, les deux tiers66.
37Étant donnée l'endogamie qui régit la politique matrimoniale des barons et chevaliers d'Anjou-Maine, les modifications sont masquées : les alliances entre les Turpin et les La Grézille, les Fretart et les La Roche, les Maulévrier-Montbéron-Craon, les La Haye-Sainte Maure-Larcevesque-Mathefelon, les Deprez-Baucay, La Jaille-d'Anjou, Tucé-Sully, Coesmes-d'Usages-Sacé-Mauny, etc. font que les clans se maintiennent mieux que l'on pourrait croire. D'aucuns effectuent même une percée : Jean de Sainte Maure (famille tourangelle ?), chevalier, seigneur de Montgaugnier, fait hommage, en 1435, des terres de La Haye-Joullain : a-t-il épousé Catherine de La Haye-Joullain ou acheté ses terres ? Le même fait hommage de la terre de Longue (ressort de Baugé), qui appartenait à Marguerite des Roches, la Maison des Roches conservant, entre les mains de Jean, puis d'Aliénor, les châtellenies de Beaupréau, Brain-sur-Authion et Vieil-Baugé (ressort de Baugé)67. La fortune par les femmes se lit à merveille dans le destin de Georges de La Trémoille : en épousant successivement Marie de Sully, dame de La Trémoille, Sully et Craon, et Catherine de l'Isle, il confisque à son profit la baronnie de Craon, Châteauneuf-sur-Sarthe dont il fait hommage en 1437, et Rochefort-sur-Loire68. Il y a quelques parvenus mais leur succès est plus éphémère ; les mariages multiples, s'ils rendent inextricables les généalogies, sont aussi un atout pour la possession de la terre. Un simple écuyer, comme Olivier Deprez ne doit-il pas son ascension à la châtellenie que lui apporte son épouse, et à l'héritage de la dame de Baucay69 ?
38Les femmes permettent à leurs conjoints d'accroître leur pouvoir sur la terre, mais le leur est strictement limité par le droit coutumier. Pierre de Beauvau, chambellan de Louis II épouse Jeanne de Craon, membre de cette grande famille, que le siècle voit se disloquer et se ruiner. Les rentes de la Maison de Bueil, par le mariage de Marguerite de Bueil avec Jean de Brezé, glissent dans cette famille70. Béatrice de Craon, en 1388 dame de Maulévrier et de Trèves, en fait hommage pour son fils Jean ; en 1435, la baronnie est passée aux mains de François de Montbéron, fils de Mabille de Maulévrier et de son second mari, Jacques de Montbéron, le premier mari étant le chevalier Miles de Mathaz71. Quant à la famille chevaleresque de Dercé, qui possède terres et « ostels » dans les ressorts de Loudun et de Mirebeau, l'union de la fille d'Amaury de Dercé avec Alain d'Aubigné prépare l'essor de cette Maison.
39La coseigneurie, assez rare, est-elle un palliatif de l'émiettement des féages ou un arrangement familial, sous forme de « parage » ou de « frarèche » (entre frères ou frères et sœurs), ou les deux ? Dans le ressort de Saumur, le château de Pocé est scindé en deux, dans celui de Loudun, c'est le cas des féages de Baucay et Saint-Marcolles. La vicomté de Montrevault est tenue par deux vassaux en indivision72.
40En dehors du mouvement foncier à l'intérieur des clans, existe-t-il achat ou vente de terres en Anjou-Maine ? Les princes ont-ils pris leur part à un tel mouvement ? La terre de Mondoubleau est passée de main en main : le chevalier Hervé de Mauny entre, en 1401, en la foi du roi de Sicile pour cette châtellenie acquise de Jeanne d'Amboise, comtesse de Dammartin, il engage la vente et paie 1 100 francs au trésorier Jean Dupuy. Cette somme n'étant pas un droit de relief, mais un droit sur les ventes, devrait être l/12e du prix de vente, comme le veut la coutume d'Anjou-Maine (comparable au laudimium et trezenium provençal). La châtellenie se serait donc vendue 13 200 francs. En 1407, c'est Louis II de Bourbon qui gage la vente et fait hommage pour Mondoubleau « nouvellement acquise »73. Il semble que le Normand Hervé, de Mauny ait eu des problèmes et du mal à s'enraciner dans le Maine : en 1400, il fait hommage, comme bail de sa femme, Jeanne de Sacé, de la baronnie de Sillé, revendiquée à la même date par Péronnelle de Coesmes, veuve de Guillaume de Sillé. Il prétend posséder la seigneurie de Thorigné dans le ressort du Mans, ce que contestent dès 1396 les Turpin. En 1435, c’est Lancelot Turpin qui l'a74. La noblesse a peu vendu et peu acheté.
41Très peu de choses à signaler du côté des princes. En 1410, Yolande d'Aragon vend à Jean, sire de L'Isle-Bouchard, la châtellenie de La Roche au Duc 2 500 l.t. « à grâce de XL ans ». Ce sire a fait hommage, en 1400, pour le château de Rochefort (ressort d'Angers) et pour celui de Doué (ressort de Saumur) et c'est lui qui escorte la Reine sur la route d'Anjou vers la Provence, jusqu'au gîte de Beaufort. En marge du journal de la Chambre des Comptes d'Angers, qui mentionne la vente de La Roche au Duc, une note signale que ledit lieu a depuis été vendu 5 000 francs au sire de La Tour (date ?). Le prix de la châtellenie a doublé (en combien de temps ?)75.
42Bertrand de Beauvau reçoit, en 1422, la terre de Saint Laurent-des-Mortiers à vie. Tristan de La Jaille, chambellan de Louis III, l'usage de la forêt de Baucay, Robert le Maçon, celui de la forêt de Beaufort76. Menus cadeaux des princes à leurs serviteurs.
43Les princes, comme on l'a vu, ont peu vendu, peu aliéné le domaine de l'apanage : ils ont obtenu La Ferté-Bernard par arrêt du Parlement, à la fin du XIVe siècle, Beaufort (cf supra), Loupelande enfin qu'Isabelle de Germaincourt, veuve de Jean Pèlerin, leur cède ; mais Juliote Pèlerin, soeur de Jean, s'y oppose, et en 1435 Loupelande est aux mains de Jean de Champaigne : est-il parent de Juliote ? Ou les princes ont-ils réinféodé cette terre ?77
44Marie de Blois avait acquis les droits sur le château de Pocé en 1388, château que Pierre de la Roche Rousse et Marie de Sainte Maure, son épouse, tenaient du seigneur de Dammartin, et, en 1408, Pierre Soulaz, procureur au Parlement, se voit adresser copie des contrats d'Angers au sujet de cette affaire. Marie avait fait saisir une partie des cens, rentes et droits dudit château par ses officiers. Cette fois ci, la Maison d'Anjou ne gagne pas la partie, puisque en 1409, puis en 1435, deux Pierre de la Roche Rousse font hommage, le premier, pour la châtellenie et le château, le second, pour « la part qui lui appartient ». En 1449, Charles de Treymenech, prête la foi pour la moitié en indivis de la châtellenie de Pocé, à cause de Marie de la Roche Rousse, sa femme. Entre temps, Charles VII s'était efforcé de trouver un compromis, en proposant d'asseoir les rentes du sire de la Roche Rousse ailleurs que sur la châtellenie en question. Ce conflit est-il né de la volonté de Marie de Blois de s’opposer à l'implantation en Anjou d'un protégé du duc de Berry, avec qui ses rapports sont souvent tendus ? Surtout à son incrustation au cœur d'une forteresse clef de la région de Saumur ?78
45Cette péripétie prouve que Charles VII s'immisçait parfois dans les affaires de sa belle-famille, et cela ne saurait surprendre car il est le souverain, et l'Anjou est situé au cœur du royaume. S'efforce-t-il parfois de « caser » ses serviteurs sur les terres de l'apanage ? La « percée » de la Trémoille ne doit peut-être pas sa réussite momentanée à la seule politique matrimoniale... Et c'est un rival de la Maison d'Anjou qui s'installe dans le Maine...
46En conclusion, l'Anjou et le Maine sont incontestablement travaillés par des courants encore peu perceptibles pendant les premières décennies du XVe siècle, mais dont les conséquences éclateront en pleine lumière dans la deuxième moitié du siècle, le principal étant l'endettement seigneurial. Pour l'heure, l'accès des non nobles au fief est l'exception, et, si l'on relève quelques « marchands », « bourgeois d'Angers » et « maîtres » (ce dernier qualificatif n'étant pas incompatible avec la noblesse), les seigneurs, on l'a vu, résistent. Certains ont même cru déceler une « puissante tentative de réaction aristocratique » dans la conduite du sire de Craon, qui accable de droits exorbitants les marchands au péage de Chantocé. Ou simple recherche d'un palliatif à d'insurmontables difficultés financières ?79 Les princes et princesses d'Anjou ont prise sur cette société de deux manières : d'abord en élisant certains nobles comme conseillers et officiers : ainsi, les Bueil, les Tucé, les Beauvau, les La Jaille, et même les Clisson et certains membres de la famille de Laval. Louis II est absent, lorsque deux des conseillers de Marie de Blois s'affrontent : l'attentat contre Olivier de Clisson perpétré par Pierre de Craon enclenche l'expédition royale punitive, et on sait que c'est en traversant la forêt du Mans que Charles VI a, en 1392, sa première crise de folie80. D'autre part, les princes confient la garde de leurs forteresses à des capitaines soldés : être capitaine du château d'Angers, par exemple, signifie que l'heureux élu est au plus haut de la faveur du duc d'Anjou. Et c'est la preuve que les structures féodales sont périmées81.
III. UN PAYS COMPLEXE : PROVENCE ET FORCALQUIER82
47La Provence ne ressemble pas à l’Anjou. Son passé est différent, l’union personnelle qui les rapproche n’entame pas leurs structures, du moins dans un premier temps. Certes les comtés de Provence et de Forcalquier traversent aussi la tempête démographique et économique, Ils connaissent aussi la guerre : après celle de la Ligue d’Aix, les ravages des troupes de Raimond de Turenne font qu’en 1400, ces pays sont « au creux de la vague »83, mais non au bout de leurs peines : troubles de 1411, attaque de Marseille par les Aragonais en 1423, etc. La chronologie des désastres n’est pas à l'unisson de celle de l’apanage, la Provence ne participe pas à la guerre de Cent Ans, sinon indirectement. Les structures sont autres, mais l’action des princes se fait-elle plus sentir dans ce domaine que dans l’apanage ? D’un côté, le modèle « français » de gouvernement, de l’autre, l’empreinte que la première Maison d’Anjou-Provence a laissée. Une sorte de dialogue, comme il n’en existe pas d’équivalent dans l’apanage s’impose aux princes, dialogue avec un partenaire qui n’a pas dit son dernier mot, les communautés urbaines. Entre fidélité au passé et l’ébauche d’un mouvement, la Provence affirme son originalité.
A. Castra et coseigneuries
48Les hommages prêtés dans les comtés de Provence et de Forcalquier le sont, dans leur grande majorité, pour des castra : la tentation d’imaginer ces terres couvertes de « châteaux » doit céder devant les conclusions de récentes études, qui tendent à prouver que le terme castrum désigne, à la fin du Moyen Âge, le village, fortifié ou non84. Malheureusement, l’acte public qui rapporte l’hommage ne fait aucune description des castra et se contente de les énumérer. C'est donc par comparaison avec d’autres expressions du vocabulaire que l’on peut mieux les définir. Le castrum est seul ou cum ejus territorio acpertinenciis, et l’hommage est prêté parfois non seulement pour lui, mais pour le dominium, la seigneurie et la juridiction que le fidèle a dans le dit castrum. Vallis est opposé (ou accolé à) castrum : François des Baux s’incline pro Castro et valle de Marinhana, Reforciat de Castellane se dit seigneur du Val de Fos. Le castrum s'inscrit dans ces cas dans un plus vaste territoire, encore plus vaste quand il s’agit d’une baronnie : Guiraud de Simiane fait hommage pro Castro et baronie suis de Casanove et Bannono85. Castrum se distingue de fortalicium. Par exemple, le coseigneur du Muy est lié pro Castro et pro fortalicio : le village est-il fortifié ? Ou dominé par un château86 ?Villa, terme rarement employé, est encore plus ambigu : Jean Savin, précepteur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Manosque s'avoue pro Castro et villa de Mannasce ; l’évêque de Gap énumère dans ses possessions castrumvetus Thalardi cum villa strictus (sic) : dans ces deux cas, villa semble bien être un espace ouvert, à côté d’un espace clos. Notons au passage que le castrumvetus de Tallard doit désigner réellement un château. Villa peut-elle être une survivance de la villa antique ? Elle ne se confond pas avec la civitas, mais elle peut être assimilée au « territoire » et « dépendances » du castrum87. L’évêque de Digne, le 1er décembre 1385, en son nom et au nom du prévôt du chapitre, fait hommage pro partibus quas habet in civitate Digne, et pro burgo Dignense, ainsi que pour de nombreux castra (cum bastita de Rochabruna...). Les mentions de « bastide » sont rares encore pendant les décennies qui nous occupent : peut-on les considérer comme des forteresses, pas forcément aux mains des nobles ? Les effets de la crise démographique et les formes de l’habitat dispersé ne se verront que dans la deuxième moitié du XVe siècle88.
49Le « tènement » est synonyme de « territoire ». Jean de Pontevès décrit ainsi les limites de la bastide de la Clusa, qu’il a achetée à Sancie de Puget : confrontatam ab una parte cum territorio seu tenemento castri novi et ab alia parte cum tenemento ville Mousteriarum89. Pour compliquer les choses, remarquons que villa ici peut très bien signifier ville... « Casement » feudum, et plus vaguement locum, et terra sont des termes équivalents. Enfin maison (modeste pour Jean Raynaud dans la baylie de Barjols) « ferragine » (terre à blé), condamine (pré) figurent, mais beaucoup plus rarement, dans les actes d’hommages. Sans oublier les rentes prélevées sur les rives du Rhône. Un seul fief-rente digne de ce nom en faveur de Raimond de Turenne, assis dans un premier temps sur des revenus extérieurs aux comtés de Provence et de Forcalquier90. Et parfois une dépendance pour des droits pesant sur un castrum et non pour le castrum lui même.
50Les procès-verbaux d’hommages sont muets quant aux hommes qui peuplent éventuellement ces castra, et on ne saurait appréhender, à travers eux, les données de la crise démographique. Sur des centaines de documents, un seul mentionne les méfaits de la crise : Raymond Maistre, de Mirabeau dans la baylie de Digne, comparaît le 24 mai 1407 devant le sénéchal Pierre Dacigné, et s’excuse de n’avoir pas prêté serment pour son castrum de Beaudument devenu inhabitable « en raison des dégâts causés par les guerres et des mortalités dues aux récentes épidémies...91 ». L’habitat groupé est largement prépondérant, mais, malgré tout, les castra demeurent énigmatiques entre leurs murs désemparés, comme le castrum de Lamanon92. Une vingtaine seulement de « bastide », « tour », fortalicium sont repérables, sans que l’on puisse affirmer qu’ils sont le signe avant-coureur d’une évolution à l’échelle des comtés. Les villes, qui ont mieux conservé leurs murailles seraient-elles le refuge des populations en lieu et place de l’antique château ?
51La majorité des hommages est donc faite pour des castra ou pro parte castri, pro partibus castrorum, la coseigneurie étant fort répandue. Un nobilis vir peut aussi cumuler les castra et les parts de castra jusqu’à avoir entre les mains un territoire considérable. Ysoarde de Roquefeuille, en tant que tutrice de son fils, Elziar de Sabran, prête serment à Marie de Blois et Louis II, le 20 juin 1386 et reconnaît leur dépendance pour les castra d’Ansouis, Cucuron, Cabrières et la Motte-d’Aigues ; pour la sixième partie (indivise) de Cadenet, la moitié de Vaugines et le droit qu’elle a dans l’autre moitié93. Les coseigneurs sont parfois de la même famille, toute la politique foncière et matrimoniale des clans tend à l’appropriation collective des castra et des droits, à moins que le clan ne soit déchiré : le 18 septembre 1385, Pierre Second fait, en son nom et celui de sa sœur, Ysoarde, coseigneure, hommage pour le château de Courbon. Le 1er septembre 1419, c’est au tour de Louis Amalric, dûment muni de procurations, de s’exécuter pour le castrum d’Esclapon, indivis, pour lui, son frère Elziar et sa sœur Catherine. l'indivision, comme pour les « frarèches » du royaume de France, est un palliatif de l'émiettement du patrimoine. Traduit-elle aussi un resserrement de la famille en ces périodes de crise ? Raymond et Doucette d’Ozon, coseigneurs du castrum de Rognac, sont, eux, mari et femme94. Entente entre collatéraux et conjoints, mésentente entre cousins ? Rien ne le prouve. Les hasards des successions font sans doute que des parents éloignés, voire des étrangers, se trouvent coseigneurs.
52Étant donné que l’endogamie est la règle au sein de la noblesse provençale comme dans la noblesse angevine, les coseigneurs doivent cependant toujours avoir un certain degré de parenté. On peut varier à l’infini les combinaisons que ces coseigneuries autorisent : Gaufrid de Lincel, coseigneur d’Aubenas-les-Alpes, fait hommage, le 8 juin 1385, pour le quart du castrum d’Aubenas, le dominium majus qu’il a sur la moitié dudit castrum qui appartient à Orset de Vachères, le majus dominium et la seigneurie qu’il a dans le quart du même castrum qui est à Raybaud de Reillanne... Le même jour, Barras de Barras, un des premiers ralliés à la maison d’Anjou, prête serment pour les castra d’Auribeau, Aynac, le tiers du castrum de Saint-Julien avec merum mixtum imperium, dominium et seigneurie qu’il a dans les castra de Beaumont, La Robine et Saint-Vincent... Manuel Balbi a trois parts du castrum du Muy. Le 21 août 1385, le chevalier Gautier d’Olmet, seigneur du Val-Saint-Jean et du castrum de Mazaugues, fait hommage du castrum de Mazaugues et de la moitié, avec mixtum imperium, du castrum de Val-Saint-Jean, de la part qu’il a dans le château de la Garde, avec merum mixtum imperium, et de la part qu’il a des Pennes avec la bastide Saint-Julien95. La possession du castrum est donc fractionnée, et le merum mixtum, que l’on peut rapprocher du pouvoir de ban qui règne de l’autre côté du Rhône, est souvent entre d’autres mains que celles du maître du castrum. Bien que les campagnes provençales soient structurées, il y a là un incontestable émiettement, tant dans le comté de Forcalquier que dans le comté de Provence. Quant à la qualification de miles, accolée ici au nom de Gautier d’Olmet, elle permet de situer le dit chevalier, comme ne le permet pas le nobilis vir le plus souvent employé dans les procès verbaux96.
53La coseigneurie n’est pas forcément un obstacle à la puissance des seigneurs, elle leur permet d’étendre leur empire dans l’espace. Foulques de Pontevès a, entre Argens et Verdon, douze castra, des parts dans neuf autres avec merum mixtum imperium, toutes sortes de juridictions, cavalcades, albergues, appellations et régales. Raymond d’Agoult, chevalier, vicomte de Reillanne, possède, entre Durance et Esclavon, quatorze castra et des féages dans neuf autres97. Les seigneuries ecclésiastiques ne sont pas en reste : l’encore toute puissante abbaye de Saint-Victor tient une trentaine de castra et des parts d’une dizaine d’autres, avec droits de justice, régales, etc., au sujet desquelles l’abbé, Jean Bonin, en 1385, rappelle qu’elles ont été concédées par la reine Jeanne98. Pour plus modeste qu’il soit, le temporel des évêchés et des autres abbayes ou prieurés est considérable, ce qui alimente une rivalité certaine avec les seigneurs laïcs. On trouve parfois une coseigneurie mixte (cf. Cabasse, Varages).
54La texture de ces empires nés du cumul reste néanmoins lâche, le territoire d’entre les castra échappe en grande partie au seigneur. Est-ce le grand nombre de castra qui vaut à certaines entités territoriales l’appellation de « vicomté » ou « baronnie » ? L’exemple de la vicomté de Reillanne n’est pas forcément probant. Peut-être faut-il chercher dans le passé l’origine des baronnies de Grimaud, de Berre, de Pertuis, des vicomtés de Valerne, de Reillanne... L’empreinte du passé ne fait en tout cas aucun doute en ce qui concerne la principauté d’Orange, située hors des frontières des comtés, dont Raymond des Baux fait hommage, ainsi que de la ville d’Orange, le 11 juin 138599. En bas de l’échelle, les communautés rurales, dont certaines sont dans la « directe » du prince ; au-dessus, les modestes tenants d’un castrum ou d’un locum ou autre, à côté des puissants seigneurs cumulards.
B. Frémissement foncier
55Les comtés de Provence et de Forcalquier connaissent l’amorce d’un mouvement foncier : l’achat d’une clientèle, on l’a vu, a coûté cher à la Maison d’Anjou, et les dons, confiscations ont apporté des retouches au sein de la classe seigneuriale. Les grandes affaires de trahison et donc de saisie des biens ont eu lieu dans ces terres. Parallèlement à cette mobilité, dont les causes sont politiques, à la fin du XIVe siècle et surtout au début du XVe siècle, s’ébauche un mouvement foncier lié à la conjoncture. Extinction d’une famille, succession délicate, implantation éphémère, endettement amènent des ventes. En 1428, la veuve, sans descendance, de Pierre Dacigné vend à Louis de Bouliers la vicomté de Reillanne achetée en 1410 par le sénéchal. Le castrum de Beynes, donné par Raimond Bérenger à Perusolo Perusoli et à ses descendants mâles, échoit, faute d’héritier (après près de deux siècles...), entre les mains des gens des Comptes : l’évêque de Gap, Ligier, l’achète ; mais en 1429, après sa disgrâce, le castrum est à nouveau saisi et vendu par les Maîtres Rationaux. Mise à prix : 2 000 florins. Richard Aygosi, notaire d’Aix l’emporte sur Jacques Panholi de Digne, et l’acquiert pour lui et ses héritiers. Les causes de cette mobilité sont, dans ces cas, économico-politiques. Les uns profitent de la disgrâce des autres. La tentative avortée de Jean Le Meingre, maréchal de Boucicaut, pour s’implanter en Provence (avec l’aide du roi de France) illustre la multiplicité des causes de cette instabilité foncière : outre ce que les princes ont été contraints de lui céder (cf. supra), il achète à sa belle-mère, Alienor de Comminges, en 1401, le castrum de Meyrargues 40 000 francs d’or (il a épousé Antoinette, fille de Raimond de Turenne) et à Bertrand de Castillon, neveu de George de Marie, les seigneuries du Luc et de Roquebrune, que ce dernier tenait de la succession de cet oncle prestigieux, en 1402, et dont il a reçu 4 400 florins. La disgrâce et la confiscation des biens (prononcée le 21 août 1427, après la mort du maréchal, par Louis III) mettent fin à l’aventure100. Les non-autochtones ne réussissent pas, sauf exception, à s’incruster en Provence, même en s’alliant à des familles du cru. Si, en outre, les descendants en ligne directe font défaut, comme dans le cas de George de Marie ou de Pierre Dacigné, la fragile fortune bâtie par ces officiers avec l’aide du prince s’évanouit. Point n’est besoin de trahison et de disgrâce. La Maison de Beaufort, dans laquelle était entré Boucicaut, avait mené de son côté une politique territoriale obstinée : Guillaume Roger, puis Raimond Roger, seigneurs de Pertuis et vicomtes de Turenne, ont profité de l’endettement de Bertrand Bastain d’Aix et Gersende de Solliers, pour acquérir les parts qui leur manquaient dans les castra de Villelaure et Tresemines101. L’achat de parts de coseigneuries n’est pas exceptionnel : Guillaume Aymeric d’Aix a-t-il acquis 1/12e du castrum de Bras à Bartholomé Besaudun ? Ou 1/3 pour 35 florins d’or ? Honorat de Mauvan achète 1/8e du castrum de Pogeton en 1410. Pierre Chaussegros, licencié ès-lois, fait hommage en 1432, après avoir payé le laudimium, d’un tiers du castrum d’Auzet, vendu 175 florins par Jacques de Velaux102.
56L’endettement ou (et) le besoin impératif d’argent semble être la cause principale des ventes. Le cas le plus typique est celui d’Elziar de Sabran, seigneur d’Ansouis : pour une somme de 100 florins qu’il doit à Antoine Bodogni pour une livraison de grains, il se voit contraint d’hypothéquer ses castra de Cabrières et de la Motte d’Aygues, et, finalement, en 1427, dans l’incapacité de règler sa dette, de les céder au créancier, qui en reçoit l’investiture. De son côté, Guillaume de Glandevès engage le castrum de Pourrières entre les mains de Guillaume Aymeric pour une dette de 100 florins d’or, en 1413. Quelle autre raison que le besoin d’argent peut pousser le Provincial de Valavoire à vendre à Jean et Georges Arnaud les castra de Dromon, Briançon et Authon pour 120 florins en 1410 ?103 La curieuse affaire de Jean de Tucé s’inscrit-elle dans ce contexte ? Le seigneur de la Guierche, chambellan et conseiller de Louis II, ancien sénéchal de Provence, signe, les 22 et 23 août 1406, deux procurations, l’une à Antoine de Bayons, habitant de Saint-Maximin, pour vendre au meilleur prix tous ses biens mobiliers et immobiliers dans cette ville ; l’autre, à Mathieu de Beauvau pour qu’il récupère les 1 000 francs d’or gracieusement à lui octroyés par l’assemblée des Trois États, et qu’il vende ce qui lui appartient dans le castrum de Dauphin. Le tout assorti du pouvoir de mener toute action en justice nécessaire. Déjà, en mars 1405/6, il avait vendu à Pierre de Venterol partie du castrum de Cadenet104. Ces problèmes financiers au terme d’un cursus exceptionnel, qui avait atteint les sommets de la lieutenance de la vice-royauté des comtés de Provence et de Forcalquier, sont-ils la preuve que le service du prince peut être ruineux ?
57Outre les castra, avec ou sans fortification, avec ou sans droits, les ventes portent aussi sur des maisons, des « ferragines » (par exemple la ferragine « la clot dau soliar » acquise pour 26 florins en 1411, dans le territoire d’Entrevennes par Manuel de Berre et Bertrand d’Esparron), parfois des « terres vacantes », achetées par Louis Raynaud, marchand d’Arles, des loci, des « casais », etc. À part quelques précoces exceptions, le mouvement foncier s’amorce vers 1406-1410, et s’affirme dans les décennies suivantes. L’année 1406 semble avoir été une année noire pour les seigneurs provençaux105. Les prix ne laissent pas de surprendre, certains castra (ruinés ?) ne valent pas plus qu’une ferragine. Vers 1435-1437, les prix ne sont plus les mêmes : Jordan Brice (ou Brès) se rend maître, en 1428, du castrum de Velaux, acquis de Pierre Moine et Delphine, sa femme. En 1433, Jean Martin fait hommage de deux parts du castrum de Puyloubier, achetées (quand ?) 3 000 florins à Elziar de Sabran : Puyloubier était-il donc un castrum beaucoup plus considérable que Cabrières et la Motte d’Aygues, cédés pour 100 florins quelques années auparavant ou faut-il parler d’inflation ? Mais alors, comment expliquer qu'en 1391, Raymond de Montalban ait payé 5 250 florins à Gautier d’Olmet pour le castrum de Mazaugues ?106
58Simultanément se produisent des échanges de castra, dont les motivations nous échappent. Par exemple, le 2 juillet 1408, lors de la prestation de l’hommage, Bertrand Raybaud de Simiane, seigneur de Caseneuve, informe le sénéchal, Pierre Dacigné, qu’il a échangé le dominium et la seigneurie qu’il avait dans le castrum de Lacoste (baylie d’Apt), du coût de 500 florins d’or, payés par Berenger de Simiane, seigneur du château neuf de Venaissin, avec le dominium et la seigneurie des castra d’Ollioules, Evenos et Orves valant 2 000 florins, qui appartenaient audit Berenger, somme qu’il a acquittée107. Arrangement familial ? Essor des seigneurs de Caseneuve ? Apparemment les castra ne changent pas de mains, mais seulement le dominium et la seigneurie de ces castra, qui sont géographiquement éloignés les uns des autres. Cela paraît cher pour les seuls droits.
59Les régions les plus touchées par la mobilité foncière sont la baylie d’Apt : cinq castra ; les baylies de Sisteron (trois), de Digne, Saint-Maximin (deux) ; viguerie d’Hyères (deux), de Forcalquier (deux), de Draguignan (trois), viguerie d’Arles enfin. Le mouvement, pour modeste qu’il soit, est amorcé. Y échappent, jusqu’à plus ample informé, pendant ces décennies, les baylies de Moustiers, Barjols, Brignoles, Castellane, et les terres orientales, sauf la baylie de Seyne, qui connaît une mutation.
60A qui profitent ces ventes ? À des commerçants, des notaires et un petit nombre d’officiers du prince : entre autres, le puissant sénéchal Pierre Dacigné, qui a acheté la baronnie de Grimaud, en 1406, et la vicomté de Reillanne en 1410, vicomté acquise, après sa mort, comme on l’a vu, par un autre fidèle du prince, Louis de Bouliers. Jordan Brès s’inscrit dans la même petite équipe qui s’épanouit autour de Louis III : docteur utriusque juris et chevalier, il figure au nombre des six présidents du bref Parlement de 1415 ; Maître Rational et Juge Mage, Il mène vigoureusement sa carrière sous Louis III, achète, on l’a vu, le castrum de Velaux, ses fortifications et le merum mixtum. Déjà seigneur de Châteauneuf-le-Rouge (viguerie d’Aix), il fait hommage au nom de sa femme, Marguerite, petite-fille de Jean Arnaud, des trois castra situés dans les baylies de Sisteron et de Seyne, achetés par les frères Arnaud au prieur de Vallavoire (cf. supra). Jean Martin, docteur en droit, Maître Rational, siège au « conseil éminent » créé par Louis III en 1424. Profitant du déclin de la Maison de Sabran, on sait qu’il a mis la main sur partie du castrum de Puyloubier avec « juridictions, terres, ferragines et molendines », et, après avoir payé le laudimium. il prête serment le 8 août 1433, à Aix108. De même Jean Martin qui à l’achat de Puyloubier ajoutera la moitié des biens de Pons de Rousset. (cf. infra)
61Les notaires passent aussi à l’offensive : Richard Aygosi d’Aix, Jacques Panholi de Digne, concurrents dans la vente aux enchères du castrum de Bollène ; Pierre Chaussegros, de Digne, licencié ès-lois, se rend maître, en 1434, du castrum d’Auzet109. Qu’ils soient ou non au service du prince, les hommes de loi amorcent une percée en direction des biens fonciers. Les marchands, créanciers ordinaires de la noblesse endettée, progressent du gage à l’hypothèque et à la propriété. On connaît Guillaume Aymeric d’Aix, Antoine Bodogni de Pertuis, Louis Raynaud d’Arles110. Jacques Favassio, de Marseille, dont la demeure est ouverte aux princes et au sénéchal pour les cérémonies, achète Châteauneuf-de-Martigues et Carry. Les simples « bourgeois » entrent dans le jeu : Guillaume Textor de Manosque, le castrum de Corbières, en 1406 ; Étienne Brun (origine ?), les parts de juridiction et seigneurie du castrum de Saint-Martin-de-la-Brasque, vers 1410 ; Guillaume Rascasse de Castellane devient seigneur dans la baylie de Digne. Raymond Beraud, de Brignoles, mais installé à Draguignan, ne fait l’emplette que de la maison de la veuve d’un ancien drapier111. Alors, emprise de la ville ? Il serait prématuré de l'affirmer avant le milieu du XVe siècle, mais, en un si court laps de temps, on pourrait distinguer deux vagues : aux environs des années 1410, offensive des marchands créanciers, profitant des années les plus sombres ; et, vers 1430, la poussée des hommes de loi. Si le premier mouvement dépend essentiellement de la conjoncture économico-sociale, le deuxième conjugue les effets des mutations sociales et les conséquences de l’implantation d’une caste gouvernementale à Aix. Et là, l’influence princière est sensible, particulièrement celle de Louis III qui a d’autant plus veillé à l’emprise de ses hommes de confiance qu’il est lui-même absent. La fortune de J. Brès, L. de Bouliers et J. Martin prouve que le service du prince n’engendre pas forcément la ruine : à la différence de J. de Tucé, ces hommes sont des Provençaux (Bouliers, d'origine catalane vraisemblablement). Hors du cercle des officiers, le seul endettement suffit à expliquer le recul de certains clans : Sabran, Glandevès, Barras, ou d isolés, tel Gautier d’Olmet, aux racines non provençales ; ou encore de certains ordres religieux, comme celui de l’Hôpital.
C. L’autre fidélité
62Que leur présence soit sensible ou non sur le marché foncier, les communautés urbaines des comtés de Provence et de Forcalquier occupent une place unique dans les rapports avec les princes, rapports placés sous les auspices de la fidélité, une autre fidélité indissociable en fin de parcours du thème de la paix. Les choses avaient pourtant mal commencé pour la deuxième Maison d’Anjou avec la guerre de l’Union d’Aix qui exprimait une opposition essentiellement urbaine à l’implantation de cette famille en Provence, ainsi qu’un rejet d'une minorité de la noblesse du pays112. Le patient travail de Marie de Blois, les ralliements qu’elle obtient à coup de dons et de promesses trouvent leur épilogue avec l’entrée de la princesse et de son fils, le jeune Louis II à Aix, le 21 octobre 1387, et la conclusion des chapitres de paix, le 29 octobre113. Le chemin avait été long, et la princesse Marie avait usé d’un travail de sape acharné pour obtenir les ralliements, ainsi que de l’éclat des entrées royales. L’année 1385 est marquée par le serment des communautés urbaines qui choisissent d’emblée, ou après quelque hésitation, d’adopter la nouvelle dynastie : Barjols, Apt, Forcalquier en juin, précédées au mois d'avril par Berre, et suivies au mois d’août par Marseille ; en septembre, L'Île Saint-Geniez, Jonquières, Seyne, Baudinard, Tourves et Digne ; en octobre, la Ville de la Mer ; en décembre, Arles et Grasse. Sont donc touchées déjà les baylies d’Apt, de Barjols, Digne, Seyne, Saint-Maximin, les vigueries de Forcalquier, Marseille, Arles et Grasse. En 1386, Castellane, Brignoles, Sisteron entrent, au printemps, dans la fidélité de la Maison d’Anjou, ainsi que Moustiers, et, en juin, Antibes et Saint-Rémi. En 1387, année décisive, Draguignan en juillet, Fréjus, Saint-Raphaël et Toulon en août, Tarascon et Hyères en septembre, Aix en octobre. Sept entrées royales jalonnent ce parcours : Marseille, le 19 août 1385, Arles, le 14 décembre ; Apt, le 29 janvier 1386, Forcalquier, le 22 juillet, Sisteron, le 24 ; Aix, le 21 octobre 1387, Tarascon le 7 décembre114.
63Marseille occupe une place à part dans le déroulement de ces événements : le 22 août 1385, se réunit, dans la cour de l’hôpital du Saint-Esprit, sur convocation du viguier royal, Renaud Brezilhe, voce tube et sono campane, le conseil général, pour désigner syndics et procureurs chargés de recevoir le serment de Louis II. Les trois élus sont Egide Boniface, Jacques Guillaume et Paul Vinaud, qui s’engagent sur les Evangiles à œuvrer fidèlement ad utilitatem et comodum civitatis, et doivent aussi prêter serment au nom des citoyens de la ville. Deux jours plus tard, le 24 août, dans la cour du Palais Royal, Louis II et Marie de Blois-Penthièvre, informés des libertés et franchises de Marseille, des conventions de paix passées entre Charles, roi de Jérusalem et de Sicile, et Béatrice, son épouse d’une part, et les citoyens de Marseille de l’autre, écoutent la lecture de ces chapitres de paix, rédigés en provençal et lus par le notaire public Raymond Aymes, celui qui dresse le procès verbal de la cérémonie. À l’instar de leurs prédécesseurs, de Charles Ier jusqu’à la reine Jeanne, les princes doivent ratifier le pacte par serment. Les viguiers de Marseille seront tenus de faire de même. Le sacramentum fidelitatis des Marseillais précède le serment du prince : les trois syndics, « à genoux », mais non « tête nue », le prêtent, au nom de la communauté, ainsi que la foule présente dans la cour en levant la main droite. Les absents ont quinze jours pour s'exécuter ; ce serment, renouvelable de cinq ans en cinq ans, est requis « des hommes, depuis les adolescents jusqu'aux septuagénaires ». Tous les citoyens du « district » de Marseille et « ceux d'outre-mer qui relèvent du district » sont concernés. Après le serment des Marseillais, le jeune Louis II jure sur les Évangiles de sauvegarder les conventions passées, et la princesse s’engage, par serment elle aussi, à ce que son fils ratifie ces conventions à l’âge d’homme. Au cas où cette ratification n’aurait pas lieu, les citoyens de Marseille seraient déliés de leur serment de fidélité. Le texte se termine par l’affirmation que Marseille ne veut rien faire contre la reine Jeanne, « dame de la cité », au cas très improbable où elle serait encore en vie, les lettres du pape Clément VII annonçant sa mort contredisant la persistante rumeur publique115.
64Les termes employés pour qualifier Marseille sont civitas et universitas, et seulement pour le passé « commune ». Ce n’est qu’en 1257 qu'apparaît la formule sacramentum fidelitatis. Les serments des comtes et comtesses de Provence, Charles I et II, Robert, Jeanne font qu’il s’agit d’un véritable pacte avec la ville, et même d’un acte religieux, comme ce fut le cas en 1309, lors du serment du roi Robert. Et une certaine conception du pouvoir, où le prince naturel du pays a le souci du dialogue et du bien commun. Même si les consulats ont vécu, la dimension contractuelle demeure. Et le particularisme marseillais116. En 1385, la ville apparaît comme un partenaire capital, et la deuxième Maison d’Anjou l’a traitée comme telle, du moins dans un premier temps.
65Curieusement, avant ce cérémonial d’août 1385, les princes avaient prêté un autre serment le 8 juin 1385, à Avignon, aux « trois États de Provence » si Ton en croit le procès-verbal. En fait, à cette date, les villes sont absentes, puisque dans le camp de Duras, et seuls les « prélats et ecclésiastiques », « barons et nobles » ont envoyé une délégation, qui est sans doute loin de représenter l’ensemble de ces deux États. Mais ceux qui vont s’engager aux côtés de la deuxième Maison d’Anjou réclament des assurances, en se référant à ce qui a été dit à l’assemblée générale dernièrement réunie à Apt par Raymond Bernard Flaminges, Juge Mage : à savoir que la princesse et le prince confirmeront libertés et immunités. Artaud, évêque de Sisteron, Audibert de Sade, docteur ès-droit, prévôt de Prignans pour les ecclésiastiques, Raymond d’Agoult, seigneur de Sault, Louis d’Anduse, seigneur de La Voulte et François, seigneur des Baux pour les nobles demandent donc au jeune roi et à sa tutrice de ne pas faire la paix avec l'« ennemi capital », Charles de Duras, d’affermir la nouvelle dynastie en conservant ses droits à Charles, frère de Louis II, d’unir à jamais le comté et les terres adjacentes. Ils réclament protection contre les méfaits des hommes d’armes, l’arbitraire des officiers, les impositions excessives, le coût de la justice, et insistent tout particulièrement sur le non extrahendo. Le sénéchal doit jurer aussi ces statuts. Devant un parterre de prélats, dans la cour supérieure du palais épiscopal d’Avignon, Louis II et Marie de Blois-Penthièvre prêtent serment sur les Évangiles de conserver ces chapitres, non sans que soient évoquée la mémoire du roi Louis (Ier) et de la reine Jeanne, stigmatisés les rebelles et exalté « l'État et l’honneur du roi »117. L'État évanescent et contesté, en 1385, doit être pour ceux qui s’y rallient, un protecteur qui assure le triomphe du droit.
66Le premier souci de Marie de Blois est d’affirmer la légitimité de la nouvelle dynastie. À Forcalquier, le 4 juin 1385, en présence du viguier de la cour royale, Guillaume de Lense, les procureurs désignés par les syndics et le conseil novum et vetus de la ville, reçoivent pouvoir ; le 23, à Avignon, ils reconnaissent Louis comme roi légitime, en vertu de l’adoption de son père par la reine Jeanne et, en contrepartie de la confirmation des immunités de Forcalquier, ils se plient à l’hommage et la fidélité sub maiori et directo dominio et senhoria. La reine exalte l’attitude de la ville dans la lutte contre les rebelles, prête serment avec son fils sur les Évangiles présentés par lesdits procureurs, qui font ensuite hommage dans les règles de l’art, à genoux, mains jointes et tête nue, puis, après le baiser sur la bouche, jurent fidélité. Cérémonial en tout point semblable à celui des nobles118. Les procureurs d’Apt, désignés le 5 juin, Laugier de Gordes et Elziar Ayrulphe, font hommage, le 16 juin, à Avignon et reconnaissent Louis II comme seigneur légitime, seigneur naturel. À cette occasion l’acte, dressé par le notaire d’Apt Rostaing Alemani, rapporte des considérations capitales émises par la princesse Marie et son fils : le prince se voit confier le gouvernement de la chose publique divina dipositione. Lorsqu’il n’existe encore aucune base de droit pour assurer le salut de cette même chose publique, c’est au prince, qui a toujours cette image devant les yeux, de confirmer par ses mérites et ses vertus ce qui lui a été concédé. Ainsi, la dévotion des uns en est accrue, et les déviants finissent par céder à la force de l’exemple119.
67Dans ces premiers temps de la conquête des comtés de Provence et de Forcalquier, où tout est à bâtir ou à rebâtir, Marie de Blois veut-elle tester les réactions de ses sujets ? Culte royal et défense de la chose publique sont étroitement associés, et à la volonté divine répond la vertu du prince. C’est à la fois le même discours que celui qui a présidé à l’intronisation de la dynastie et un autre, qui va sans doute plus loin.
68Même si le passé demeure une référence constante, ces années cruciales ne vont pas sans tâtonnements, chaque partenaire prônant la solution qui lui convient. Alors que Forcalquier, Apt, acceptent un hommage proche du modèle vassalique, Marseille retrouve le souffle des anciens consulats, détruits par Raymond-Bérenger et Charles Ier, à travers un rituel qui ne mentionne pas l'obligation d’avoir la tête découverte lors du serment. À la fin du combat, avec la réconciliation des « ligueurs », s’imposent le serment de « fidélité par manière de concorde » des anciens rebelles, et le serment des princes de respecter les « chapitres de paix ». La nouvelle dynastie est acceptée et la reine Marie s'engage « à exercer le pouvoir jusqu'au bout conformément à la teneur des mêmes chapitres »120. Un nouvel État commence.
69Les promesses ont-elles été tenues ? La rareté, pour ne pas dire l’absence, de serments postérieurs à la conquête, ne laisse pas de surprendre. Le voyage de Louis II, adulte, en Provence en 1406, s’il est jalonné d'hommages de seigneurs laïcs et ecclésiastiques, ne l’est aucunement par celui des communautés urbaines, si l’on excepte le petit nombre enregistré par Pons de Rousset121. Même chose en 1419, où la reine Yolande d’Aragon s’efforce de compter ses fidèles, et en 1432. On relève l’hommage d’Aix le 12 mars 1406, de Pertuis en 1409, Marseille en 1410, Digne en 1419, Arles et Barjols en 1435122. Les communautés ne sont-elles tenues de renouveler le serment et l’hommage qu’à chaque changement de prince ? Ou à la majorité de leurs comtes, comme des vassaux ordinaires ? Les documents (comportent-ils des lacunes ?) ne permettent pas de conclure, car il est difficile de soutenir que tout est acquis par les premiers serments... De leur côté, les villes font preuve d’une grande vigilance et ne se privent pas d’en appeler aux chapitres de paix a la moindre alerte. Pour autant, Louis II a-t-il renouvelé son serment, comme sa mère s’y était engagée envers les Marseillais, à sa majorité, à son retour d’Italie ? Une cérémonie fournit quelques éclaircissements à ce sujet : le 17 juin 1406, devant Louis II, dans le palais de la ville de Marseille, en présence du peuple et des syndics convoqués à cet effet, a lieu l’intronisation de Mathieu de Beauvau comme viguier de Marseille. Sur proposition du docteur en droit Jean de Sade, et après ratification par le roi du statut de la ville et de ses « gens », le nouveau viguier, à genoux devant le prince, prête serment d’observer ces chapitres qui ont été faits « pour l’honneur et la fidélité de notre Roi et pour le bon et prospère état de la république des citoyens de la dite cité tant présents que futurs... », dévoilés par Jean de Genoards, en présence du roi et de son conseil, des syndics et de tout le peuple « des deux sexes ».
70En fait, ce qui est exposé tout au long, en langue provençale, ce sont les devoirs du viguier, et l’obligation qu’il a de prêter un serment solennel par le Dieu tout puissant, Notre-Seigneur Jésus, sa glorieuse Mère, les quatre évangélistes et les saints archanges... Conscient de la royale majesté de Louis, présent, il doit mettre son pouvoir à son service, et, vrai catholique, ne pas s’opposer à l'Église. Incorruptible, il doit se contenter de ses gages. Défenseur des droits fiscaux du roi, il doit administrer la justice conformément au droit, faire exécuter les lettres émanant de la Grand Chambre, des Maîtres Rationaux, de la chambre Rationale, des appellations premières et secondes, ainsi que les ordonnances du roi et de ses prédécesseurs. Il doit enfin jurer les chapitres de paix, les coutumes et usages de la cité, et jurer d’exercer son office à la révérence et l’honneur du roi, au bien et au profit de la ville123. Vingt et un ans après le serment du jeune prince, rien n’est plus pareil. Il n’est pas question que le prince prête serment en personne. Le viguier, officier royal, est à la fois le représentant de Louis II et le défenseur des coutumes de Marseille, l'un n'allant pas sans l’autre. L'ambiguïté de ce Janus bifrons ne saurait masquer la perte de pouvoir des syndics et des citoyens de Marseille. C’est le prince qui mène le jeu, impose un de ses fidèles, conseiller et chambellan, étranger de surcroît. Louis III ne prêtera pas davantage serment.
71Marseille a d’autres sujets de mécontentement : le préalable à la conclusion du pacte avec les Ligueurs fut la restitution par Marseille à Aix de la tête de la viguerie : Louis Ier l’avait en effet transférée à Marseille, et sa veuve avait confirmé cette modification ; en février 1386, s’en suivit un nouveau découpage, des castra de la viguerie d’Aix passant dans celle de Marseille, mais Pertuis était inclus dans la viguerie de Forcalquier. Le 14 juin 1387, le conseil municipal de Marseille s’inclinait « pour l’honneur du Roi » devant la volonté exprimée dans les lettres de Marie de Blois-Penthièvre, écrites à Pertuis le 12 juin et transmises par Pierre Raynaud et Guillaume Le Tort124.
72Entre les deux cités, la guerre continuera : Marseille, alliée de la première heure, plus ou moins sacrifiée par la suite, cherche à échapper à la dictature aixoise et demande des compensations sous forme de privilèges. La deuxième Maison d’Anjou a choisi Aix, qui va devenir sa capitale politique mais elle ne peut se passer de Marseille, porte ouverte sur ce royaume de Naples auquel elle ne saurait renoncer. Tout ceci ne va pas sans hésitations et contradictions : en 1411, le redécoupage des circonscriptions revient au premier plan avec le conflit Ollioules-Toulon. Les communautés d’Ollioules, Six-Fours, Beausset et Évenos, faisant partie de la baylie de Toulon, mais rattachées à la viguerie de Marseille en raison de l’appartenance de Toulon au camp de Duras, se plaignent des tracasseries des officiers de ladite ville et réclament le rattachement à la viguerie d’Aix ; ce que Louis II leur octroie in perpetuum le 4 novembre. Las ! Toulon, si indispensable aux expéditions italiennes, contre-attaque et obtient du prince, le 15 décembre de la même année, la décision exactement inverse125.
73Quelles sont ces libertés, franchises, immunités que les villes revendiquent ? Bien qu’elle semble chose acquise dès 1385-87, la confirmation des statuts urbains et des privilèges revient périodiquement au premier plan, accompagnée de quelques retouches provoquées par des revendications ou l’évolution de la conjoncture : Marseille obtient, en 1409, de nommer avocat et procureur chargés de défendre les chapitres de paix dans les procès contre les officiers royaux ; la princesse Marie parvient à annihiler certaines clauses blessantes pour le pouvoir, par exemple, à Tarascon, l’interdiction de toute forteresse comtale et l’abolition des impôts. Les malheurs des temps suscitent des compensations : en raison des ravages des guerres de Raymond de Turenne, L’Isle Saint-Geniès demande une dispense de péages et de gabelle en 1396. À cause de la mortalité, Louis II autorise en 1409 la diminution du nombre des conseillers municipaux, « depuis le meilleur nombre des chapitres de paix à 37 » pour Marseille126. Le sac de cette cité en 1423 émeut jusqu’au roi de France, Charles VII, beau-frère de Louis III, qui laisse descendre le Rhône sans droits à payer au bois et aux matériaux destinés à la reconstruction des maisons et édifices détruits. Quand les circonstances tiennent les princes éloignés des comtés de Provence et de Forcalquier, ils ne les oublient pas : en 1414, de Paris, Louis II accorde aux Aixois d’être mis en liberté sous caution dans un délai de trois jours après l’arrestation, à moins que la nature du crime s’y oppose. La préparation d’expéditions vers Naples déclenche la confirmation ou l’accroissement des privilèges des citoyens de Marseille : émanant de Louis II, en 1409, où il séjourne longuement à l’abbaye de Saint-Victor, ou de Louis III, en 1420127.
74En première ligne des libertés urbaines figurent les privilèges économiques et fiscaux. Beaucoup de communautés urbaines se veulent franches de péages : Marseille mène un long combat contre Boucicaut à propos du péage des Pennes. En 1418, Jacques d’Agoult, seigneur de Cabrières, reconnaît l’exemption des Marseillais au lieu dit « le Torre », et en 1420, Louis III leur confirme celle du péage de Lançon. En 1430, au nom du même prince, Louis de Bouliers ajoute une dispense globale de péage au nombre des mesures de faveur dont bénéficie la cité phocéenne pendant les années qui suivent le désastre de 1423128. Les citoyens d’Aix se disent libres de péages, lesdes, rèves, entre autres du « droit de la chaîne » de L’Isle Saint-Geniez en 1387, et, comme les Marseillais, ils ont affaire à Boucicaut, en 1415, qui exige péage et naulage à Pertuis et à Meyrargues. Aix a le droit d’avoir une barque sur la Durance pour la traversée de ses citoyens, et Pertuis affirme, en 1408, bénéficier du même privilège129. Castellane, Grasse, L’Isle Saint Giniez sont francs de péages et de lesdes130. Marie de Blois concède à Tarascon le droit d’exporter librement blés et vin, d’en interdire l’importation ou d’en autoriser la taxation à volonté, et Yolande d’Aragon abandonne à Marseille, en 1421, la traite des blés131. Les princes se sont efforcés de pallier les promesses trop généreusement faites de franchise totale d’impositions, comme à Sisteron en 1386, à Aix et Tarascon, en 1387. En ce qui concerne les rèves, à défaut d’en être exempts, les Aixois veulent au moins en décider, en présence du viguier ou d’un autre officier royal : en 1387 et en 1417, le conseil municipal prend bien soin de préciser que les officiers y sont assujettis comme les autres habitants. Marseille se fait dispenser, en 1406, de la rève de 3 deniers par livre décrétée par la Cour royale de Provence sur toute marchandise entrant et sortant132. Un autre problème est celui des lettres de marque ou de représailles : lors de la guerre de la Ligue d’Aix, les princes en ont accordé à Arles et à Marseille contre les villes de l’autre camp. Le 27 août 1399, à son retour d’Italie, Louis II révoque les lettres octroyées par sa mère à certaines terres et lieux de Provence contre d’autres terres et lieux de Provence comme contraires aux chapitres de paix de Marseille ; par la suite, les représailles se sont orientées vers l’ennemi ou le rival extérieur : Marseille, qui monopoliserait volontiers ces lettres, en obtient, le 10 juillet 1420, de la reine Yolande, contre tous les étrangers dans toutes les mers de Provence, pour pratiquer une sorte de piraterie officielle. Prélude à l’expédition de Louis III contre l’Aragon ? Les représailles sont de bonne guerre, même s’il ne s’agit que d’une guerre commerciale : en juillet 1414, le doge de Venise suspend celles de la Sérénissime République contre Marseille133. Le commerce n’est pas seul enjeu, mais toute la vie économique : Aix et Saint-Maximin se retrouvent aux côtés de leur ancienne ennemie pour réclamer des garanties quant à la pâture des troupeaux, le respect des coutumes pastorales et le droit pour les gardiens de porter les armes. C’est dans ce contexte que les forteresses peuvent sembler menacer libertés et franchises, telle celle des Pennes, bien placée pour le brigandage (on l’a vu avec Raymond de Turenne), désemparée en 1399, mais toujours prête à resurgir entre les mains du gendre du redoutable seigneur, Boucicaut : les Marseillais désirent faire paître leurs troupeaux, couper du bois et édifier des fours à chaux sur son territoire sans être importunés. Aix a réussi où Tarascon a échoué, et interdit dans ses chapitres de paix toute nouvelle fortification. À Hyères, Louis II ayant fait fortifier la ville haute, les habitants la délaissent pour la ville basse qui jouit de franchises ; afin d’éviter un exode le prince octroie, en 1406, les mêmes libertés aux deux villes. Les fortifications ne sont pas toujours honnies des populations : les habitants de Castellane et de Saint-Maximin ont licence d’utiliser l’eau et l’herbe des fossés134. Plus rare que les exemptions fiscales, la confirmation, en 1415, par la reine Yolande d’une foire à Castellane, tous les ans « à la première lune et toute la semaine suivant après la fête de la Nativité de la Vierge Marie en septembre », avec franchises135.
75Les communautés urbaines se battent aussi pour l’exemption ou la réduction des tailles et des cavalcades. Invoquant l’appauvrissement pour arracher des rémissions de dettes, et aux exigences fiscales des princes, elles opposent le dépeuplement. Marseille ne veut pas payer de taille pour ce que possèdent ses citoyens dans des castra « rompus et inhabités », après la ruine de Saint Marcel... Sisteron, en 1386, insiste pour n’être assujettie aux tailles que pour les biens possédés dans la ville et non dans la baylie. Aix proclame qu’elle ne doit être affouagée que pour 1/7e de la viguerie, et proteste, en 1402, quand les officiers royaux l’imposent pour 450 feux. Gassin obtient une réduction à quinze feux. Draguignan se fait remettre l’albergue, Saint-Paul voit son dû pour la cavalcade réduit au service d’un cavalier armé et de deux fantassins, Saint-Maximin, à celui de trois cavaliers en armes ou trente livres coronats, Colmars, à quinze livres coronats. Les citoyens de Sisteron, au lieu des trente livres exigibles annuellement au titre du droit de ban, livrent au clavaire une paire d’éperons symbolique. Quant à la gabelle, un certain nombre de communautés revendiquent le droit de stocker le sel, contrairement aux interdits de la cour royale : c’est le cas de Moustiers, Riez, Seyne, Sisteron. La vigilance des communautés est rarement prise en défaut : Saint-Paul tient à ce que nobles et ecclésiastiques soient astreints au paiement des impôts136.
76À côté de ces revendications qui traduisent l’accablement du pays par la fiscalité et une crise démographique sans précédent, mais aussi une belle vitalité, les demandes de garanties en matière judiciaire tiennent une grande place. Privilège de non extrahendo d’abord, cent fois réitéré. Les Aixois veulent être jugés, au civil et au criminel, par les juges de la cité (1387), et les appels doivent rester dans l’enceinte de la cité (1397). En 1409, le pape Alexandre V dispense les habitants d’être appelés en justice hors de leur ville. Aix a donc le privilège complet, ce qui ne va pas de soi pour les autres communautés urbaines, notamment pour sa rivale, Marseille, qui jouit également du droit de non extrahendo, confirmé par lettres de la reine Yolande en 1420, et par Louis III en 1431, et qui refuse de dépendre d'Aix en appel137. On connaît les doléances du peuple de Provence quant à l’administration de la justice à travers l’enquête de Charles II, à la fin du XIIIe siècle138. Un siècle plus tard, mêmes plaintes contre les abus des officiers royaux : Sisteron s’oppose aux perquisitions nocturnes, ou à des heures suspectes, à moins qu’elles n’aient lieu en présence de voisins dignes de confiance. Colmars et Marseille refusent que des dénonciations anonymes puissent être le point de départ d’une enquête judiciaire : Marseille demande que soit connu le nom du dénonciateur, et Colmars, que les consuls de la cité soient associés aux officiers royaux139. En 1414, Louis II accorde aux Aixois la liberté sous caution dans les trois jours, sorte d'habeas corpus. Garanties des personnes et des biens, justice sans délai pour les procès des Rationaux, gratuité de lettres de justice constituent de précieux acquis. Mais les communautés urbaines sont-elles parvenues, peu ou prou, à intervenir dans l’exercice de la justice, exigence à laquelle les princes se refusent ? Les petits consulats de montagne, Colmars, Beauvezer, Seyne, Guillaume, Baudinard ont la basse justice touchant aux délits et crimes sans effusion de sang. Aix se satisfait apparemment d’être le siège de la justice royale et de l’espoir de carrières qui en dépendent. Tarascon a pu songer un instant, lors de la conclusion des chapitres de paix, à peser sur la justice royale140. Avec le procureur et l’avocat chargés de défendre les libertés de la ville dans les procès contre les officiers royaux accordés par Louis II à Marseille, en 1402 (cf. supra), on a sans doute la participation maximale des citoyens à l’exercice de la justice, qui reste avant tout royale, nonobstant les concessions de merum mixtum imperium. Et ce ne sont pas l'hostilité du conseil municipal d’Aix à l’endroit de la justice épiscopale du bourg Saint-Sauveur et sa demande d’unification par l’intégration du bourg dans le domaine royal qui risquent d’affaiblir la justice comtale141. Sans que cela constitue un privilège à proprement parler, l'amnistie est accordée à plusieurs reprises aux citoyens, en dehors de la période de conquête de la Provence, où elle fut une des bases de la réconciliation. 1411 fut une année de troubles : Louis II donne aux Aixois des lettres d’abolition pour le pillage des propriétés des frères Georges, Jean et Marc Arnaud à Châteauneuf-le-Rouge. Existe-t-il un lien entre ces incidents et les lettres du prince, en octobre 1411, au sujet des conventions passées avec la ville d’Avignon, à propos des délinquants transfuges de part et d’autre ? Troubles liés au schisme ? Ou émeutes urbaines indépendantes ? Marseille bénéficie aussi de lettres d'amnistie, en 1411 et en 1414, ces dernières expédiées de Paris par Louis IL En 1424, Charles du Maine suspend les poursuites pour crimes commis par les habitants pendant le sac de Marseille, et gracie les bouchers qui ont fait paître leurs troupeaux dans la ville pendant la semaine qui suivit l’invasion142.
77Le dernier volet du triptyque touche aux clauses administratives et politiques. Les petites et moyennes communautés s’efforcent de maintenir l’autonomie de leurs conseils municipaux et de conserver la défense de leurs cités. Le Luc a licence de réunir le conseil à son gré, et Castellane peut tenir le sien, en cas d’absence du bayle, en présence d’un autre officier. Deux jurés et deux prudhommes ont la charge d’organiser le guet à Saint-Maximin. Sisteron élit un capitaine en cas de danger. Guillaume et Pierrefeu affirment que cet officier (qu’ils ont aussi) doit être du pays, et Grambois a le droit d’avoir une garnison143. À l’échelon supérieur, les grandes communautés urbaines ont le souci primordial de conforter les structures mises en place du temps des prédécesseurs des Valois. La réconciliation a privilégié Aix, qui redevient, comme on sait, tête de viguerie et écarte des offices sauf avis contraire des citoyens, les adversaires de l’Union d’Aix pendant une décennie. À cela s’ajoute l’astreinte à résidence à Aix des officiers majeurs et l’obligation pour les officiers majeurs et mineurs résidant dans la ville de jurer les chapitres : sénéchal, Juge Mage, Maitres Rationaux et Rationaux, juges des cours d’appel et d’annulations, juges de la chambre fiscale, archivaires sont donc tenus de résider à Aix, sénéchal et Juge Mage n’ayant le droit de s’absenter que pour visiter les comtés, conformément aux statuts. La contre-offensive de Marseille, profitant du passage du prince en 1409 pour exiger que les officiers majeurs soient tenus de faire serment dans leur ville, est vraisemblablement vouée à l’échec. Aix ne supporte pas la concurrence, et voit d’un mauvais œil les officiers aller rendre des comptes au prince à Tarascon, résidence royale : Louis II se défend, en avril 1415, d’avoir voulu attenter aux privilèges de la ville en convoquant trésoriers, clavaires, collecteurs et receveurs de la Cour et admet (nouvelle concession) que les agents du fisc doivent résider à Aix144. Faute d’exercer leur pouvoir ou de les élire, les villes, et bientôt Aix seule, font en sorte de contrôler les officiers.
78Le problème des officiers est au cœur de l'État, pour la Maison d’Anjou-Provence comme pour les autres Maisons royales ou princières. Les deux principes de base de leur statut dans les comtés de Provence et de Forcalquier : annualité et indigénat sans cesse invoqués par les syndics des villes et les délégués des Trois États, subissent quelques entorses. Quand, malgré les chapitres de paix, le prince maintient en fonction des officiers royaux, les communautés urbaines protestent, comme à Tarascon en 1399145 ; mais il arrive que ce soient les citoyens eux-mêmes qui en fassent la demande. Quant à l’indigénat, dès 1391, Marie de Blois-Penthièvre refuse de l’appliquer à ses sujets146. Si les princes d’Anjou-Provence veulent parvenir à une synthèse entre leurs territoires, et créer une classe d’officiers issus de l’apanage et des comtés méridionaux, ils ne peuvent que contester l’indigénat. On a vu Louis II introniser un Angevin comme viguier de Marseille, entre autres. Mais réciproquement, combien de Provençaux prendront la route de l’Anjou ? En tout cas, les sujets méridionaux n’en persistent pas moins à rejeter l’étranger au passé douteux qu’est Tanguy du Chatel, nommé à un office majeur. La voix des Trois États prend le relais de celle des villes, qui s’affaiblit incontestablement au cours de ce demi-siècle, et c’est devant leurs délégués que la reine Yolande, le 23 août 1417, après la mort de son époux, à Angers, réaffirme que les officiers seront changés chaque année et devront résider à Aix, et, devant la montée insidieuse de la vénalité, que les offices ne pourront se vendre147. L’entrée dans le conseil royal, présidé par le sénéchal, d’un ou de plusieurs membres des conseils municipaux (Aix et Tarascon) peut sembler une victoire des communautés urbaines148. En fait, c’est l’intégration dans les rouages de la monarchie angevine. Une autre époque commence.
79Le rejet de la « noveltat » qui domine les chapitres de paix et les revendications urbaines n’a pu être absolu au cœur d’une monarchie qui, si elle veut bien respecter le legs de ses prédécesseurs, n’en est pas moins tenue d’évoluer et de se doter de structures « modernes ». Les libertés urbaines sont-elles compatibles avec la souveraineté royale ? Oui, si l’on en croit ce que Louis II déclare en 1399 à propos des franchises de Sisteron : ne pas faire de tort aux hommes va in culminem et exaltationem majestatis149. Cette complémentarité, voire cette complicité, s’inscrivent néanmoins dans un délicat équilibre.
Conclusion
80Les princes et princesses ont pu mesurer l’opposition de leurs deux territoires au silence des villes de l’apanage : anciennement villes du Domaine royal, non émancipées politiquement, elles ont certes des privilèges d’ordre économique et sont appelées, du moins certaines d’entre elles, à être des résidences royales de la deuxième Maison d’Anjou. Chère au cœur des princes, Angers est une sorte de capitale. À la fin du XVe siècle, ces cités s’acheminent vers le statut de « bonnes villes », mais sous Louis II et Louis III, leur voix ne se fait pas entendre150. Les deux sociétés sont non seulement victimes de la crise multiforme de la fin du Moyen Âge, même si elles ne le sont pas en même temps, mais elles sont aussi en cours de mutation, plus sensible en Provence qu’en Anjou, pour ne pas parler des derniers feux du féodalisme. La dynastie s’implante à l’heure où règne l’instabilité politique. Ce qui aurait pu être un handicap s’est avéré être aussi une chance. En des circonstances exceptionnelles, la guerre de l’Union d’Aix et sa conclusion ont permis aux partenaires d’exprimer leur idéologie, héritée ou non du passé. Les sociétés méditerranéennes étant un monde à part, la dimension politique des villes est toujours présente, et l’originalité de la langue provençale toujours exaltée comme symbole d’un peuple. Et l’ombre de la reine Jeanne, si elle guide les princes dans leur respect des « libertés », ne les empêche pas d’exprimer ce qui est leur conception du pouvoir.
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
81Sans le territoire, les princes ne seraient rien. Si la deuxième Maison d’Anjou-Provence a acquis un espace à elle, c’est en raison du droit que lui confère son appartenance à une « race » et à l’univers des grands d’Occident. Le champ de ses acquisitions et de sa diplomatie matrimoniale est celui des ambitions illimitées et des rêves d’un monde traumatisé par les ruptures de la fin du Moyen Âge. Si elle a privilégié son Domaine, sans en toujours respecter les arcanes, elle a intégré à son espace des terres pétries de coutumes et dotées d’institutions qui le vouent à l’hétérogénéité S’il n’y avait pas l’élaboration d’un pouvoir “central” et la recherche de l’unité, la principauté ne serait qu’un territoire sans État.
Notes de bas de page
1 A. Venturini, « La guerre de l'Union d'Aix... », art. cit., p. 78-98.
2 N. Coulet, « Les entrées solennelles en Provence au XIVe siècle », dans Ethnologie française, 7,1977, p. 63-82.
3 Cf. infra le problème du renouvellement de l'hommage à la majorité du prince.
4 M. Hébert, Tarascon au XIVe siècle, Aix-en-Provence, 1979, p. 39-41.
5 Le tinellus ou tinellum est en l'occurrence une petite pièce, mais peut être aussi une salle d'apparat. Pour le palais d’Aix, cf. N. Coulet, Aix-en-Provence. op. cit., p. 532 sq. et F. Robin, La Cour d'Anjou-Provence, la vie artistique sous le règne du roi René, Paris, 1985, p. 100-104.
6 A.D. BdR., B 8 p. 115 et B 601.
7 A.N., P 13341, P 1119-1120.
8 A.N., P 337-342.
9 A.D. BdR., B 774, p. 46-58.
10 A.N., P 13344, no 12.
11 A.N., P 3371, acte 852 : l'aveu est de 1408 ; P 3371, acte 8872 : l'aveu est de 1439.
12 La formule finale collatio sit montre, s'il est besoin, l'intégration de l'aveu dans la monarchie administrative.
13 A.D. BdR., B 762, p. 1 et 2 : aveu d'Artaud, évêque de Sisteron, fait à Avignon le 8 juin 1385. Rappelons qu'Avignon et Villeneuve, qui ne sont pas en terre provençale, ont servi de résidences provisoires aux princes pendant la guerre et même après.
14 J. Le Fèvre, p. 108-109. À signaler un autre rite insolite, le dénouement de la ceinture : le 28 janvier 1428, un nommé Pierre Esmeron fait hommage, en présence du Maître Rational Antoine Suavis, d'une bastide et il le fait « zona sive cinctura de latere ipsius amota in signum hobedientie et humilitatis ». L'acte est rédigé dans la maison d'un notaire de Pertuis. A.D. Vaucluse, Fonds Enjenbert 307, p. 123.
15 Cf. cartes V et VI : Anjou féodal et Maine féodal, et annexes. Les aveux doivent être présentés par châtellenie, sauf en cas de « plusieurs hommages au regard de diverses châtellenies » faits par un seul et même vassal ; les hommages sont alors « mis ensemble » : A.N., P 13341, p. 70. Dans ce rituel, baronnie de Mirebeau et châtellenie de Loudun sont pratiquement intégrées à l'Anjou et la châtellenie de Château-du-Loir au Maine.
16 Beautemps-Beaupré, Coutumes..., op. cit., t. 1, p. 420.
17 A.D. BdR., B 205, p. 80-82. Lignage ramifié, les descendants de Guillaume Rogier II et de ses trois femmes, comptent dans leurs rangs Pierre Rogier, le pape Grégoire XI. Ils sont seigneurs de Beaufort en Anjou, de Valerne en Provence, et les enfants de Guillaume Rogier III et d’Eleanor de Comminges peuvent prétendre, de par leur mère, à la vicomté de Turenne. En 1388, Marie de Blois saisit, par défaut d'hommage de Guillaume Rogier III, le comté de Beaufort, mais un arrêt du Parlement lui donne tort et elle se voit obligée de céder Beaufort à Raymond, fils de Guillaume Rogier III. De là, malgré la contestation de la parentèle, Beaufort passe entre les mains de Boucicaut, gendre de Raymond. Après la mort du maréchal, Jean de Beaufort, un cousin, prétend à ce fief, et, en 1426, son frère Pierre. Ce n'est qu'en 1467 que Louis XI confirme définitivement l'abandon de Beaufort au roi René. Cf. supra p. B.N.F., Dossiers Bleus 70, Fr 29615. Pour la célèbre guerre de Raymond de Turenne, cf. R. Veydarier, op. cit.
18 A.D. BdR., B 762, p. 1-2 et p. 48-49. Même formule le 7 mai 1406, lors de l’hommage de Paul de Sade, évêque de Marseille : A.D. BdR., B 772, p. 1-2.
19 A.D. BdR., B 762, p. 2.
20 Déclaration, entre autres, de Jean Hugolin, abbé de Montmajour : J. Le Fèvre, p. 476.
21 Cf. supra p.. J. Le Fèvre, p. 473 : il s'agit des castra de Saint-Benoît, Annot, Fugeret, Méailles, La Colle-Saint-Michel. Cf. carte IV : Les seigneuries provençales.
22 A.D. BdR., B 764, p. 98,121 ; B 766, p. 72v, 103 ; B 589. A. Venturini, « La Guerre de l’Union d’Aix... », art. cit., pp. 99 sq.
23 M.-R. Reynaud, « Le service féodal en Anjou et Maine à la fin du Moyen Âge », dans Cahiers d'Histoire, t. XVI, 1971, p. 115-159.
24 En Provence, le laudimium est exigé en cas de permutation de fief. Pour les cas de « rachat » en Anjou-Maine, cf. infra, p. 74 sq.
25 A.D. BdR., B 770, p.71v et 72.
26 A.D. BdR., B 772, p. 21v à 26v et p. 37-38.
27 A.N., P 3371, actes 756 et 8601
28 28. A.D. BdR., B 772, p. 43-47.
29 Cf. supra, chap. II.
30 J. Le Fèvre, p. 101-102.
31 Il faut entendre par là la châtellenie de Loudun, les baronnies de Mirebeau et Château-du-Loir, cf. supra, chap. I, et p. 66, note 15. Pour les noms de lieux cf. C. Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, 3 vol., Paris-Angers, 1878. Abbé Angot, Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, 4 vol., Laval, 1900-1910.
32 A.N., P 13344, p. 24. Parmi ceux qui envahissent la Chambre des Comptes, le sire de la Suze (et de Craon), les sires de la Haye, des Roches, etc. L'année 1398 marque le retour de Marie de Blois en France.
33 A.N., P 13344, p. 142.
34 Ainsi Jean de Tucé : A.N., P 3431. On trouve dans les aveux des souvenirs de la grande invasion de 1368-72 : cf. M. Le Méné, Les campagnes angevines..., op. cit., p. 203-206.
35 A.N., P 13344, p. 127 ; A.D. BdR., B 1387, p. 21. A. Bouton, op. cit., p. 46.
36 R. Favreau, Atlas historique..., op. cit., planche VIII, carte 2 : L'état féodal XIIe-XIVe siècles. Ci-incluses : cartes de l'Anjou féodal et du Maine féodal (cartes V et VI).
37 A.N., P 3454, p. 24-41 ; P 3393, p. 114-124 ; P 3372, acte 918 ; P 3452, p. 16-27.
38 A.N., P 3454, p. 24r-41v
39 A.N., P 3372, acte 918
40 A.N., P 3452, p. 16-27. La baronnie consacre une dignité, non la dimension d'un territoire. La baronnie peut comprendre plusieurs unités châtelaines, comme la baronnie de Craon, ou une seule, comme celle de Maulévrier.
41 Cf supra, note 32.
42 Sergenterie « fayée » ou fief de sergenterie, sorte de fief inférieur avec service de cour et de police, avec ou sans dotation de terre : cf. Beautemps-Beaupré, Coutumes..., op. cit., t. III, p. 293.
43 M. Le Méné, op. cit., p. 141 sq. Le tenancier de la « gaignerie » peut être noble ou roturier.
44 Cf. carte VII : Les féodalités angevino-mancelles. M. Le Méné, op. cit., p. 153.
45 A.N., P 1119, p. 2, 5, 8 ; P 1121, p. 11 et 53. A.N., P 13344, p. 92v ; P 1120, p. 16 et 25 ; P 1121, p. 11.
46 A.N., P 13341, p. 70. Parenté entre Olivier de Clisson et Isabeau (sœur ?), qui tient le fief de la Belle Roë, près d'Angers ? A.N., P 1119, p. 39 ; P 1121, p. 43. Rappelons que Marie de Blois avait engagé Chantoceaux à Olivier de Clisson : cf. supra, chap. II, p. 58.
47 A.N., P 13341, p. 70 ; P. 1127, p. 12. Pour La Ferté-Bernard, cf. supra, p. A. Bertrand de Broussillon, La Maison de Craon, étude historique 1050-1480, t. H, Paris, 1893-97, p. 225 sq.
48 A.N., P 13341, p. 19 et 119 ; P 1119, p. 3 ; P 1120, p. 5 ; P 1121, p. 19. A.N., P 13341, p. 75.
49 A.N., P 1119, p. 38, 46 et 84 ; P 1120, p. 36 et 69 ; P 3452, p. 66v -77v. A.N., X1a 8604, p. 106-107 ; cf. aussi la lettre de Gui et André de Laval à leur mère et aïeule, du 8 juin 1429, citée in E. Cosneau, Le connétable de Richemont, Arthur de Bretagne 1393-1458, Paris, 1886, p. 105-111. A. Bertrand de Broussillon, La Maison de Laval, étude historique, t. II, Paris, 1895-1902, p. 227 sq et 300 sq : il faut distinguer Guy XII et Guy XIII, sires de Laval et Vitré, et Thibaut, seigneur de La Loué, et Guy, frère du précédent, seigneur de Monjean en raison de son mariage.
50 Pour l’Anjou, les La Haye, La Jaille, Maillé, des Roches, Turpin, Aménart, La Grézille, Chourres (ou Chources), Larcevêque, Mathefelon, Odart, Riboule, Cépréaulx, Dercé, Beauvau, Fretart, de Prez, Rabaste ; pour le Maine, les Coesmes, Champaigne, la Chapelle, Tucé, Le Vayer. Les Beauvau sont-ils des Tourangeaux originaires de Pressigny ? Je pense qu'ils sont angevins, originaires de... Beauvau, à l'Ouest de Baugé. Leur fief de Précigné (ou Pressigné) est situé au nord de Beauvau, aux confins de l'Anjou et du Maine. Bien que situé en Anjou, Précigné est dans le ressort de Sablé (cf. carte). Cf. B.N.F., Cabinet de d'Hoziers, 35, Fr. 30916.
51 A.N., P 1119, p. 50-59 ; P 1120, p 38. A.N., P 1121, p. 56, etc. A.N., P 13341, p. 87v ; P 1121, p. 70. A.N., P 1334v, p. 70. A.N., P 1121, p. 2V. Jeanne des Roches a épousé Jean de Sainte Maure : c'est leur descendant, qui figure sur la miniature A EIII 481B des Archives Nationales, qui fait hommage au roi René en 1469.
52 A.N., P 13341, p. 92 ; P 1119, p. 68 ; P 1121, p. 51 et 78. Pour Loupelande, cf. supra.
53 A.N., P 1119, p. 46 ; P 13341 ; P 1119, p. 46. Philippe de Harcourt est tué à la bataille de Verneuil (1424) ; A.N., P 1120, p. 11
54 Cf. cartes et supra, note 31.
55 R. Favreau, Atlas historique..., op. cit., planche VIII4, Les opérations de la guerre de Cent Ans (carte qui ne fait pas oublier A. Joubert, Les invasions anglaises en Anjou, XIVe-XVe s., Angers, 1872).
56 A. Bouton, op. cit., p. 98 ; A.N., P 1121, p. 56.
57 J. Favier, La Guerre de Cent Ans, Paris, 1980, p. 496. L'auteur parle d'une rançon de 20 000 saluts d'or.
58 A. Bouton, op. cit., p. 99.
59 Articles 42, 44,45 de la coutume de 1411 : Beautemps-Beaupré, op. cit., t. 1, p. 412.
60 M.-R. Reynaud, « Le service féodal... », art. cit., p. 146-153.
61 Beautemps-Beaupré, op. cit., t.1, p. 421.
62 A.N., P 13341, p. 54-55. Chanzeaux (ou Chanveaux), Vem (ou Vren) sont des dépendances de la châtellenie de Candé. Les vassaux sont des Bretons. Charles de Dinan est, en 1384, l'héritier de la dame de Laval et de Châteaubriand (son épouse ?) : A.N., P 13341, p. 53.
63 A.N., P 13344, p. 142 bis..
64 Dans le cas de Marie de Beaumont, il y a contradiction avec les articles 42 et 43 de la coutume de 1411 : « le père ou mère sont bailz naturels de leurs enffans mineurs yssus de leur mariage après la mort du premier trespassé ; et ceulx ne font nul rapchat aux seigneurs dont les héritaiges des mineurs sont tenuz à foy... » : Beautemps-Beaupré, op. cit., t. III, p. 111. A.N., P 13341, p. 60-61.
65 A.N., P 1119, p. 31.
66 A.N., P 13344, p. 144. Ambrières est dans le ressort de Mayenne (cf. carte).
67 Cf. supra note 52. Les Bueil et les La Jaille sont d'origine tourangelle.
68 A.N., P 1121, p. 11 et 12. La Trémoille a aussi acquis de Gilles de Rays « d'autres terres ».
69 A.N., P 13341, p. 84 et 91. L'héritage de la dame de Baucay n'est qu'une simple sergenterie fayée, à Ballon.
70 A.N., P 1121, p. 22. Deux membres de la famille de Bueil seront successivement conseillers de Louis Ier (et Marie de Blois) et de Louis II. Cf. infra, chap. V.
71 A.N., P 13341, p. 73 ; P 1121, p. 10v et 13.
72 En 1435, Pierre du Plantoys, au nom de sa femme, Catherine, fait aveu de la moitié par indivis du château du Grand Montrevault : A.N., P1121, p. 2. Pour le château de Pocé, Pierre de la Roche Rousse, fait, en 1435, aveu de la part qu'il a, alors qu'en 1409, lui ou plutôt son père, homonyme, faisait aveu de la totalité du château : A.N., P 1121, p. 21 ; P 3451, acte 12292. Cf. infra, note 79.
73 A.N., P 1119, p. 67v ; P 1119, p.32.
74 A.N., P 1119, p. 57v ; P 3433, acte 10542. Hervé de Mauny est seigneur de Thorigné, mais l'hommage porte sur d'autres terres. A.N., P 1119, p. 46 ; P 3453, p. 135 : Turpin en fait l'hommage en 1400 et 1435. Par ailleurs, Hervé de Mauny a revendu la baronnie de Mondoubleau, acquise de Jeanne de Dammartin. Baronnie qui fait hommage soit dans le ressort du Mans, soit dans celui de Baugé (en raison de la conjoncture ?) cf. cartes.
75 A.N., P-13344, p. 108v et p. 83 ; la seigneurie de La Roche-au-Duc fait partie des terres dans la foi de la châtellenie de Candé.
76 A.N., P 1119, p. 45 ; P 1121, p. 20.
77 A.N., P 1344 et P 133414, no 28 : Jean Pèlerin était poursuivi pour malversations par la justice du prince et ses héritiers ont des comptes à rendre. Cf. infra, chap. IV.
78 A.N., P 13341, p. 4 ; P 13344, p. 93 ; P 1335 et 1336, no 295, 296 ; P 3412 ; P 3451, acte 12292. A.N., P 1336, no 298 ; et cf. supra, note 73.
79 Un seul bourgeois d'Angers, Jean de Vergier, en 1435 : A.N., P 1121, p. 8. R. Cintre, « Un exemple de contestation péagère au XVe siècle. Le péage de Champotocé sur la Loire d'après le procès de 1412-1414 », dans Annales de Bretagne, t. 92, 1985, p. 13-23. M. Le Méné, Les Campagnes..., op. cit., p. 487 : le monde seigneurial sur la voie de l'endettement.
80 F. Autrand, Charles VI..., op. cit., p. 271 sq : l'affaire Craon.
81 La garde d'une forteresse peut rapporter au capitaine 100 à 300 l.t. par an. M.-R. Reynaud, « Noblesse et pouvoir... », art. cit., p. 6.
82 Pour les noms de lieux, cf. E. Clouzot, Pouillés des provinces d’Aix, Arles et Embrun, Paris, 1923.
83 N. Coulet, « La désolation des églises de Provence à la fin du Moyen Âge. Ruines et désaffection », dans Provence Historique, t. VI, 1956, p. 34-52,123-141.
84 N. Coulet et L. Stouff, « Le village de Provence au bas Moyen Âge », dans Cahiers du Centre d'Études des Sociétés Médiévales, N.S., no 2, Publ. de l'Université de Provence, 1987, p. 18. Édouard Baratier distinguait, lui, le castrum (village fortifié) du castellum (château) et de la villa (agglomération non fortifiée).
85 A.D. BdR., B 766, p. 28 et 24. Parfois le castrum est absent : cf vallis et baronnia pour Trets : A.D. BdR.„ B 776, p. 22v.
86 Manuel Balbi est coseigneur du Muy : A.D. BdR., B 766, p. 19.
87 N. Coulet et L. Stouff, op. cit., p. 12. A.D. BdR.,. B 766, p. 15v ; A.D. BdR., B 772, p. 6-7.
88 A.D. BdR., B 766, p. 51v (1er décembre 1385). N. Coulet et L. Stouff,, op. cit., p. 25-29.
89 A.D. BdR., B 771, p. 11-12. Cf. carte IV : Les seigneuries et coseigneuries provençales.
90 Raymond de Turenne a un fief-rente de 1 000 florins d’or, assigné sur les comtés de Provence et de Forcalquier, en compensation d’une promesse de Louis 1er, impossible à tenir, de rente assignée dans la vicomté de Limoges : A.D. BdR., B 589. On peut relever aussi les fiefs-rentes de Aymeric de Garde (la moitié d’un péage), Guy de Saint Martial (1 000 florins sur les rives du Rhône), Orset de Vachères (80 florins d’or sur les rives du Rhône), Jean Rostaing d’Arles (50 livres sur la taille des Juifs de cette ville), Bernard Rostaing d’Arles (services et cens de la Cour royale) : A.D. BdR., B 766, p 8, 7v, 2J4v, 69v, 70. Rappelons que les comtés de Provence-Forcalquier sont divisés en baylies et vigueries.
91 A.D. BdR., B 772, p. 15-16.
92 A.D. BdR., B 771, p. 25-26. N. Coulet et L. Stouff, op. cit., p. 17 : dans la viguerie d’Aix, 49 localités sur 77 ont un château (fortalitium ou turris). En extrapolant, les 2/3 des villages provençaux possèdent un château.
93 A.D. BdR., B, 768, p. 152. Cf. carte IV : Les seigneuries et coseigneuries provençales.
94 A.D. BdR., B 763, p. 79 ; B 770, p. 172.
95 A.D. BdR., B 766, p. 11,12v, 19 et 31. Le fractionnement peut aller jusqu’à huit et même seize parts. Nombre de fiefs sont tenus par des femmes.
96 Dans ce type de documents, les rares alleux n’apparaissent pas, sauf exception : en 1410, Catherine de Roquefeuille, sœur et héritière de Jacques de Roquefeuille, autrefois viguier d’Aix, fait aveu du castrum de Belcodène et mentionne qu’elle tient en franc alleu un hospicium à Fuveau, hérité lui aussi du frère : A.D. BdR., B 771, p. 16-17.
97 A.D. BdR., B 766, p.42 ; B 763, p. 85. Lors de son hommage, le 15 octobre 1385, Foulques de Pontevès, seigneur de Cotignac, fait un hommage conditionnel, si l’on peut dire, ne voulant pas être infidèle à la reine Jeanne, la seule qu’il reconnaîtra si elle est encore en vie : A.D. BdR., B 766, p. 141-142. A.D. BdR., B 766, p. 60v : hommage de Raymond d’Agoult du 27 mars 1386.
98 A.D. BdR., B 766, p. 31-32.
99 Ibid. F. Gasparri, La Principauté d’Orange au Moyen Âge (fin XIIIe-XVe siècle), Paris, 1985, p. 33 sq. Certaines de ces vicomtés le sont par « promotion » comtale : ainsi la terre de Rreillanne a-t-elle été érigée en vicomté en 1379 par Jeanne Ière en faveur de son sénéchal Foulques II d'Agoult. Le problème d’une vassalité roturière demeure posé : N. Coulet, Affaires d’argent et affaires de famille en haute Provence au XIVe siècle. Le dossier du procès de Sibylle de Cabris contre Matteo Villani et la compagnie des Buonaccorsi, Rome, 1992, (Coll. de l'École Française de Rome, no 158), p VIII et 257 ; compte rendu par J.-P. Boyer, « Vivre noblement en haute Provence, une enquête du XIVe siècle éditée, par N. Coulet », dans Provence Historique, t. XLIII, 1993 pp. 445-449.
100 A.D. BdR., B 652 ; B 607, B 672 et B 645. Pour les terres acquises par Boucicaut cf. supra. Précisons que Beynes est situé dans le diocèse de Riez.
101 A.D. BdR., B 587 et B 589. Cf. supra l’affaire de l’hommage de Beaufort.
102 A.D. BdR., B 772, p. 58-59 ; B 770, p. 164 ; B 772, p. 83-85. B 644 et B 645.
103 A.D. BdR., B 774, p 51-52 : en 1444, Elziar (III) de Sabran est contraint de vendre à ses créanciers la seigneurie de Cucuron ; cf. E. Sauze, « Le tarif de leydes de la baronnie d’Ansouis, un document inédit des archives communales de Cucuron », dans Provence Historique, t. XXIII, 1973, p. 230. A.D. BdR. B 624 ; B 772, p. 89-91. Castra ruinés ? Cf. N. Coulet, Aix-en-Provence..., op. cit., l’ascension des jurisconsultes, p. 292 sq. L’auteur signale en outre la vente par Elziar de Sabran du tiers de Peypin au notaire Etienne Bertrand.
104 A.D. BdR.,. B 772, pp. 31-32 et 41-42. Pour la carrière de Jean de Tucé, cf. infra, chap. V. A.D. BdR., B 771, pp. 35-36.
105 A.D. BdR., B 771, p. 45-46. II n’y a pas que la noblesse à être endettée : cf. R. Lavoie, « Endettement et pauvreté en Provence d’après les listes de la justice comtale, XIVe-XVe s. » dans Provence Historique, t. XXIII, 1973, p. 201-216.
106 A.D. BdR.,. B 646 ; B 774, p. 51-52 ; B 765, p. 238-239. Boucicaut avait payé Meyrargues 40 000 francs d’or, cf. supra, p.117.
107 A.D. BdR., B 771, p. 29-30.
108 A.D. BdR., B 646 ; B 774, p. 51-52. La brillante carrière de Jordan Brès est exemplaire (cf. infra, chap. V et VI). S’il accède à la seigneurie, c’est 1/ par son mariage avec Marguerite Arnaud, qui entraîne son hommage, en 1427, pour Châteauneuf-le-Rouge, et pour des droits dans les castra et territoires de Dromon, Briançon et Authon (achetés par Jean Arnaud au prieur de Valavoire), cf. supra p. 82 ; 2/par l’achat à R Monachi du castrum de Velaux.
109 A.D. BdR., B 652 ; B 774, p. 53.
110 A.D. BdR., B 772 p. 58-59 et B 624. Guillaume Aymeric achète d’abord 1/12e du castrum de Bras, puis 1/3.
111 A.D. BdR.,. B 8, p. 103 ; B 772, p. 48-49 ; B 771, p. 21-22 : Etienne Brun fait hommage pour les parts de juridiction et de seigneurie qu’il a ou aura dans le castrum de Saint-Martin-de-la-Brasque (baylie d’Apt) le 22 octobre 1410, à lui cédées par Dauphine de Forcalquier, dame du dit castrum. A.D. BdR., B 774, p. 55 : B 628.
112 Faut-il voir dans cette fidélité et dans le serment qui l’accompagne des réminiscences du passé ? Et voir en Provence encore à la fin du XIVe siècle des « institutions féodales », mais pas de « féodalité », comme au début du siècle ? G. Giordanengo, Le Droit féodal dans les pays de droit écrit, l’exemple de la Provence et du Dauphiné, XIIe-début du XIVe, Rome, 1988 (B.E.F.A.R., vol. 266), p. 153-181 et 223-229.
113 Sur les chapitres de paix d’Aix, cf. N. Coulet, Aix-en-Provence..., op. cit., p. 76 sq. Et A.C. Aix-en-Provence, AA2, p. 19-27. Les Aixois sont lavés du qualificatif de « rebelles », car ils n’avaient pas prêté serment : A.C. Aix,. AA2, p. 29v
114 J. Le Fèvre ; p. 348, 359, 360, 372, 424, 430, 438, 439. Cf. supra, p. 64.
115 A.D. BdR., B 765, p. 203-207. Une miniature du Livre Rouge des Archives Communales de Marseille, AA2, illustre cette scène. A. Venturini, « Vérité refusée, vérité cachée : du sort de quelques nouvelles avant et pendant la guerre de l’Union d’Aix (1382-1388) », dans La Circulation des nouvelles au Moyen Âge, Paris, 1994, p. 182 sq.
116 J.-P. Boyer, « Entre soumission au prince et consentement. Le rituel d’échange des serments à Marseille (1252-1348) » dans La Ville au Moyen Âge (120e Congrès national des Sociétés historiques et scientifiques, Aix-en-Provence, 1995), Paris, 1998, p. 207-219.
117 A.D. BdR., B 765, p. 232-233. L’acte est dressé par Antoine Hermentier secrétaire royal de Sisteron. En mai 1385, s’est tenue à Apt l’assemblée des États de Provence : cf. J. Le Fèvre, p. 110.
118 A.D. BdR., B 765, p. 194-196.
119 A.D. BdR., B 765, pp. 198-199v
120 Cf. supra, note 114. Quant aux chapitres de paix d’Arles, jugés d’abord « contre raison » par la reine, ils sont adoptés après amendement : J. Le Fèvre, p. 207.
121 A.D. BdR., B 770, p. 25 sq. Pons de Rousset est un secrétaire du roi.
122 A.D. BdR., B 772, p. lv ; B 612 ; B 771, p. 44 ; B 770, p. 170 ; B 177 ; B 655.
123 A.D. BdR., B 772, p. 10-11. Pour Jean de Sade et Jean de Genoards, cf. infra, deuxième partie.
124 Lettres du 8 mars 1384 de Tarente : J. Le Fèvre, p. 241. A.C. Aix, AA2, p. 33.
125 A.D. BdR., B 8, p. 295v-296. Marseille, qui, pendant les guerres de Raymond de Turenne, s’était dotée d’un gouvernement des « Six de la guerre », à l’instar des communes italiennes, entendait jouer un rôle de premier plan dans le nouvel Etat. Sa rivalité avec Arles est connue : L. Stouff, Arles..., op. cit., p. 220 sq : un carrefour délaissé.
126 A.C. Marseille, AA 28 et AA 5, p. 17'. M. Hébert, Tarascon..., op. cit., p. 252 sq. et 318. A.C. Marseille, AA 5, pp. 25. 26. Le nombre des conseillers est donc ramené de 83 à 37.
127 A.C. Marseille, AA 146 ; A.C. Aix, AA 2, p. 78.
128 A.C. Marseille, FF 18 ; AA 59 et AA 5, p. 15v ; AA 45. Cf. l’indemnisation de marchands marseillais victimes du sac de la ville : Bibl. Méjanes, ms 538 RLT, p. 388.
129 Desiderata réduits à néant quelques années plus tard par la lutte contre Raymond de Turenne : cf. N. Coulet, Aix-enProvence..., op. cit., p. 94 sq. : « l’explosion fiscale ».A.D. BdR., B 611. Châteaurenard a le même privilège. Cf. aussi Ch. Lonchambon, « Le bac de Pertuis du Moyen Âge au XIXe siècle », dans Provence Historique, t. XLIII, 1993, p. 229-253.
130 A.D. BdR., B 10, p. 46-47 : lettres de Yolande en 1410 pour Castellane ; B 8, p. 27 : lettres de Marie en 1386 pour Grasse et pour Saint-Geniez.
131 Cf. infra, chap. VI. Tarascon et Arles se plaignent en outre du détournement des routes commerciales dû à l’installation de la papauté à Avignon : cf. L. Stouff, « Arles et le Rhône à la fin du Moyen Âge, les levées et le port », dans Provence Historique, t. XXXII, 1982, p. 28-29.
132 N. Coulet, Aix-en-Provence..., op. cit. p. 32 sq. En 1417, il est interdit d’importer du vin étranger à Aix. A.C. Marseille, AA 5 p. 28.
133 A.C. Marseille, AA 5, p. 21-23 ; AA 41 ; AA 63.
134 A.C. Aix, AA 2, art. 36-37 ; A.C. Marseille, AA 5 p. 15. N. Coulet, Aix-en-Provence..., op. cit., p. 362 sq. ; A.C. Marseille, FF 18 ; A.D. BdR., B 612 ; B 10, p. 46-47 (Castellane en 1419) ; A.D. BdR., B 9, pll2-118 (Saint-Maximin en 1400).
135 A.D. BdR., B 10, p. 46-47 : on pourrait croire à une création de foire, n’était l’expression « au lieu habituel ». Grambois a des foires à la Saint Pancrace.
136 A.D. BdR.,. B 9, p. 157-161 ; B 177, p. 92-104 ; A.C. Aix, CC 1 ; A.D. BdR., B 8, p. 43v. Les hommes e la Garde-Freinet ont attaqué Gassin, qui a été pillée et dépeuplée (1394) ; A.D. BdR., B 9, p. 12-13 et 96-101 ; B 10, p. 12-15 ; B 177, p. 92-104. E. Baratier, « Production et débouchés du sel... », art. cit., p. 152. Ces villes ne figurent pas au nombre des gabelles redistributrices : cf. ibidem, carte p. 158. Riez demande, en 1384, à s’alimenter à la gabelle de Valensole : A.D. BdR., B 10, p. 34. Ces revendications s’inscrivent sur fond de crise démographique : cf. E. Baratier, La Démographie provençale du XIIIe au XVIe s., avec chiffres de comparaison pour le XVIIIe s., Paris, 1961 : la population provençale serait au début du XIVe s. de 350 000 à 400 000 habitants ; elle s’effondre au début du XVe s. (peste noire) pour redémarrer dans le dernier quart du XVe s.
137 A.C. Aix, AA 2, p. 19-27 ; AA 2, p. 70. Cette même année 1409, le pape Alexandre V accorde à Aix une université : cf. N. Coulet, Aix-en-Provence..., op. cit., p. 549 sq. A.C. Marseille, AA 40 (lettres de Yolande d’Aragon et Louis III de juillet 1420) ; AA 5, pp. 109-111 (lettres de Pierre de Beauvau du 2 novembre 1430, confirmées par lettres de Louis III de Rossano en février 1431).
138 R. Lavoie, Le Pouvoir, l’Administration et le Peuple en Provence à la fin du XIIIe s. Essai d’histoire des mentalités d’après l’enquête de Charles II (1289-1290), Aix-en-Provence, 1969 p. 238. Les dénonciations les plus fréquentes sont portées contre les bayles.
139 A.D. BdR., B 177, p. 92-104.
140 A.D. BdR., B 9, p. 96-101 ; M. Hébert, Tarascon..., op. cit., p. 101 sq.
141 A.C. Aix, AA 2, art. 35.
142 A.C. Aix, AA 2, p. 71-72 ; Bibl. Municipale d'Avignon, no 2834, p. 95 ; Pour les troubles de 1410-11, cf. J. Chiffoleau, Les Justices du pape, délinquance et criminalité dans la région d'Avignon au XIVe s., Paris, 1984, p. 128. A.C. Marseille, FF 16 ; cf. P. Amargier, « Le sac de la ville », dans P. Joutard (ss dir. de), Histoire de Marseille en treize événements, Marseille, 1988. Quant aux frères Arnaud sont-ils visés en tant qu'officiers royaux ? Cf. infra, chap. VI.
143 A.D. BdR., B 8, p. 86-88 ; B 10, p. 46-47 ; B 9, p. 112-118 ; B 177, p. 92-104 ; B 10, p. 96-97'et p. 111-112 ; B 8, p. 53-54.
144 A.C. Aix, AA 2, art. 3-4-5 ; A.C. Marseille, AA 5, p. 21 ; AA 9. Arles rappelle aussi l’obligation à résidence des officiers royaux : L. Stouff, Arles..., op. cit., p. 185. Pour les privilèges de cette ville, cf. ibid., p.163-187.
145 M. Hébert, Tarascon..., op. cit., p. 100 sq.
146 A.D. BdR., B 49, p. 105.
147 A.C. Aix, AA 17. A.D. BdR., B 8, p. 312-314. Pour Tanguy du Chatel cf. infra, chap. VI.
148 A.C. Aix, AA 2, art. 16 ; M. Hébert, Tarascon..., op. cit., p. 218 sq.
149 A.D. BdR., B 177, p. 92-104.
150 F. Lebrun (ss. dir. de), Histoire d'Angers, Toulouse, 1975, p. 1-39. On sait que c’est Louis XI qui dota Angers d'un véritable corps municipal : B. Chevalier, Les bonnes villes de France du XIVe au XVIe siècle, Paris, 1982, p. 204. F. Robin, La Cour d’Anjou-Provence..., op. cit., cartes et planches hors-texte (p. 97 sq.) sur les résidences angevines et provençales.
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