Chapitre 3. Recherches et perspectives de travail sur les villages désertés
p. 299-344
Texte intégral
1On a écrit que l’étude du village était la figure de proue de l’archéologie médiévale1. L’image est due à une plume anglaise : c’est qu’en effet, en Angleterre, l’archéologie du village constitue un des domaines les plus explorés des études médiévales. Depuis vingt ans, depuis la fondation en 1952 du Deserted Medieval Village Research Group, les fouilles de sites villageois se sont multipliées, pour dépasser actuellement le chiffre de deux cents2. Mais, en dehors même des pays où l’archéologie médiévale demeure asservie à la seule histoire de l’art, on ne peut partout faire état de recherches aussi étendues sur le village médiéval. En Allemagne, on peut sans doute estimer que, malgré l’importance et la précocité des recherches de Paul Grimm, à Hohenrode, de W. Winkelmann à Warendorf, de H. Mylius à Gladbach, le village reste encore, dans les travaux de l’archéologie, distancé par le château ou le palais. En Pologne, en Russie, en Roumanie, où le Moyen Âge tient une place importante dans les programmes des Instituts d’archéologie, les recherches sur le développement des villes et des États l’emportent encore sur l’étude de la vie rurale. En France, on assiste depuis quelques années à un essor de l’archéologie du village qui intéresse maintenant à peu près toutes les provinces, sans éclipser pourtant les fouilles de nécropoles, de châteaux ou d’édifices religieux. Avec l’Angleterre, ce sont sans doute la Tchécoslovaquie et la Hongrie qui ont manifesté le plus vif intérêt pour les recherches archéologiques sur le village médiéval.
2Celles-ci pourtant s’imposent, pour deux raisons aussi simples qu’évidentes. La première, c’est que le village a été le cadre de vie des sociétés médiévales dans leur majorité. La seconde c’est que le village médiéval reste mal connu. En fait, l’archéologie du village dépasse la simple étude de l’habitat et de ses constructions ; faute de quoi ce ne serait qu’une archéologie monumentale de plus, avec le handicap de ne s’adresser qu’à des monuments d’une extrême modestie. Ce sont en réalité tous les aspects ruraux de la civilisation médiévale qui sont en cause, l’habitat sans doute et au premier plan, mais aussi le peuplement rural, les activités et les techniques agricoles, et avec le mobilier de la maison paysanne, les niveaux de vie, les productions du village, les échanges et la consommation. Les sources écrites permettent d’aborder et d’étudier certaines de ces composantes de la civilisation du village médiéval, mais non pas toutes. L’historien a pu restituer les cadres institutionnels et sociaux de la vie rurale, il s’est attaché à l’étude de la vie des campagnes ; les réalités de la vie quotidienne lui échappent en grande part. Et, les sources écrites se raréfiant, l’ignorance s’épaissit quand on remonte dans le temps, vers le haut Moyen Âge, ou vers les origines du village ; elle croît également au fur et à mesure qu’on s’éloigne des extrémités occidentales de l’Europe ou des rivages méditerranéens. En outre, même pour les temps et les pays où les documents sont relativement abondants, l’histoire rurale aurait tort de se priver de l’appui de l’archéologie ; même s’il s’agit des productions et des techniques, les sources archéologiques peuvent être l’occasion d’utiles contrôles, voire de mises en question.
3Il va de soi que l’archéologie du village n’est pas une entreprise susceptible d’offrir des résultats spectaculaires. Si du moins on s’en tient à une conception du « spectaculaire » qui n’attache de prix qu’aux trouvailles artistiques et aux vestiges monumentaux. Par son objet, elle s’apparente à l’archéologie préhistorique qui étudie, elle aussi, des établissements modestes, des techniques d’acquisition et de production, des modes de vie, en fin de compte, des civilisations. Les deux recherches ont la même raison d’être : écrire l’histoire de la civilisation en suppléant, dans un cas, à l’absence de sources écrites, dans l’autre aux lacunes de la documentation. Dans ses méthodes, l’archéologie du village médiéval s’est donc étroitement inspirée des principes des préhistoriens3. Encore une fois, il faut souligner que les vestiges interrogés sont de même nature : rien ne distingue une habitation excavée du haut Moyen Âge d’un fond de cabane de l’âge du fer ; certains types de maisons médiévales en bois semblent directement hérités du néolithique. Les sols de terre battue, les structures qui peuvent être de simples trous de poteaux, les foyers ouverts requièrent donc la même attention à la stratigraphie. Cela implique le choix d’un plan de fouille qui multiplie les coupes verticales. La nécessité pourtant d’observer des ensembles, ensembles constitués par les pièces, par les maisons, voire par l’espace entier du village, oblige à penser la stratégie horizontale4. Les structures archéologiques englobant aussi avec les sols et les parois tout le matériel mobilier qui s’y rattache, il importe de localiser les trouvailles avec la plus grande rigueur. Enfin, le but étant d’atteindre la vie dans tous ses aspects, aucune trouvaille, même très modeste, même organique, ne sera jugée indifférente. La différence avec l’archéologie préhistorique est peut-être seulement affaire de dimensions ; le médiéviste ayant à traiter des établissements plus vastes, à étudier des groupes humains plus nombreux devra parfois faire des choix et sélectionner des échantillons, des structures ou des sites.
Le village du haut Moyen Âge
4Édouard Salin, en 1965 encore, invitait les archéologues français à combler une lacune : il s’agissait de l’habitat du haut Moyen Âge5. Et il est de fait qu’en France les recherches sont dans ce domaine presque inexistantes. Salin lui-même, dans la somme imposante qu’il a composée de la civilisation mérovingienne, n’a consacré que 19 pages à l’habitat6. Encore traitent-elles les plus souvent des villae du Bas-Empire qui ne peuvent servir à caractériser le plus souvent ni l’habitat paysan, ni le haut Moyen Âge. Jusqu’à la parution du livre de Pierre Demolon sur le village de Brebières, les notions que l’on pouvait avoir sur le village de la Gaule du Ve au Xe siècle étaient empruntées en fait aux chercheurs des pays voisins, allemands surtout. En Allemagne, en effet, les fouilles d’habitat du haut Moyen Âge sont relativement nombreuses et certains sites ont acquis une véritable célébrité : Warendorf, Gladbach, Haldern, Wulfingen. Mais il serait injuste d’ignorer les travaux et les sites anglais, Sutton Courtenay, Saint Neots, West Stow, et néerlandais, Ezinga, Sleen, Wijster, ainsi que les recherches des pays de l’Est. À partir des résultats obtenus dans ces divers pays, on arrive à dégager certains traits qui peuvent servir à caractériser le village du haut Moyen Âge : absence de plan, recours à des matériaux légers, bois et terre essentiellement, et large diffusion de l’habitation excavée.
5Le village du haut Moyen Âge ne présente, en général, aucune organisation de l’espace habité : les constructions, de types divers et de dimensions fort variées, ne s’ordonnent pas suivant des lignes directrices perceptibles. À peine si sur des sites, comme Brebières, on aperçoit une orientation privilégiée imposée sans doute par les vents dominants ; plus souvent, les habitations présentent des axes très variés7. En outre, la densité d’occupation est faible. Ces caractéristiques valent pour les sites allemands, Warendorf ou Wulfingen notamment, ou anglais comme West Stow, mais on a fait les mêmes observations en Tchécoslovaquie pour les niveaux anciens des sites de Krasovice (Bohême) et de Mstenice (Moravie) et pour les quatre villages fouillés en Slovaquie qui datent des Xe, XIe et XIIe siècles8. En Hongrie, également, les plans réguliers et les densités fortes ne sont pas antérieures au XIIIe siècle : à Razom, village des XIe et XIIe siècles, la fouille a compté trente-cinq habitations parsemées sur un espace de 800 x 400 m9.
6En fait, peut-être faut-il étendre ces observations en changeant d’échelle et considérer qu’une certaine dispersion caractérise l’habitat du haut Moyen Âge, même dans les régions où l’habitat est aujourd’hui relativement concentré. Il semble y avoir eu, à un moment assez difficile à cerner, peut-être à l’époque carolingienne, un regroupement des habitats : sans doute ce mouvement a-t-il été favorisé, sinon provoqué, par la construction des sanctuaires paroissiaux. À Warendorf, le site primitif a été abandonné vers 800 pour le village actuel où une église était alors construite. À Burgheim, en Souabe, les recherches archéologiques ont montré que le terroir a compté au haut Moyen Âge trois localités dont une seule a survécu et correspond au village actuel10. Mêmes remarques pour Meckenheim, en Rhénanie et Zingsheim dans l’Eifel11.
7Ces villages du haut Moyen Âge sont en règle générale des habitats ouverts, ce qui d’ailleurs s’accorde avec la dispersion des constructions. Il y a cependant des exceptions : elles concernent des villages saxons comme Hunneschans ou Stöttinghausen, inscrits à l’intérieur d’un rempart contre lequel s’appuient les habitations, des villages plus tardifs aussi, fortifiés au IXe siècle, comme Pipinsburg12. En France aussi, il n’est pas exclu que des habitats fortifiés aient existé en dehors des cités. Les recherches de Gabriel Fournier sur le peuplement de l’Auvergne ont mis en évidence un certain nombre de sites forts, généralement défendus essentiellement ou uniquement par la nature, qui pourraient avoir été ceux de villages permanents13. Le fait que l’église paroissiale s’y soit fixée pour de longs siècles permet souvent d’y voir le site primitif de villages qui par la suite ont abandonné ces hauteurs. Et les fouilles effectuées par G. Fournier à Ronzières semblent confirmer qu’il s’agit de lieux occupés dès le haut Moyen Âge14.
8Jusqu’au XIIe siècle, les constructions rurales n’utilisent, sauf exception, que le bois, la terre crue, ou encore, mais en de rares contrées, le « turf » ou mottes de gazon. La pierre semble l’indice d’un niveau social supérieur. À Gandersheim-Brunshausen, on a mis au jour une bâtisse de pierre rectangulaire et comportant trois pièces, mais elle correspond à l’habitation d’une famille noble15. Au XIIe siècle, encore, à Montaigut, la zone de l’habitat seigneurial montre seule des bâtiments de pierre, d’ailleurs de grandes dimensions (9,30 x 7,20 m) ; les constructions du village sont en bois et en terre16.
9Les habitations paysannes sont en fait rarement construites entièrement en bois, c’est-à-dire en poutres ou en planches. En Angleterre, où la construction en poutres verticales placées côte à côte se rencontre pour des édifices tels que le palais royal de Northumbrie ou l’église de Greenstead, ce système semble ne pas avoir jamais été employé pour une maison paysanne17. On sait en revanche que les parois de poutres se rencontrent dans les pays slaves, où le système est celui de l’empilage de poutres horizontales, conservé dans l’habitation traditionnelle de la Russie. Ce mode de construction dévore énormément de bois et ne se conçoit que dans des régions assez boisées pour ne pas redouter la déforestation. On rencontre aussi, dans les pays germaniques, des parois de planches. On peut du moins supposer ce matériau pour les bâtiments qui ont laissé entre les trous de poteaux la trace de légères traverses posées au sol ; il s’agit sans doute de glissières dans lesquelles s’engageaient des planches verticales, comme on l’a supposé à Sleen et à Burgdorf18.
10Le plus souvent, le bois n’intervient que pour l’armature de la maison, constituée par les poteaux corniers et les poteaux qui renforcent les parois ou soutiennent le faîtage. Les parois elles-mêmes sont alors en torchis ou en pisé : l’argile mêlée de paille hachée ou de cailloux est plaquée sur un clayonnage d’osiers ou de branchages entrelacés entre les poteaux.
11Enfin, dans les pays Scandinaves et en Angleterre, on a rencontré l’emploi de mottes de terre découpées en parallélépipèdes et utilisées comme des briques. Cela donne des murs épais et peu élevés19. À Hound Tor, dans le Devon, les fouilles dirigées par Mrs Minter ont mis au jour des habitations ainsi construites en « turf », pour les niveaux allant du IXe au XIIIe siècle20. Les mottes de terre habillaient ici une armature de clayonnage. Ces maisons de « turf » pouvaient durer 5,10, 15 ans, voire 20 ans.
12En bois, en torchis, ou en « turf », les constructions du village du haut Moyen Âge ont laissé peu de traces et les vestiges requièrent une observation attentive et des méthodes minutieuses pour être aperçus et compris. Cela explique peut-être pourquoi, en France, on a trouvé de très nombreuses nécropoles mérovingiennes et si peu d’habitats contemporains de ces nécropoles. Les vestiges des habitats consistent en trous de poteaux, fosses, traces de foyers, silos ou dépotoirs enterrés, fossés de drainage : uniquement, ou peu s’en faut, des structures en creux. À partir de ces vestiges, la restitution des plans est possible, encore que parfois, à Oberbillig, près de Trèves, par exemple, ou à Dorestad, la multitude des trous de poteaux rende le site presque inintelligible21. La restitution des constructions dans leur élévation est de toute façon plus difficile et assez largement hypothétique.
13Les villages germaniques du haut Moyen Âge présentent en général deux types de constructions : des cabanes à demi excavées et des habitations plus grandes construites au niveau du sol, ainsi à Haldern et à Gladbach, où les cabanes semblent accompagner de grands bâtiments rectangulaires22. À Warendorf, sur 186 constructions repérées, 25 sont de grands bâtiments de 14 à 29 mètres de long sur 4,5 à 7 mètres de large, 40 autres bâtiments plus petits sont également construits au niveau du sol, 70 sont à demi excavés, 30 correspondent à des greniers sur pilotis, soit hexagonaux, soit octogonaux23. La grosse question est de savoir si ces types de constructions correspondent à des destinations différentes, et en particulier si les cabanes excavées sont vraiment des habitations.
14Pendant un temps, en Angleterre, on a voulu faire de la cabane excavée – construction de petites dimensions, de 2 x 3 m en moyenne, enfoncée dans le sol sur 0,2 à 1 mètre – l’habitation caractéristique du paysan à l’époque saxonne primitive. Cette opinion se référait essentiellement aux observations faites sur le site de Sutton Courtenay (Berkshire)24. À Sutton Courtenay, à la faveur des travaux d’une carrière, l’archéologue Thurlow Leeds a enregistré trente-trois cabanes excavées du VIIe siècle. Elles semblaient distribuées à la périphérie d’un vaste espace libre. On a comparé ce site à un autre habitat germanique, situé dans la région d’où sont partis les envahisseurs saxons de l’Angleterre : Ezinge, près de Groningue, en Frise25. À Ezinge, ces constructions excavées occupaient également le pourtour d’un tertre (terp) au bord d’un marais. Un peu rapidement, à partir de ces découvertes isolées, on a généralisé et considéré que l’Angleterre saxonne et païenne n’avait pas connu d’autres types d’habitations rurales que ces cabanes enfoncées dans le sol. On a depuis pris le contre-pied de cette opinion. C. A. Raleigh Radford, en faisant des réserves sur les conditions de la fouille de Sutton Courtenay, a fait observer que des cabanes du même type pouvaient dater des IXe-Xe siècles : elles ne constituent donc pas seulement une étape primitive dans l’évolution de l’habitation médiévale26. Pour Raleigh Radford, seules les grandes maison construites au niveau du sol, dont plusieurs exemples ont été trouvés depuis 1957 en Angleterre pour les VIIe et VIIIe siècles, sont des habitations. Les cabanes de Sutton Courtenay seraient simplement des ateliers : des appentis abritant des ateliers de tissage, ou de métallurgie ou des officines de potiers.
15Pour étayer cette interprétation, on s’est appuyé sur des textes comme la Lex Alamannorum ou la hex Baiuvariorum qui mentionnent à côté de grandes maisons pour les libres et de petites pour les demilibres, des fosses ou cabanes destinées à abriter des travaux de tissage ou de brassage27. Et le fait est que sur certains sites, comme à Kottenheim (du IXe siècle, il est vrai), on a trouvé dans des cabanes excavées les traces du travail du tisserand (des pesons, par exemple) du potier ou du métallurgiste (four, scories)28. Toutefois, les archéologues allemands sont tentés d’établir une distinction entre deux types de cabanes excavées : ainsi à Gladbach, village franc dont l’histoire s’étend du VIe au IXe siècle, a-t-on distingué les Grubenhäuser, bâtiments excavés à six poteaux, qui seraient des habitations et les Grubenhütten, bâtiments excavés à deux poteaux, qui seraient des ateliers29.
16La cabane excavée de Sleen (Drenthe), offre un bon exemple de Grubenhaus30. C’est une variante de la cabane à six poteaux (quatre poteaux corniers et deux supports de faîtage situés aux pignons). Au fond de l’excavation de 4,25 x 2,25 m, les trous de poteaux restituent une construction de 3 x 2 m. Des poteaux supplémentaires s’inscrivent sur les côtés longs et sur une paroi pignon, et d’autres, dans l’axe central, mais hors de la cabane, devaient supporter un faîtage débordant. La présence d’un foyer entouré de trois trous de piquets, vestiges d’une structure destinée très sûrement à suspendre un pot à cuire, atteste que la cabane de Sleen est une habitation.
17Les découvertes de Brebières remettent pourtant en question la distinction entre Grubenhaus à six poteaux et Grubenhütte à deux poteaux31. Des fouilles de sauvetage ont mis au jour, à Brebières, près de Douai, un habitat des VIe et VIIe siècles, probablement en relation avec la résidence royale de Vitry-en-Artois, toute proche. Le village, assez caractéristique, par sa dispersion, ne comporte, à côté de fosses d’un silo et de plusieurs fossés, que des cabanes excavées, une trentaine. Assez singulièrement, les poteaux sont ici situés sur les bord de l’excavation, voire à l’extérieur et non à l’intérieur et au fond de l’excavation, comme ils le sont partout ailleurs. Les cabanes de Brebières appartiennent au type à six poteaux comme au type à deux poteaux (avec une variante à quatre poteaux) mais toutes semblent bien avoir été des habitations, comme le montre la présence de foyers, notamment dans les cabanes à deux poteaux et le matériel assez abondant des couches d’occupation particulièrement épaisses : fragments de poteries, objets usuels et déchets de cuisine. Au passage, on notera, dans ce matériel, la fréquence du verre, qui fera plus tard défaut dans le mobilier paysan, la fréquence aussi d’objets en os et d’outils en silex (grattoirs, racloirs, lames) qui montrent comment se prolongent jusqu’au début du Moyen Âge des traits des civilisations préhistoriques. La préhistoire est encore toute proche dans ces villages de cabanes en bois et torchis, où l’on use encore de poteries non tournées et d’outils de pierre.
18La cabane excavée a connu une large diffusion et une forte longévité comme type de construction. En dehors de cas exceptionnels de survie – habitats de forestiers ou de charbonniers qui peuvent dater du XIXe siècle encore – elle a probablement duré jusqu’au XIIe siècle en Occident. Très sûrement, en tout cas, en Europe centrale : en Hongrie, les sites de Tiszalök-Razom et de Szarvas, des XIe et XIIe siècles, montrent des habitations excavées, généralement du type à deux poteaux, avec des caractéristiques assez rares : l’entrée située non au pignon mais sur l’un des côtés longs ; un four, soit construit en terre ou en pierre, dans un angle de la maison soit aménagé dans l’une des parois de l’excavation. Les maisons des villages hongrois montrent encore la trace, sous forme de trous de piquets, du mobilier, lits et bancs, avec des sièges de travail, constitués par de petites excavations à l’intérieur de la maison et proches de l’entrée d’où venait sans doute le seul éclairage32. La cabane excavée caractérise encore le village du haut Moyen Âge qui dure ici jusqu’au XIIIe siècle – en Bohême, en Pologne, en Russie méridionale. On la rencontre même jusqu’au XVe siècle en Valachie33.
19La grande maison établie au niveau du sol, qu’à côté de la cabane excavée montrent presque tous les sites fouillés, a comme l’habitation excavée des origines très lointaines. Avec son plan rectangulaire allongé, avec son armature de poteaux de bois, elle se rencontre dès le néolithique, notamment sur le site de Köln Lindenthal qui appartient à la civilisation du rubané, la première culture néolithique de l’Europe nordique et centrale34. D’un autre côté, ce type de construction a continué d’être utilisé par l’habitation dans certaines régions jusqu’au bas Moyen Âge, et pour les bâtiments utilitaires jusqu’à des époques toutes récentes35.
20Pour le haut Moyen Âge on a distingué trois types de grandes maisons suivant la solution adoptée pour le soutien de la charpente. La maison dite à deux nefs présente dans l’axe central une rangée de poteaux qui soutiennent le faîtage et divisent l’habitation en deux parties. On a rencontré ces maisons à Gladbach, où les plus grandes mesuraient 12 m de long sur 6 à 7 m de large36. La maison à trois nefs, qui comporte deux rangées de poteaux intérieurs a été fréquemment trouvée sur des sites d’habitats, notamment dans l’Allemagne du nord-ouest, sur les rivages de la mer du Nord, à Emden, à Elisenhof, à Leens37. Le troisième type de maison est parfois appelé maison de Warendorf du nom de ce site où les fouilles de W. Winkelmann ont mis au jour un vaste habitat des VIIIe et IXe siècles. Les maisons longues de Warendorf présentent parfois des parois longues incurvées, mais ce qui les caractérise, c’est qu’elles ne comportent plus de poteaux intérieurs ; en revanche, des rangées de trous de poteaux doublent à l’extérieur les parois de la maison. W. Winkelmann a vu dans ces trous inclinés vers la maison les traces de contre-boutants des parois. Les fouilleurs de Sleen proposent une autre interprétation. Le site de Sleen présente, en effet, classiquement, les vestiges d’une grande maison à côté de la cabane excavée dont il a été question précédemment. Or A. Bruijn et W. Van Es remarquent que les poteaux extérieurs se correspondent exactement, deux à deux, de part et d’autre de la maison : en revanche, ils ne correspondent pas régulièrement aux poteaux des parois, ce qui serait le cas s’ils avaient pour rôle de les contrebuter. En fait, les trous de poteaux extérieurs sont sans doute les vestiges laissé par les chevrons de la toiture descendant jusqu’au sol. C’est aussi l’interprétation donnée maintenant des vestiges laissés par les maisons des camps vikings de Trelleborg, Aggersborg et Fyrkat38. On sait que des camps, datés des débuts du XIe siècle, témoignent par leur rigoureuse régularité d’une architecture parvenue à une parfaite maîtrise de ses matériaux, la terre et le bois39. Une première reconstitution de la maison de Trelleborg, malheureusement matérialisée dans une reconstruction « grandeur nature », et de ce fait largement diffusée, s’est heurtée à un certain nombre de difficultés ; elle présentait des dispositifs aberrants ou gratuits, notamment une galerie couverte, sans objet, peu compatibles avec la perfection et la sobriété de moyens dont font preuve toutes les autres structures des camps40. On a récemment démontré, à partir des fouilles de Fyrkat que cette reconstitution était fausse41. L’habitation des camps vikings comportait en fait non seulement des parois longues incurvées, mais encore un toit au faîtage courbe, « en dos d’âne », aux pentes arquées, et les chevrons en arc descendaient jusqu’au sol pour y prendre appui et assurer ainsi une totale solidité de la charpente. On suppose qu’il faut, en fait, voir une évolution qui, de la maison à deux nefs conduit à la maison à trois nefs et à l’habitation de Warendorf. Le sens de cette évolution est un progrès qui consiste, entre autres choses, à libérer de plus en plus l’espace intérieur, l’habitation, de la gêne que constituent les poteaux qui soutiennent la charpente. Dans la maison de Warendorf, l’espace intérieur large de 5 à 6 mètres est entièrement libre. Et le type de Warendorf semble avoir supplanté progressivement dans le nord-ouest de l’Europe la maison à trois nefs pour en limiter l’extension aux régions côtières42.
Le peuplement
21L’archéologie du village doit sans doute dépasser l’étude des types d’habitats et des modes de construction pour aborder celle du peuplement et de la colonisation. Les études sur la colonisation doivent d’ailleurs une large part de leurs informations (mais non la totalité) aux fouilles systématiques effectuées sur les sites d’habitats. Il s’agit là en tout cas d’une des perspectives les plus intéressantes que puisse ouvrir l’archéologie du village. L’intervention de l’archéologue est d’autant plus opportune, s’agissant des premiers siècles du Moyen Âge, que les documents écrits sont plus rares ; insuffisants pour l’Occident, ils sont totalement absents pour la majeure partie de la Germanie et pour les pays slaves où le Moyen Âge prolonge, en fait, la protohistoire et réclame donc les mêmes méthodes.
22Même en Occident et dans les pays latins, le recours à l’archéologie paraîtrait souhaitable, ne serait-ce que pour vérifier le bien-fondé de certaines théories trop aisément admises. Celle par exemple qui prétend rendre compte des origines du village français. Théorie assez surprenante, si on y réfléchit, et qui a d’autant plus besoin d’être solidement étayée. Elle affirme qu’en Gaule l’époque romaine marque une rupture complète dans les structures de l’habitat. La période impériale n’aurait connu que le régime du grand domaine, impliquant pour l’habitat deux types seulement d’agglomérations : la villa, demeure du maître mais regroupant aussi les logis de la population agricole, et le viens qui passe pour un bourg routier et commerçant. Ainsi ce serait l’invasion germanique qui aurait réintroduit la notion de village. Que deviennent alors certaines constantes qu’on a cru apercevoir parfois, la coïncidence par exemple entre la limite des civilisations danubiennes et celle de l’habitat groupé43 ? Le paysage rural français, en dépit de Marc Bloch, ne devrait donc rien aux civilisations et aux peuples de la préhistoire, puisqu’une de ses composantes essentielles, le village, aurait subi une éclipse de plusieurs siècles44.
23En outre, la résurgence du village se ferait dans le cadre de l’ancien domaine, soit par filiation directe de la villa au village, soit par démembrement de l’ancienne propriété, au profit d’un groupe barbare : c’est la fameuse analyse des terroirs ruraux de Camille Jullian45. Ainsi, d’après la thèse classique, la villa gallo-romaine est à l’origine du plus grand nombre des villages français46. Il est de fait que les diplômes mérovingiens ne citent guère que des villae ; il est de fait aussi que ces villae portent des noms formés avec le fameux suffixe en -acus ou -iacus et que nombre de villages français portent des noms en-y,-ey,-ay,-ac, dérivés des toponymes latins ou latinisés en -acus ou - iacus.
24Mais est-il bien sûr que tous les toponymes en -y, -ey, etc., dérivent de noms formés à l’époque impériale ? Est-il bien sûr qu’ils soient formés sur un anthroponyme latin, sur le nom du premier maître de la villa ? Des recherches récentes montrent que le radical n’est pas toujours un nom d’homme et que les suffixes en -acus et -iacus ont servi à composer toutes sortes de noms de lieux47. En fait, n’a-t-on pas confondu le régime de la propriété avec les structures de l’habitat ? Il y a certainement un glissement dans ce sens entre les études de Fustel de Coulanges sur le domaine et celles d’Arbois de Jubainville sur la toponymie, celles enfin de Camille Jullian sur le peuplement. Mais la villa n’exclut peut-être pas la permanence de l’habitat de l’époque antérieure, du village indigène. Il semble d’ailleurs que les vicus aient été plus nombreux qu’on ne l’a pensé et que ce terme de vicus ait pu désigner un simple village.
25Seules pourtant, des recherches archéologiques systématiques pourraient apporter des informations décisives. Naturellement, les historiens ou les érudits qui ont étudié le peuplement à l’échelle régionale n’ont pas manqué de faire appel à l’archéologie. Mais il s’agit uniquement de l’archéologie gallo-romaine et des recherches sur les villae dont, en fait, on connaît bien mal les aspects réellement rustiques, c’est-à-dire les bâtiments d’exploitation et l’habitation des travailleurs. Et en matière de sources archéologiques, ces auteurs se montrent peu exigeants, généralement ; la présence de quelques monnaies, de fragments de tuiles, de substructions même mal identifiées, leur semble une preuve suffisante de l’existence d’une villa48. Pourtant, sur le site de Dracy, toponyme classique qu’on n’a pas manqué d’interpréter comme le signe très certain de l’emplacement d’une villa, la fouille n’a retrouvé ni les substructions, ni les amphores, ni les tessons de sigillée, ni les fragments de tegulae qu’on était en droit d’attendre aux abords d’une villa ; mais elle a mis au jour les vestiges modestes et d’ailleurs rares d’un établissement indigène, encore mal reconnu, des débuts de l’occupation romaine49.
26De même, sur le site de Saint-Martin à Mondeville, la fouille a rencontré les traces d’un village constamment habité de la Tène aux temps carolingiens, sans qu’il y ait aux alentours la moindre trace d’une villa50. Il y aurait également beaucoup à dire des résultats passionnants des enquêtes aériennes de Roger Agache dans la Somme51. L’avion a en effet révélé les vestiges parfaitement identifiables, voire datables d’un très grand nombre de villae antiques : sur le plateau de Sancerre, les villae sont beaucoup plus nombreuses que les villages actuels. Même si l’on suppose que les agglomérations contemporaines sont construites elles aussi sur les vestiges de villae – ce dont la photographie aérienne ne peut naturellement décider – il y a discordance entre le réseau des centres domaniaux antiques et l’habitat : au mieux, seules certaines villae auraient donné naissance à des villages médiévaux et cela même n’est pas sûr.
27L’archéologie aérienne – ce terme convient mieux que celui de photographie aérienne car il suppose l’intervention consciente de l’archéologue – fait partie des méthodes à mettre en œuvre dans une recherche sur le peuplement. L’Allemagne offre ici un modèle. Les recherches du Rheinisches Landesmuseum associent la prospection aérienne, l’étude des cartes, les enquêtes auprès des habitants, l’observation au sol, les ramassages de surface52. Ces méthodes n’ont rien en elles-mêmes d’original et tout archéologue les a pratiquées, mais il faut souligner le caractère systématique de la prospection qui les applique en même temps à un même espace, où il s’agit de relever et de cartographier non seulement les habitats mais aussi les trouvailles isolées, les champs fossiles, les entassements de pierres, les anciens chemins, les anciennes mines. La notion d’établissement humain se trouve ainsi considérablement enrichie, élargie à toutes les empreintes de l’activité humaine sur le paysage. Et il devient ainsi possible de suivre dans une contrée l’histoire des hommes qui y ont vécu, habité et qui y ont travaillé. Déjà cette méthode a permis, pour quelques terroirs de l’Allemagne cisrhénane, d’étudier cette relation si difficile à établir, en Gaule, entre l’occupation antique et l’occupation médiévale : succession continue des habitats et des cultures dans certains cas, interruption dans d’autres. Évidemment cette méthode ne peut s’appliquer qu’à des aires limitées : elle requiert beaucoup de temps et le concours de nombreux chercheurs appartenant à des spécialités variées. Mais pas plus que l’histoire ne peut ni ne prétend restituer tous les faits du passé, l’archéologie ne peut ni ne doit explorer tout l’espace humain : c’est une question de choix. À côté d’une archéologie extensive, qui a été jusqu’à présent trop souvent pratiquée, il y a place pour une recherche intensive appliquée à des espaces limités mais choisis pour leur caractère exemplaire. Pour l’étude du peuplement, il faut cesser d’additionner des trouvailles disparates, d’importance et de signification différentes : un silex, un camp protohistorique, des fragments de tegulae, une motte féodale…
28Si les chercheurs allemands s’interdisent actuellement de généraliser les résultats des analyses de terroirs, encore trop peu nombreuses, ils peuvent du moins, pour l’étude du peuplement de la Germanie, faire état des fouilles d’un assez grand nombre de sites ruraux : une quarantaine d’établissements dont l’histoire s’étend entre le Ier et le Xe siècle. Ces sites rendent manifeste une assez forte mobilité de l’habitat en Germanie pendant le premier millénaire de notre ère : les villages durent rarement plus de deux ou trois siècles. Ces désertions précoces, que seules l’archéologie pouvait mettre en évidence, sont sans doute à mettre en relation avec les migrations germaniques des premiers siècles : il est intéressant de noter que le site de Tofting, avec d’autres sites du Schleswig-Holstein est abandonné au VIe siècle, c’est-à-dire lors du départ des Angles de la Péninsule de Jutland53. Il y a aussi des exemples de continuité mais beaucoup plus rares : Ezinge, qui apparaît à la Tène III pour ne s’éteindre qu’au XIIIe siècle, constitue une exception isolée54. Il faut naturellement tempérer l’importance de ces observations en rappelant que, nécessairement, les fouilles s’adressent de préférence aux sites désertés. Mais les fouilles précisent aussi la périodisation des fondations de villages. Des phases de colonisation apparaissent ainsi au Ier siècle, au début du IIIe siècle. Des abandons relativement nombreux ont été constatés pour la première moitié du IXe siècle : ils concernent des habitats ayant eu une existence brève, d’à peine un siècle. Ainsi est mise en lumière une autre phase de colonisation, assez surprenante peut-être, et qui en tout cas avait été jusqu’ici mal aperçue : à la fin du VIIe ou au début du VIIIe siècle55.
29Dans les pays de l’Est européen, l’histoire du peuplement au haut Moyen Âge dépend plus encore de l’archéologie. En Hongrie, les enquêtes systématiques sur le peuplement dans une région donnée évoquent un peu la méthode préconisée par les chercheurs de Bonn (W. Janssen), encore que les investigations se limitent davantage à l’habitat proprement dit, que l’aire prospectée soit plus vaste, à l’échelle de la région56. On conçoit que, dans un pays où la toponymie a été trop renouvelée pour être d’un grand secours, et où les textes n’apparaissent que tardivement, à la fin du Moyen Âge, ces recherches de « topographie archéologique » – c’est le titre d’une série de publications sur l’habitat en Hongrie57 – peuvent seules procurer les sources d’une histoire de la colonisation. Elles ont, par exemple, établi que des villages mentionnés pour la première fois aux XVe et XVIe siècles existaient depuis l’époque arpadienne. Les incursions mongoles, coumanes puis turques ont profondément modifié les réseaux et les structures de l’habitat. Dans certaines zones, moins de 30 % des villages ont survécu à ces vagues successives d’invasions. Dans la plaine, avant le XIIIe siècle, les villages – établis au bord de la zone inondable ou sur des tertres cernés par les eaux – étaient plus petits et plus nombreux qu’ils ne se présentent depuis le XVIe siècle. Après les guerres turques les villages ont été reconstruits, mais sur de nouveaux emplacements et cela explique que les églises soient souvent isolées.
30En Pologne, la vie rurale tient moins de place dans les recherches archéologiques que la vie urbaine. La controverse avec l’historiographie allemande sur l’origine des villes, question très liée à celle des origines de l’État, a sûrement orienté les travaux de l’archéologie polonaise au lendemain de la dernière guerre. Mais les spécialistes ont toujours eu conscience de l’importance et de la nécessité des recherches sur la vie rurale qui a intéressé la très grande majorité des populations médiévales et dont les progrès, aussi bien, ont conditionné le développement des villes. De cette attention au domaine rural témoignent, par exemple, les études de réflexion méthodologique qu’a publiées Witold Hensel58. Celui-ci n’emploie pas le terme d’archéologie du village ; c’est tout le « milieu rural » qu’il assigne pour objet de recherche à l’archéologue médiéviste, et les cultures, les techniques et l’outillage agricoles, l’économie des campagnes, autant que le village. Mais, comme dans toute l’Europe orientale, le peuplement demeure encore l’objectif premier, le domaine privilégié des recherches archéologiques sur le haut Moyen Âge. De cette orientation témoignent de nombreux travaux, dont plusieurs ont fait l’objet de rapports importants et intéressants au Ier Congrès International d’Archéologie Slave de Varsovie en 196559. On mentionnera, par exemple, les recherches sur le peuplement dans le Sud-Est de la Pologne, dans les régions de Przesmysl et de Rzeszow60. Du VIe au IXe siècle, les établissements, des villages ouverts, se cantonnent à deux types de pays ou de terroirs : les sols lœssiques au pied des montagnes, pays traversés en outre par la grande voie de passage qui longe le flanc nord des Carpathes, et région du sel ; et d’autre part les terres alluviales des vallées. Aux Xe et XIe siècles, la colonisation s’étend à la totalité de la région, en restant plus dense et complète dans les vallées. Cette époque est aussi celle où se construisent les grod (enceintes fortifiées) auprès desquels se développent des faubourgs, premiers centres commerciaux et noyaux urbains, comme Przesmysl. Les sites, fréquemment détruits ou incendiés, traduisent l’insécurité qui, à cette époque, règne dans cette région, disputée entre Polonais, Ruthènes et Hongrois. Aux XIIe et XIIIe siècles, la colonisation s’étend encore et gagne tous les terroirs même ingrats ; deux faits semblent y avoir aidé : l’installation des monastères et l’afflux de Ruthènes fuyant la domination des Mongols et des Boyards. Une étude comme celle-là, ici brièvement résumée, suppose des fouilles nombreuses et le rassemblement systématique de toutes les observations procurées par les trouvailles de hasard ou les fouilles de sauvetage. En 1965, la station archéologique de Rzeszow avait exploré quarante sites, soit 40 huttes, 170 fonds de cabanes, 16 fours de métallurgistes, 13 fours de potiers et 7 cimetières. C’est sur des recherches d’une ampleur comparable et conduites avec la même minutie que s’appuient les travaux de Stanislas Kurnatowski et Zofia Hilczerowna sur la Grande Pologne et notamment sur le bassin de l’Obra61. Dans une première phase, au VIe siècle, la région de l’Obra compte une quinzaine d’établissements ouverts, aux habitations dispersées, occupant les vallées pourtant marécageuses. Les VIIe et VIIIe siècles voient s’édifier les premiers grod ; fortifiés de façon primitive, ils sont très vastes et regroupent l’essentiel de la population, car la plupart des villages ouverts de la phase précédente ont disparu : c’est l’époque des grandes migrations des Slaves, génératrice de troubles et d’insécurité. Le matériel céramique marque parfois de profondes différences d’un site à un autre site voisin, attestant la présence en une même région et un même temps de deux civilisations séparées. Au cours d’une troisième phase, allant du milieu du VIIIe siècle au milieu du Xe siècle, les grandes enceintes sont abandonnées au profit de sites beaucoup plus étroits, mais puissamment fortifiés où l’ampleur du rempart contraste avec l’exiguïté de l’espace enclos, et ces nouveaux grod s’entourent de villages ouverts. Cette transformation de la répartition et de la morphologie des établissements traduit très sûrement une nouvelle organisation sociale, de type seigneurial (ou féodal si on accepte cet adjectif avec un sens très large). La destruction et l’abandon de la plupart des grod de la phase suivante (milieu du Xe-milieu du XIe siècle), le maintien ou les progrès des villages ouverts, l’apparition des tours sur motte accompagnent sans doute une réorganisation du territoire sous l’autorité de l’État des Piasts. Ce tableau, dû aux travaux de Zofia Hilczerowna, constitue sans doute une des plus belles réussites de l’archéologie polonaise, où l’archéologie apparaît bien pour ce qu’elle doit être, une des méthodes de l’histoire, et de l’histoire économique et sociale, ce que les archéologues polonais expriment d’une certaine façon quand ils regroupent leurs recherches sous l’étiquette d’histoire de la culture – l’Occident dirait civilisation – matérielle62.
31Un domaine de ces recherches, extrêmement intéressant mais encore peu représenté, est celui de l’histoire démographique, un des secteurs les plus obscurs, probablement, de l’histoire du haut Moyen Âge. Witold Hensel a exprimé sa conviction qu’il sera un jour possible – et c’est théoriquement possible – d’évaluer le nombre et l’évolution d’une population sur la base des sources archéologiques63. Là encore, l’entreprise implique à l’échelle régionale l’enregistrement de nombreuses données procurées par des prospections systématiques, le relevé des trouvailles fortuites, la fouille de certains sites d’habitats et, naturellement, la fouille de cimetières. La valeur des résultats dépendra du bon usage des méthodes statistiques, de la pertinence des choix dans la sélection des régions, et à l’intérieur de celles-ci, des habitats et des nécropoles. Mais, sauf peut-être en Hongrie où l’on a multiplié les fouilles de nécropoles des temps hunniques, avars et magyars, les centres de recherches archéologiques n’ont guère encore orienté leurs enquêtes dans ce sens64.
Les villages désertés
32Le développement que connaît en l’Angleterre l’archéologie du village médiéval tient probablement à deux faits : l’importance dans l’histoire rurale anglaise – importance d’ailleurs tardivement reconnue – du phénomène des désertions de villages ; et d’autre part la fossilisation des sites des villages disparus sous une forme qui en facilitait la détection. La synthèse récemment parue sur les villages désertés en Angleterre médiévale comporte un chapitre sur les désertions vues par l’historien, ici Maurice Beresford, et un chapitre sur les recherches archéologiques sur le village présenté par John Hurst, comme si l’association de ces deux types d’études allait de soi65. Or les deux auteurs traitent de sujets radicalement différents puisque l’un, à l’aide des sources écrites, s’efforce de mesurer et de comprendre un événement de la vie rurale anglaise qui ressortit essentiellement à l’histoire économique ; et l’autre auteur décrit le village médiéval à partir des informations procurées par les fouilles, sans se soucier des désertions. On regrette un peu que l’historien n’ait pas ensuite repris la parole pour dire ce que l’histoire avait gagné, en connaissance, en intelligence des faits, à l’entreprise archéologique.
33De nombreuses études ont exploré le mouvement des désertions dans l’Europe de la fin du Moyen Âge. Elles ont tenté d’en mesurer l’importance, considérable partout, sauf en France et en Italie du Nord et du Centre, où l’érosion des habitats semble avoir été plus limitée ; ou les historiens plus prudents ? Elles ont cherché à dater les désertions, généralement attribuées aux mauvais siècles, aux siècles de la peste et de la guerre, le XIVe siècle dans sa deuxième moitié, et le XVe dans sa totalité. Surtout, elles se sont efforcées de rendre compte du phénomène dont on a rendu responsables les dévastations des hommes de guerre66, la détérioration du climat67, l’augmentation du prix de la laine suivie de la conversion des emblavures en pacages68, ou – la plus convaincante de ces théories – la crise agraire résultant de l’effondrement démographique69. En fait, le mouvement des désertions apparaît essentiellement complexe et multiforme70. Il atteint davantage les pays à densité de peuplement médiocre ou faible. Ses causes sont assez variées et n’ont joué que de façon indirecte : qu’il s’agisse des mouvements des prix, hausse des cours de la laine et stagnation ou chute relative des prix du blé, ou qu’il s’agisse des fléaux, guerre et surtout peste, responsables de la dépression démographique, ces crises sont sélectives en quelque sorte. Elles n’atteignent que des habitats déjà affaiblis, souvent de fondation récente et presque toujours de faibles dimensions71. C’est là un fait auquel l’archéologie doit prêter attention : le village livré à la fouille par la désertion – s’il ne s’agit pas d’un simple déplacement – risque de n’être qu’un témoin un peu exceptionnel, un reflet un peu déformé de l’habitat normal. En matière de niveau de vie, la proportion des pauvres, celle des serfs, peut y être plus élevée que sur d’autres villages : les Anglais l’ont bien remarqué qui trouvent dans les villages désertés un pourcentage très élevé des types de maisons appartenant aux catégories les plus défavorisées de la classe paysanne.
34Les dates de l’intensité maximale du phénomène varient également, selon les pays, en fonction des causes. En Angleterre, la grande phase des enclosures est plus tardive que les Wüstungen allemandes : c’est à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle que s’accomplissent les désertions anglaises. Dans l’Europe orientale et danubienne, la périodisation des désertions marque également un certain décalage avec l’Occident. En Bohême, où on compte 3 000 villages désertés, en Moravie et Silésie, où il y en a près de 1 400, le maximum se situe aux XVe et XVIe siècles72, et en Hongrie, ce sont les invasions turques du XVIe siècle qui sont responsables des destructions – 50 % des habitants – suivies de désertions puis, il est vrai, de reconstructions. Enfin, il faut rappeler que les désertions sont de toutes les époques, et que même les siècles de l’expansion démographique et des défrichements n’ont pas ignoré les abandons de village : l’archéologie allemande et l’histoire française en ont relevé d’assez nombreux aux XIIe et XIIIe siècles.
35Il fallait insister sur ces faits parce que partout, les recherches archéologiques sur le village sont ou ont été, comme en Angleterre, associées aux enquêtes sur les désertions rurales et dépendantes d’elles. L’entreprise archéologique est apparue souvent comme complémentaire de la recherche historique. On en attendait des informations sur la date et les causes de la mort des villages, et elle les a parfois procurées. Elle a mis en lumière des désertions qui avaient échappé à l’historien, ainsi pour ces abandons des XIIe et XIIIe siècles que l’historiographie allemande, trop attachée aux Wüstungen des siècles suivants, avait tendance à négliger73. Elle a d’ailleurs corrigé la date assignée par l’histoire à l’abandon d’un site et du même coup elle a obligé à chercher d’autres causes à l’origine de la désertion. Ainsi pour Montaigut, castrum languedocien dont l’histoire et la tradition s’accordaient pour dater la disparition de la croisade des Albigeois. En 1211, Simon de Montfort s’empare de Montaigut, mais après son départ les habitants obligent la garnison à se rendre. En 1212 le castrum est livré sans résistance aux croisés ; enfin en 1229 Montaigut figure au nombre des villes et châteaux dont le traité de Paris exige le démantèlement. Cependant, au-dessus des vestiges des bâtiments détruits ou incendiés au début du XIIIe siècle, la fouille a noté les traces d’un niveau d’habitat permanent qui représente le dernier état du site. Montaigut a donc survécu, quoique diminué, après avoir perdu sa fonction militaire. Sa désertion définitive ne date que du XIVe siècle et il faut sans doute l’attribuer à la concurrence d’un habitat neuf, la bastide de Lisle-sur-Tarn établie sur le même terroir, mais dans une île du fleuve, dans un site non moins bien défendu et plus propice aux activités commerciales74.
36Mais on s’est aussi aperçu que « les fouilles ont, en fin de compte moins documenté sur la mort des villages que sur leur vie, avant l’abandon »75. Les sites, par la succession de leurs niveaux, restituent l’histoire des villages. Celle-ci est en général assez mal éclairée par les documents. Ainsi dans le cas d’un castrum, il est assez difficile dans les sources écrites de distinguer ce qui le concerne de ce qui touche le château. L’habitat est rarement mentionné. Montaigut figure dès le XIe siècle dans les textes, mais c’est du château et du fief qu’il est question pendant deux siècles : ce n’est ici qu’à l’occasion de la croisade des Albigeois qu’apparaît enfin le village et ses habitants. À Condorcet, site d’un village perché des Baronnies, si le château, propriété de Cluny au Xe siècle, si le fief et la famille seigneuriales sont fréquemment mentionnés, le village n’est, lui, cité que deux fois pendant tout le Moyen Âge, en 1291 et 1304, à propos de droits de pacage76. Pour ces modestes localités que sont les villages, même dans les pays relativement riches en documents d’archives, demeurent plongés dans l’ombre non seulement les origines et la conclusion, mais aussi tout le développement intermédiaire.
37À travers les sources archéologiques, l’histoire du village apparaît comme complexe. Il est rare qu’elle soit rythmée par des mutations brusques intéressant la totalité du site. À Montaigut, la deuxième phase qui se termine par les destructions généralisées contemporaines de la guerre des Albigeois succède elle-même à un nivellement étendu du site : de grands travaux de terrassement ont, au XIIe siècle, fait d’une hauteur au relief tourmenté occupée en partie par un château sur motte, ceint d’un fossé ovale, le plateau régulier qu’on peut voir encore aujourd’hui. Ailleurs, à Condorcet, on a affaire à une construction permanente – bâtiments agrandis, modifiés, reconstruits – accompagnée de terrassements qui, petit à petit, transforment le site et modèlent le plan final de l’agglomération. Les déplacements de sites surtout, sont fréquents, et le village provençal de Rougiers, dont le site primitif a fait l’objet des fouilles dirigées par Gabrielle Démians d’Archimbaud en offre un bon exemple : depuis le site perché, Rougiers-Saint-Jean, établi dès la fin du XIIe siècle, le village glisse lentement vers la plaine, au profit d’un premier village au pied de la pente, le Vieux Rougiers, qui apparaît au XIIIe siècle, puis d’un village de plaine, l’actuel Rougiers, qui date des alentours de 1425. Mais la fouille a aussi établi qu’au XIVe siècle, à la faveur sans doute de troubles et de guerres, le site perché avait retrouvé une partie de son ancienne prospérité et de son ancienne densité77.
38À Saint-Jean-le-Froid, habitat établi sur les hauteurs du Lévezou, au sommet du Rouergue et à près de 1000 mètres d’altitude, les fouilles ont mis en évidence une histoire qui est celle d’un lent dépérissement. Après un prélude qui a laissé peu de vestiges – essentiellement des tombes tectiformes autour, sans doute, d’un lieu de culte – une première phase correspond à l’installation d’un prieuré de Moissac, à la fin du XIe siècle. Une église romane à trois nefs est construite, flanquée de bâtiments du prieuré ; des fours de bronzier fonctionnent auprès des édifices religieux, et divers bâtiments d’habitation et d’exploitation, un puits, des canalisations en pierres, complètent la physionomie de ce petit village établi sur une route de pèlerinage et de transhumance. L’extension du prieuré amène un aménagement partiel du site, avec la destruction des fours de bronzier. Une transformation plus importante intervient dans la phase suivante, qui est marqué par l’abandon de Saint-Jean-le-Froid par Moissac, vers 1282. La façade de l’église est reconstruite en retrait sur la précédente. En même temps les bâtiments du prieuré sont reconstruits sur un plan plus modeste. Mais le village subsiste. Au contraire, au cours du XIVe siècle, le site est abandonné par les habitations. C’est pourtant le moment où l’on construit un rempart de terre qui donne au site le caractère d’un refuge. L’église demeure cependant, mais on la reconstruit à nouveau : réduite de moitié, elle n’est plus guère qu’une chapelle78. Ainsi, le bâtiment religieux a suivi d’assez près le destin du village : ses avatars reflètent le déclin de l’habitat. Aujourd’hui, où le village est réduit à une seule habitation, l’église, dans son dernier état, achève de s’écrouler. Cet exemple devrait inciter les historiens à s’intéresser de plus près aux églises rurales qui sont peut-être d’assez bons baromètres de l’histoire des habitats. Il est vrai que nombre d’églises isolées témoignent que l’édifice sacré survit souvent au village. Il reste que l’église rurale, par la date de sa construction, par ses réfections, ses reconstructions, constitue, comme on l’a écrit un précieux « document de pierre »79.
39Si l’archéologie du village peut utilement combler les lacunes de l’information écrite, elle est payée de retour. Dans la recherche des sites et donc dans l’élaboration de ses programmes, elle n’est plus pour les siècles du bas Moyen Âge livrée au hasard ni tributaire des trouvailles fortuites. Elle trouve dans les documents de nombreuses traces des habitats disparus, comme elle trouve souvent dans le paysage les cicatrices que leur destruction a laissées80. Les textes, généralement des documents fiscaux comme les recensements ou les terriers, compoix ou cadastres, ou les comptes domaniaux, ou les documents ecclésiastiques, comme les listes de bénéfices ou les visites diocésaines, mentionnent l’habitat disparu, en donnent une localisation approchée. Il arrive, dans les meilleurs cas, qu’un document iconographique représente le village : ainsi le village fortifié d’Essertines dans le Forez, déjà documenté par plusieurs terriers, est figuré avec ses remparts, son église, son château et ses maisons sur un dessin de l’Armorial de Revel au milieu du XVe siècle, à la veille de son abandon81. C’est évidemment une rencontre exceptionnelle. Il n’est pas rare en revanche que les cartes aient enregistré le souvenir d’un village disparu : le nom des anciennes localités s’est souvent conservé dans la toponymie contemporaine. À défaut, un nom de lieu significatif permettra de localiser le site en évoquant des bâtiments ou des ruines. La parcelle correspondant à l’emplacement de l’ancien village de Saint-Jean-le-Froid porte sur le plan cadastral le nom de « la Ville ». Et sur le site de Konigshagen, village déserté et détruit au XIVe siècle, une terre entourée d’un fossé était appelée « An der alten Kirche » : la fouille y a trouvé, de fait, les vestiges de l’église82.
40Sur le terrain, les traces de villages désertés se signalent de diverses façons. En Angleterre, l’herbe des pacages à moutons a fossilisé les sites et les éclairages rasants du soir ou de l’aube révèlent les micro-reliefs laissés par les structures incomplètement arasées. Ainsi, la photographie aérienne peut-elle enregistrer les rues du village, les enclos où s’élevaient les maisons et jusqu’aux ridges and furrows des anciens labours : elle restitue ainsi, avant la fouille, le plan du village et celui du terroir83. Hors d’Angleterre, ces conditions sont rarement rencontrées. À Königshagen, village construit de bois et de torchis, la topographie du terrain n’était pas d’interprétation aisée : ici, c’est le ramassage systématique des tessons de poterie et des fragments de charbon de bois et de torchis brûlé qui a permis, en cartographiant les trouvailles, de localiser les emplacements des anciennes fermes. En France, la plupart des sites fouillés correspondent à des villages de pierre. Cela s’explique sans doute par l’importance des vestiges que laissent de tels habitats : assez rarement des pans de murs encore en place, qu’on a pourtant rencontrés à Rougiers et à Essertines ; plus souvent ces amas de pierres informes que laissent après leur écroulement les constructions de pierres non maçonnées. Notés à Dracy, à Saint-Victor-de-Massiac, à Saint-Germain-des-Buis, ces mêmes amas de pierres caractérisent aussi le site sicilien de Brucato84.
41On admettra que les villages désertés méritaient de fixer les recherches archéologiques sur la vie rurale. En dehors même de l’intérêt qu’ils présentent pour l’étude des désertions rurales, ils offrent seuls à l’archéologue des conditions pleinement satisfaisantes : possibilité d’explorer un site entier, conservation meilleure des niveaux médiévaux, moins atteints qu’ailleurs par les aménagements récents, et bien sûr, s’agissant de sites déserts, souvent incultes et abandonnés aux friches, réticences moins vives des propriétaires. Les sites désertés offrent les meilleures chances de saisir la civilisation rurale dans sa totalité, fossilisée, figée à l’heure de la mort du village.
Le village du bas Moyen Âge
42Il peut paraître excessif de distinguer aussi nettement qu’on le fait ici le village du bas Moyen Âge de celui du haut Moyen Âge. Pourtant la césure est marquée dans ces archives de la terre que nous restitue la stratigraphie ; elle s’exprime aussi dans le plan des agglomérations comme dans les matériaux et le mode de construction des habitations.
43Assez régulièrement, c’est en vain que, sous les vestiges du village des XIIIe-XIVe-XVe siècles, la fouille cherche les traces de l’habitat antérieur. Rougiers figure dans les documents provençaux dès le XIe siècle, et sans doute le village est-il antérieur à la plus ancienne mention connue, mais l’habitat fouillé par Gabrielle Démians d’Archimbaud ne remonte pas au-delà des années 1180 : où est le tout premier Rougiers85 ? Dracy est attesté par un document de 1285 et le village que mettent au jour les fouilles de l’École Pratique des Hautes Études (aujourd’hui E.H.E.S.S.) date en effet de la seconde moitié du XIIIe siècle et du XIVe siècle86 ; mais les recherches ont mis en évidence les preuves de l’existence d’un habitat antérieur, attesté par une céramique différente de celle qui caractérise l’occupation des XIIIe-XIVe siècles, associée d’ailleurs à des monnaies des XIe et XIIe siècles. Pourtant la fouille, qui a jusqu’à présent retrouvé les vestiges de douze habitations de la fin du Moyen Âge, n’a pas encore reconnu de façon certaine l’emplacement du village antérieur. À ces incertitudes, à ces interrogations, rien de surprenant s’il est vrai qu’en Occident, au moins, le village peut changer son plan, modifier ses modes de construction, et pour ce faire, souvent se déplacer, à la fin du XIIe siècle ou au cours du XIIIe siècle87. C’est ce que montrent aussi les recherches anglaises. À Wawne (Yorks. E. R.), site dégagé sur sa totalité par les engins mécaniques, le village des XIIe et XIIIe siècles dissémine au hasard ses maisons de bois et de torchis ; celui des XIVe et XVe siècles aligne ses maisons de bois, mais à soubassement de galets et à toiture de tuiles, le long d’une rue unique ; celui du XVIe siècle enfin n’est plus fait que des bâtiments épars de fermes construites en briques88.
44La morphologie du village, à la lumière des recherches archéologiques, apparaît comme essentiellement mouvante. La maison, tout d’abord, est l’objet de fréquentes reconstructions. Dans un certain secteur du site maintenant célèbre de Wharram Percy dans le Yorkshire, M. Beresford et J. Hurst ont trouvé neuf édifices superposés dont les dates s’échelonnent entre la fin du XIIe siècle et 150089. Pour nombre de villages, les archéologues anglais arrivent à la conviction que l’habitation était reconstruite à chaque génération. Et non seulement elle était reconstruite, à chaque fois, sur de nouvelles fondations, mais il arrivait aussi qu’elle modifiât légèrement son emplacement et son axe, comme aussi ses dimensions et ses matériaux. Les fouilles françaises qui, il est vrai n’ont jusqu’à présent exploré que des villages construits en pierre90, attesteraient plutôt la longévité de l’habitation paysanne, mais il s’agit donc de la maison de pierre. D’ailleurs, si elle ne modifie pas ses assises, la maison de pierre n’en reste pas pour autant immuable. À Dracy, un bâtiment dont la durée de vie s’étend entre le début du XIVe et 1360 environ comporte deux pièces ; il est ensuite divisé en deux habitations qui font au total quatre pièces avant d’être rendu à sa destination première qui était d’abriter une seule famille. À Condorcet, les bâtiments sont sans cesse modifiés par des ajouts ou des reconstructions partielles. C’est aussi le cas de Rougiers ; tel îlot ou quartier du village qui, au XIIIe siècle, compte une seule maison, voit, au XIVe siècle, des constructions, gagnées sur les cours, porter à trois le nombre des habitations séparées, qui retombe à deux au XVe siècle, du fait de l’abandon d’une des maisons.
45La mobilité de l’habitation se répercute nécessairement sur le plan du village, d’autant qu’elle atteint aussi la parcelle bâtie. En pays d’habitat groupé et hors peut-être des castra où la densité des constructions ne laisse place qu’à des ruelles ou d’étroites cours, le village est moins constitué de bâtiments que des enclos où s’élèvent les constructions. Ces enclos, les toft anglais, le « meix » bourguignon, la « masure » française ne sont pas toujours bâtis, d’ailleurs : à la fin du Moyen Âge, ils ne portent souvent que des ruines et sont alors dans les documents français souvent désignés du nom de « plâtres » ou platea, ailleurs de « chazeaux ». Mais l’enclos, souvent base d’imposition, a plus de rigidité et de fixité que les bâtiments : c’est lui qui impose au plan du village une certaine permanence91. Permanence relative, puisque la parcelle bâtie se modifie elle aussi, même si ses transformations sont plus lentes. Ainsi à Wharram Percy, deux enclos portant chacun une maison sont au XIVe siècle remplacés par un seul toft et une seule habitation. À Hangledon, une seule ferme et un seul enclos remplacent au XIVe siècle quatre parcelles correspondant à quatre maisons paysannes92.
46Les pays d’Europe centrale montrent également de profondes modifications dans la structure du village au bas Moyen Âge. Un peu plus tôt ici, un peu plus tard là, le déplacement de l’habitat à l’intérieur du terroir s’accompagne d’une transformation de la morphologie du village. En Tchécoslovaquie, les villages des Xe, XIe, XIIe siècles ne présentent guère que des habitations excavées, distribuées sans ordre (Krasovice, niveaux anciens de Mstenice, sites de Slovaquie). Du XIIIe au XVe siècle, les villages offrent au contraire un plan régulier, rigoureux même à Pfafflenschlag où les maisons s’alignent suivant le même axe à intervalles réguliers93. De même en Hongrie : le village de l’époque arpadienne disperse ses habitations sur un vaste espace ; le village du XIVe ou du XVIe siècle est plus compact sur un territoire plus restreint, et plus ordonné dans un plan plus ferme94. Il adopte souvent une forme allongée, étirant ses constructions de part et d’autre d’un étang ou d’un cours d’eau. L’église occupe une position centrale, dégagée, et à Nyarsapat, elle fait face, de l’autre côté de la rivière, franchie à cet endroit par un pont, à la maison seigneuriale. Les maisons distantes de 20 mètres à Nyarsapat, de 40 à 60 mètres à Moric, ont, au XVe siècle, un axe perpendiculaire à celui de la rue ; au XVIe siècle, elles s’aligneront parallèlement à l’axe du village95. S’il s’avère que ces transformations de la morphologie du village sont fréquentes et qu’elles peuvent être généralisées, il faudra sans doute abandonner certains postulats communs aux géographes et aux historiens : le plan ne révèle pas nécessairement les origines du village et ne permet pas toujours de les situer dans le temps. Les villeneuves des XIe-XIIe siècles sont souvent des villages-rues ; les bastides des XIIe-XIIIe siècles montrent souvent des plans orthogonaux. Pour autant tous les villages-rues ne sont pas des villeneuves et tous les bourgs au plan régulier n’ont pas pour origine une fondation des XIIe-XIIIe siècles. On peut dater le plan, non le village.
47Comment rendre compte de ces transformations ? L’adoption d’un plan régulier n’est pas nécessairement en relation avec la construction de fortifications96. Les fortifications de villages sont en somme assez rares, ou peut-être apparaissent-elles assez rares parce qu’on ne les a pas conservées, hors des régions méditerranéennes ? L’archéologie a sans doute ici son rôle à jouer. Mais à Saint-Jean-le-Froid, la fouille a montré que les fortifications, d’ailleurs sommaires et faites de terre, correspondaient à l’abandon du site primitif, devenu ainsi simple refuge97. En fait, John Hurst a sans doute raison d’insister sur le rôle qu’ont pu jouer les landlords dans la reconstruction du village98. Ce n’est sans doute pas un hasard si les villeneuves et les bastides ont des plans réguliers : elles doivent leur existence à un projet seigneurial. L’intervention seigneuriale a pu présider aussi à la reconstruction des vieux villages que leurs constructions légères, en bois, leurs couvertures de paille ou de roseaux, exposaient à de fréquents incendies.
48Les transformations du plan ne sont qu’un aspect de cette métamorphose qui rend le village du bas Moyen Âge si éloigné de celui de temps plus anciens. Dans les villages de Bohême ou de Slovaquie, les plans plus fermes qui apparaissent au XIIIe siècle s’accompagnent de l’abandon de l’habitation excavée et de l’apparition de la pierre, soit la construction entière, soit, plus souvent, en soubassement de bâtiments en bois. En Allemagne aussi, assez souvent, à Hohenrode en tout cas, le solin de pierre fait son apparition au XIIIe siècle, en même temps qu’on abandonne définitivement l’habitation excavée. En France, faut-il aussi penser à des modifications dans le choix du matériau puisque les villages de pierres que les fouilles mettent au jour ne sont pas, en règle générale, antérieurs au XIIIe siècle, en tout cas au XIIe siècle ? Pour l’Angleterre, la synthèse réalisée par John Hurst fait bien le point en ce qui concerne l’évolution des matériaux de construction99. Évolution complexe qui, du XIIe au XIVe siècle, passe du bois à la pierre pour revenir au bois. Jusqu’à la fin du XIIe siècle, la pierre est très rare dans les constructions paysannes même dans les régions où ce matériau abonde, parfois sous forme de pierres de surface. En revanche, à partir de la fin du XIIe siècle, la pierre tend à remplacer le bois même dans les régions argileuses pauvres en pierres de construction : là, on construit au moins des soubassements de pierre. À la fin du Moyen Âge, aux XIVe et XVe siècles, on revient à la construction en bois, en conservant cependant les solins de pierre sur lesquels repose l’ossature de l’édifice. Pour expliquer l’abandon de la construction de bois, aux XIIe-XIIIe siècles, on peut sans doute invoquer, comme le fait John Hurst, le recul de la forêt sérieusement atteinte par les défrichements, les restrictions imposées par l’autorité à l’abattage des arbres. Il est plus malaisé de rendre compte du retour à la construction en bois du XIVe siècle, car avec l’extension des friches et le retrait des cultures après 1348, ce n’est pas la futaie qui reconquiert le paysage, mais la broussaille. Faut-il invoquer un appauvrissement des ressources du paysan joint à des progrès techniques dans la construction de bois, devenue moins exigeante en poutres et en troncs de chêne100 ? La brique, si fréquente aujourd’hui dans le paysage de l’Angleterre villageoise, n’apparaît pas au Moyen Âge dans les constructions rurales : si elle est introduite en Angleterre dès le XIIe siècle, il n’y a pas de preuve qu’elle ait été utilisée avant le temps des Tudor101. Et c’est là un point sur lequel on peut insister : les campagnes anglaises semblent avoir connu entre 1570 et 1640 une phase de reconstruction à peu près générale, qui a fait disparaître la plupart des témoins de l’habitation paysanne médiévale. On voit le danger qu’il y a à s’appuyer, comme on l’a fait, sur le témoignage offert par les constructions les plus anciennes des localités actuelles pour restituer le paysage villageois du Moyen Âge. Le danger serait le même hors d’Angleterre, en France par exemple, si même la France n’a pas connu de campagnes de construction aussi étendues – et ce n’est pas sûr : le nombre des vestiges du XVIe siècle est impressionnant – si même on peut trouver dans les villages français des bâtiments médiévaux – en fait, encore une fois, souvent du XVIe siècle, car la construction villageoise adopte avec un sérieux décalage chronologique les techniques et les décors de l’architecture urbaine et noble – peut-on supposer que ces bâtiments ont traversé les siècles sans subir des transformations radicales ? En réalité, l’historien quand il cherche à visualiser le village médiéval hésite entre deux attitudes extrêmes aussi peu fondées l’une que l’autre ; celle qui consiste à faire de la maison paysanne une cabane ou une hutte, celle qui attribue à l’habitation paysanne l’architecture de la grange dîmière. Cette attitude a été celle d’Enlart, et elle a fait autorité en France102.
49En fait, devant les lacunes de la documentation écrite, peu soucieuse de précision technique en cette matière, devant l’insuffisance de l’iconographie, trop stéréotypée, trop retenue par le château, la maison noble, l’intérieur aisé, pour s’intéresser à la demeure paysanne, on ne peut guère fonder une information sûre que sur l’archéologie. Les fouilles françaises, bien que peu nombreuses encore, montrent déjà tout ce qu’on peut attendre de l’archéologie quand il s’agit de restituer la maison paysanne au Moyen Âge, avec ses modes de construction, ses aménagements, sa distribution. Elles permettent des reconstitutions précises et d’une totale authenticité. À Rougiers, à Condorcet, à Dracy, aux Fosses-Saint-Ursin, la maison villageoise est une vraie maison, construite dans un matériau solide, la pierre ; elle compte souvent plusieurs pièces, elle est faite pour qu’on y vive et qu’on y travaille et elle est faite pour durer.
50À Rougiers et à Condorcet, sites méridionaux, les murs sont bâtis au mortier ; partout ailleurs, il s’agit de constructions non maçonnées où les pierres sont simplement liées à l’argile. Il y a peut-être là un indice de plus de l’opposition entre les civilisations matérielles du midi méditerranéen et celles de l’Europe du Nord-Ouest ? Le type de construction non maçonnée est en effet général dans l’Europe du Nord, partout où la pierre joue un rôle dans l’édifice : pour les archéologues anglais, la présence du mortier est signe qu’on a affaire à des bâtiments ecclésiastiques ou aristocratiques. La pierre sèche est d’ailleurs exclue, également : elle n’apparaît que pour les murs de clôture, ou à la rigueur pour des bâtiments annexes. Ces constructions non maçonnées présentent encore un certain nombre de caractéristiques communes qu’on retrouve partout : l’épaisseur des murs varie entre 70 et 100 cm pour les murs principaux, entre 50 et 70 cm pour les murs de refend ; les fondations enterrées sont l’exception et en général le bâtiment est construit directement sur le sol, mais on cherche souvent à l’asseoir sur le roc de surface. Les couvertures varient suivant les régions, tuiles à Rougiers, tuiles encore, mais aussi chaume ou roseau à Saint-Victor-de-Massiac103. On notera cependant qu’à Dracy, ces murs sans mortier et sans fondations véritables ont été assez solides pour soutenir, avec 5 mètres d’élévation, une toiture en pierres. Ces « laves » qui ne tiennent que par leur propre poids constituent la couverture la plus lourde qu’on puisse imaginer.
51Partout les sols sont en argile damée, ou encore comme à Rougiers, à Saint-Jean-le-Froid, ou aux Fosses-Saint-Ursin104, le roc sert de sol intérieur sans aucun apprêt, avec ses irrégularités et ses dénivellations. Sur ces sols, même quand ils sont en terre battue, il ne se forme pas ces épaisses couches d’occupation qu’on rencontre dans les habitats excavés du haut Moyen Âge. L’intérieur de l’habitation paysanne de la fin du Moyen Âge est sans doute maintenu propre par de fréquents nettoyages et les déchets sont rejetés à l’extérieur, fréquemment en des endroits précis, fosses, maisons abandonnées, comme à Rougiers, étroits couloirs laissés entre les maisons, comme à Dracy, et ces dépotoirs sont naturellement une aubaine et une mine d’informations pour l’archéologue.
52À Rougiers et à Dracy, on peut affirmer que les maisons avaient un étage, à Rougiers parce que les murs sont conservés jusqu’à une assez grande hauteur, à Dracy parce que la fouille a retrouvé le sol de l’étage, fait d’une argile étendue sur un plancher, effondré au-dessus des vestiges de la pièce inférieure105. Ailleurs, les vestiges sont trop arasés pour qu’on puisse observer les ouvertures autres que les portes, mais à Dracy, on n’a pas noté de fenêtres, et à Rougiers, où les rez-de-chaussée sont aveugles, les pièces de l’étage ne montrent que des fenêtres extrêmement étroites, à peine plus ouvertes que des archères106 Des placards de pierre ménagés dans l’épaisseur des murs, trouvés à Dracy comme à Rougiers, et surtout les foyers ouverts achèvent de préciser l’image de ces maisons paysannes, toujours massives, obscures et donc probablement enfumées. Des cheminées pouvaient exister au village : les textes le prouvent parfois, et aussi le site de Dracy, où l’on compte au moins une cheminée de pierre. Mais sauf dans les régions méditerranéennes où, comme à Rougiers, le foyer peut être extérieur à la maison, la règle générale, en Allemagne, en Angleterre, comme en France, c’est le foyer ouvert, fait de dalles, d’un hérisson de pierres ou plus simplement de l’argile même du sol.
53Le hasard, ou plutôt l’importance relative des vestiges laissés par les maisons de pierre, ont orienté les recherches françaises vers ce type de construction. Il est évident que l’habitation paysanne, à la fin du Moyen Âge, fait appel à d’autres matériaux, en France même, très certainement, en tout cas en Allemagne, en Angleterre, en Europe centrale. En Allemagne, deux sites maintenant célèbres, et voisins puisque situés l’un et l’autre au sud du Harz, ont livré des maisons de type différent pour la même époque : XIIe-XIVe siècles. À Hohenrode, des murs de torchis ou de pisé s’élevaient sur des soubassements de schiste, au tracé parfois arrondi quand les pierres étaient de petites dimensions107. Comme il arrive très souvent, c’est le site de l’habitat lui-même qui a fourni la pierre. À Königshagen, les maisons du village proprement dit, hors de l’enceinte, n’ont laissé comme vestiges que des trous de poteaux, des traces brunes sur le sol, notamment à l’emplacement des seuils, et des fragments de torchis où restent imprimés les dessins du clayonnage ; il s’agit donc de constructions assez proches des grandes maisons du village du haut Moyen Âge108. On y retrouve même la rangée de piliers centraux soutenant le faîtage d’un toit à double pente. Pourtant, entre Königshagen et Hohenrode, les similitudes l’emportent peut-être sur les différences : l’habitation est, sur les deux sites, divisée en deux pièces, une assez grande qui comporte le foyer et qui est sans doute une cuisine, l’autre plus petite qui correspond à la chambre. Paul Grimm, le fouilleur de Hohenrode, a vu à la suite de Phelps, dans ce plan, une étape dans l’évolution de la maison paysanne qui conduit à la demeure traditionnelle où une petite cuisine est juxtaposée à une grande chambre chauffée par un fourneau109.
54Pour l’Angleterre médiévale, les plans permettent également de réduire l’apparente multiplicité des types de constructions rurales à trois modèles110. Il n’est pas sûr qu’on puisse parvenir ailleurs à une telle simplicité de définitions : en France, le cloisonnement régional s’y opposera à peu près sûrement, autant d’ailleurs que la diversité sociale, sans doute plus affirmée qu’en Angleterre. Des trois types de plans mis en évidence par les archéologues anglais, un l’emporte de beaucoup par sa fréquence : c’est celui de la long house. Celle-ci ne se définit pas seulement par son plan allongé, mais par le fait qu’elle abrite bêtes et gens sous un même toit. De part et d’autre d’un passage déterminé par deux portes se faisant face sur les côtés longs, la maison longue comporte, d’un côté l’étable ou la grange, de l’autre l’habitation, généralement composée d’une cuisine et d’une chambre. La maison longue a connu dans l’Angleterre médiévale une très large extension : les fouilles l’ont repérée non seulement dans les pays celtiques et dans les régions élevées, mais également dans les basses terres, jusque dans le Sussex et le Dorset. Cependant le village médiéval anglais comptait au moins deux autres types de maisons, l’un plus petit, l’autre plus important : le cottage, habitation d’une seule pièce souvent, sans grange ni étable, et la ferme qui répartit dans une cour ses bâtiments d’exploitation plus grands et plus nombreux et séparés de l’habitation. Les archéologues anglais ont établi sans peine les relations qui existent entre ces types de maisons et les catégories socio-juridiques qui divisaient la classe paysanne. Si la maison longue correspond à la catégorie la plus représentée, celles des villains, tenanciers soumis aux prestations et aux corvées du domaine, le cottage semble être la demeure du manouvrier, pauvre en bétail et en récoltes, et la ferme, celle du yeoman, tenancier libre et aisé.
55La maison longue a disparu depuis le Moyen Âge de la plupart des régions et on peut estimer à quelle date : dans les villages désertés au début du XVIe siècle on ne rencontre guère que des maisons longues ; dans ceux qui ont été abandonnés à la fin du XVIe siècle, on ne rencontre que des fermes. La maison longue cependant a survécu à quelques exemplaires dans les hautes terres de l’Ouest. Ce pourquoi on en a fait la demeure caractéristique des régions celtiques111 : autre exemple des erreurs que l’historien peut commettre s’il s’en tient aux seuls témoins conservés. C’est une méthode à laquelle il faut délibérément renoncer. Ainsi, la maison traditionnelle du vigneron dans les villages proches du site archéologique de Dracy fait appel aux mêmes matériaux que celle du village médiéval : moellons calcaires et « laves » de couverture ; mais son plan qui superpose les pièces d’habitation à un cellier voûté l’éloigne de la maison médiévale, où cuisine et cellier étaient juxtaposés, comme l’en éloignent aussi le recours au mortier, à la pierre de taille pour les linteaux, et ses larges ouvertures et sa cheminée112.
La civilisation du village
56La construction ne constitue qu’un aspect de la civilisation matérielle du village ; un aspect sans doute important et révélateur, qui témoigne certainement du niveau technique comme du niveau social ; mais on ne saurait se satisfaire d’un témoignage, malgré tout partiel et tronqué. L’habitation elle-même n’est pas entièrement définie par ses murs, son toit, son sol ; il faut pour en donner une image complète lui restituer son équipement : les meubles, les ustensiles.
57Mais la construction laisse des vestiges généralement importants et éloquents, en tout cas, immédiatement préhensibles et intelligibles. Il n’en va pas de même du mobilier archéologique, de ces trouvailles menues, disparates, mobiles, qui sont les témoins fragiles de tous les autres aspects de la civilisation matérielle du village. Pour cette raison peut-être, l’étude du mobilier reste le point faible de nos études. Le matériel est souvent amplement publié, le matériel céramique notamment, dont chaque publication de fouille restitue en grand détail les pâtes, les formes et les décors ; mais il semble qu’on continue ici trop souvent la tradition de l’archéologie affamée d’objets et pourvoyeuse de musée. Fréquemment, le matériel, dont la présentation est rejetée à la fin, semble étudié pour lui-même, non pour ses implications en matière de niveau de civilisation ; et il est étudié isolément, matériel métallique après matériel céramique, objet par objet, et non par ensembles : il est bien rare qu’on le restitue dans les structures archéologiques, pièces ou habitations, ou secteurs, ou encore niveaux chronologiques, plus rare encore qu’on aborde les ensembles constitués par l’équipement domestique, ou les ustensiles de cuisine, ou l’outillage agricole, etc. Au mieux, l’objet est replacé dans une typologie dont la finalité est la datation des structures mises au jour. Il est certain que le matériel mobilier donne à l’archéologie ses véritables dimensions, qu’il contraint l’archéologue à forger ses méthodes, voire à élaborer ses concepts : c’est vrai de tous les domaines de l’archéologie113. L’exploitation du mobilier passe par des opérations matérielles minutieuses, longues, patientes – localisation, nettoyage, inventaire, restauration, analyses – et passe aussi par un certain nombre d’opérations intellectuelles : comment interroger ce matériel et quelle valeur accorder aux réponses ? Quelles questions poser aux analyses physico-chimiques, surtout quelles questions poser aux analyses statistiques ? Il se pose d’abord le problème de la valeur des sources archéologiques : sources involontaires sans doute, et à ce titre sincères et authentiques, mais sélection par le hasard : dans quelle mesure l’inventaire archéologique d’une habitation est-il, par exemple, représentatif de l’inventaire de l’équipement domestique ? Les documents écrits, quand ils existent, et qu’ils sont assez explicites, soulignent parfois les lacunes de l’inventaire archéologique qu’ils permettent alors de combler. Il faut insister sur le fait que l’archéologue médiéviste n’est pas aussi dépourvu que son collègue préhistorien. Les sources écrites sont là pour le guider : plus qu’une commodité, c’est un devoir pour lui de les consulter. Les documents écrits peuvent, dans certains cas, contrôler les sources archéologiques ; ainsi l’inventaire après-décès, ou après confiscation peut aider à vérifier la valeur de l’inventaire domestique que, pour les mêmes temps et un même lieu, l’archéologie peut dresser à partir des trouvailles de la fouille. Le contrôle est d’ailleurs réciproque car l’inventaire écrit est faussé lui aussi, et lui aussi lacunaire ; l’intérêt des héritiers parfois incite à la dissimulation114. Les sources archéologiques qui autorisent ces vérifications ne sont pas plus mauvaises que d’autres. Elles doivent être soumises à la critique comme toutes les sources auxquelles puise l’histoire médiévale : on n’a pas le droit de les écarter ou de les négliger.
58Les couches d’occupation, les niveaux de l’habitation paysanne médiévale ne livrent en général qu’un matériel assez pauvre où se rencontrent toujours les mêmes objets, le matériel méprisé, les objets petits et plats qui s’enterrent facilement : tessons de poterie, clous, couteaux, fers à cheval, etc.115. De ce matériel, on peut pourtant tirer un certain nombre d’informations : elles concernent la destination des structures, pièces d’habitation, étables, ateliers… ou encore l’histoire et la chronologie de l’occupation d’un site. Il y a, en outre, deux types de structures qui ne sont pas si rares sur les sites villageois et qui viennent enrichir considérablement l’inventaire archéologique : il s’agit des dépotoirs et des couches d’incendie. La publication des fouilles de Rougiers montre l’extraordinaire diversité des trouvailles que Gabrielle Démians d’Archimbaud a pu faire dans la citerne ou les maisons transformées en dépotoirs et l’abondance des informations qu’a procurées ce matériel sur les modes de vie et les activités des habitants de Rougiers. La couche d’incendie de la maison des Varmes, dans le Berry, a livré un nombre si exceptionnel de récipients en terre cuite (14 pichets, 12 gobelets, une tasse, 24 pots, une lèchefrite, un poêlon, un plat, 3 gourdes, 3 terrines), qu’on est tenté de voir dans ce modeste bâtiment de torchis, détruit par le feu au XVe siècle, une auberge : la maison était en bordure d’une route116. À Dracy, c’est au contraire l’abondance et la variété du matériel métallique – bien que les récipients de céramique soient loin d’être absents – qui ont rendu précieuse la couche d’incendie de la maison IL L’étude que Françoise Piponnier a faite du matériel et de sa répartition à l’intérieur de la maison, en s’aidant des informations procurées par les sources écrites, en confrontant constamment inventaire archéologique et inventaire écrit, constitue une des toutes premières recherches de ce genre en archéologie médiévale : les résultats intéressent plusieurs chapitres de la civilisation du village et démontrent amplement non l’intérêt, mais la nécessité de la démarche117.
59L’analyse et l’inventaire de la maison II de Dracy soulignent pour la maison paysanne dans la Bourgogne du XIVe siècle le rôle du métal, faible dans la construction (serrurerie mise à part), mais important dans l’outillage agricole (faucilles, serpes, serpettes, lames diverses) et l’équipement domestique (ciseaux, peignes à chanvre, dés à coudre, lampe à huile, pots et coupes…) où, même dans le domaine des récipients, il concurrence la céramique. À travers les sources écrites le rôle de la céramique apparaît beaucoup plus faible encore, au point d’être parfois inexistant : les inventaires après-décès, dans certains cas, n’en font aucune mention.
60À s’y référer, on pourrait croire que le Moyen Âge finissant ne faisait pas usage de la terre cuite. Une archéologie insuffisamment critique à l’égard de ses sources pourrait établir l’inverse : dans certaines publications de fouille, la part accordée à la céramique ferait croire qu’elle constitue tout le mobilier de la maison paysanne. La méthode suivie à Dracy rétablit les faits : la céramique tient une grande place, mais pas toute la place. Même pour les récipients, elle est concurrencée par le métal et sans doute aussi – les fouilles polonaises le prouveraient aisément – par le bois. Simplement, ces matériaux sont plus rarement conservés sur les sites, alors que la faible valeur marchande de la céramique peut provoquer son omission dans les documents : là, sans doute, réside l’explication de la contradiction entre les deux types d’informations118.
61De l’ameublement de la maison paysanne, la fouille retrouve peu de choses : le bois est réduit à quelques fragments, à quelques charbons dans les couches d’incendie ; il a pourri sans laisser de traces dans les couches d’occupation. La situation pourtant n’est pas désespérée : les meubles ont parfois laissé des pièces métalliques qui leur servent de témoins, ou marqué le sol de leur empreinte. Les archéologues anglais ont déduit la présence de coffres des clous, des moraillons et des serrures qui les garnissaient119. Les archéologues hongrois ont pu supposer des meubles, bancs et lits à partir des trous laissés dans le sol par les pieds ou les montants120. Dans la maison brûlée de Dracy, c’est l’absence totale de vestiges autres que les charbons qui a permis de présumer l’existence de certaines parties des pièces, ici de coffres, là de tonneaux, supposition étayée par la présence à proximité de serrures et de clés dans le premier cas, de cruches et de pichets dans le second.
62La consommation, l’alimentation, les usages culinaires sont des composantes essentielles d’une civilisation : le mobilier archéologique les fait entrer – ou permettrait de les faire entrer, si on y accordait plus d’attention – dans la définition de la civilisation du village médiéval. Non sans examen critique car, en archéologie, plus qu’ailleurs, l’argument a silentio est dangereux ; sans l’écarter absolument, il faut au moins le manier avec précaution. Il faut tenir compte, notamment des conditions de conservation. Dans le livre très neuf qu’elle a consacré à la consommation médiévale en Pologne, Maria Dembiska a raison de ne pas conclure à l’absence du hareng et à son remplacement par l’esturgeon dans les menus des habitants de la côte polonaise de la Baltique, sous prétexte que l’archéologue retrouve les vestiges de l’esturgeon et non ceux de hareng : les fines arêtes de ce dernier ont pu disparaître sans laisser de traces121. Les données sur l’alimentation ont en archéologie deux origines : les réserves et les déchets alimentaires. La maison II de Dracy – encore elle, et on la retrouvera encore – a livré des stocks alimentaires que la carbonisation par l’incendie nous a conservés : dans les céréales on y note à côté de l’avoine, de l’orge, du seigle, la part prédominante du froment représenté d’ailleurs par quatre espèces différentes. Cette importance du froment dans l’alimentation paysanne a de quoi surprendre. Plus mal renseignée encore par les documents, la consommation de légumes apparaît aussi, sous forme d’importantes réserves de pois et de quantités moindres de lentilles et de fèves122.
63Les déchets alimentaires sont principalement représentés par les ossements animaux. Mais le traitement des données procurées par les vestiges animaux est tout spécialement délicat. Par définition, on ne retrouve pas de squelettes entiers, en connexion, mais des os isolés à partir desquels il est difficile de retrouver le nombre des animaux ; les poids d’os ne renseignent que très relativement sur le poids de la viande ; une part assez importante des os a pu disparaître, dévorée par les chiens, etc. Pourtant, on peut et on doit se servir des éléments ostéologiques qui, malgré tout, ont beaucoup à nous dire sur la part de la viande dans l’alimentation, et dans la consommation de viande, sur la part de chaque espèce, sur la part respective des produits de l’élevage et de ceux de la chasse. On a parfois dans ce domaine l’occasion de faire des constatations inattendues ; à Saint-Jean-le-Froid, sur ce site du Lévezou, aujourd’hui royaume du mouton, la viande de bœuf (41 %), celle de porc (34 %), l’emportent de beaucoup sur la consommation de viande de moutons ou de chèvre (18 %)123. En Pologne, dans les faubourgs populaires et artisanaux des premières cités fortifiées, l’alimentation ne diffère pas – ou peu – dans sa composition, du moins, de celle des habitats aristocratiques : l’esturgeon et les produits de la chasse y sont largement représentés. Les choses changent assez vite dès le XIe-XIIe siècles, les archéologues polonais y voient une des preuves de la sujétion grandissante des populations, même urbaines, à l’aristocratie.
64Les mêmes vestiges qui informent de l’alimentation renseignent sur l’agriculture, au moins sur ses produits. Les sources archéologiques ont, à cet égard, l’intérêt de faire apparaître des produits qui ne faisaient guère l’objet de redevances et échappent à la documentation écrite, quand elle existe, ce qui, rappelons-le, n’est pas le cas pour le haut Moyen Âge, spécialement dans l’Europe centrale et orientale. Ce sont notamment les légumes, les fruits, souvent aussi les produits de l’élevage. Et les vestiges que retrouve l’archéologue précisent les espèces cultivées ou domestiquées : ainsi à Brebières, l’analyse ostéologique a révélé que certains bœufs et les porcs et moutons appartenaient à des races petites, plus petites que les races actuelles, qui en sont pourtant issues124.
65L’agriculture qui constitue l’activité spécifique du village procure, naturellement, les bases techniques et économiques de la civilisation rurale. Elle devrait, au même titre que l’habitat, requérir toute l’attention de l’archéologue qui s’attache aux sociétés médiévales qui sont, avant tout, des sociétés paysannes. Il n’en est rien, le plus souvent, hors des pays de l’Est européen où l’archéologie a abordé de front les questions économiques, l’analyse, en termes et en concepts marxistes, des fondements économiques du développement des sociétés « féodales »125. Peut-être ici s’est-on risqué trop vite, trop tôt, sur des bases encore trop fragiles, à bâtir des synthèses ou à appuyer des affirmations trop attendues. Mais des retouches, sans aucun doute, seront apportées à ces tableaux hâtivement brossés ; dans ce domaine, mieux vaut la hardiesse, sinon la présomption, qu’une excessive timidité qui est souvent le reflet d’une absence de problématique et d’une insuffisance de théorie.
66Les études des archéologues polonais, tchèques, roumains… ont, en tout cas, l’intérêt de préciser les méthodes, de souligner les structures et les vestiges sur lesquels peut s’appuyer l’archéologie rurale. Outre les produits et les déchets recueillis sur les lieux de consommation, on retiendra par exemple les récipients et les instruments. Les fouilles de village ont fréquemment rencontré des silos creusés dans le sol, sous les habitations parfois, ou à proximité des maisons. On a rencontré de ces silos, en France à Montaigut et à Condorcet, où ils affectent des formes semblables (en bouteille) à des époques variées126. Les silos peuvent être l’occasion d’observations intéressantes, fondées sur l’analyse des grains ou des vestiges polliniques qui s’y sont conservés. Ainsi en Tchécoslovaquie, des analyses effectuées à partir d’éléments fournis par les silos ont montré qu’aux grains étaient mêlés, sur certains sites, des plantes caractéristiques des formations forestières, et ce voisinage prouvait la pratique habituelle de cultures sur brûlis127. Plus risquées probablement, moins sûres de leur méthode, ces estimations hasardées, en Tchécoslovaquie également, sur l’extension des terroirs à partir de la capacité des silos128. L’outillage agricole reflète naturellement les productions : en l’absence de tonneaux, brûlés ou pourris, les serpettes, serpes et couteaux à vendange établissent à Dracy la culture de la vigne, comme les « ferrots » attestent la culture, en tout cas le travail, du chanvre. L’outillage surtout témoigne du niveau des techniques : en Pologne, les recherches archéologiques récentes ont permis de reculer très haut, dans le passé, l’apparition et l’usage de la charrue, jusqu’aux VIe-VIIe siècles129. La date peut paraître excessivement précoce, et ce point peut sans doute faire l’objet de discussions. Il reste que c’est sur la base de tels témoignages qu’on peut étudier les développements de l’agriculture du haut Moyen Âge.
67On n’aura garde, pourtant, d’oublier que les champs eux-mêmes peuvent établir le niveau atteint à une date donnée par les techniques agricoles. Des recherches isolées, d’heureuses rencontres, surtout, aident actuellement à définir une archéologie agraire encore bien peu représentée, bien peu abordée par les spécialistes de l’histoire rurale. Beaucoup plus qu’à la fouille, l’archéologie agraire fait appel à l’observation au sol, à la photographie aérienne, au ramassage de surface systématique. Ses résultats intéressent notamment les types de labours, les travaux de bonification, l’âge des terroirs cultivés, et les anciens parcellaires. Des champs fossilisés – par la conversion en pâturage, comme dans l’Angleterre des enclôtures, par l’inondation marine, comme sur les côtes de la mer du Nord, ou l’inondation fluviale, comme dans les vallées des grands fleuves de l’Europe du Nord – ont conservé la trace des derniers labours dont le dessin et le profil attestent, ici l’emploi de la charrue, là celui de l’araire. Des coupes peuvent parfois révéler des fossés dont une analyse pédologique montrera qu’ils ont procuré des terres fraîches pour renouveler des champs épuisés. Les constructions agraires, comme ces crêtes de terre qui marquent les limites de quartier où se terminent les parcelles, peuvent servir à calculer, à partir de l’importance de leur exhaussement, l’âge du terroir et l’époque où on y fit les premiers labours130. Des ramassages de tessons de céramiques médiévales effectués systématiquement sur tout un terroir peuvent mettre en évidence des champs isolés aux formes et aux dimensions relativement constantes131. Sur l’ancien terroir du village disparu de Bowp, au Danemark, un relèvement minutieux de la microtopographie et des lignes de pierres enterrées sous la surface actuelle a permis de retrouver le tracé des dérayures et le dessin du parcellaire des XIe-XIIe siècles132.
68Production et outils mis au jour dans les fouilles d’habitats achèveront de préciser les contours de la civilisation du monde rural en permettant d’aborder les activités artisanales du village et les échanges que pratiquent les sociétés paysannes. Presque partout les deux activités villageoises les plus fréquemment rencontrées, en dehors des activités agricoles, sont la fabrication de la poterie et le travail du fer133. La première est attestée par les fours et les tessonnières qui ont souvent laissé des traces éloquentes dans le paysage ou qui procurent des quantités étonnantes de fragments céramiques lorsque des engins mécaniques les éventrent ; elle révèle des types variés d’organisation suivant les pays : disséminé dans presque tous les villages des pays où l’argile n’est pas rare – Pologne, Valachie par exemple – l’artisanat de la terre cuite peut être davantage concentré dans les villages spécialisés – c’est le cas en France, avec les ateliers des villages du Beauvaisis, de Saintonge ou de Provence134 – quand il n’est pas limité à la ville (Rouen, Paris). Le travail du fer a laissé, lui aussi, des scories, des loupes de métal qu’on a retrouvées assez souvent sur les sites villageois, aussi bien en France (Montaigut, Saint-Jean-le-Froid, Rougiers) que dans les pays de l’Est européen.
69Sur les échanges, sur l’ouverture du village à l’économie de marché, l’archéologue peut apporter des éléments décisifs. Les trouvailles de monnaies témoignent, bien sûr, de la diffusion de certaines espèces, mais par là, elles précisent des courants d’échanges, et sans doute des aires économiques. À Saint-Jean-le-Froid, site de montagne, mais à la croisée de deux routes, les fouilles ont procuré des monnaies locales des comtes de Rodez, mais aussi des monnaies provenant d’une part des ateliers de l’évêque de Cahors, d’autre part des célèbres ateliers de Melgueil, preuve sans doute de relations tournées essentiellement vers le sud-ouest et vers le sud-est135. À Dracy, et sur un autre site bourguignon contemporain, la présence de monnaies de Lyon, de Vienne, de Viviers, de Saint-Paul-Trois-Châteaux, atteste que l’axe rhodanien n’est pas une vue de l’esprit, même pour le XIIIe siècle ou le XIVe siècle. À qui estimera que, dans un tel domaine, l’archéologie enfonce des portes ouvertes, on fera observer que ce n’est pas une petite chose que de voir confirmer par des données matérielles authentiques ce qui n’était parfois qu’idées reçues ou hypothèses. Les objets, éléments de l’équipement domestique ou l’outillage, doivent être pris également en considération pour une étude des échanges. Même s’il n’est pas toujours possible d’établir leur provenance – et ce n’est plus vrai de certains produits céramiques dont on commence ici ou là, à cerner l’aire de diffusion136 – on peut au moins discerner s’ils sont fabriqués par un centre unique de production qui a, dès lors, toutes chances d’être local, ou comme il est plus fréquent, s’il s’agit de productions diverses, étrangères au village donc, et qui ont fait l’objet d’un certain commerce. À Dracy, l’analyse technologique des objets ferreux a prouvé qu’ils provenaient d’ateliers forts nombreux ; de même les céramiques trouvées sur ce site appartiennent, par leurs caractères techniques, à plusieurs productions différentes, trois au minimum, et jusqu’à présent il n’y a aucun indice de la présence d’une officine de potiers dans ce village du XIVe siècle137. Dans cet ordre d’idées, l’étude du matériel céramique de Rougiers, accrue des informations procurées par les trouvailles faites en de nombreux sites provençaux, a permis à Gabrielle Démians d’Archimbaud de passer du niveau de la consommation villageoise à celui de l’économie de toute une province : les céramiques montrent, avec un force superbe, l’ouverture brusque et rapide de la Provence au marché méditerranéen, vers le milieu du XIIIe siècle138.
70L’archéologie préhistorique a certainement pour objet de définir des civilisations (ou cultures), complexes d’usages matériels et d’attitudes mentales sous-tendus par des structures socio-économiques. On ne voit pas pourquoi l’archéologie historique aurait d’autres fins, même si l’ampleur et la complexité des civilisations auxquelles elle a affaire l’obligent à fractionner ses entreprises au risque de perdre de vue son objectif. L’archéologie du village doit se souvenir que sa finalité est de définir une civilisation rurale, ou plutôt des civilisations rurales. Cette définition ne peut reposer que sur une étude comparative, mettant en évidence ressemblances et différences entre la civilisation des campagnes et celle des villes, entre celle du monde paysan et celle des milieux aristocratiques. L’archéologie du village doit aussi cerner des aires de civilisation déterminées par des oppositions entre espaces géographiques et entre tranches chronologiques. Il lui sera demandé enfin de souligner les niveaux sociaux qui divisent le monde paysan au Moyen Âge.
71Les recherches sont déjà engagées dans ces diverses directions : les résultats restent pourtant assez rares. Ils sont surtout fragmentaires, isolés. Le concept de civilisation n’affleure qu’exceptionnellement dans les publications de fouilles, vouées trop souvent à la simple description des découvertes. Et les synthèses font défaut, sauf dans les pays de l’Est européen, où il faut signaler le livre de Witold Hensel sur la civilisation des Slaves au haut Moyen Âge139, ou celui de Joachim Hermann sur les Slaves en Allemagne140, ouvrages qui par leur objet, d’ailleurs, dépassent la seule civilisation du monde rural, dont on attend encore, finalement, la définition. Pourtant on aperçoit des commencements de réponse, des esquisses de résultats. En Roumanie, on s’est préoccupé d’étudier les relations entre les villes et villages et, chemin faisant, les archéologues ont relevé certains traits distinctifs du village : dans le domaine de la céramique, on voit ainsi les ateliers de village ignorer certaines productions, fréquentes en ville, comme les carreaux de poêle, conserver des techniques abandonnées par les potiers urbains (céramiques non tournées) ou en refuser d’autres, apparues en ville, comme la glaçure, et enfin imiter maladroitement les productions des officines citadines141.
72Les recherches conduites par l’École Pratique des Hautes Études ont commencé de montrer ce qui, dans l’équipement domestique, oppose un habitat seigneurial à un habitat paysan : en Bourgogne (Dracy et Villy-le-Moutier), ou à Montaigut, le verre absent des maisons rustiques apparaît dans la demeure seigneuriale où on relève aussi la qualité supérieure du mobilier, qu’il s’agisse des récipients céramiques ou de lampes en métal – à côté de la présence, moins inattendue, des armes, absentes bien sûr de l’habitat villageois142. Ces observations sont d’autant plus intéressantes que, par d’autres traits, la nature des matériaux de construction, les aménagements de la demeure, les foyers en particulier, la maison seigneuriale ne diffère guère de la maison paysanne.
73De même, des différences significatives sans doute commencent à se faire jour, entre la civilisation du village méditerranéen et celle des habitats de l’Europe du Nord-Ouest : outre le recours au mortier, ignoré de la maison paysanne de la France du Nord ou de l’Angleterre, il faut noter l’abondance du mobilier, sa richesse en métal, la présence du verre même dans les habitats paysans, le grand nombre aussi des monnaies perdues sur des sites villageois des régions méridionales. Il y a là les preuves d’un écart entre deux niveaux de civilisation que les recherches à venir permettront sans doute de mieux mesurer143.
74On a déjà souligné ce qui sépare le village du haut Moyen Âge de celui des XIIIe, XIVe et XVe siècles. On connaît mal encore où exactement se situe la transformation décisive. De cette opposition chronologique, on n’a bien exploré que ce qui concerne la construction, mais on peut être sûr que les autres aspects de la civilisation matérielle sont également en cause. On a observé avec intérêt que, dans les couches d’occupation des cabanes de Brebières, si le verre n’était pas rare – il disparaîtra donc par la suite – il y avait aussi des outils de pierre, tout un petit outillage lithique hérité de la préhistoire que l’on ne retrouvera pas sur les sites de villages plus tardifs144. Les recherches hongroises n’ont pas négligé l’étude du matériel mobilier et son évolution ; elles aboutissent parfois à des constatations inattendues ; ainsi elles notent un appauvrissement de l’équipement mobilier à l’époque moderne ; la construction elle-même devient plus fruste au XVe siècle, preuve que l’évolution n’a pas toujours le sens d’un progrès145.
75Enfin on a vu que les fouilles de sites villageois, en Angleterre, ont permis de distinguer trois types de maisons rurales, différant par leur plan et leurs dimensions, et de les mettre en relation avec la situation socio-juridique des habitants. Les villages désertés au temps des enclôtures n’offrent que des cottages ou des long houses ; or les expulsions qui ont vidé les villages ne peuvent se concevoir que pour des communautés composées uniquement de dépendants étroitement assujettis à l’autorité du landlord. Cottages et long houses sont donc l’habitation des villains ou des paysans plus humiliés encore146.
76Ce qui est présenté ici n’est pas un bilan. Un bilan suppose une information complète qui a paru impossible du fait de la dispersion des publications, de la rareté des synthèses au niveau national, de l’absence à l’échelon international de comités ou de colloques réunissant les spécialistes de l’archéologie du village147 On n’a pas voulu, pourtant, s’en tenir à une problématique ou à une méthodologie148. Pour définir l’archéologie du village médiéval, mieux valait montrer les voies dans lesquelles elle s’est engagée. Pour en dire l’intérêt, il était préférable d’en donner les résultats et, sinon tous les résultats, du moins un éventail assez vaste de données procurées par l’archéologie à l’histoire des civilisations rurales du Moyen Âge. L’archéologie du village médiéval ne doit pas être jugée sur ses lacunes, sur l’insuffisance conceptuelle qu’il a bien fallu parfois signaler. Ses succès dans les pays où l’archéologie médiévale connaît un réel développement assurent qu’on ne peut plus écrire l’histoire rurale du Moyen Âge sans avoir recours aux sources archéologiques.
Notes de bas de page
1 M. W. Thompson, dans son compte rendu de M. W. Beresford et J. G. Hurst, Deserted Medieval Villages, dans Medieval Archaeology, 1971, p. 180-182.
2 209 fouilles sut 186 sites appartenant uniquement au bas Moyen Âge selon M. W. Beresford et J. G. Hurst, Deserted Medieval Villages, Londres, 1971, Le « Deserted Medieval Village Research Group » qui s’appelle maintenant « The Medieval Village Research Group » publie un bulletin annuel qui informe des recherches archéologiques sur le village médiéval, non seulement dans les pays britanniques, mais dans toute l’Europe.
3 Paul Courbin a écrit que « la méthodologie des fouilles médiévales est la même que celle des fouilles antiques (« Archéologie et villages désertés » dans Villages désertés et histoire économique, Paris, 1965, p. 61), mais il avait à l’esprit la méthode mise au point par Sir Mortimer Wheeler sur les sites de la très haute Antiquité orientale ou de la protohistoire occidendale, méthode qui n’est pas encore adoptée sur tous les chantiers antiques (M. Wheeler, Archaeologyfrom the Earth, 1ère édition, Londres, 1954).
4 Il semble à en juger par l’exposé méthodologique esquissé par John G. Hurst dans « Medieval Village Excavation in England » (Siedlung, Burg und Stadt, Berlin, 1969, p. 258-270) que les archéologues anglais aient tendance à privilégier la stratigraphie horizontale, voire aux dépens de la stratigraphie verticale. Il n’est certes pas commode de garder un équilibre satisfaisant entre ces deux nécessités contradictoires.
5 « L’habitat du haut Moyen Âge », Actes du 90e Congrès national des Sociétés Savantes (Nice, 1965), Paris, 1966, p. 33-41.
6 La Civilisation mérovingienne, Paris, 1950,1ère partie, p. 410-429.
7 P. Demolon, Le Village mérovingien de Brebières (VIe-VIIe siècles), Arras, 1972.
8 W. Winkelmann, « Die Ausgrabungen in der Frühmittelalterlichen Siedlung bei Warendorf », Neue Ausgrabungen in Deutschland, Berlin, 1958, p. 492 et suivantes. Günther P. Fehring, « Grabungen in Siedlungsbereichen des 3, bis 13 Jahrunderts sowie an Topferofen der Wüstung Wülfingen am Kocher », Château-Gaillard III (1966), Londres, 1969, p. 48-60. Pour West Stow (Suffolk), voir Beresford et Hurst, Deserted Medieval Villages, p. 101, ainsi que Medieval Archaeology, II, p. 189-190 ; III, p. 300 ; IV, p. 137 ; V, p. 311 ; X, p. 174 ; XI, p. 269-270 ; XIII. Pour les villages tchécoslovaques : V. Nekuda, Zmizely Zivot. Wyskum zankilych stredovekych osad na uzemi C. S. S. R. (Missing Life. Research of Deserted Medieval Villages in C. S. S. R.) Brno, 1967 ; id., Zanikle osady na Morave v obdobi feudalismu (Villages désertés en Moravie pendant l’époque de la féodalité), Brno, 1961 ; A. Hejna, « Krasovice, prispevek k vyzkumu stredoveke vesnice u Cechach » (Krasovice, une contribution à la recherche sur le village médiéval en Bohême), Pamathy archeologicke, t. 55, 1964, p. 178-221.
9 I. Meri, « Beszamola a Tiszalök-razompusztai es Turkeve morici asatosok eredmenyeirol » (Rapport sur les résultats des fouilles de Tizealok-Rasompuszta et Turkeve-Moric), Archaeologiai Ertesito (Journal archéologique), 79, p. 49-67 et 81 (1954), p. 138-154. Résumé dans I. Holl « Mittelalterarchäologie in Ungarn (1946-1964) », Acta Archaeologica Academiae Scientiarum Hungaricae, 22 (1970), p. 365-411.
10 Sur le village du haut Moyen Âge en Allemagne, voir la synthèse qu’en a donné W. Janssen, « Mittelalterliche Dorfsiedlungen als archäologisches Problem », Frühmittelalterlichen Studien, Jahrbuch des Instituts für Frühmittelalterforschung der Universität Münster, 1968, p. 305-367. Pour Burgheim : W. Krämer, « Die frümittelalterliche Siedlung von Burgheim in Schwaben », Bayerische Vorgeschichtsblätter 18/19 (1951-52), p. 200-207.
11 W. Janssen, « Mittelalterliche Dorfsiedlungen… », p. 302-333.
12 Ibid.
13 G. Fournier, Le Peuplement rural en Basse-Auvergne durant le haut Moyen Âge, Paris, 1962.
14 Cf. Archéologie Médiévale, 1 (1971), p. 276.
15 H. Goetting, F. Niquet, « Die Ausgrabungen des Bonifatiusklosters Brunshausen bei Gandersheim », Neue Ausgrabungen und Forschungen in Niedersachsen, Band 1, Hildesheim, 1963, p. 194-213, cité par W. Janssen, « Mittelalterliche Dorfsiedlungen… », p. 320-333.
16 W. Hensel, A. Abramowicz, J. Gassomski, J. Okulicz, S. Suchodolski, S. Tabaczynski, « Dans l’Albigeois, le château et le village de Montaigut », Archéologie du village déserté, Paris, 1970, p. 13-53.
17 Beresford et Hurst, Deserted Medieval Villages…, p. 89-93. Le sytème des poutres ou planches verticales apparaît pourtant dans les constructions aux temps vikings, à Hedeby notamment ;cf. K. Schietzel, Berichte über die Ausgrahungen in Haithabu, Bericht 1, Neumünster, 1969.
18 A. Bruijn et W. A. Van Es, « Early Medieval Settlement near Sleen (Drenthe) », Berichten van de Rijksdienst voor het Oudheidkundig Bodemonderzoek, 17 (1967), p. 129-139. W. Janssen, « Mittelalterliche Dorfsiedlungen… », p. 320-333.
19 J. Decaens, « Recherches récentes concernant la maison paysanne en bois au Moyen Âge en Europe du nord-ouest », La Construction au Moyen Âge, histoire et archéologie. Congrès d’Histoire Médiévale, Besançon, juin 1972.
20 Beresford et Hurst, Deserted Medieval Villages, p. 91. Hound Tor (Devon), cf. Medieval Archaeology, VII-VIII (1962-63), p. 341-343 ; IX (1964), p. 282-285 ; X (1965), p. 210 ; XI (1966), p. 210.
21 W. Janssen, « Mittelakerliche Dorfsiedlungen… », p. 320-333 ; W. A. Van Es, « Excavations at Dorestad, a Pre-preliminary Report, 1967-68 », Berichten van de Rijksdienst voor het Oudheidkundig Bodemonderzoek, 19 (1969), p. 133-207 et fig. 7-11.
22 R. Von Uslar, « Die germanische Siedlung in Haldern bei Wesel an Niederheim », Bonner Jahrbücher, 149 (1949), p. 105-145 ; H. Mylius, « Die Frankische Siedlung bei Gladbach, Kreis Neuwied », Germania, 22 (1938), p. 180-190 ; W. Sage, Die Frankische Siedlung hei Gladbach, Kreis Neuwied, ein Führer zum Diorama, Düsseldorf, 1969.
23 W. Winkelmann, « Eine Westfälische Siedlung des 8. Jahrhunderts bei Warendorf, Kreis Warendorf », Germania 32 (1954), p. 189-213.
24 E. T. Leeds, « A Saxon Village at Sutton Courtenay, Berkshire », Archaeologia, 73 (1923), p. 147-192 ; 76 (1927), p. 59-79 ; 92 (1947), p. 79-93.
25 A. E. Van Giffen, « Der Warf Ezinge, Provinz Groningen, und seine West-germanischen Hauser », Germania 20, (1936), p. 40 et suivantes.
26 R. Radford fait référence au site de Saint Neots, Huntingdons, où huit cabanes excavées ont été datées des IXe-Xe siècles : C. A. R. Radford, « The Saxon House : a Review and some Parallels », Medieval Archaeology, 1 (1957), p. 27-38.
27 Cf. « L’habitat des Germains », Revue Archéologique de l’Est, tome V.
28 W. Haberey et W. Rest, « Vorgeschichtliche und frühmittelalterliche Siedlungsreste in Kottenheim, Kreis Mayen », Bonner Jahrhücher, 146 (1941), p. 398 et suivantes, cité par W. Janssen, « Mittelalterliche Dorfsiedlungen », p. 320-333.
29 W. Sage, « Die frankische Siedlung bei Gladbach… » ; id., « Frühmittelalterlicher Holzbau », Karl der Grosse, t. III, 1965, p. 573-590.
30 Bruijn et Van Es, « Early Medieval Settlement near Sleen… ».
31 P. Demolon, Le Village mérovingien de Brebières…
32 I. Holl, « Mittelalterarchäologie in Ungarn… »
33 N. Contantinescu, « Le stade et les perspectives de la recherche archéologique du village médiéval de Roumanie », Dacia, nouvelle série, VIII (1964), p. 265-278.
34 G. Bailloud et P. Mieg de Boofzheim, Les Civilisations néolithiques de la France dans leur contexte européen, Paris, 1955, p. 28 et suivantes.
35 A. L. J. Van de Walle, « L’habitat rural », L’Archéologie du village médiéval, Louvain, 1967, p. 71-82.
36 W. Sage, « Frühmittelalterliche Holzbau… ».
37 W. Haanargel, « Die frühgeschichtliche Handelssiedlung Emden und ihre Entwicklung bis ins Mittelalter », Emder Jahrbücher, 35 (1955), p. 9-79 ; A. Bantelmann, « Neuere Forschungsergebnisse zur Besiedlungsgeschichte der Marschen Schleswig-Holsteins », Neue Ausgrabungen in Deuschland, Berlin, 1958, p. 229-242 ; A. E. Van Giffen, « Een systematisch onderzoek in een der Tuinster wierden te Leens », Jaarverslag van de Vereeinging voor Terpenonderzoek. 1936-40 ; cités par Bruijn et Van Es, « Early Medieval Settlement near Sleen… ».
38 Le quatrième camp, Nonnebakken, n’a pas encore livré de vestiges de maisons, mais il est fort probable qu’il a reçu les mêmes constructions que les autres.
39 Michel de Boüard, « Un camp viking : Trelleborg », Annales de Normandie, 1 (1951), p. 118-124.
40 Poul Norlund, Trelleborg, Copenhague, 1948.
41 J. Larsen, « Rekonstruktion of Trelleborg » (The Reconstruction of the Trelleborg Houses), Aarböger for nordisk oldkyndighed og historie, Copenhague, 1957 ; O. Olsen, « Trelleborg problemer » (Trelleborg problems), Scandia, 28, Lund, 1962 ; id. « Architecture viking », Revue danoise, 33 (1968), p. 24-29.
42 Bruijn et Van Es, « Early Medieval Settlement near Sleen… ».
43 P. Flatres, « Les origines de l’habitat de la France du Nord », Revue du Nord, 1959, p. 91-94. Cf. aussi A. Deleage, La Vie économique et sociale de la Bourgogne dans le haut Moyen Âge, Mâcon, 1941, notamment le IVe chapitre, « L’habitat », p. 91 et suivantes.
44 M. Bloch, Les Caractères originaux de l’histoire rurale française, Paris, 1952.
45 C. Jullian, « L’analyse des terroirs ruraux », Revue des Études anciennes, 1926.
46 C’est la thèse, issue en partie de Fustel de Coulanges (L’alleu et le domaine rural), affirmée par Arbois de Jubainville (Recherches sur les origines de la propriété foncière et des noms de lieux habités en France, Paris, 1890), admise sans dicussion par Albert Grenier (Manuel d’archéologie gallo-romaine, Paris, 1931-34) et par A. Dauzat (Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, Paris, 1963). Seul, peut-être, Jacques Flach (L’origine historique de l’habitation et des lieux habités en France, Paris, s.d.) a marqué quelque scepticisme.
47 Cf. F. Falc’hun, Les Noms de lieux celtiques, I, Rennes, 1966, M. Roblin, Le Terroir de Paris aux époques gallo-romaines et franques, peuplement et défrichement dans la civitas des Parish, Paris, 1951, Cf. aussi le débat entre E. Thevenot et M. Roblin dans la Revue Archéologique de l’Est, 1953.
48 La postérité d’Arbois de Jubainville est nombreuse : cf. Marteaux, (« Étude sur les villae gallo-romaines du Chablais », Revue savoisienne, 1918-1921) ; G. Jeanton, (Lepays de Mâcon et de Chalon avant l’an mille, Dijon, 1934) ; L. Armand-Calliat, (« Le Chalonnais gallo-romain », Chalon, 1937) ; A. Albenque, (Les Rutènes, Rodez, 1948) ; M. Toussaint, (L’Origine du peuple ment dans la vallée moyenne de la Seille, Paris, 1952), etc.
49 Dracy : Côte d’Or, commune de Baubigny. Cf. W. Hensel et J.-M. Pesez, « Recherches archéologiques franco-polonaises sur les villages désertés en France (1963-1969) », Archeologia Polona, XIII, p. 23-57.
50 L. Musset dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie (1963-64), p. 145-188.
51 Cf. R. Agache, F. Vasselle, E. Will, « Les villas gallo-romaines de la Somme, aperçu préliminaire », Revue du Nord, 47 (1965), p. 541 et suivantes ; R. Agache, « Recherches aériennes de l’habitat rural gallo-romain en Picardie, Mélanges offerts à André Piganiol, Paris, 1966, t. I, p. 49 et suivantes ; id., « L’habitat antique en Artois d’après les premières prospections aériennes », Revue du Nord, 53 (1971), p. 553 et suivantes.
52 Cf. W. Janssen, « Methodische Probleme archäologischer Wüstungsforschung », Nachrichten der Akademie der Wissenschaften in Göttingen, Philologisch-historische Klasse, 1968, p. 29-56.
53 W. Janssen, « Mittelalterliche Dorfsiedlungen… », p. 313-320.
54 A. E. Van Giffen, « Der Warf Ezinge… », cf. note 25.
55 W. Janssen, « Mittelalterliche Dorfsiedlungen… ».
56 I. Holl, « Mittelalterarchäologie in Ungarn… », cf. note 9.
57 Magyarorszag Regeszeti Topografiaja (Die archäologische Topographie von Ungarn). Les deux premiers fascicules (Veszprem megye regeszeti topografiaja) ont été publiés à Budapest en 1966 et 1969.
58 W. Hensel, « Perspectives de la recherche sur le milieu rural en Europe occidentale du haut Moyen Âge », Settimane di studio del Centro italiano di studi sull’alto medioevo, XIII (1965), Spolète, 1966, p. 695-721. Id., Méthodes et perspectives de recherches sur les centres ruraux et urbains chez les Slaves, VIIe-XIIIe siècles, Varsovie, Cf. J.-M. Pesez, « Archéologie slave : villes et campagnes », Annales E. S. C. (1967), p. 609-615.
59 I Miedzynarodowy Kongres Archeologii Slowianskiej (1965), tome IV : « L’évolution de l’habitat rural et les origines des villes », Varsovie, 1968.
60 A. Kunysz, « Rural early medieval settlements in South-eastern Poland between the sixth and the thirteenth century », Ibid., p. 111-118.
61 Z. Hilczerowna, « Le développement des formes de colonisation au cours de la période s’étendant du VIe au XIe siècle », Ibid., p. 90-96 ; ead., Dorzecze gornej i srodkowej Obry of VI do Poczatkow XI W., Varsovie, 1967.
62 Ce qui ne signifie nullement, comme on a parfois feint de comprendre, que l’archéologie tend à séparer une « culture » matérielle de la civilisation dans sa totalité ; l’adjectif « matériel » est là pour rappeler à l’archéologue qu’il saisit une civilisation sous ses aspects matériels qui, du coup, prévaudront nécessairement dans la restitution qu’il pourra tenter.
63 W. Hensel, « Méthodes et perspectives… ».
64 Cf. les recherches du Dr Imre Lengyel à l’Institut d’Archéologie de l’Académie des Sciences de Hongrie et Agnes Salomon et Istvan Erdélyo, Das völkerwanderungszeitliche Gräberfeld von Környe, Budapest, 1971.
65 Beresford et Hurst, Deserted Medieval Villages…
66 Explication qui vient la première à l’esprit et qui est pourtant la moins satisfaisante : combien de villages réellement disparus sur tant de villages détruits pendant la guerre de Cent Ans, par exemple ? On voit pourtant encore cette explication tenue pour satisfaisante dans des études récentes ; cf. R. Noël « Les villages disparus de Gaume à la fin du Moyen Âge », L’Archéologie du village médiéval, Louvain, 1967, p. 133-137.
67 Elle sert à justifier une crise agricole antérieure à la grande peste. On la trouve évoquée encore comme explication d’un certain recul des habitats au débuts du XIVe siècle dans le Trøndelag norvégien par Jorn Sandnes, Odetig og Gjenreisning, Oslo, 1971, résumé dans Medieval Village Research Group, report no 19, 1971.
68 C’est la thèse de Maurice Beresford dans The Lost Villages of England, Londres, 1954, reprise à peine affinée dans Beresford et Hurst, Deserted Medieval Villages où Maurice Beresford s’étonne cependant dans un bref paragraphe intitulé de façon significative « Beyond Britain » de ne pas voir les historiens continentaux reconnaître le même mécanisme économique à l’origine des désertions.
69 Complété par la théorie de l’abandon des terroirs répulsifs, elle rend compte sans doute de la majeure partie des désertions des XIVe et XVe siècles. Elle est exposée par W. Abel, Die Wüstungen des ausgehenden Mittelalters ,2e éd., 1955 et Agrarkrisen und Agrarkonjunktur in Mitteleuropa von 13. bis zum 19. Jahrhundert, 1935.
70 Sur les désertions en Europe : Villages désertés et histoire économique, XIe-XVIIIe siècles, Paris, 1965.
71 Cf. J.-M. Pesez et E. Le Roy Ladurie, « Le cas français : vue d’ensemble », supra.
72 V. Nekuda, Zmizely Zivot, cf. note 8.
73 W. Janssen, « Methodische Probleme… », cf. notamment le tableau p. 39.
74 W. Hensel et collab., « Dans l’Albigeois, le château et le village de Montaigut », cf. note 16.
75 J. Le Goff dans Archéologie du village déserté, p. 12.
76 W. Hensel, J. Chapelot, J Okuucz, S. Suchodolski, A. Tomazsewski, « Dans les Baronnies, le village perché de Condorcet », Archéologie du village déserté, Paris, 1970, p. 173-191.
77 G. Démians d’Archimbaud, « Archéologie et villages désertés en Provence : résultats des fouilles », Villages désertés et histoire économique, Paris, 1965, p. 287-301 ; ead., « Problèmes d’archéologie rurale en Provence », Actes du 90e Congrès des Sociétés Savantes, Paris, 1966, p. 125-137.
78 L. Leciejewicz, J.-M. Pesez, M. Rulewicz, S. Tabaczynski, « Sur le Lévezou, l’établissement médiéval de Saint-Jean-le-Froid », Archéologie du village déserté, Paris, 1970, p. 55-93 ; voir aussi W. Hensel et J.-M. Pesez, « Recherches archéologiques franco-polonaises… », article qui modifie un peu la chronologie proposée par l’ouvrage précédent.
79 Cf. L. F. Génicot, « L’église, un grand document de pierre », in L’Archéologie du village médiéval, Louvain, 1967, p. 56-70.
80 Cf. J.-M. Pesez, « Sources écrites et villages désertés », Villages désertés et histoire économique, Paris, 1965, p. 83-102.
81 Sur l’« Armorial de Revel » Cf. G. Fournier, « Châteaux, villes et villages d’Auvergne au milieu du XVe siècle d’après l’Armorial de Revel », Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, comptes rendus des séances de l’année 1972, p. 287-294. Essertines : commune d’Essertines-en-Châtelneuf (Loire).
82 W. Janssen, Königshagen, ein archäologisch-historischer Beitrag zur Siedlungsgeschichte des südwestlichen Harzvorlandes, Hildesheim, 1965.
83 M. Beresford et K. Saint-Joseph, Medieval England : a Survey, Londres, 1960.
84 Saint-Victor-de-Massiac à Massiac (Cantal) ; fouilles de Luc Tixier depuis 1972. Saint-Germain-des-Buis à Jugy (Saône-et-Loire). Brucato : à Sciara (province de Palerme) : des recherches archéologiques y sont entreprises depuis 1972 par l’École Française de Rome, l’École Pratique des Hautes Études (E. H. E. S. S.) et l’Institut d’Histoire Médiévale de l’Université de Palerme.
85 G. Démians d’Archimbaud, « Archéologie et villages désertés en Provence : résultats des fouilles », Villages désertés et histoire économique, Paris, 1965, p. 287-301.
86 A. Abramowicz, J. Chapelot, A. Nadolski, J.-M. Pesez et T. Poklewski, « Le village bourguignon de Dracy », Archéologie du village déserté, Paris, 1970, p. 95-171.
87 Naturellement, ce n’est pas une règle générale. À Hohenrode, le village des XIIIe-XIVe siècles se superpose à celui des Xe-XIIe siècles. P. Grimm, Hohenrode, eine mittelalterliche Siedlung im Südharz, Halle, 1939.
88 Cf. Beresford et Hurst, Deserted Medieval Villages, p. 126.
89 Cf. M. Beresford, « Villages désertés : bilan de la recherche anglaise », Villages désertés et histoire économique, Paris, 1965, p. 533-572, notamment p. 569.
90 Exception faite de Brebières, mais il s’agit d’un habitat du haut Moyen Âge, et de Bruère-Allichamps. Dans ce dernier cas, qui concerne une maison isolée, on ne peut parler de village : E. Hugoniot, « Une aire d’habitation à Bruère-Allichamps (Cher) », Revue archéologique du Centre, avril-juin 1969, p. 111-132.
91 Voir ce que dit du « meix » et du village bourguignon Pierre de Saint-Jacob : « Le village, les conditions juridiques de l’habitat », Annales de Bourgogne, 1941, p. 169-202.
92 A. W. Holden, « Excavations at the Deserted Village of Hangleton », Sussex Archaeological Collections, 1963, p. 54-181 ; J. G. Hurst et D. Gillian Hurst, « Excavations at the Deserted Medieval Village of Hangleton », part. II, Sussex Archaeological Collections, 1964, p. 94-142, notamment fig. 1.
93 V. Nekuda, Zmizely Zivot…, cf. note 8.
94 I. Holl, « Mittelalterarchäologie in Ungarn… », cf. note 9.
95 Ibid., fig. 3, p. 373 et 4, p. 375.
96 Sur les villages fortifiés voir notamment : G. Fournier, « Chartes de franchises et fortifications villageoises en basse Auvergne au XIIIe siècle », Les Libertés urbaines et rurales du XIe au XIVe siècle, Louvain, 1968.
97 W. Hensel et J.-M. Pesez, « Recherches archéologiques franco-polonaises… », cf note 49.
98 M. Beresford et J. Hurst, Deserted Medieval Villages… p. 124-131.
99 Ibid., p. 93 et suivantes.
100 Sur les progrès de la construction de bois, voir R. Quenedey, L’Habitation rouennaise, Étude historique de géographie et d’architecture urbaine, Rouen, 1926. John Hurst ne pense pas, cependant, que ces progrès, dont on n’a pas de preuve pour les constructions rurales, ont pu jouer un rôle dans l’abandon de la pierre pour le bois.
101 Sur le site flamand de Lampernisse, en revanche, on a retrouvé les vestiges des bâtiments en briques : I. Scollar, F. Verhaeghe et A. Gautier, « A Medieval Site (Fourteenth Century) at Lampernisse (West Flanders) », Belgium, Bruges, 1970.
102 C. Enlart, Manuel d’archéologie française, (2’partie. Architecture civile et militaire).
103 Saint-Victor-de-Massiac, à Massiac (Cantal), fouilles de L. Tixier.
104 Fosses-Saint-Ursin, fouille du centre de Recherches Archéologiques de l’Université de Caen, à Courseulles (Calvados), cf. Archéologie Médiévale, II (1971), p. 382-383.
105 J.-M. Pesez, « Une maison villageoise au XIVe siècle : les structures », Rotterdam Papers II (Symposium de Rotterdam, mars 1973).
106 G. Démians d’Archimbaud, « L’habitation rurale en Provence occidentale : techniques de construction et d’aménagement d’après les fouilles récentes », La Construction au Moyen Âge, histoire et archéologie, 1973.
107 P. Grimm, Hohenrode…, cf. note 87.
108 W. Janssen, Königshagen…, cf. note 82.
109 H. Phelps, Ost- und westgermaniscbe Baukultur, Berlin, 1934, cité par P. Grimm, Hohenrode…
110 J. G. Hurst, « Medieval Village Excavation in England », Siedlung, Burg und Stadt, Berlin, 1969, p. 258-270.
111 Sur les origines de la long house, cf. J. G. Hurst, « The Medieval Peasant House », The Fourth Viking Congress, Aberdeen, 1965, p. 190-196.
112 J.-M. Pesez, « L’habitation paysanne en Bourgogne médiévale », La Construction au Moyen Âge, histoire et archéologie, 1973.
113 Cf. à cet égard : S. Cleuziou, P. Demoule, A. et A. Schnapp, « Renouveau des méthodes et théorie de l’archéologie », Annales E.S.C., 1973, p. 35-51, article qui analyse toutes les réflexions suscitées par la New Archaeology.
114 Sur les inventaires écrits, voir : Ph. Wolff, « Inventaires villageois du Toulousain », Bulletin Philologique et Historique, 1966 (Paris, 1968), p. 481-544 ; id., « Fortunes et genres de vie dans les villages du Toulousain aux XIVe et XVe siècles », Miscellanea Mediaevalia in memoriam Jan Frederik Niermeyer, Groningue, 1967, p. 325-332 ; F. Piponnier, « Équipement et techniques culinaires en Bourgogne au XIVe siècle », Bulletin Philologique et Historique, 1972. Sur l’intérêt des inventaires écrits pour l’archéologue, voir : F. Piponnier, « Une maison villageoise au XIVe siècle : le mobilier » (Symposium de Rotterdam, mars 1973), Rotterdam Papers II.
115 Cf. G. Démians d’Archimbaud, « L’archéologie du village médiéval, exemple anglais et expérience provençale », Annales E. S. C., 1962, p. 477-488.
116 E. Hugoniot, « Une aire d’habitation à Bruère-Allichamps », cf. supra, note 90.
117 F. Piponnier, « Une maison villageoise au XIVe siècle… ».
118 Cf. J.-M. Pesez, F. Piponnier, et J. Chapelot, « Sources archéologiques et autres sources de l’histoire médiévale : l’exemple de la céramique », Actes du 93’Congrès national des Sociétés Savantes-Archéologie (Touts, 1968), Paris, 1970, p. 145-159.
119 M. Beresford et J. Hurst, Deserted Medieval Villages…, ρ. 97-98.
120 I. Holl, « Mittelalterarchäologie in Ungarn… ».
121 M. Dembinska, Konsumpcja zywnosciowa w Polsce sredniowiecznej, Varsovie, 1963.
122 F. Piponnier, « Une maison villageoise au XIVe siècle… ».
123 L. Leciejewicj, J.-M. Pesez, M. Rulewicz, S. Tabaczynski, « Sur le Lévezou, l’établissement médiéval de Saint-Jean-le-Froid ».
124 Th. Poulain-Josien, « La faune », in P. Demolon, Le Village mérovingien de Brebières, Arras, 1972, p. 253-333 ; étude qui est en outre un excellent exposé des méthodes.
125 Cf. par exemple W. Hensel, La Naissance de la Pologne, Varsovie, 1966.
126 Archéologie du village déserté, Paris, 1970.
127 Travaux de J. Kudrnac, cités par W. Hensel, « Perspectives de la recherche archéologique sur le milieu rural… », p. 699-700, cf. supra, note 58.
128 Ibid.
129 W. Hensel, « Méthodes et perspectives de recherches sur les centres ruraux et urbains… », cf. supra, note 58.
130 Sur tout ce qui précède, voir l’excellent exposé d’archéologie agraire proposé par A Verhulst dans « L’archéologie et l’histoire des champs au Moyen Âge : introduction à l’histoire agraire », L’Archéologie du village médiéval, Louvain et Gand, 1967, p. 84-102.
131 Recherches de Tadeusz Poklewski à Spicymierz.
132 Atlas over Borups agre 1000-1200, présenté par Axel Steensberg, Copenhague, 1968.
133 Voir par exemple pour la Roumanie : N. Contantinescu, « Le stade et les perspectives de la recherche archéologique du village médiéval… », cf. supra, note 33 ; du même auteur, voir la publication de la fouille du village valaque de Coconi : Coconi, un sat din Cimpia Romano in epoca lui Mircea cel Batrin, Bucarest, 1972.
134 Sur le Beauvaisis, voir les bulletins du « Groupe de recherches et d’études de la céramique du Beauvaisis » (depuis 1968), sur la Saintonge : « La poterie médiévale saintongeaise », Archéologie Médiévale II (1971), p. 221-266. Sur la Provence : voir G. Démians d’Archimbaud, « Découvertes récentes de céramiques médiévales epagnoles en Provence. Leur place dans l’évolution régionale », Actes du 94e Congrès national des Sociétés Savantes-Archéologie (Pau, 1969), Paris, 1971, p. 129-164.
135 L. Leciejewicz, J.-M. Pesez, M. Rulewicz, S. Tabaczynski, « Sur le Lévezou, l’établissement médiéval de Saint-Jean-le-Froid », cf. supra, note 78.
136 Cf. G. C. Dunning, « The Trade in Medieval Pottery around the North Sea », Rotterdam Papers I, 1968, p. 35 et suivantes, et les recherches sur la céramique du nord-ouest de l’Europe présentées par l’étude de Michel de Boüard.
137 A. Abramowicz, J. Chapelot, A. Nadolski, J.-M. Pesez et T. Poklewski, « Le village bourguignon de Dracy », cf. supra, note 86.
138 G. Démians d’archimbaud, « Découvertes récentes de céramiques… », cf. supra.
139 Édition allemande : W. Hensel, Die Slaven im frühen Mittelalter, Berlin, 1965.
140 J. Hermann, Die Slaven in Deutschland, Geschichte und Kultur der slavischen Stämme westlich von Oder und Neisse vom 6. bis 12. Jahrundert, Berlin, 1970.
141 M. D. Matei, « Villes et villages au Moyen Âge », Bulletin de l’Association internationale d’études du sud-est européen, 1971, p. 104-129.
142 Sur Montaigut, cf. supra, Pour la Bourgogne, cf. J.-M. Pesez et F. Piponnier, « Les maisons-fortes bourguignonnes », Château-Gaillard V, Caen, 1972, p. 143-164, notamment p. 164.
143 De même, les recherches roumaines ont souligné la distance qui sépare au Moyen Âge la civilisation de la Valachie de celle de la Moldavie. Voir N. Contantinescu, « Le stade et les perspectives de la recheche archéologique du village médiéval… ».
144 P. Demolon, « Le village mérovingien de Brebières… ».
145 I. Holl, « Mittelalterarchäologie in Ungarn… ».
146 J. G. Hurst, « Medieval village excavation… ».
147 À cet égard, le village médiéval est moins favorisé que le château, qui a suscité les colloques de Château-Gaillard, ou que les villes, qui ont provoqué la formation d’un comité de recherches sur les origines des villes, issu de l’Union internationale des sciences pré et protohistoriques.
148 C’est en somme le parti choisi par L’Archéologie du village médiéval, publié à Louvain en 1967 par le Centre belge d’histoire rurale.
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