Chapitre II. Femmes, terre et argent
p. 33-62
Texte intégral
1Le territoire rassemblé par les princes d’Anjou se présente un peu comme un organisme vivant : il prospère ou s’étiole, prend vigueur ou se replie au cours de ce demi-siècle, en fonction de la conjoncture et de la politique de Louis II et de Louis III. La bonne marche de la principauté dépend de la diplomatie sous toutes ses formes. Et en premier lieu, des mariages : nécessaires à la survie de la dynastie, ils apportent en outre de nouvelles terres, et (ou) l’argent, indispensable pour le jeune État et ses expéditions lointaines. Ces unions servent aussi à réconcilier des familles, à neutraliser un adversaire, à se procurer une alliance efficace. Bref, elles sont au cœur de la stratégie de tout prince ou roi. Ce qui n’exclut pas forcément les sentiments ni la surprise de constater que l’épouse est aussi une remarquable femme politique. Le parcours n’est pas sans danger, ni la quête sans rivalités. La terre doit faire vivre l’épouse ou la veuve, ce qui entraîne des comptes sans fin d’un État besogneux. Devant l’obligation d’aliéner des terres et des droits pour se procurer de l’argent, les princes et princesses ont besoin de toute leur astuce et de toute leur énergie pour reconstituer ce qui a été défait, pour avoir l’argent sans perdre la terre.
I. LA DYNAMIQUE DE LA PRINCIPAUTÉ
2Le champ d’action de la Maison d’Anjou-Provence s’étend à tout l’Occident, mais en premier lieu, au royaume de France. Les princes ont balancé entre l’intérêt d’alliances matrimoniales destinées à étayer leur place au sein dudit royaume et celles capables de soutenir leur politique italienne. Les unes n’excluant pas les autres. Mais la conjoncture a imposé ses priorités. On pourrait dire que, lors de la conquête de la Provence et de la préparation de l’expédition de Louis II vers « son » royaume de Naples, l’Italie et l'Aragon sont leurs principaux terrains de chasse, et que, au début du XVe siècle, le cercle des princes français devient l'objectif premier. Ce ne serait que partiellement exact : la famille n’est pas une, ses choix sont contradictoires. Et les crises inéluctables.
A. Les grandes unions et leur impact
3Trois mariages sont d’incontestables réussites : ceux de Louis Ier avec Marie de Blois-Penthièvre, de Louis II avec Yolande d’Aragon, et de René avec Isabelle de Lorraine. Mais ils le sont plus pour la qualité des couples formés que pour l’apport qu’ils ont fourni à la principauté. Certes Marie de Blois déposa, on l’a vu, des terres dans la corbeille de noces, mais l’essentiel fut... l’épouse elle même. Les bénéfices diplomatiques de cette union s'évanouirent avec la défaite de Charles de Blois et le triomphe des Montfort. Après une union exemplaire, saluée par la chronique du Religieux de Saint Denis :
Il (Louis Ier) épousa dans sa jeunesse madame Marguerite (Marie), princesse d’une beauté remarquable, fille du comte de Blois, Charles de glorieuse mémoire ; il eut toujours pour elle la plus vive tendresse et respecta jusqu’à son dernier jour la foi conjugale1.
4Le long veuvage (1384-1404) de la princesse la plaça à la tête de l'État pendant la minorité et l’absence de son fils, jusqu’à la crise de 1398-1402. Elle demeure pour toujours l’admirable « Madame » du journal du chancelier Jean Le Fèvre, qui mena à bien la conquête de la Provence et le ralliement des Provençaux à la deuxième Maison d’Anjou.
5Le mariage de Louis II s’inscrit dans le cadre des ambitions italiennes de son père, qui, après son adoption par la reine Jeanne, cherche à neutraliser des rivaux potentiels, à l’instigation de Clément VII. En novembre 1381, il est question d’unir les deux fils de Louis Ier aux deux filles du duc de Gérone. En février 1382, ce sont les mariages de Charles VI lui même et du deuxième fils de Louis Ier avec les deux filles dudit duc de Gérone qui sont envisagés :
par si que le navire que ceulx d’Arragon appareillent pour conquester l’ile de Sezille fust au service monseigneur d’Anjou pour Naples, et monseigneur d’Anjou aidast, apres son fait, de genz d’armes pour conquester l’isle ; et a cause du mariaige, monseigneur d’Anjou eust une somme d’argent...2.
6Le projet est relancé en 1387, alors que le duc de Gérone est devenu le roi d’Aragon Jean Ier, sur le conseil des oncles du jeune Louis II : Robert de Dreux et Olivier Dussolier sont envoyés en ambassade à Barcelone et, le 13 mai 1387, le chevaucheur Perrinet de Pontoise leur porte des lettres du chancelier d’Anjou. Le 8 juillet, à Avignon, plaque tournante de la diplomatie angevine, Jean Le Fèvre et Raymond Bernard présentent au « maître de Rhodes », envoyé du roi d’Aragon, des lettres de la princesse Marie. Au Mans, le 1“mars 1388, le chancelier donne aux ambassadeurs chargés de conclure le mariage deux lettres scellées contenant deux pouvoirs, l’un « absolu », l’autre sous réserve de l’approbation du roi de France et des ducs de Berry et Bourgogne. Triomphe de la diplomatie familiale des Valois, dont l’apparente unité cache bien des faux semblants. Secret désir aussi sans doute de voir retomber sur d’autres le prix des expéditions italiennes de la Maison d’Anjou. Le 26 mai 1388, le roi fait répondre à « Madame » que les offres du roi d’Aragon semblent petites et la demande de la « dot » (douaire) grandes. Si ledit roi donnait 200 000 francs à sa fille, le mariage pourrait se conclure...3
7La jeune princesse, dont on attendait qu’elle apportât de l’argent et des bateaux, devient enfin l’épouse de Louis II au retour de la première expédition du prince en Italie.
Au mois de janvier, Louis, roi de Sicile, épousa dans la ville d’Arles madame Yolande, âgée d’environ vingt ans, fille du feu roi d’Aragon et de la fille de l’illustre duc de Bar. Cette princesse captivait tous les regards par sa rare beauté, par les charmes de son visage et par l’air de dignité répandu sur toute sa personne. C’était en un mot un véritable trésor de grâces. Au dire des gens sages, la nature avait pris plaisir à la former et l’avait comblée de toutes les perfections ; il ne lui manquait que d’être immortelle. Je n’essaierai point de décrire ici ses attraits ; il me suffira de dire qu’aucune femme ne méritait de lui être comparée4.
8Elle était belle, ses contemporains l’ont dit ; intelligente, elle le prouvera. C’est une maîtresse femme qui entre dans la famille d’Anjou. Quelques années auparavant, Richard II avait espéré s’unir à elle5.
9Le 16 novembre, Charles de Tarente, frère de Louis II, part de Tarascon pour aller à la rencontre de sa future belle-sœur ; il la rejoint à Perpignan, qu’ils quitteront ensemble quelques jours plus tard pour « Arles la Blanche ». De son côté, le roi Louis quitte cette ville, avec sa suite, le 24 novembre au milieu de la nuit pour atteindre Montpellier le 25, à la neuvième heure du jour : c’est là que les futurs époux se voient pour la première fois. Puis le prince reprend le chemin de Tarascon et Arles pour accueillir Yolande. Le 1er décembre, la regina novela fait son entrée solennelle dans la cité d’Arles par la porte de la Cavalerie, « an gran honor ». Avant cette entrée, la princesse avait été parée dans une maison à l’extérieur de la ville, et, Charles de Tarente et Jaime de Prades la tenant chacun par une main, elle avait fait la « reverensia » aux reliques apportées à grande profusion et assisté à l’office célébré par l’évêque de Marseille, Guillaume Le Tort. Elle était retournée ensuite à « l’ostel » où elle avait revêtu ses habits de cérémonie, et, abandonnant la mule qu’elle montait auparavant pour un coursier noblement orné, elle était entrée dans la ville, « encortinada », rues, tinels, chapelles, entre autres la cour du palais de l’archevêché tendue de velours. Parmi ces courtines, la tapisserie de l’Apocalypse. Au dessus de la reine et son coursier, un poêle de drap d’or aux armes du roi Louis, de la reine Yolande et de la ville d’Arles, porté par les quatre syndics. À Saint-Trophime, Charles de Tarente et le comte de Prades la font descendre de cheval et la conduisent à l’autel, où elle s’incline devant les reliques du saint. Au palais, où se trouvent beaucoup de nobles dames, dont Alix des Baux, comtesse d’Avellin, et la marquise de Canilhac, Yolande est accueillie chaleureusement par la « vielha Madama Maria », mère du roi Louis. Et le 2 décembre, à Saint-Trophime, sont célébrées solennellement les épousailles de Louis II et de Yolande d’Aragon, par le cardinal d’Albano, camerlingue du pape, en présence de nombreux prélats, nobles et représentants des villes de Provence. Un somptueux banquet au palais clôture ces festivités. Rien n’a manqué à ces journées mémorables, ni le romanesque, ni le faste, ni la dévotion, ni l’harmonie entre les princes et leurs sujets. Un moment de grâce que Louis II ne retrouvera plus. Cette cérémonie du 2 décembre 1400 n’a-t-elle célébré qu’un mariage ou un double couronnement, comme l’affirme le prince ? Je reviendrai sur cette question6.
10Reste le problème de la dot. Le contrat de mariage demeurant introuvable, seul un acte du 4 août 1417, donc postérieur au décès du roi de Sicile, éclaire le règlement de cette affaire : le cardinal de Saint Marc, Gui de Laval et Nicolas Perregaut sont envoyés comme ambassadeurs de Yolande, héritière de Jean d’Aragon, et de Louis III, héritier de Louis II, auprès de « l’illustre prince infant de Castille maintenant roi d’Aragon » pour réclamer d’une part 150 000 florins de monnaie d’Aragon que ce prince doit payer en vertu d’un accord entre lui et le défunt Louis II, et, d’autre part, 160 000 florins restant à verser de la dot de Yolande. Faut-il comprendre que la première somme correspond à l’indemnisation de renonciation à la succession de Yolande et de ses enfants ? La dynastie catalane d’Aragon s’est éteinte en 1410 avec Martin l’Humain, oncle de la princesse. Quant à la dot, les suggestions du roi de France semblent avoir été suivies d’effet dans le contrat, mais quel pourcentage de la dot a-t-il été versé, puisqu’il reste 160 000 florins à payer en 14177 ? Est-ce le non règlement de l’indemnité de renonciation aux prétentions à la couronne d’Aragon qui autorisera les descendants de René à revenir sur cette clause ?
11La troisième princesse qui apporta à la Maison d’Anjou de réels talents en politique est la première épouse de René, Isabelle de Lorraine. On l’a vu, le traité du Foug, en mars 1419, unit deux enfants, la fille de Charles II de Lorraine et le fils de Louis II. En 1431, à la mort de Charles II qui n’avait eu que des filles, René devient duc de Lorraine, alors qu’il est déjà duc de Bar. Belle acquisition découlant de cette union, au prix d’une violation du testament du duc de Lorraine8. Isabelle bénéficie de la même confiance de la part de son époux que sa belle mère, du sien : lorsque René s’engage dans son expédition italienne, c’est à elle qu’il confie le pouvoir dans ses États.
12Pour de tout autres raisons, l’union de Marie d’Anjou avec le futur Charles VII mérite de figurer au rang des grandes unions de la Maison d’Anjou. La recherche d’alliances au sein de la famille Valois a toujours été un des objectifs de la diplomatie des princes et princesses d’Anjou, nonobstant les risques d’endogamie, que les dispenses pontificales ont tôt fait de régler. Dès 1385, le 12 octobre, Marie de Blois envoie Geoffroi de La Lande auprès du connétable de France pour parler du mariage de Madame Catherine de France, dernière née du mariage de Charles V et de Jeanne de Bourbon, morte en la mettant au monde en 13779. La petite fille a le même âge que Louis II. Mais le duc de Berry réussit à faire épouser la princesse à son fils Jean. Quelques décennies plus tard, Maison d’Anjou et Maison de France s’unissent.... pour le meilleur et pour le pire. Marie d’Anjou, fille aînée de Louis II et de Yolande d’Aragon, née en 1404, et Charles, troisième fils de Charles VI et d’Isabeau de Bavière, né en 1403, qui ne sera Dauphin qu’en avril 1417 à la mort de son frère Jean, célèbrent en décembre 1413 au château du Louvre leurs fiançailles. À partir de cette date, « monseigneur de Ponthieu » s’intègre à sa nouvelle famille et l’accompagne souvent dans ses déplacements : les 19 et 20 septembre 1414, il se trouve à Saumur avec Yolande. La reine et « messeigneurs ses enfants » restent à Tours d’octobre à décembre 1414 et, en janvier 1415, du moins les premiers jours du mois. Puis, c’est le départ pour la Provence avec « Monseigneur et Madame de Ponthieu », l’arrivée à Tarascon le 18 février et les retrouvailles avec Louis II jusqu’au 12 octobre10. Incontestablement ce mariage est l'œuvre de Louis II et de son épouse, mariage qui resserre les liens avec la monarchie française, dans le contexte dramatique de l’année 1413, où le prince rompt avec le duc de Bourgogne. Mais lequel va être plus captif, des princes d’Anjou, arrimés au char du Dauphin, et ensuite du roi de Bourges, ou de Charles, élevé dans sa belle famille et étroitement surveillé par elle ? Décision dont il faudra assumer toutes les conséquences, et c’est Yolande qui va devoir faire face, puisque Louis II meurt au moment où son gendre devient Dauphin. En tout cas, ce n’est pas la qualité de l’union qui fait l’importance de ce mariage. L’histoire en est trop connue.
B. Ébauches, échecs et contradictions
1. Ébauches et échecs
13Pour un mariage mené à son terme, que d’ébauches et que d’échecs ! Autour de certaines héritières, la concurrence est rude. Dès l’adoption de Louis Ier par la reine Jeanne, l’urgence de trouver un allié dans la péninsule se fait sentir. En mars 1382, il est question d’unir Charles, deuxième fils du prince d’Anjou, à la fille de Barnabo Visconti. Mais très vite le fils aîné et héritier, Louis, prend la place de son frère comme candidat à la main de Lucie, troisième fille du « vicomte » de Milan : Visconti s’engage à payer pendant six mois deux mille lances et à défier Charles de Duras. Son fils et sa bannière accompagneront Louis11. Par lettres données à Angers le 6 mai 1384, le jeune Louis, qui porte le titre de duc de Calabre, ratifie l’échange des ambassades et l’envoi d’un anneau à la jeune Lucie, qui sera son épouse dès que les fiancés auront l’âge idoine12. En octobre 1384, après la mort de Louis Ier, le chevalier Renaud Brezille revient de Milan, et, en décembre, si l’on en croit Jean Le Fèvre, Louis II fait porter l’anneau à la petite fille. Le 29 avril 1385, Clément VII informe Marie de Blois-Penthièvre, qui a entrepris la conquête de la Provence, qu’il serait bon d’aller quérir la fiancée... et puis plus rien, le silence se fait sur ce projet. Pourquoi cet abandon ? L’assassinat de Barnabo Visconti, le 6 mai 1385, à l’instigation de son neveu, Jean Galéas, coseigneur de Milan, l’explique aisément. La puissance en pleine ascension de Jean Galéas lui vaut de nombreuses propositions : en juillet 1385, à Avignon, Jean de Berry, suggère d’unir Louis II à la fille du comte de Vertus. Mais un nouveau candidat, de plus de poids, s’impose : Louis, frère du roi de France Charles VI. Le mariage entre Louis, comte de Valois, puis duc de Touraine, avec Valentine Visconti, conclu en avril 1386, a lieu par procuration en avril 1387, après que le pape ait accordé les dispenses requises13. Une occasion perdue pour la Maison d’Anjou d’avoir un allié en Italie, mais Jean Galéas était-il un allié sûr ?
14Est-ce parce que Milan l’abandonne ou aux fins de rallier à sa cause l’Union d’Aix que la princesse Marie envisage de se réconcilier avec les Duras, et d’unir son fils aîné à Jeanne, fille de Charles III assassiné en février 1386 et sœur de Ladislas ? Les cardinaux d’Embrun (instigateur de cette ouverture ?), d’Amiens et de Cosenza se chargent de la négociation, alors que le cri de « Vive le roi Charles ! », dont la mort avait été tenue secrète, trouble encore l’ordre en Provence en juin 1387.
Le Roy Loys dist à sa mére que à traitié que elle menast pour li, de mariage à la fille Charles de Duras il ne se consentoit, mais y contredisoit, disant que ce ne serait pas bien fait de estre marié à la fille d’un traistre...14
15Premier exemple d’une rébellion du jeune Louis II contre une décision de sa mère. Il faudra attendre 1399-1401 pour qu’une autre dissension entre la mère et le fils surgisse. Quant à « la fille du traître », la Maison d’Anjou la retrouvera sur son chemin, lorsque, devenue la reine Jeanne II de Naples, elle sera priée d’adopter Louis III et René... En 1397, Marie envisage l’union de son fils cadet avec Polyxène, fille du doge de Venise, mais l’acte concernant cette affaire est porté manquant15.
16Pour d’évidentes raisons, la Maison d’Anjou s’est aussi tournée vers les grandes familles du royaume de « Sicile » : en juillet 1406, Jean Antoine des Baux des Ursins, fils de Marie d’Enghien, investi de la principauté de Tarente, fait hommage, à Tarente, entre les mains du représentant de Louis II. À cette occasion, un contrat de mariage préparé au palais d’Aix, est conclu entre le prince et la jeune Marie, née en 1404, fille de Louis II, qui, on le sait connaîtra une plus haute destinée16. En 1434, mû par de semblables impératifs, René envisage de marier l’une de ses filles avec Jean François Ruffus de Marsano17. Ainsi, du côté de la péninsule, la politique matrimoniale des princes et princesses d’Anjou-Provence s’est soldée par un échec.
17Avant, pendant et après le rêve italien, la diplomatie angevine n’oublie pas le royaume de France et ses marges. Là aussi, elle connaît des échecs. En 1380, Louis Ier songe à unir son fils aîné, âgé de trois ans, avec Jeanne, fille de Pierre, comte d’Alençon et du Perche, vicomte de Beaumont et de Marie son épouse. Pierre d’Alençon, vassal du duc pour la vicomté de Beaumont, a été otage avec lui pour le règlement du traité de Calais. Le mariage sera « solempnisé en face de la sainte Église sitost que faire se pourra ». Jeanne ne renonce pas à être la principale héritière du comté. Pierre Davoir, chambellan de Louis Ier, sire de Chateaufromont et lieutenant général du sénéchal d’Anjou et du Maine, s’engage au nom du prince18. Mais autant en emporte le vent... Toutefois, la Maison d’Anjou ne manque pas d’obstination, l'intérêt et la bonne marche de sa principauté obligent. Pendant les années difficiles, où Louis Il s’implique totalement dans les affaires du royaume de France, il revient sur un projet d’union avec la Maison d’Alençon : le 1er mars 1413, à Sablé, il évoque le traité de mariage,« lequel sera fait au plaisir de Dieu avec la licence de la sainte Église », de Jean, second fils de Jean, comte d’Alençon et du Perche, avec Yolande, sa deuxième fille. Le futur époux aura la vicomté de Beaumont. Le journal de la Chambre des Comptes d’Angers fait état de lettres baillées en mai 1413 à ce sujet à Robert le Maçon19. Mariage manqué là encore : le « cousin Jean » trouve la mort à Azincourt, et la jeune Yolande, qui n’a qu’un an au moment des fiançailles, n’épousera pas Jean II. Il faudra attendre le remariage de René avec Jeanne de Laval pour que la vassalité de l'apanage soit à l'honneur.
18Pour protéger les terres de Guise et de Roucy, dont on sait qu’elles vont être effectivement menacées pendant la guerre franco-anglaise par cette même famille, en 1387, le cardinal d’Embrun, conseiller matrimonial de Marie de Blois, pousse à une alliance avec la Maison de Saint-Pol. Projet sans suite dans l’immédiat. Il faut attendre 1428, et la tentative de contre-offensive de la Maison d’Anjou, pour voir s'ébaucher un projet d’union entre Philippe, comte de Saint-Pol et Yolande sœur de Louis III et de René, qui a tout intérêt à sa réalisation. Mais la mort du comte en 1430 met fin aux espoirs de réconciliation20. Quand le combat aura pris fin, Charles du Maine, frère de Louis III et de René, épousera en 1443 Isabeau de Luxembourg, sœur du comte de Saint-Pol.
19Tous ces projets non aboutis n’ont en général pas engendré de drame. Seul l’échec du mariage bourguignon, reflet de la tragédie que vit le royaume de France, en fut un. Il semble que Maison d’Anjou et Maison de Bourgogne aient joué de malheur au cours de ce demi siècle : déjà lorsque Marie de Blois-Penthièvre, après la conquête de la Provence, revient en France au début de l’année 1388, elle s’excuse auprès de la duchesse de Bourgogne de ne pas aller la voir, car « elle tiroit vers la riviere de Loire pour trouver en son chemin monseigneur de Berri »21. Ce dernier vient de perdre sa femme. La vraie raison de cette dérobade est la rupture du projet de mariage entre Louis II et Bonne, deuxième fille de Philippe le Hardi et de Marguerite de Flandre, qui vient d’être accordée à Jean, fils de Louis II de Bourbon. « Ainsi l’avait voulu le roi de France », conclut Jean Le Fèvre22.
20La grande affaire entre les deux familles, à jamais célèbre mais incomplètement élucidée, est le « mariage » de Louis, fils aîné de Louis II et de Yolande d’Aragon, et de Catherine, seconde fille de Jean sans Peur et de Marguerite de Bavière. Le 2 octobre 1407, soit quelques semaines avant l’assassinat du duc d’Orléans, la prévôté de Paris dresse acte, en présence des deux princes, des « promesses, accords et convenances » conclus entre eux grâce aux bons offices du duc de Berry. « L’assemblée et solempnacion » dudit mariage doivent se faire « dedens la fin de may prochainement venant ». Le jeune prince recevra la terre et le titre de Guise, élevée en comté à cette occasion par Charles VI, et la jeune femme portera également ce titre. Le mariage obéira à la coutume de France « cestasavoir que lesdiz mariez seront communs en meubles et conquestes fais durant le dit mariage ».
21Si, du vivant de Louis II, Louis son fils meurt laissant un héritier mâle, cet héritier viendra à succession dudit roi de Sicile. S’il n’y a que des filles, elles succéderont avec les filles dudit roi, mais s’il y a un hoir mâle descendant dudit roi, elles seront « mariées en argent haultement ». Si le duc de Bourgogne meurt sans héritier mâle (Philippe est né en 1396, on envisage donc le cas où il disparaîtrait), Catherine revient à partage avec ses sœurs.
22Le duc de Bourgogne donne à sa fille la somme de 150 000 écus, dont
30 000 demoureront perpetuellement en pur gaing au dit Roy et à monseigneur son filz et aians cause sans jamais pour quelconque chose en estre tenuz de faire restitution au dit monseigneur de Bourgogne et à mademoiselle ni aucun pour eulx.
23Le jour de l'« assemblée des dessusdiz monseigneur Loys et Mademoiselle, laquelle assemblée sera faicte dedens la fin de may prouchainement venant », 40 000 écus seront versés, et par la suite, 16 000 écus par an. Étant donné que les 30 000 écus qui doivent rester en pur gain aux princes d’Anjou sont à prendre sur le premier versement de 40 000 écus, le paiement du reste de la dot s’étalera sur environ sept années. 100 000 écus de la dot seront employés « comme pour être perpetuellement heritaige de Mademoiselle Catherine et ses enfants, et 20 000 pour le meuble ». Suivant la clause où Catherine « revient à partage avec ses sœurs », elle est tenue de rapporter les 120 000 écus. Enfin, le duc de Bourgogne « vestera, ornera et enjoulera bien et convenablement madicte damoiselle sa fille ». Si Catherine venait à mourir avant la consommation du mariage, les princes d’Anjou seraient tenus de restituer tout ce qui aurait été payé, sauf les 30 000 écus. Si elle décédait après la consommation du mariage et sans enfants, les princes devraient restituer les 100 000 écus, ou ce qui en aurait été payé, et la moitié des 20 000 écus du « meuble »23.
24Pour Louis II et pour ses Etats, ce contrat est une chance inespérée : il fournit au prince de l’argent, alors qu’il songe à mettre sur pied une nouvelle expédition pour « son royaume » : 30 000 écus lui resteront acquis, quoi qu’il advienne, et la dot de la petite fille s’apparente aux dots fastueuses des princesses d’Occident. L’alliance avec le puissant cousin de Bourgogne est en outre une assurance de stabilité pour les terres de l’apanage et les autres possessions.
25Si Louis II n’a pas rompu après le crime de la porte Barbette, c’est sans doute qu’il ne voulait ni ne pouvait renoncer à ces avantages. À la suite de l’aveu de Jean sans Peur et de la justification du duc de Bourgogne quant à l’assassinat de Louis d’Orléans, dans « l’apologie du tyrannicide » prononcée par Maître Jean Petit, le 8 marsl408, à laquelle assiste le prince d’Anjou, après l’affrontement armé des partis, le mariage, prévu pour mai 1408, est repoussé. Au-delà de la paix fourrée de Chartres en février 1409 et de l’organisation du parti armagnac, les cousins s’efforcent de recoller les morceaux du contrat : des lettres scellées par le prévôt de Paris (Pierre des Essarts a remplacé Guillaume de Tignonville) – lettres passées en double, le 31 janvier 1410 pour Louis d’Anjou, le 1er février pour Jean de Bourgogne – fixent les nouvelles clauses : le mariage doit avoir lieu le mardi d’après Pâques, et le duc de Bourgogne fera conduire sa fille à Gien-sur-Loire, où elle sera accueillie par le duc d’Anjou et ses gens, qui l’emmèneront à Angers où se déroulera la cérémonie. Dans l’incapacité où il se trouve « pour aucuns grans affaires que icellui Monseigneur de Bourgogne a de presens » de payer la somme de 40 000 écus prévue pour le jour de la célébration du mariage, Jean obtient de pouvoir s’en acquitter en quatre versements de 10 000 écus chacun, de Pâques 1410 à Pâques 1411. Moyennant quoi, chacun s’engage solennellement à respecter cet accord sous la foi du serment et à ne quémander ni au roi ni au pape des lettres de « dilation »24. Le journal de la Chambre des Comptes d’Angers note :
Le lundi IIIe jour de mars MCCCCIX (1410 n.s.) furent rendues et baillées à Jean Benoin, secrétaire du roi de Sicile, de deux lettres soubz les seaulx de Chastellet de Paris, en laz de soye et cire verte, faisans mencion et contenans le traictié du mariage dentre monseigneur messire Loys, filz dudit seigneur et de madame Katerine, fille de monseigneur de Bourgogne...25.
26Impécuniosité contre impécuniosité, les ducs sont tous deux à la recherche de fonds. Ajoutons que Louis d’Anjou est à la veille de son départ pour l’Italie.
27Trois ans et demi plus tard, la jeune princesse est renvoyée à son père sur décision de Louis II, décision mûrement réfléchie sans doute, mais que le prince regrettera jusqu’à son dernier souffle. La collusion du duc de Bourgogne et des Cabochiens est sans doute pour beaucoup dans ce geste. Les Armagnacs font leur entrée à Paris en août 1413, une fois la révolte matée, et Louis II renvoie Catherine en novembre26. La petite princesse – elle n’a que dix ans – est reconduite par Jean de Tucé, conseiller et chambellan du roi de Sicile, jusqu’à Beauvais, où messire Pierre de la Tonnaille, chambellan, et maître Thierri Gherbode conseillers du duc de Bourgogne viennent la prendre en charge. Avec l’enfant sont restitués vaisselle d’or et d’argent, joyaux, robes, « chambres », chevaux, etc., y compris le manteau destiné aux épousailles « de drap d’or fourré d’hermine ». Les envoyés de Jean sans Peur réclament une « couronne garnie de pierreries » qui faisait partie de l’ornement de la princesse donné à Gien-sur-Loire en mars 1410, mais cette couronne a été engagée entre les mains de Michel de Pazzi, marchand florentin établi à Paris, vrai banquier de Louis II, ainsi qu’une aiguière d’or, un plat et treize tasses d’argent blanc de même origine. Jean de Tucé remet aux Bourguignons une obligation signée de deux notaires du Châtelet pour Jean Dupuy, trésorier du roi de Sicile, et pour Michel de Pazzi afin qu’ils restituent ces objets27. Un mois après cette rupture, on célèbre au Louvre les accordailles entre Charles et Marie d’Anjou. Le prince a choisi son camp. Mais il a infligé au duc Jean un terrible affront.
28Le mariage a-t-il été célébré, ce qui ajouterait à l’offense ? Et de quel mariage s’agirait-il : du mariage coutumier, avec contrat et échange des anneaux ? Du cérémonial in ecclesiae facie, la solennisation dont parlent les textes ? Faut-il traduire desponsare par s’accorder et nuptiare par se marier ? Pour certains historiens, le mariage a bel et bien été célébré à Gien-sur-Loire en mars 141028. Qu’il nous soit permis de garder quelque doute : Louis II, s’il accueille comme prévu à Gien la jeune princesse, la confie à sa femme qui l’emmène à Angers avec les enfants du couple, cependant que lui gagne la Provence29. L’accord de janvier-février 1410 prévoit expressément que le mariage doit être célébré à Angers. Or c’est impensable en l’absence du prince. Le silence du journal de la Chambre des Comptes d’Angers est éloquent à cet égard. On peut être troublé par le fait que la fille de Jean sans Peur, qualifiée de « Ma damoiselle » dans les actes de 1407 et 1410, soit devenue « Madame » dans l’acte de 1413. Ce n’est pas entièrement probant : Marie de Blois est « Madame » dans le contrat de mariage de 1360, elle a vingt ans. Alors, est-ce une question d’âge ? Quant au titre de « Madame de Guise », que porte Catherine après 1410, Louis III étant « Monseigneur de Guise », il devrait apporter la certitude. Cependant Marie d’Anjou devient « Madame de Ponthieu » après la cérémonie des accordailles de décembre 1413 au Louvre, alors que les épousailles solennelles n’ont lieu qu’en avril 1422 à Bourges30. Pour les chroniqueurs, pour l’opinion publique, il y a mariage dès la signature du contrat : la réaction du Bourgeois de Paris au renvoi de la petite fille ne laisse aucun doute sur le fait qu’il la considère comme mariée à Louis d’Anjou. Mais Le Fèvre de Saint Rémy ne qualifie-t-il pas, quelques années plus tard, le duc de Bretagne de « père » de Louis III, alors qu’aucun cérémonial, même par procuration, n’est venu ratifier le contrat de 1417 entre sa fille et le prince d’Anjou ?31 En conclusion, on peut admettre à la rigueur que les « accordailles », renouvelées par le contrat de 1410, et peut être l’échange des anneaux (à Gien ?) font une union coutumière, après laquelle la petite fille va vivre à la cour de ses beaux-parents. Mais en aucun cas, on ne saurait affirmer que la solennisation in facie ecclesiae soit venue lui donner la dimension sacrée et indissoluble ( ?).
29La haine inexpiable du duc de Bourgogne va durer autant que sa vie32 et Philippe le Bon héritera ce ressentiment, décuplé par l'assassinat de son père, dont il rend responsable le clan angevin33. La pauvre Catherine, vendue, rejetée, meurt en solitaire à trente-deux ans. Louis II a-t-il seulement touché une partie des 30 000 écus qui devaient lui rester « quoi qu’il advienne » ? Le prince a vite pris la mesure de l’ampleur du désastre et il recommande instamment, dans son testament, la réconciliation avec le duc de Bourgogne à son fils aîné34.
30Notons que l’on ne retrouve aucune trace de projet d’alliance avec le clan Berry. Et qu’il faut attendre 1436 pour que se forme l’union de Jean de Calabre, fils de René, avec Marie de Bourbon.
31Comment imaginer que, au milieu de la guerre civile qui se déclenche dans le royaume de France, avec son cortège de violences, ses confusions, ses incertitudes, la politique matrimoniale des princes d’Anjou, moteur de la principauté, soit conduite, en toute liberté, dans les seuls intérêts de cette Maison et de ses territoires ? Tout était simple au temps des cardinaux, conseillers matrimoniaux de Marie de Blois, qui la poussaient à prospecter la péninsule pour les mariages de ses fils. Tout est compliqué dans la France des premières décennies du XVe siècle. Les princes ont-ils toujours l’initiative ou subissent-ils la contrainte des événements ? Louis II, s'il est aussi intéressé que Louis Ier, n’est pas dépourvu de sens moral. Il rompt avec le duc de Bourgogne, quand il estime que ce dernier est allé trop loin. Il s’efforce de tenir fermement la barre malgré les tempêtes, et de pallier les inconvénients d’un mariage manqué, en ébauchant d’autres alliances avec la Maison de France, les Maisons d’Alençon et de Bretagne. Après sa mort, Yolande d’Aragon mène à bien le projet lorrain. De 1413 à 1419, ce fut un combat de tous les instants. Mais la famille était unie. Ce qu’elle cesse d’être, pour son malheur, les années suivantes.
2. Contradictions et oppositions
32C’est au sujet d’un nouveau projet de mariage breton que le déchirement de la Maison d’Anjou apparaît. On a vu que la défaite et la mort de Charles de Blois en 1364 avait anéanti pour longtemps les espoirs de collusion angevino-bretonne. Cependant, au cours de cette même année 1413, Louis II envisage une alliance avec les Montfort. Après le décès du prince, Yolande d’Aragon s’efforce de parfaire la réconciliation en projetant d’unir Louis III et Isabelle, fille aînée de Jean V, comte de Montfort et Richemont, duc de Bretagne, qui vient à Angers à cette fin, le 3 juillet 1417. Le traité fait état des nombreux entretiens qu’auraient eus Jean V et Louis II, et de leur volonté de s’allier « outre la prouchaineté de lignage... du consentement de nostre tres chier seigneur filz et frère le Dauphin de Viennois... ». Le mariage sera célébré dès que la jeune princesse aura atteint sa douzième année, soit en 1422, et Jean V s’engage à doter sa fille de 100 000 francs, dont la moitié sera versée à la « solempnisation », et le solde en cinq annuités. Le duc d’Anjou aura « en pur gain » 10 000 francs. Si la jeune épousée venait à décéder dans l’année qui suit la célébration du mariage, Louis devrait rembourser 90 000 francs, mais si elle mourait au delà de ce terme, le prince ne restituerait que 70 000 francs et conserverait le « meuble » du couple. Isabelle ne pourra succéder au duché de Bretagne, mais elle le pourra au comté de Montfort, si son père meurt sans héritier mâle. Dans ce cas, elle aura la châtellenie de Moncontour35. Louis III devra jurer ce traité à quatorze ans, soit cette même année 1417, le 24 septembre.
33À l’heure où Henri V achève de conquérir méthodiquement la Normandie, ce traité est une assurance pour les princes d’Anjou, mais elle ne suffit pas, et Yolande d’Aragon est contrainte de quémander une trêve. Jean V n’en a pas terminé avec ses atermoiements. C’est donc une partie très serrée qui s’engage, dans laquelle le Dauphin Charles et sa belle mère tendent tous deux vers le même but : l’entente avec le duc de Bretagne et la réalisation du mariage. En 1422, le projet tient toujours36, mais le duc de Bretagne conclut une triple alliance, en 1423, avec Bedford et Philippe le Bon37 À défaut de répondre aux sollicitations de son beau-frère, qui le presse de revenir en France, Louis III, parti en 1423 pour le royaume de Naples, semble décidé à conclure l’union avec Isabelle, et, d’Aversa, en mars 1424, il désigne des procureurs à cet effet : Jean de Craon, Gui de Laval, Etienne Fillastre, auxquels il adjoint, en février 1425, Robert le Maçon38. En 1424, Yolande avait reçu des lettres de Montfort, et Charles VII, en octobre, « dans le très grant desir... la perfection du dit mariaige », avait dispensé le duc du paiement des 100 000 francs prévus par le contrat et cédé, en compensation, le duché de Touraine à Louis III en gage du versement total de cette somme qu’il prend à sa charge. Le roi achète littéralement l’alliance bretonne. La Touraine, sauf Chinon, est cédée « comme si baillée... estoit en apanage » jusqu’à ce que le règlement soit terminé39. Le 7 octobre 1425, le traité de Saumur scelle la réconciliation Anjou-Montfort, qui sera cependant encore à l’épreuve de l’offensive anglaise vers le Val de Loire.
34Alors que sa mère, qui s’était retirée en Provence de 1419 à 1423, a choisi d'œuvrer à la politique du royaume de France aux côtés de son gendre, Louis III ne vit plus que pour sa politique italienne : en 1431, au détriment du mariage breton et contre la volonté de Yolande, il opte pour l’union avec Marguerite de Savoie, née en 1416, fille d’Amédée VIII de Savoie. Le pape Eugène IV accorde les dispenses, qui sont remises aux ambassadeurs : Louis de Bouliers, vicomte de Reillanne, Guillaume Saignet, « président de Provence », Jordan Brès, Juge Mage, Pierre de Venterol et Jean Martin. Double originalité : l’épousée est fille de Marie de Bourgogne, sœur de Jean sans Peur. Et le mariage a lieu par procuration, en Savoie, Pierre de Beauvau étant le procureur du Roi. Après quoi, une somptueuse réception attend la jeune femme au château de Tarascon. Cependant, bien que Louis III ait demandé un saufconduit à Alfonse d’Aragon, Marguerite de Savoie ne rejoindra pas son époux40.
35La déchirure du tissu familial est sensible à cette date de 1431. Yolande d’Aragon persiste à rechercher une union avec les Montfort : devant le refus de son fils aîné, ce sera celle de sa fille cadette, Yolande, née en 1412. Par lettres des 14 et 21 avril, Jean V donne son accord au mariage de son fils aîné, François, avec Yolande « pour accroistre les bonnes amitiés, unions et alliances qui de tous temps ont esté entre les seigneurs et seigneuries, parens et vassaulx et subgiz des Maisons d’Anjou et de Bretaigne... »41 Ce à quoi, Louis III, depuis Cosenza, réplique en révoquant la procuration donnée à un chanoine du Mans pour négocier cette alliance, et, de Saint-Marc, en juin 1431, exprime sa désapprobation du mariage de sa sœur avec François de Montfort, ainsi que de celui de son frère Charles avec la fille du comte de Rohan. Il s’oppose à la constitution de la dot de sa sœur sur le Domaine42. Le prince, malgré son éloignement, marque son opposition à la politique matrimoniale de sa mère, et sa volonté d’être le seul maître des décisions. Quoi qu’il en soit, la principauté a désormais deux têtes et le mariage de Yolande d’Anjou avec François de Montfort (qui devient le duc François Ier en 1443) sera célébré.
36En soi, le choix du mariage savoyard n’était pas un mauvais choix, la Maison de Savoie, en pleine ascension, occupe une position charnière sur la route de l’Italie. Berry et Bourgogne s’étaient déjà alliés à cette Maison, Louis XI suivra l’exemple de son neveu. Sans oublier que Louis Ier avait organisé son expédition de 1382 avec l’appui d’Amédée VI. Mais cette union a mis en pleine lumière les limites de la volonté unitaire, qui était celle de Louis II, et dévoilé la fiction qu’elle masquait.
37Louis III aurait donc fait une bonne « affaire » si le destin n’en avait décidé autrement. Marguerite de Savoie devait apporter à son époux 120 000 ducats d’or de Gênes, 50 000 payables à son arrivée à Avignon et à sa réception au château de Tarascon, 20 000 les jours suivants, et le solde en deux annuités de 25 000 ducats chacune. Sur le total, 15 000 étaient destinés au « meuble » de la jeune femme. Qu’en a-t-il été ? Une correspondance échangée, en 1456, entre René et Marguerite, devenue comtesse de Wurtemberg, nous renseigne. Deux envoyés de la comtesse, Jean Bertonnelle de Champdivers, maître à Avignon, bachelier ès arts, précepteur général de l’ordre de saint Antoine du diocèse de Bâle, et François Malet rencontrent à Angers le roi René avant Pâques 1456. Marguerite doit reconnaître que son père n’a versé que 15 000 ducats, et que les 50 000 prévus dès sa réception à Tarascon et destinés au recrutement de mercenaires pour la défense du royaume de Naples, ont fait cruellement défaut à Louis III, dont la disparition précoce est évoquée. Quoi qu’il en soit, l’accord final, tel qu’il ressort des lettres du roi, en date du 27 mars 1456, à Angers, ne porte que sur le douaire. Comment persister à réclamer restitution de la dot, ou même des 15 000 ducats du « meuble », quand, sur les 120 000 ducats promis, seuls 15 000 ont été réellement versés ?43
38En recensant le nombre de dots impayées, on peut se demander si le contrat de mariage n’est pas un marché de dupes. Que l’union eût été solennisée ou non, que le prince ait eu licence de garder une partie de la dot, « quoi qu’il advienne », ce furent vaines promesses. Les grands d’Occident semblent tous avoir eu des problèmes d’intendance, y compris les princes d’Anjou, mais ils n’ont pas désespéré de parvenir à leurs fins, sans doute à coup d’emprunts. Leur banquier n’est jamais loin. La voie matrimoniale n’a pu offrir à la Maison d’Anjou qu’une part infime de l’argent nécessaire à l’armement de bateaux et à l’achat de mercenaires pour les expéditions italiennes. D’autant que l’acception de la dot est encore assez floue, et que chaque contrat est un cas d’espèce. La dot est un capital apporté par la jeune fille lors de ses noces, dont une partie constitue le « meuble » destiné aux dépenses de la jeune épousée. L’autre partie, la plus importante, est-elle à la disposition de son époux ? Dans ce cas, la somme est amputée, si la jeune femme meurt avant la consommation du mariage ou si elle décède au cours des premières années du mariage. Ou bien la dot est-elle considérée comme intangible et restituable en cas de rupture ou en cas de malheur, à la famille de la jeune épouse ? Le contrat de 1407, par lequel Jean sans Peur engage sa fille Catherine, stipule que, au cas où il décéderait sans hoir mâle,
Madamoiselle pourra revenir et retourner à partage avecques mesdames ses suers... rapportant la somme de six vins mil escuz dessusdiz ou la terre et héritaige achetez des cent mil escuz dessusdiz et vins mil escuz aveques...44.
39Il est évident d’après cet acte que la dot toute entière (sauf les 30 000 écus laissés à l’époux) reste propriété de la jeune femme. Dans tous les cas de figure, le mari doit vraisemblablement se contenter de ce qui lui est donné « en pur gain... », à condition qu’on le lui paye.
40Malgré ses limites, la diplomatie matrimoniale, avec ses changements de cap, reste irremplaçable pour donner à l'État l’impulsion nécessaire. Au risque de projets inaboutis et de « fiançailles » multiples : Yolande d’Anjou, promise à Jean d’Alençon, puis à François de Montfort ; Louis, trop marié, mal marié, avec Catherine de Bourgogne, Isabelle de Bretagne, Marguerite de Savoie... Au prix de blessures d’amour-propre et d’affronts, qui peuvent tout remettre en question.
C. Servitudes
41La dot ne suffit pas. L’époux doit participer aussi à l’entretien de son épouse. Ce que les textes nomment « dot », mais qui est en fait le douaire – dotal itio propter nuptias, la Morgengabe du droit germanique-, se présente au premier abord comme une rente constituée. Le futur mari, ou ses parents s’il est encore mineur, s’engagent dans le contrat à ce don, qui doit être confirmé par la suite par le mari accédant au pouvoir, et par le fils pour sa mère, à la mort du père. Si les parents de l’époux meurent avant lui, le douaire est augmenté, sans doute parce que la disparition de la princesse « douairière »libère un certain nombre de rentes assignées sur des terres45.
42L’importance de la rente dépend du rang de l’époux et de ses ressources. Le montant n’en est pas toujours mentionné dans le contrat : ainsi en 1360, lors des noces de Louis Ier avec Marie de Blois Penthièvre. Le journal de Jean Le Fèvre note la réception, en mai 1382, d’une lettre du prince assignant à Madame 4 000 francs par an sur ses duchés d’Anjou et de Touraine et sur le comté du Maine. S’agit-il du douaire ?46 Yolande d’Aragon se voit « douée » de 10 000 francs d’or, Marguerite de Savoie, de 9 000 ducats de Gênes. Isabelle de Lorraine, qui épouse un prince alors plus petitement pourvu en terres, de 5 000 livres, rente comparable à celle promise à Jeanne d’Alençon (6 000 livres par an). En cas de veuvage avec des enfants, elle n’aura plus que 4 000 livres : ajustement à une situation nouvelle, la veuve n’occupe plus la même place dans la société et elle n’a pas le même train de vie que du vivant de son époux47.
43Trouver de quoi alimenter le douaire est un vrai casse tête : les princes, ou plutôt leurs officiers, refont sans cesse l’addition et modifient constamment la liste des terres sur lesquelles il est assigné.
44Chose énigmatique : en ce qui concerne le douaire de Marie de Blois, assigné d’après le traité de mariage sur les baronnies de Château-du-Loir (Maine), de La Roche-sur-Yon, et, en cas d’incapacité de la première, sur celle de Saumur, l’une des plus riches d’Anjou48, on a vu que, vingt ans après, Louis Ier donne à sa femme une rente de 4 000 livres assignée sur la quasi totalité du domaine de l’apanage et de la Touraine. Dans un autre passage de son journal, le chancelier d’Anjou déclare que les duchés d’Anjou et de Touraine, le comté du Maine et la baronnie de Château-du-Loir « ne valent mie oultre 4 000 livres par an, payées les charges »49. Don irréfléchi du prince ? Car il est difficile d’imaginer qu’il aliène la totalité de son domaine pour constituer le douaire de son épouse. Si, comme le veut le contrat initial, la rente ne repose que sur deux baronnies, la somme allouée à Marie est nettement inférieure : quelques années plus tard, la baronnie de Saumur ne fournit que 1 500 francs pour le douaire de Yolande. Faut-il conclure à l’extrême pauvreté des rentes domaniales de l’apanage ? Ou seulement à la grande difficulté de trouver une assiette au douaire des princesses ?
45L’annexion des comtés de Provence et de Forcalquier apporte d’incontestables ressources, qui sont les bienvenues, sans toutefois parvenir à combler les besoins des princes. Le beau douaire de Yolande d’Aragon a du mal à prendre forme : dans l’euphorie des lendemains de noces, Louis II accorde, le 15 décembre 1400, à son épouse 2 000 francs de rente viagère sur les péages des rives du Rhône. En avril 1401, le prince assigne à Yolande 2 000 livres tournois sur la châtellenie et le château de Saumur (Marie ayant accepté d’échanger cette châtellenie avec celle de Baugé), 1 000 sur Mirebeau, 300 sur Louppelande (Anjou) soit 3 300 livres tournois au total. Au terme de plusieurs additions, dont l’une parvient à 9 500 francs, c’est en août 1405, et en avril 1406 que la somme de 10 000 francs de rente annuelle est atteinte : sur les châtellenies de Saumur, 1 500 francs, de Mirebeau, 1 000, de Château-du-Loir, 1 000, de Mayenne-la-Juhel, 1 800, de Champaigne, La Raiace, Champvent (aux confins Anjou/Touraine), 500, de Sablé, 1 000, de Saint-Laurent-des-Mortiers, 300, de Chailly et Longjumeau (prévôté de Paris), 600, de Saint-Rémy, Brignoles, Barjols, 400, du château et péage d’Orgon, 400, du péage de Tarascon, 1 500. C’est le Maine qui a le plus gros fardeau : 3 800 francs ; l’Anjou supporte 2 800 francs et la Provence, 2 30050. La faible part de la Provence peut surprendre, mais les péages sont déjà lourdement grevés. Quant au Maine, qui n’est pas la plus riche région de l’apanage, il parait fort difficile que la châtellenie de Mayenne-la-Juhel puisse alimenter un si gros morceau de la rente. Rien n’est définitif, puisque, en 1407, à la prière de sa femme, Louis II « reprend en main » le péage de Tarascon et y substitue la châtellenie de La Ferté-Bernard, sur laquelle il est fort douteux que l’on puisse trouver une rente équivalente... Lorsque le roi René cède, en 1440, conformément au testament de Louis III, le comté du Maine à son frère Charles, que devient cette dotation, qui a été confirmée en 1438 à la princesse sa mère, qui vit jusqu’en 1442 ?
46Le douaire d’Isabelle de Lorraine, selon les dispositions prises par le cardinal Louis de Bar, que René doit confirmer à sa majorité, est assigné sur les châtellenies de Mousson et Pont-à-Mousson et, si le cardinal vient à mourir avant René, sur la châtellenie du Foug. Par contre, si la jeune femme décède sans enfants de René, toutes les terres et rentes reviendront au cardinal, s’il est encore de ce monde, ou à ses héritiers. Le duc de Lorraine peut garder Briey, Mousson et Pont-à-Mousson en gage afin d’assurer le douaire de sa fille en cas d’opposition à René51. On a vu que le douaire peut diminuer en cas de veuvage avec enfants : dans le contrat établi par Louis de Bar, le douaire disparaît s’il y a veuvage sans enfants. Faut-il voir dans cette clause draconienne le fait que ce n’est pas l’époux (rappelons que René est mineur et dépend de son grand-oncle) qui constitue le douaire, mais un parent plus lointain, dont la préoccupation est la descendance du couple et non la destinée de la veuve ? Les lois qui régissent le douaire seraient-elles aussi fluctuantes que celles qui définissent la dot ? Si Yolande d’Anjou avait épousé Jean d’Alençon, elle aurait apporté une châtellenie en dot (celle de Saint-Laurent-des-Mortiers) et son douaire aurait été établi sur une autre châtellenie, celle de Sainte-Suzanne dans le Maine. Autrement dit, ce n’est pas sur une terre appartenant à la famille de son futur époux qu’aurait reposé le douaire, mais, comme la dot, sur une terre de la Maison d’Anjou52.
47La rente s’éteint-elle si la veuve se remarie ? Marguerite de Savoie, veuve de Louis III, devenue comtesse de Wurtemberg, obtient vingt-cinq ans après son premier mariage, en lieu et place des 9 000 ducats de rente garantis par le contrat de noces, 3 000 ducats par an, payables en deux termes, à la Saint Jean et à Noël. Mais est-ce là un « rattrapage » pour ce qu’elle n’a pas touché avant et après son veuvage ? L’assiette est d’autant plus incertaine qu’elle est plus large : au prince d’opérer un choix dans l’ensemble des revenus du Domaine de la principauté. Au cas où les héritiers de René souhaiteraient amortir ladite rente, ils le pourront moyennant 30 000 ducats d’or, soit l’équivalent de dix années de rente. Jean Calabre, fils du roi René, souscrit à cet arrangement53. Mais Marguerite de Wurtemberg a-t-elle reçu satisfaction ?
48L’Occident compte nombre de douairières qui s’efforcent de conserver leurs rentes ; les princes d’Anjou en ont rencontré lors de l’édification de leur principauté. Ils en ont laissé eux-mêmes, puisqu’ils sont tous trois morts avant leurs femmes. Lorsqu’ils ont cherché à asseoir la rente sur le revenu de leurs terres, savaient-ils exactement ce que valait telle ou telle châtellenie « toutes taxes payées », comme l’écrit le chancelier ? Ils prévoient les dépenses, mais, sur la foi de leurs officiers, ils mesurent mal les recettes incertaines.
II. LA TÂCHE DE PÉNÉLOPE
49Bien qu'il soit évident que le Domaine ne peut suffire aux besoins de la Maison d’Anjou, et que « vivre du sien » appartient au passé, sa place demeure primordiale dans l’édification et la marche de la principauté. D’abord parce que c’est ce que les princes et princesses ont immédiatement à leur disposition pour l’action. Malgré l’interdiction toujours renouvelée et toujours violée, d’aliéner le Domaine, lorsqu’il faut rallier les opposants, acheter une clientèle, intégrer les féodalités et les communautés, se procurer des ressources, ils se servent de lui, l’hypothèquent sans toutefois perdre de vue les moyens de le libérer. Dans les comtés de Provence et de Forcalquier, le dominium majus, la « directe »54 du prince constitue encore au XIVe siècle les premiers éléments de sa puissance, et ce qui n’est pas inféodé, aussi réduit soit-il, le dominium utile, conserve encore le souvenir de l’expansion du XIIIe siècle55. Trois points capitaux séparent le duc d’Anjou-comte du Maine du comte-roi en Provence :
- 1/les monnaies : pas de frappe pour le duc, sinon de par la volonté du roi de France.
- 2/les aides : le roi de France en dispose (avec les « élus »). En Provence, le comte doit solliciter l’assemblée des trois États.
- 3/la justice : dans l’apanage, le duc n’est pas l’instance judiciaire suprême. Les Grands Jours, concédés en 1370, sont une forme de la justice royale. En Provence, le Juge Mage coiffe les juridictions d’appel56.
50Les terres domaniales de l’apanage, mis à part le va-et-vient des châtellenies dans les premiers temps, ne semblent pas avoir fait l’objet de multiples aliénations, à la différence de la Provence. Sans doute y a-t-il moins à aliéner. Même chose pour les droits, dont le journal de la Chambre des Comptes d’Angers donne une bonne idée : une poussière de droits, dont le prince tire une poussière de revenus. Au premier plan, les forêts : Monnays, Beaufort, Baugé57 ; les pêcheries, les moulins ; les cens, rentes (beaucoup de « feurres », rentes en grains), vinages ; gabelles ; la circulation et vente des marchandises, le célèbre « trespas dessus Loire », péage extraordinaire entre autres58 ; les droits de sceau et de tabellionnage ; l’adjudication des travaux publics : château et halles d’Angers, château de Saumur, chapelle de Baugé, Ponts-de-Cé, etc. ; enchères des fermes, au plus offrant ou à la chandelle59. Louis II a autorisé Gui de Laval à chasser toutes bêtes dans ses bois du du Bryonnais en 1399, et, en 1402, a donné l’usage de la forêt de Beaufort à Robert le Maçon. Louis III cède à Tristan de la Jaille l’usage du bois de la forêt de Baucay60. Trois fois rien. Peut-on affirmer que les princes n’ont pas aliéné de justices parce que tout seigneur de fief a la justice haute, moyenne ou basse, et que les châtelains ont des « émoluments provenant de la justice au plus haut degré » ?61 Il semble bien en effet qu’une partie du droit de ban échappe au duc d’Anjou-comte du Maine. En Provence, le comte revendique le dominium majus dans tout le pays, ainsi que dans le comté de Forcalquier. Le merum mixtum imperium est la justice souveraine du comte, qui lui permet de s’opposer aux seigneurs haut justiciers, et de se réserver les « cas royaux »62. Or, à la fin du XIVe et au début du XVe siècle, les princes et princesses d’Anjou-Provence ont aliéné des morceaux du dominium utile et même des droits de souveraineté. On peut se faire une idée des biens et des revenus de la cour royale dans une viguerie, celle de Nice, en 1388, à travers l’état dressé par le clavaire-trésorier : des bâtiments, dont le château et une tour ; la totalité du droit de ban (affermé) ; des droits de poids de la farine et du blé porté au moulin ; droits d’inspection des marchés à Nice et droits sur la mesure du vin ; droits d’étal dans la ville ; droits de foyer dans la ville et son terroir ; droits de justice, dont le droit de lates ; des services et des impositions : cavalcade, albergue, fouage ; sur lesquels il faut trouver les gages des officiers et des châtelains63. Domaine et regalia font du comte de Provence un homme plus puissant que le duc d’Anjou. Rien d’équivalent au monopole comtal du sel, à la trilogie albergue-cavalcade-queste, à l’antique droit de rivage. La Provence « vaut » beaucoup plus que l’apanage.
51C’est Marie de Blois-Penthièvre qui a la tâche la plus rude, lorsque, veuve, entourée d’ennemis et d’amis douteux, elle doit conquérir la Provence et maintenir l’empire disparate légué par son époux. Faire un jour ce que l’on est obligé de défaire le lendemain, voilà son ordinaire. Louis II et Yolande d’Aragon sont soumis aux mêmes impératifs. Mais, avec obstination, tous ils ont fait en sorte de ressaisir ce qui leur avait un temps échappé.
A. Les hypothèques
1. Le poids des créanciers
52Les princes et princesses d’Anjou-Provence héritent un domaine fortement obéré : successeurs de la reine Jeanne, ils sont liés par les engagements qu’elle a pris, et par les dettes de Louis Ier, dont la mort à Bari laisse pendant le règlement de l’expédition italienne. La conquête de la Provence reste à faire, et celle du royaume de « Sicile » est à recommencer. De tous côtés on présente la note. Parmi les créanciers, il y en a de gros et de petits : beaucoup ont avancé de l’argent à Louis Ier, d’autres n’ont pas été payés pour leur participation à son expédition ; des patrons de galées attendent d’être défrayés, des condottiere réclament leur dû. Je ne retiendrai pour le moment de ces règlements que ceux qui grèvent le domaine.
53Un certain nombre de grands du royaume de France et d’ailleurs se sont associés à l'entreprise du duc d’Anjou et sont les premiers et les plus importants créanciers. Et d’abord, Pierre de Capoue, comte de Genève, frère du pape Clément VII : il réclame, dès 1385, en raison des sommes prêtées à Louis Ier, l'île de Martigues, que Pierre de Bueil, autre créancier, convoite également. En janvier 1386, il exige 60 000 florins (de Chambre) pour services rendus, et 4 000 pour le prêt. Ses exigences sont minutieusement détaillées par le chancelier Jean Le Fèvre, que cette politique de démantèlement territorial désole et qui le fait savoir. Marie de Blois propose le remboursement de 40 000 francs, mais le comte préfère Berre, l'île de Martigues, Lançon, Istres avec les terres et les droits, rachetables dans dix ans et payés comptant. En attendant la mise en possession effective, il aurait l'« engagiere » de la gabelle de Berre « qui vault 1 200 francs par an ». L’accord final lui abandonne le tout, moyennant l’hommage, pour 35 000 francs. En outre Pierre de Genève est tenu quitte des joyaux cédés par Louis Ier pour 12 000 francs, contre 10 000 francs de prêt à Marie64. Il manque au territoire acheté par le comte de Genève le castrum de Fos promis à Raymond d’Agoult, qui en a pris possession en 1386. La princesse met tout en œuvre pour racheter la baronnie dans le délai prévu. Apparemment elle y parvient : en octobre 1399, Louis II, à son retour d’Italie en investit son frère Charles, déjà prince de Tarente. Un acte de la prévôté de Paris, de janvier 1400, mentionne le rachat de la baronnie de Berre (à quelle date ?) à Humbert de Villars, successeur de Pierre de Genève, pour 16 000 écus d’or. Mais l’hypothèque italienne n’est pas encore levée : alors que le prince envisage, après la disparition de Charles de Tarente, de donner la terre de Berre à son fils premier né, en février 1405, l’ombre de Nicolas Ruffus de Calabre, marquis de Cotrone, comte de Catanzaro, et camérier du royaume de Sicile, s’étend sur cette terre convoitée, à lui aliénée peu après : en décembre 1405, la communauté de Berre refuse obstinément l’hommage à son nouveau seigneur. En 1410, en compensation des 21 000 francs qu’il doit au même marquis, Louis II lui cède, ainsi qu’à ses héritiers, la gabelle du sel de Berre. Neuf ans plus tard, la reine Yolande réussit à racheter pour la même somme de 21 000 francs la baronnie, que, de guerre lasse, Nicolas Ruffus abandonne65.
54Pierre de Craon prend rang parmi les créanciers, bien que son rôle dans l’aventure de Louis Ier soit équivoque et que Marie de Blois fasse preuve de force réticences à son égard. Il doit d’abord se justifier, en mai 1385, d’avoir reçu 90 000 florins de Barnabo Visconti, dont une infime partie seulement est parvenue jusqu’au roi de Sicile. Il a, dit-il, « beaucoup aidé, beaucoup prêté... » Après avoir réclamé 22 000 francs, puis 21.000, il s’en tient à 16 000, que la princesse doit lui rembourser à raison de 2 000 francs par an en deux termes, à prendre sur les recettes d’Anjou et du Maine, en attendant celles de Roucy. Il obtient en outre La Roche-au-Duc, moyennant quoi il s’engage à ne plus rien réclamer et à apporter son soutien à Marie en Provence, et à se rendre, pour ce faire, auprès du duc de Berry et du roi de France, à ses frais. Mais, en juin 1387, le journal du chancelier nous apprend qu’il a acheté La Ferté-Bernard (Maine), et qu’il demande à la princesse de lui « rabattre les 2 000 francs qu’il peut bien lui devoir pour les droits de l’acquest de La Ferté-Bernard sur les 16 000 qu’il maintient que Madame lui doit »66. La princesse a vendu la châtellenie pour éponger cette dette. En 1390, éternel recommencement, Marie de Blois se voit contrainte de vendre au même la châtellenie de Sablé (Maine) 50 000 francs d’or, avec délai de deux ans pour un éventuel rachat afin de financer l’expédition de son fils. Une course s’engage dans les années 1392-93, entre la reine et son ennemi, Jean, duc de Bretagne, à qui Pierre de Craon a vendu ladite châtellenie 50 000 francs d’or (et 800 francs en plus). En 1394, le duc semble avoir accepté la proposition de rachat de Marie, puisqu’il reste à la Maison d’Anjou 4 800 f. à régler pour parfaire les 50 800 francs. Et c’est encore à Sablé que pense Louis III lorsque, en 1425, d’Aversa, il écrit à sa mère, la reine Yolande, pour lui demander d’engager la châtellenie à son « beau-père », duc de Bretagne, pour 100 000 écus, afin que cette somme lui permette de regagner la France. La châtellenie de La Ferté-Bernard fait, elle, retour à la Maison d’Anjou en 1390, après confiscation des terres de Pierre de Craon à la suite de l’attentat contre Clisson67.
55Le clan des Bueil fait peser aussi de sérieuses hypothèques sur les terres des princes. Dans son testament, en 1383, Louis Ier cède Mirebeau à vie à Jean de Bueil, qui lui a vraisemblablement prêté de l’argent, si l’on en juge par ses réclamations à la veuve. De son côté, Pierre de Bueil, éconduit à plusieurs reprises, regarde plutôt du côté de la Provence, et réclame la très convoitée île de Martigues, qu’on lui a, dit-il, promise, et une aide pour solder les 2 100 ducats de sa rançon à Venise. En février 1386, la reine donne ordre aux trésoriers de lui verser 2 000 francs avant la fin avril, et le retient comme maréchal et chambellan de Louis II, ce qui est une autre manière de la payer. Mais en juillet de la même année, elle lui retire les « grâces » de chasser dans les forêts d’Anjou qu’elle lui avait précédemment octroyées. Le sire de Bueil obtient encore une provision de 1 000 onces d’or sur les biens des rebelles en octobre 1387 et le détournement des taxes pontificales levées en l’église de Marseille, destinées premièrement à recouvrer Malemort, Saint-Cannat, etc., pour le règlement de ses créances. Tractations qui ne sont pas exemptes de chantage, la promesse de « continuer la guerre pour la reine » valant de l'or68. En 1431, la reine Yolande engage Mirebeau au sire de Bueil (Pierre junior ?) pour 11 000 royaux d’or, rachetable dans les trente ans ; elle vient d’acquérir du même la terre de Châteaufromont pour 14 000 royaux, dont elle n’a pu payer comptant que 3 000. L’évêque d’Angers, Harduin de Bueil, ne dédaigne pas, à l’occasion, le rôle de banquier : contre un prêt de 7 000 livres tournois, il reçoit, en 1408, les châtellenies de Champigny, La Rajasse, Champvent en Anjou. Aux 5 500 livres tournois restituées au nom du prince par Étienne Bernard dit Moreau, trésorier ès-parties de France, s’ajoutent 1 500 l.t. versées par Pierre de Beauvau, qui prend ainsi une option sur ces terres. Il en obtient, en 1420, le « transport »pour 15 000 francs. Si la Maison d'Anjou s’efforce de maintenir son domaine foncier, constatons que les ambitions territoriales des grands, serviteurs ou non des princes, trouvent parfois à se satisfaire aux dépens de ladite famille69.
56Les Beauvau prennent le relais des Bueil, comme principaux créanciers des princes pendant le règne de Louis II et la vice-royauté de Yolande d’Aragon : Pierre de Beauvau, ayant prêté 6 000 écus à cette dernière, se voit assigner en gage la châtellenie de La Roche-sur-Yon, dont il devient capitaine soldé à la place de Jean Chapperon. À la même époque, Louis III ordonne de payer 3 000 francs d’or à Tristan de la Jaille, au rythme de 300 livres tournois par an, assignés sur la châtellenie de Saint-Laurent-des-Mortiers, mais il casse les précédentes assignations sur Loudun et Mirebeau. Cette somme est-elle destinée à rembourser un prêt du fidèle Tristan ou à le défrayer des dépenses qu’il va faire au cours de son voyage d’inspection de la forteresse et de la châtellenie de Loudun, dont il est capitaine depuis octobre 142370 ?
57Qu’elles aient lieu par terre ou par mer, les expéditions italiennes sont ruineuses ; les alliances dans le golfe de Gênes, l’armement des galées contribuent à enfoncer davantage les princes dans l’endettement. Il arrive qu’ils autorisent leurs sujets à se rembourser par la force : en novembre 1387, Jean Le Fèvre s’indigne que Madame ait autorisé deux frères habitant Tarascon, à récupérer, en vertu du droit de marque, contra Deum et justitiam, 550 florins sur les Catalans naviguant sur le Rhône.
58Les princes peuvent se féliciter que les créanciers ne fassent pas de prise sauvage. Le prix n’en est pas moins élevé. En 1393, Louis II admet devoir 1 600 florins (de Florence) à Jean Gonsalvi de Morancia pour deux galées et lui cède le castrum d’Antibes avec 500 francs de rente annuelle sur les droits des rives du Rhône. Les princes d’Anjou-Provence n’ont pas fini d’entendre parler du miles hyspanus et de son neveu, Alfonso, qui aspire à devenir officier du comte de Provence. Affaire compliquée au possible. Il semble que, outre le castrum d’Antibes, aient été aliénés ceux de La Valette et de Solliès par le jeune Louis II en faveur de Jean Gonsalvi. Or l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem et l’église de Toulon possèdent la moitié du castrum de Solliès, et la famille de Villeneuve, seigneur de Vence, y prétend aussi. Les contestations durent près de quarante ans, et Louis III finit par récupérer le castrum contre 3 000 florins71 En 1419-1421, la princesse Yolande se voit dans l’obligation de rembourser à Bernard Gasanhi de Florence, pour l’aide apportée au jeune Louis III, 8 522 florins. Après avoir, dans un premier temps, envisagé divers prélèvements sur les recettes (sans exclure les recettes et les terres de France), elle lui cède, ainsi qu'à ses héritiers, le quart des salins des rives du Rhône à Sainte-Marie-de-la-Mer, La Vernède, Porcellet et autres salines du territoire d’Arles, et les droits et rentes du péage de Tarascon et Saint-Gabriel par terre et par eau pour quatre ans. Cadeau évalué à 4 000 florins, qui iront en déduction de la dette. Cet arrangement permet à la princesse de se dérober astucieusement devant la promesse faite au roi de France de lui céder le quart des dites gabelles, mais la plonge dans l’embarras quant aux nombreuses assignations pesant sur ces gabelles, dont elle ne veut pas le report sur les trois-quarts non aliénés72. Les Italiens, banquiers, armateurs, marchands, envahissent le règne de Louis III. En octobre 1421, le père et le fils « Crapacio de Isia » (Ischia ?), reçoivent les îles de la mer avec les droits de Marseille sur ces îles. En juin 1428, le roi de « Sicile », pour rembourser 3 000 florins aux frères Flisco de Gênes, qui ont armé pour lui deux galées, ordonne qu’ils aient
une des villes qui furent de la dame des Baux ou de Boucicaut dont la revenue vaille par an vc florins laquelle ils doivent tenir par l’espace de trois ans qui montera à la somme de mil cinq cens fl., et les autres mil cinq cens florins luy soyent paiez sus la guabelle Dières (d’Hyères) en la maniere que la tient Andrea de Passi, fini le temps que ledit Andrea la doit tenir...
59Lui qui fustige les aliénations domaniales sous-tendant une politique qu’il réprouve, est prêt à tout sacrifier à son royaume : quelques jours avant sa mort, le 29 octobre 1434, il aliène la baronnie d’Aubagne, « héritage » d’Alix des Baux, avec son castellet et ses revenus, en faveur de Jacopo Flisco73.
60Les condottiere font aussi valoir leurs droits : Otton de Brunswick quatrième époux de la reine Jeanne et capitaine général du royaume de Sicile pour deux ans en octobre 1386, reçoit la promesse de restitution de la principauté de Tarente « ou recompensacion equivalent, quant Naples sera conquise, ou la plus grant partie du demainne ». Quelques mois auparavant, en janvier 1386, le cardinal de Cosenza avait demandé à Marie de Blois-Penthièvre de payer à Otton sa part soit la moitié des provisions de 500 francs par mois promises par le pape74. Quant à Balthazar de Spinolis ou Spinola, il vise ni plus ni moins que le dapiférat de Provence, et la rumeur, le 6 novembre 1387, qu’il est près de l’obtenir, navre le chancelier. Les Marseillais écrivent à la princesse pour que Balthazar, réputé « ennemi capital » ne devienne pas sénéchal ; Grasse ne veut de lui ni comme sénéchal ni comme gouverneur ; le seigneur de Cuers se déclare contre lui usque ad extremum potencie. La reine lui ayant cédé le castrum de Brégançon déclenche la colère de Raymond d’Agoult, qui tenait cette forteresse. Des mois de tension et de compétition prennent fin avec l’accession de George de Marie au dapiférat en décembre 1387, et la révocation de la vente de Brégançon en janvier 1388, que Marie promet de restituer au comte-chambellan, à qui elle assigne, en attendant, 400 florins de rente sur le péage de Tarascon75. Mais la famille de Spinolis ne lâche pas aussi aisément prise : le 13 mai 1406, accord est passé entre Louis II et « Baudouin » de Spinolis (fils de Balthazar ? neveu ?), par lequel le prince rachète Brégançon 17 200 francs, dont 10 000 ont déjà été versés ; restent 7 200 francs ou 9 000 florins assignés sur la gabelle du sel d’Hyères et garantis par des fidéjusseurs, dont Macé de Beauvau et Pierre de Bournan. Pas trace dans ce traité du castrum d’Hyères, aliéné par la princesse Marie, en 1387, entre les mains de Balthazar76.
61Bien qu’il s’agisse d’une affaire d’une tout autre envergure et que le comte de Savoie ait prétendu à la domination totale de la Provence, on peut voir en lui un créancier pas tout à fait comme les autres. Amédée VI, allié de Louis Ier, est décédé en février 1383, au cours de l’expédition italienne. Pour prix de son appui, le duc d’Anjou lui avait cédé, en mai 1382, le comté de Piémont. Il n’empêche qu’au mois de mai 1386, messire Boniface de Challan, maréchal d’Amédée VII, et Pierre Voisin, trésorier des guerres, réclament à la princesse Marie le règlement des dettes de son défunt époux. Le comte de Savoie a entre les mains quatre pièces de la couronne du prince, engagées par Pierre de Craon pour 12 000 florins, et les ambassadeurs en question demandent « que Madame les prenist et paiast l’argent ou consentit que le conte les vendist ». Échec en 1388. Échec en 1409. L’estimation de la valeur des terres perdues par la Maison d’Anjou-Provence, Nice et Barcelonnette, porte Louis II à offrir pour leur rachat 120 000. Amédée VIII veut 164 000 florins d’or en remboursement du prêt de son aïeul, mais il semble bien que, comme son père, le comte-duc de Savoie n’a jamais eu l’intention de restituer ces terres. Il veut l’argent et les terres. Cependant le règlement de 1419 montre qu’il a sérieusement réduit ses exigences pécuniaires77.
2. L'achat d’une clientèle
62L’achat d’une clientèle n’est pas sensiblement différent du désintéressement des créanciers ; il est parfois difficile de savoir si l’argent versé ou promis indemnise un créancier, attache un serviteur ou s’il fait les deux à la fois. Beaucoup de créanciers sont les premiers clients des princes d’Anjou, et on ne saurait dire lequel tient l’autre. Comme pour les créanciers, ce sont souvent des hypothèques sur les terres et les droits qui paient les clients. Le moyen, qui se voulait transitoire, devient permanent.
63Constituer ex nihilo, ou presque, une clientèle, rassembler des serviteurs fut l’affaire de Marie de Blois-Penthièvre. Elle hérite certes de conseillers imposés par son mari, mais il n’en demeure pas moins que, au milieu de la confusion des guerres de Provence, c’est elle qui rallie les fidèles, édifiant par là même la principauté. Par la force des choses, elle s’attaque surtout aux comtés de Provence et de Forcalquier, ce qui ne l’empêche pas d’intégrer des hommes de l’apanage et d’ailleurs au premier cercle de ses fidèles78. N’y a-t-il eu, après Marie, que des remaniements à cette clientèle ? C’est trop dire, car en un demi-siècle, chaque prince ou princesse a eu le loisir de marquer de sa personnalité le choix de ses serviteurs, et la marche du temps veut que ces derniers se renouvellent. Il n’en reste pas moins que la veuve de Louis Ier a posé les premières pierres de l’édifice : construction chèrement payée et menacée par l’éphémère dans la guerre de l’union d’Aix.
64La stratégie de la princesse est simple : constituer de petites équipes de fidèles chargées de rallier les opposants soit par les armes soit par l’attrait de l’argent, de « rémissions » et de privilèges. Ces fidèles sont personnellement intéressés au succès de l’entreprise par l’appât des biens des rebelles les plus tenaces, et, à défaut d’un gain immédiat, par l’assurance d’une place au soleil de la Provence conquise. Ces hommes sont des commissaires dotés de pouvoirs spéciaux. Ainsi, en novembre 1385, Raymond d’Agoult et Guigonet Jarente (qui convoite Gémenos et partie d’Auriol) ont commission pour « requérir ceux de Sisteron de reconnaître la seigneurie du roi Louis » ; Marc et Luc de Grimaldi, de « traiter avec les rebelles et de les réconcilier » ; en mars 1386, maître Jean de Saints a pouvoir de traiter avec Enguerrand d’Eudin, sénéchal de Beaucaire, la restitution des forteresses, et de réconcilier « à Madame » les frères de Villeneuve79. Les commissaires sont aussi habilités à recevoir les hommages : ainsi, en décembre 1385, le sire d’Oraison, Raymond de Montalban, et George de Montmal, les hommages de Grasse. Ces commissaires sont défrayés de leurs dépenses pour la mission et pour les trajets parcourus, et ils sont couverts, dans la mesure du possible, quant aux offres pécuniaires destinées à appuyer leur action : en janvier 1386, Guigonet Jarente reçoit une lettre « par laquelle Madame lui donne puissance de reconcilier tous rebelles et restituer à leurs biens... et de promettre et obligier Madame jusques à la somme de XVm florins ». Ces hommes sont aussi des capitaines chargés de prendre les châteaux des rebelles, de les faire garder, aux frais de la princesse, de les tenir en son obédience, avec une sérieuse option sur les dits châteaux. Lorsque, en janvier 1386, Isnard de Glandevès, seigneur de Cuers, fait savoir « que la forteresse de la Valette li estoit rendue pour Madame », il espère bien que la forteresse en question viendra arrondir ses possessions80.
65La méthode aurait pu être dangereuse, les commissaires étant écartelés entre leur appétit et l’obéissance à « Madame ». Elle s’est révélée efficace, mais génératrice d’excès. Le journal du chancelier tient un compte fidèle des distributions et promesses. Il ne peut s’empêcher d’exprimer son désaccord à plusieurs reprises : devant la manne – les biens de huit rebelles – qui tombe entre les mains de Gauthier d’Olmet, en septembre 1385, il note : « Mal preu li face, trop y en a ». Il trouve injuste, en septembre 1387, que la donation des biens d’un rebelle d’Aix aux secrétaires Guillaume Le Tort, Olivier Dussolier, Jean Charle et Antoine Henri s’accompagne de l’annulation de dons antérieurs81. I1 souffre du gaspillage, des incohérences, même lorsque le dominium comtal n’est pas en jeu.
66Pendant près de deux ans, de septembre 1385 à août 1387, Marie de Blois-Penthièvre a pu spéculer sur la confiscation des biens des rebelles et les donations qui s’en sont suivies pour s’attacher une clientèle sans toucher au Domaine, et même en envisageant d’agrandir ce dernier à l’occasion. Mais le déchirement des clans dans la guerre de l’union d’Aix fait que ce sont parfois les membres d’une même famille qui sont spoliés et spoliateurs : en décembre 1385, Jean Raynaud d’Arles reçoit confirmation du don fait par le sénéchal des biens de son gendre, Raymond Porcellet, décapité à Arles en février 1386. Toutes les histoires ne sont pas aussi tragiques : Antonel (le secrétaire Antoine Henri) obtient, en septembre 1385, les biens de son beau-père, Pons Berard d’Aix. Andrée Rambaude d’Hyères a les biens de Laure Rambaude, rebelle ; Elziar du Puy, ceux de son beau père, en mars 1386 ; Ysoarde de Roquefeuille, coseigneur de Puyloubier la part, en juin 1386, de ce castrum qui appartenait à Jacques de Roquefeuille et à son fils82. Du côté des spoliés, on trouve Louis de Sabran, rebelle, qui perd, en juillet 1385, sa part des castra de la Tour (d’Aygues), Peypin et Aygues au profit de Guirot de Simiane, seigneur de Caseneuve ; les de Crota d’Aix, dont les biens vont à Bertrand d’Agoult ; Rostaing Vincent dépouillé au bénéfice des Alaman83.
67Les biens des rebelles vont aussi et surtout aux partisans de la Maison d’Anjou : le rythme des donations, soutenu en 1385 et 1386, chute en 1387, à l’approche du règlement du conflit. Les castra, parts de castra confisqués et distribués se situent pour la plupart dans la viguerie d’Aix, ce qui ne saurait surprendre, mais aussi dans d’autres vigueries ou baylies des comtés de Provence et de Forcalquier selon la répartition des partisans des Duras. Parmi les bénéficiaires, certains sont appelés à une belle carrière au service des princes d’Anjou-Provence : Guigonet Jarente, futur Maître Rational, devient, selon ses vœux, seigneur de Gémenos et coseigneur d’Auriol en 1385 ; Jean Drogoli, écuyer de Raymond de Turenne, lui aussi futur Maitre Rational, reçoit le domaine et la seigneurie du castrum de Puyloubier, ôtés au rebelle Jacques de Puyloubier, ce qui ne manque pas de déclencher un conflit avec Ysoarde de Roquefeuille (cf. supra). Guirot de Simiane ajoute aux dépouilles de Louis de Sabran les biens des rebelles de Toulon et d’Ollioules. Florent de Castellane, seigneur d’Andaon, reçoit partie du Luc et de Roquebrune, mais la princesse réserve l’avenir en ne rendant cette donation effective que si ces castra n’ont pas été rachetés deux ans après la majorité de Louis II, soit en 1397. Le Domaine s’enrichirait alors des biens des vaincus. S’ajoutent encore à la liste des seigneurs provençaux dotés : le seigneur d’Oraison, qui a trois parts du castrum de Cadenet, Isnard de Pontevès, Raymond des Baux et Bertrand d’Agoult84. Est-ce pour ne pas froisser ses futurs sujets que la reine Marie ne donne à l’étranger célèbre qu’est Robert de Dreux que les biens d’un rebelle du « royaume » ? Cependant les fidèles secrétaires, Guillaume Le Tort, Arnulphe La Caille, qui ne sont pas provençaux, reçoivent des biens en Provence sans toutefois accéder à la seigneurie. Des bourgeois figurent aussi au rang des bénéficiaires : Antoine Chaussegros de Digne, Raymond Joux d’Aix, etc.85 Ces distributions n’obéissent pas forcément à une logique spatiale : certes Pons Adalhuys s’agrandit dans « sa » baylie de Guillaume avec le castrum de Puy-Rostaing, le « district » de Puget-Théniers, Saint-Martin et Villeneuve ; le sire de Caseneuve dans « sa » baylie d’Apt avec les biens des Sabran, mais Ollioules et Toulon ne sont pas dans ce secteur. Oraison et Cadenet placés entre les mêmes mains sont fort éloignés l’un de l’autre. Les seigneurs provençaux n’ont pas tous cherché ou ne sont pas tous parvenus à se constituer un territoire cohérent86.
68Dans une certaine confusion, des biens changent, durablement ou non, de mains : biens domaniaux ou biens confisqués qui n’ont fait que transiter par le Domaine, droits enfin. La Maison d’Agoult est la première servie, qui peut mettre en avant des services rendus et des promesses de la reine Jeanne et du prince Louis Ier : le sénéchal Foulques II d’Agoult obtient, en août 1385, peu de temps avant sa mort, le castrum d’Orgon, le port sur la Durance avec le merum mixtum imperium. Louis d’Agoult, le castrum de Velaux. Bertrand, seigneur de Cabriès, se voit confirmer par Marie de Blois les castra de Ventabren, de Bouc (avec la ville, les deux sur don de Louis Ier), le castrum de Gardanne. Il achète le castrum de Vitrolles, qui appartenait à François des Baux, duc d’Andria. Avec les 300 florins de rente octroyés par le même prince sur les gabelles de Fréjus et le péage d’Arles, les 500 francs, à prendre sur les salines de Vitrolles en compensation du castrum de Collongue, cédé au sénéchal, le voilà à la tête d’une vraie petite principauté. Foulques III a le castrum de Lauris. Le clan n’a rien perdu à l’arrivée en Provence de la deuxième Maison d’Anjou, et il brille encore de tous ses feux87. Celui des Glandevès prospère aussi : Isnard, seigneur de Cuers, qui amorce dans le même temps un cursus politique, reçoit de Madame les castra de Saint-Benoît, Annot, Fugeret et les forêts de Méailles et de La Colle-Saint-Michel, rachetables, selon une clause relativement fréquente, au prix de 6 000 florins dans les deux ans qui suivront la majorité du jeune Louis II. Il a en outre le merum mixtum des castra d’Entrevaux, Villevieille, Montblanc, Saint-Cassien. Louis de Glandevès, son frère, se contente de deux castra, rachetables pour 3 000 florins. Le tout non sans une âpre rivalité entre les seigneurs provençaux ralliés : le chevalier Gautier d’Olmet contestant au sire de Cuers la possession de La Valette88. Les Villeneuve, dont Richard de Villeneuve, bâtard de Vence qui reçoit les castra de Tourrette et de Cimiez, les Grimaldi, ne sont pas oubliés ; Charles Albe a le castrum de Pierrerue, Pierre de Venterol, devenu capitaine de Saint-Symphorien, jouit du merum mixtum dans ce lieu ; il y a tant de fidélités à acheter que certains castra changent de mains avant même que le premier destinataire ait pu en prendre possession. le castrum de Flassans, promis en 1386 à Geoffroy d’Entrecasteaux, échoit finalement, en 1388, à Jean de la Garde89.
69Avec des terres, plus que des terres, la reine Marie abandonne des droits relevant du dominium majus, et grève les ressources économiques et fiscales comtales par ses multiples concessions, politique qui trouve, encore une fois, un censeur lucide en la personne du chancelier : il juge « bien excessives »les donations de « Madame » au seigneur de Cotignac, c’est à savoir « en toute sa terre » toutes juridictions, appellations premières et secondes. À l’heure où les rois s’efforcent de reprendre en mains la haute justice, on peut s’étonner de voir Marie de Blois distribuer le merum mixtum imperium : à Florent de Castellane pour Andaon, à Foulques d’Agoult pour Orgon, à Isnard de Glandevès pour Thorame, etc.90 Certes il y a des précédents et Isnard de Pontevès se flatte que la juridiction de Lambesc ait été conférée par la reine Jeanne à sa famille. Jean Audebert d’Hyères a les tailles, bans et prisons de Moustiers. Réduction d’albergue et chevauchée, remise du laudimium et trezenium, assignations sur les albergues ou abandon de ces impositions sont monnaie courante. Mais les plus lourdes des concessions portent sur les gabelles, du sel et autres, et sur les péages, principales sources de revenu du comte de Provence. En décembre 1385, Jean Le Fèvre s’élève contre une donation de 100 florins, assignée en plusieurs lieux, au seigneur de Venterol : « et se paiera par sa main, et très injustement la lettre est conceue et fort me despleue de la seeller ». Le chancelier évalue à 1 200 francs par an le revenu de la gabelle de Berre. Les assignations portent aussi bien sur les « salines productives » – delta du Rhône : Arles, La Vernède, les Saintes-Maries ; Berre, Toulon et Hyères – que sur les gabelles redistributrices et les péages des rives du Rhône et de l’intérieur91. En 1385, pour la conquête du pays, François des Baux perçoit 6 000 francs sur la gabelle d’Hyères. Pierre de la Couronne et ses associés ont l’aval, pour rentrer dans leurs fonds (70 000 florins) de puiser dans la gabelle de Barjols jusqu’à extinction de la dette. De nombreux bénéficiaires de rentes constituées, de 50 à 300 fl. par an, parasitent ce réseau vital. Marie de Blois octroie aussi des privilèges touchant à la manière de se procurer et d’acheminer le sel : Guillaume Palhade d’Arles a le droit de faire « gabeler » son sel, pour la saline « le Porcellet », par les officiers du comte à Arles, en cas de défection des gabelous ; le cardinal d’Albano peut lever, en 1386, 90 muids gros de sel de la Ville de la Mer et les faire transporter jusqu’à Avignon sans acquitter de péage92. Que reste-t-il au prince et comment faire une comptabilité quelconque de revenus, dont une partie est hypothéquée, l’acheminement et la perception soumis à de multiples dérogations, sans préjuger des assignations des gages des officiers ? Les péages d’Arles et de Tarascon sont totalement ou partiellement aliénés, ceux de Digne et de Draguignan n’échappent pas à cette pratique, non plus que celui d’Orgon. La prise de pouvoir par Louis II déclenche un drame par la concession, en 1401, du péage des Pennes à Boucicaut à la plus grande colère des Massaliotes. Lesdes, revenus des claveries, moulins, pêcheries sont également bradés : ainsi, le Maître Rational François François reçoit, en 1396, l’usufruit des pêcheries de Canadelle et Vaccarès93.
70Les ecclésiastiques, du moins ceux qui ont uni leur destinée et leur carrière à la papauté d’Avignon, sont une clientèle toute trouvée, intéressée surtout par la politique bénéficiale. Ce qui n’empêche pas les menus cadeaux : l’abandon de la haute justice à l’évêque de Sisteron provoque le mécontentement des habitants de Forcalquier. Des délais sont accordés pour le paiement de leurs dettes aux cardinaux d’Arles, Embrun et Albano (ce qui tendrait à prouver que la Maison d’Anjou n’est pas seulement débitrice...). Des dons aux établissements religieux : 350 livres de rente sur les bourdigues et pêcheries de Martigues à Sainte-Marie de Nazareth d’Aix ; 5 onces d’or sur le péage d’Arles aux Frères Mineurs d’Hyères ; des privilèges sur le sel à l’hôpital de Trinquetaille ; 4 marcs d’argent sur le péage de Tarascon pour le haut lieu, et lointain, de pèlerinage de Rocamadour. Ceci s’inscrit plutôt dans les obligations charitables du prince que dans la recherche d’une clientèle94.
71Le ralliement des communautés urbaines a coûté sans doute plus en espèces qu’en aliénations domaniales. Marie de Blois dépense, en mars 1386, 9 000 francs pour Brignoles. Au fur et à mesure des redditions, chaque communauté — et c’est l’objet de longues tractations — obtient la confirmation de ses privilèges et franchises, la restitution des biens des citoyens, à quelques exceptions près, accompagnées d’autres grâces. Le retour au statu quo ante de l’ère de la reine Jeanne est une référence constante. Marseille, l’alliée des premiers jours, obtient, en février 1386, le territoire de Châteauneuf-de-Martigues ; Castellane en mars 1386, et Saint-Rémy, en août, ont la promesse d'« être tenues du domaine », ce qui fait prédire de l’orage à Jean Le Fèvre, car « ceux de Saint Rémy sont au vicomte de Turenne ». La Ville de la Mer entre en possession des droits de la Cour dans le territoire de Sablons et dans la pâture « le Réal », et se voit exemptée de tous droits de péage et guidage. Forcalquier est dispensée de péages et de questes en décembre 1387. Sisteron, dont on espère le ralliement en novembre 1385, croit fermement à la restitution de son consulat ; mais les choses traînent, et lorsque la ville accepte Louis II en juin 1386, la reine Marie n’est plus disposée à cette importante concession95. Les dons aux communautés urbaines en tant que telles n’empêchent pas les gratifications individuelles, dont nous avons déjà vu quelques exemples. Rentes sur la « cloison de Sisteron » et donations sur le péage de la Balme avant Sisteron pour des citoyens de la ville ; rentes sur les lesdes pour Geoffroy de Brignoles, sur les cens et services de Tarascon pour les frères Palhade, sur les péages d’Arles et de Tarascon pour des habitants de ces villes. Droits sur les blés et les vins de Draguignan pour Antoine Vauxelle d’Aix ; droit d'incantus et cridi cédé à deux citoyens d’Aix, dont un notaire, et à un citoyen de Saint-Vincent, etc. Plusieurs habitants d’Arles acquièrent une rente sur la taille des Juifs, dont Jean Raynault, Guillaume Roiere, Pierre Isnard96.
72Le ralliement de 1387 a-t-il restauré totalement le statu quo ante ? Il semble que pour les communautés urbaines, ce fut le cas. Les Aixois spoliés récupérèrent leurs biens, dont la famille de Crota, une des plus durablement rebelles. Rostaing Vincent, l’un des ambassadeurs de la ville auprès de la reine, recouvre les siens ; en septembre 1387, Jean Drogoli, Picardon et Pierre d’Agoult avaient reçu commission de restituer leurs biens aux Aixois « nonobstant les donations quelles qu’elles soient... »97.Mais toutes les villes ont-elles été aussi privilégiées qu’Aix ? Quant au monde seigneurial, il a subi quelques modifications territoriales, que 1387 n’a sans doute pas effacées. Les ralliés de la première heure, les commissaires, les fidèles, conseillers et futurs officiers de la Maison d’Anjou ont perçu un gain territorial entériné par l’hommage, et les castra rachetables n’ont pas été rachetés. Il est vrai que les adversaires de Louis Ier, sauf exception, ne se recrutèrent pas dans la noblesse98. En attendant Raymond de Turenne...
3. Le coût des rançons ?
73À la différence de nombre de princes et de rois d’Occident à cette période, les princes d’Anjou-Provence ont eu la chance de n’être pas capturés ni rançonnés, sauf le roi René, prisonnier du duc de Bourgogne Philippe le Bon plusieurs années. Indirectement, les créances présentées par Pierre de Craon et Jean de Bueil sont sans doute liées à leur capture en « Esclavonie », survenue au cours de l’expédition de Louis Ier et à la nécessité d’acquitter une rançon. Ce qui préoccupe davantage Marie de Blois-Penthièvre, c’est d’obtenir la libération de son frère, otage en Angleterre. La rançon de Jean de Blois s’élève à 30 000 francs d’or, et la princesse engage Chantoceaux pour ce prix entre les mains d’Olivier de Clisson, et c’est précisément Olivier de Clisson qui, grâce aux bons offices du duc de Bourgogne et du cardinal de Laon, obtient la libération du prince : le 1er décembre 1387, la bonne nouvelle parvient à la Cour de Marie en Provence, avec l’annonce du mariage dudit frère avec la fille du connétable99.
74La reine Marie a gagné la partie : l’a-t-elle payé trop cher ? Hypothéquer le Domaine aux mains des créanciers, rallier la noblesse par des abandons territoriaux, les communautés urbaines par des privilèges, céder des droits, dont certains touchent à la souveraineté du roi, autant de moyens qui pouvaient passer pour transitoires et fruit des circonstances. Mais le cycle ne se referme pas avec la fin de la conquête. Il s’inscrit dans la durée, le contexte sera toujours drastique, les conquêtes inachevées et les besoins immenses. Lorsque René, devenu roi, s’élance vers « son » royaume de Naples ne vend-il pas à Charles de Castillon, 5 000 florins portés à 8 000, la précieuse baronnie d’Aubagne pour parfaire la somme de 25 000 florins nécessaires à l’affrètement de trois navires ?100
B. Aliénation et reconstitution
75L’aliénation domaniale, on l’a vu, se présente sous plusieurs formes : don, vente, « engagiere », inféodation. Si l’on compare le domaine comtal au temps de Charles Ier avec celui des Valois-Anjou, on constate, dès le XIIIe siècle, une certaine atomisation des terres et des droits. La référence à la non aliénation du Domaine est permanente, mais elle reste lettre morte. Dans les périodes de troubles, des usurpations pures et simples se produisent dont l’écho nous est parvenu à travers des lettres de Louis III d’Aversa adressées à Tristan de la Jaille, gouverneur des comtés de Provence et de Forcalquier et aux Maîtres Rationaux : le prince s’indigne de l’occupation des terres et de l’usurpation des droits par « certains », déplore les pertes subies dans cette « moisson » qui est sienne, et ordonne que l’on sévisse contre les fautifs et que l’on récupère les terres du fisc101.
76Marie de Blois a beaucoup aliéné : pour les seuls comtés méridionaux, de 1384 à 1388, une baronnie (Berre), vingt-trois seigneuries rurales et urbaines, une dizaine de parts de coseigneuries, des droits de justice sur une douzaine de terres. Mais nombre de ces aliénations ont été éphémères et dispersées. De 1388 à 1399 (le recensement est plus difficile), elle n’a cédé que quatre seigneuries, et si elle (ou son fils) a laissé se constituer pour Boucicaut l’enclave d’une vraie petite principauté, ce ne fut pas aux dépens du Domaine, mais avec les dépouilles de la Maison des Baux. Louis II, pendant son règne personnel, de 1400 à 1417, cède deux baronnies : celle de Berre (cf. supra) qui avait pu réintégrer le domaine et dont Charles de Tarente avait été investi jusqu’à sa mort, en 1404 ; et celle de Grimaud, vendue en 1404, au sénéchal Pierre Dacigné, avec les droits afférents en 1409. Il ne s’agit plus alors de constituer sa clientèle, mais de la maintenir en récompensant un serviteur indispensable – ce qui revient à peu près au même-, et d’en faire un créancier. En 1410, la vicomté de Reillanne, qui appartenait depuis des décennies à la Maison d’Agoult, échoit, après un bref passage entre les mains du roi, au même sénéchal et complète sa fortune102. Louis II aliène aussi une douzaine de seigneuries, deux parts de coseigneuries, des justices et des droits divers, abandons concentrés sur les terres de Foulques III d’Agoult (merum mixtum à quatre seigneuries) et de Boucicaut (merum mixtum à six seigneuries). Un net ralentissement dans la braderie du Domaine se fait sentir avec le règne de Louis III, de 1417 à 1434 : à qui le faut-il imputer ? Au roi, qui veille de loin sur son bien, mais qui n’hésite pas à aliéner la côte provençale et à amputer les ressources fiscales et économiques de son comté lorsque son royaume est en jeu ? Ou à sa mère, la reine Yolande, qui a en mains la vice-royauté ? Six seigneuries et quatre abandons de droits, largement compensés par une vraie restructuration domaniale.
77Les bénéficiaires des largesses princières ne sont pas éternels, les familles, souvent divisées, laissent échapper leur part de l’héritage. Clients et serviteurs sont touchés par la crise économique, la fortune peut tourner et la disgrâce succéder à la faveur. Il arrive que, dans un contexte favorable, le prince ou la princesse, soit en position de force, et applique sa volonté à refaire ce qui a été défait. La reconstitution du Domaine et même son augmentation se sont nourries du déclin de quelques grandes familles, des rachats et des confiscations. Rappelons que la terrible et longue guerre contre Raymond de Turenne s’était soldée par l’éviction et la ruine de ce grand noble103. La ruine de la Maison des Baux est un épisode capital de l’histoire de ce demi siècle : en 1367, la reine Jeanne avait prononcé la confiscation des biens de Raymond des Baux, et, en 1377, une enquête du sénéchal Foulques d’Agoult sur la baronnie de Berre, prise à François des Baux, fils de Raymond, livre, outre les droits de la Cour, l’impressionnante liste des castra relevant de cette Maison. En 1385, ce même François semble avoir réussi son retour, et bénéficier, avec certains dons, de la confiance de la reine Marie, dont il devient conseiller. La branche des Ursins fait carrière dans le royaume de Naples104. Après un temps de répit, la vieille Maison est à nouveau attaquée : Pons de Rousset et Jean Arnaud prétendent tous deux, entre 1417 et 1422, à la possession de Cuges. Et surtout, la mort, en 1426, de la grande Dame qu’était Alix des Baux d’Avellin, fille de François et épouse du duc d'Andria, décédée sans héritier direct entraîne la mise en vente de ses biens par la Cour, soit des Baux, d’Aubagne et de Puyricard. Les biens que la comtesse possédait à Barbentane vont, en 1431, à Geoffroy de Gigondas et, en 1438, au chevalier Jean Arlatan105. On sait que le roi René vendra la baronnie d’Aubagne : le comportement des princes, leurs besoins ne changent pas, et le Domaine, à peine enrichi, s’appauvrit à nouveau... Le démantèlement de la puissance territoriale de la Maison des Baux s’accomplit aussi avec l’effacement de la seigneurie de Boucicaut : dès 1409, année noire pour le maréchal, évincé de Gênes et contrarié dans sa politique ecclésiastique, Louis II revendique l’appartenance de Pertuis au Domaine. Après la mort du héros, rien ni personne (sinon les héritiers) ne font plus obstacle à la confiscation, en 1427, de Boulbon, Pertuis, Meyrargues, Le Luc, Les Pennes et Pellissanne. Le Luc, confisqué en 1389 à Théodore Lascaris de Gênes, avait été cédé à Georges de Marie, et vendu par Bertrand de Castillon, neveu et héritier du sénéchal de Provence à Jean le Meingre106.
78La Maison d’Agoult a une histoire plus intrigante : jusqu’au bout, c’est à dire jusqu’à la fin du règne de Louis III (et au delà ?), des membres du clan sont au conseil. Bien que le dapiférat leur échappe, certains font encore carrière sous la Maison d’Anjou. Pourquoi, dans son testament, en 1403, Raymond d’Agoult, seigneur de Sault, remet-il à Louis II le castrum d’Orgon, cédé en 1385 à Foulques II d’Agoult, avec le port sur la Durance et le merum mixtum imperium, en exécution d’une promesse de la reine Jeanne et de Louis Ier ? Le comte transporte au roi ce castrum, ses fortifications et ses droits et dénie à ses héritiers le pouvoir d’aller à l’encontre. Pourquoi la vicomté de Reillanne, dont il était titulaire, échappe-t-elle à la famille pour gonfler les terres du sénéchal Pierre Dacigné en 1410 ? Quelles pressions se sont exercées sur la branche de Sault des d’Agoult ? Et qu’a donc fait ce Reforciat d’Agoult (fils de Raymond III ?), condamné et exécuté pour crime de lèse-majesté en 1414 ? Le 25 mars 1415, Louis II fait don à son fils Charles de ses biens confisqués : castra de Saint-Saturnin, Saint-Maximin, Dauphin, Vergons, Angles et Meolans107. Le Domaine s’enrichit d’autres confiscations de biens pour trahison et lèse-majesté : le secrétaire Pons de Rousset est décapité, ses biens vendus (dont le castrum de Gardanne) en 1430 ; les biens de l’évêque de Gap, Ligier, ont été l’objet d’une vente publique en 1427108. Les ventes de biens confisqués contribuent à garnir, mais pas pour longtemps, les coffres des princes.
79Bien qu’ils soient réputés impécunieux, les princes et princesses parviennent à racheter certaines terres, grâce à leur ingéniosité et à leurs banquiers. Dans l’apanage, Mirebeau engagé, dégagé, réengagé à plusieurs reprises n’est définitivement (si ce mot a un sens) recouvré qu’au commencement du règne de René : offre dès son avènement et rachat en 1447. La ténacité de Marie de Blois-Penthièvre était parvenue à arracher Sablé au duc de Bretagne et Chantoceaux à Olivier de Clisson109. En Provence, la reine Yolande réussit un coup de maître en rachetant, en 1427, la baronnie de Grimaud à la veuve du sénéchal Pierre Dacigné, Hélène d’Enghien, 5 000 florins : elle récupère ainsi le castrum de Grimaud, la tour de Saint-Tropez, tous les droits y compris le jus naufragii de Grimaud, de la baronnie et du Val Freynet. L’acte précise que la rétrocession est faite sur demande de la reine, et Hélène d’Enghien fait cadeau du supplément de coût en cas d’inflation ou d’estimation supérieure au prix convenu. En 1422, François des Baux, seigneur de Marignane avait revendu à la princesse Yolande cette terre, qu’il devait aux libéralités de Marie de Blois, 6 000 florins, sur lesquels il a déjà perçu 1 000 florins pour la dot de sa fille Alix. Cette terre de Marignane, la reine la laisse à Cesare Arlatan, veuve de son Maître d’Hôtel Barthélemy Valori, et à ses enfants, dans son testament de 1442, conformément au don qu’elle en avait fait à son officier en 1423-1424110. En 1431, Jean Gonsalvi rend Solliès à Louis III.
80Ce travail de restructuration ne va pas sans pression exercée sur les sujets et les vassaux : en 1404, malgré la contestation de Juliote Pèlerin, sœur et héritière de Jean Pèlerin, Louis II met la main sur la terre de Loupelande dans le comté du Maine. En 1420, au terme d’une crise de succession et d’une longue contestation, la reine Yolande fait saisir le comté de Beaufort en Anjou. Louis III revendique la propriété du Luc, en 1429, mais il accepte d’en laisser la garde aux frères de Villeneuve, toujours difficiles à mâter, et qui apparemment occupent les lieux111. Quant aux communautés, ce sont elles, du moins certaines d’entre elles, qui demandent leur incorporation au Domaine : Marie de Blois s'était engagée en ce sens envers la Ville de la Mer, Saint-Rémy, Castellane en 1385-1386. Promesse sujette à de nombreuses violations ultérieures. En 1431, les hommes de la communauté de Beaumont, dans le comté de Forcalquier, obtiennent sur présentation de lettres de la reine Jeanne, cette faveur112.
81La reconstitution domaniale, et plus, son extension, pour remarquables qu’elles aient été, ne sauraient abuser : terres aliénées récupérées, mais sitôt récupérées à nouveau aliénées. Les revenus tirés de l’économie de la Provence demeurent lourdement obérés. Avec le règne du roi René et de la reine Isabelle, le cycle infernal reprend. Savoir ce qui, en 1435, relève du Domaine tient de la gageure, car les terres ont à nouveau dérivé : Orgon à Antoine Hermentier, conformément à une promesse antérieure ; Beynes puis Châteaurenard aux Beauvau ; Marignane à Barthélemy Valori (en attendant que la reine confirme cette terre à sa veuve...), etc. Constatons :
- Une notable partie des terres ne sortent pas ou peu de la famille et constituent les douaires des princesses et les dotations des cadets : Saumur, Château-du-Loir, Mayenne-la-Juhel, Saint-Laurent-des-Mortiers pour l’apanage ; Saint-Rémy (dépouille de la Maison des Baux), Barjols, Brignoles, les péages d’Orgon et de Tarascon (pourtant très convoités), les gabelles des rives du Rhône sont les pièces de résistance des douaires des princesses. La baronnie de Berre (autre dépouille de la Maison des Baux), entre deux aliénations, est donnée à Charles de Tarente d’abord, puis en 1440, à Charles du Maine qui reçoit en outre Mayenne-la-Juhel, Château-du-Loir, Sablé et La Ferté-Bernard (longtemps engagés) à vie.
- Dans les seigneuries qui sont aux mains du comte de Provence et de Forcalquier en 1434, on retrouve un certain nombre de celles qui constituaient, en 1250, le domaine comtal : Orgon et Châteaurenard (avant l’aliénation de 1453), Brignoles, Saint-Maximin, Le Luc, l'Île de Saint-Geniès, la Ville de la Mer. La « directe » s’est appauvrie à l’Est par la perte de Nice, Barcelonnette et par l’inféodation de Grasse, mais elle s’est accrue de la baronnie de Berre (intermittente), de la baronnie de Grimaud (qui échappe parfois), dont le revenu est évalué à 8 000/10 000 florins, de la baronnie d’Aubagne (toujours dépouille de la Maison des Baux) engagée cependant en 1435, qui, avec Rognac, Gardanne, Pellissanne, Pertuis, Meyrargues (autrefois aux Baux) l’implantent solidement de l’étang de Berre jusqu’à la Durance, aux rivages des Maures et au cap de Brégançon. L’acquisition des castra de Saignon, Saint-Martin-de-la-Brasque, la saisie des castra de Saint-Saturnin, Dauphin, Angles, Meolans, Vergons, Beynes, l’entrée de Beaumont dans le Domaine renforcent, avec la stabilité des « villes et forteresses royales » (Castellane, Moustiers, Seyne, La Bréole, et Colmars), la position des comtes dans la vallée de la moyenne Durance, du Verdon et autres vallées affluentes, ainsi que dans la « montagne ». Sans compter Arles, Tarascon, Aix, qui sans faire partie du Domaine, sont des pôles économiques, des résidences et des capitales113. Le bilan est loin d’être négatif.
82Dans l'apanage, le Domaine retrouve, en 1434, ses principales composantes territoriales, compte tenu des engagements familiaux ci-dessus mentionnés. Les princes gardent les châtellenies de la dot de Marie de Blois : Ernée, Vilaine, Pontmain ; ils ont celles de Loupelande, Sainte-Suzanne, Châteaufromont. Ont-ils jamais récupéré définitivement Chantoceaux ? Ils tiennent Beaufort. Et ils édifient leurs résidences royales à Angers, Saumur, Baugé114.
83Tout en prenant conscience que le Domaine n’est pas tout et ne peut pas tout, la Maison d’Anjou-Provence a persisté à vivre en symbiose avec lui.
Conclusion
84La vertigineuse mobilité qui affecte les terres de la principauté pourrait faire douter de la construction angevino-provençale. Les châtellenies, les castra vont et viennent, l’argent est attendu, espéré, les deux étant d’ailleurs liés ; et d’un règne à l’autre, tout recommence... Les princes ne sont pas paralysés pour autant, ni leur politique bloquée. Ils avancent, accoutumés à ces contingences. Et ils recherchent la stabilité de leurs territoires dans la fidélité de leurs sujets.
Notes de bas de page
1 Religieux de Saint Denys, op. cit., t. I/1, p. 329-331. Rappelons que le traité de mariage est du 6 mai 1360 et que la jeune princesse porte alors le titre de comtesse d’Angoulême. Ses parents sont Charles de Blois-Châtillon, alors duc de Bretagne, et sa mère, Jeanne de Penthièvre. Cf. J.-P. Leguay et H. Martin, Fastes et malheurs de la Bretagne ducale 1213-1532, Rennes, 1982, p. 98.
2 J. Le Fèvre, p. 20 et 6.
3 Idem, p. 345, 364, 453 et 511. Le « maître de Rhodes » est vraisemblablement le Grand Maître de l’Hôpital. Notons le curieux récit de J. Froissart, Chroniques, 1. IV, chap. III, éd. Buchon, t. III, Paris, 1835, p. 11-12, qui fait état du voyage en Aragon du jeune Louis II, flanqué du sire de Coucy, et de son mariage avec Yolande onze ans plus tôt que ne le font les autres chroniqueurs. Les enfants-époux auraient rejoint directement le royaume de Naples sur les galées aragonaises.
4 Religieux de Saint Denys, op. cit., t. I/2, p. 773.
5 F. Autrand, Charles VI, la folie du roi, Paris, 1986, p. 339.
6 B. Boysset, Mémoires, éd. Ehrle, Archiv fiir Literatur und Kirchengeschichte, t. VII, 1900, p. 359-362. Quatorze jours après ce cérémonial, les époux quittent Arles pour Tarascon, où le prince a entrepris de parfaire la construction du château amorcée par son père
7 A.D. BdR., B 630. Le roi d’Aragon est alors Jean II.
8 A. Girardot, art. cit., p. 6.
9 J. Le Fèvre, p. 181. Le duc de Berry semble avoir fait obstacle aux projets matrimoniaux de la Maison d’Anjou à plusieurs reprises.
10 A.N., KK 243, p. 42-45v
11 J. Le Fèvre, p. 25-26.
12 A.N., P. 133418, no 57.
13 J. Le Fèvre, p. 55, 73,104 et 142. Et p. 139 et 187. Cf. M. De Bouard, Les Origines des guerres d’Italie. France et Italie au temps du Grand Schisme d’Occident, Paris, 1936, p. 55 et 77. L’auteur dit que Jean Galeas était inquiet de l’alliance Louis d’Anjou/Barnabo. Le comté de Vertus échoit à Jean Galeas en raison de son mariage avec Isabelle, fille de Jean II le Bon.
14 J. Le Fèvre, p. 351, 356, 376. Pour les cardinaux en question, cf infra, chap. IV et V.
15 L’acte manquant a la cote suivante : A.N., P 133418, no 58. A noter aussi un projet de mariage de Charles de Tarente avec la fille de Raymond de Turenne en juin 1388, rejeté par ce dernier qui préférerait que sa fille soit morte plutôt que de la voir mariée à un seigneur devant lequel il faudrait s’agenouiller : cf. L. Douët d'Arcq, op. cit., p. 97
16 A.D. BdR., B 1383.
17 A.N., P133417, no 52 et B 168 p 91.
18 A.N., P 133418, no 56. Le comte et la comtesse donneraient à leur fille, dès que le mariage serait célébré, le comté du Perche et le tiers de la vicomté de Beaumont. Mais « dès maintenant » ils cèdent la châtellenie de Château-Gontier, et, si elle ne vaut pas la tierce partie de la vicomté de Beaumont, la terre de Pouancé et la châtellenie de La Flèche. Il faut tenir compte néanmoins du fait que le douaire de Marguerite de Poitiers repose sur les terres de La Flèche et de Château-Gontier.
19 A.N., P 133418, no 67 ; P 13344, p. 126. Louis II donnerait à sa fille la châtellenie de Saint-Laurent-des-Mortiers, ainsi que 60 000 l.t., dont 40 000 quand la fille sera « baillée » au comte (dont 30000 confiées à de « notables personnes » pour « acquérir héritage à sa fille », et 10 000 pour le « meuble ». Quant aux 20 000 l.t. restantes, 10 000 le jour de la bénédiction nuptiale et 10 000 l’année qui suivra.
20 J. Le Fèvre, p. 387 et 391. A. Uyttenbrouck, Le Gouvernement du duché de Brabant au Bas Moyen Âge (1355-1430), t. 1, Bruxelles, 1975, p. 30. Pour la parenté entre Maison de Bourgogne et Maison de Saint Pol, cf. P. Frédérix, 5 janvier 1477 : la mort de Charles le Téméraire, Paris, 1966, arbre généalogique p. 278
21 J. Le Fèvre, p. 510 et 512.
22 Idem, p. 510. Mariage qui ne se fera pas : Jean de Bourbon épousera Marie de Berry en 1400 ; A. Leguai, Les Ducs de Bourbon pendant la crise monarchique du XVe siècle, Dijon, 1962, p. 1 et 11.
23 A.N., P 133418, no 63.
24 A.N., P 133418, no 66.
25 A.N., P 13344, p. 106.
26 L’aveu de l’assassinat de Louis d’Orléans par Jean sans Peur avait troublé le duc d’Anjou : « alors le duc de Bourgogne, qui avait la conscience de son crime, ne voulant point que la punition en retombât sur des innocents, et poussé par un repentir tardif, se leva, prit à part le roi de Sicile Louis et le duc de Berri, et leur avoua sans détour qu’il était l’auteur de cet affreux attentat, qu’il l’avait fait commettre par des mains étrangères à l’instigation du diable. Ils gardèrent quelque temps un morne silence, qu’ils n’interrompirent que par de profonds soupirs », Religieux de Saint Denys, op. cit, t. II/1, p. 741. L’aveu est de 1407. La rupture est de 1413, date du rapprochement du duc de Bourgogne avec les Cabochiens, ce qui fut sans doute décisif : « mais quand il sceut et veid les choses que les bouchers faisoient au temps passé à Paris et comme ledit duc s’en estoit parti de Paris... et que le roy le tenoit son ennemy, il lui renvoya sa fille bien grandement accompagnée... », J. Juvénal des Ursins, Histoire de Charles VI roy de France, éd. Michaud et Poujoulat, t. 1, Paris 1836 p. 490. Enfin, Louis II aurait-il rompu le mariage bourguignon, parce qu’il songeait au mariage breton ? Cf. infra, chap. VI.
27 A.N., P 133418, no 68. L’inventaire de la dot de Catherine de Bourgogne contient de très précieux renseignements sur ce qui était « l’ornement » de la jeune princesse et le décor de sa vie.
28 F. Lehoux, Jean de France, duc de Berry, sa vie, son action politique l340-l416, t. III, Paris, 1964-68, p. 165, n. 8 : l’auteur déclare « n’avoir pu établir les faits avec certitude ».
29 D’après le Journal de la Chambre des Comptes d’Angers, Louis II quitte Angers pour Rome et l’Italie le 12 mars 1410 : A.N., P 13344, p. 105-106. Selon le registre de la Chambre aux Deniers de la reine Yolande, cette dernière accompagne le roi d’Angers à Gien, d’où le départ de celui-ci pour la Provence et l’Italie est situé à la fin mars : A.N., KK 243, p. 17. Pâques est le 23 mars cette année 1410, et la date du mariage fixée par le contrat est le mardi après Pâques. Incontestablement le couple princier a séjourné à Gien quelques jours au cours de la seconde quinzaine de mars (pour « réceptionner » Catherine de Bourgogne ?), mais Louis II part directement de Gien pour la Provence et ne retourne pas à Angers où devait se célébrer le mariage, et il est impossible que ledit mariage ait lieu en son absence. La reine part avec les enfants pour Angers.
30 A.N., KK 243, p. 45-46.
31 « Et disoît on qu’il (le duc de Bourgogne) ne vouloît rien à homme nul que au Roy Loys, duc d’Anjou, pour ce que le dit Loys avoit ung filx ; lequel avoit espousé une des filles au dit duc de Bourgogne ; et sans savoir (cause) pour quoy, le dit Loys fist despartir son filx de ladicte fille dudit duc de Bourgogne, et la renvoya comme une bien povre ou simple dame à son père ledit duc. » Journal d’un Bourgeois de Paris 1405-1449, éd. A. Tuetey, Paris, 1881, p. 48. J. Lefèvre de Saint-Rémy, Chronique 1401-1435, éd. F. Morand, t. II, Paris, 1876, p 115.
32 « Le duc de Bourgogne... conceut pour ceste cause grant hoyne allencontre du roy de Sezille, laquelle dura toute leur vie », J. Lefèvre de Saint-Rémy, op. cit., t. 1, p. 125. Religieux de Saint Denys, op. cit, t. III/2, p. 51.
33 F.Autrand, op. cit., p. 574-576.
34 A.N., P 133417, no 44.
35 A.N., P 133418, no 69
36 A.N., P 13344, p. 145v
37 M.-R. Reynaud, « Maison d’Anjou et Maison(s) de Bretagne... », art. cit. p. 187 note 44.
38 A.D. BdR., B 1387, p. 1 et 2. En marge, il est précisé (pour Robert le Maçon) seigneur de Trèves et sénéchal d’Anjou.
39 A.N., J 409, no 49 ; X1a 8604, p. 69v et 70.
40 A.D. BdR., B 11, p. 74-77 ; Bibl.. Méjanes, ms 538 RLT p. 393r – 395v : Louis III a confié à ses proches le soin d’acheter anneaux d’or et tissus somptueux pour la cérémonie des épousailles et la réception au château de Tarascon, embelli par des travaux récents.
41 A.N., P 133418, no 81.
42 A.D. BdR., B 11, p. 62-64 ; B.N.F., Fr. 3907, no 21.
43 A.N., P 13343, p. 87-96.
44 A.N., P 133418, no 63. Les 30 000 écus sont en fait laissés au beau-père. Pourrait-on faire une autre lecture de ce passage, et y voir simplement l’affirmation que, lorsqu’il s’agirait de doter les filles de Jean sans Peur, on tiendrait compte des 120 000 écus déjà versés ( ?) à Catherine ? Mais le texte est suffisamment explicite.
45 On peut relever incertitudes et contradictions en ce qui concerne le douaire dans la « coutume » d’Anjou au XVe siècle : la Chambre des Comptes d’Angers ne s’opposa pas à l’inclusion dans le douaire de sa femme, en 1455, par René des terres de Saumur et Beaufort « nonobstant que par la coutume de notre païs d’Anjou, notre dite sœur et compaigne ne peut ne doit avoir de douaire sur noz pals, terres et seigneuries, laquelle coutume ne voulons lui préiudicier... » M. Le Méné, « La Chambre des Comptes d’Anjou et les libéralités princières », dans La France des principautés, les Chambres des Comptes XIVe et XVe siècles, Paris, 1996, p. 48 et note 22. Or, dans le contrat de mariage de Louis III avec Isabelle de Bretagne, en juillet 1417, il est spécifié : « Item aura ladicte dame tel douaire comme la coustume luy donnera sur les terres de mondit seigneur d’Anjou » : A.N., P 133418, no 69. Est-ce à dire qu’est banni l’octroi de seigneuries entières, mais non la perception de revenus quelconques sur ces terres ? Ce n’est pas évident.
46 J. Le Fèvre, p. 39 : « oultre les terres de Guise et de Ribemont et ce qu’il a en Normandie paravant assigné ».
47 A.N., P 133418, no 59, et P 13343, p. 87 sq. ; P 133418, no 70.
48 A.N., P 133418, no 54.
49 J. Le Fèvre, p. 61. En cas de conquête de la « Sicile », la reine Marie aurait une rente de 30 000 « ducats-florins », et, en cas de conquête de la Provence, une rente de 10 000 florins assise sur cette terre, d'après le testament de Louis Ier en 1383 : A.N., P 133417, no 33. Promesses faites dans l'ignorance des possibilités de ces pays, du moins pour la Provence.
50 A.N., P 133418, no 59 et 60 ; P 1351, no 687 ; P 133418, no 62 ; P 1336, no 294 ; P 1338, no 388 ; P 1343, no 557 ; P 1344, n°581. Quand Louis II, en avril 1401, fait don à Yolande des « chastel ville et chastellenie de Mirebeau, Saumur et forteresse de Louppelande », il cède « tous droits, terres, possessions, maisons, manoirs, fiefs, arriere fiefs, patronnages d’églises, fours, moulins, estancs, bois, rivieres, pesquiers, garanes, labourages, pastures, cens, rentes, devoirs, coustumes, passages, peages, hommes, hommenages et toute seigneurie, juridiction et justice haute, moyenne et basse... excepté le droit de souveraineté et ressort avec foy et hommage... » : A.N., P 133418, no 59. Il cède à son épouse un morceau de l’apanage, dans les termes mêmes par lesquels Jean II concéda l’apanage à son père. C’est beaucoup plus qu’une rente. De leur côté, les États de Provence demandent, en 1401, l’annulation du don de Brignoles à la reine Yolande : G. Gouiran et M. Hébert (éd.), Le Livre Potentia des États de Provence 1391-1523, Paris, 1997, p. 209.
51 A.N., P 133418, no 70.
52 A.N., P 133418, no 67. Pas de chiffre pour ce douaire.
53 A.N., P 13343, p. 183-187. Ajoutons que Louis Ier, dans son testament de 1383, avait remis en question le douaire de sa femme au cas où elle se remarierait, alors qu'elle lui a juré fidélité. Dans ce cas, elle perdrait aussi le gouvernement de ses enfants : A.N., P 133417, no 33.
54 A.D. BdR., B 648.
55 E. Baratier, Les Enquêtes sur les droits et revenus de Charles Ier d’Anjou (1252 et 1278), Paris, 1969, p. 33 sq. P. Poindron, « L’expansion du comté de Provence vers le Nord sous les premiers Angevins », dans Provence Historique, t. XVIII, 1968, p. 201-247.
56 F. Cortez, Les grands officiers royaux de Provence au Moyen Âge, Aix-en-Provence, 1921, p. 126 ; V.L. Bourrilly et R. Busquet, Encyclopédie des Bouches-du-Rhône, Antiquité et Moyen Âge, t. II, Paris, 1924, p. 617. X. Martin, « Note sur la littérature coutumière angevine », dans Littérature angevine médiévale, Angers, 1981, p. 40-45 : les Grands Jours sont-ils devenus, en 1411, un embryon de Parlement local ?
57 Beautemps-Beaupré, Coutumes et institutions de l'Anjou et du Maine antérieures au XVIe siècle, Paris 1877-1897 : t. II/1 sur la Chambre des Comptes d’Angers et le Domaine ; M. Le Méné, Les Campagnes angevines à la fin du Moyen Âge (1350-1530), étude économique, Nantes, 1982 p. 101 et croquis p. 528-529.
58 R. Favreau (dir.), Atlas historique français : Anjou, Paris, 1973, VII/5 : ponts et péages médiévaux. Le « trespas dessus Loire », entre Candé et Chantoceaux, a été instauré, de 1370 à 1389, pour permettre à Duguesclin de racheter le fort de « Saint Mor » aux Anglais : P. Marchegay, Archives d’Anjou, t. II, Angers, 1853-54, p. 287 sq. Le péage fut perçu au-delà de cette date.
59 A.N., P 13344, p. 55.
60 A.N., P 13344, p. 121 et 146.
61 M. Le Méné, op. cit., p. 156.
62 E. Baratier, op. cit., p. 46.
63 E. Hildesheimer, « Biens, revenus et charges de la Cour royale dans la viguerie de Nice en 1388 », dans Provence Historique, t. XXIII, 1973, p. 174-186.
64 J. Le Fèvre, p. 190 et p.489-495. Dans la demande de Pierre de Capoue de 60 000 florins et de 4000 francs, faut-il comprendre que ces deux sommes correspondent à deux choses distinctes ? Ou bien que les 4 000 francs seraient un intérêt qui ne dit pas son nom ? Rappelons que 60 000 florins = 48 000 francs. Le règlement de l’affaire des joyaux semble s'être fait indépendamment du reste du contentieux. M.-R. Reynaud, « Noblesse et pouvoir dans la principauté d’Anjou-Provence sous Louis II et Louis III (1384-1434) », dans La Noblesse dans les territoires angevins à la fin du Moyen Âge, Colloque Angers-Saumur, juin 1998, à paraître en décembre 2000.
65 J. Le Fèvre, p. 269. Marignane sera donnée à François des Baux, qui récupère ainsi une partie des terres confisquées en 1377. Jonquières et l'Île de Saint-Geniez à Guigonet Jarente. A.N., P 1351, no 666 et A.D. BdR, B 602 et B 9, p. 119 ; A.D. BdR., B 608 ; B 772, pp. 43-47 ; et cf. infra, chap. III. A.N., P 1351, no 667 : Louis II cède aussi au même le castrum de Barbentane toujours en gage des 21000 francs dus par le Roi ; et P 1351, no 668 : Pierre de Genève avait obtenu Berre, Istres, l'île de Martigues et Lançon. Nicolas Ruffus de Calabre n’a eu, semble-t-il, que Berre, ce qui expliquerait la différence de prix mieux qu’une baisse du prix des terres.
66 J. Le Fèvre, p. 116-117 ; p. 192-193 ; p. 359.
67 A.N., P 1344, no 594 et 596 ; P 13341, p. 3 ; P 1344, no 598 et 600. Louis d’Orléans propose à sa tante de lui acheter Sablé 25 000 francs d’or en août 1394 et se dit prêt à le lui restituer pour 26 000 francs : A.N., P 1344, no 599 ; A.D. BdR., B 1387, no 33. Par ailleurs, un arrêt du Parlement condamne, en 1395, Pierre de Craon à rendre à la Reine Marie l'argent reçu pour l'expédition italienne : J. Froissart, Chroniques, 1. III, chap. XLIX, éd. Buchon, t. III, Paris, 1835, p. 233-234. En 1407, Louis II écrit, à propos de La Ferté-Bernard « qui nagaires estait venue et escheue en nostre main par vertu de certain arrest donné en parlement à nostre proffit » : A.N., P 1344, no 579. Mais, à la date de sa mort, en 1407, il semble que Louis d’Orléans tenait cette châtellenie.
68 A.N., P 133417, no 33 ; J. Le Fèvre, p. 214 et 235 : ces 2 000 francs ne sont-ils pas des gages ? Ibid., pp. 297, 444 et 467.
69 A.N., P 1340 ; E. de Fouchier, « La baronnie de Mirebeau, XIe-XVIIe s. », dans Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, IVe sér., t. 1,1,1877. A.N., P 1340 et P 13344, p. 141 et 148. Champigny, La Rajasse, Champvent sont située en Touraine dans certains documents. Les créanciers de la Maison d’Anjou sont aussi ses débiteurs, comme en témoigne une obligation de 1401, par laquelle Jean de Bueil junior et Gui de Laval sont engagés envers Michel de Pazzi pour 3 100 livres-tournois : A.N., P 13344, p. 132v. Et cf. infra, chap. IV ; cf. cartes.
70 A.D. BdR., B 1387, p. 3 : lettres de Louis III d’Aversa de janvier 1424 ; mais date du prêt ? B 1387 p. 14 et 12v
71 J. Le Fèvre, p. 463 ; A.D. BdR., B 642 : Jean Gonsalvi de Morancia est vraisemblablement catalan ; A.D. BdR., B 642, B 591 et B 654. Cf. infra, chap. IV.
72 A.D. BdR., B 10, p. 86v -95r. Pour cette concession, la reine Yolande fait référence aux concessions antérieures de Louis II : 110 000 oulles de sel en provenance des salines d’Hyères pour les marchands génois B. Sachi et J. de Torrillis, et transfert à Andrea de Passis et à ses héritiers de la gabelle du sel d’Hyères. D’où conflit entre les deux parties. La demande d’Andrea de Passis (cf. acte de 1418 en provenance de Florence) se heurte à l’obstruction des autorités et des communautés par la voix de leurs procureurs : A.D. BdR., B 177. Cf. infra, chap. IV.
73 A.D. BdR., B 10, p. 173-174 et 272v : les galées en question ont été armées « japieça » : il ne faut donc pas voir dans cet acte la préparation d’un voyage vers la Provence, mais le règlement d’une expédition passée vers l’Italie (1420 ou 1423). A.D. BdR., B 180.
74 J. Le Fèvre, p. 320 et 222. La principauté de Tarente avait été ôtée à François des Baux.
75 Ibid.,. p. 456 : Tunc dolui corde, quia contra consilium meum, domina, ut mihi dicebatur, faciebat Balthazar senescallum ;ibid., p. 462,469,470 ; et pp. 468 et 498 : Raymond d’Agoult tenait-il effectivement ce castrum ou en avait-il reçu promesse ?
76 A.D. BdR., B 772, p. 11v-14v et p. 15-16. Baudouin de Spinolis reçoit en outre 1 200 francs pour la garde du castrum et sur le commerce du sel en compensation (de la perte de ses gages ?). J. Le Fèvre, p. 460.
77 J. Le Fèvre, p. 24 ; A.N., P1351, no 703. M.-R. Reynaud, « La Maison d'Anjou-Provence et la perte de Nice », art. cit., p. 264.
78 Cf. infra, chap. V.
79 J. Le Fèvre, p. 198 et 146 ; p. 204 ; p. 249. Le ralliement des frères de Villeneuve a coûté cher : ibid. p. 502 : pro Geraudo, Heliono et Antyonio de Villanova fratribus, quibus domina multa et inracionabilia concedit in reductione eorum eis promissa. Envoyés pour rallier Flayosc, les frères de Villeneuve entendaient bien garder cette place : faut-il rattacher à ce fait les ennuis de Guillaume Le Tort, alors secrétaire de la reine, qui fut retenu deux mois à Flayosc ? Ibid., p. 377 et 494.
80 Ibid., p. 211, 288 et 221.
81 Ibid., p. 162 et 400 : ibi est clausa iniqua et inhonesta : nonobstantibus donacionibusper dominam aut regem Ludovicum aliis factis quas revocat.
82 Ibid. p. 213 et 239-240 ; tout en confirmant cette donation à Jean Raynaud des biens de son gendre, Mane de Blois restitue aux enfants de feu Raymond Porcellet leur honneur et leur réputation, ainsi que leur capacité à hériter. D’autre part, la princesse donne à Jean Raynaud, qui a l’office de juge du palais, (cf. J. Le Fèvre, p. 165) et à ses héritiers la part qu’Alycette, fille d’Amorosa, sœur de Raymond, pourrait avoir sur les biens de ce dernier. Et cf. L. Stouff, Arles à la fin du Moyen Age, Aix-en-Provence,Lille, 1979,.p. 457 sq. M. Aurell, Une famille de la noblesse provençale au Moyen Age : les Porcelet, Avignon 1986. J. Le Fèvre, p. 160 (donation à Antonel annulée peu après ?), 166, 257 et 288. N. Coulet, Aix-en-Provence, espace et relations d'une capitale (milieu XIVe- milieu XVe s.), Aix-en-Provence, 1979, p. 72 sq : Aix, capitale rebelle.
83 J. Le Fèvre, p. 139,159-160,164. Gracié en novembre 1387, Louis de Sabran récupère ses biens d’Aygues et de Puypin : ibid. p. 462.
84 Ibid., p. 146 : ce qui dans le castrum de Gémenos appartenait au rebelle Pierre de Saint Georio. Ibid., p. 223 : cf. infra, chap. V. J. Le Fèvre, p. 127 et 139 : Marie de Blois confirme au fils ce que le sénéchal avait promis au père. Ibid., p. 146 : Le Luc et Roquebrune ont été pris au rebelle « Laicaci ». On retrouve cette clause du rachat éventuel des terres aliénées pour 6 000 florins dans le cas d’Isnard de Glandevès : cf. infra note 88. Ibid., p. 176 : parts du castrum de Cadenet appartenant au rebelle Jacques Cene ; par la même lettre est confirmé l’achat par la princesse de plusieurs droits domaniaux vendus par le sénéchal : preuve de l’obstination de Marie de Blois à sauver ce qu’elle peut du Domaine.
85 J. Le Fèvre, p. 286. Mais, peu après, la princesse donne à Robert de Dreux les dépouilles d’un rebelle de Brignoles... ; ibid., p. 400, 177 et 206.
86 Ibid., p. 121 et 127. Cf. carte III : Aliénations.
87 Ibid., p. 157. Cf. infra, note 90. J. Le Fèvre, p. 159-160. Cf. carte IV : Seigneuries et coseigneuries des comtés de Provence-Forcalquier.
88 J. Le Fèvre, p. 152 : deux pôles pour les terres des Glandevès : viguerie d’Hyères et baylie de Seyne. Louis obtient les castra de Roquesteron et de Sigale. Ibid., p. 221, 257 et 263. Y aurait-il une sorte de droit de conquête ? Le sire de Cuers obtient la reddition du castrum de La Valette en janvier 1386. Le chevalier d’Olmet réclame « son » castrum mais le sire de Cuers fait valoir « qu’il a fait de grandes mises pour la garde du dit chastel ; toutesvoies il eust rendu pour VIe florins. » Gauthier d’Olmet en offre 300. N’ayant pu parvenir à un accord, La Valette reste aux mains du sire de Cuers. Cf. supra, note 80.
89 J. Le Fèvre, p. 502, 176 et 245. Pour les Grimaldi, cf. infra, chap. III, p. 68.
90 Ibid., p. 202 : les castra sont ceux de Cotignac, Carcès, Tavernes, Artignosc, Bargème, Callas, Pennafort, Le Muy. Cf. carte des seigneuries provençales (B. de Barjols). Ibid., p. 156, 478,157, 208,199, 206, etc.
91 Ibid., p. 209 et 495. E. Baratier, Les Enquêtes..., op. cit., pp. 44 sq. E. Baratier, « Production et débouchés du sel de Provence au bas Moyen Âge », dans M. Mollat (dir.), Le Rôle du sel dans l’Histoire, Paris, 1968, p. 133-156 et cartes. L’auteur évalue, d’après l’enquête de 1334, la production totale des gabelles du sel de Provence à 300 000 oulles (33 000 tonnes), la consommation étant de 60 000 oulles. Malgré les fraudes et les charges, les comtes tirent encore au XVe siècle des revenus importants des ventes de sel (cf. infra, chap. IV), qui attirent bien des convoitises. Pour le laudimium et trezenium, cf. infra, chap. III.
92 J. Le Fèvre, p. 118-119 et p. 494. Pour les Palhade d’Arles cf. L. Stouff, Arles..., op. cit., p. 268-269. J. Le Fèvre,p. 247. Il s’agit sans doute de Nicolas de Brancace, cardinal d’Albano, ayant résidence à Avignon et non du cardinal d’« Arle », comme dit le texte. L’archevêché d’Arles étant vacant de 1383 à 1389. A moins qu’il ne s’agisse de celui qui en a l’expectative, mais qui ne l’obtiendra pas, Guillaume de Senez, évêque de Raab ?
93 A.D. BdR., B 8, p. 38. La « cloison » de Sisteron, aliénée elle aussi, serait un impôt, analogue à la « cloison d’Angers », destiné à couvrir les frais de l’entretien et de la réfection des murailles de la ville.
94 J. Le Fèvre, p. 243 : l’évêque de Sisteron est Artaud de Melan, l’un des plus dévoués à la Maison d’Anjou ; même privilège à l’évêque de Fréjus. Et p. 415 : il est bien question ici du cardinal d'« Albane » et du cardinal d’Arles... A.D. BdR., B 190, p. 255-257 : ces bourdigues et pêcheries de Martigues étant incapables de fournir 350 livres de rente à Sainte-Marie de Nazareth, Charles de Tarente propose 100 livres seulement en 1401.
95 J. Le Fèvre, p. 274. Ibid., p. 228 : Guigonet Jarente dispose d’un crédit de 15 000 florins pour rallier les rebelles. Ibid., p. 220, 238 et 309, 247, 475, 212 et 304.
96 Cf. supra, note 93. Le droit d'incantus et cridi est le droit de vendre aux enchères. J. Shatzmiller, « La perception de la tallia judeorum en Provence au milieu du XIVe siècle », dans Annales du Midi, t. 82,1970, p. 221-236. Cf. infra, chap. III.
97 J. Le Fèvre, p. 348, 298, 430.
98 G. Xhayet, « Partisans et adversaires de Louis d’Anjou pendant la guerre de l’Union d’Aix », dans Provence Historique, t. XL, 1990, p. 402-427. A. Venturini, « La guerre de l’Union d’Aix (1383-1388) », p. 93 sq. art. cit. Et E. Baratier, G. Duby, E. Hildesheimer, Atlas historique..., cf. la carte 55 (fiefs de Provence et du Comtat vers 1260) avec la carte des seigneuries fin XIVe-début XVe s. pour constater le maintien des clans principaux : Glandevès, Pontevès, d’Agoult, Barras, Villeneuve, etc.
99 J. Le Fèvre, p. 84, 113-114, 192-193 ; A.N., P 1339, no 439. M.-R. Reynaud, « Maison d’Anjou et Maison(s)de Bretagne... », art. cit., p. 181. Froissait évalue la rançon de Jean de Blois à 120 000 F. : J. Froissait, Chroniques, éd. S. Luce, III, p. 131-132, Paris 1869. La rançon du roi René était de 400 000 écus d’or : cf. G. Cabourdin, « La Lorraine et René, 1419-1453 », dans Le Roi René, duc d’Anjou, Bar et Lorraine, roi de Sicile et Jérusalem, roi d’Aragon, comte de Provence 1409-1480. Actes du colloque international d’Avignon juin 1981, Annales de l'Université d’Avignon, 1-2,1986, p. 38.
100 A.D. BdR., B 11, p. 168.
101 Toute principauté obéit à cette nécessité : cf. A. Uytterbrouck, Le Gouvernement du duché de Brabant..., op. cit., p. 69-93. La conclusion de l'auteur est que « pendant les deux tiers de la période couverte par la présente étude, l’ensemble des pays d’Outre-Meuse a été engagé d’une manière ou d’une autre... » E. Baratier, Les Enquêtes..., op. cit., carte p. 139 : le domaine comtal en 1250. Et cf. carte III : Aliénations. A.D. BdR., B 643.
102 A.D. BdR., B 11, p. 278-279 ; B 8, p. 288. Ajoutons que Louis II fait don, en 1405, du castrum de Cadenet à Jean de Tucé : B 8, p. 213.
103 R. Veydarier, Raymond de Turenne et la deuxième Maison d’Anjou et Provence, étude d’une rébellion nobiliaire à la fin du Moyen Âge, Montréal, 1994.
104 A.D. BdR., B 181 et 182. Les castra et loca de : Châteauneuf, Martigues, Gignac, Carry, Istres, Lançon, Berre, La Fare, Rognac, Vitrolles d’une part (« baronnie » de Berre), Dauphin, Montfort, La Bastide-des-Jourdans, Volonne, Châteauneuf-sur-Volonne (viguerie de Forcalquier), Tartone, Clumance, Lambruisse, Saint-Honorat (baylie de Digne), Virgons, Angles, Meolans, Morières (baylie de Castellane), Châteauneuf-des-Théniers. On peut comparer avec les possessions de la Maison des Baux au milieu du XIIe siècle, centrées sur les Baux, Meyrargues, Berre, Marignane : cf. E. Baratier…, Atlas historique..., op. cit., carte 51. Et la généalogie de la Maison des Baux p. 124.
105 A.D. BdR., B 10, p. 222-227 ; B 645-646. A.D. BdR., B 11, p. 67 et 278. Alix des Baux, décédée en 1426, a désigné comme héritier universel le duc d’Andria (son époux). L’affaire a été portée, en 1427, devant l’auditoire (Conseil Eminent) : B.N.F., PO 471, Fr. 26995 no 10497.
106 A.D. BdR., 641 et 645. Cependant en 1438, Louis le Meingre (neveu ?) récupère une partie de ces biens. Boucicaut, prisonnier à Azincourt, décède en 1422. Ouvrage rédigé en 1409, Le Livre des fais du bon messire Jehan le Maingre dit Bouciquaut, mareschal de France, gouverneur de Jeunes, éd. critique D. Lalande, Paris-Genève, 1985, ne traite que des prouesses extra-provençales du maréchal. A.D. BdR., B 607. Mentionnons le sort funeste de Bertrand de Castillon, exécuté à Cadenet, en 1404, par noyade dans la Durance, les officiers de Louis II d’Anjou étant le bras séculier d’un jugement de la cour pontificale d’Avignon. B.M. Avignon no 2 487.
107 P 1351, no 684. C’est donc Raymond d’Agoult qui avait eu, après Foulques II, ces concessions ; P 1351, no 682. La veuve du sénéchal Pierre Dacigné vendra la vicomté, en 1428, à Louis de Bouliers.
108 A.D. BdR., B 11, p. 145 ; Bibl. Méjanes, R. A. 65, p. 14. L’ordre de vente des biens de Pons de Rousset est de janvier 1430. Cf. infra, chap. VI. Gardanne est en fait donnée par Louis III à sa mère : cf. infra, note 113.
109 Cf supra, note 67.
110 A.D. BdR., B 11, p. 278-279. Acquisition faite en 1409 par le sénéchal. C’est un geste généreux (et intéressé) d’Hélène d’Enghien, car la baronnie avait été estimée à 6 000 florins pouvant monter à 8-10 000 florins. A.C. Marseille DD 35 ; A.N., P 133417, no 52 ; A.D. BdR., B 1387, p. 12.
111 A.N., P 133414, no 28 et P 13344, p. 74 ; A.D. BdR., B 647.
112 J. Le Fèvre, p. 182 et 309 : « Je doubte que ceste lettre ne suscite esclande contre le visconte de Turenne à qui sont ceux de Saint Rémi », écrit le chancelier. A.D. BdR., B 11, p. 54-56v cf supra.
113 A.D. BdR., B 11, p. 173v. Dans l’inspection des forteresses confiée aux commissaires Guillaume Crespin, pannetier royal et capitaine du Puy-Sainte-Réparate et Elziar Autric, viguier de la Cour royale d’Aix, en 1408, moment de tension avec le comte de Savoie, Seyne, Colmars, Castellane et Moustiers sont qualifiées de « villes royales » : A.D. BdR., B 193. Gardanne, ancien petit consulat, appartenait-il au Domaine à l’avènement de la deuxième Maison d’Anjou ? On le trouve, en 1422, entre les mains de Pons de Rousset et de sa femme, Catherine, qui en sont coseigneurs. On verra (cf. infra, chap. IV) la fin tragique dudit Pons, et le retour de Gardanne entre les mains de la reine Yolande en 1429 : A.D. BdR., B 10, p. 121-122. Quant à Châteaurenard, il fait partie, avec Beynes, des biens confisqués à l’évêque de Gap, Ligier, en 1427 ; en 1399, c’est Bérenger de Pontevès qui en est le seigneur : comment cette seigneurie est-elle venue entre les mains de l’évêque ? Achat aux Pontevès ? Ou don par Yolande après acquisition de cette seigneurie ? Avec le règne du roi René, ces seigneuries font l’objet de nouvelles aliénations : en 1453, Pierre de Beauvau achète Châteaurenard 10 000 écus. A.D. BdR., B 205, p. 78. Cf. carte III : Aliénations. Et E. Baratier, Les Enquêtes..., op. cit., carte p. 139.
114 Cf. infra, chap. III, p. 92, note 151.
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