Chapitre 1. Sépulture et espace sacré
p. 119-163
Texte intégral
I – La tombe et la mémoire chrétienne
1L’ensemble de la seconde partie a amplement montré que commémoration et mémoire des défunts sont deux éléments fondamentaux dans le fonctionnement de l’Église carolingienne, conçue comme le corps du Christ, réunissant clercs et fidèles laïcs, morts et vivants, dans la communion des saints. Mais il ne faudrait pas se laisser tromper par l’abondance de la documentation nécrologique (cf. fig. 16) et oublier que le support principal de la mémoire du défunt, c’est sa tombe.
1. Le sens chrétien de la sépulture
2Comme toutes les actions qui entourent le corps défunt, la sépulture est avant tout un acte nécessaire. Mais dans l’esprit des clercs carolingiens, elle a également un sens spécifiquement chrétien. Mis à part les cas exceptionnels, la tombe apparaît dans tous les écrits comme lieu de repos, appel à la prière et support du souvenir tout à la fois.
— La sépulture, une nécessité matérielle
3Au regard de toute communauté vivante, un homme mort est avant tout un cadavre, appelé à une décomposition rapide. L’époque carolingienne n’échappe pas à cette loi universelle et la nécessité matérielle d’un ensevelissement rapide entraîne la transgression d’un certain nombre de règles sociales et religieuses, dont celle du repos dominical. C’est ainsi que le catalogue des travaux interdits le dimanche, dressé dans l’Admonition générale de 789, signale trois exceptions :
On pourra atteler le dimanche dans trois cas : en cas de guerre, pour aller chercher des vivres et, si c’est nécessaire, pour conduire un mort à sa sépulture 11
4La révérence due au jour du Seigneur passe au second plan quand le salut public est en jeu : la paix du royaume, le ravitaillement de ses habitants, et la salubrité publique. On retrouve les mêmes motivations dans la très officielle réponse du pape Nicolas Ier, en 866, aux questions des Bulgares nouvellement convertis au christianisme. En évoquant les suicidés, il rappelle qu’il faut leur refuser des obsèques chrétiennes. Il convient en revanche de mettre leur cadavre en terre, disposition indispensable « afin que celui-ci ne cause aucun désagrément à l’odorat des vivants »2. L’enterrement apparaît donc bien comme une intervention matérielle nécessaire pour ne pas compromettre la qualité de vie des vivants.
— Sépulture et quiétude de l’âme
5Le rôle dévolu par les clercs carolingiens à la sépulture aurait pu s’arrêter là, d’autant qu’ils connaissent très bien et diffusent facilement la doctrine augustinienne selon laquelle l’ensevelissement est inutile au défunt. Mais ils savent également que la tombe peut être démonstration de foi de la part des survivants, qui font par là acte de piété. Enfin, la tombe est le lieu de repos du corps en attendant le jugement dernier. C’est pourquoi il est nécessaire d’en respecter l’intégrité, même lorsque les sépultures sont anciennes. Dans la première moitié du IXe siècle, Jonas d’Orléans s’en prend à ceux qui osent impiare les ossements des défunts et « les empêchent d’attendre dans leurs urnes le jour de la résurrection »3.
6Le sort du corps et la quiétude de l’âme sont intimement liés dans les écrits carolingiens, en particulier dans les textes hagiographiques. Mais la différence reste bien marquée entre la coutume, qui régit la construction de la tombe, et la liturgie, qui règle l’accompagnement rituel de paroles et de gestes. Ce n’est pas la tombe en tant que telle (c’est-à-dire une fosse creusée dans la terre et destinée à recevoir un cadavre), mais la sépulture ecclésiastique qui importe pour le salut du chrétien, par les prières qui l’accompagnent. Dans l’esprit des clercs, elles seules composent la manière chrétienne d’ensevelir les morts et de leur assurer le repos. C’est ainsi que certains textes hagiographiques mettent en scène des revenants, défunts apparaissant aux vivants pour demander une sépulture décente. Le thème est ancien, déjà présent dans une lettre de Pline le Jeune, à propos du philosophe Athénodore4. On le retrouve au Ve siècle dans la Vie de saint Germain d’Auxerre écrite par Constance de Lyon5. Il réapparaît, légèrement modifié, en pleine époque carolingienne dans la Vie de saint Eptade d’Autun. Une jeune possédée ayant eu une vision indique au saint qu’un de ses amis a été attaqué dans la forêt par des brigands la nuit précédente. Se rendant sur les lieux, Eptade reconnaît la triste réalité des faits.
Lorsqu’il se fut acheminé à l’endroit de la sépulture, les membres du défunt furent enveloppés de linceuls, de la terre fut jetée par-dessus, et l’on prononça une prière d’intercession.
7Ce n’est qu’après cette prière pour le repos de l’âme du défunt que la jeune fille put recouvrer la santé6. Le mort revient tourmenter les vivants pour réclamer une sépulture, parce qu’il ne trouve pas le repos. Dans la Vie de saint Eptade, le défunt prend même les armes du démon, à savoir la possession d’un esprit, pour se faire entendre. C’est d’ailleurs pour cela que la prière d’intercession a une double efficacité : offrir le repos au défunt et rendre la santé à la jeune fille. La sépulture est nécessaire non pas tant par son mode de construction que par les rites qui l’accompagnent.
8La cérémonie peut avoir également pour conséquence d’ancrer rituellement le souvenir du défunt dans un lieu bien défini. La tombe devient alors le support privilégié de la mémoire.
— La tombe, support du souvenir
9La sépulture ne peut remplir son rôle de support du souvenir que si elle porte en surface des marques permettant sa localisation. La mention du nom par l’épitaphe n’est nécessaire que dans une volonté de reconnaissance par des étrangers, pour qui la connaissance du défunt passe obligatoirement par une mention écrite. L’épitaphe, placée en général au-dessus de la tombe du défunt dont elle vante les mérites, permet de localiser précisément cette sépulture7. Cependant, la plupart des tombes étaient vraisemblablement marquées de manière anonyme, par exemple par un tumulus, légère éminence formée par l’amas de terre sortie de la fosse et remise en comblement après l’inhumation. Même si un tel monticule est très éphémère, ainsi que le suggère une lettre de Sidoine Apollinaire au milieu du Ve siècle8, le tertre est signe de la mémoire du mort dans les petites communautés.
10L’histoire rapportée au milieu du IXe siècle dans la Vie de sainte Lioba, originale, illustre ce fait. Son hagiographe raconte en effet l’ensevelissement d’une mauvaise moniale au monastère de Bischofheim. Confiée à la terre, « on arrange un tumulus au-dessus de son sépulcre, selon la coutume, par l’amas d’une grande quantité de terre »9. De cette manière, les sœurs qu’elle avait martyrisées de son vivant reconnaissent l’endroit où elle avait été ensevelie : dans une petite communauté, les tombes fraîches sont facilement identifiables ! Les jeunes moniales déversent là rancœur et insultes ; comme une réponse divine à l’injustice dont elles avaient souffert et qui éclate au grand jour, le tertre commence à diminuer de volume. Ce que voyant, l’abbesse mesure la gravité des torts de la défunte :
Par l’abaissement de la terre, elle comprenait en effet la faute de celle qui était ensevelie, et elle mesura la sévérité du juste jugement de Dieu à l’affaissement du sépulcre10.
11L’abbesse se met alors à prier pour l’absolution de ses fautes et la fosse commença à se remplir. « La terre augmentait petit à petit, de sorte qu’au moment où elle se releva de son oraison, la terre du sépulcre avait repris son niveau11 ». Dans ce texte, il est clair que la mémoire du mort est tributaire de la marque de la sépulture ; sa disparition entraîne l’oubli, tout comme le fait de rayer un nom dans une liste nécrologique, et condamne l’âme du défunt à être privée des prières salvatrices des vivants.
12C’est sans doute pourquoi, devant l’absence de pérennité du tumulus, on préfère marquer les tombes par d’autres systèmes, simples mais efficaces, comme un cordon de pierres épousant les contours de la fosse, un amas de cailloux plus grossièrement disposés, agrémenté ou non d’une pierre verticale fichée en terre à la tête de la tombe. Ces dispositifs, retrouvés par exemple dans le cimetière carolingien de Poigny12 (cf. fig. 17 p. 124), sont rarement conservés sur les sites archéologiques, où le paléosol a complètement disparu, mais devaient être très courants. On peut suggérer également des dispositifs de bois aux traces ténues, ou, plus simplement quelques plantes, sans qu’aucune preuve ne puisse être pour cela apportée.
2. La tombe, l’écrit et la mémoire
13Les marques au sol de la sépulture sont très rarement nominales à l’époque carolingienne, et la grande majorité des morts reste dans l’anonymat.
Figure 17. Marques de surface des sépultures carolingiennes de Poigny
— L’épitaphe, appel à la prière
14Les épitaphes lapidaires sont très peu nombreuses, même si les textes littéraires abondent sous la plume d’auteurs comme Alcuin ou Raban Maur.
15Ce dernier rappelle d’ailleurs l’étymologie déjà proposée par saint Augustin13 pour les constructions funéraires : « On n’a pas d’autre raison », dit-il, « de nommer Memoriae (mémoires) et Monumenta (monuments) des sépulcres qui attirent les regards, que de rappeler à la mémoire ceux que la mort a dérobés aux yeux des vivants, pour empêcher l’oubli de gagner les cœurs, et les avertir de penser aux disparus14 ».
16Les épitaphes elles-mêmes portent les traces de ce sentiment mémorial : le défunt est dit « de bonne mémoire », bonae memoriae15 comme sur l’épitaphe de Frodoberta à Estoublon (cf. fig. 18). Parfois, c’est l’incipit d’une des oraisons funéraires les plus répandues, Pio recordationis, qui est inscrite sur la dalle tumulaire, témoignage d’un pieux souvenir16. Si les inscriptions conservées sont assez rares, leur contenu est en revanche consigné dans des formulaires, insertions ponctuelles au cœur d’un recueil de Reichenau17 ou sur les marges d’un glossaire18, mais également véritables « sylloges » consacrés à diverses inscriptions, transcrites sans indication de provenance et que l’on ne peut qu’exceptionnellement identifier19. La rédaction d’une épitaphe se situe parfois à la limite de l’exercice littéraire, telle celle du pape Hadrien Ier, encore visible sous le porche de Saint-Pierre du Vatican, rédigée par Alcuin au terme d’une sorte de concours auquel d’autres auteurs, dont Théodulphe d’Orléans, participèrent20.
17La formulation la plus simple de l’épitaphe est l’inscription du nom du défunt. Le rappel de l’identité est ensuite accompagné d’éléments variables comme une courte biographie du défunt ou l’appel au respect de la sépulture21. Les exemples réunis par Robert Favreau montrent cependant que l’épitaphe carolingienne est avant tout une invitation à la prière : « Vous qui lisez, répandez-vous en prières » (Aton, abbé d’Angers, 835) ; « O lecteur, toi qui lis, prie » (Poitiers, 874) ; « Dis : Prends pitié Seigneur » (Bénévent, 871 ; Bazouges, 876 ; Moûtiers, fin IXe siècle). Le Miserere rappelle tout à fait l’oraison liturgique pour les défunts : l’écrit de la tombe, tout comme celui du nécrologe, incite à intercéder pour le défunt auprès du Seigneur. Vers 843, Dhuoda rédige elle-même le texte de son épitaphe, en même temps qu’elle demande à son fils d’inscrire après sa mort son nom dans une liste copiée à la fin de l’ouvrage, comprenant les noms de ceux pour qui il doit prier. Le texte qu’elle rédige pour sa propre sépulture est un appel presque litanique à la pitié divine, par les vers de fin de strophe :
Roi indulgent, pardonne-lui... O roi, absous-la de ses fautes... Dieu saint et grand, délie ses chaînes... O roi, pardonne-lui ses péchés... Dieu de clémence, viens à son secours... Dieu de bonté, donne-lui le repos22.
18L’épitaphe se fait elle-même ici prière. La similitude de ces formules avec le texte des oraisons pour les défunts est très nette23. L’apparition du thème de l’intercession pour les morts dans les épitaphes ne date guère que du VIIIe siècle. À cette époque, la conviction paléochrétienne que le chrétien dont on énumère les vertus sera sauvé disparaît au profit d’une demande insistante d’intercession pour le salut de l’âme.
— L’écrit et la mémoire liturgique : listes nominales et tables d’autel
19Les épitaphes lapidaires ou littéraires répondent mot pour mot à la célébration liturgique de la mémoire des morts. Elles rappellent en effet le souvenir des défunts comme les inscriptions au nécrologe, souvenir qui, en devenant l’objet des prières des « spécialistes » que sont les moines, passe obligatoirement par l’écrit. L’usage se développe de telle sorte qu’Arno de Salzbourg, dans son manuel pastoral, rappelle qu’après la mort on ne célébrera pas la mémoire de l’excommunié, et « on n’inscrira pas son nom et on n’offrira aucune oblation pour lui dans l’Église catholique »24. Les anciens diptyques, qui servaient de support pour inscrire les noms à réciter à l’autel, deviennent rapidement insuffisants pour noter tous les défunts, dont le nombre ne cesse de s’accroître sans que pour autant on cesse de célébrer leur mémoire. Les diptyques sont parfois remplacés alors par les libri vitae ou libri memoriales, que l’on dépose sur l’autel lors de la commémoration, ainsi que le rappelle par exemple une oraison contenue dans le liber memorialis de Salzbourg25.
20Comme on l’a déjà vu précédemment, ces livres mémoriaux se développent dans un contexte spécifiquement carolingien. Leur faible nombre ne doit pas faire oublier le maintien de l’usage des diptyques. Vers 830-850, un capitulaire épiscopal anonyme de Saint-Gall rappelle ainsi que chaque prêtre doit avoir, « sur l’autel, inscrit sur les diptyques, le nom des prêtres, des autres chanoines et de nos fidèles, autant les vivants que les morts, ainsi que ceux des défunts et des vivants de leur paroisse »26.
21En outre, les noms sont parfois directement gravés sur la pierre de l’autel, associés pour l’éternité au sacrifice eucharistique. De véritables listes nécrologiques y sont ainsi inscrites, à diverses époques, comme sur la célèbre table d’autel de Minerve, dans l’Hérault27 (cf. fig. 19), ou celle d’Auriol, dans les Bouches-du-Rhône28. L’inventaire de Joseph Braun29, qui mentionne six autres cas similaires, doit être complété par la récente trouvaille de Reichenau. En 1976, dans les fouilles de l’église de Niederzell, a en effet été découverte une table d’autel en grès, recouverte de 203 noms gravés et 131 inscrits à l’encre30. Plusieurs d’entre eux ont pu être mis en relation avec certaines inscriptions du liber memorialis, attestées pour les années 970-972. Ces inscriptions ne seraient donc pas le fait de pèlerins ou de visiteurs, comme on tendait à le penser dans les recherches antérieures, mais formeraient une sorte de substitut aux diptyques31.
3. Une structuration de la mémoire : Gesta et Memoria
22Ces inscriptions diverses, dont certaines (inscrites à l’encre) ont pu disparaître, sont peu nombreuses, mais témoignent d’un désir évident d’être associé intimement à la célébration eucharistique. L’inscription des noms, sur quelque support que ce soit, peut cependant apparaître très limitative, puisque ne sont gardés que des noms, sans aucune indication concernant la vie de ceux qui les portèrent. À plus ou moins long terme, la récitation rituelle devient anonyme, car elle ne renvoie plus à un souvenir précis de la personne.
23Pourtant, le livre de vie céleste, où sont inscrits les noms des justes32 et auquel fait directement référence l’appellation liber vitae du livre mémorial, garde le souvenir des faits et gestes qui justifient une telle faveur. D’où la rédaction de gesta d’abbés ou d’évêques, qui veulent conserver, avec les noms des prédécesseurs, le souvenir de leurs œuvres terrestres. Lorsque Dadon, évêque de Verdun, entreprend la rédaction des Gesta Virdunensis, il le fait « pour que la mémoire des pontifes orthodoxes soit éternellement avec nous, eux dont nous croyons que leurs noms sont inscrits dans le ciel »33. Mais écrire ne suffit pas, et bien souvent, la rédaction des Gesta, des hauts faits, est contemporaine d’un soin attentif apporté aux corps des défunts par la construction de memoriae, supports architecturaux d’une memoria liturgique. Dans les gesta épiscopaux par exemple, un intérêt tout particulier est porté à la localisation des sépultures des évêques, structurant ainsi la topographie sacrée de la cité sur le plan matériel (architectural) et spirituel (littéraire)34. La mémoire des défunts, qui devenait anonyme par accumulation nominale, est recentrée autour de la fonction épiscopale ou abbatiale, dont la permanence se marque par le regroupement en un seul lieu des corps de tous ceux qui l’occupèrent. En effet, le genre littéraire des gesta, qui se développe surtout entre le IXe et le XIIe siècle35 (cf. fig. 20 p. 130) est en étroite relation avec la manipulation des restes des défunts dont on veut conserver la mémoire. Ainsi, dans le diocèse de Liège, Michel Lauwers a remarqué qu’on rassemble dans le même temps le nom des frères défunts dans des listes nécrologiques et leurs ossements dans des lieux prévus à cet effet. Vers 930-937, l’abbé Imizon fait par exemple déposer dans une crypte nouvellement construite à SaintTrond les restes de ses prédécesseurs36.
24En rappelant la mémoire du défunt, la sépulture doit donc inciter à la prière pour le repos et le salut de l’âme. Pour saint Augustin, la localisation des tombes auprès ou dans les sanctuaires n’avait d’ailleurs guère d’autre utilité. Cependant, cette pratique, bien attestée pour l’Antiquité tardive et qui se maintient longtemps après, correspond sans doute à des motivations plus complexes.
II – Fonction funéraire et sacralité
25On peut d’ailleurs se demander, de manière générale, quels sont les rapports entre la sépulture et l’édifice de culte, entre la fonction funéraire et la fonction sacrée. Au-delà du phénomène de l’inhumation ad sanctos, c’est la conception même de la sacralité de l’église qui est ici en cause.
1. La destinée de l’inhumation ad sanctos
26Dans l’Antiquité païenne, l’association de tombes à un espace sacré était inconcevable et le christianisme représente en cela une réelle rupture avec le monde du paganisme.
— Culte des saints et inhumations ad sanctos
27Le culte des saints, et en premier lieu celui des martyrs, apparaît dans l’Antiquité comme une terrible nouveauté. Reposant en grande partie sur la vénération de reliques, il est considéré comme une coutume horrible et néfaste par les païens des premiers siècles chrétiens37. La virtus qui émane de ces restes mortels, de ces tombes vénérables et vénérées par les fidèles du Christ, rejaillit sur ces derniers, qu’ils viennent de leur vivant en pèlerinage au sanctuaire ou, après leur mort, y trouver le repos.
28À l’époque paléochrétienne, la raison principale de la localisation des tombes près des édifices de culte est la recherche de la proximité des reliques des saints (d’où d’ailleurs l’appellation d’inhumation ad sanctos). Les études d’Yvette Duval38 et de Paul-Albert Février39 ont permis de rassembler des témoignages irréfutables de l’ardente recherche d’une sépulture auprès des saints par certains fidèles, entre le IIIe et le VIIe siècle. Les renseignements épigraphiques ou littéraires sont nombreux et les fouilles archéologiques ont, depuis des décennies, mis au jour des accumulations importantes de sépultures aux abords des grands sanctuaires. D’après les témoignages écrits, c’est cette localisation particulière qui est d’une réelle efficacité dans l’Antiquité tardive, là où saint Augustin ne voudrait voir qu’appel à la prière pour le salut de l’âme des défunts. Au risque d’être trahi par la documentation textuelle, on peut noter que par la suite, la virtus du saint se double, voire disparaît derrière une dévotion eucharistique grandissante, qui justifie le maintien de la pratique d’inhumer près ou dans le sanctuaire tout en infléchissant son sens.
— Reliques et prières
29Si l’idée d’une protection du saint à l’égard des défunts ensevelis aux alentours de ses reliques persiste en partie à l’époque carolingienne40, elle cède progressivement le pas, dès la fin du VIIIe siècle, à la valeur rédemptrice de la prière et des célébrations ecclésiastiques pour l’âme des morts. Dans son étude sur l’Italie du Nord, Jean-Charles Picard avait en effet remarqué qu’à partir de l’époque carolingienne, ce n’est plus la proximité des reliques qui est censée assurer le salut, mais la prière des passants et des saints41.
30La conscience pénitentielle grandissante entraîne un nouveau sens accordé à la prière. L’individu ne sera sauvé que grâce à la multiplication des intercessions élevées en sa faveur. Dans la seconde moitié du IXe siècle, Hincmar de Reims justifie dans sa Vie de saint Remi l’importance d’une sépulture près de l’église, par le fait que « tous les jours, des oraisons sont dites tout spécialement pour ceux qui reposent dans l’atrium et les hosties salutaires sont offertes au Seigneur, puisque nos âmes trouvent la paix par son mérite »42. La même justification est évoquée au concile de Tribur en 895, à propos des inhumations dans les monastères ou auprès des chapitres canoniaux. Il est vrai qu’à partir au moins du IXe siècle, chaque célébration de funérailles doit se terminer par une pensée pour ceux qui reposent déjà au cimetière, la récitation d’un psaume et d’une antienne43 ou de véritables prières44.
31Si la présence de reliques crée une sorte de zone sacrée qui s’organise en série de cercles concentriques d’intensité décroissante45, le rôle du saint se double de la puissance d’intercession ecclésiastique, en particulier des moines, spécialistes de la prière. Dès les premiers siècles du christianisme, l’évolution qui affecte les rapports entre le domaine funéraire et celui du sacré, entraîne également une nouvelle attitude dans la localisation des sépultures par rapport à l’habitat des vivants.
2. Le rapprochement des morts et des vivants
32Le développement du culte des saints, avec la promiscuité des reliques qu’il génère, participe à ce changement radical par rapport au monde païen.
— Une rupture dans les mentalités
33En effet, dans l’Antiquité romaine, le contact, ou seulement la vue d’un cadavre, était considérée comme source d’impureté rituelle. Dès le milieu du Ve siècle avant J.-C., la Loi des douze tables, transcrite par Cicéron, demande que toute inhumation ou incinération se fasse à l’extérieur de l’enceinte urbaine46. Cette disposition, confirmée par plusieurs lois sous Hadrien, Antonin le Pieux et Dioclétien, est également applicable en Orient, où le Code théodosien, au Ve siècle après J.-C., ordonne d’emporter hors de Constantinople, la nouvelle capitale, toutes les dépouilles mortelles47. À partir du IVe siècle, la fréquence avec laquelle cette règle est rappelée laisse supposer qu’elle n’est plus strictement respectée, et que toutes les réprimandes sont vaines48.
34En quelques siècles, une nouvelle approche du corps mort s’est répandue. Si les Constitutions apostoliques, au Ier siècle, indiquent qu’on peut le manipuler librement et sans crainte49, elles n’en prouvent pas moins que la répulsion éprouvée par les juifs et les païens envers le cadavre est alors partagée par un certain nombre de fidèles chrétiens. Cependant, ce sentiment va s’amenuisant avec les siècles, et avec le développement de la dévotion aux saints qui s’enracine autour de leurs tombes.
35Au début de l’expansion du christianisme, les sépultures trouvent encore place, traditionnellement, extra muros, hors de l’enceinte de la civitas, le long des voies de communication. Bien souvent, les tombes saintes chrétiennes sont situées dans des cimetières plus anciens, où sont également ensevelis les corps des païens : c’est le cas, par exemple, pour saint Marcel à Paris, saint Julien au Mans ou, plus connu encore, saint Martin à Tours. Les sépultures de ces morts « très spéciaux » (P. Brown), et les édifices construits pour les abriter, sont à l’origine du développement de cimetières de chrétiens qui recherchent, par un choix personnel, la proximité des reliques et qui désirent être ensevelis ad sanctos. Ces nécropoles ont une importance d’autant plus fondamentale dans le développement des villes que les memoriae, ou les basiliques funéraires édifiées sur une tombe sainte deviennent rapidement églises de pèlerinage. Les évêques du VIe siècle contribuent d’ailleurs souvent activement à l’organisation ou à l’extension de ces lieux de culte50, eux qui choisissent jusqu’au moins au IXe siècle, sauf exception, d’être ensevelis dans les basiliques suburbaines : Saint-Martin à Tours, Saint-Remi à Reims, Saint-Hilaire à Poitiers, Saint-Victeur au Mans par exemple. Même si les lieux d’inhumation des évêques sont parfois dispersés, comme à Auxerre51, il faut attendre l’époque carolingienne pour voir une localisation des sépultures épiscopales intra muros52.
36Les nécropoles paléochrétiennes sont parsemées de memoriae ou de basiliques funéraires où un culte (essentiellement des saints et des défunts) s’organise progressivement : l’implantation de desservants fixes, souvent des moines, entraîne la formation de véritables agglomérations monastiques. Centres des nouveaux faubourgs des villes du haut Moyen Âge, ces quartiers constituent parfois des ensembles aussi importants que les civitates, cités épiscopales enserrées dans leurs antiques enceintes. À Tours, autour de la basilique Saint-Martin et de son atrium, une couronne d’édifices de culte et de monastères constitue, à la fin du VIe siècle, une agglomération dont le cimetière est, selon les dires de Grégoire, « celui des chrétiens »53. Le même qualificatif se retrouve dans ses écrits à propos du faubourg Saint-Allyre à Clermont54.
— Les premières sépultures intra muros
37Le développement de ces quartiers périphériques, qui associent étroitement tombes saintes, sépultures ad sanctos des fidèles chrétiens et habitat des vivants, manifeste un changement de mentalité également sensible à l’intérieur de l’enceinte avec les premières inhumations en ville. L’étude du phénomène est rendue difficile par les conditions de conservation archéologique du sous-sol urbain autant que par le silence presque absolu des sources écrites. On n’en connaît donc que des manifestations ponctuelles, mais très anciennes. Les sépultures découvertes à proximité du baptistère de Poitiers, à l’intérieur de l’enceinte, et datées du IVe siècle55 doivent être rapprochées de celles révélées par les fouilles de la cathédrale d’Aix-en-Provence, où le site du groupe épiscopal sert de nécropole dès la fin de l’Antiquité56. Ces deux exemples, dont la date est extrêmement précoce, éclairent un phénomène qui semble connaître une ampleur accrue au VIe siècle. La documentation écrite révèle des exemples d’inhumations épiscopales intra mures, comme à Ravenne, Grado ou Brescia en Italie du Nord57, à Genève58, ou la fondation de véritables basiliques funéraires à l’intérieur des murs, comme Sainte-Marie d’Arles, destinée à accueillir les moniales du monastère voisin. L’évêque d’Arles, Césaire, au début du Ve siècle, fait ainsi « tailler nouvellement, à partir de pierres immenses, des coffres monolithes très appropriés à recevoir les corps : il les fit ensuite disposer en rangs serrés sur le sol de toute la basilique, pour que, quelle que fût celle qui quitterait cette lumière, elle trouvât un lieu très bien préparé et très saint »59.
38L’expansion du phénomène ne se limite pas à la zone méridionale (Provence et Italie) : ainsi, les deux inhumations retrouvées sous la cathédrale de Cologne datent également du VIe siècle60. Il s’agit là de sépultures privilégiées, prouvant par leur localisation même (groupe épiscopal ou enceinte monastique) leur caractère chrétien. Certes, il faut attendre le Xe siècle pour voir se généraliser l’habitude d’inhumer à l’intérieur de l’espace urbain. Cependant, le VIIe siècle semble marquer une véritable étape dans le processus. C’est en effet à cette date qu’on observe les premières sépultures dans l’enceinte d’une civitas, à Brescia plus exactement, sans qu’elles soient toutefois associées à un édifice de culte. Plusieurs sépultures lombardes ont ainsi été découvertes à proximité immédiate de maisons construites en structures légères61, qui font penser que la zone était semi-ruralisée.
— Le cimetière des proto-villages
39Dans le monde rural, l’implantation des cimetières près ou en liaison directe avec l’habitat des vivants est assez précoce, et peut avoir influencé le milieu urbain. En effet, la fin du VIIe siècle correspond à l’abandon d’un certain nombre de cimetières dits « de plein champ » et à l’apparition de cimetières qu’on peut qualifier de villageois, même si ce terme est souvent discuté62.
40Bailey Young63 et Alain Dierkens64 ont mis en évidence de nombreux cas de « christianisation » d’un site funéraire mérovingien par l’implantation d’un édifice de culte, l’ensemble ainsi formé donnant parfois naissance à un véritable village. La topographie funéraire peut également être modifiée par l’abandon d’un site ancien au profit d’une église localisée au cœur de l’habitat des vivants, vraisemblablement paroissiale65. Cette translation s’est sans doute fait plus progressivement qu’on ne l’affirme parfois. Les inhumations les plus récentes des nécropoles abandonnées présentent bien souvent les mêmes caractéristiques typologiques que les tombes les plus anciennes des nouveaux cimetières, et on ne doit pas exclure la possibilité de transfert d’ossements de l’un à l’autre site, pour garder le caractère familial du lieu d’inhumation malgré le déplacement de l’ensemble.
41Plusieurs sites fouillés ces dernières années, déjà publiés comme la Delle-Saint-Martin à Mondeville66, ou encore en cours d’études comme les Ruelles à Serris67, et Portejoie à Tournedos68, montrent ainsi une implantation funéraire autour d’un édifice de culte, au cœur d’un village mérovingien. L’abandon de ces habitats au Xe siècle, au moment de la réorganisation complète du paysage rural en relation avec le mouvement d’encellulement des hommes, est le principal facteur de leur découverte, et l’on peut supposer que d’autres implantations de même type sont présentes sous certains de nos villages actuels.
42S’il semble précoce en milieu urbain, le mouvement de rapprochement entre les morts et les vivants trouve sa première manifestation généralisée à la campagne. En ville, ce n’est pas tant une topographie peu propice à l’installation des cimetières qu’une mentalité encore très imprégnée de législation antique qui est cause d’une résistance manifeste, dont les principaux responsables sont les évêques. En 561, le concile de Braga justifie l’interdiction d’ensevelir dans les églises par le fait que « si les civitates ont maintenu très fréquemment jusqu’à maintenant le principe qu’aucun corps ne doit être enseveli à l’intérieur des murs de la civitas », une révérence encore plus grande doit être observée à l’égard des martyrs vénérables69. C’est vraisemblablement l’évêque qui, dans la plupart des cas, maintient l’antique prescription contre une pression populaire de plus en plus forte. Au VIIe siècle, Jonas de Bobbio raconte ainsi que les compagnons de l’évêque d’Arras, Vaast, veulent ensevelir son corps intra muros. Comme ils ne parviennent pas à soulever le brancard funèbre, ils comprennent le sens de cette résistance, manifestation miraculeuse rappelant que le saint, avant sa mort, avait refusé un tel traitement. Selon son hagiographie, saint Vaast répétait « que personne ne devait être enterré entre les murs de la cité, parce que tout l’espace de la cité devait être celui des vivants, et non celui des morts70 ».
43Cependant, la pratique de l’inhumation près des édifices de culte entraîne nécessairement, à un moment ou à un autre, l’entrée des sépultures à l’intérieur de l’enceinte de la ville. L’autre problème qui se pose alors est celui du rapport entre l’espace sacré intérieur à l’édifice du culte, et des sépultures qui tentent de se rapprocher au maximum des reliques et de l’autel.
3. Sépultures et lieux sacrés
44Face à la pratique courante d’inhumer tout près ou dans les églises, on observe une tentative de séparer plus nettement le domaine du sacré et la fonction spécifiquement funéraire. Si les premiers signes en sont précoces, la systématisation intervient en revanche progressivement.
— Éradication progressive de la fonction funéraire des églises
45L’inhumation dans les églises est limitée très tôt par les législateurs ecclésiastiques. Suivant la tradition antique, le concile de Braga rappelle la défense d’ensevelir à l’intérieur des murs de la ville pour justifier l’interdiction d’inhumer dans les lieux de culte. Grégoire le Grand, dans ses Dialogues, raconte plusieurs anecdotes où le corps des méchants est rejeté miraculeusement hors de l’édifice, laissant entendre que, seule, une vie exempte de péchés peut ouvrir droit au privilège d’une sépulture dans l’église71. Dès le début du VIIIe siècle, ces textes sont repris dans la collection canonique irlandaise72, alors que des récits de miracles de même type fleurissent dans la littérature hagiographique.
46À partir du IXe siècle, le discours ecclésiastique est très net quant au caractère exceptionnel et privilégié de l’inhumation dans l’église. Les textes hagiographiques s’efforcent de présenter des exemples édifiants. Ainsi, Altfrid, biographe de Liudger, premier évêque de Munster, rappelle que celui-ci fut enterré à l’extérieur de l’église Sainte-Marie, comme il l’avait ordonné de son vivant, parce que « jamais, en effet, il n’avait consenti à ce qu’un corps humain soit enseveli dans son église consacrée »73. Le texte le plus complet concernant ce problème est rédigé avant 813 par Théodulphe d’Orléans dans son capitulaire épiscopal. Il s’élève catégoriquement contre « l’antique coutume d’ensevelir les morts dans l’église », ce qui entraîne à terme sa transformation en véritable cimetière. Il interdit donc à l’avenir toute sépulture, sauf cas exceptionnel ; il demande « que les tombes qui apparaissent soient plus profondément enfouies dans la terre et qu’on constitue un sol par-dessus, où n’apparaîtra plus aucun vestige de tombes. La révérence de l’église sera alors conservée ». Dans le cas où cette opération ne serait pas possible, il conseille d’abandonner tout bonnement le site74. Ce canon semble avoir eu une influence très grande, à la fois par sa réception dans de nombreux textes (capitulaires épiscopaux, conciles, collections canoniques) et par la trace tangible qu’une telle attitude a pu laisser dans le sol même de certaines églises, par exemple à Saint-Clément de Mâcon75.
47Ce n’est pas forcément le texte de Théodulphe lui-même mais la multiplication des prescriptions similaires qui est responsable de l’éradication (partielle et temporaire, mais réelle) de la fonction funéraire de ces églises aux IXe-Xe siècles. Ainsi, le privilège des dignitaires religieux et des bons et fidèles laïcs est maintes fois réaffirmé76. L’époque carolingienne semble marquer une séparation progressive entre le domaine du sacré (étroitement lié à la célébration eucharistique) et le domaine purement funéraire. Cette attitude ecclésiastique, en opposition totale avec les aspirations des laïcs, se double d’une volonté affirmée de contrôler l’application de ces règles par un vaste mouvement de consécration de l’espace.
— Patronages laïcs et consécration ecclésiastique
48Dès la fin du VIIe siècle ou le début du VIIIe, les pénitentiels théodoriens véhiculent plusieurs textes concernant les rapports entre consécration d’église et présence de sépultures. L’un de ces textes est d’autant plus édifiant qu’il sera repris ensuite, lors de la réforme carolingienne, par les Faux capitulaires et le pénitentiel du pseudo-Théodore. Il insiste sur le fait qu’il n’est pas permis de sanctifier l’autel dans une église où des défunts non chrétiens ont été ensevelis. « Mais si on la juge digne d’être consacrée, il faut d’abord enlever les corps, raser les murs et la réédifier avec ses bois purifiés ». Dans le cas où elle aurait été consacrée avant, on ne peut y célébrer les messes qu’à la condition expresse que tous les corps ensevelis soient ceux de fidèles chrétiens77. Une partie de l’épiscopat carolingien va beaucoup plus loin, interdisant de consacrer toute église tant qu’il reste des sépultures, quelles quelles soient, à l’intérieur. C’est par exemple l’évêque Prudence de Troyes, dont l’attitude est rappelée par Adson de Montier-enDer, dans la seconde moitié du Xe siècle. Dans sa Vita Frodoberti, il récapitule les états successifs de la basilique de Montier-la-Celle, où le saint avait établi sa sépulture. Le jour de son décès, l’évêque Abbon de Troyes avait consacré le sanctuaire, avant d’y être lui-même enseveli. Au milieu du IXe siècle, l’église tombant en ruine, un nouveau bâtiment est édifié, et on appelle l’évêque Prudence pour le consacrer. Mais celui-ci, en arrivant, demande s’il y a des corps ensevelis à l’intérieur. « Apprenant qu’il y en avait plusieurs, il ordonna de tous les éliminer du temple, affirmant qu’autrement, il n’accepterait pas d’accomplir son office de consécration78 ». Cette attitude extrêmement ferme s’oppose en tous points à celle de son contemporain Hincmar de Reims, dont la position à propos de ces églises anciennes est la suivante : « parce qu’à l’intérieur, des corps de chrétiens sont ensevelis, elles ne doivent pas être transférées ailleurs, si elles peuvent plutôt rester là et être purifiées79 ». Dans son traité sur les églises et les chapelles, il explique d’ailleurs les raisons de l’attitude de Prudence de Troyes (et d’autres évêques, tels Hincmar de Laon ou Agobard de Lyon) par leur lutte contre le dominium des laïcs. Selon Hincmar, ces évêques « saisissent l’occasion de chaque église vétuste ou détruite pour affirmer qu’il ne convient pas de la réédifier au même endroit, parce qu’à cause des corps ensevelis, elle ne pourra être consacrée ». Ensuite, ils acquièrent eux-mêmes des terres où pourra être construit le nouveau bâtiment, manière parfaite de le faire glisser sous la domination ecclésiastique80. Ce procédé permet de lutter contre le patronage laïc, qui donne trop souvent un caractère privé au lieu de culte et entraîne fréquemment des détournements de revenus. On possède par exemple le témoignage d’Agobard, qui parle de « ceux dont les ancêtres ont construit des chapelles, les ont dotées, les ont institués, elles et leurs prêtres ». Ces patrons laïcs, « parce qu’ils peuvent invoquer un droit de propriété sur les murs », s’arrogent le droit de vendre les biens conférés par les fondateurs ou par des donations pieuses81. D’où la recherche d’un transfert de propriété à l’Église, qu’Hincmar considère comme un abus de pouvoir. Pour lui, c’est par lucre que ceux qu’il accuse « revendiquent pour eux les paroisses anciennement établies et les divisent de manière déraisonnable ». Hincmar dénonce là, pour des raisons ecclésiologiques, un procédé pourtant répandu. Nombreux sont en effet les textes carolingiens où l’on voit des fondateurs, au moment de la consécration, transférer la propriété de leur église à l’évêque ou au diocèse82. L’obligation stricte de la consécration de l’église (et non plus seulement de l’autel) pour pouvoir y célébrer l’eucharistie semblerait remonter à l’époque carolingienne ; l’insistance particulière que l’on remarque dès le début du IXe siècle montre une tentative de l’épiscopat pour contrôler toutes les églises privées83. Utiliser ce moyen de pression pour se faire attribuer du même coup le patronage de l’église est alors facile, ce que dénonce là encore Hincmar de Reims pour des raisons à la fois canoniques et théologiques. Nulle part en effet, dit-il, « on ne trouve que les fondateurs d’églises sont obligés d’en faire la tradition à l’évêque pour en obtenir la consécration. La consécration est une grâce spirituelle qu’il n’est point permis d’octroyer comme récompense au don d’église »84. Il est bien difficile de savoir dans quelle mesure ces prescriptions ont été suivies d’effets. Ce qui est certain en revanche, c’est que le mouvement carolingien de consécration des églises, qui manifeste une reprise de contrôle des évêques sur les lieux de culte et sur les célébrations liturgiques, s’accompagne, dès la fin du IXe siècle semble-t-il, de la création d’un rituel de bénédiction de l’espace d’inhumation85.
— La bénédiction du cimetière
49Au Xe siècle, apparaissent les premiers formulaires écrits de bénédiction ou de consécration de cimetière, qui revêtent une signification très forte : d’une part, en offrant à l’espace funéraire une sacralisation par le rite, ils transforment le caractère intrinsèque du lieu, sacré non plus par la proximité des reliques d’un saint, mais par une attribution ecclésiastique. En outre, en prononçant les prières afférentes au rite, la consécration restreint l’espace d’inhumation à l’usage de la seule communauté chrétienne, en excluant les autres.
50La bénédiction de la sépulture, juste avant l’ensevelissement, est la forme la plus ancienne d’une affectation spécifiquement funéraire d’un lieu donné. Connue dès le VIe siècle par le témoignage de Grégoire de Tours86, elle se rapproche cependant plus des rites de funérailles que de la consécration du cimetière, qui présente un caractère plus général et perpétuel pour des inhumations futures. Le premier témoin de ce rite se trouve dans les lois d’Aethelstan, roi d’Angleterre, vers 925-939. Il y est dit que le parjure, s’il meurt sans s’être repenti, ne pourra être déposé in sanctificato atrio87. Pour la première fois, sont évoquées conjointement une action particulière affectant le lieu (la sanctification) et l’interdiction d’y ensevelir un homme exclu de la communauté chrétienne, ici un parjure. Aucun rituel à proprement parler ne semble antérieur au Xe siècle, et il faut avouer qu’ils sont alors peu nombreux. Les plus anciens proviennent d’Angleterre88 et du Nord de la France89. Il faut cependant leur ajouter la compilation ottonienne, vers 960, du Pontifical romano-germanique90, dont la rapide diffusion91 dut contribuer à l’essor de la consécration des cimetières. La cérémonie, à l’origine, est très simple. On peut observer dès le Xe siècle deux traditions indépendantes. La première, représentée par le Pontifical romano-germanique et le sacramentaire d’Arras, mentionne le chant des sept psaumes de pénitence, et le dépôt de quatre chandelles autour de l’espace à consacrer avant la récitation de deux ou trois oraisons92 ; le pontifical mayençais ajoute une aspersion d’eau bénite.
51La seconde tradition, contenue dans les autres rituels93, recommande une aspersion d’eau bénite, le chant du psaume Miserere avec l’antienne Asperges me, avant la récitation de quatre oraisons, chacune vers un point cardinal différent, parfois accompagnée d’une cinquième à prononcer au milieu du cimetière94. Malgré leurs différences de rituels, ces deux traditions montrent une grande cohérence textuelle en ce qui concerne les oraisons qui leur sont communes. Les variantes qu’elles présentent sont minimes. Cette ressemblance donne à penser qu’il y a eu avant le Xe siècle, même si c’est très peu de temps avant, l’élaboration d’un modèle commun, dont les témoins que nous connaissons ne sont que des copies plus ou moins partielles, plus ou moins remaniées.
52La bénédiction du cimetière semble être née du désir grandissant de séparer le domaine du sacré (et de l’eucharistie) du reste du monde profane, tout en offrant aux fidèles la possibilité de reposer dans un lieu protégé par Dieu. L’intérêt grandissant des clercs à l’égard des rites funéraires et des lieux d’inhumation permet de se rendre compte que le cimetière représente un réel enjeu dans la société chrétienne carolingienne.
III – Le cimetière, symbole de la communauté chrétienne
1. L’identité du cimetière chrétien
53La première des informations peut être fournie par l’étude de la terminologie pour désigner le lieu d’inhumation, qui apparaît significative de ses diverses composantes.
54Dans cette étude, il faut mettre à part le terme de « nécropole », étymologiquement « ville des morts », né au siècle dernier en rapport avec une vision très particulière du cimetière. Époque de redécouverte de la civilisation antique classique, qui rejetait ses morts aux abords des cités, le XIXe siècle transfère également ses cimetières et ses défunts hors de l’agglomération urbaine. À ce moment-là, de véritables « villes des morts », cimetières monumentaux aux allées bordées de tombeaux somptueux, sont créés. Pour cette raison, le terme de nécropole est bien souvent réservé par les chercheurs aux sites funéraires extérieurs à un contexte d’habitat, en particulier aux cimetières en plein champ de l’époque mérovingienne.
55Au haut Moyen Âge, les trois termes principaux qui désignent les lieux d’inhumation sont coemeterium, polyandrium et atrium. En les étudiant tour à tour, on peut identifier les différentes caractéristiques du cimetière carolingien.
— Le coemeterium, lieu de repos pour les fidèles
56Le mot coemeterium, dont dérive le « cimetière » français, est pour cette raison même celui qui nous est le plus familier. Il provient d’un terme grec qui signifie, à l’origine, dortoir. Dans un article récent95, Eric Rebillard a pu montrer le glissement qui affecte le sens du mot entre les débuts du christianisme et le VIe siècle : son sens primitif de tombe singulière (en particulier celle du martyr) évolue vers celui d’un lieu communautaire d’inhumation. En Orient, il désigne dès le IIIe siècle un endroit où se trouvent des tombes vénérées, avec un certain nombre d’aménagements liturgiques en étroite relation avec le développement du culte des martyrs. À Rome, le premier « cimetière » attesté dans la littérature latine, celui de Callixte, a pour vocation première d’abriter les sépultures pontificales, tombeau collectif monumental essentiel dans la formation d’une identité de l’Église de Rome. Dans l’organisation ecclésiastique générale romaine, le mot semble synonyme de parochia, et désigne une église martyriale suburbaine. Ce n’est qu’à partir du VIe siècle que coemeterium désigne en Occident un lieu de sépulture communautaire, signe d’une conception théologique nouvelle96.
57À l’époque carolingienne, l’usage du terme coemeterium pour désigner le cimetière communautaire est donc bien attesté. Il concerne essentiellement des lieux d’inhumation en plein air. Il peut cependant s’appliquer aussi à un bâtiment, comme à Fulda, « la petite église ronde [...] où reposent les corps des frères défunts », « qu’ils appellent cimiterium, qu’en grec on appelle koimeterion, et qu’on doit interpréter en latin comme dormitorium, dortoir »97. Comme on le voit dans ce passage de la Vie d’Eigil de Fulda, Candide rappelle l’étymologie du mot pour insister sur le repos des moines qui dorment là en attendant le jour du jugement dernier. C’est ce qu’explique Walafrid Strabon, autour des mêmes années 840-842, lorsqu’il rappelle que le « cymiterium est le reposoir, ou dortoir des morts, que l’Église appelle dormants, pour la raison même qu’on ne doute point qu’ils ressusciteront »98. Le mot de cimetière est donc employé de manière pertinente pour rappeler la fonction première du lieu, rassembler les fidèles et leur offrir le repos après le décès, en attendant la résurrection dernière. Dans les rituels de consécration, on lui trouve associé un autre terme, beaucoup plus savant, d’origine grecque lui aussi : polyandrium.
— Le polyandrium, espace d’inhumation communautaire
58L’étymologie de ce mot est très claire : il désigne un lieu où beaucoup d’hommes sont rassemblés. Il est utilisé avec un sens funéraire depuis au moins le début du Ve siècle, date à laquelle on trouve, sous la plume de saint Jérôme, l’explication suivante : « Polyandrion, c’est-à-dire une multitude d’hommes ensevelis99 ». Son commentaire de l’Évangile de saint Matthieu est d’ailleurs repris mot pour mot au IXe siècle par certains exégètes, comme Paschase Radbert100.
59La première caractéristique du terme polyandrion est son caractère communautaire. Au VIe siècle, Grégoire de Tours semble établir une confusion entre polyandrium et cimiterium, auquel il donne en effet une étymologie inexacte : « À Autun, il existe un cimetière, ainsi appelé en langue gauloise, parce que les corps d’un grand nombre d’hommes y sont ensevelis101 ». Par son développement autant que par les erreurs qui s’y sont involontairement glissées, ce passage est particulièrement intéressant. Il faut tout d’abord remarquer que Grégoire éprouve le besoin d’expliquer le mot qu’il utilise, preuve de son usage exceptionnel. En outre, on voit qu’il en connaît l’origine non latine. Cependant, il ne l’attribue pas à la langue grecque, savante, mais à la langue gauloise, vernaculaire, ce qui en laisserait supposer l’usage par les chrétiens d’Autun eux-mêmes. Enfin, il donne au mot cimiterium le sens étymologique qui correspond à polyandrium, ce qui tend à montrer une synonymie spontanée des deux mots dans son esprit. Au VIe siècle, cimiterium avait acquis, comme l’a montré Éric Rebillard, un caractère communautaire indéniable : ce fait justifie qu’on lui associe polyandrium.
60Cette association est d’autant plus remarquable qu’elle se retrouve, moins de deux siècles plus tard, dans les écrits de Théodulphe d’Orléans. Dans son premier capitulaire épiscopal, déjà cité, il se plaint de l’utilisation abusive des églises comme espace d’inhumation, de sorte que « la plupart des lieux donnés au culte divin et préparés pour offrir les sacrifices à Dieu sont transformés en cimiteria velpolyandria »102.
61Cette expression cimiterium sive/vel polyandrium se retrouve dans tous les rituels médiévaux de consécration de cimetière. L’utilisation du terme polyandrium dans le sens de sépulture individuelle d’un saint, présente dans l’hagiographie mérovingienne103 et carolingienne104, est en outre tellement éloignée de son sens étymologique qu’elle ne peut se comprendre que par une association traditionnelle et ancienne avec cimiterium. Le terme de polyandrium reste cependant fort rare pendant tout le Moyen Age, et employé essentiellement en contexte liturgique. Même dans ce cas, le caractère vraisemblablement exceptionnel du mot semble avoir entraîné l’utilisation d’une expression similaire (par exemple populi andrum, dans le pontifical de Claudius au Xe siècle105). Dans un missel du XIe siècle de Saint-Front de Périgueux, a été copiée une oraison in poliandrio, qui concerne explicitement un bâtiment construit, domus consacrée à saint André et saint Clément106. Il est peu probable que le copiste se soit trompé dans l’attribution de l’oraison (par ailleurs originale) à un polyandrium. Il pourrait s’agir, dans ce cas précis, d’une église funéraire, comme l’édifice dédié à saint Michel au monastère de Saint-Amand. Dans un de ses poèmes, édité sous le titre In cimiterio sancti Amandi, Alcuin célèbre en effet l’œuvre d’Arno de Salzbourg (785-821), qui réédifia une aedes dédiée à saint Michel, saint Pierre et saint Amand, en souhaitant qu’elle devienne « le saint poliandrium des frères »107.
— L’atrium, espace sacré autour de l’église
62Le troisième terme désignant un espace funéraire au haut Moyen Âge, atrium, a également une acception architecturale dans les premiers temps chrétiens. Si l’étymologie du mot a souvent été discutée108, son sens dans l’Antiquité romaine est en étroite relation avec une construction, qu’elle soit civile (demeure privée) ou, ce qui nous intéresse plus directement, religieuse109. Correspondant en particulier à la salle d’entrée d’un temple, atrium est utilisé dans les traductions latines de la Bible pour désigner la cour précédant le tabernacle de David110. C’est presque naturellement donc que les premiers auteurs chrétiens vont le choisir pour désigner le portique d’une basilique chrétienne. Les études de Jean-Charles Picard montrent bien le problème que pose l’atrium paléochrétien, défini en termes architecturaux comme une cour située devant l’entrée principale de l’église, entourée de portiques sur au moins trois côtés. Devant les monuments paléochrétiens, il s’agit d’un espace funéraire extérieur au sanctuaire, mais qui lui est organiquement lié111. Après la disparition de ce type de construction, spécifiquement paléochrétien, le terme d’atrium garde un sens funéraire (même si celui-ci n’est pas exclusif), tandis que l’espace situé immédiatement devant la porte de l’édifice continue à représenter un espace privilégié d’inhumation. On en trouve mention au VP siècle chez Grégoire de Tours, qui demande à être enseveli ante portam112. À partir de la fin du VIIIe siècle, c’est cet espace qui est qualifié explicitement de paradisus113, clairement individualisé au sein de l’atrium114.
63Dans le même temps, l’espace situé sous la gouttière, sub stillicidio, mentionné par Grégoire de Tours comme un autre espace privilégié d’inhumation115, semble également devenir une unité topographique à part entière. Si le même lieu est toujours désigné, l’expression utilisée change de forme : c’est désormais in, c’est-à-dire dans le stillicidium qu’on désire être inhumé116.
64Sans doute doit-on voir dans cette évolution sémantique le signe d’une volonté d’identifier certains espaces privilégiés au sein d’un atrium compris comme l’ensemble de l’espace situé autour de l’église, sans localisation précise, sans affectation funéraire obligatoire. Cette hypothèse est corroborée par l’ensemble de l’évolution du droit d’asile, très tôt attaché aux édifices de culte chrétien.
2. Le statut juridique du cimetière
65À l’époque carolingienne en effet, l’atrium a, et ceci depuis fort longtemps, un statut juridique tout à fait particulier. Ce lieu bénéficie d’un droit d’immunité locale, qui en fait un lieu de refuge pour les personnes et les biens. Le récent travail d’Anne Ducloux117 permet d’en retracer la préhistoire et les premiers temps, pour mesurer ensuite les évolutions qui affectent le droit d’asile pendant tout le Moyen Âge.
— La mise en place du droit d’asile
66Dans son ouvrage, l’auteur montre que les années 419-420 représentent un véritable tournant dans l’histoire du droit d’asile dans les églises. Auparavant, depuis le milieu du IVe siècle, celui-ci avait connu des progrès importants, sans toutefois se départir du caractère aléatoire d’une coutume essentiellement religieuse. La constitution de 419, promulguée dans la partie occidentale de l’Empire, apparaît comme la première reconnaissance légale du droit d’asile, dont la violation entraîne désormais une sanction pénale, et dont l’extension géographique est clairement délimitée118. La constitution orientale de 431, plus précise encore en ce qui concerne la définition de la zone protectrice, est applicable en Occident dès 438, date de promulgation du Code théodosien, source d’une grande partie de la législation postérieure.
67Les cinquante pas qui s’étendent au-delà de la porte de la basilique, dès lors protégés par un droit positif, comprennent à l’occasion l’espace d’inhumation, sans que celui-ci soit mentionné explicitement. On sait combien les sépultures se pressent autour des murs des édifices de culte dès l’époque paléochrétienne, pour bénéficier de la virtus protectrice des reliques. C’est d’ailleurs la proximité des lieux de culte qui donne la force principale au droit d’asile, pourtant affirmé légalement. Si l’on prend l’exemple de Saint-Martin de Tours, on se rend compte que la zone de protection assurée par la virtus du saint correspond très exactement à la zone de protection conférée par l’asile et se confond avec l’espace d’inhumation ad sanctos. La défense du saint, par l’intermédiaire de ses reliques, apparaît alors comme polyvalente, caractère très net dans les récits de Grégoire de Tours au VIe siècle : le violateur de l’asile, avant même d’encourir des sanctions pénales, est directement puni par le saint119.
68À l’époque mérovingienne, en vertu du régime de la personnalité des lois, le Code théodosien reste applicable aux sujets gallo-romains. Les législateurs barbares quant à eux, alliant droit romain et droit germanique, adaptent l’ancienne législation à de nouvelles exigences. Par une protection temporaire du réfugié, et par la commutation de la peine capitale en amende, elle permet alors une régulation du système de la vengeance privée120. Parallèlement, on observe aux VP et VIIe siècles l’apparition de textes canoniques qui rappellent et complètent les prescriptions du droit séculier. Les évêques insistent sur la nécessité de la pénitence du coupable pour son salut et continuent à pratiquer l’intercession. L’Église tente surtout de subordonner le départ des criminels et des esclaves réfugiés dans l’édifice de culte ou dans l’une de ses dépendances à la promesse d’immunité corporelle faite par le poursuivant. Le droit d’asile de celui qui se réfugie ad ecclesiam n’empêche ni son arrestation, ni la nécessaire réparation des crimes commis ; il fixe seulement les modalités de remise de celui qu’on reconnaît coupable121. Le recours à l’asile peut d’ailleurs entraîner de lourdes conséquences pour l’église concernée, d’autant plus importantes que le saint est renommé. Ainsi, au début du VIIIe siècle, Bède le Vénérable attribue à saint Cuthbert un discours où il demande une sépulture hors de l’enceinte du monastère car, dit-il à ses moines, « il vous faudrait sans cesse intercéder auprès des puissants du siècle, et ainsi, la présence de mon corps vous serait une lourde charge »122.
— Atrium et droit d’asile à l’époque carolingienne
69L’instabilité politique mérovingienne, en laissant la place à la violence privée comme mode de règlement des conflits123, dut sans doute contribuer à une inflation sensible des cas de refuges auprès des églises124. Les récits de Grégoire de Tours montrent d’ailleurs à l’envi que le droit d’asile ne retenait pas toujours les puissants de s’emparer des personnes ou des biens à l’intérieur de la zone protégée par la loi. Les entorses à la règle durent être assez nombreuses, et la remise en ordre carolingienne marque un réel intérêt pour le droit d’asile, que conciles et capitulaires entendent faire respecter en restreignant ses conditions de validité pour en favoriser le contrôle. La réglementation carolingienne vise en fait à éviter l’exercice de la vengeance privée (en accordant à l’accusé une protection temporaire), sans entraver pour autant le cours de la justice publique et l’exécution des sentences légales.
70Ainsi, dès 779, le capitulaire de Herstal refuse le droit d’asile à quiconque a commis un crime passible, selon les lois, de la peine de mort125. Vers 785, le capitulaire saxon demande à ce qu’on respecte le corps et la vie de celui qui s’est réfugié in ecclesiam, jusqu’à ce qu’il soit présenté devant le plaid et jugé126. Le concile réformateur de Mayence en 813 rappelle d’ailleurs cette règle : « Que personne n’ose enlever de l’église un accusé qui s’y réfugie, lui infliger un châtiment ou le mettre à mort, pour que l’honneur de Dieu et de ses saints soit sauvegardé », même s’il est prévu « que les coupables doivent payer la composition légale qui correspond à leurs méfaits »127.
71L’assimilation de l’atrium, donc de l’espace d’inhumation des fidèles, à l’église en ce qui concerne le droit d’asile est affirmée explicitement dans un capitulaire de Charlemagne, daté de 803. Il y est dit, entre autres, que « si quelqu’un a trouvé refuge dans une église, il pourra rester en paix dans l’atrium, sans qu’il lui soit nécessaire de pénétrer dans l’église »128.
— L’implantation des vivants dans l’atrium
72Le statut protecteur de la terre située autour de l’édifice de culte semble avoir entraîné très tôt des implantations diverses, temporaires ou permanentes. Des fouilles réalisées à Hordain dans le Nord ont montré l’existence de trois fonds de cabanes au sein de l’espace funéraire du VIe siècle, contemporaines des sépultures129 (cf. fig. 21 p. 152). À Mondeville, à la fin du VIIe ou au début du VIIIe siècle, la nécropole et l’habitat sont étroitement imbriqués : le site a révélé, en particulier, la présence d’une unité d’habitation placée au centre du cimetière, occupée durant la période où celui-ci était encore en usage130. L’époque carolingienne voit une augmentation des cas archéologiquement reconnus de coexistence entre l’habitat des vivants et l’espace funéraire : à Saint-Mexme de Chinon131, à Malay-le-Grand dans l’Yonne132, ou à Poigny, en Seine-et-Marne133, fosses, silos, dépotoirs et fonds de cabanes témoignent d’une implantation durable des vivants entre et sur les sépultures. À Saint-Denis, dans le grand cimetière de la basilique, près de l’église Saint-Paul tout comme aux alentours de Saint-Pierre, ont été reconnues de véritables zones artisanales134.
73La cohabitation entre morts et vivants a sans doute été favorisée par le statut de lieu de refuge dont jouissait la terre de l’atrium. C’est d’ailleurs ce droit d’asile qui pose problème aux législateurs carolingiens, lorsqu’ils doivent statuer sur l’illégalité de la tenue des plaids dans l’espace autour de l’église. Dès 813, le concile de Mayence dénonce une telle situation135. Par le capitulaire de Quierzy de 873, Charles le Chauve, en rappelant les prescriptions édictées par ses prédécesseurs, réitère l’interdiction de situer dans l’église ou dans ses dépendances, atrium compris, le lieu de tenue du plaid, c’est-à-dire « un lieu où les hommes pourront être condamnés à mort, mutilés ou flagellés : en effet, ce serait une injustice, car s’ils se réfugient en ce lieu, ils doivent avoir, selon un autre capitulaire, la paix »136. L’affaiblissement du pouvoir carolingien semble avoir cependant accentué la tendance des grands à choisir ce lieu, symbolique entre tous, d’une coutume garantie par les ancêtres, pour tout acte relatif à l’exercice de l’autorité d’origine publique. Les comtes, dont la charge deviendra bientôt héréditaire, y exercent, comme on vient de le voir, la justice ; dès le début du Xe siècle, y sont rédigées certaines chartes de donation137, dont les principaux témoins et garants semblent être les morts eux-mêmes. À partir du XIe siècle, on voit même, dans certains cas, s’y ériger des tours seigneuriales138.
74Vers la fin du Xe siècle, la constitution d’un nouveau système social, basé sur l’arbitraire seigneurial en matière de justice et d’imposition, entraîne le développement de « mauvaises coutumes », contre lesquelles l’unique secours est à rechercher du côté de l’Église. L’institution de la Paix de Dieu tente, en accord avec les grands, de contrôler la violence en interdisant son usage contre certaines catégories de gens, de biens, de lieux, ou à certains moments de l’année. Le droit d’asile dont jouissait l’atrium est alors confirmé, voire accru139, car la protection qu’y trouvent hommes et richesses, garantie par l’autorité ecclésiastique, l’est également par le serment des grands, ceux-là mêmes qui auparavant la bafouaient impunément.
75Pour l’Église carolingienne et post-carolingienne, le cimetière est un enjeu de taille : espace sacré par la proximité du lieu de culte et des reliques qu’il abrite, c’est aussi, généralement, le seul espace libre, au sein d’un habitat qui se densifie, pouvant abriter les réunions publiques. En outre, l’atrium est, par excellence, le lieu de la coutume, le terrain des ancêtres. Ils veillent sur les vivants qui viennent s’y réfugier, ils offrent protection et garantie aux actes publics qui y trouvent place. L’enjeu politique et social du cimetière est d’autant plus important que s’y élabore l’idée d’une véritable conscience communautaire.
3. Le cimetière des chrétiens, appartenance et exclusion
76L’époque carolingienne voit en effet l’émergence de la nécessité d’inscrire dans la terre du cimetière la structure de la société des vivants. A une période où se stabilisent un certain nombre de cadres politiques ou sociaux, la sépulture devient un signe d’appartenance à une communauté donnée.
— Le cimetière des moines, modèle d’un cimetière communautaire
77Très tôt, l’inhumation du moine au sein de sa communauté apparaît comme l’une des caractéristiques de la règle cénobitique. La critique des moines gyrovagues dans la règle du Maître, comme dans celle de saint Benoît, cite deux critères essentiels justifiant leur condamnation : « errant sans cesse en différents lieux, ils ignorent chez qui donner asile à leur maladie et, pour comble, ils ne savent pas où établir leur sépulture »140. Le cimetière monastique est donc la manifestation ultime de la stabilité, vertu bénédictine essentielle. À l’intérieur du monastère, se recrée une véritable familia dont les membres doivent, après leur mort, reposer ensemble. Au début du VIIe siècle, Isidore de Séville se fait encore plus explicite. Il demande à ce que chaque monastère ait un cimetière particulier, parce que « les corps des frères doivent être ensevelis en un seul lieu, afin qu’un seul lieu embrasse dans la mort ceux que l’unité de la charité réunissait dans la vie »141. Le plan de Saint-Gall (cf. fig. 22) prévoit un espace particulier, où s’entremêlent sépultures et arbres fruitiers, à l’ombre de la croix monumentale « sur laquelle poussent les fruits du salut éternel »142. Et lorsque les laïcs obtiendront l’immense privilège d’être enterrés au sein de l’espace monastique, ils bénéficieront d’un cimetière à part, comme le « cimetière où sont ensevelis les laïcs » dont parle le Liber tramitis clunisien du début du XIe siècle143. Seul moyen d’accès possible au cimetière monastique, la vêture ad succurendum, ouvre les portes de la communauté et, ce faisant, du « cimetière des frères »144.
— Le cimetière de l’église, signe d’une appartenance à la communauté chrétienne
78C’est d’ailleurs la même logique qui conduit Charlemagne à exiger, dans son capitulaire saxon, « que les corps des Saxons chrétiens soient emportés dans le cimetière de l’église, et non pas au tumulus des païens »145. Au moment où il édicte ce capitulaire, le roi a comme souci premier de rétablir la paix en Saxe et d’intégrer politiquement les Saxons au domaine franc en favorisant la christianisation. La sépulture apparaît comme le seul signe tangible d’une véritable intégration individuelle à la communauté chrétienne ; en outre, il manifeste une totale adhésion aux dogmes chrétiens. Le passage à une solidarité chrétienne ne se fait cependant pas sans hésitations pour les populations païennes germaniques. Rappelons l’exemple du baptême du roi des Frisons, Radbod, raconté dans la Vie de saint Vulfran, archevêque de Sens. Radbod avait déjà pénétré dans la piscine baptismale lorsqu’il apprend par l’évêque que lui, sans doute, sera sauvé, mais que ses ancêtres, non baptisés, se trouvent en enfer. Alors, « il retira son pied de l’eau, disant qu’il ne pouvait perdre la communion avec ses ancêtres, les princes frisons, et se retrouver avec quelques pauvres au royaume céleste »146. La rupture que refuse Radbod, Charlemagne tente de l’imposer aux Saxons par l’obligation, entre autres, d’un nouveau lieu de sépulture. On sait cependant qu’il n’y parvient que très imparfaitement et qu’il est obligé de déporter de nombreux Saxons vers l’intérieur du domaine franc pour ramener la paix dans le pays. C’est peut-être un de ces groupes qui a été découvert à Douai, lors de travaux réalisés rue d’Arras, où une vingtaine de sépultures des VIIIe-IXe siècles ont été fouillées. Elles se caractérisent par un rite de fumigation, inconnu dans la région, tandis que les squelettes présentent des caractéristiques anthropologiques les rapprochant des populations saxonnes ou hongroises. Le fouilleur a ainsi pu émettre l’hypothèse d’un groupe de déportés saxons (hommes, femmes, enfants), tout d’abord exclus et inhumés dans un lieu particulier, puis progressivement intégrés à la population chrétienne locale147 et partageant avec elle un lieu d’inhumation communautaire.
79L’intégration de groupes étrangers à la société carolingienne, sur la base de leur foi chrétienne avec une véritable acculturation dans le domaine funéraire, est assez nette dans le cas des Normands. Après les incursions ponctuelles très violentes qui se succèdent tout au long du IXe siècle, Charles le Simple, en 911, est amené à traiter avec un de leurs chefs, Rollon. Pour son installation dans la région de Pîtres, une des conditions requises est la conversion des Normands au christianisme et Dudon de Saint-Quentin relate le baptême de Rollon juste après l’entrevue de 911148 · L’aspect politique de cet événement apparaît d’autant plus évident que Rollon est ensuite, à sa mort, enseveli dans la cathédrale de Rouen149 : il s’agit du premier cas historiquement connu d’inhumation intra muros dans cette ville. L’intégration rapide des Normands à la population locale et leur adoption des espaces d’inhumation comme des coutumes funéraires du lieu expliqueraient l’extrême rareté des tombes spécifiquement Scandinaves150 découvertes sur le continent (sépulture à bateau de l’île de Groix151, tombes naviformes de Réville dans la Manche152 et fibules vikings de Pîtres153). Il y a tout lieu de croire que les Normands, s’installant en nombre relativement réduit, se sont fondus dans la population locale, la foi chrétienne formant le ciment de la communauté des morts et des vivants.
— Privation de mémoire, privation d’obsèques chrétiennes
80Dès lors que la sépulture devient le signe d’appartenance à la communauté, l’exclusion de l’espace communautaire manifeste le rejet de la société. Il faut cependant attendre le Xe siècle pour voir l’interdiction explicite faites à certains groupes ou individus de reposer dans le cimetière, même si l’on doit excepter le témoignage de Grégoire de Tours. Ce dernier rapporte, à propos du suicide du comte de Clermont Palladius, « qu’on ne le plaça pas à côté des corps des chrétiens, et [qu’]il ne mérita pas les solennités d’une messe »154. Si ce passage est assez clair, il semblerait tout de même que le corps fût enseveli « au monastère de Cournon », d’où une difficulté d’interprétation, d’autant que la législation mérovingienne ne prévoit aucune sanction matérielle contre le corps du suicidé, contrairement à ce qui se passera au bas Moyen Âge155. Les décisions canoniques n’interdisent que la célébration chrétienne des funérailles et la commémoration lors de l’oblation, comme le fait, par exemple, le concile d’Orléans de 533156. Le canon 17 du synode d’Auxerre (561-605), très précis, sera repris par les collections canoniques carolingiennes. Il fonde l’attitude chrétienne face au suicide, demandant à ce que :
Si quelqu’un, de sa propre volonté, s’est jeté à l’eau, ou s’est passé la corde au cou, ou s’est précipité du haut d’un arbre, ou s’est donné un coup de poignard, ou s’est, de quelque manière que ce soit, donné volontairement la mort, l’on ne reçoive pas les offrandes offertes pour ces gens-là157.
81Le concile de Braga, lui aussi cité ultérieurement dans diverses collections canoniques, associe la commémoration dans l’offrande et le chant des psaumes lors des obsèques et il les interdit en se plaignant que « de nombreuses personnes ont usurpé ce droit par ignorance »158. La législation carolingienne reprend toutes les interdictions, sans prescrire de sépulture infamante ou de privation totale d’ensevelissement159. Le pape Nicolas Ier, dans sa lettre aux Bulgares, le précise d’ailleurs : il faut ensevelir le suicidé,
... afin qu’il ne cause aucun désagrément à l’odorat des vivants, mais il ne faut pas le porter à la sépulture avec les obsèques accoutumées, afin d’inspirer la crainte aux autres. Si certains, par humanité, satisfont à sa sépulture, c’est à eux que cet acte sera utile, et non à celui qui sera mort de son propre homicide160.
82L’influence augustinienne se fait nettement sentir ici, et on doit lui associer un adoucissement progressif de l’attitude des clercs envers les suicidés. Dès la fin du VIIIe siècle en effet, la punition perd son caractère brutal et arbitraire pour laisser place à une indulgence grandissante, fondée sur la prise en compte d’éventuelles circonstances atténuantes. On peut ainsi prier pour celui qui s’est suicidé s’il « est frappé par le diable et se donne la mort en ne sachant plus ce qu’il fait »161 ou « s’il s’est donné la mort par une tentation subite de son esprit, ou par folie »162. Cependant, on ne doit pas prier pour lui « s’il s’est tué par peur ou par désespérance »163, parce que c’est un péché capital. C’est pourquoi la mansuétude divine ne peut s’appliquer dans ce cas-là, elle que les Faux Capitulaires, collection réformatrice du milieu du IXe siècle évoque en ces termes :
À propos de ceux qui se tuent ou se pendent, on considère que si quelqu’un de compatissant veut donner une aumône, qu’il le fasse. De même, bien que les messes et les offrandes lui soient interdites, il peut prier en psalmodiant, car les jugements de Dieu sont insaisissables et nul ne peut sonder la profondeur de son dessein164.
83Le sort des condamnés à mort suit celui des suicidés : le concile de Braga déjà cité précise en effet que « l’on agira de même pour ceux qui ont été punis pour leurs crimes »165, assimilation reprise aux VIIIe et IXe siècles par les textes canoniques166. C’est la législation civile qui prévoit une sépulture infamante, les pieds liés, à la croisée des chemins167, ou même l’absence de sépulture. La Vie de saint Éloi (mort en 673-675) raconte qu’entre de multiples bonnes œuvres, le saint avait obtenu du roi le droit de déposer de leur lieu d’exécution tous les condamnés à mort pour leur donner une sépulture décente168. Pourtant, dans le sud de la France, dès le VIe siècle, le problème est soulevé par les pasteurs. Vers 535, Césaire d’Arles écrit à ses suffragants pour leur rappeler que ceux qui sont punis pour leurs crimes « par les présidents ou les recteurs du peuple » (instances civiles) ont droit à une sépulture dans le cymiterium christianorum et qu’on peut également célébrer des offrandes pour eux169. Les clercs réformateurs carolingiens introduisent une nouvelle notion, celle de la confession, donc implicitement celle du repentir et de la pénitence. Au concile de Mayence de 847, il est décidé que ceux qui ont été pendus après s’être confessés ont droit à toutes les célébrations liturgiques. Ils sont en effet, après leur pénitence, morts dans la communion de l’Église et Dieu ne punit pas deux fois le même crime170. La justice humaine a rendu sa sentence, mais la justice divine reste inconnue aux hommes. C’est pourquoi l’Église carolingienne rient à accompagner tout condamné à mort qui se repentirait à ses derniers instants, comme le bon larron sur la croix. Ainsi se justifie la position de Foulques, archevêque de Reims à la fin du IXe siècle. Dans une de ses lettres citée par Flodoard, il blâme son suffragant, l’évêque de Laon Didon, d’avoir refusé la pénitence et le viatique à un certain Walcher, condamné à mort pour crime de lèse-majesté171, et d’avoir jeté son corps in loco pervio, dans un lieu de passage. Foulques insiste sur le fait que Didon a agi là contre toute autorité canonique (même si l’on suppose qu’il a suivi en cela le droit germanique) ; invoquant l’autorité de Grégoire le Grand (Dialogues, IV, 55), de l’Évangile (Lc 19, 10) et du concile de Nicée, il lui demande alors, en bon pasteur, « de faire prier pour lui, d’opérer lui-même la réconciliation et la recommandation de son âme selon les usages chrétiens et, enfin, de le tirer du passage où il avait été non pas enterré, mais jeté, et à le faire transporter au cimetière des fidèles »172.
84Cette décision intervient très peu de temps avant le concile de Reims, en 900, qui associe à la privation d’obsèques chrétiennes et de mémoire liturgique une sépulture infamante pour ceux qui sont morts en état d’excommunication. Auparavant, ceux-ci étaient, tout comme les suicidés et les condamnés à mort non repentis, exclus de la célébration de l’Église. Dans son manuel pastoral, Arno de Salzbourg rappelle « qu’après sa mort, on n’offrira pas les oblations pour lui, et sa mémoire ne sera pas faite ni son nom écrit dans l’Église catholique, et on ne recevra pas ses aumônes »173. Le concile de Mâcon ajoutera en 855 une clause explicite interdisant la célébration de funérailles174. Il faut cependant attendre le début du Xe siècle pour voir le lieu de sépulture lui-même devenir un véritable objet de « chantage au salut ».
— Sépultures infamantes et privation de sépulture : un chantage au salut
85Mis à part quelques cas d’exclusions du cimetière monastique, tel le comte Palladius, suicidé, dont parle Grégoire de Tours, ou l’hérétique Godelscalc à Hautvillers, il faut donc attendre l’an 900 pour avoir mention d’une sépulture véritablement infamante demandée par l’Église. À cette date, le concile de Reims prévoit ainsi que les excommuniés seront ensevelis more asini (à la manière des ânes), « dans du fumier, à la surface de la terre, afin de servir d’exemples d’opprobre et de malédiction pour les générations présentes et futures »175. Vers 906, Réginon de Prüm prévoit la même sanction176. La fosse à fumier (sterquilinium) rappelle le sort du moine Justus dans les Dialogues de Grégoire le Grand (IV, 57) et la fosse de l’âne est sans doute inspirée du Livre de Jérémie (Jr 22, 19).
86Il faut dire qu’entre les premiers siècles de l’Église et le Xe siècle, l’excommunication a complètement changé de nature. De caractère essentiellement thérapeutique, elle était au départ une exclusion cultuelle et sociale, destinée à amener au repentir le pécheur refusant de se soumettre à la réprimande de l’Église177. Ultime moyen pastoral à la disposition des dirigeants de la communauté chrétienne, elle acquiert aux VIIe et VIIIe siècles une forme nouvelle, sous l’influence irlandaise qui développe l’idée d’une pénitence privée et réitérable. Une évolution parallèle touche l’excommunication, qui perd alors son caractère permanent178 et devient progressivement une mesure coercitive179. Le début du IXe siècle, grâce à un strict contrôle royal, marque un arrêt de l’inflation180, avec la restriction du processus à des causes justes181 et manifestes182. Devant les attaques contre son patrimoine, de plus en plus nombreuses à partir du milieu du IXe siècle, l’Église est obligée d’utiliser l’excommunication, l’anathème (qui a perdu entre-temps une partie de sa force183) et l’interdit comme moyens de pression sur la société laïque. Les clauses concernant l’inhumation, utilisant le sentiment humain d’attachement au corps des chers disparus, permettent ainsi de fournir visuellement à la population l’image de l’exclusion du royaume de Dieu. Après la dislocation de l’autorité carolingienne, les établissements monastiques, qui canoniquement n’ont pas le droit de prononcer l’excommunication, trouvent un système comparable de pression spirituelle en vue de la protection de leurs biens séculiers menacés par les ambitions des seigneurs laïcs : la malédiction, arme rituelle condamnant à la mort éternelle184. Les moines s’octroient le terrible pouvoir d’interrompre les services funéraires, en n’assurant plus la mémoire de ceux qu’ils veulent sanctionner. Parmi toutes les menaces de damnation, ils demandent à ce que « le Seigneur livre leurs corps en pâture aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre »185.
87En intervenant directement dans l’organisation de la mémoire liturgique et des lieux de sépulture, c’est-à-dire en structurant le monde des morts sur terre, l’Église contrôle d’autant mieux celui des vivants. La proximité, ou au contraire la séparation des tombes préfigure en quelque sorte la géographie de l’au-delà, la terre sacrée ou consacrée devenant l’image de la Jérusalem céleste, tandis que le lieu profane reste, pour toujours, l’enfer du damné. L’Église s’approprie progressivement le droit de décider si un défunt peut ou non reposer dans le cimetière communautaire. Encore faut-il savoir ce que recouvre exactement cette notion. En effet, il peut s’agir du cimetière paroissial ou du cimetière monastique, de plus en plus attirant.
Notes de bas de page
1 Concile d’Aix-la-Chapelle (789), Admonition générale, c. 80 : Ad omnibus : Et tria carraria opera licet fieri in die dominico, id est, ostilia carra vel victualia vel si forte necesse erit, corpus cuiuslibet ducere ad sepulchrum (éd. MGH, Leg. II, Cap. Reg. Franc. I, p. 61). Trad. G. Fransen, « La notion d’œuvre servile dans le droit canonique » dans Le travail au Moyen Âge : une approche interdisciplinaire, colloque international de Louvain-la-Neuve, triai 1987, Louvain, 1990, p. 179. Ce canon est repris entre autres par Réginon de Prüm, Livre des causes synodales (vers 906), livre I, c. 372, sous le titre : Quid in die dominica fieri liceat (éd. Wasserschleben, p. 176). Réginon rajoute vel angaria à la liste initiale.
2 Nicolas Ier, Réponse aux Bulgares (866), c. 98 : Si sit sepeliendus qui se ipsum occidit vel si sit pro eo sacrificium offerendum. Sepeliendus est quidem, ne viventium odoratui molestiam ingerat (éd. MGH, Ep. VI, Karol. Aev. IV, p. 598). La réponse de Nicolas Ier est connue par une cinquantaine de manuscrits, et possède un caractère officiel indéniable ; on la retrouve par exemple dans le manuscrit Paris, Bibl. nat., ms. lat. 1458, provenant de Beauvais, qui contient également la collection canonique Dionysio-Hadriana et le pénitentiel du pseudo-Théodore. De même, le manuscrit Laon, Bibl. mun., ms. 407, porte des annotations en marge qui sont parfois attribuées à Hincmar de Reims. L’ouvrage a fait l’objet d’une étude sur son rôle dans l’histoire du christianisme (et la place de la Bulgarie, prise au IXe siècle entre les influences romaines et byzantines). Voir L. Heiser, Die « Responsa ad consulta Bulgarorum » des Papstes Nikolaus I (858-867). Ein Zeugnis päpstlicher Hirtensorge und ein Dokument unterschiedlicher Entwicklungen in den Kirchen von Rom und Konstantinopel (Inaugural Dissertation), Münster, 1978, en particulier p. 200-205 sur le problème de la sépulture.
3 Jonas d’Orléans († 843), De linstitution des laïcs, livre III, c. 15 : Desinant ergo homines impiare ossa mortuormn, et sinant ea in urnis suis diem resurrectionis exspectare (éd. PL 106, 263).
4 Pline le Jeune, Lettre VII-27 (éd. A.-M. Guillemin, Paris, 1928, t. III, p. 27-43).
5 Constance de Lyon, Vie de saint Germain d’Auxerre (vers 475-480), c. II-10 (éd. et trad. Borius, p. 139-143).
6 Vie de saint Eptade d’Autun (IXe-Xe siècle), c. 10 : Ubi sequenti die sanctus Eptadius id perpetration fuisse lugubri praesentiae agnitione est expert us ; qui cum ad locum sepulturae fuisset directus, membre defuncti tintas ambiuntur, humo superiecta, oratio intercessionis impenditur ; quam tamen puellam, Dei opitulante auxilio, ut reliquos pristinae reddidit sanitati (éd. AA. SS, Aug. IV (1867), p. 779-780).
7 R. Favreau, « Fonction des inscriptions... », 1989, p. 205 en ce qui concerne les épitaphes.
8 Sidoine Apollinaire, Lettre 111.12 à Secundus (469) : Sed tamen tellus, humatis quae superducitur, redierat in pristinam distenta planitiem mondere nivali seu diuturno imbrium fluxu sidentibus aceruis : quae fuit causa ut locum auderenl tamquam vacantem corporum baiuli rastris ftmebribus impiare (éd. et trad. A. Loyen, t. 2, p. 101-103).
9 Raoul de Fulda, Vie de sainte Lioba (vers 836), c. 4 : Sepulturae tradita, tumulusque super sepulchrum eius congesto terrae aggere ex more compositus est (éd. MGH, SS, XV, 1, p. 123). La dizaine de manuscrits utilisés par G. Waitz pour son édition proviennent tous de la zone germanique.
10 Raoul de Fulda, Vie de sainte Lioba (vers 836), c. 4 : Quo viso, vehementer expavit, Intellexit enim ex defectu terrae poenam sepultae et severitatem insti iudicii Dei perpendit ex detrimento sepulchri (éd. MGH. SS, XV, 1, p. 123).
11 Raoul de Fulda, Vie de sainte Lioba (vers 836), c. 4 : Fossa sepulchri, quae prius pene vacua videbatur, humo excrescente paulatim coepit repleri, ita ut uno eodemque momento et ipsa ab oratione resurgeret, et terra sepulchrum complanaret. Qua ex re manifeste ostenditur, quod, cum monumentum visibiliter ad priorem statum rediit, per orationes sanctae virginis defunctae animant virtus divina invisibiliter absolvit (éd. MGH. SS, XV, 1, p. 124).
12 J. Roiseux, Poigny : essai de synthèse. Provins, dactyl., 1989, p. 14 et 32. Je remercie le fouilleur pour ces données non publiées.
13 Raban Maur († 856), Livre de l’univers, livre XIV, c. 28 : Monumentutn ideo nuncupatur, eo quod mentent moneat ad defuncti memoriam Cum autem videris, monet mentent, et ad memoriam te reducit, ut mortuum recorderis (éd. PL 111, 408).
14 Saint Augustin, Des soins dus aux morts (vers 421), c. IV, 6 : Sed non ob aliud vel Memoriae vel Monumenta dicuntur ea quae insignita fiunt septlcra mortuorum nisi quia eos qui viventium oculis morte subtracti sunt, ne oblivione etiam cordibus substrahantur, in memoriam revocam et admonendo faciunt cogitari (éd. et trad. G. Combes, p. 476-477).
15 Épitaphe de Frodoberta (début du IXe siècle), découverte à Estoublon, dans les Alpes : HIC REQUIESCIT IN PACE BONE MEMORIE FRODBERTA D(E)I VIRGO FILIA AGHILBERTO... ; éd. par H. de Gérin-Ricard, « Épitaphe carolingienne d’Estoublon (Basses-Alpes) », dans Βulletin archéologique du CTHS, 1909, p. 272-276 et pl. XXIX. L’épitaphe se présente sous forme d’un cippe parallélépipédique, d’une hauteur de 1,20 m, avec un chapiteau orné sur sa face de trois palmes verticales rappelant la feuille d’acanthe. L’inscription est gravée sur une seule face, en caractères de 2,5/3 cm de haut.
16 Épitaphe d’Aurélien, évêque de Viviers au IXe siècle : HIC QUOQ(UE) REQUIESCIT IAM DICTUS AURELIANUS PIE RECORDATIONIS QUI VICSIT IN OMNI SANCTITATE ; éd. A. Paradis, Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 1853, 3e série, IV, p. 595-597, cité par R. Favreau, « Fonctions des inscriptions... », 1989, p. 207.
17 Cité par H. Leclercq, « France », dans DACL, t. V-2, 1923, col. 2404.
18 Paris, Bibl. nat., lat. 7680, 340 ; cité par H. Leclercq, op. cit.
19 Paris, Bibl. nat., lat. 2832, fol. 115 ; cité par H. Leclercq, op. cit. Manuscrit de Florus de Lyon, provenant de l’église de Saint-Claude (Jura) à qui il fut donné par le prévôt Mannon, mort en 880. H. Leclercq signale le cas tout à fait exceptionnel de l’identification d’un texte transcrit au IXe siècle dans un sylloge. Un fragment de marbre contenant trois lignes de cette même épitaphe, antérieure de plusieurs siècles au manuscrit, a ainsi été découvert dans les fouilles de Saint-Pierre de Vienne.
20 J.-B. de Rossi, « L’inscription du tombeau d’Hadrien Ier, composée et gravée en France sur ordre de Charlemagne », dans Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’École Française de Rome, VIII, 1988, p. 475-501. L. Wallach, « Alcuin’s Epitaph of Hadrian I : a Study of Carolingian Epigraphy » dans American Journal of Philology, 1951, LXXII, p. 128-144.
21 Épitaphe de Arricho (VIIIe siècle), à Foix : Rogo me non inquietis (éd. CIFM, 8, 1982, no 3, p. 10-11, pl. 3).
22 Dhuoda, Manuel pour mon fils (vers 843) : Rex benignus, illi veniam da... Tu, Rex, eius solve delicta... Agios magne, eius dilue vincula…, Tu, Rex, suis parce peccatis... Deus deviens, illi succurre... Requiem illi tribue, Alme... (éd. et trad. B. De Vregille, P. Riche, p. 356-359).
23 P.-A. Février, « Quelques aspects de la prière... », 1981 ; J.-Ch. Picard, Le Souvenir des évêques..., 1978, p. 373-374
24 Arno de Salzbourg, Manuel pastoral (début IXe siècle), c. 16 : Non post mortem memoria eius nec nomen scriptum nec oblationes pro illo offerre in ecclesia catholica non debeant (éd. Étaix, p. 121).
25 Livre de confraternité de Salzbourg : Memorare digneris domine famulos et famulas quique se nobis sacris orationibus vel confessionibus commendarunt, et qui elymosinis suis se commendaverunt venerabile loca sanctorum quorum nomma sunt scripta in libro vitae et supra sancto altario surit posita famulorum famularumque tuarum (éd. MGH, Necr. Germ., II, p. 6). Voir A. Angenendt, « Missa specialis... », 1983, p. 190.
26 Capitulaire épiscopal de Saint-Gall (830-850), c. 9 : Ut unusquisque presbyterorum nomina canonicorum ceterorumque fidelium nostrorum, tam viventium quant et mortuorum, nec non et illorum parrochie defunctorum atque viventium, in diptitiis scripta super altare habeat (éd. Finsterwalder, p. 219).
27 H. Leclercq, « Graffite », dans DACL, VI, 2, 1925, en part. col. 1501-1512.
28 H. Leclercq, « Auriol », dans DACL, I, 2, 1907, col. 3151-3155.
29 J. Braun, Der Christliche Altar in seiner geschichtlichen Entwicklung, München, 1924, 2 vol.
30 Die Altarplatte von Reichenau Nierderzell, hrsg. D. Geuenich, R. Neumullers-Klauser, K. Schmid, Hannover, Hahnsche Buchhandlung, 1983 (MGH, Libri Memoriales et Necrologia, Nova Series, I, Suppl.).
31 J.-L. Lemaître, Mourir à Saint-Martial..., 1989, p. 33.
32 Le livre de vie, également cité dans les oraisons funéraires, évoque l’Apocalypse : au jour de la seconde résurrection et du jugement dernier, on ouvrira le livre de vie ; celui qui n’y figure pas sera précipité dans l’étang de feu, tandis que les élus, inscrits, iront à la Jérusalem céleste. Voir entre autres Ph. Ariès, « Une conception ancienne de l’au-delà », dans Death in the Middle Ages..., 1983, p. 79. Le livre de vie est cité à plusieurs reprises dans la Bible : Ps 68, 29 ; Qo 24, 32 ; Ph4, 3 ; Ap 3, 5 ; 17, 8 ; 20, 12.
33 Dadon, Gesta des évêques de Verdun : Idcirco etenim facta orthodoxorum praesulum litteris annotavi, ut eorum memoria sit nobiscum aeterna, quorum nomina in caelo credimus aeternaliter esse scripta (éd. MGH. SS, IV, p. 37). Trad. M. Sot, Gesta episcoporum..., 1981, p. 19.
34 M. Sot, Gesta episcoporum..., 1981, p. 19, 20-21.
35 M. Sot, Ibid.
36 M. Lauwers, La Mémoire des ancêtres..., 1992, p. 182.
37 P. Brown, Le Culte des saints..., 1984, en part, p. 18-19·
38 Y. Duval, Auprès des saints, corps et âme.... 1988.
39 En particulier « La tombe chrétienne et l’au-delà »..., 1984, p. 161-183.
40 Voir par exemple la charte de Thibaud (888) : Ob venerationem simul et interventum beati Michaelis humata (éd. M. Quantin, Cartulaire de l’Yonne, Recueil de documents authentiques pour servir à l’histoire des pays qui forment ce département, Auxerre, Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, 1854-1860, no 60, t. I, p. 120).
41 J.-Ch. Picard, Le Souvenir des évêques..., 1978, p. 728.
42 Hincmar de Reims, Vie de saint Remi (878) : Sic et nos, cum mortis pericula imminere cognoscimus, quando de corpore volentes nolentesque exire cogimur, sepulturam secus sepulchrum istius domni et patris nostri querimus, quia pro his specialiter, qui in atrio illius sepulti sunt, cotidie orationes fiunt, et hostiae salutares Domino offeruntur ; quatinus eius meritis requiem nostre animae inventant, qui secus corpus illius corpora nostra cum fide et devotione sepeliri desideramus, ut cum eo pariter unusquisque nostrum pro modulo suo ad aeternam beatitudinem eius intercessionibus resurgamus (éd. MGH, SS, RM, III, p. 288).
43 Sacramentaire de Saint-Géraud d’Aurillac (courant XIe siècle) : Pro his qui sunt in cymiterio. Ant. Audi vocem de celo dicentem beati mortui qui in Domino moriuntur. Ps. Lauda (Angers, Bibl. mun., ms. 82, fol. 11v°).
44 Annue nobis quaesumus... Rituel d’Angers (XIe siècle), sans rubrique, avant l’absolutio (Angers, Bibl. mun., ms. 82, fol. 11v°). Deus cui soli competit... Collectaire rituel de SaintThierry de Reims (1ère moitié Xe siècle), sous la rubrique Oratio in cymiterio (Reims, Bibl. municipale, ms. 304, fol. 150v°). Deus cuius miseratione... Collectaire pontifical de Ratisbonne (IXe siècle) (éd. Unterkircher, no 393, p. 91) ; Rituel d’Angers (XIe siècle), sans rubrique, avant l’absolutio (Angers, Bibl. mun., ms. 82, fol. 1 lv°) ; Collectaire rituel de La Grasse (XIe siècle), sous la rubrique Absolutio (Paris, Bibl. nat., ms. lat. 933, fol. 225r°) ; Collectaire de Saint-Thierry de Reims (Xe-XIe siècle), sous la rubrique Pro omnibus in cimiterio quiescentibus (Reims, Bibl. mun., ms. 305, fol. 125v°) ; Sacramentaire d’Arezzo (XIe siècle), sans rubrique (Vatican, Bibl. apost., ms. Vat. lat. 4772, fol. 174r°). Deus fidelium lumen... Collectaire pontifical de Ratisbonne (IXe siècle) (éd. Unterkircher, no 394, p. 91).
45 Travaux de D. Harmening, cités et résumés par P-A. Sigal, L’Homme devant le miracle, Paris, Le Cerf, 1985, p. 61-62.
46 Cicéron, Traité des lois, II, 58 ; cité par J Prieur, La Mort dans l’Antiquité romaine, Rennes, Ouest-France, 1986 (De mémoire d’homme), p. 50.
47 Cité par J. Prieur, op. cit., p. 51.
48 J.-Ch. Picard, Le Souvenir des évêques..., 1978, p. 343 et n. 40.
49 Constitutions apostoliques, 6.22 (28), 5 : Unde ergo eos, qui requiescunt, sine observatione tangentes nolite abominari, et quod in consuetudinibus est, id nolite segregare ; cité par F. Paxton, Christianizing Death..., 1990, p. 25, n. 23.
50 M. Vieillard-Troiekouroff, « La topographie religieuse des cirés épiscopales d’après les œuvres de Grégoire de Tours », dans Archéologie urbaine : actes du 100 Congrès national des sociétés savantes (Paris. 1975). Paris, CTHS, 1978, p. 130.
51 J.-Ch. Picard, « Les lieux de sépultures des évêques d’Auxerre », dans Intellectuels et artistes dans l’Europe carolingienne, IXe-XIe siècles, Auxerre, Musée d’art et d’histoire, 1990, p. 156-160. Du même, « Auxerre », dans Topographie chrétienne..., t. VIII, 1992, p. 59 et 63.
52 J. Biarne, « Le Mans », dans Topographie chrétienne..., t. V, 1987, p. 52.
53 Grégoire de Tours, Histoire des Francs (vers 575-594), X, 31, 1 : Obiit in pace et sepultus est in ipsius vici cimiterio, qui erat christianorum (éd. MGH. SS. RM, I, p. 443).
54 Grégoire de Tours, Histoire des Francs (vers 575-594), I, 33 : Qui dum frequenter vicum, quem christianorum vocant, ad persequendos christianos adit. Cassium repperit christianum (éd. MGH. SS. RM, I, p. 50).
55 Romains et Barbares entre Loire et Gironde, IVe-Xe siècles : exposition au musée Sainte-Croix, 6 oct. 1989-28 février 1990.... Poitiers, SRA, 1990, p. 101-102.
56 J. Guyon, « Aix-en-Provence », dans Topographie chrétienne..., 1986, t. II, p. 27.
57 J.-Ch. Picard, Le Souvenir des évêques..., 1978, p. 232, 347, 351.
58 Ch. Bonnet, « L’inhumation privilégiée du IVe au VIIe siècle en Suisse occidentale », dans L’Inhumation privilégiée..., 1984, p. 11 ; Ch. Bonnet, C. Santschi, « Genève », dans Topographie chrétienne..., 1986, t. III, p. 44.
59 Vie de saint Césaire d’Arles (avant 549), c. I, 57 : Et ut auferret sacris quas congregaverat virginihus curam necesseriae sepulturae, monohiles archas corporihus humandis aptissimas de saxis ingentibus noviter fecit excidi quas per omne pavimentum basilicae constipatis sterni fecit ordinibus, ut quaecumque congragationis illius de hac luce migrasset, locum sepulturae paratissimum et sanctissimum reperiret (éd. MGH, SS, RM, III, p. 480-481).
60 O. Doppelfeld, « Das frankische Frauengrab unter dem Chor des Kölner Doms », dans Germania, t. 38, 1960, 1/2, p. 89-113 ; du même, « Das frankische Knabengrab unter dem Chor des Kolner Doms », ibid., t. 42, 1964, 1/2, p. 156-188.
61 G. P. Brogiolo, C. Cuni, « Le sepolture di età longobarda di S. Giulia di Brescia », dans Rivista di Studi Liguri, a. LIV, 1-4, 1988, p. 145-158.
62 Voir par exemple R. Fossier, « La naissance du village » et P. Périn, « La part du haut Moyen Âge dans la genèse des terroirs de la France médiévale », dans Le Roi de France et son royaume autour de l’an mil : actes du colloque Hugues Capet 987-1987, La France de l’An Mil, 22-25 juin 1987 ; études réunies par M. Parisse, X. Barrai y Altet, Paris, Picard, 1992, resp. p. 219-223 et 225-234. Le problème de définition du village a de nouveau été posé par E Zadora-Rio, « Le village des historiens et le village des archéologues », dans Campagnes médiévales : l’homme et son espace. Études offertes à Robert Fossier, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995, p. 145-156.
63 B. Young, « Paganisme, christianisation... », 1977.
64 A. Dierkens, « Cimetières mérovingiens... », 1981.
65 P. Périn, « Des nécropoles romaines aux nécropoles du haut Moyen Âge : remarques sur la topographie funéraire en Gaule mérovingienne et à sa périphérie », dans Cahiers archéologiques, 1987, t. 35, p. 9-30.
66 Cl. Lorren, « Le village de Saint-Martin de Trainecourt à Mondeville (Calvados) de l’Antiquité au haut Moyen Âge », dans La Neustrie : les pays au nord de la Loire, colloque historique international, publ. H. Atsma, Sigmaringen, Thornbecke, 1989 (Beheifte der Francia), t. 2, p. 439-478.
67 B. Foucray, F. Gentili, « Le village du haut Moyen Âge de Serris (Seine-et-Marne), lieu-dit Les Ruelles (VIIe-Xe siècle) », dans L’Habitat rural du haut Moyen Âge, éd. Cl. Lorren, P. Périn, Rouen, AFAM, 1995, p. 139-143.
68 Fl. Carré, « Tournedos-sur-Seine, Val-de-Reuil », dans De la Gaule à la Normandie {catalogue d’exposition}. Rouen, Musée départemental des Antiquités, 1990, p. 256-260.
69 Concile de Braga (561), c. 18 : Item placuit, ut corpora defunctorum nullo modo intra basilicam sanctorum sepeliantur : sed si necesse est, de foris circa murum baselicae usque adeo non abhorret. Nam si firmissimum hoc brebilegium usque nunc retinent civitates, ut nullo modo intra ambitus murorum cuiuslibet defuncti corpus humetur, quanto magis hoc venerabilium martyrum debet reverentia obtinere (éd. Vivès et al., p. 75).
70 Jonas de Bobbio, Vie de saint Vaast d’Arras (vers 645), c. 9 : Quibus ille respondebit, saepius eum audire dicentem, quod nulus intra muros civitatis sepeliri debuisset, quia omnis civitas locus debet esse vivorum, non mortuorum (éd. MGH. SS. RM, III, p. 424). Cet épisode est repris textuellement par Alcuin dans sa Vie de saint Vaast, c. 20 (éd PL 101, 676).
71 Cf. p. 27.
72 Collection irlandaise (vers 700), c. XVIII-8 (éd. Wasserschleben, p. 58-59).
73 Altfrid, Vie de saint Liudger (vers 839), livre 2, c. 8 : In loco ubi ipse vivus decreverat, sanctum illius conderetur corpus, extra ecclesiam in parte orietis, ut iusserat ipse. Non enim erat umquam consentions, ut in ecclesia sua consecrata sepeliretur corpus humanum (éd. MGH, SS, II, p. 414).
74 Théodulphe d’Orléans, Capitulaire I (avant 813), c. 9 : Antiquus in his regionibus in ecclesia sepeliendorum mortuorum usus fuit, et plerumque loca divino cultui mancipata et ad offerendas deo hostias praeparata cimiteria sive poliandria facta surit. Unde volumus, ut ab hac re deinceps abstineatur et nemo in ecclesia sepeliatur, nisi forte talis sit persona sacerdotis, aut cuiuslibet iusti hominis, quae per vitae meritant talem vivendo suo corpori defuncto locum acquisivit. Corpora vero, quae antiquitus in ecclesiis sepulta sunt, nequaquam, proiciantur, sed tumuli qui apparent, profundius in terrant mittantur, et pavimento desuper facto, nullo tumulorum vestigio apparente, ecclesiae reverentia conservetur. Ubi vero tanta est multitude cadaverum, ut hoc facere difficile sit, locus ille pro cimiterio habeatur, ablato inde altari, et in eo loco constituto, ubi religiose et pure deo sacrificium offert valeat (éd. MGH, Cap. Ep. I, p. 109) = Capitulaire de Raoul de Bourges (853-866), c. 3 (éd. MGH. Cap. Εp. I, p. 236-237) = Concile de Tribur (897), c. 17 (éd. MGH, Conc. II, p. 222) = Liber legum ecclesiasticarum (994), c. 9 (éd. Mansi, XIX, 182) = Capitulaire d’Atto de Vercelli (avant 906) (éd. PL 134, 33) = Collection de Munich (Xe siècle) (Paris, Bibl. nat., ms. lat. 3878, fol. 55v°).
75 Renseignements Christian Sapin, que je remercie.
76 Concile de Mâcon (813), c. 52 ; Nullus mortuus infra eclesiam sepeliatur, nisi episcopi aut abbates aut digni presbyteri vel fideles laici (éd. MGH, Conc. Il, 1, p. 273) = Décret de Burchard de Worms (1008-1012), c. III-233 (éd. PL 140, 723). Collection en 5 livres (début XIe siècle), c. CCCIX-1 : De corporibus hominum intra basilicas sanctorum nullatenus sepeliendis nisi probatissimi fuerint (éd. Fornasari, p. 467).
77 Jugements de Théodore, Discipulus Umbrensium (fin VIIe-début VIIIe), livre II, c. I-4 et 1-5 : In ecclesia in qua mortuorum cadavera infidelium sepeliuntur, sanctificare altare non licet, sed si apta videtur ad consecrandum, inde evulsa et rasis vel lotis lignis eius reaedificetur. Si hoc consecratum prias fuit, missas in eo celebrare licet, si religiosi ibi sepulti sunt, si vero paganus, sic mundare et iactare foras melius est (éd. Wasserschleben, p. 202) = Faux Capitulaires (846-852), c. I-111 (éd. PL 97, 715) = Décret de Burchard de Worms (1008-1012), lib III, c. 38 (éd. PL 140, 679).
78 Adson de Montier-en-Der, Vie de saint Frodobert (vers 967), c. 26 : Is adpraedictae basilicae consecrationem a fratribus evocatus, diligentius percunctatur, utrum inter sacrandos partîtes sepulta aliquorum cadavera tegerentur. Clinique comperisset inesse quam plurima, universa prius de templo eliminanda praecepit, contestans, se non aliter consecrationis officium suscepturum (éd. MGH, SS, RM, V, p. 82).
79 Hincmar de Reims, Traité sur les chapelles et les églises (857-858) : Quae non propterea, quoniam in eis christianorum corpora sunt sepulta, si aliter bene stare vel emendari possunt, alibi debent transferri, quoniam caput vere christianorum Christus est et ecclesia, quae est corpus Christi, cum sanctis angelis de christianis tam viventibus quam et defunctis consistit, sicut corpus ex diversis constare membris dinoscitur (éd. Stratmann, p. 80).
80 Hincmar de Reims, Traité des chapelles et des églises (857-858) : Contra quae in parrochia Trecasina et in aliis etiam parrochiis sequentes domini Prudentii dispositionem, (...) occasione accepta, quasi vetusta sit aut destructa ecclesia et in eo loco, ubi antea fuerat, non valeat reaedificari, quia propter humata corpora non poterit consecrari, ingenio quocumque partent terrulae adquirunt, ubi aedificetur ecclesia, et hoc conludio suae potestati cum turpi lucro (...) parrochias antiquitus constituas sibi vindicant aut inrationabiliter dividunt (éd. Stratmann, p. 76-77). Hincmar cite explicitement le concile d’Orléans (511), c. 17 (éd. Munier, p. 9), le concile de Tolède (589), c. 19 (éd. Vivès et al., p. 131) et le concile de Carthage (407), c. 99 (éd. Munier, p. 216). Voir à ce propos l’étude de R Thomas, Le Droit de proprie’té des laïques sur les églises et le patronage laïque au Moyen Âge, Paris, E. Renoux, 1906 (Bibliothèque de l’École des hautes études ; Sciences religieuses, 19), p. 41-45.
81 Agobard de Lyon, De l’administration des causes ecclésiastiques, éd. PL 104, 237 ; cité et traduit par M. Aubrun, Histoire de la paroisse..., 1986, p. 38.
82 P. Thomas, Le Droit de propriété..., op. cit., p. 40-41 et n. 2.
83 M. Aubrun, Histoire de la paroisse..., 1986, p. 56.
84 Hincmar de Reims, Traité des églises et des chapelles (857-858) : Et nusquam invenitur {...} ut tradantur ecclesie ab edificatoribus suis episcopii matrici ecclesiae pro hoc, ut debeant consecrari spiritalis sit gratia, quant adpraemium dari non licet (éd. Stratman, p. 86-87 ; trad. P. Thomas, op. cit., p. 44).
85 L’hypothèse d’une origine carolingienne du rituel de consécration de cimetière a déjà été émise par D. Bullough, « Burial, Community and Belief... », 1991, p. 199, n. 97.
86 Grégoire de Tours, À la gloire des confesseurs 587-590), (c. 104 : Et quid faciemus, si episcopus urbis non advenerit ? Quia locus ille quo sepeliri debet non est sacerdotali benedictione sacra tus. [...] Et sic ab bis iniunctus altare in cellula ipsa sacravi (éd. MGH, SS, RM. I, p. 815).
87 Lois d’Aethelstan (925-939), c. 10 : Qui falsum iuramentum iurabit, et convictus inde fuerit, nunquam postea iuramento dignus sit, nec in sanctificato atrio aliquo iaceat, si moriatur ; une autre version utilise le mot de coemiterio (éd. PL 138, 464 et 468). Traduction anglaise dans J. MacNeill et H. Gamer, Medieval Handbooks of Penance, New York, 1938, p. 386.
88 Pontifical Lanalatense, de Saint-Germain de Cornouailles (L’attribution traditionnelle à Alet ou Saint-Malo est erronée), Xe siècle (éd. Doble, p. 21) et Pontifical de Claudius, Xe siècle (éd. Turner, p. 60-61).
89 Paris, Bibl. nat., ms. lat. 12052, 9r°-10r° ; on doit mentionner aussi un rituel de provenance inconnue, contenu dans un recueil composite de la Bibliothèque nationale à Paris, ms. lat. 1686, fol. 6lv°-62r°.
90 Pontifical romano-germanique, compilé à Saint-Alban de Mayence, vers 960 (éd. Vogel, Elze, t. 1, p. 192-193).
91 Par exemple Bamberg, Bibl. publique, ms. 54, fol. 68r°, Cologne, Bibl. capitulaire, ms. 141, fol. 116v°-118v°, Londres, British Museum, Add. ms. 17004, p. 458-468, Milan, Bibl. ambrosienne, ms. Z. 52 Sup, fol. 114v°-115v°, Mont-Cassin, Bibl. de l’abbaye, ms. 451, fol. 49r°-v°, Munich, Bibl. nat., ms. 3917, 133r°-134r°, ms. 21587, fol. 111r°-112v°, Rome, Bibl. Alessandrine, ms. 173, fol. 4lr°-4lv°, Bibl. Vallicelliane, ms. D. 5, fol. 43v°-44r°, Vienne, Bibl. nat., ms. 701, fol. 62v°-63r°.
92 Sacramentaire d’Arras : Consecratio cymiterii canantur septem psalmi in circuitu inluminentur IIII candelae (Paris, Bibl. nat., ms. 12052, fol. 9r°) ; Pontifical romano-germanique : Primitus canantur VII psalmi paenitentiae et in circuitu illuminentur IIIIor candelae. Postea aspargatur cimiterium aqua sancta et dicatur oratio (éd. Vogel, Elze, t. 1, p. 192).
93 Par exemple Pontifical de Saint-Germain de Cornouailles : Primitus cum aqua benedicta episcopus cum suis cericis circumdare omne cimiterium cum ant. Asperges me domine, Ps. Miserere mei deus secundum magnam, postea letania, deinde dicat dominas vobiscum (éd. Doble, p. 21).
94 Manuscrit composite de Paris : Item oratio ad occasum item adaustrum item at ad aquilonem item ad in medio (Paris, Bibl. nat., ms. lat. 1686, fol. 61v°-62r°).
95 É. Rebillard, « Koimhthrion et coemeterium... », 1993.
96 Ibid.
97 Candide, Vie d’Eigil de Fulda (vers 840), c. 17 : Pater namque monasterii {...} cum consilio et fratrum consensu ecclesiam parvam aedificavit rotundam, ubi defuncta corpora fratrum sepulturae tradita requiescunt, quant cimiterium vocant, quod Graece dicitur koimeterion, Latine vero dormitorium interpretatur (éd. MGH, SS, XV, 1, p. 230). Raban Maur, dans un de ses poèmes (c. XLII), célèbre ainsi la consécration de cet édifice par Haistulphe en 822 : Dedicatum est hoc cymiterium ab Heistolfo archiepiscopo (éd. MGH, Poet. Lat. II, p. 209).
98 Walafrid Strabon, Traité des affaires ecclésiastiques (840-842) : Cymiterium recubitorium vel dormitorium est mortuorum, qui et ideo ab ecclesia dormientes dicuntur, quia resurrecturi non dubitantur (éd. Knoeppffler, p. 16).
99 Les explications les plus claires de ce terme se trouvent dans son commentaire de l’Évangile selon saint Matthieu, livre I, c. 10, 28 : Sed voceturpolyandrum, idest tumulus mortuorum (éd. D. Hurst, M. Adriaen, 1969, CC, SL, 77, p. 71), et son commentaire sur le livre d’Ézéchiel, livre XI, c. 39 : polyandrion, hoc est multitiido hominum sepultorum (éd. Fr. Glorie, 1964, CC, SL, 75, p. 537).
100 Paschase Radbert, Commentaire de l’Évangile selon saint Matthieu (vers 826-850), Livre VI : Immo Dominas per eum locum ipsum impleturum cadaveribus mortuorum ut nequaquam amplius vocetur Thofet et Baal sed vocetur poliandrium id est tumulus mortuorum (éd. Paulus, p. 6()6).
101 Grégoire de Tours, À la gloire des confesseurs (vers 587-590), c. 72 : Cimiterium igitur apud Agustidunensim urbem Gallica lingua vocitavit, eo quod ibi fuerint multorum hominum cadavera funerata (éd. MGH. SS. RM, I, p. 790-791).
102 Théodulphe d’Orléans, Capitulaire I (avant 813), c. 9 : Antiquus in his regionibus in ecclesia sepeliendorum mortuorum usus fuit, et plerumque loca divino cultui mancipata et ad offerendas deo hostias praeparata cimiteria sive poliandria facta sunt (éd. MGH, Cap. Ep., I, p. 109).
103 Vie de saint Sulpice de Bourges (mil. du VIIe siècle) : Et si naturae debito mos exstrinxit corpusculum, fulgent tamen viventia miracula polyandro (éd. MGH, SS, RM, IV, 372-380) ; Passion de saint Prix de Clermont (vers 676), c. 38 : Ad semet ipsum revers us, coepit cum coniuge sua affatim conloqui, ut ad beati Preiecti poleandrum dirigeret atque ex lampade eius oleo sumpto ei deberet deferri (éd. MGH, SS, RM, V, p. 247).
104 Odon de Glanfeuil, Miracles de saint Maur (vers 868-869), c. 13 : Qui ita presentaliter venerabilia exornare non desinit poliandria sanctorum, ut neminem priscorum qui regii nominis claruerunt honore priorem videatur habere in sancta religione (éd. MGH, SS, XV, p. 472) ; Aimoin de Saint-Germain, Miracles de saint Germain (vers 874), livre II, c. 4 : Missarumque peracta solennitate, venit iam clare videns ante polyandrum beatissimi confessoris, glorificans Deum (éd. AA. SS, Mai VI (1866), p. 792) ; Vie de saint Probat (vers 890), c. 8 : Coepit igitur Deus magnificari in sancto suo, et magnae virtutis opera magnificentioribus propagari successibus. Confluebat ad eius polyandrum diversus populi concursus (éd. AA. SS, Feb. I (3e éd.), 559).
105 The Claudius Pontifical (éd. Turner, p. 60-61). Cette expression de populi andrum n’est guère plus explicite. Il faut sans doute comprendre le second terme dans le sens de antrum, caverne, mais aussi sépulture. La Vie de Gangulf de Varennes (fin du IXe siècle) utilise ce terme : Currens ad dominant sic intulit : Domni Gangulfi corpus in antro tumulandum sepulchri maxima inpertitur cunctis gaudia sanitatis (éd. MGH, SS. RM, III, p. 166). On peut mentionner également les premiers mots de l’épitaphe de Bernard de Toulouse au VIIIe siècle : Clauditur hoc tumulo Bernardi corpus in atro... (éd. CIFM, 7, p. 76).
106 Le missel a aujourd’hui disparu. Le chanoine Leydet, qui l’avait étudié au XVIIIe siècle, a recopié intégralement cette oraison qui l’avait intrigué, et qui, de fait, semble unique dans la littérature liturgique. Oratio in poliandrio : Omnipotent iam tuam, quaesumus, Domine, sancte pater, omnipotens aeterne deus, sanct i tui Andrea apostolus et Clemens interventores exorent, ut hanc domum in honorent Domini nostri Iesu Christi unigeniti tui sub eorum invocatione consecratam clementer illustres, et omnibus in ea nomem tuum invocantibus remissionem tribuas peccatorum. Éd. R. Amiet, « Un missel de la collégiale Saint-Front de Périgueux (XIe· siècle) », dans Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, t. CXVIII, 1991, p. 609-627, ici p. 623.
107 Alcuin (mort en 804), chant CIX, no XV : Incipit et melius totam construxerat aedem,/Comecrans summis intercessoribus illam :/Principis egregii primo Michaelis honore, / Principis ecclesie necnon sub nomine Petri, / Principis et fratrum praeclari et patris Amandi,/Ut sanctum, voluit, poliandrum fratribus esset. / Vos in pace Dei cari requiescite fratres (éd. MGH, Poet. Lat I, 338).
108 A. Cuny, « Questions gréco-orientales : VIII : le latin atrium », dans Revue des études anciennes, 1916, p. 12-15.
109 Thesaurus Linguae Latinae, Leipzig, Teubner, 1976, vol. II, fasc. I, p. 1101-1104.
110 A. Biaise, Dictionnaire latin-français des auteurs chrétiens, Turnhout, Brepols, 1962, p. 102-103.
111 J.-Ch. Picard, « L’atrium dans les églises paléochrétiennes... », 1989.
112 Vie de Grégoire de Tours, c. 26 : Nam in tali loco se sepeliri fecit, ubi semper omnium pedibus conculcaretur (éd. PL 71, 128).
113 A. Angenendt, « In porticu ecclesiae... », 1994.
114 Paul Diacre, Chronique du Mont-Cassin (vers 799), c. 8 : In paradiso huius ecclesiae ante basilicam beati Petri apostoli tumulari rogavit (éd. MGH, SS, VII, p. 763). Voir également les autres exemples cités par A. Biaise, op. cit., art. « paradisus ».
115 Grégoire de Tours, Histoire des Francs (fin VP), livre VIII, c. 10 : Nam quando Chlodovechus interfectus est ac sub stillicidio oratorii cuiusdam sepultus, metuens regina, ne aliquando inventus cum honore sepeliretur, iussit eum in alveum Matronae fluminis proici (éd. MGH, SS, RM, I, 331).
116 Vie de saint Loup de Sens (début VIIIe siècle), c. 26 : In stillicidio basilicae ad pedes sanctae Columbae (éd. MGH, SS, RM, IV, p. 186). Vie d’Aldric de Sens († 841), c. 18 : Locum idoneum sepulturae eligit, scilicet coenobium Ferrariense, quo corpus suum deferri, eius et animae celebrato divortio. Et in stillicidio ecclesiae tumulari praecipit ; c. 19 : Et in stillicidio iuxta oratorium beati Andreae in lapideo tumulo, quem vivus sibi construxerat, honorifice sepultus est (éd. PL 105, 806-807).
117 A. Ducloux, Ad ecclesiam confugere..., 1994.
118 A. Ducloux, Ad ecclesiam confugere…, 1994, p. 207.
119 A. Ducloux, Ad ecclesiam confugere..., 1994, p. 210
120 P. Timbal Duclaux de Martin, Le Droit d’asile.., 1939·
121 Concile d’Orléans (511), c. 1 : De homicidis, adulteris et furtibus, si ad ecclesiam confugerint, id constituimus observandum, quod ecclesiastici canon es decreverunt et lex Romana constituit : ut ab ecclesiae atriis vel domum ecclesiae vel domum episcopi eos abstrahi omnino non liceat ; sed nec aliter consignari, nisi ad evangelia datis sacramentis de morte, de debilitate et omni poenarum genere sint securi, ita ut ei, cui reus fuerit, criminosus de satisfactione conveniat (éd. et trad. Gaudemet, Basdevant, t. 1, p. 70-73)· On retrouve ce canon dans les collections canoniques postérieures, entre autres, vers 600, dans la Vetus Gallica, puis dans l’Hispana systématique au VIIIe siècle, dans la seconde Collection de Freising de l’époque carolingienne, dans le manuscrit de Bonneval vers le milieu du IXe siècle, et enfin dans le Décret de Burchard de Worms vers 1008-1012, livre III, c. 190-192. Voir l’appareil critique de l’édition, op. cit., p. 73, η. 1
122 Bède le Vénérable, Vie de saint Curhbert (vers 721) : Sed et vobis quoque commodius esse arbitror ut hic requiescam, propter incursionem profugorum vel noxiorum quorumlihet. Qui cum ad corpus meum forte confugerint {...}, necesse habetis sepius pro talibus apud potentes saeculi intercedere, atque ideo de praesentia corporis mei multum tolerare laborem (éd. Colgrave, p. 278 ; trad. P. Timbal Duclaux de Martin, Le Droit d’asile..., 1939, p. 129-130).
123 B. W. Reynolds, « The mind of Baddo : assassination in Merovingian politics », dans Journal of Medieval History, 13, 1987, p. 117-124.
124 Par exemple, les émissaires d’Ébroin chargés d’assassiner saint Rambert lui refusent le droit de prier dans une église, vraisemblablement pour éviter qu’il ne bénéficie du droit d’asile. Voir Saint Rambert : un culte régional… op. cit., p. 137.
125 Capitulaire de Herstal (779), c. 8, forma communis : Ut homicidas aut caeteros reos qui legibus mori debent, si ad ecclesiam confugerint, non excusentur, neque eis ibidem victus detur (éd. MGH, Leg. II, Cap. Reg. Franc. I, p. 48).
126 Capitulaire saxon (785), c. 2 : Si quis confugiam fecerit in ecclesiam, nullus eum de ecclesia per violentiam expellere praesumat, sed pacem habeat usque dum ad placitum praesentetur, et propter honorem Dei sanctorumque ecclesiae ipsius reverentiam concedatur ei vita et omnia membra. Emendet autem causam in quantum potuerit et ei fuerit iudicatum ; et sic ducatur ad praesentiam domni regis, et ipse eum mittat ubi clementiae ipsius placuerit (éd. MGH, Leg. II, Cap. Reg. Franc. I, p. 68).
127 Concile de Mayence (813), c. 39 : Reum confugientem ad eclesiam nemo abstrahere praesumat neque inde donare ad poenam vel ad mortem, ut honor Dei et sanctorum eius conservetur. Sed et redores ecclesiarum pacem et vitam ac membra eis obtinere studeant ; tamen legitime componant quod inique fecerunt (éd. MGH. Leg. III, Conc. II, 1, p. 271).
128 Capitulaire de Charlemagne (803), c. 3 : Si quis ad ecclesiam confugium fecerit, in atrio ipsius ecclesiae pacem habeat, nec sit ei necesse ecclesiam ingredi, et nullus eum inde per vint abstrahere praesumat ; sed liceat ei confiteri quod fecit et inde per manus bonorum hominum ad discussionem in publico perducatur. (éd. MGH, Leg. II, Cap. Reg. Franc. I, p. 113). Reprise dans les Faux capitulaires (vers 846-852), c. I-93 (éd. PL 97, 713) = collection canonique de Mayence du IXe siècle, qui cite quant à elle l’ensemble du canon (Vatican, Bibl. apost., ms. Palat. Lat. 582, 14 r°).
129 P. Demolon, « Hordain (Nord) », dans L’Église et le terroir..., 1989, p. 59.
130 Cl. Lorren, « De l’Antiquité au Moyen Âge : un exemple de continuité de l’habitat, le village de Saint-Martin de Trainecourt à Mondeville (Calvados) », dans Actes du 105e Congrès national des sociétés savantes, Paris, 1983, p. 112.
131 La Collégiale Saint-Mexme de Chinon : histoire, archéologie, architecture. Catalogue de l’exposition présentée à Chinon du 13 août au 30 octobre 1990, Tours, 1990, p 58-62.
132 Information dans Archéologie médiévale, XXI, 1991, p. 280-281.
133 J. Roiseux, dans L’Habitat rural.... op. cit., p. 138.
134 V. Gallien, Deux Populations du haut Moyen Âge.... op. cit.. 1992, p. 76, 90. 78, 95.
135 Concile de Mayence (813), c. 40 : Praecipimus, ut in ecclesiis aut in domibus eclesiarum vel atriis placita saecularia minime fiant (éd. MGH, Leg. III, Conc. II, 1, p. 271).
136 Capitulaire de Quierzy (853), c. 12 : Volumus, ut secundum capitula avi et patris nostri et nostra mallus neque in ecclesia neque in porticibus aut atrio ecclesiae neque in mansione presbyteri iuxta ecclesiam babeatur ; quia non est aequum, ut ibi hommes ad mortem iudicentur et dismembrentur et flagellentur, ubi si confugerint, secundum aliud capitulum pacem habere debent. Domus vero, sicut in capitulis avi et patris nostri continetur ecclesiae et mansione presbyteri habeat, sicut in eisdem capitulis continetur (éd. MGH, Cap. II, p. 346-347).
137 Dans le cartulaire de Cluny, on trouve dès 912 une charte de donation rédigée dans un atrium : Actum Crucilia, atrio Sancta Maria (éd. A. Bernard, A Bruel, Recueil des chartes de Cluny, Paris, 1876, no 189, t. 1, p. 176-177).
138 M. Lauwers, La Mémoire des ancêtres... 1992, p. 251-254,
139 Par exemple concile de Verdun (1016), Lettre à Beatrix : Audite christini convenientiam pacis. Ecclesiam nttllo modo infringam. Atria ecclesiae non infringam, nisi propter ipsum malefactorum qui hanc pacem infregerit : et si ipsa atria infregero, nihil inde traham nisi ipsum malefactorem aut eius guarnimentum (éd. M. R. Bonnaud-Delamare, « Les institutions de paix dans la province ecclésiastique de Reims au XIe siècle », dans Bulletin philologique et historique du CTHS, 1955-1956, p. 148-149). Le serment de Guérin de Beauvais en 1023 mentionne quant à lui des cellaria, et non des atria (ibid.).
140 Règle du Maître, c. I, 74 : Qui per diversa semper vagando ignorant apud quem tedia sua suscipiant, et quod est ultimum, nesciunt ubi suam constituant sepulturam (éd. et trad. A de Vogue, t. I, SC 105, p. 346-347).
141 Isidore de Séville (mort en 636), Règle des moines, c. 24, De defunctis, c. 1 : Corpora fratrum uno sepelienda sunt loco, ut quos viventes charitatis tenuit unitas, morientes unus locus amplectatur (éd. PL 83, 894).
142 Saint-Gall, Stiftsbibliothek, ms. 1092.
143 Liber tramitis (début XIe siècle), c. 142 : Nam inter istam mansionem et sacristiam atque aecclesiam necnon et galileam sit cimiterium ubi laici sepeliantur (éd. CCM, X, p. 206). On retrouve la même séparation dans d’autres coutumiers monastiques plus tardifs, notamment la rédaction de Verdun des coutumes bénédictines (Xe-XIIe siècle) : Itaque corpora laicorum cum corporibus fratrum in uno coemeterio non ponentur (éd. CCM, VII-3, p. 426). Liber tramitis (début XIe siècle), c. 142 (éd. CCM, X, p. 206), c. 200 (ibid. p. 280), c. 206 (ibid. p. 284).
144 Liber tramitis (début du XIe siècle), c. 200 : Nichil agendum est pro eo a fratribus. nisi tantummodo corpus eius in cimiterio fratrum condiendum <est> vel in tali loco ubi talis defunctus mittatur. Nullo modo in populare cimiterio ponatur (éd. CCM, X, p. 280).
145 Capitulaire de Paderborn (795), c. 22 : Iubemus ut corpora christianorum Saxanorum adcimiteria ecclesiae deferantur, et non ad tumulus paganorum (éd. MGH, Leg. II, Cap. Reg. Franc. I, p. 69).
146 Pseudo-Iona, Vie de Vulfran de Sens (fin VIIIe-début IXe siècle), c. 9 : Haec audiens dux incredulus – nam ad fontem processerat, – et ut fertur, pedem a fonte retraxit, dicens, non se carere posse consortio praedecessorum suorum principium Fresionum et cum parvo pauperum numero residere in illo caelesti regno (éd. MGH, SS, RM, V, p. 668). Sur cet épisode et ses significations politiques, on peut consulter l’article de St. Lebecq, « Les Frisons entre paganisme et christianisme », dans Christianisation et déchristianisation, Angers, 1986, p. 34.
147 P. Demolon, « Les sépultures privilégiées mérovingiennes dans la France septentrionale », dans L’Inhumation privilégiée..., 1986, p. 57-68.
148 J. Renaud, Les Vikings et la Normandie, Rennes, Ouest-France, 1989 (De mémoire d’homme : l’historien), p. 63-64.
149 L. Musset, « Les sépultures des souverains normands... », 1986, p. 19-44.
150 Comme par exemple celles présentées dans le catalogue de l’exposition Les Vikings... Les Scandinaves et l’Europe. 800-1200 : 22· exposition d’art du Conseil de l’Europe. Grand Palais. Paris. 2 avril-12 juillet 1992, Paris, Association française d’action artistique, 1992, p. 186-187.
151 J. Renaud, Les Vikings et la Normandie, op. cit., p. 123.
152 J. Renaud, Les Vikings et la Normandie, op. cit., p. 121.
153 L. Coutil, « Archéologie gauloise, gallo-romaine, franque et carolingienne du département de l’Eure », dans Bulletin de la Société d’études diverses de Louviers, XIV, 1912-1913, p. 104-107.
154 Grégoire de Tours, Histoire des Francs (vers 575-594), livre IV, c. 39 : Currit mater exanimis et supra filii corpusculum orbata conlabitur, atque omnes familia voces planctus emittit. Verumtamen ad monasthirium Chrononensim (Cournon, Puy-de-Dôme) delatus, sepulturae mandatus, sed non iuxta christianorum cadavera positus, sed missarum solemnia non meruit (éd. MGH. SS. RM, I, p. 173 ; trad. R Latouche, p. 224-225).
155 J.-Cl. Schmitt, « Le suicide au Moyen Âge »..., 1976, p. 3-21.
156 Concile d’Orléans (533), c. 15 : Oblationes defunctorum, qui in aliquo crimine fuerint interempti, recipi debere censuimus, si tamen non sibi ipsi mortem probentur propriis manibus intulisse (éd. et trad. Gaudemet, Basdevant, t. 1, p. 202-203). Ce concile est repris, au VIIe siècle, dans la collection de Saint-Amand puis, dans la seconde moitié du IXe siècle, dans la collection de Beauvais.
157 Synode d’Auxerre (561-605), c. 17 : Quicumque se propria voluntate aut in aqua iactaverit aut collum ligaverit aut de arbore praecepitaverit aut ferro percusserit aut qualibet occasione voluntate se morti tradiderit, istorum oblata non recipiatur (éd. et trad. Gaudemet Basdevant, t. 2, p. 493) = Capitulaire d’Isaac de Langres (859-880), c. XI-32 (éd. PL 124, 1110) = Collection en 12 parties (XIe), c. LXV (Vatican, Bibl. apost., ms. Palat. Lat. 584, fol. 208v°) = Burchard de Worms, Décret (1008-1012), livre XIX, c. 131 (éd. PL 140, 1009).
158 Concile de Braga (561), c. 16 : Item placuit, ut hii, qui sibi ipsis aut per ferrum aut per venenum, aut per praeripitium aut suspendium vel quolibet modo violentiam inferunt mortem, nulla illis in oblatione commemoratio fiat, neque cmn psalmis ad sepulturam eorum cadavera deducantur Multi enim hoc sibi per ignorantiam usurparunt. Similiter et de bis placuit, qui pro suis sceleribus puniuntur* (éd. Vives et al., p. 74) = Halitgaire de Cambrai, Collection en 6 livres (vers 817-831), c. IV-6 (éd. PL 105, 681-682) = Faux Capitulaires (846-852), Add. 4, c. 81 (éd. PL 97, 899) = Pénitentiel du pseudo-Grégoire III (2e ½ IXe siècle), c. 32 (éd. Wasserschleben, p. 547) = Collection de Paris (IXe siècle) (Paris, Bibl. nat., ms. lat. 1927, fol. 58v°) = Burchard de Worms, Décret (vers 1008-1012), lib. XIX, c. 130 (éd. PL 140, 1009). Rajout à la fin du canon initial de cette phrase : exceptés his qui per infirmitatem a daemonibus ampiuntur dans le Pénitentiel de la Vallicelliane II (Xe-XIe siècle), c. 9 (éd. Schmitz, p. 354).
159 Par exemple, concile de Valence (855), c. 12 : Ille vero, qui occisus fuerit, tamquam sui homicida et propriae mortis spontaneus appetitor, a dominicae oblationis commemoratione habeatur alienus, nec cadaver eius, iuxta sanctorum canonum decretum, cum psalmis vel orationibus ad sepulturam deducatur (éd. MGH, Conc. III, p. 360).
160 Nicolas I, Réponse aux Bulgares (866), c. 98 : Si sit sepeliendus qui se ipsum occidit, vel si sit pro eo sacrificium offerendum, requiritis. Sepeliendus est quidem, ne viventium odoratui molestiam ingerat : non tamen est, ut aliis pavor incutiatur, solito cum obsequiis more ad sepulchra ferendus, sed et, si qui sunt, qui eius sepulturae studio humanitatis obsequuntur, sibi, non illi, qui sui exstitit homicida, praestare videtur (éd. MGH, Ep. VI, Karol. Aev. IV, p. 598).
161 Pénitentiel de Mersebourg (fin VIIIe), c. 121 : Si homo vexatus est a diabolo et nescit quid faciat, et vexans se ipsum occidit licit ut oreturpro eo (éd. Kottje, p. 160) = Judicia Clementi (vers 800), c. 12 (éd. Wasserschleben p. 434) = collection de Munich (Xe siècle) (Paris, Bibl. nat., ms. lat. 3878, fol. 90v°) = collection en 12 parties (XIe siècle), c. LXXV (Vatican, Bibl. apost., ms. Palat. Lat. 584, fol. 209v°).
162 Pénitentiel II de la Vallicelliane (Xe-XIe siècle), c. 9 : Placuit, ut qui sibi ipsis aut per ferrum aut per venenum aut per praecipitium aut suspendio, vel per quemlibet modum violentiae infertur rnortem, nulla pro illis in oblatione commemoratio fait, neque cum psalmis ad sepulturam eorum corpora deducantur [concile de Braga, 561], exceptis bis qui per infirmitatem a daemonibus ampiuntur (éd. Schmitz, p. 354).
163 Pénitentiel I de la Vallicelliane (fin VIIIe-début IXe), c. 6 : Si quis homo vexatus est diabolo et nescit qui facit et venans se ipsum occidit, licet ut oretur pro eo. Si vero pro desperatione aut pro timore occidit, non oretur pro eo (éd. Schmitz, p. 259).
164 Faux Capitulaires (846-852), c. II-70 : De eo qui semetipsum occidit aut laqueo se suspendit, consideratum est, ut si quis compatiens velit elimosinam dare, tribuat et orationem in psalmodiis faciat. Oblationibus tamen et missis ipsi careant ; quia incomprehensibilia sunt iudicia Dei et profunditatem consilii eius nemo potest investi gare (éd. PL 97, 758).
165 Concile de Braga (561), c. 16 : Similiter et de his placuit, qui pro suis sceleribus puniuntur (éd. Vivès et al., p. 74) = Halitgaire de Cambrai, Collection en 6 livres (817-831), c. IV-6 (éd. PL 105, 681) = Faux Capitulaires (846-852), Add. 4, c. 81 (éd. PL 97, 899) = Pénitentiel du pseudo-Grégoire III (2e moitié IXe) » c. 32 (éd. Wasserschleben, p. 547) = Collection de Paris (IXe) (Paris, Bibl. nat., ms. lat. 1927, fol. 58v°) = Collection de Munich (Xe siècle) (Paris, Bibl. nat., ms. lat. 3878, fol. 10r°) = Pénitentiel de la Vallicelliane II (Xe-XIe siècle), c. 16 (éd. Wasserschleben, p. 550) = Burchard de Worms, Décret (1008-1012), lib. XIX, c. 130 (éd. PL 140, 1009) = Collection en 12 parties (XIe siècle), c. LXVI (Vatican, Bibl. apost., ms. Palat. Lat. 584, fol. 208v°).
166 Pénitentiel d’Egbert (732-766), c. II-5 : Si quis seipsum occidit armis, vel aliis rebus diversis, diaboli instinctu, non est permission ut pro tali homine missa cantetur, vel cum aliqua psalmodia corpus terrae committatur. Idem tusfaciendum est illi qui pro delictorum suorum tormento vitam suam amittit (éd. PL 89, 408-416). Capitulaire de Hérard de Tours (858), c. 134 : De bis, qui sibi quacunque negligentia rnortem inferunt aut pro suis sceleribus puniuntur, nulla pro eis fiat oblatio, nec cum psalmis ad sepulturas ducantur (éd. PL 121, 774).
167 Par exemple, loi ripuaire, c. 75 (1) : Si quis hominem intertiaverit et infra placitum mortuus fuerit, in quadruvio cum retorta in pede sepeliatur, et ibidem ad diem placiti cum testibus accedat, et cum ipsis sex, qui eum sepelire viderunt, in barabo coniuret, quod ibidem ipse intertiatus absque interfectionem hominum, pecodum vel alterius rei, nisi a commune morte consumptus, sepultus iaceat et ipsam retortam in pedem babeat, et sic per ipsa retorta super ipso sepulchro semper de manu in maman ambulare debet, usque dum ad ea manu venit, qui eum inlicito ordine vendedit vel furavit. Quod si ita non fecerit, capitale et dil attira cum legis beneficium seu cum furtu culpabilis iudicetur. c. 75 (3) : Si quis autem eum interfecerit, nisi in quadruvio cum retorta sepultus fuerit, ipse capitale et dilatura cum texaga seu caenu werdunia vel legis beneficium culpabilis iudicetur. c. 75 (5) : Si homo commenditus vel fugitivus defunctus fuerit, similiter in quadruvio cum retorta in pede sepeliatur. Quod si ita non fecerit, ipse, qui eum post se retenuit, praetium rei cum legis beneficum culpabilis iudicetur (éd. MGH, Leg. I, Leg. Nat. Germ. III, 2, p. 125-126).
168 Vie de saint Éloi de Noyon (VIIIe siècle), c. 31 : Inter cetera autem infinita bonorum suorum opera etiam hoc apud regem obtinuerat, ut omnia humana corpora quae vel regis severitate vel iudicum censura diversis ex causis multimoda argumenta perimebantur, ubicumque invenire potuisset, sive per civitates seu per villas licentiam haberet et de bargis et ex rotis et de laqueis deposita sepelire (éd. MGH, SS, RM, IV, p. 687). Le mot de bargus, selon Ducange, désigne des branches ou des troncs d’arbres où étaient pendus les malfaiteurs.
169 Lettre de Césaire d’Arles à ses suffragants (534-535) : Nec illud credimus omittendum, ut hii, qui pro scelere suo a praesedibus seu a rectoribus populi fuerint interimpti, et saepultura in cymiterio christianorum habere et offerentium pro ipsis oblationis iuxta statuta cannonum indecamus licentiam non negari (éd. MGH, Ep. III, Mer Kar. Aev. I, p. 54).
170 Concile de Mayence (847), c. 27 : Quibus respondimus : si omnibus de peccatis suis puram confessionem agentibus et digne penitentibus communio in fine secundum canonicum iussum danda est, cur non eis, qui pro peccatis suis poenam extremam persolvunt ? Scriptum est enim : Non vindicat Deus bis in id ipsum (éd. MGH, Conc. III, p. 174).
171 L’épisode est raconté en détail par M. Sot, Un historien et son Église au Xe siècle, Flodoard de Reims, Paris, Fayard, 1993, p. 139, 167, 205.
172 Flodoard, Histoire de l’Église de Reims (vers 948), livre IV, c. 6 : Monens ut, comiderato communi periculo, imitetur communis Domini pietatem, et huic peccatori remedium poenitentiae in ultimis deprecato impendat misericordiam, ut et orari pro eo faciat, et per seipsum reconciliationem, animaeque commendationem more Christiano persolvat ; eumque de loco pervio, in quo non sepultus sed proiectus erat, ad coemiterium fidelium transferat (éd. et trad. Lejeune, p. 476).
173 Arno de Salzbourg, Instruction pastorale (fin VIIIe-début IXe siècle), c. 16 : Et hoc secundum priscorum patrum antiquos canones omnino observare debemus, ut qui ab universale synodo pro certis criminibus excommunicatus fuerit, ante emendationem et conversationem vitae suae non suscipiatur ab aliquo, non episcopo, non presbytero, non diacono, non laico et nullus ornnino de populis ecclesiae. Et si pertinax perseveraverit et noluerit converti ad unitatem ecclesiae, non post mortem memoria eius nec nomen scriptum nec oblationes pro illo offerre in ecclesia catholica non debeant, nec suas elymosinas recipere (éd. Étaix, p. 122).
174 Concile de Mâcon (855), c. 2 : Sed neque defunctis postmodum, si sacerdotalem absolutionem per culparum suarum humilem confessionem prius non meruerint, more fidelium exsequie cum psalmis et sacris precibus celebrabuntur neque ulla post obitum mentio ad altare domini nominis eorum inter fideles defunctosfiet (éd. MGH. Conc. III, p. 376).
175 Concile de Reims (900) : Nullus presbyter missas aliquando coram celebrare, nec si infirmati fuerint, confessiones eorum recipere, vel sacrosanctam communionem eis, nisi resipuerint, etiam in ipso fine vitae suae praesumat ttnquam dare : sed sepultura asini sepeliantur, et in sterquilinium super faciem terrae sint, ut sint in exemplum opprobrii et maledictionis praesentibus generationibus et futuris. Et sicut hae lucernae de nostris proiectae manibus hodie extinguuntur, sic eorum lucema in aeternum extinguatur (éd. Mansi, XVIIIA, 184).
176 Réginon de Prüm, Livre des causes synodales (vers 906), livre II, c. 416 : Sepultura asini sepeliatur (éd. Wasserschleben, p. 375).
177 J. Bernhard, « Excommunication et pénitence-sacrement aux premiers siècles de l’Église : contribution canonique », dans Revue de droit canonique, 1965, XV, p. 265-281.
178 L. K. Little, Benedictine Maledictions.... 1993, p. 30-44.
179 J. Chélini, L’Aube du Moyen Âge..., 1990, p. 385.
180 E. Voloda, Excommunication in the Middle Ages, Berkeley, London, University of California Press, 1986, p. 13.
181 Hincmar de Reims, Opuscule en 55 chapitres contre Hincmar de Laon, c. 30, titre : Qua ratione solvi queant excommunicationes non legitimae, et de iis qui iniuste excommunicant (éd. PL 126, 407).
182 Par exemple capitulaire aux missi (803), c. 2 (éd. MGH, Leg. II, Cap. Reg. Franc. I, p. 115) ; capitulaire de Pitres (869), c. 10 : Ut nemo episcopus, nemo presbyter excommunicet aliquem, antequam causa probetur, propter quam ecclesiastici canones hoc fieri iubent, et donec illum, qui peccavit et inde aut sponte confessas aut aperte convictus fuerit, secundum evangelicum praeceptum, ut ad emendationem et poenitentiam redeat, communitum habeat (éd. MGH, Leg. II, Cap. Reg. Franc. II, 335-336).
183 « A kind of first-class excommunication ». L. K. Little, Benedictine Maledictions..., 1993, p. 32.
184 L. K. Little a récemment fait le point sur les malédictions ; cf. Benedictine Maledictions..., 1993.
185 Éd. L. K. Little, « La morphologie des malédictions monastiques », dans Annales ESC, 1979, no 1, p. 52.
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